The Project Gutenberg eBook of Le specule des pecheurs

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Title : Le specule des pecheurs

Author : active 15th century von Kastl Johannes

Release date : August 26, 2008 [eBook #26436]
Most recently updated: January 4, 2021

Language : French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE SPECULE DES PECHEURS ***

  

Le specule des pecheurs. L'exortation des mondains. L'exemple des dames.

Jean Castel

En ce present volume sont contenus troys livres. Le premier est no m mé le specule des pecheurs. Le second livre est appellé l'exortation des mondains tant gens d'eglise co m me seculiers. Le tiers livre se no m me l'exemple des dames et damoiselles et de tout le sexe femenin. Le premier no m mé le specule des pecheurs co n tient qui n ze chapitres pri n cipaulx. Le premier chappitre admonneste co m ment on se doit inciter a bien faire et se repentir de ses pechés envers dieu. Le second chappitre recite co m ment il fait bon retenir les paroles en ce livre escriptes en soy desprisant et le mo n de. Le tiers chappitre enseigne co m ment on doit penser qu'on est viande a vers et qu'on deviendra a la fin ce n dre. Le quatriesme chappitre demonstre co m ment aucun parent ne amy ne peut secourir son prochain a l'eure de la mort et des gra n des douleurs qu'on y seuffre. Le cinquiesme chappitre parle comme n t on put comme charougne après la mort et co m ment les plusgrans clers se doyvent humilier en leur science. Le sixiesme chappitre enseigne co m ment les plusgrans clers dessusd icts ne so n t pas les pl us co n sciencieux aucunesfois. co m me dit saint bernard. Le septiesme chappitre demonstre co m ment nous devo n s penser que c'est toute povreté et misere de nostre co n ception Le huytiesme chappitre enseigne comme n t ce no us est grant abus de vestir de vestemens precieux nous corps qui sero n t en la fin pourris pour devestir nostre ame de vertus. Le .ix. chappitre enseigne co m me n t no us devons penser que sont devenus les plusgrans du temps passé qui fure n t co m me nous sommes et que peu leur ont profité leurs honneurs. Le .x. chappitre demonstre co m ment nous devons souvent regarder aux eglises les sepultures et aux charniers des cymetieres les ossemens de ceulx qui jadis furent. Le xi. chappitre parle de l'orreur horrible qu'on a des visions qu'on veoit a l'eure de la mort et après mort sa n s aide d'ami Le .xii chappitre parle de la maniere du terrible et espoventable jour du divin jugement ou chacun viendra conter de ses mesfaictz. Le .xiii. chappitre recite co m ment les dannés seront en corps et en ame tourmentés après le jour du jugement. Le .xiiii. chappitre contient les principales peines des da n nés en demo n stra n t que leur ont prouffité chasteaulx terres possessions et richesses. Le .xv. chappitre recite les pri n cipalles joies de paradis selon les divines escriptures des sai n cts sacrés docteurs

Le second livre no m mé l'exortation des mo n dains ta n t d'eglise co m me seculiers contient six chappitres principaulx divisés en six balades. Le premier chappitre en balade demonstre co m ment l'o m me doit vivre pour avoir paix a dieu et au mo n de pour conte m pner toutes richesses et amander sa vie. dont le refrain est Par ce moien nous aurons tousjours paix. Le second chappitre compris en balade parle co n tre ceulx et principalleme n t gens de court qui aiment ce maleureux monde pour perdre la vie eternelle dont le refrain c'e n suyt Homme desfait et a perdicion. Le troisiesme chappitre en balade remonstre co m ment toutes gens d'eglise et en especial parle aux prelas co m ment ilz se doive n t despriser et le monde aussi en menant bonne vie dont le refrain s'e n suyt en deux vers Mais sçais tu quant demain par adventure. Ou aujourd'uy pourta n t donne toy garde Le quatriesme chappitre en balade bien proufitable contient les pri n cipalles joyes de paradis et les peines d'enfer do n t le refrain s'ensuyt Qui tousjours dure et q ui jamais ne cesse. Le ci n quiesme chappitre en balade remonstre comme on doit aprendre a bie n vivre pour bien mourir et renuncier au monde dont le refrain s'ensuit Pour bien mourir et vivre longuement. Le sixiesme chappitre en balade remontre comme n t on doit acquerir le tresor des cieulx et despriser toutes richesses don le refrain s'e n suit. Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre

Le tiers livre no m mé le mirouer des da m mes et damoiselles et l'exemple de tout le sexe femenin contient en effect co m ment toute beaulté richesse puissa n ce renon honneur noblesse possession et toute domination tourne et fine en douleur en povreté et en tristesse par quoy on doit si bien vivre sur terre en soy desprisant deva n t la mort qu'on puisse regner sans fin lassus ou est vie perpetuelle

Cy co m mance le specule des pecheurs fait et compilé pour le salut des ames sur pluseurs divines escriptures des saincts docteurs par frere jehan de castel religieux de l'ordre saint benoist et croniqueur de france.

Et pource que pluseurs profons clers ne se delecte n t pas a oyr choses faites et versifiees toutes en françois ou en prose. ne aussi pluseurs gens simples lais a escouter livres en latin tant en proses co m me en mettres affin que les clers et les lais soient aucunement contans ledit specule a esté fait et composé ta n t en latin co m me en françois mixtio n né en pluseurs lieux a la requeste de reverend pere en dieu messire jehan du bellay noble homme evesque de poitiers et abbé de saint florent près de saulmur au dyocese d'angiers l'an de grace mil quatre Cens .lxviii

Le premier chappitre du premier livre

Sens sans conseil et aussi sans prudence
Ce dit moyse utinam saperent
En oultre plus dit pour l'intelligence
Du temps futur et intelligerent
Novissima atq ue providerent
Pour ung chacun de bien faire advertir
Helas pourtant vueillons nous convertir
Considerons nostre fragilité
Et regardons nous jours qui sont si cours
Las nous voions guerre et mortalité
Venir vers nous las plus tost que le cours
Si tost aller et n'y voulons attendre
Las pensons y pour dieu sans plus attendre
O sentence de dieu salut portante
Par la quelle nous est instruction
De sapience et aussi confortante
De contenence humble amonition
De divine grace acquisition
Exaulcement aussi de penitence
Semblablement mirouer de providence
O de jesus nostre doulx createur
Et plasmateur miranda bonitas
O de jesus nostre vray curateur
Et redempteur maxima caritas
O du sauveur dulcis benignitas
Qui ses servans de mort a vie a mis
Nous sommes serfs mais a dieu bien servir
Le temps passé feusmes trop negligens
Dont la grace n'avons peu desservir
De la quelle sommes tres indigens
Helas pourtant soions plus diligens
Le temps futur tant que serons en vie
Et de bien faire aions tousjours envie
Mauvais sommes et desservi avons
Mort plus que vie et si cognoissons bien
Que nous mourrons et l'eure ne savons
Ne de nous jours le nombre aussi combien
Et toutesfois pour nous mouvoir a bien
Qui a tout mal est tousjours different
Dieu nous conseille utinam saperent
Qui est l'omme s'il a entendement
Qui ne se doyve en cueur trop resjouir
Quant il congnoist que de son sauvement
L'advise dieu comme icy peut oyr
Pour le fayre du royaume jouir
Lassus sans fin que ceulx possideront
Qui precepta sua bien garderont
Pourtant sur tout les mandemans gardons
Studiose atq ue impleamus
De les briser bien nous contregardons
Sed devote ea diligamus
Et a yceulx hic obediamus
Ou aultrement saint pol dit que nous sommes
Miserables sur tous les meschans hommes
Mais pour le mettre a execution
Il nous convient premierement savoir
Que nous devons de toute affection
Sur toute rien dieu en grant crainte avoir
Nostre prochain amer sans decevoir
Pareillement ce qui peut a dieu plaire
Et haïr tout ce qu'il luy peut desplaire
Or acomplir ceci on ne pourroit
Aucunement sans la grace acquerir
Mais qui sa grace acquerir bien vourroit
De cueur contrit le fauldroit requerir
Bien pur et net pour le moyen querir
D'avoir son aide et son conseil ensemble
Car par ces points nous l'aurons se me semble
Helas pourtant en estat nous mettons
En requerant a dieu misericorde
Et desoresmais chose ne commetons
Dont nous soions envers luy en discorde
Mais ung chacun de moyse recorde
Le saint prophete homme en dieu reverend
Ceste leçon utinam saperent

