The Project Gutenberg eBook of Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz

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Title : Le trésor de la cité des dames de degré en degré et de tous estatz

Author : de Pisan Christine

Release date : September 13, 2008 [eBook #26608]
Most recently updated: January 4, 2021

Language : French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE TRÉSOR DE LA CITÉ DES DAMES DE DEGRÉ EN DEGRÉ ET DE TOUS ESTATZ ***

  

Le tresor de la cité des dames de degré en degré: et de tous estatz selon dame cristine

[Illustration]

Prologue.

Et si par divin vouloir l'estat de majesté royalle & de seigneurie est eslevé sur tous estatz mondains & que a la conduyte & doctrine d'iceluy soit regi & gouverné le petit & menu peuple pour au monde estre en union paix & concorde / bien licite est & co n venable que ceulx et celles tant fe m mes comme ho m mes que dieu a establis es haulx sieges de puissance & d omi nation de ta n t plus soie n t mieulx moriginés q ue autre gent & aornés de belles doctrines & de bonnes meurs affin q ue la reputation de eulx en soit plus venerable / & que co m me ilz sont ensuys et imitez aux choses mondaines et temporelles / pareillement en vie spirituelle soie n t a toutes gens miroir & exe m ple de toutes beneuretez & faitz vertueux. Et pource ma treschiere & tressouveraine dame Anne Royne de france treschrestienne que vostre tresbenigne et royalle majesté tousjours desire veoir bonnes choses et vertueuses. Je vostre treshumble et tresobeissant serviteur a l'honneur & magnificence de vostre trestriumphante souveraine je ay fait le livre des trois dames de vert us / c'est assavoir Raiso n droicture & justice souveraines dames de la noble cité des dames de vertus. Lequel livre fist & co m posa tresredoubtee dame cristine a l'enseignement et exhortacion des Roynes haultes dames et pri n cesses par le comma n deme n t d'icelles nobles vertus. Ad ce que lesdictes Roynes haultes dames & princesses soyent convocquees a estre souveraines citoyennes / et comme telles mises & fichees en la noble cité des dames de vertus. Et a l'exemple d'icelles les aultres dames / damoiselles / bourgoises et femmes de commun peuple. Et si demontre comment les bo n nes princesses doivent aymer et craindre dieu pour le premier et pri n cipal enseignement. Et qu'elles doivent prendre le bon & saint advertissement qui vient pour l'amour & crainte de nostreseigneur. Avecques plusieurs beaulx & vertueux enseignemens co n tenus en celuy livre. Ainsi que vostre tresglorifique et beneuree dignité en lisa n t le livre ou faisant lire par maniere de recreation pourra veoir & congnoistre.

¶ Or dit dame cristine.

