Title : La boucle de cheveux enlevée
Author : Alexander Pope
Translator : Madame de Caylus
Release date
: June 2, 2008 [eBook #25680]
Most recently updated: January 3, 2021
Language : French
Credits : Produced by Pierre Lacaze. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica)
Produced by Pierre Lacaze. This file was produced from
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Traduit de l'Anglois par Mr. **
Chez FRANÇOIS LE BRETON pere, Libraire à la descente du
Pont-neuf, près la rue de Guenegaud, à l'Aigle d'or.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
Comme j'ai l'honneur de vous dedier ce petit ouvrage, il seroit inutile de dissimuler que j'en fais quelque cas. Vous sçavez qu'il n'a esté composé, que pour amuser de jeunes Dames d'un esprit bien-fait & toujours prestes à rire des petites folies de leur sexe, & meme des leurs. J'en donnai d'abord en secret quelques copies qui bientost se multiplierent; mais un Libraire se preparant à en faire imprimer un exemplaire qui estoit tres-defectueux, vous eustes la bonté de consentir que je lui donnasse l'original meme, pour le rendre public; ce qui m'engagea à retoucher mon Poëme, ou plutost à l'achever, parce qu'il estoit alors sans Machine .
La Machine , MADAME, est un terme inventé par les Sçavans, pour exprimer l'action des Divinitez, des Anges, ou des Demons; & c'est ce qui constitue le merveilleux du Poëme. Car les Poëtes ressemblent un peu aux Dames, qui ont le talent de grossir les plus petites choses.
La Machine que j'ai employée, vous paroistra nouvelle & un peu étrange, l'ayant empruntée du sistême des Cabbalistes. Sçavez-vous bien, MADAME, ce que c'est que les Cabbalistes? Il faut que vous fassiez connoissance avec eux. Celui qui vous les fera mieux connoistre, sera un Auteur François, dans son Livre intitulé, Le Comte de Gabalis , qui par son titre, & par sa construction, ressemble tellement à une historiette, que je connois quelques femmes qui sans y entendre finesse, l'ont lû, comme un Roman ordinaire.
Or ce Comte de Gabalis vous apprendra, que les quatre elemens sont peuplés d'Esprits, appellez Silphes, Gnomes, Nymphes, Salamandres. Les Gnomes sont les Demons, qui logent dans la Terre, & qui sont, dit-on, des Esprits tres-malfaisans. L'eau est le sejour des Nymphes, comme le feu est celui des Salamandres. A l'égard des Silphes, qui sont repandus dans l'air, ce sont les plus jolies & les plus aimables creatures du monde. On assure, qu'on peut aisement lier commerce avec eux, à une certaine condition, qui à la verité ne convient pas à tout le monde: c'est d'estre excessivement chaste.
Ce sistesme des Esprits est exposé dans mon premier chant. Tout ce qui est contenu dans les autres chants est egalement fabuleux, à l'exception, MADAME, de l'enlevement de votre charmante Boucle de Cheveux, qui comme vous sçavez est une avanture un peu plus réelle, que leur Metamorphose. Tous les Heros du Poëme ne sont pas moins des Estres imaginaires, que les Esprits aëriens qui y agissent. Belinde même, ne vous ressemble, que par la beauté & les agremens.
Si je pouvois me flater, que mes vers eussent une partie de vos graces, je réunirois, comme vous, tous les suffrages, & je serois gouté au moins d'une moitié du monde. Quelque soit mon sort, je me sçaurai toujours bon gré, d'avoir trouvé cette heureuse occasion, de vous temoigner publiquement l'estime & le respect avec lequel je suis, MADAME, votre tres-humble & tres-obéissant serviteur_
PREFACE du Traducteur.
Voici la traduction d'un petit Poëme Anglois de l'illustre Mr. Pope, le premier Poëte moderne de l'Angleterre. Entr'autres Ouvrages qu'il a donnez au public, il est auteur de la fameuse Tragedie de Caton d'Utique , & de la traduction en vers Anglois de l'Iliade d'Homere, qui a été si justement louée par Monsieur de Voltaire dans son Essai sur la Poësie Épique , traduit nouvellement de l'Anglois en François, & imprimé à Paris. On vient aussi de traduire & de publier les discours sensez & ingenieux, dont Monsieur Pope a accompagné sa traduction de l'Iliade; & on est obligé d'avoüer qu'on n'a jamais rien écrit de plus judicieux en faveur d'Homere.
La traduction de ce Poëme Heroïcomique, intitulé en Anglois, The rape of the Lock , pourra contribuer à faire voir l'erreur du préjugé où nous sommes, que la Nation Angloise n'a en partage que le serieux & le profond, & ne peut atteindre comme nous à la fine plaisanterie, à la satyre délicate, & à l'élegant badinage. Il est vrai que les Voyages de Gulliver ont déja commencé à nous détromper; mais comme ils n'ont pas été publiez en François tels qu'ils ont paru en Anglois, & que le Traducteur de son aveu a beaucoup retranché & beaucoup ajouté, le succès que ce Livre a eu en France, en faisant honneur à Monsieur Swift, qui en est l'Auteur, nous a toujours laissé croire, que son ouvrage avoit besoin qu'on y mît la main, surtout depuis qu'on a vu à Paris ces mêmes Voyages de l'édition de Hollande, traduits fidellement & mot à mot.
Il n'en sera pas de même de la traduction qu'on donne ici du Rape of the Lock , qui est très-litterale. On n'a rien ajouté ni rien retranché; & si elle renferme quelques differences, elles sont legeres & dans les regles. Car il est hors de doute, que lorsqu'on traduit, il est quelque fois necessaire de préferer les expressions équivalentes à celles qui répondent directement & immediatement aux termes de l'original; sans quoi une traduction, pour estre trop scrupuleusement fidele, deviendroit réellement infidele, & deshonoreroit injustement l'Auteur qu'on traduit.
Je ne crois pas qu'on trouve rien dans notre langue de plus ingenieux, dans le genre badin, que la Boucle enlevée de Mr. Pope, qui lorsqu'il fit ce petit Poëme n'avoit, dit-on, que vingt ans: seul âge où il convient de s'amuser à faire des vers de cette espece, & peut-estre de quelque espece que ce soit.
Ce qui fit éclore cet ouvrage fut une avanture arrivée en 1712 à Madame Femor , à laquelle il le dédia. La mediocrité d'un sujet aussi sterile en apparence, ne servit qu'à faire estimer davantage le genie & le bel esprit de l'Auteur. Le Poëme de la Boucle enlevée est parmi les Anglois ce que le Lutrin est parmi nous, si ce n'est qu'il est, ce semble, plus enjoüé, & plus galant.
Il eût peut-estre été à propos de le traduire en vers; mais outre que le travail eût été plus penible, on n'avoit pas lieu d'esperer d'y réussir. D'ailleurs une prose poetique frape également l'imagination & a une certaine liberté que nos vers n'ont point.
Quoique cette traduction soit fort au-dessous de l'original, on présume qu'elle plaira, parce que les beautez de l'Auteur couvriront les défauts du Traducteur.