Le second chappitre

O chers freres queso que legitis
Retenés bien et intelligite
Et inquantum deum diligitis
Oblivisci hec verba nolite
Car qui bien pense en ceste auctorité
Il mect remede en son temps advenir
Par quoy encore a bien peut parvenir
Car pour certain hujus sentencie
Supradicte consideratio
Est medela false malicie
Superbie atq ue destructio
Similiter evacuatio
De venteté qui n'est que vanité
Parfection aussi de sanctité
Luxurieq ue effugatio
Et d'envie c'est toute extinction
Discipline atq ue constructio
Et de salut c'est preparation
Et pourtant dieu pour la salvation
Des negligens ut bonum facerent
Dit a moyse utinam saperent
Heu heu q uam pauci sunt au monde
Qui sapiant de dieu ceste sentence
Ne qui tiennent leur conscience munde
Ou qui portent de leurs maulx penitence
Ne qui facent auchune resistence
Contre la chair le monde et l'annemi
S'aucuns le font ce n'est pas a demy
Dieu que peu sont qui aient congnoissance
Que leur chair soit cendre et corruption
Ne qui pensent en leur ville naissance
N'a leur pechés n'a leur salvation
Encore moins qui recordation
Aient d'enfer ne de leur mort soudainne
Tant les deceoit ceste vie mondainne
Pourtant dieu veult que tousjours en prude n ce
Soit des pecheurs le cueur et la pensee
Et pource affin que par la providence
Sa majesté ne feust plus offensee
Par malice souuant d'eulx pourpensee
Et qu'a leur fin bene concuperent
Dire leur fist utinam saperent
Las et pourtant chers freres concevés
Ceste sentence et ne l'oubliés pas
Car vous sçavés et bien aparcevés
Que ce monde n'est que ung petit trespas
Ou nous courons trop plus tost que le pas
Sans y mettre provision future
Las pensons y comme a dit l'escripture
Trescher frere ceste admonition
Cum studio de cueur ferme et estable
Et par grande deliberation
Conceoy souvant qu'elle est proufitable
Tesmoing moyse homme tant veritable
A tout pecheur qui bonne fin veult faire
Et ses briefs jours en bonne euvre parfaire
Car tout ainsi comme l'audeur d'encens
S'il n'est au feu tu ne sens propement
Ne plus ne moins des saincts escrips ton sens
La sentence ne conceoit nullement
Nisi primo sapias clerement
Intelligas et sepe studeas
Novissima atq ue provideas
Ecce frater carissime tibi
Tria in hec ponuntur cest science
Premierement que ponitur ibi
Qui procede de vraye sapience
Intelligence et aussi providence
Ce sont trois temps que savoir te convient
Le temps passé le present et qui vient
Pourtant dieu veult cher frere que tu saches
Que la vie presente est fugitive
Pleine d'orgueil d'envie et d'autres taches
Toute pollue umbreuse et transitive
D'avarice corrumpue et chetive
Dont l'antree est plourable et douloureuse
Et l'issue terrible et langoureuse
Pource de tant que plus aparcevons
Ce perilleux monde estre miserable
De tant plus tost contempner le devons
Comme une chose orde et vituperable
Pour acquerir le païs pardurable
Lassus sans fin ou dieu tient son empire
Et ou nostre ame et nostre cueur suspire
Dieu veult aussi que tu penses comment
Tu es fragile et povre de nature
Et que du ventre yssis premierement
De ta mere trespovre creature
La quelle mere est terre et porriture
Et en la fin retourneras en terre
Ou y fauldra que ton corps on enterre
En la misere et povreté aussi
De ce monde tu entras devenu
Pleurant tes jours et aussi tout ainsi
Retourneras comme tu es venu
Puis que de eve naistre il t'a convenu
Qui fut creee en paradis terrestre
Et nee en terre il te fauldra terre estre
Doncques tes jours comme est dit lugendo
In hunc mundum nudus introisti
Et en labour ad mortem currendo
De jour en jour transis et transisti
Et non obtant que dives fuisti
Et habeas adhuc divitias
Quid valet hoc puis que a mourir cy as
Substancia terrena comparee
Perpetue et eterne vice
La quelle vie au peuple est preparee
Qui a bien fait et tout mal evité
Lequel de dieu est lassus invité
Ubi est pax et summum gaudium
Est charge et fés et non subsidium
Comparata vita temporalis
A l'eternelle es cieux felicité
Sine fine promissa non malis
Sed electis qui ont adversité
Aux quelz promise en la haulte cité
La couronne dieu qui sans fin vie a
Magis mors est dicenca q uam vita

Le troisiesme chappitre

Entens aussi car comme en la valee
De misere tu languis ung pou cy
Toute ta vie en decours tost allee
Tu es en peine en douleur et soucy
Malade ou vain de vertus povre aussi
Plein de peché du corps et de l'ame ort
En attendant prochainement la mort
Et après mort mangé seras de vers
Pource tousjours vive deo gratus
Et nuyt et jour en recordant ces vers
Toti mundo esto tumulatus
Mundus corde transire paratus
Monstrant exemple omnibus tibiq ue
Car mort t'atant nuyt et jour ubiq ue
O co m me eureux l'omme et benoist sera
Et son ame plaisant a jesus christ
Qui nuyt et jour en son cueur pensera
Les proverbes qui sont cy en escript
Bien est conseillé celuy qui escript
Intelligit ces choses et videt
Novissima sapitq ue providet
Frater ergo time et diligas
Deum tuum de cueur pur et parfait
Quid sapias et quid intelligas
Desoresmais advisé en ton fait
Ou aultrement tu es homme defait
Nisi serves supradicta dicta
Que dieu pour nous a moyse escript a
Restat ergo modo providere
Novissima par le conseil du sage
Qui nos in hoc voluit docere
En ses escrips disant en son langage
Que nous devons remambrer en courage
Tousjours la fin aussi en tous nous euvres
Pource cher frere il fault qu'en cecy euvres
Et par ainsi tu ne pecheras point
Ineternum. par quoy sauvé seras
Mais encores scavoir te fault ung point
Par le quel point sauvement tu auras
C'est qu'a present tu t'apareilleras
Disant je suis tout prest et conseillé
D'estre au conseil de dieu appareillé.
Videlicet ut pacis capiam
A cetero le chemin et la voye
Le temps passé etiam sapiam
Et le present intelligam et voye
Novissima pariter je pourvoye
Que nous devons le temps futur entendre
Si qu'après mort l'ame a dieu puisse rendre
Sed dic michi que sunt novissima
Providere nisi terribilis
Illa hora et amarissima
In qua tua anima labilis
Pauperrima et miserabilis
Hors de ton corps tramblant vouldra saillir
Quant les mauvais la vouldront assaillir
Croy moy doncques toy qui peus ceci lisre
Car se tu as consideration
Du temps futur mieulx ameras elisre
D'y pourveoir pour ta salvation
Que du monde la domination
Car comme lon dit la fin tousjours couronne
Mais qui n'y pense il n'aura ja couronne
Frater ergo si bene saperes
Que dei sunt tousjours dieu doubteroies
Semblablement si intelligeres
Que mundi sunt les cieux desireroies
Et en après se tu consideroies
Que c'est d'enfer ta fin provideres
Et grant horreur en ton cueur haberes