Aprés ce que j'eus edifié a l'aide & par le comma n deme n t des trois dames de vertus / c'est assavoir Raison droicture & justice la cité des dames par la forme & maniere que au contenu de ladicte cité est declairé. Je comme personne, travaillee de si grant labeur avoir accomply et mis sus mes membres & mon corps lassé pour cause du long & co n tinuel excercite estant en oyseuse et querant repos s'apparure n t a moy gueres ne tardere n t les dessusdictes trois glorieuses en disa n t toutes trois parolles d'une mesmes substance en telle maniere. Comme n t fille d'estude as tu ja remis & fiché en mue l'ostil d e ton entendeme n t & delaissé en secheressse encre plume & le labour de ta main dextre auquel tant te soulois deliter. Veulx tu doncques donner oreille a la leçon de paresse qui te cha n tera se croyre le veulx / tu as assez fait / temps est que tu te reposes Comme ne scés / tu que do n cques dit / que quoy que l'entendeme n t du sage aprés grant labeur se repose. Si n'est il nul temps remis d'aulcune bonne oeuvre / no n mie a toy appartie n t estre au mombre d'iceulx qui emmy chemin sont trouvés recreans. Male honte ayt chevalier qui se despart de la bataille ains la fin de la victoire. Car a ceulx appartient la couronne de lorier qui perseverent. Or sus baille ta main dresse toy / plus ne soyes accopie en la pouldriere de recreantise. Entens nos sermons et tu feras bonne oeuvre / nous ne sommes e n cores ressasiees ou saoulees de te mettre en beso n gne comme cha m beriere de nos vertueux labours avons advisé preparlé & co n clud au conseil de vertu et a l'exemple de dieu qui au commencement du siecle qu'il eut creé vit son oeuvre bo n ne / la beneist. Puis fist homme & femme & les animaulx. Ainsi nostredicte oeuvre precedente / ceste de la cité des dames qui est bonne & utile soit benie et exaulcee par tout l'universel monde que encores a l'acroisseme n t d'icelle nous plaist que tout ainsi co m me le sage oyseleulx apppreste sa cage ains qu'il prengne ses oyselons. Voulons que aprés ce que le heberge des dames honnorees est faicte et preparee soyent semblablement que devant par tout ayde pourpe n sés faitz & quis engins trebuchetz & rethz beaulx & nobles laciez & ouvrez a neudz d'amours que nous te livrerons & tu les estendras par la terre es lieux & es places et es angletz par ou les dames & generallement toutes femmes passent et courent affin q ue celles qui sont farouches et dures a dominer puissent estre happees prinses & trebuchees en nos latz si que nulle ou pou qui s'embate ne puisse eschapper & que toutes ou la plus grant p ar tie d'elles soyent fichees en la caige de nostre glorieuse cité / ou le doulx chant aprengnent de celles qui desja y so n t hebergees comme souveraines / et qui sans cesser deschantent alleluya avecques la teneur des beneurés anges. Lors moy christine oyant les voix series de mes tresreverables maistresses remplye de joye en tressaillant / tost me dreçay & agenoillee devant elles m'offry a l'obeissa n ce de leurs dignes vouloirs. Et ado n c je receu d'elles tel co m mandement. Pren ta plume & escrips. Beneurez seront celles q ui habiteront en nostre cité pour acroistre le nombre des cytoyens de vertu. A tout le college femenin & a leur devote religion soit notifié le sermon et la leçon de sapience. Et tout premierement aux roynes princesses & haultes dames. Et puis ensuyvant de degré en degré chanterons semblablement nostre doctrine aux autres dames en toutes les damoiselles & estatz des femmes affin que la discipline de nostre escolle puisse estre a to us vaillable.

¶ Cy finist le prologue

¶ Cy co m mence la table de ce present livre du tresor de la cité des dames / & contient trois p ar ties a la premiere y a .xxvi. chapitres A la deuxiesme .xiiii. chapitres / & a la troisiesme & derniere p ar tie xiiii. chapitres. Et premierement.

¶ Comment les haultes roynes & princesses doivent aymer & craindre dieu Chap. premier.

¶ Co m ment les te m ptations peve n t venir a haulte princesse. Chapitre. ii.

¶ Co m ment la bonne princesse qui aymera & craindra nostreseigneur pourra resister aux temptations par divine inspiration. Chapitre. iii.

¶ Le bon & saint advertissement & congnoissance qui vient a la bonne princesse par l'amour & crainte de nostreseign eu r. chap. iiii.

¶ Des deux sainctes vies / c'est assavoir de la vie active & de la vie comtemplative. chap. v.

¶ Cy devise la voye que la bonne princesse se delibere a tenir. Chapitre vi.

¶ Comment la bonne princesse vouldra attraire a soy toutes vertus. Cha. vii.

¶ Comment la saige princesse ou dame se peinera de mettre la paix entre le prince & les barons s'il y a aulcun discord. cha. viii.

¶ Des voyes de devote charité que la bo n ne princesse tiendra. Chapitre. ix.

¶ Des enseignemens moraulx que prudence mo n daine prendra a la saige princesse. chap. x.

¶ La maniere de vivre de la saige princesse p ar l'admonnesteme n t de prudence. chap. xi.

¶ Des sept principaulx enseignemens de prudence qui sont necessaires a retenir a toute princesse qui ayme honneur. le p re mier est comment se tiendra vers son seigneur generallement & particulierement. chap. xii.

¶ Le deuxiesme enseignement de prudence qui est comment la saige princesse se co n tiendra vers les pare n s & amys de son seign eu r Chapitre. xiii.