On trouvera dans ce petit Poeme de l'invention, du dessein, de l'ordre, du merveilleux, de la fiction, des images & des pensées; en un mot ce qui constitue la vraie poesie. On y remarquera un comique riant, fort éloigné du fade burlesque, des allusions satyriques sans être offençantes, des plaisanteries hardies sans être trop libres, & des railleries délicates sur le beau sexe, peut estre plus capables de lui plaire, que toutes les fleurettes de nos madrigaux, & de nos Bucoliques modernes.
Nous n'avons point encore vu de poeme dont le merveilleux, & ce que les Anglois appellent, the machinery , fut tiré du sistesme imaginaire des Cabbalistes: l'usage qu'en a fait Monsieur Pope montre que ces idées sont très-favorables à la poesie; mais il faut avoüer aussi, que ce n'est que dans un poeme de ce genre, qu'elles peuvent avoir lieu. Au reste on voit dans l'Epître Dédicatoire de Mr. Pope, que de son aveu il a beaucoup profité du Livre de l'Abbé de Villars, intitulé le Comte de Gabalis .
On espere que ce petit ouvrage ne plaira pas seulement aux Dames, mais qu'il sera même estimé de ceux qui ne regardent un Vaudeville, qu'avec des yeux sçavans; ils y verront toutes les proportions observées, comme dans le poeme le plus serieux, & tous les grands principes de l'Epopée suivis fidellement.
Celui qui publie aujourd'hui ce poeme en François, attend du public la reconnoissance dûe à un Voyageur qui apporte dans sa patrie une fleur des Païs étrangers.
Traduit de l'Anglois par Mr. **
Je chante une cruelle offense causée par l'Amour, & une querelle serieuse née d'une hardiesse badine. Muse, je consacre ces vers à Tirsis, & je me flate que Belinde daignera les lire. Quoique je traite de petites choses, je meriterai de grands éloges, si l'une m'inspire & si l'autre m'applaudit.
O Déesse, dis-moi, quel étrange motif porta un jeune Seigneur à attaquer une belle. Apprend-moi quelle cause encore plus extraordinaire força la belle à résister au jeune Seigneur. Peut-il y avoir tant de dureté dans un coeur tendre, & tant de courage dans un petit Maître?
Le Soleil perçoit au travers des rideaux blancs, & par de timides rayons essaioit d'ouvrir des yeux qui le devoient éclipser. Déja les chiens favoris sécoüoient leurs oreilles; les amans qui se plaignent de ne dormir jamais, commençoient à s'éveiller: il étoit midi. Trois fois les pantoufles avaient frappé le plancher; trois fois les sonnetes avoient appellé, & les montres pressées du doigt avoient fait entendre leur son argentin. Cependant Belinde, languissamment étenduë sur ce duvet, dormoit encore. Un Silphe attaché à la belle prolongeoit son repos, & avoit conduit à son lit le Songe du matin, qui voltigeoit sur sa tête & la couvroit de ses aîles.
La belle croit voir un jeune homme, plus brillant que n'est un petit Maître le jour d'une ceremonie, s'avancer dans sa ruelle. A cet aspect, quoiqu'en songe, elle rougit: ce jeune homme, qui étoit un Silphe, approche alors de son oreille ses lévres séduisantes, & lui parle en ces mots:
O la plus belle des mortelles: O toi les délices & l'objet des désirs de mille habitans de l'air: si jamais dans l'enfance ton esprit fut ému de ce que ta nourrice t'enseigna au sujet des esprits aëriens, prête l'oreille à ma voix & sois docile:
Connoi d'abord ton excellence & ta grandeur, & ne borne point ta vûë aux objets terrestres & materiels. Il est des véritez secrettes, ignorées des orgueilleux Philosophes, & revelées seulement aux vierges & aux enfans. L'incredulité rebelle n'ajoutera point de foi à celles que je vais t'annoncer; il n'est donné qu'à la beauté & qu'à l'innocence de les croire.
Apprend donc que des legions innombrables d'esprits t'environnent sans cesse. Cette milice legere de la region inferieure de l'air, quoiqu'invisible à tes yeux, t'accompagne par tout, même aux cercles & aux spectacles: pense à cet aërien cortege, & tu ne verras plus qu'avec mépris un Seigneur suivi de deux pages.
Notre antiquité est égale à celle du monde: nous fumes autrefois renfermez dans les plus beaux corps des femmes; mais nous passames ensuite de ces corps terrestres dans des corps aëriens.
Ne croi pas que lorsque les femmes meurent, leurs goûts meurent avec elles: elles les conservent toujours. Si elles ne joüent plus, elles regardent avec plaisir les cartes qu'elles ont aimées; la vûë d'un jeu d'ombre les divertit & les amuse; si elles ne brillent plus dans leurs chars, elles aiment au moins à voir des équipages magnifiques; leurs ames retournent toujours à leur premier élement, dont elles empruntoient leur caractere. Les femmes fieres & hautaines deviennent des Salamandres, & s'élevent toujours avec le feu, leur éternel séjour: celles qui ont été douces & complaisantes vont habiter les eaux & coulent comme elles: elles boivent avec les Nimphes le thé élementaire. Les prudes transformées en Gnomes descendent dans les entrailles de la terre, & vont de tous côtez cherchant à faire du mal. Les vaines & les coquettes, changées en Silphes, voltigent & folatrent dans les airs. Mais apprend quel est notre privilege: dégagez des liens mortels, nous pouvons à notre choix changer de forme & de sexe, & caresser les femmes belles & chastes, qui méprisent les terrestres amours. Nous les garantissons des piéges qu'on leur tend dans les bals & dans les mascarades nocturnes: nous les préservons de l'ardeur devorante des témeraires amans; envain on les lorgne pendant le jour; envain on chuchete avec elles dans les ténebres: nous les rendons froides & dédaigneuses, même lorsque l'occasion favorable les invite à la volupté, que la danse les anime, que la musique leur amollit le coeur: Enfin ce qu'on appelle ici bas la sagesse d'une femme, n'est que l'inspiration de son Silphe.
Il y en a quelques-unes destinées par le Ciel aux embrassemens des Gnomes. Ce sont d'ordinaire celles qui sont idolâtres de leur beauté. Dirigées par ces esprits jaloux, qui fomentent leur orgueil, elles méprisent les hommes qui leur font la cour; elles dédaignent leurs hommages & leurs presens. Les Gnomes s'appliquent sans cesse à détourner les flateuses idées qui pourroient faire impression sur elles. Lorsqu'un Seigneur par exemple fait briller à leurs yeux l'Hermine & la Jaretiere, ou qu'elles entendent prononcer les mots séducteurs de Duc , & de Milord ; c'est alors que les Gnomes redoublent leurs soins.
D'autres Gnomes se donnent un autre emploi: ils president aux regards des coquettes; ils apprennent aux jeunes filles à conduire habilement leurs yeux; ils sont cause que leurs joües se couvrent à propos d'une rougeur de commande, tandis que leurs coeurs palpitent à la vûë d'un joli homme.
Les Silphes ont des vûës plus délicates & plus épurées. On croit souvent qu'une jeune personne s'égare; c'est qu'on ignore les desseins misterieux du Silphe qui la guide: il la conduit comme par la main, dans un labirinthe, au milieu des amans & des amours. Quelquefois pour la guérir d'une folie, il lui en inspire une autre: Par exemple, quelle fille tendre & reconnoissante ne seroit pas gagnée par un present magnifique offert adroitement, si un autre galant plus habile, en lui donnant le bal, n'effaçoit le souvenir du present? Lorsque Florio parle, quelle beauté résisteroit à son langage seducteur, si en même tems le beau Damon sans être apperçu ne lui serroit la main?