Le quatriesme chappitre

Qui est celuy de tous tes chers amis
Et bons parens qui viendra par effort
Pour toy aider a ta mort cum armis
Et gladiis pour te donner confort
Certainement tu n'as parent si fort
N'amy aussi ne verras a quelque heure
De ton trespas qui t'aide ou te sequeure
Deça dela assés regarderas
Vers les hommes quant tu vouldras mourir
S'ilz t'aideront mais tu ne trouveras
Parent n'amy qui vueille a toy courir
Ne qui te puisse aider ne secourir
Mais ton refuge adoncques seulement
Sera sans aultre. A dieu totellement.
Cher frere ergo pense quo timore
Est ce bon dieu ubiq ue timendus
Repense aussi tecum cum amore
Est ce seigneur semper diligendus
Quo honore aussi venerandus
Qui en la mort seul donne auxilium
Et paradis post hoc exilium
Reduc ergo et remembre en tes fais
L'eure et le jour souvant que tu mourras
Et des mesfais que piessa tu as fais
Confesse toy le plus tost que pourras
Car pas icy tousjours ne demourras
Pource avant mort fais icy tant de bien
Qu'après trespas ton ame voise bien
Hujusmodi consideratio
Certainement conceoit contriction
De cueur contrit venit compunctio
Compunctio prent contemplation
Et tout selon la bonne affection
Qu'on a en dieu par seure confience
De son aide sa bonté et clemence
Frere dy moy qui est la chose au monde
Sur tous les ars qui plus facillement
Face tenir en conscience munde
Homme et femme comme avoir pensement
Qu'on devient terre après trespassement
Memoire aussi de sa corruption
Et de la mort consideration
Qui bien y pense il n'est iniquité
Qu'il ne boutet tout hors de son courage
Et qui ne vive en toute humilité
Et saincteté tout le temps de son aage
Jusqu'a la mort sans faire a nul dommage
Par la quelle pour tout conclure en somme
Et en effect est fait homme non homme
Hoc est quando ipse egrotescit
Egrotando tousjours en acroisance
Monte son mal et lors expavescit
L'omme pecheur tant qu'il pert cognoissance
Et tellement que sa force et puissance
Et sa vertu commance a decliner
Ainsi se veoit en declinant finer
Et a ceste heure horrible et perilleuse
Que homme et femme qui sont vivent nescit
Advient chose terrible et merveilleuse
C'est que le cueur pleure et contremescit
Le vis palist facies nigrescit
De plus en plus les yeulx tenebrescunt
Tournent en teste et aures surdescunt
En oultre plus la teste constupescit
Le sens default et de riens ne souvient
Le nes sent mal virtus exarescit
Langue et bouche begue et muet devient
La chair flatrist au cueur fraieur advient
Et adoncques carnis pulchritudo
Efficitur fetor et putredo
Et sic homo in vermem vertitur
Dedans la fosse ou on le fait descendre
Et ibidem statim resolvitur
Comme dit est en porriture et cendre
Vela fin que nous devons attendre
Nous savons bien que nous trespasserons
Et ignorons quant au trespas serons
Ecce frater satis spectaculum
Horribile et trop espoventable
Sed est nimis utile speculum
Qui bien s'i mire et a tous proufitable
Pource pensons a ce jour redoubtable
Et en vers dieu faisons si bon devoir
Qu'en bon estat nous vuelle recevoir
Quia nulla artis medicina
Sic superat d'orgueil le mauvais vice
Nec revocat sic ulla doctrina
A peccato nec sic vincit malice
Nec extinguit luxure n'avarice
Nec sic calcat mundum la vaine gloire
Comme d'avoir souvent de mort memoire

Le cinquiesme chappitre

Est il chose comme homme mort plus ville
Du quel le corps nunquam permittitur
Estre en maison troys jours en champs ou ville
Pour la pueur mais hors projicitur
Et au parfont de terre absconditur
Comme charougne a la terre donnee
Et vermibus viande abandonnee
Erubescat igitur l'orguilleux
D'elacion plenus et cecatus
Et timeat dieu qui est merveilleux
Le maleureux pecheur de ire inflatus
D'impatience etiam fedatus
Au quel plus plaist de platon la science
Que du sage la vraie sapience
Plus prend plaisir a recorder les fables
Des poetes que la sainte doctrine
Du saint apostre et des saints inefables
Donc la terre l'escripture enlumine
En delaissant la sainte loy divine
Et aime mieulx la loy mondainne eslire
Que recorder les faictz des saints et lire

Le siziesme chappitre

Ex simili studio les mondains
Scientiam semblable a eulx convient
C'est qu'ilz cueillent tant sont folz et soudains
Fueilles assez mais les fruitz ne receoivent
Non virtutes sed verba apparceoivent
De parolles ilz battent l'air souvent
Et proferunt leurs parolles au vent
Ilz langaigent et en langaigent souvent
Par ventence sans l'escripture ensuivre
Leur voix en l'air tant que l'air en resonne
Et de ceulx dit le psalmiste en son livre
Turbati sunt et moti sunt comme yvre
Leur sapience est toute devouree
Car d'eux n'est point science savouree
Comme ung homme yvre ignore ce qu'il fait
Et ou il va ainsi semblablement
Les mondains clers folz seculiers leur fait
Ne congnoissent au monde auchunement
Tant est leur sens et leur entendement
Mis et bouté en la mondanité
Et leur science en folle vanité
Scientiam satis multiplicant
Les grans livres et volumes ilz hument
Et devorent sed male applicant
Car en leurs sens se conturbent et fument
Et d'eulx maismes si grant orgueil presument
Que leur science ilz ne pensent n'entendent
Jusqu'a la mort la fin a quoy ilz tendent
Et par ainsi les mondains clers s'abusent
Qui de leur fin ne pensent ou font conte
Et de leur sens et science mal usent
Par quoy des siens dieu lassus ne les conte
Et de telz clers saint bernard nous raconte
Et dit moult sont qui bien science acquerent
Mais pou en sont qui conscience querent
O utinam telz clers bien savourassent
Entendisse n t ces choses et pourveussent
Et nuyt et jour le temps considerassent
Passé present et futur comme ilz deussent
S'ainsi estoit meilleurs qu'ilz ne sont feussent
Mox percussi divino amore
Preterriti etiam timore
Et de l'estude aussi de vanité
A l'estude de verité viendroient
De l'estude de curiosité
A l'estude d'umilité iroient
Et par ainsi le chemin ilz prendroient
Scientie et sapientie
En delaissant viam stulticie
De l'escolle luxure et pravité
Ad studium irent bonitatis
Et de l'estude aussi d'iniquité
Ad studium irent sanctitatis
Domo domum irent discipline
Car utile est qu'on soi discipline
Comme au psaultier par david recité
Au second pseaulme est ainsi qu'on peut lire
Le quel david dit apprehendite
Disciplinam affin que noustre sire
Encontre vous auchunement ne se ire
Et perissiés hors de la juste voie
Pour prendre celle en la quelle on forvoye
O q uam illa terrible et redoutable
Sentencia est a ceulx qui feront
La voulenté de leur chair deletable
Et en ce monde affligés ne seront
Qui etiam non apprehenderunt
Disciplinam dont moyse nous dit
Qu'ilz periront comme peuple maudit
Notanda sunt tresattentivement
Ista verba comment l'ame sera
Du tout pardue après trespassement
Qui devant mort ne la corrigera
Affligera ou disciplinera
C'est assavoir per correctionem
Morum cordisq ue contrictionem
Et ideo qui non susceperit
Discipline et penitentie
Modo tempus dela non poterit
Trouver n'avoir lieu indulgentie
Apud deum nec tempus gratie
Car qui pourra vivant et ne vourra
Quant il vourra mourant il ne pourra
Quapropter nunc pecheur plain de peché
Charougne a vers que les vers point ne lessent
Corps orguilleux de tout mal enteché
Dont nuyt et jour les vermines se paissent
Qui s'engendrent de toimesmes et naissent
Vanité gette et d'orgueil te repren
Luxure fuy et discipline pren
Ne pereas de la voye salvable
Qu'ont tenu ceulx qui sunt in superis
Et regarde comme homme resonnable
Quid fuisti quid es et quid eris
Videbis q uod modicum cineris
Tu fus tu es et après mort seras
Ce sauras tu quant tu trespasseras