¶ Le troisiesme enseignement de prudence qui est comme n t la sage princesse sera so n gneuse de se prendre garde sur l'estat & gouvernement de ses enfans. chap. xiiii.

¶ Le quatriesme enseignement de prudence qui est comment la princesse tiendra discrette maniere vers ceulx qui ne l'aymero n t pas & qui auront envye sur elle. chap. xv.

¶ Le .v. enseignement de prudence qui est comment la sage pri n cesse mettra peine comment elle soit en la grace & benivolence d e tous les estatz de ses subjetz. chap. xvi.

¶ Le .vi. enseignement comment la sage princesse tie n dra en belle ordonnance les femmes de sa court. cha. xvii.

¶ Le .vii. enseignement devise comment la sage princesse se pre n dra garde sur ces revenues & de ses finances & de l'estat de sa co ur t. Chapitre. xviii.

¶ En quelle maniere se doit estendre sa largesse et liberalité de la saige princesse. chap. xix.

¶ Les excusations qui affierent aux bonnes princesses qui ne pourroyent pour aucunes causes mettre a effect les choses dessusdictes. chap. xx.

¶ Du gouverneme n t a la sage pri n cesse demouree vefve. ch. xxi.

¶ De ce mesmes a l'enseigneme n t des jeunes princesses vefves. Chapitre. xxii.

¶ Du gouvernement qui doit estre baillé & tenu a jeune princesse nouvelle mariee. chap. xxiii.

¶ Les manieres q ue la sage dame ou damoiselle qui a en gouvernement jeune princesse doit tenir pour maintenir sa maistresse en bonne reno m mee & en l'amour de son seigneur. chap. xxiiii.

¶ De la jeune haulte dame qui se vouldroit esvoyer en folle amour & l'enseigneme n t que prudence donne a la dame ou damoiselle qui l'aura en gouverneme n t. chap. xxv.

¶ La maniere des lectres q ue la sage dame peut envoyer a sa maistresse. chapitre xxvi.

¶ Cy co m mence la deuxiesme p ar tie de ce livre laquelle s'adresse aux dames & damoiselles Et p re mierement a celles q ui demeure n t a court de princesse ou haulte dame.

¶ Le premier chapitre parle co m ment les trois dames / c'est assavoir / raison / droicture & justice recapitullent en brief ce qui est dit devant. chap. xxvii.

¶ Des quatre pointz les deux bons a tenir / & les deux autres a eschever. & co m ment dames & damoiselles de court doyve n t aymer leur maistresse & ce est le p re mier point. chap. xxviii.

¶ Le deuxiesme point qui est bon a tenir aux fe m mes de court qui est co m ment elles doyvent eschever trop d'acointances. chap. xxix.

¶ Le .iii. point qui est le p re mier des deux qui sont a eschever p ar la n t de l'envye q ui regne en court & dequoy elle vient. chap. xxx.

¶ De ce mesmes enseignement aux femmes co m ment se garderont entre elles d'avoir le vice d'envye. chap. xxxi

¶ Le .iiii. point qui est le deuxiesme des deux qui sont a eschever & parle comment femmes de court se doive n t bien garder de mesdire et de quelle chose vient mesdit ne a quelle cause ne occasion. Chapitre. xxxii

¶ De mesmes comment femmes de court se doyvent bien garder de dire mal de leur maistresse. chap. xxxiii

¶ Comment il ne appartient a femmes de diffamer l'une l'autre ne dire mal. chap. xxxiiii.

¶ Des dames baronnesses la maniere du sçavoir qui leur appartient. chap. xxxv.

¶ Co m ment il appartient que les dames & damoiselles q ui demeure n t sur les manoirs se gouverne n t au fait de mesnage. ch. xxxvi.

¶ Des dames qui sont oultrageuses en leurs habitz atours et habillemens. chap. xxxvii.

¶ Contre l'orgueil d'aucunes. chap. xxxviii

¶ Des manieres q ui appartienne n t a dames de religion. c. xxxix.

¶ Cy commence la tierce partie.

¶ Comment tout ce qui est dit devant peut toucher aussi bien les unes comme les autres des femmes & de la maniere & gouvernement que femme d'estat doit tenir au fait de son mesnage. Chapitre. xl.