Ce sont là les soins favorables des Silphes: ils conduisent tout avec habileté. Toujours attentifs à la conservation de l'honneur des femmes, ils opposent finement à de beaux cheveux, d'autres qui ne le sont pas moins, & à la haute taille, la grace & le bon air. Ils combattent les plumets par d'autres plumets, & les équipages par d'autres équipages. Enfin tout ce qui est capable de séduire, est repoussé par des charmes plus puissans. Les mortels aveugles appellent legereté & coquetterie, ce qui n'est l'effet que de la sage conduite des Silphes.
Je suis de ce nombre: mon nom est Ariel: je te protege & je veille sur toi.
Il n'y a pas long-tems que parcourant le vaste espace des airs, je vis dans le miroir de ton étoile dominante (le dirai-je?) je te vis menacée d'un funeste accident: Avant que le soleil se couche, tu en ressentiras les redoutables effets; mais quel sera ce malheur, comment, & de quel part il doit venir, quelles suites il doit avoir, les Cieux ne me l'ont point revelé. Veille sur toi, fille chaste; ni ma vigilance ni mes soins ne peuvent te soustraire aux arrêts du Destin; sois donc toi-même attentive, & surtout garde-toi de l'Homme.
Il dit; & alors Mirine qui ne pouvoit plus supporter le long sommeil de sa Maîtresse, sauta sur le lit, aboïa, & vint à bout de la reveiller. Si la renommée ne nous a pas trompez, tes premiers regards, O Belinde, tomberent sur un billet doux.
A peine commençoit-elle de lire, & d'y voir des plaïes, des peines, des martyres, des ardeurs, qu'elle oublia son songe. Elle sort du lit à demie nuë, & s'approche d'une table où mille vases d'argent étoient placez, & disposez dans un ordre misterieux. Alors vêtue de blanc & la tête nuë, elle adore attentivement les puissances du monde; une céleste image paroît dans un miroir, elle fixe ses yeux sur elle; c'est l'unique objet de ses pieux regards. Une Prêtresse inférieure, dans une humble attitude, est à côté de l'autel où la vanité préside.
Celle-ci commence les sacrez rites: alors se découvrent de précieux trésors, sources d'ornemens & de beautez pour la Déesse. On voit briller dans de petits coffres les perles & les pierres les plus précieuses des Indes; les parfums de l'Arabie sortent des flacons d'or, qui les renferment; la tortue & l'éléphant unis se transforment en peignes; les épingles & les éguilles sont rangées en escadrons; ici l'on voit confondus, la poudre, la pâte, la Bible, & les billets doux.
Déja l'imperieuse beauté prend ses armes, & à chaque instant son visage acquiert de nouveaux agrémens; les graces se reveillent, le sourire en est plus doux, l'éclat du teint naît insensiblement, les yeux brillent d'une lumiere plus vive. Les Silphes s'empressent autour d'elle, ils ornent sa tête, arrangent ses cheveux, donnent un bon air à sa manche, étalent sa juppe. Sylvie s'applaudit d'une adresse, qui n'est pas la sienne.
Le soleil sortant de l'onde n'eut jamais tant d'éclat que Belinde, lorsqu'elle sortit de son Palais, pour se rendre sur la Tamise. Elle étoit accompagnée des femmes les plus belles & des jeunes hommes les mieux faits, tous superbement parez.
Belinde seule attire les regards & les coeurs; on voit sur la gorge d'albatre une croix étincelante, qu'un Juif auroit baisée, & qu'un Infidele auroit adorée; la vivacité de son esprit paroît dans ses yeux, qui s'arrêtent aussi peu que ses pensées; elle distribuë également les charmes de son sourire; mais elle n'accorde de grace à aucun; elle reprime les désirs sans offenser les amans; éblouissante, comme l'astre du jour, elle répand, comme lui, de tous côtez une lumiere égale; elle plaît sans songer à plaire; son air est noble sans orgueil: sans hauteur elle imprime le respect; elle sçait cacher habilement ses petits défauts, si on peut dire que les belles ayent quelque chose à cacher. Ces petits défauts même sont sur le compte de son sexe. Mais on la voit & on les oublie.
Elle portoit d'ordinaire, pour le supplice des coeurs, deux Boucles de cheveux, quelle noüoit galamment, & qui retombant en ondes égales sur le plus beau cou du monde, en relevoient la blancheur.
Ces Boucles charmantes étoient une chaine précieuse, dont l'Amour se servoit pour attacher ses captifs. Les oiseaux & les poissons se prennent aux filets: les beaux cheveux prennent les coeurs.
Un Baron audacieux, frappé de l'éclat de ceux de Belinde, les désire & forme le projet d'en faire la conquête. Uniquement attentif au succès, il veut employer pour y parvenir & la force & la ruse. Le choix de l'une ou de l'autre importe peu aux amans, pourvû qu'ils obtiennent ce qu'ils désirent.
Dans ce dessein il invoque le Ciel avant que le jour paroisse: il adore les puissances célestes, & s'adressant surtout à l'Amour, il lui érige un autel composé de douze gros volumes de Romans François: il déploye trois jarretieres, un gand, avec autres pareils trophées de ses premieres amourettes. Ses lettres, ses billets doux, allument le feu; trois soupirs qu'il pousse, excitent la flamme; il se prosterne, il prie avec des yeux ardens, que ce trésor puisse être bien-tôt & toujours en sa puissance. L'Amour l'entend; mais il n'exauce que la moitié de ses voeux; les vents dissipent le reste dans les airs.
Cependant le vaisseau galamment équipé, où Belinde étoit entrée, s'avance sur la Tamise. Une délicieuse harmonie de voix & d'instrumens se perd dans les airs & glisse sur les eaux; les Zephirs badinent sur l'onde calme; Belinde rit, & la joïe regne autour d'elle.
Les sentimens d'Ariel étoient bien differens: le malheur dont elle est menacée par les astres le rend triste & reveur. Il convoque les habitans de l'air, & à ses ordres le leger escadron accourt: ils se placent à l'instant sur les cordages du Vaisseau, & agitent l'air par ce mouvement subit & rapide: on croit entendre le soufle aimable des Zephirs; les uns déployent au soleil leurs aîles brillantes, les autres se plongent dans un nuage d'or; d'autres planent dans les airs. Leur forme transparente & leurs corps fluides, dissous par la lumiere, ne peuvent être vus par des yeux mortels; les Zephirs se joüent dans leurs habits, tissus d'une rosée filée & teinte dans le Ciel, sur lesquels la lumiere produit mille couleurs, selon le mouvement de leurs aîles.