Le septiesme chappitre

Se tu penses que feras et com fus
Ante ortum et après naissement
Jusqu'a ta fin te trouveras confus
Tant y verras grant esbaïssement
Se tu du tout metz en ton pensement
Comme après mort seras et deviendras
Pour povre et vil tousjours tu te tiendras
Une aultre chose encore a penser as
Quod non pensas necq ue pensavisti
C'est q'ung temps fut in quo tu non eras
Et postea in hoc mundo tristi
Ou maternel ventre fait fuisti
De matiere orde et cum putredine
Menstruali nutritus sanguine
Et en ce ventre ou tant vil habitoies
Ante ortum d'une orde peau qu'on nomme
Secundina envelopé estoies
La quelle peau vest au ventre tout homme
Qui vient d'adam qui mordit en la pomme
Ainsi pour vray vestu et aourné
Vins en ce monde en pleurs et paour né
Nec memores quomodo sit vilis
Ta naissance miserable et fragile
Et ta nature abhominabilis
Homme mortel meschant homme et debile
Mais que te vault estre expert et abile
Ne ton angin ne ta subtillité
Quant rien ne vient a fruit ne utillité
Rien ne te vault l'entendement parfont
Raison aussi ne le doit pas permettre
Car vraiement quatre choses te font
Frater quid es du tout en oubli mettre
Comme escript est cy dessoubz en beau mettre
C'est assavoir forma mundi favor
Opes atq ue juvenilis fervor
Hec quatuor de toy abstulerunt
La congnoissance ibi totaliter
Et de ton cueur les yeulx velaverunt
Et clauserunt etiam taliter
Que tu ne peus les choses firmiter
Suspicere qui sont celestielles
Tant est fiché aux choses temporelles
Quid est homo ex parte corporis
Vis tu ferre saint bernard nous afferme
Dicens homo est saccus stercoris
Viande a vers tresord et puant sperme
Conceu et fait de matiere et de germe
En tenebres au ventre de la mere
Dont la naissance est a la mere amere
Pour quoy est l'omme orgueilleux et pervers
Pour quoy monte homme en exaltation
Vita labor et tribulation
Nasci pena et mori necessaire
Puisque orgueil est a son ame adversaire
Homme orguilleux pour quoy te devestu
D'umilité qui tant est gracieuse
Cur impugnas pour quoy aussi ves tu
Ta chair pouldre de chose precieuse
Pour quoy mets tu chose delicieuse
Sur ta chair cendre en delictz trop nourrie
Puis qu'en terre sera bien tost pourrie

Le huytiesme chappitre

Robes de soye ou de fin drap d'or n'as
Vestu ta chair que a plaire hominibus
Et animam tuam non adornas
En ce monde bonis operibus
Nec decoras sanctis virtutibus
Qui est a dieu et ejus angelis
Presentanda post mortem in celis
Que ne fais tu en ce monde tandis
Que tu es vif ton ame a dieu plaisante
Cur animam tuam vilipendis
Et preponis ei ta chair puante
C'est grant abus et chose trop meschante
Que de souffrir la dame ancillari
Et ancillam aussi dominari
Et se du dictz non possum spernere
Istum mundum n'aussi semblablement
Carnem meam odio habere
Tant l'aime fort et naturellement
Je te demande homme d'entendement
Or me respon et assavoir mon dy
En quel lieu sont amatores mundi

Le .ix. chappitre

Qui nagaires bonne chere faisoient
Avecques nous en joye et en liesse
En grant honneur et en grant bruit estoient
N'a pas longc temps en pompe et en richesse
Or ont passé leur temps et leur jeunesse
Et d'eux au monde on n'a point de demeure
Fors que la cendre et les vers ne demeure
Ergo modo pense qui sont et furent
Hommes furent comme toy et regnerent
Semblablement ilz mangerent et burent
Ainsi que toy et rirent et jouerent
In bonisq ue dies suos menerent
De harpe aussi et d'aultre instrument dirent
Et in puncto es enfers descendirent
Ibi caro eorum vermibus
Est donnee se sont choses creables
Et leur ame pardela ignibus
Deputatur entre les mains des dyables
Jusques atant que leurs corps miserables
Et leur ame après le jugement
Soient en feu perpetuellement
Car pour certain tous ceulx qui en delices
In hoc mundo socii fuerunt
Et qui une amour conjoinct et lie en vices
Une peine mesme aussi souffreront
Certainement ceulx qui peccaverunt
Ensemble icy et sont en couple uniz
Seront dela d'une peine pugnis
Leur gloire icy que leur a proufité
Richesse aussi brevis leticia
Puisqu'en enfer sont en necessité
Que leur valut mundi potentia
Mala aussi concupiscentia
Grande famille et volupté charnelle
Puis que dela sont en peine eternelle
Ou est david et salomon le sage
Absalonq ue vultu mirabilis
Ou est sanson de force et de courage
Tant merveilleux dux invincibilis
Et alixandre incomparabilis
Aristote tules et sa loquence
Dont tant piteuse en fut la consequence
Tot presules et roys mundi hujus
Tot principum ducumq ue forcia
Mort mect au bas mort mect en la fin jus
Car contre mort trop peu de force y a
Tot proceres tot retro spacia
En ung moment omnia clauduntur
Revertuntur en terre et truduntur

Le .x. chappitre

Les empereurs roys ducs contes et princes
Jadis regnans que sont ilz devenus
Les empires royaulmes et provinces
Tindrent soubz pié mais nichilominus
Laissé ont tout et en terre mis nus
Mangés de vers sont et leurs corps pourris
Qui furent tant bien parés et nourris
Aux eglises regarde et cymetieres
Sans ceulx qui sont autre part entassés
Et aux charniers et aux aultres frontieres
Les ossemens de tant de trespassés
Las en verras d'ungs et d'aultres assés
Mais tu n'auras d'aucun d'eux congnoissance
Qui fut noble homme ou vilain de naissance
Se descendu tu es du sang royal
Ou d'aultre lieu que bien noble on renomme
Pour quoy veus tu se tu n'es desloyal
Que virtueux et noble homme on te nomme
Noble et vilain vindrent du premier homme
Mais tant soit noble il est vilain parfait
Qui vilain fait a son escient fait
T'est il advis que sus en paradis
Soit saint pierre pourtant s'il fut pecheur
Plus bas q'ung roy si le roy fust jadis
Plus hault que luy sur terre homme pecheur
Tu n'orras pas prescher a bon prescheur
Q uo d acceptor personarum soit dieu
Car les plus bas met souvent en hault lieu
Mais les mauvais puissans evidenter
Divers tormens souffreront puissanment
Juxta illud potentes potenter
Patientur tormens incessanment
Par l'euvangile on peut savoir comment
Ceci est vray ou il fait mention
De divite mis a dannation
Ubi risus ubi jactantia
Ubi jocus et ubi arrogance
De tanta hic joye et leticia
Quanta illic et tristesse et meschante
Après luxure arderont sans doubtance
Et de leur feste et exultation
Seront de la en tribulation
Car comme on dit in apocalipsi
Ceulx qui deça se glorifieront
En delices in inferno ipsi
Divers tourmens sans fin endureront
Et de tant plus comme ilz s'exausseront
De tant plus fort seront humiliés
Et des liens de l'ennemi liés
Et tout ce qu'est escheut ou escherra
Aux desusdictz te peut il eschoir
Et s'il leur est mescheut ou mescherra
Semblablement te peut il meschoir
Et aussi bien peux errer et choir
Comme ilz sont cheus et comme ilz ont erré
Car tu es homme et de limo terre
In quam terram cras vel modo
Carissime frater reverteris
Car tu mourras et ne sçais quomodo
Ubi quando nec diem funeris
Et postqua m scis q uod tu morieris
Et mort t'atant par tout pour deceveoir
Soies par tout prest pour la recevoir
Soions tousjours comme les sages vierges
En attendant les peuples desja prests
Qui leurs lampes plus ardantes que cierges
Tindrent cleres en faisant leurs aprests
D'estre aux nopces bien parees après
Le grant seigneur sponsum immortalem
Affin d'entrer dedans hierusalem
Trescher frere si carnem sequeris
C'est a dire luxure auchunement
Saiches pour vray q uod punitus eris
En l'autre monde in carne proprement
Si vestemens tu quiers pour ornemens
Ta couverture erunt vermes certe
Et tinea sternetur super te
Car dieu qui est tresraisonnable juge
Fort patient et doulx ne jugera
Jamais homme ne n'a jugé ne juge
Tant est juste que selon qu'il fera
Car il rendra secundum opera
Peine aux mauvais qui l'auront desservi
Et joye aux bons qui l'auront bien servi
Qui diligit plusfort mundum istum
Qui tant est faulx mauvais et decevable
Quam dominum nostrum jesum christum
Et a ce ciel plus que cloistre aggreable
Gloutonnie que abstinence amiable
Et est lubrique en la fin peribit
Le dyable ensuyt et en enfer ibit
O du pecheur anima misera
Qui n'as icy tant soit peu de demeure
O peccator miser considera
Diem mortis que tu ne sçais ne l'eure
Ton temps pardu sur toutes choses pleure
Meditando en quelle part yra
Ta povre ame quant elle partira
Quant tu seras in ultima gravi
Morbitate et ad mortem ductus
En attendant que tu soies ravi
Inter maris infernalis fluctus
Ubi semper clamor est et luctus
La quelle mer est de pleurs toute pleine
Pense en quel dueul tu mourras et quelle peine
Pense en quelle peine et en quantes douleurs
L'omme est inter longa suspiria
Pense comment en diverses couleurs
Son visage est quant tel martire y a
Quantes paours quanta martiria
Sentira l'omme et plus qu'oncques martir
Quant de son corps vouldra l'ame partir
Tunc veniet corpus in palorem
Viande a vers erit atq ue vermis
Convertetur en cendre et fetorem
Quant il sera en terre o les vers mis
Tout alentour seront les ennemis
Dudit corps mort pour en devorer l'ame
Devant qu'il soit en terre soubz la lamme