¶ Comment femmes d'estat doivent estre ordo n nees en leur habit et comment se garderont de ceulx qui tachent a les decevoir. Chapitre. xli.

¶ Des femmes des marchans. chap. xlii.

¶ Des femmes vefves vieilles & jeunes. chap. xliii.

¶ Des jeunes filles & vieilles estans en l'estat de virginité. Chapitre. xliiii.

¶ Comment anciennes fe m mes se doyvent maintenir vers les jeunes & des meurs que avoir doyvent. chap. xlv

¶ Comment jeunes femmes se doivent maintenir vers les a n ciennes. chap. xlvi.

¶ Des femmes des mestiers / comment gouverner se doyvent. Chapitre. xlvii.

¶ Des femmes servantes & chamberieres. chap. xlviii

¶ Des femmes de folle vie. chap. xlix.

¶ Des femmes honnestes & chastes. chap. l.

¶ Des femmes des laboureurs. chap. li.

¶ De l'estat des povres. chap. lii.

¶ La fin & conclusion du livre. chap. liii.

¶ Cy fine la table de ce present livre.

¶ Cy commence le livre que fist dame cristine pour toutes roynes haultes dames & princesses. Et premierement. Comment ilz doyvent aymer et craindre dieu. chap. p re mier.

De par no us troys seurs filles de dieu no m mees raison / droicture / & justice. a toutes princesses empereys / roynes / duchesses / & haultes dames en domination regnans sur la terre crestienne & g ener aleme n t a toutes femmes. Salut & dilection. Sçavoir faisons que comme amour charitable no us contraigne a desirer le bien & accroissement l'honneur & prosperité de l'université des femmes & a vouloir le decheement & destruction de toutes les choses qui y pourroyent empescher / sommes meuz a vous declairer & dire parolles de doctrine. Venes do n cq ue s toutes a l'escolle de sapie n ce dames esleues es haultz estatz & n'ayez honte pour vous grandeurs de vous humilier & descendre aseoir bas pour ouÿr noz leçons. Car selon la parolle de dieu Qui se humiliera sera exaulcé quel chose est il en ce monde plus plaisant ne plus delectable a ceulx qui desirent richesses mo n daines / que or & pierres p re cieuses. mais ne leur pourroient mye pourta n t si embellir que font vertus aux corps qui desire n t bien vivre. car de tant que vertus sont plus nobles pource que elles durent sa n s fin. & sont les tresors de l'ame q ui est perpetuel & les autres passe n t co m me fumee de tant ceulx qui le goust en sentent & assaveurent les desirent arda m ment plus q ue autre chose mondaine ne pourroit estre desiree. Et do n cques n'appartie n t il a ceulx & a celles qui sont assis par grace & bo n ne fortune es plus haultz estatz q ue ilz soyent servis de tresmeilleurs choses. Et pource q ue v er tus sont les maitz de nostre table no us plaist il en distribuer p re mierement a celles a q ui nous parlons. C'est assavoir ausdictes princesses se fera le fondement de nostre doctrine tout p re mierement sur l'amour de crai n te de nostreseigneur. Car celuy point est le principe de sapience do n t toutes les autres vertus yssent & depende n t. Ente n dés do n cq ue s princesses & dames ho n norees sur la terre comment tout p re mierement sur toutes choses vo us advint amer & craindre n ost reseign eu r. Amer pourquoy pour son infinie bonté & les tresgrans benefices q ue vous en recevés. Et craindre pour sa divine & saincte justice qui riens ne laisse impugny. Et si ceste amour & crainte avés bien devant les yeulx / sa n s faulte vous estes au chemin qui co n duyra au lieu dont nous vous prescho n s c'est assavoir aux vertus. Or est il ainsi & n'est nulle doubte que il convient que tout cueur qui bien ayme le demonstre par oeuvre. Sicomme il mesme dit en l'evangille. Les ouailles de mon pere me ayment / & je les garde Cest a dire que les creatures qui l'ayment suyvent les traces q ue sont de vertu & il les garde de tous perilz / doncques est il ainsi q ui la princesse qui l'aymera le demo n strera si que pour quelconques charges ou occupations que elle ayt a cause de la magnificence de son estat ne se departira devant les yeulx la lumiere de droit chemin. Laquelle lumiere se combatra contre les temptations & tenebres de pechés & de vices & les vaincra & chassera selon la maniere que cy aprés est contenue.