Ariel assis sur le grand mât doré, environné des autres Silphes, qu'il surpasse de la tête, étend ses plumes de pourpre, éleve son sceptre d'azur, & leur parle ainsi:
O vous Silphes, & Silphides, prêtez l'oreille à votre chef, & vous, Genies, Fées & Lutins, écoutez attentivement. Vous sçavez quels sont les differens emplois que le Ciel a destinez au Peuple aërien; que les uns badinent dans l'air le plus pur, que d'autres s'embellissent aux rayons du soleil; que ceux-ci conduisent dans le Ciel les Planetes bienfaisantes, que ceux-là dans les espaces immenses prennent soin des Cometes redoutables; que dans la lune il y a des Silphes chargez du soin de recueillir & de ratacher au Firmament les étoiles tombantes, & de former les broüillards de l'air le plus grossier; que d'autres peignent l'Iris, déchaînent les vents, pétrissent les tempêtes, ou répandent sur les sillons les pluïes favorables; que d'autres président sur la nature humaine, épient la conduite des hommes, pendant que les chefs ausquels ils sont soumis, avec des Armées puissantes gouvernent les Nations, soutiennent les Monarchies, & fondent les Empires.
Pour nous, nous présidons sur les belles: doux soin, emploi galant, quoiqu'en apparence peu glorieux: Toute notre étude, vous le sçavez O Silphes, est de garantir du vent du Nord la poudre de leurs cheveux, d'empêcher que le parfum des essences ne s'évapore, d'emprunter des fleurs nouvelles les couleurs les plus vives, de dérober quelques goûtes de l'arc-en-ciel, pour en faire de l'eau qui conserve la fraicheur de leur teint, d'étendre délicatement un rouge trompeur sur leurs jouës pâles, de friser leurs cheveux, de placer leurs mouches, de donner enfin de la grace à leurs moindres actions, & de les rendre aimables de toute maniere: de faire même que dans leurs songes elles portent si loin l'idée des modes, qu'à leur réveil elles puissent les perfectionner, ou en inventer de nouvelles.
Mais, helas! ajouta-t-il, un augure funeste menace en ce jour la plus belle des femmes, dont jamais les Silphes prirent soin. Quel sera ce desastre, quel en sera l'auteur? C'est ce que les Destinées tiennent encore enseveli dans une profonde nuit.
Non, je ne sçai, continua-t-il, si la Nymphe doit enfraindre les Loix de Diane, ou si elle doit seulement casser une porcelaine, si son honneur ou son habit recevra quelque tache, si elle perdra son coeur ou son évantail au bal, ou si enfin la destinée a déterminé qu'il arrive un malheur à son petit chien.
Vous donc, Esprits, soyez attentifs à vous acquitter de l'emploi dont je vous honore: Zephirette prendra soin de son évantail: A toi, Brillant, je confie ses pendans d'oreilles; Momentille gardera sa montre; Crispine veillera sur ses belles boucles de cheveux; & moi, Ariel, je serai attentif à Mirinne sa chienne. Mais cinquante Silphes choisis seront commis à la défense de son juppon: les juppons cedent souvent aux assauts, quoiqu'ils soient défendus par des juppes respectables, par des plis sept fois redoublez, par des pallissades de franges, & par un vaste rempart de baleine.
Celui, ajouta-t-il, qui ne remplira pas l'office que mes soins prévoyans lui confient, payera cher sa faute; il servira de bouchon à quelque flacon de cristal, il sera cloué avec des épingles, il sera jetté dans une eau immonde, il demeurera plusieurs années en sentinelle au trou d'une éguille; de la gomme & de la pommade lui colleront les aîles. Envain il se fatiguera pour essaïer de voler; des vapeurs constipantes dessecheront son corps leger; il deviendra comme une fleur fletrie; attaché à une roüe, il sera comme un autre Ixion, exposé à la fumée d'un chocolat ardent; il brulera, épouvanté de cette vaste mer qu'il verra toujours écumante à ses pieds.
Il dit, & aussi-tôt les Silphes dociles descendirent & se posterent autour de Belinde: ceux-là se nichent dans ses cheveux, ceux-ci se jettent sur son évantail; d'autres accourent aux pendans d'oreilles. Mais tous avec des coeurs palpitans & consternez, attendent le funeste accomplissement des ordres du Destin.
Dans ces agréables plaines, où la Tamise, qui les arrose, se plaît à contempler en elle-même les superbes tours de Londre, on voit un [1]Palais magnifique qui tire son nom du Village d'Ampton, dont il est voisin. C'est-là que les Ministres Britanniques réglent la destinée des États de l'Europe; & c'est-là, grande Reine Maîtresse de trois Royaumes, que tu viens prendre & les avis de ton Conseil & du thé.
[Note 1: Amptoncourt Maison Royale.]
Ce fut dans ces beaux lieux que la compagnie se rendit, pour s'entretenir utilement pendant quelques heures. Les uns parlent d'une visite renduë, d'autres d'un bal remarquable par la magnificence & la galanterie; ceux-ci vantent la gloire de la Reine des Isles Britanniques, ou la beauté d'un écran des Indes, & ceux-là interprêtent les mouvemens, les signes & les regards. On entend à chaque mot fletrir une reputation; & s'il arrive que la conversation soit pour quelques momens suspenduë, l'évantail & la tabatiere la soutiennent; on chante, on rit, on lorgne, & le reste.
Cependant le soleil étoit plus qu'à la moitié de sa course, & dardoit plus obliquement ses rayons. Déja les Juges affamez se hâtoient de signer leurs sentences, & les Criminels couroient se faire pendre, pour laisser dîner les Juges: les Marchands sortoient de la Bourse pour s'en retourner chez eux, avec la tranquillité ordinaire de leurs consciences; & les longs travaux de la toilette avoient cessé.
Belinde, que le désir de la gloire anime, défie au combat deux redoutables Cavaliers, & veut seule décider de leur destin; son air triomphant annonce sa victoire prochaine. Trois escadrons qui contiennent chacun le sacré nombre de neuf, prennent les armes; Belinde range les siens en ordre. Aussitôt la Garde aërienne descend avec rapidité, & se partage chacun selon son grade sur les joyeux combattans; Ariel comme le chef, s'établit sur le premier Matador; car les Silphes se souvenant de leur origine, & d'avoir été femmes, sont délicats sur les préséances.
Quatre terribles Rois, que leurs moustaches blanches & leurs longues barbes rendent encore plus majestueux, s'empressent de paroître sur le champ de bataille; quatre belles Reines les accompagnent, & pour marquer la douceur de leur Empire, elles portent des fleurs dans leurs mains. Leurs fideles esclaves les suivent, la hallebarde à la main, & le chapeau sur la tête: ils sont soutenus d'une troupe distinguée, par le nombre des devises & des figures. Alors Belinde dit: Que Pique soit triomphe, & Pique fut triomphe.
Aussi-tôt la fiere Heroïne fit agir ses noirs Matadors semblables par leur audace aux chefs des Africains; l'invincible Spadille entraîne après lui deux triomphes enchaînez: Deux encore plus considerables tombent abbatus par Manille, qui marche avec tout l'orgueil de la victoire: Baste paroît ensuite, mais avec moins d'avantage; il ne ramene qu'un triomphe avec un Plebeïen.
Cependant le Roy de Pique s'avance d'un air venerable, avec un large sabre à la main; il ne découvre qu'une de ses jambes: un ample manteau cache le reste de sa personne. Un esclave rebelle ose le défier & l'appeller au combat: mais aussi-tôt il tombe, victime de la vengeance Royale; un esclave de Treffle a le même destin.
O cruel sort de la guerre! ce fier [2]Quinola qui dans une autre bataille eût terrassé Rois & Reines, & détruit lui seul des Armées entieres, tombe maintenant sans honneur sous cette épée victorieuse.