Le unziesme chappitre

Or pense en toy qui te confortera
A ceste heure quant l'ame vouldras rendre
Qui sera ce qui te rachetera
Des ennemis quant ilz te vouldront prendre
Di moy comment tu te pourras defendre
Quant tu verras de dyables si grant nombre
Et seras mis de tenebres en l'ombre
Quant tu verras plus d'une legion
Adversaires pour ton ame destruire
Qui sera ce qui en la region
Incongneue te pourra lors conduire
Ou pourras tu trouver secours ne fuire
Comment pourras eschapper des peris
Ton ame tant trouvera desperis

Le doziesme chappitre

Au jour aussi te vueille souvenir
Du jugement q uam subito doit estre
Au quel fauldra bons et mauvais venir
C'est assavoir les bons du costé destre
Et les mauvais d'autre part a senestre
Pour rendre a dieu conte des dictz et faictz
Qu'on aura cy pourpensés dictz et faicts
Et en ce jour horrible qui viendra
In corpore prout gesserimus
Soit bien soit mal dieu alors nous le rendra
Et secundum hec que fecerimus
Ibi ante judicem erimus
Rationem omnes reddituri
Et sa sentence aussi audituri
C'est assavoir venés benedicti
Ceste parolle aux benoists dieu dira
Et aux mauldis ite maledicti
Les quelz sans fin en enfer pugnira
En corps et ame ainsi chacun ira
En gloire ou peine en sa place ordonnee
La sentence du grant juge donnee
La ne vauldroit cu m presentaberis
Sillogismes fallaces ne deffences
De tes pechés tu accusaberis
Non pas des faitz ne des gra n des offences
Tant seullement ne de ce que tu penses
Corde malo et malicioso
Et de omni verbo occioso.
Angelorum cunctis agminibus
Tous tes pechés clerement patebunt
Similiter et sanctis omnibus
Visiblement ibi apparebunt
Et sic omnes tes vices videbunt
Non seulement cogitationum.
Sed actuum et locutionum
Ille judex ton accuseur sera
Et ante luy les saincts te jugeront
Ta conscience aussi te jugera
Tous esperis la contre toy seront
Bons et mauvais les quelz t'acuseront
Et sic deus tunc non parcet tibi
Angustie erunt par tout ibi
Car d'ung costé sera mis chacun vice
En t'acusant de ton iniquité
Et d'aultre part la terrible justice
Subtus patrus d'enfer l'obscurité
Judex saper en furosité
La conscience ardente par dedans
Et par dehors totus mundus ardens
Helas helas toy pecheur en ce point
Deprehensus ou fouyras n'en quel place
La ne verras ne ne trouveras point
Qui voie ou lieu pour t'en fuir te face
Dieu te verra ou quel devant la face
Intollerable erit apparere
Et impossibile etiam latere
La sentence du juge redoutable
Sur toy pecheur maudit et douloureux
Semel lata sera inrevocable
Ce jour amer terrible et paoureux
Et tost après les bourreaux rigoureux
Sentencia data intollerable
Te meneront en torment pardurable

Le .xiii. chappitre

Non seulement eris in tormento
Sed tormentis tousjours sans intervalle
Car la sans fin et temperamento
Seront tormens en la fosse infernalle
Ou il fauldra que ton corps on avalle
Plein de macule et ton ame polue
Par ta vie mauvaise et dissolue
Trop grant paour et doubte vehemente
Turbabunt te lors que tu escherras
En ce torment qui plus que aultre tormente
Et devant toy la terre ouvrir verras
Pour trangloutir et tout a coup cherras

Le .xiiii. chappitre

In caminum ignis exardentis
Et in stannum sulphuris fetentis
Carnem tuam ignis exterius
En cest estain de souffre brulera
Semblablement vermis interius
Ta conscience en enfer rongera
Torment en feu et souffre fouffrera
Ton ame et corps ainsi sine fine
Se tu as mal ton temps ici finé
Tous les tormens d'enfer surmontera
Privatio dei visionis
Ceste chose moult te tormentera
Pareillement et carere bonis
Que tempore acquisitionis
C'est assavoir dum vivens fuisti
Acquirere bene potuisti
Ibi loca patebunt penarum
Atq ue chaos qui est confusion
Caligoq ue umbra tenebrarum
Douleur fraieur horrible vision
Angoisse et dueil haine et division
Chartre obscure tribulationis
Et profond lac desperationis
La en ardeur inextinguibili
Seront ouys clamores flentium
La en froidure inenarrabili
Seront ouys stridores dentium
La on orra voces gementium
Peccatorum dice n tium ve ve
Ve iterum ve filiis eve