¶ Cy devise la maniere des te m ptations qui pevent venir a haulte princesse. Chapitre .ii.

Quant la princesse ou haulte dame sera en son lict au matin reveillee de son so m me / & elle se verra couchee en son lit mol entre souefz draps enviro n nee de riches paremens & de toutes choses pour ayse du corps dames & damoiselles e n tour elle qui l'ueil n'ont a autre chose fors a adviser que riens ne lui faille de tous delices prestes de courir a elle si elle souspire tant soit soit petit / ou s'elle sonne mot / les genoulx flexis pour luy administrer tout service & obeir a tous ses commandemens. Adonc souventesfois adviendra que temptation l'assauldra q ui luy chantera la leçon. Beau sire dieu est il en ce monde pl us grant maistresse de toy / ne pl us auctorisee. de q ui dois tu tenir co m pte ne iroyes tu deva n t les autres ceste cy celle la quoy q ue elle soit mariee a hault pri n ce n'est point aco m paree a toy / tu es pl us riche ou pl us haultement en lignage / ou pl us prisee po ur tes enfans pl us crainte et pl us reno m mee & auctorisee pour la puissa n ce de ton seign eu r. Qui seroit ce doncq ue s q ui te oseroit faire quelconq ue desplaisir / ne t'en ve n gerois tu pas bien p ar telle puissance et p ar telle. Il n'est si gra n t doncq ue s tu ne venisse bien a chief. Toutesfois tieulx & tieulx ou telles & telles ont eu arrogance con tre toy & ont cuydé p ar leur oultrecuyda n ce povoir a toy. & ont fait telz & telz choses en ton desplaisir & p re judice. si t'en ve n geras se tu peux ung te m ps vie n dra. & a ce pourras tu moult bie n faire p ar tel ayde & p ar telle puissa n ce / mais q ue con vie n t il a ce faire nul ne fait rie n s ta n t soit gra n t maistre ne rie n s n'est crai n t s'il n'a argent & grant finance. Si te convient mettre peine a amasser tresor affin que en ton besoi n g tu t'en puisses ayder / c'est le meilleur amy & pl us seur moyen q ue tu puisses avoir. q ui sera celluy q ui te desobeyra mais que tu ayes largement que donner. pose que n'en donnasses se petit non. Si seroys tu voulentiers servie en esperance & attendant d'en avoir mieulx puis que renom seroit de ta richesse. Or soit elle morte qui ne tirera doncques a soy a toutes mains qui que en soy grevé ne a qui il en desplaise. Ce pourras tu bien faire mais que peine y mettes que as tu affaire si on en parle telz parleurs ne te pevent nuyre ne grever. Quel soussy doibs tu avoir. Il ne te fault sinon adviser a toutes choses q ui plaire te pourront. Tu n'as que ta vie en ce monde / vis a repos / de quoy te doibs tu embesongner vins & viandes ne te pevent faillir / de ce peuz tu avoir a ta plaisa n ce & tous autres delices. Brief il ne te fault penser fors d'avoir toute la joye et tous les esbatemens que tu pourras en ce monde. Nul n'a bon temps s'il ne le se donne / aulcune gratieuse pensee te fault avoir qui te resjouyra pour qui seras jolye / tieulx robbes tieulx paremens & tieulx joyaulx tieulx abillemens / ainsi & ainsi fais et de tel devise te fault avoir / tu n'en as nulz de si noble façon.

¶ Cy devise comment la bonne princesse qui aymera & craindra nostre seigne ur pourra resister aux temptations par divine insparation. Chapitre .iii.