[Note 2: Allusion au jeu du Reversi, où le valet de Coeur est la principale carte, & s'appelle le Quinola.]
Les deux Guerriers avoient ainsi cedé jusqu'alors l'avantage à Belinde; mais la fortune devient favorable au Baron, & ramene au combat la vaillante Amazone compagne du Roy de Pique; elle court sur le tyran des Treffles le blesse & lui fait vomir son ame noire: Que lui sert le Diadême qu'il porte sur le front & ses gigantesques membres? Que lui sert de traîner une pompeuse robe, & de porter lui seul entre tous les Monarques un globe dans sa main?
Le Baron sans perdre de tems conduit alors son escadron de Carreaux, dont le Roy richement paré, dans une attitude de profil, ne fait voir que la moitié de son visage: il réunit ses forces avec celles de sa brillante compagne: tous deux renversent & mettent en desordre les escadrons ennemis: On voit alors Coeurs, Carreaux & Treffles dispersez & blessez tomber en differentes manieres, ainsi que des armées Afriquaines & des bataillons Asiatiques; un grand nombre de Nations differentes par leurs habits & par leurs couleurs est également mis en déroute; les escadrons se poussent & s'accumulent en tombant; une même destinée les envelope tous. Dans ce desordre un esclave de Carreau, à la honte du sort, l'emporte sur la Reine des Coeurs.
Belinde s'étonne; elle tremble, & pâlit à la vûë du menaçant Codille: elle voit sa perte assurée; mais il arrive ordinairement dans les cas extrêmes, que notre salut dépend des plus foibles circonstances. L'As de Coeur se met en marche & s'avance: cependant le Roy qui se tient caché dans les mains de Belinde, encore consterné d'avoir vû traîner sa femme captive, regarde cet As, & ne respirant que la vengeance, s'élance sur lui & le dompte.
Belinde pousse alors un cri de joïe en frapant des mains; les vallées, les montagnes & les fleuves en retentissent. Aveugles & foibles mortels, toujours enflez dans la properité & abbatus dans l'adversité! Bientôt cette gloire s'évanoüira, & ce memorable jour sera à jamais détesté.
Mais déja les vases les plus précieux de la Chine couvrent une table; le caffé s'écrase & se réduit en poudre; une lampe s'allume; l'esprit de vin produit une flamme azurée: On dresse l'autel, selon les cérémonies du Japon; cette liqueur fumante qui charme deux sens à la fois, se verse avec abondance, & remplit un nombre infini de coupes. Les Silphes agités sont autour de la charmante Belinde: les uns rafraichissent son caffé, d'autres étendent leurs aîles pour garantir sa parure.
Le caffé qui anime l'esprit des politiques, & qui découvre tout à leurs yeux à demi fermez, inspire au Baron un heureux expedient pour s'emparer de ces cheveux tant désirez. Arrête, jeune présomptueux, arrête; respecte les Dieux, & crains le destin de Sylla[3] transformée en oiseau: songe qu'elle paya cher l'offense des cheveux de Nysus.
[Note 3: Ovid. Metam. lib 8.]
Oh combien de moyens se presentent aux hommes pervers pour accomplir leurs mauvais desseins! Clarice laissa voir au Baron avec malignité des ciseaux, qu'elle avoit tirez de sa poche, dans le tems qu'il avoit l'esprit occupé de son projet; il prend cette arme fatale des mains de Clarice: ainsi dans les antiques tournois les Chevaliers recevoient de leurs Dames ou la lance ou l'épée; le Baron armé de ces ciseaux redoutables, les porte à la tête de Belinde, dans l'instant qu'elle se baisse avec grace pour recevoir la fumée du caffé; mille Esprits aëriens volent aussi-tôt, pour défendre ses beaux cheveux.
Trois fois ils ébranlent ses pendans d'oreilles: trois fois Belinde regarde derriere elle, & trois fois son ennemi se retire; le vigilant Ariel vouloit pénétrer sa pensée: mais helas! tout son art ne lui servit alors qu'à découvrir un terrestre Amour caché dans le coeur du Baron. Interdit & confus il cede à la destinée & soupire de son ignorance.
Le Baron rouvre d'une main hardie les cruels ciseaux, dans lesquels il renferme adroitement la Boucle, & raprochant les deux pointes fatales, il la coupe impitoyablement. Mais avant que ces deux pointes soient réunies, un Silphe zelé s'élance au travers; le fer se rejoint & le coupe en deux; mais les parties subtiles de l'aërienne substance sont aussi-tôt réunies.
Ainsi de leur sacré chef ces beaux cheveux furent separez & le furent à jamais; une lumiere sortit comme un foudre des yeux de Belinde, les Spheres en tremblerent. Non, on ne pousse point au Ciel des cris aussi perçans, lorsqu'un mari ou un chien bien-aimé rend le dernier soupir, ou quand une belle porcelaine tombe & que ses fragmens se réduisent en poudre.
Que l'on me couronne de laurier, s'écrioit le vainqueur, la Boucle est à moi: je me glorifierai de cette glorieuse conquête, aussi long-tems que les poissons se plairont dans l'eau, les oiseaux dans les airs, & les femmes Britanniques dans des carosses dorez, aussi long-tems que l'Atlantis[4] sera lüe, que les visites se rendront aux jours solemnels, & que des bougies en grand nombre seront méthodiquement arrangées dans les cabinets: oui aussi long-tems que les belles donneront des rendez-vous, & recevront de leurs amans des bals & des fêtes, mon triomphe & mon nom seront immortels.
[Note 4: Ouvrage du Chancelier Bacon.]
Le fer abat ce que le tems conserve: il fait tomber les hommes & les monumens; il a détruit les travaux des Dieux, renversé les tours de Troye, couvert d'herbes Carthage, & ruiné plusieurs fois Rome même: Ne t'étonne donc pas, O belle Nymphe, qu'il ait soumis tes cheveux à sa force indomptable.
Cependant les divers mouvemens dont l'esprit de Belinde étoit agité, l'accabloient d'une cruelle inquietude. Non, un jeune Roy fait prisonnier dans une bataille, une femme abandonnée au mépris, un amant desabusé dans le tems de la joüissance, un cruel tyran aux approches de la mort, Cloris lorsqu'il manque un pli à son habit, n'eurent jamais tant de dépit, de colere & de fureur, qu'il s'en alluma, infortunée Belinde, dans ton ame, pour cette Boucle qui te fut ravie.
Ariel fondant en larmes abandonne la belle, suivi des autres Silphes. Aussi-tôt Ombriel, le plus méchant des Gnomes, impatient de quitter la lumiere du jour, se précipite au centre de la Terre, séjour digne de lui. C'est-là que la caverne de l'Hypocondre est située. Ombriel y vole avec ses aîles pésantes; il cherche long-tems l'entrée de la caverne, & la découvrant à la fin, il s'y introduit.
Cette Region ne connoît point les douces haleines des Zephirs; les vents d'Orient avec toute leur malignité y soufflent sans cesse, & la grote est si bien fermée, que l'air & les rayons du jour qu'on y abhorre, n'y pénétrent jamais.
Dans ce lieu, la Déesse triste, pâle & reveuse, est couchée dans un lit fait exprès pour entretenir ses noirs soucis: on voit la Bisarrerie à ses côtez & la Migraine à sa tête.