Le .xv. chappitre

Ubi ignis est materialis
Inestinguibile et froit inenarrable
Famus fetor vermis immortalis
Timor dolor et peine intollerable
Mors corporis et anime durable
Tousjours sans fin sans espoir ne mercy
Et plus d'orreur qu'on ne peut nommer cy
Quis poterit en ce feu perilleux
En tenebres aut cum sempiternis
Ardoribus n'en ce froit merveilleux
Habitare labas in advernis
Ou les dannés sont tous ars et ternis
Et facies eorum combuste
Qui in vita vixerunt injuste
Quant ses tormens desusdictz treshorribles
L'ame en enfer que dannata erit
Endurera et d'aultres trop terribles
Plusquam dici potest nec poterit
Audierit viderit senserit
Qualis quantus et q uam magnus timor
Terror erit en elle atq ue tremor
Que mens potest penas et tormenta
Cogitare nec lingua dicere
Quis poterit en si grans tormenta
Habitare sive remanere
Et quis liber potest exponere
Ce que saint pol en enfer ravi vit
Qui des vivans nunc in terra vivit
Quid proderunt illis cupiditas
Dignitates sive potentie
Quid proderunt pompaq ue vanitas
Mundi hujus sive jactantie
Quid proderunt illis scientie
Des bien d'aultruy faulse detention
Honorisq ue mondaine ambicion
Quid proderunt illis appetitus
Luxurieq ue superfluitas
Cibi sive cibus exquisitus
Dulcis potusq ue curiositas
Du vestement et speciositas
Du chaussement etiam crapula
Ebrietas procedens a gula
Quid proderunt je t'en fais la demande
Des haulx chateaux alta constructio
Quid proderunt aussi je te demande
Des grans maisons hic acquisitio
Quid proderunt tunc aggregatio
De richesses puis qu'en la fin tout fault
Et que raison rendre au juge il en fault
Nunquid in hoc mundum defecerunt
Dimittendo se sic decipere
Nunquid viam aultre potuerunt
Que ceste cy plus seure arripere
Et animam suam eripere
Rugientis de ore leonis
Et de fauce horrendi drachonis
Hanc igitur lectionem legat
Qui d'amour est mondaine implicatus
In peccatis atq ue se protegat
Qui du vice est lubrique excecatus
Au quel plus plaist tant est hebetatus
Cadaveris lubrici voluptas
Que de son ame integra sanitas
Et plus studet hanc vitam terrenam
Circa martham dont la vie est active
Quam celestem circa magdalenam
Dont la vie es est cieulx contemplative
Et de mundo qui vie est transitive
Vult plus esse et lege mundana
Quam de christo et lege divina
Consideret diligenter et voye
Metuendam semitam qu'il tiendra
Et bien specule en ce mirouer la voye
Et premissis en la quelle il viendra
Et le chemin tenebreux qu'il tiendra
Les mains aussi par ou le fault passer
Quant de ce monde il vouldra trespasser
O peccator stultissime quare
Discrectio tua ista nescit
Quare non vis hec considerare
Et pource en toy grant orgueil tumescit
Luxuria etiam flamescit
Avarice similiter ligat
Et en ton cueur paresse fatigat
Ta pensee non ista cogitat
Et envie non vult hoc videre
Par quoy en toy ira exagitat
Atq ue gula vult te occidere
Quia non vis ista previdere
Pource en ton ame ou grant malice y a
Excruciat semper malicia
Quam horrida et q uam innumera
Sunt tormenta c'est chose non pareille
Frigus ignis fetor et cetera
Ton oeil ne vit ne oyt ton oreille
En ta vie l'orreur qu'on t'apareille
Après ta mort si bien tu ne t'en gardes
Et ne t'en chault ne point tu n'y regardes
Et idcirco sepe efficeris
Comme a tout mal faire destinatus
Hic contumax igitur tu eris
In tormentis predictis dannatus
Puis que tu es ainsi obstinatus
Et ne te veulx de tes pechés douloir
Ne n'as aussi de t'amender vouloir
Quia sicut vir contempciosus
A divino opere recedis
Et ut piger et accidiosus
Negligenter ad deum accedis
Ne ne prens garde a ses faits n'a ses ditz
Ne n'as vouloir d'y mettre amendement
Ne de obeir a son commandement

Le .xv. chappitre

Quare quia providere non vis
Devant trespas post mortem quo vadis
Ne pensement tu n'as n'en toy advis
Que ton temps passe et in mortem cadis
Dont la gloire tu pers de paradis
Ou les benoists en la joye ou iront
De quatre dons principaulx jouiront
Premierement de de fruitione
Dei patris les benoists gaudebunt
Secundement et de visione
Celi justi qui ut sol fulgebunt
Auront liesse et quia videbunt
Assés d'aultres creatures moult belles
Precieusement cleres et corporelles
Après de la glorification
Du corps avec l'ame similiter
Quant ilz auront l'association
Des saintz anges et hommes pariter
Quant ilz pourront perpetualiter
Lassus user de ces dons et jouir
Bien se devront amer et resjouir
Pater atq ue natus cum flamine
Ung dieu en trois ibi videbitur
Face a face sine velamine
amabitur atq ue laudabitur
Ibi justus sans fin letabitur
Car il aura jeunesse sans vueillesse
Vie sans mort et joie sans tristesse
La est tousjours lumiere sans tenebre
La est beauté que nunquam palescit
La tousjours feste et nopces on celebre
La est amour qui nunquam tepescit
Senectusq ue que nunquam marcescit
Ibi nullus gemitus auditur
Ibi malum nec dolor sentitur
La omnia genera insonant
Musicorum en jubilation
La immensa domini resonant
Epulantes en exaltation
La oit on voix de consolation
Quia deus qui les acorde y a
Mis paix sans fin sine discordia
Ibi nichil quod deest amatur
Rien ne deffault in illa curia
Ibi nichil quod absit optatur
La est tout bien sine penuria
La voluntas sine injuria
Regnum sine commutatione
Et paix sine perturbatione
Et en ce lieu ou est leticia
Pax caritas fides fortitudo
Prudentia et temperantia
Justicia et mansuetudo
En deux s'estent hec beatitudo
C'est qu'on est las de tout mal en l'asence
Et de tout bien aussi en la presence
Saint paul qui fut spiritualiter
Raptus dicit oculus non vidit
Nec audivit auris similiter
Neq ue in cor hominis ascendit
Hoc quod deus hic sa jus descendit
Preparavit diligentibus se
Lassus es cieulx comme ung tresor muscé
O q uam felix l'ame la hault erit
Que videre deum creatorem
Ipsum patrem luminis poterit
Siderumq ue lune conditorem
Prepotentem cunctorum factorum
Sempiternum solem justicie
Genitoremq ue sapientie
Frater michi dic supplico tibi
Quantum festum quanta jocunditas
Qualis amor esse potest ibi
Que dulcedo quanta suavitas
Quantus splendor que lux que caritas
Ou on voit dieu lumen in lumine
Dont paradis est tout enluminé
Ibi est lux enluminant le jour
Et perennis vita viventium
Dulcis melos sans fin et sans sejour
Patriaq ue dux redeuntium
Et corona spes morientium
Morientes pro christi nomine
Qui passus est mortem pro homine
La est honneur decus et dignitas
La est candor lucis estivalis
Vernalisq ue semper amenitas
Et abundance aussi autompnalis
La est repos sans fin hiemalis
La voit on gloire et chose après mort telle
Qu'oncques ne vit creature mortelle
O doulce vie o vita vitalis
O superna et clara civitas
Ou est vita semper memoralis
Sine morte atq ue securitas
Et secura semper tranquillitas
Tranquillaq ue aussi joieuseté
Et jocunda sans fin beneureté
Felix aussi la est eternitas
Eterna lux joie et beatitude
Et beata spes nostri trinitas
Qui nous a fait a sa similitude
Et jectés hors de mort et servitute
Et de chartre infernale et maudite
Pour nous donner la vie dessusdicte
En la quelle benoiste et sainte vie
Perducat nos creator cunctorum
Et après mort soit nostre ame ravie
Inter choros omnium sanctorum
Angelorum et archangelorum
Ou nous puissons voir sans fin sa face
Amen amen amen ainsi se face

Cy finist le mirouer des pecheurs

S'ensuit le second livre nommé l'exortation des mondains tant gens d'eglise que seculiers

Balade pour avoir paix a dieu et au monde Pour con tempner toutes richesses et pour ama n der sa vie