Toutes les choses dessusdictes ou les semblables sont les metz que temptation administre a toute creature viva n t en ayse & delices / mais que fera la bo n ne princesse quant ainsi temptee se sentira Adoncques sauldra en place l'amour et crainte de nostre seigneur dieu jhesucrist qui luy chantera une autre leçon en disant en ceste maniere. Ha fole musarde mal advisee q ue as tu pensé en petit de heure avoyes oublié la co n gnoissance de toymesmes / ne scés tu pas bien que tu es une miserable et povre creature fresle debile & subjecte a toutes enfermetez a toutes passions maladies & autres douleurs que corps mortel peut souffrir / quel avantage as tu ne que ung autre / neant plus que auroit ung tas de terre couvert d'ung parement de celluy qui seroit soubz une povre flessoie. Ha dole n te creature encline a pecher & a tout vice te veulx tu doncques mescongnoistre & oublier comment ce chetif vessel vuit de toute vertu qui tant veult d'honneurs & d'aises deffauldra & mourra en peu de terme sera viande aux vers / & aussi bien pourrira en terre q ue celluy de la plus povre femme qui soit & que la lasse ame n'en portera rie n s ne mais le bien ou le mal que le chetif corps aura commis sur terre / que te vauldront lors ho n neurs avoirs ne ton gra n t parenté desquelles choses en ce monde tu te aloses te yront ilz secourir en la peine ou tu seras si tu as mal vescu en ce monde / certes non Ainçoys tout ce dequoy tu auras mal use te tournera a ruyne Helasse dolente mieulx fust pour toy avoir usé ta vie en l'estat d'une trespovre femme que estre eslevee en tant d'estas qui seront / se tu ne t'en prens garde / la cause de ta dampnation. Car forte chose seroit d'estre entre les flammes sans brusler. Ne scés tu que dieu dist en l'evangile. que les povres seront bieneurez / et que le royaulme des cieulx est pour eulx. Et ailleurs il dist que neant plus que ung chamel chargié entreroit au pertuys de l'eguille n'iroit ung riche en paradis. O dolente tu es si aveugle q ue tu n'avises ton grant peril / mais ce fait le gra n t orgueil qui pour cause de ses vains honneurs ou tu te vois envelopé estaint en toy si toute raison que te se m ble il que tu ne cuydes mye seulleme n t estre princesse ne gra n t dame / mais comme une droicte deesse en ce monde. Ha ce faulx orgueil comment le seuffres tu en toy et si scés par le raport de l'escripture dieu le hayt ta n t qu'il ne le peut souffrir. Car pour celle cause tresbucha il lucifer le prince des ennemys du ciel en e n fer. Et certes aussi fera il toy se tu ne te gardes. O orgueil racine de tous maulx certainement je congnois que de toy viennent tous les aultres vices et ce puis je congnoistre en moymesmes / car pour cause de toy & non po ur autre achoison je suis souvent embatue en ire desirant vengance / sicomme je pensoye nagueres. & me fais sembler que je doye estre redoubtee & prisee sur toutes les autres / & que je doye chascun supediter & que pource je ne doy riens souffrir qui me desplaise / mais tantost me venger tant soit le meffait petit. O vent perilleux en fleure de couraige boce plaine de venin & de pourriture la chair ou tu es fichee est en plus grant adventure que celle ou est la boce qui vient d'epidimie. Perverse creature tu desire vengeance pource que il te semble que es si gra n t que nul quoy que tu faces ne doit oser co n tredire ne groucier a tes vouloirs / mais ton aveuglee ygnorance conduycte d'orguelleuse arrogance te fait meco n gnoistre co m ment toute p er sonne soit grant ou petite q ui mauvaisement use ses jours dessert q ue toute chose luy doye estre contraire si n'avises point en toy co m ment tu as desservy & dessers p ar la maniere que tu tiens q ue tu ne soyes point en la grace de maint. Par-*quoy n'est sans cause se plusieurs sont rebelles et contredisans a tes voulentés & opinio n s & ainsi ton tort tu n'avises point. Mais a tous propos quoy que tu faces te semble qu'il te laise a supediter toutes autres voulentes & oppinio n s Et si aucuns y regibe n t ou contredient tu les hés & pourpenses mal con tre eulx & leur po ur chasses en secret ou en appert sans adviser le mal & le tresgrant peril qui s'en pourroit ensuyvre a toy mesmes en ame & corps & a infinis autres / ou si tu ne leur pourchasse pource que tu ne peuz au moins leur portes tu mortel haine. En ce desloyal orgueil qui te fiche en la mer de perdicion ne te met il aussi en teste a cause des boubans pour le desirer de povoir accomplir ou tes venge n ces ou autres superfluités / co m me tu amasseras tresors sans regard de conscience. Ha doloreux tresor c'est chose comme impossible que tu puisses estre amassé sans le prejudice de plusieurs & contre le ur vouloir pour alouer maulvaisement a ton singulier vouloir. Saiches certainement & ne doubte du co n traire que l'avoir acq ui s & amasse indeuement tu ne useras ja joyeusement. Car la ou tu l'auras assemblé en entente de l'employer en aucunes choses a ton plaisir dieu t'envoyera d'aultre costé tant d'adversité ou de maladies ou d'autre charges que il conviendra que ce mauldit tresor soit desploye & mis en usage doloreux tout au contraire de ce que tu pensoyes. que feras tu doncques de ce maudit tresor l'emporteras tu quant tu mourras. Certes non ne mais autant que