Deux choeurs de filles égales en dignité, mais differentes par leurs figures, environnent son thrône; la Méchanceté y paroît sous la forme d'une Vierge antique; elle a la peau rude, noire & ridée, les mains pleines de prieres, & le sein rempli de satyres.
Là se voit aussi l'Affectation, qui malgré son air infirme, porte des roses nouvelles sur ses jouës: soit ostentation ou maladie, elle s'enveloppe dans ses habits; elle s'évanoüit avec grace, elle est fiere dans sa langueur; & pour des maux qu'elle attend, elle s'enfonce nonchalamment dans le duvet d'un lit magnifique; c'est ainsi que nos belles ont l'art de feindre, & de se parer avec art d'une negligence qui releve leurs agrémens.
Une éternelle vapeur environne ce Palais, & au milieu de ces broüillards épais voltigent mille fantômes. Là paroissent des Furies armées de serpens entortillez, des spectres, des tombeaux ouverts, des feux bleüatres, des lacs d'or, des dômes de cristal, & mille autres objets phantastiques.
Une foule innombrable de corps transformez par la Déesse s'offre aux regards; des vases de differente espece sont animez, & marchent[5] comme les trépieds d'Homere. Ici l'or pleure, l'airain gémit, l'argille se plaint, & le cristal soupire.
[Note 5: Hom. Iliad. 18.]
Le Gnome arrive en sureté, portant dans sa main le rameau salutaire. Il s'adresse à la Déesse, la salue & lui dit: Lunatique Reine, vous qui gouvernez le beau sexe, depuis le troisiéme jusqu'au neuviéme lustre, & même par de-là; je vous salue, mere des esprits bisarres, source feconde des vapeurs & des pensées des femmes, vous qui gouvernez leurs têtes, qui dirigez leurs cerveaux, qui rendez celle-là Medecin, celle-ci Auteur: c'est par vous qu'elles deviennent capables d'inventer des sistêmes, & de faire des vers: c'est vous qui enseignez à la prude à faire des visites ennuyeuses.
Il est une Nymphe sur la Terre qui méprise votre pouvoir, & qui d'un mot & d'un regard peut donner à mille coeurs de l'amour & du plaisir. Mais si votre Gnome malfaisant, votre fidele Ministre, a quelquefois dérobé un agrément, ou placé un bouton sur un beau visage; si je peignis souvent les jouës livides des vieilles coquettes d'un vermillon jaune; si je plaçai des cornes aëriennes sur des têtes follement jalouses; si je chiffonnai des juppes & mis des lits en desordre, pour faire naître des soupçons injustes où regnoit la fidelité; si par malice j'ai dérangé une coeffure, rendu malade un petit chien, & tiré pour lui des larmes des plus beaux yeux; écoutez moi, Déesse, rendez en ma faveur Belinde hypocondriaque, & tout l'univers aussi-tôt deviendra comme elle.
Il dit, & la Déesse avec un front dédaigneux paroît lui refuser la grace, & cependant la lui accorde. Aussi-tôt elle prend un Outre, semblable à celui qu'Ulisse remplît de vent; elle y renferme tout ce que la nature a donné de force aux femmes pour pleurer, quereller, soupirer, & crier; elle met au fond d'une bouteille enfumée les horreurs de la crainte, avec lesquelles elle mêle la tristesse, & les envies delayées ensemble.
Le Gnome rejoui de ce present funeste, part & retourne sur la Terre. Il trouve Belinde dans les bras de Talestris son amie, les yeux baissez & les cheveux épars; aussi-tôt il déchire l'outre sur leur tête: les passions, les fureurs sortent à l'instant; Belinde s'enflâme d'une colere plus qu'humaine, & Talestris l'excite & l'embrase. Elevant la voix & les mains vers le Ciel, elle s'écrie:
O malheureuse fille! (Amptoncourt retentit de ses cris, & les échos lugubres repetent ces tristes mots: malheureuse fille!) Quoi tant d'essence, dit-elle, de poudre & de pommade, tant de soins assidus n'auront-ils été employez que pour cet audacieux? Est-ce pour lui qu'on passa si souvent ces belles boucles dans un fer tortueux, & que cette tête délicate souffrit mille tourmens? Quel triomphe pour le ravisseur! quel sujet d'envie pour les autres amans! quel sera l'étonnement des femmes vertueuses! Non, l'honneur ne le permettra pas, cet honneur à qui nous devons tout sacrifier, les plaisirs, le repos & jusqu'à la raison. Je comprends, Belinde, toute l'étenduë de ta juste douleur; j'entends déja les discours railleurs; je vois les souris outrageans & les regards pleins de malignité; tu ne seras plus la beauté regnante, te voilà dégradée. Comment à l'avenir aurai-je moi-même le courage & l'esprit de défendre ton honneur perdu? Puis-je encore me déclarer ton amie? Cette amitié ne me sera-t-elle pas desormais honteuse? attend-toi que tes cheveux qui viennent d'être coupez, seront indignement renfermez dans un cristal entouré de Diamans. Tu les verras porter en triomphe par ces mêmes mains qui te les ont ravis: ah! que plutôt l'air, la mer, la terre, les hommes, les singes, les bichons, les perroquets retombent dans le cahos.
Elle dit, & se précipitant avec des yeux étincelans sur le Chevalier de Plume, elle lui commande, comme à son amant, d'un ton absolu, de reconquerir la Boucle fatale. Le Chevalier dans ce moment étoit occupé, & ce n'étoit pas sans raison, à faire admirer sa tabatiere d'ambre & la pomme marquetée de sa canne, avec un visage rond & épanoüi, qui marquoit le vuide de ses pensées; il écoute Talestris en ouvrant des yeux étonnez, & d'un ton gracieux en prenant du tabac il dit au Baron: pourquoi donc? Que diable est ceci? Que maudite soit cette Boucle; mais morbleu il convient d'être civil: tu badines, & ce badinage n'est pas en sa place: allons, donne moi ces cheveux, je t'en prie.
En achevant ce discours, il frappe de nouveau sur sa tabatiere. Je suis fâché, répond le Baron, qu'un Orateur si éloquent parle en vain; mais par la sacrée Boucle, oui[6] par cette Boucle sacrée, qui desormais ne sera plus unie à son chef, & qui separée d'une si belle tête ne recevra plus en croissant de gloire nouvelle; je jure par elle, que je la porterai à mon bras victorieux, jusqu'à mon dernier soupir. En prononçant ces mots, il déploya la Boucle d'un air triomphant.
[Note 6: Imitation d'Homere.]
Alors l'impatient Ombriel casse la bouteille; la Tristesse en sort: Belinde pénetrée de douleur tient les yeux & la tête baissée, & fondant en larmes, elle regarde Talestris en lui disant: O jour à jamais douloureux & détesté, où mes cheveux & mon repos me sont ravis! Quel bonheur pour moi, si je n'avois jamais vû Amptoncourt! Mais je ne suis pas la premiere fille à la Cour que l'Amour ait trahie. Helas, ajouta-t-elle, que ne m'a-t-on plutôt laissée dans une Isle déserte, ou bien dans les terres Septentrionales, où l'on ne prend point de caffé, & où le jeu d'ombre est inconnu! J'aurois préservé des regards des mortels ce qu'il y a d'aimable en moi; je me serois fannée & éteinte comme la rose sur sa propre tige. Qui porta mon esprit à me promener avec le Baron? Que ne suis-je demeurée oisive & ennuyée dans ma maison, ou que n'ai-je ajouté foi aux signes qui m'ont frapée ce matin! Trois fois ma main chancelante est tombée sur ma pommade, & j'ai vû, sans la moindre haleine de vent, trembler les porcelaines sur ma table: Mirine tout à coup est devenue furieuse; mon perroquet a gardé un profond silence, & jamais mon Silphe ne m'offrit rien qui marquât plus clairement ce qui me devoit arriver en ce jour.