Refrain

Par ce moyen nous aurons tousjours paix
De par le roy de justice assaulx faits
Soubz l'estendart paré d'aversité
De q ue rir armes so n t souve n t pour les faits
Du peuple enflé et plein d'iniquité
Rempli d'orgueil vuide d'umilité
Dont mainte eglise illustrante et cité
Mise a esté bas arse et desconfite
Et mains vaillans la saison preterite
De glesve occis pourtant chacun s'acquite
Et selon dieu vive desores mais
Destruite ainsi sera guerre mauldite
Par ce moyen nous aurons tousjours paix
Pense ung chacun qu'il portera son faiz
Et qu'après mort sera resuscité
Pour rendre a dieu conte de ses meffais
En jugement ou il sera cité
La luy sera tout son temps recité
La dieu dira aux benoists venite
Et aux maudis ite ceste voix dicte
Chacun aura droit selon son merite
Les mauvais gloire et lyesse infinite
Et les dannés tristesse a tousjours mais
Las pensons y car c'est chose licite
Par ce moyen nous aurons tousjours paix
Prince mortel nostre vie est petite
Et nous suit mort a tout son dart subite
Pourta n t faisons des biens plus qu'oncques mais
Ta n t qu'après mort nostre ame es cieulx h ab ite
Par ce moien nous aurons tousjours paix

Le second chappitre
Balade co n tre ceulx et pri n cipalleme n t ge n s de court qui ayment ce maleureux mo n de pour lesser la vie eternelle

Refrain

Homme deffait et a perdition
Las et pour quoi prens tu si grant plaisir
Home abusé plain de presumption.
En ce faulx monde ou n'a que desplaisir.
Envie orgueil guerre et dissention.
Qui maleureuse est ton affection
Que penses tu as tu plus grant envie
De vivre en doubte en ceste courte vie
Qui les mondains a la mort d'enfer maine
Que seurement vivre en vie certaine
Las tu sces bien se tu n'es insensible
Que c'est chose forte voire impossible
D'avoir ça jus ton aise entierement
Et après mort lassus pareillement
Helas pourta n t change condition
Et te ravise ou tu es aultrement
Homme deffait et a perdition
Le quel veult tu ou vie ou mort choisir
Choisi des deux tu as discretion
Ayme tu mieulx de ton corps le desir
Pour ton ame mettre a dampnation
Que vivre un peu en tribulation
Et qu'après mort soit ton ame ravie
En gloire es cieulx qui de nul deservie
Estre ne peut en ceste vie humaine
S'il ne laisse terre avoir et demaine
Et pere et mere et tout s'il est possible
Et vivre en paine et en labour terrible
Ensuiva n t dieu tousjours pacie m ment
C'est le chemin qui conduit seurement
Après trespas l'o m me a salvation
Et qui va aultre il va a de m pnement
Ho m me deffait et a perdition
Cuide tu ci tousjours avoir leisir
D'avoir pardon sans satifation
Et toute nuit en beau lit mol gesir.
Puis asejours sans operation
Passer le jour en delectation
Tant que du tout ta char soit assouvie
Penses tu point qu'il faille qu'on define
Helas oi car mort vendra soudaine
Et prengne fin la plaisance mondaine
Une heure a toi atout son dart horrible
Si tresacop co m me chose invisible.
Que pas n'auras lesir aucuneme n t
De dire a dieu peccavi seulement
Ainsi morras tost sans contricion
Dont tu seras par divin jugement.
Ho m me deffait et a perdition
Homme en peril saiches certainement
Que se tu n'as aultre vouloir briefvement
De t'amender n'autre devotion
Tu te verras ung jour subitement
Homme deffaict et a perdition

Le .iii. chappitre
Balade et exortatio n a tous prelatz d'eglise pour despriser soy et le monde et mener saincte vie

Refrain

Mais sçais tu quant demain par adventure
Ou aujourd'uy pourtant donne toy garde
Homme mortel creé de terre et fait
Du createur formé a la semblance
Las recongnois le bien que dieu t'a fait
Puis que tu es homme privé d'enfance
Remanbre toy et ayes souvenance
Cueur dur ingrat rempli de vanité
Du hault degré et de la dignité
Ou dieu t'a mis indigne creature
Tant riche et noble eslue en prelature
Dont tu rendras conte estroit quoy qu'il tarde
Mais sçais tu quant demain par adventure
Ou aujourd'ui pourtant donne toy garde
Homme arme toy contre l'eure future
Forte et dure car mort de la pointure
Te picquera de sa cruelle darde
Mais sçais tu quant demain par adventure
Ou aujourd'uy pourtant donne toy garde

Le .iiii. chappitre
Ballade proufitable et utile contenant les pri n cipalles joies de paradis et les peines d'enfer

Refrain

Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse
Puis qu'ansi est qu'il nous faille fenir
Et après fin conte a dieu de tout rendre
Las desoresmais vueillons nous maintenir
Si saintement sans taiche et sans mesprendre
Qu'a l'eure horrible ou mort nous vouldra pre n dre
Nostre povre ame a present vicieuse
Soit de vertus tant riche et precieuse
Que voler puisse en la haulte cité
Ou est plaisir joie et felicité
Salut vertus feste et paix pardurable
Vie sans mort beauté santé jeunesse
Le pris povoir et force insuperable
Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse
Pourtant vueillons par cueur bien retenir
Tous ces poins cy et a bien faire entendre
Siqu'après mort nous puissons parvenir
Au hault royaume ou nous devons tous tendre
Qui tant riche est que sens ne peut comprendre
La voit on dieu o face glorieuse
La oit on son o voix melodieuse
La ont les corps impassibilité
Agilité clarté subtillité
Et les ames sapience admirable
Puissance honneur sureté et lyesse
Concorde amour et gloire inseparable
Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse
Las nous voions tous les jours mort venir
Qui est la fin que nous devons attendre
Et ne sçavons que puent revenir
Les esperis quant les corps sont en cendre
Les bons vont sus les mauvais fault desce n dre
En une chartre obscure et tenebreuse
Ou est vermine immortelle angoisseuse
Misere ennuy faulte et necessité
Faim soif pleur cri et toute adversité
Horreur fraieur paeur inenarrable
Mort sans mourir desespoir et tristesse
Feu sans lumiere et froit intollerable
Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse
O mauvais riche enflé d'iniquité
Rude aux povres las que t'a proufité
Ton riche habit ta plantureuse table
Puis que tu es povre pour ta richesse
Et as soif ore et faim insaciable
Qui tousjours dure et qui jamais ne cesse

Le .v. chappitre
Balade pour aprendre a bien mourir et renuncier du tout au monde

Refrain

Pour bien mourir et vivre longuement
Puis qu'ansi est que la mort soit certaine
Plus qu'autre rien terrible et douloureuse
Et que chose ne peut estre incertaine
Plus qu'en est l'eure horrible en angoisseuse
Et soit si briefve et partant perilleuse
Las nostre joie en ce val miserable
Il m'est advis pour le plus convenable
Que nous devrions du tout entierement
Mettre soubz pié ce monde pou durable
Pour bien mourir et vivre longuement
Delaissier doit toute joie mondaine
Et mener vie humble et religieuse
Qui monter veult a la tressouverainne
Cité des cieulx qui tant est glorieuse
La contempler doit tousjours l'ame eureuse
Qui aime dieu et het euvre de dyable
Suivre les bons estre a tous charitable
Soy confesser souvent devotement
Et messe ouyr qui tant est proufitable
Pour bien mourir et vivre longuement
Trop s'abuse tout homme qui demaine
Orgueil en luy et vie ambicieuse
Quant il sçait bien que la mort tout amaine
Qui vient souvant soubdainne et merveilleuse
Mais doit penser la passion piteuse
Du redempteur et la peine doubtable
D'enfer sans fin qui est inenarrable
Le jour hatif du divin jugement
Et ses pechés comme sage notable
Pour bien mourir et vivre longuement
O mortel homme et ame raisonnable
Se tu ne veulx estre après mort dannable
Tu dois le jour une fois seulement
Penser du moins ta fin abhominable
Pour bien mourir et vivre longuement

Le .vi. chappitre
Balade pour acquerir le tresor des cieulx et despriser toutes richesses terriennes