tu emporteras la charge de ce que malacquis & usé l'auras. Mais regarde de rechief ou t'a bouté & empaint ce maudit orgueil pource q u'i l te fait acroire que tu passez les autres en gra n deur & auctorité. il fait ton cue ur & de frire de paour q ue autre te puisse actai n dre & avenir en si hault estat que tu es. Pource q ue il te fait tousjours desirer a estre la pl us gra n t & s'il advie n t que tu voyes ou saches p er sonne pl us ou tant auctorisee ou ho n noré nulle peine ne pourroit estre plus gra n de q ue le dueil q ue ton cueur e m porte & ce te faict devenir mesdisa n t ireuse & ra n cu n euse une autre i n fernalle flamete te met orgueil en couraige. C'est que tu dis a toymesmes tu n'as mestier de labourer ne de riens faire il ne te fault ne mais querir tes ayses gesir grant matinee / puis ap s disner & reposer visiter tes coffres a tes joyaulx & a tes paremens ce doit estre ton ouvrage. Et ainsi maleureuse forcenee creature que tu es te semble il que dieu qui a donné le temps a toute personne pour employer a bon usaige t'aye donné auctorité de le passer en oyseuse plus que ung autre. Ha meschante creature & tu as ouÿ prescher aultre-*fois que saint bernard sur cantiques dit que oysiveté est la mere de toutes truffes & la marastre des vertus. C'est celle qui mesmement l'omme fort & constant fait tresbucher en peché q ui estai n t toutes les vertus nourrist orgueil & fait le chemin d'enfer mais encore que advient il. Cestuy orgueil qui ainsi te fait querir tes aises / et iceulx aises qui tant nourrissent cel orgueil te font desirer les lescheries friandes en boires & en mengiers / non mye des choses co m munes ne de viandes acoustumees. car de ce es tu toute e n nuyee / mais il fault que les queux pour te complaire & pour bien desservir leurs gages pourpensent saveurs saulces & mistions nouvelles pour plus plaire la via n de a ton goust & ainsi des vins. Ha doloreuse fault il ainsi emplir ce sac qui est viande a vers & vassel de toute iniquité. Mais que en advient il quant il est ainsi e m ply que dema n de il se maistre dieu tout ainsi que la bouche qui est le nourrissement du feu lescherie & friandise & superfluités de vins & de viandes est le nourrissement de charnalité c'est ce qui enflame l'orgueil & qui fait encliner le courage a desirer en toutes voyes tout ce qui au corps peut deliter / & certes la chair ainsi nourrie ressemble le cheval lequel quant son maistre a bien tasché a l'engresser il est si dru et si mignot que quant il se cuide aider il ne le peut tenir & le maine maulgré qu'il en ait les voyes qui luy sont prejudiciables & a la fin par son regibement et par ses saulx luy rompt le col. Tout ainsi tue l'ame & les vertus le corps trop souef nourry & engressé de viandes lecheresses mais l'orgueil qui se fiche en ce gras nourrissement te faict tant desirer et vouloir superflux habitz joyaulx et paremens que a pou tu ne penses a autres choses ne quoy qu'il doye couster ne do n t il doyve venir comment que tu les ayes a ton vouloir. Et avec cestuy vice & les autres inconveniens malhonnestes et infinis ou il te maine il te faict tant estre desdaigneuse et dangereuse a servir que a peine pourra l'en trouver joyel habit ou parement q ui te puist souffrir ne ou on ne treuve a redire et ne sera ame qui te puisse faire ton gré & avecques toutes ces choses tu es si oultrecuidee & presumptueuse que il ne te semble mye que a peine dieu ny autre chose quelconques te peust grever. O miserable chetive & adveuglee creature comment peut avoir en toy tant de force cest oultrageulx orgueil que il te fait oblier les pugnitions de dieu nonobstant qu'il te seuffre si longuement demourer plungé en tant de deffaulx sans te payer de tes desertes / mais ne sçay tu que ung saint docteur dit que de tant que la venge n ce de dieu pl us retarde a venir de tant est elle plus perilleuse quant elle vient / ainsi comme l'arc qui est le plus fort tendu de ta n t est la fleche pl us perçant quant elle vie n t / as tu oublyé comme nostreseigneur pugnit par son orgueil nabugodonosor qui estoit roy de babiloine & si grant prince que il ne redoubtoit tout le monde semblableme n t le gra n t roy de perse anthiochus. & aussi l'empereur xercés & gra n t nombre d'autres qui tant estoyent gra n s & puissans que il n'estoit quelconque chose au ciel ne en terre que ilz redoubtassent & toutes voyes furent par vengence & voulenté de dieu par leurs desertes ta n t humiliez & ramenez a telz p er plexités que il n'estoit au monde homme ne plus miserable ne pl us infortuné que ilz se virent. Ha ne te souvient a ce propos que il est escript ou livre de eclesiaste ou .x. chapitre si que tu as oy dire a ton beau pere q ue dieu a destruyt les sieges des ducz orgueilleux & a fait seoir les debo n naires pour eulx & sechié les racines des arroga n s & a planté les humiliez en leur lieu qui n'est autre chose a entendre fors qu'il co n font les orgueilleux & exaulce les humiliez. Si t'est bien advenu si tu veulx estre confondue. O beau sire dieu a toy qui est une si m ple femmelette qui n'as force puissance ne auctorité si elle ne t'est donnee d'autruy / cuides tu pourtant si tu es voix envelopee en aises & ho n neurs suppediter & surmonter le mo n de a ton vouloir.