Voi ces restes malheureux de ma tête blonde; O malheureux restes! Ne crains point, Belinde, d'arracher toi-même ce que le Ravisseur a épargné. O destin cruel! triste souvenir de mes Boucles si bien frisées, qui tomboient avec tant de grace sur mes épaules! Helas, il ne m'en reste plus qu'une, qui prévoit sa triste destinée dans celle de sa compagne: elle attend le ciseau fatal; viens donc, Traitre: ravis-la encore d'une main sacrilege. Ah! cruel, pourquoi m'as-tu derobé cette Boucle si glorieusement exposée à la vuë des humains?
C'est ainsi que Belinde parla, & sa douleur attendrit tous ceux qui en furent les témoins; mais les Dieux & la Destinée avoient fermé les oreilles au Baron. Les reproches & les menaces de Talestris sont inutiles: s'il est insensible aux larmes de l'aimable Belinde, qui pourra l'émouvoir? C'est vainement qu'on lui parle: Enée fut moins insensible aux prieres d'Anne & au desespoir de Didon.
Cependant, Clarice, la grave Clarice, agite son évantail d'un air précieux, elle en mesure les mouvemens avec une complaisance attentive: un profond silence s'observe, elle prend enfin la parole, & dit:
A quoi servent les louanges & les honneurs que les Sages & le Vulgaire rendent à la beauté? Quel avantage tire-t-elle des dépoüilles que lui offrent & la terre & la mer comme un tribut pour la parer & la rendre encore plus éclatante? A quoi nous sert de paroître avec tant de pompe aux promenades, & d'être exposées dans les spectacles aux regards, aux soupirs, & au culte d'un si grand nombre d'adorateurs, qui nous nommant des Anges, nous traitent en effet comme si nous étions des créatures célestes? Gloire funeste, tourmens réels, si l'esprit ne conserve pas ce que la beauté acquiert, & si l'on ne dit en regardant un beau visage: cette femme a plus encore d'avantage sur les autres par sa conduite qu'elle n'en a par sa beauté. Ah! si la danse ou la parure pouvoient nous garantir d'une petite verole, nous défendre contre les rides, & empêcher nos cheveux de blanchir, qui voudroit se soumettre au poids & à l'ennui des affaires domestiques? Y a-t il quelque dévote qui ne voulût à ce prix être coquette & se farder? Personne du moins ne seroit en droit de la censurer. Mais puisqu'enfin la beauté fragile se détruit, soit que l'on se pare ou qu'on se néglige, soit que l'on se farde ou qu'on ne se farde pas, que nous reste-il, si ce n'est d'user de ce qui dépend de nous, & d'acquerir de l'esprit, & de la raison, pour suppléer à la perte de la beauté. L'esprit l'emporte sur elle; c'est vainement que les yeux des flateurs se trouvent de son côté: quelques charmes qu'elle ait, l'esprit gagne plus surement les coeurs: Croyez-moi, ma chere, quand les plaintes & les cris sont inutiles, nous devons plaisanter nous-mêmes de ce qui nous arrive de fâcheux. Ainsi parla Clarice, & personne n'applaudit à son discours hors de saison.
Belinde fronça le sourcil, & Talestris regardant la harangueuse d'un air malin, l'appella fausse prude. Ce fut le premier signal du combat; un bruit terrible d'évantails & de panniers se fait entendre; les Heros & les Heroïnes se mêlent: les cris & les battemens de mains retentissent jusqu'aux Cieux. Comme les combattans ne se servent pas d'armes vulgaires, les blessures mortelles qu'ils y reçoivent, ne leur donnent pas la mort: c'est ainsi que le divin Homere, dans ses batailles, nous fait voir les coeurs célestes enflammez d'une colere humaine.[7] Tout l'Olimpe est en feu; Pallas combat contre Mars, Apollon contre Mercure; Jupiter éclate dans les airs, & fait trembler les Spheres; Neptune forme des tempêtes, fait mugir les abîmes, & par les coups redoublez de son redoutable trident, entr'ouvrant la terre, frappe d'un rayon de lumiere les yeux des Ombres épouvantées.
[Note 7: Hom. Iliad. 20]
Le triomphant Ombriel agitant ses aîles joyeuses, voit le combat & s'en applaudit; les autres Gnomes appuyez sur les épingles des femmes, comme des Soldats sur leurs lances, animent les combattans & rendent le combat encore plus terrible.
Cependant Talestris en furie renverse les escadrons ennemis, & ses beaux yeux portent par tout la mort; elle terrasse d'un seul coup (exploit illustre!) le plus bel esprit des petits Maîtres, & un autre encore des plus galans, le premier meurt, en proférant une Métaphore; O cruelle Nymphe, dit-il, je meurs d'une mort qui me ressuscite; il tombe sur un siége en prononçant ces mots. Le second avec des yeux à demi fermez, & pleins d'une douce langueur, chante ces paroles…..[8] Ah tes beaux yeux sont faits pour donner la mort, ils sont faits…… il finit sans achever; c'est ainsi que le Cigne mélodieux expire, en chantant sur le rivage fleuri du Meandre.
[Note 8: Air de l'Opera de Camille, en Anglois.]
Le Chevalier de Plume, Cavalier intrepide, dont la réputation vole jusqu'aux extrêmitez de l'univers, marche à Clarice pour la mettre hors de combat. Cloé qui l'en empêche, le blesse d'un de ses regards, elle en pousse au Ciel un cri de triomphe & de joye; mais contente d'avoir blessé un Chevalier si redoutable, elle le ressuscite après, par un sourire.
Cependant le pere des Dieux & des Hommes éleve dans l'air sa balance dorée; il pese avec attention les cheveux de la belle & l'esprit de nos petits Maîtres: la balance incertaine vacille quelques moments; mais enfin l'esprit monte en haut, & les cheveux tombent en bas.
La fiere Belinde s'élance sur le Baron, avec des regards foudroyans qu'il n'avoit jamais éprouvez, lui qui ne cherchoit qu'à mourir des coups de son ennemie. Elle vole au combat, quoiqu'il soit inégal; la belle aussi-tôt le renverse du bout du doigt, & lui jette abondamment du tabac dans le visage; le Gnome en dirige tous les atomes; le Baron pleure, éternue & fait retentir la salle: Cede à ton destin, s'écrie Belinde, en tirant de son côté une grande éguille de tête.
Cette éguille d'or fut autrefois un Medaillon que son Bisayeul avoit coutume de porter à son cou: sa Bisayeule l'ayant fait fondre en avoit composé une boucle, qui servit à sa ceinture de veuve. Elle en fit ensuite des grelots pour le hochet de la grand-mere de Belinde, & ce grelot fut encore changé par sa fille en une longue éguille, qu'elle porta long-tems à la tête, & dont Belinde hérita.