Refrain

Ou chacun peut sans riens mettre tout pre n dre
Puis que la chartre obscure de tristesse
Mere de dueil qui joie desherite
Thesauriser ne peut n'avoir richesse
Nul prisonnier qui en sa fosse assiste
Sans charge d'ame et de corps exercite
Et que tout bien terrien se decline
De cueur contrict la majesté divine
Requerons tous qu'après mort aspre et dure
Le beau tresor desploier et destendre
Nous vueille es cieulx qui tousjours sa n s fin dure
Ou chacun peut sans riens mettre tout pre n dre
La verrons nous sa face et sa haultesse
En son royaume ou beauté se delicte
La verrons nous la court et la noblesse
De sa mere qui ne peut estre dicte
Des apostres le palays et l'eslite
Et des martirs la sale et gloire fine
Des confesseurs la chappelle tresdigne
Et des vierges le temple et l'amour pure
La nostre cueur doit soupirer et tendre
Pour vivre au lieu de tous biens sans mesure
Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre
Qui aujourd'uy regne au monde en jeunesse
Pense en son cueur que sa vie est petite
Et que ces deux maladie et viellesse
Pour le mener droit a la mort subite
Le suivent près et selon son merite
Aura après joie ou dueil sans termine
Pourtant congneu que tout ainsi se fine
Et sommes cy de perdre en adventure
Vivons en dieu si bien qu'après mort rendre
Nous nous puissons des cieulx a l'ouverture
Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre
Prince mortel du monde et de nature
Faillent les biens et devenons tous cendre
Pourtant d'avoir paradis mettons cure
Ou chacun peut sans riens mettre tout prendre

Cy finist l'exortation des mondains

Cy c'ensuit le mirouer de dames et damoiselles et l'exemple de tout le sexe femenin

Mirés vous cy dames et damoiselles
Mirés vous cy et regardés ma face
Helas pensés se vous estes bien belles
Comment la mort toute beauté efface

Comment beauté humaine tourne plus a desplaisir après mort qu'elle ne pleut en vie

Je fus jadis tant belle et tant plaisante
Que de beauté j'estoie l'exemplaire
Et ores suis tant laide et desplaisante
Que plus desplais qu'oncques je ne peus plaire

La fin des beaux cheveux et du chief atourné

Las et que sont maintenant devenus
Les beaux cheveux de mon chief atourné
De l'orde terre estoient tous venus
Et en terre s'en est tout retourné

La fin des beaulx ieulx

Las comment sont mes beaux ieulx vers cha n gés
Et de ma face aussi tout le surplus
Las tellement les ont les vers mangés
Qu'on n'i voit plus que les partus sans plus

La fin de la beauté de la face

Las advisés hors ma face et dedans
Qui jadis fut tant belle et coulouree
Laissé n'i ont le vers fors que les dens
Las bien peu m'est ma beauté demouree

La fin du beau col

Las je souloie aussi droit q'une tour
Avoir le col plus blanc que lis et beau
Environné d'ung collier d'or autour
Et maintenant plus noir est q'ung corbeau

La fin de la beauté de la poitrine

Las maintenant qu'est aussi devenue
Ma poitrine tant blanche et tant refaite
Las qui la voit maintenant toute nue
Horreur en a tant est laide et deffaite

La fin de la beauté des mains et des piés

Las et ou est la beauté de mes mains
Aornees de diamens richement
Las et ou sont pour denser soirs et mains
Mes piés polis chaussés mignotement

La fin de la beauté du corps

Las ors souloit mon corps estre tenu
Tant bel et gent et souefment nourri
Et maintenant qui l'advise tout nu
Conte n'en fait ne que d'un sac pourri

La fin des precieux vestemens

Las de draps d'or de damas et de soye
Jadis souloie estre toute couverte
Et maintenant fault que d'une serqueul soie
Envelopee et demi descouverte

La fin des riches fourreures

Las je souloie estre jadis d'ermines
Toute fourree et de fins menus vers
Et maintenant je porte les vermines
Et me rongent les gros et menus vers

La fin des sumptueux edifices

Las je souloie avoir mes beaulx logis
En hauls palais chambres et lis parfons
Et en ung coffre a present desclos gis
Desoubz la terre ou les vers sont au fons

La fin du demainne terres possessions et revenues

Las je souloie avoir si grant demainne
Possessions terre et revenue
Et ores suis par mort qui tout amainne
Tant miserable et povre devenue

Ci s'ensuit du grant renom et de la domination

Las j'avoye du temps que j'estois vive
Si grant renom et domination
Et maintenant si petit n'est qui vive
Qui n'ait de moy abhomination

Des biens de fortune qui ne durent rien

Las fortune jadis tant me prisa
Que des prisés estoie en tout prisee
Et par la mort qui tout mon pris prins a
Des desprisés suis ore desprisee

Co m ment les plus belles sont après mort finees

Las près de moy jadis on se tenoit
Et maintenant chacun de moy s'eslongne
Ma grant beaulté chacun veoir venoit
Et on me fuit comme une orde charongne

Bon exemple de la mort qu'on deviendra

Las remirez qu'après respas serés
Ne plus ne moins mon fait le vous figure
Et recordés que vous trespasserez
Et porterés co m me moy la figure

Co m ment beauté devient horrible après mort

Las tant belle m'avoit faicte nature
Que ma beauté les cueurs des beaulx perçoit
Et ores n'est si laide creature.
Qu'il n'est horreur si tost qu'il m'apersoit

Comment beauté fault acoup

Or est toute ceste beauté passee
Plus tost que vent en ainsi peu d'espace
Et tout acoup suis jeune trespassee
Et perdue se dieu ne me fait grace

Comment par beauté on pert souvent l'ame

Las de beauté que j'ay peu nommer ci
Que perdue ai ne du corps soubz la lame
Ne me chault ja se dieu me fait merci
Si que sans fin n'en soit perdue l'ame

Comment pour gloire terrienne on pert la gloire eternelle pour estre danné

Mais c'est pitié quant pour joie si briefve
On pert des cieulx la gloire en ung moment
Pour estre en dueil tousjours do n t pl us en griefve
Ung jour que si deux cens jours de tourment

Comment honneur plaisance et estat mondain faillent acoup

Que vault honneur doncques qui ta n t peu dure
Que vault estat qui si tost devient cendre
Que vault plaisance en corps si plain d'ordure
Que vault monter pour si tost bas descendre

Comme n t il fault rendre conte de tout après mort

Que vault pompe ne bruit qui si tost fault
Las mieulx vauldroit le moien estat prendre
Puis qu'on sçait bien qu'en la fin il en fault
Tresestroit conte au juste juge rendre

La fin des plus belles du viel testament

Las et ou sont celles qui piessa furent
Dont les beautés raconte mainte histoire
Judich hester qui tant grant beauté eurent
Dont mention fait la bible et memoire

La fin de la beauté des plus belles de jadis

Las et ou sont de helaine et lucresse
Les grans beautés et de sidoine aussi
Faillies sont et mortes en destresses
Passé long temps et vous mourrés aussi

Comment d omi nation dure peu et est tost oubliee. après mort

On me souloit nommer maistresse et dame
Et plaisir faire et service jadis
Et maintenant je ne saiche au monde ame
Qui dist pour moi ung seul de profundis

Conclusion qu'on doit si bien vivre sur terre qu'on puisse acquerir vie eternelle es cieulx

Helas pourtant vous qui regnés sur terre
Dont après mort on ne fera plus conte
Vivés si bien devant qu'on vous enterre
Qu'après mort vifs dieu en sa court vous conte

Cy finist l'exemple des dames et damoiselles et de tout le sexe femenin

NOTES SUR LA TRANSCRIPTION

L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. Néanmoins pour faciliter la lecture, on a distingué les lettres i/j, u/v, et introduit cédilles, apostrophes et accents. Les symboles d'abréviation conventionnels ont été remplacés par les lettres correspondantes (exemple: Co m me au lieu de Cõme).

On a corrigé une douzaine de cas de substitution entre lettres de forme semblables (qni pour qui, Dt pour Et, etc.), non signalés ici en détail.

On a rendu en italique les mots latins imprimés dans l'original en caractères plus petits.