Ne te glorifie point de ma chute, ennemie trop insultante, s'écrie le Baron: tu seras renversée à ton tour par un autre. Ne crois pas que la mort m'épouvante: tout ce que je crains, est de te perdre; mais laisse moi vivre, pour mourir & ressusciter sans cesse. Rend la Boucle, s'écrie la fiere Belinde: les voutes du Palais retentissent de ces mots imperieux mille fois repetez.
Le fier[9] Otelle étoit moins furieux au sujet du fatal mouchoir, que Belinde ne le parut au sujet de sa Boucle; mais comme les désirs orgueilleux sont souvent confondus & que les plus grands Capitaines perdent quelques fois le fruit de leurs travaux, la Boucle cachée avec soin est envain cherchée de tous côtez.
[Note 9: Tragedie Angloise.]
Mais qu'aucun mortel ne se vante de l'avoir en sa possession: le Ciel le veut ainsi, qui peut lui resister?
Il court cependant un bruit parmi le Vulgaire, que cette Boucle est montée à la Sphere de la Lune, où tout ce qui se perd sur la terre est conservé avec soin; c'est-là que dans des vases massifs on garde l'esprit des Heros, & que dans de petits étuits & de belles tabatieres, on conserve celui des petits Seigneurs effeminez; on y voit les coeurs des Amans enchaînez par des rubans de toutes couleurs; c'est encore dans ce même lieu que l'on trouve[10] les aumônes faites à la mort, les voeux enfrains, les promesses des courtisans, les agasseries des femmes galantes; enfin c'est là qu'on trouve des cages pour les cousins, des chaînes pour les puces, des papillons déseichez, & tous les volumes des Casuistes.
[Note 10: Ariosto Cant. 34.]
Il en faut croire, ma Muse, qui a vû la Boucle monter au Ciel avec tant de rapidité, que les seuls yeux poëtiques pouvoient l'appercevoir & la suivre; c'est ainsi que Procule vit seul le Fondateur de Rome monter au Ciel.
Déja cette Boucle attachée au Firmament est changée en étoile, & conduit avec elle une lumiere cheveluë, plus claire & plus brillante que la celebre chevelure de Berenice; les Silphes ses amis la suivent, & accompagnent son cours dans le Ciel. Les jeunes gens & les femmes dont le coeur est tendre, iront dans le [11]Parc la saluer par leurs chants harmonieux, ils l'attendront comme l'étoile de Venus, & lui adresseront leurs voeux pour le Lac de [12]Rosemonde. [13]Partrige l'observera dans un tems serein avec les yeux de Galilée[14], & ce celebre Devin y pourra lire la destinée de Rome & de Loüis.
[Note 11: Le Parc de S. James, promenade de Londre.]
[Note 12: Le Lac de Rosemonde est une grande Piéce d'eau dans le Parc de S. James. Il tire son nom d'une Maitresse d'un Roi d'Angleterre nommée Rosemonde, & est fameux par le désespoir de plusieurs Amans qui s'y sont précipitez.]
[Note 13: Partrige étoit un celebre Astrologue d'Angleterre, qui dans les Almanacs qu'il publioit tous les ans, prédisoit toujours la destruction de la Papauté, & la mort de Loüis XIV. ce qui le rendit extrémement ridicule, même parmi les Anglois.]
[Note 14: Galilée passe pour l'Inventeur des Lunettes
Astronomiques, quoique d'autres en attribuent l'invention à Jacques
Metius.]
Et toi belle Nymphe, cesse de t'affliger & de regretter ta Boucle enlevée: songe que la lumiere de tes beaux yeux, après avoir causé la mort de mille coeurs, s'éteindra à la fin, & que l'éclat de tes tresses blondes passera; mais ces cheveux que ma Muse a consacrez, avec le beau nom de Belinde, regneront éternellement parmi les Astres.
De l'Imprimerie de PAULUS-DU-MESNIL.
J'ay lû par Ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux un Manuscrit intitulé, La Boucle de Cheveux enlevée, Poëme Heroïcomique de Mr. Pope, traduit de l'Anglois par M…. & je n'y ai rien trouvé qui puisse en empêcher l'impression. Fait à Paris le 10 Août 1728.
Louis par la grace de Dieu Roy de France & de Navarre: A nos amez & feaux Conseillers, les Gens tenans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Conseil, Prevôt de Paris, Baillifs, Senechaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Justiciers qu'il appartiendra, SALUT. Notre bien amé François le Breton pere; Libraire à Paris; nous ayant fait supplier de lui accorder nos Lettres de permission pour l'impression d'un manuscrit qui a pour titre: La Boucle de Cheveux enlevée, Poëme Heroïcomique de Mr. Pope, traduit de l'Anglois ; Offrant pour cet effet de le faire imprimer en bon papier & beaux caracteres suivant la feuille imprimée & attachée pour modele sous le contrescel des presentes, Nous lui avons permis & permettons par ces presentes de faire imprimer ledit Livre ci-dessus specifié en un ou plusieurs volumes, conjointement ou separement, & autant de fois que bon lui semblera sur papier & caracteres conformes à ladite feuille imprimée & attachée sous notredit contrescel, & de le vendre, faire vendre & débiter par tout notre Royaume pendant le tems de trois années consecutives, à compter du jour de la date desdites presentes; Faisons défenses à tous Libraires-Imprimeurs & autres personnes de quelque qualité & condition qu'elles soient d'en introduire d'impression étrangere dans aucun lieu de notre obéïssance. A la charge que ces presentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris dans trois mois de la date d'icelles; que l'impression de ce Livre sera faite dans notre Royaume & non ailleurs, & que l'impétrant se conformera en tout aux Reglemens de la Librairie & notamment à celui du 10 Avril 1725, & qu'avant que de l'exposer en vente, le manuscrit ou imprimé qui aura servi de copie à l'impression dudit Livre sera remis dans le même état où l'approbation y aura été donnée és mains de notre très-cher & feal Chevalier Garde des Sceaux de France le sieur Chauvelin; & qu'il en sera ensuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliotheque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, & un dans celle de notredit très-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de France le sieur Chauvelin, le tout à peine de nullité des presentes. Du contenu desquelles vous mandons & enjoignons de faire jouir l'Exposant ou ses ayans cause pleinement & paisiblement, sans souffrir qu'il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu'à la copie desdites presentes qui sera imprimé tout au long au commencement ou à la fin dudit Livre foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent de faire pour l'execution d'icelles tous actes requis & necessaires sans demander autre permission, & nonobstant clameur de Haro Charte Normande & Lettres à ce contraires. Car tel est notre plaisir. Donné à Fontainebleau le treizième jour du mois de Septembre, l'an de grace mil sept cent vingt-huit, & de notre Regne le quatorziéme. Par le Roy en son Conseil.
Registré sur le Registre VII. de la Chambre Royale des Imprimeurs & Libraires de Paris lb. 210 fol. 178. conformement aux anciens Reglemens confirmez par celui du 28 Février 1723. A Paris le 7 Septembre 1728.
J.B.COIGNARD, Syndic .
End of Project Gutenberg's La boucle de cheveux enlevée, by Alexander Pope