Cy devise le bon & saint avertissement & congnoissance qui vient a la bonne princesse par l'amour & crainte de nostreseign eu r. chap. iiii

Ainsi la bonne princesse de dieu amonnestee qui aymera & craindra nostreseigneur se reviendra a soy & quelque bonne qu'elle soit se reputera estre la pire d e toutes et aprés les subdictes choses pensees elle dira a soymesmes. Or vois tu & congnois par grace de dieu les tresgrans & espoventables perilz ou tu t'es fichee tout a cause de ce dampnable orgueil que feras tu doncques le contumeras tu ainsi veulx tu estre da m pnee lequel te vault mieulx ou vivre a cestuy mo n de ung petit espace de temps a ton ayse & no n mye du tout a ton aise. car de ta n t que plus te ficheras es delices du monde & plus te souviendra d e divers desirs / lesquelz te tourmenteront le cueur pource que aco m plir ne les pourras ne du tout avenir a tes vouloirs ne jamais ton cueur n'aura souffisance et estre dampnee perpetuellement ou te refraindre de tes superflues delices & vivre en l'amour et crainte de nostre seigneur & estre sauvee ou royaulme sans fin. Helasse dampnee & qu'esse d'estre dampnee. La saincte escripture dit que c'est estre privee a tousjours sans fin de la vision de dieu & en tenebres espoventables en la compaignie des horribles deables ennemys de nature humaine avecques les ames da m pnees qui gectent voix cris & plaintz terribles maudissans dieu & le ur s parens & eulx mesmes en torment inestimable en feu ardant et a brief dire comment jacob en pueur merveilleuse & en perpetuelle orreur & avec qui plus engrege le mal en esperance de jamais n'en yssir. O dolente te veulx tu aller ficher en tel da m pnation & p er dre par ta folie la grace que dieu te promet se tu la veulx deservir pour bien petit de labour & que te promet il. il t'a promis par les merites de sa sai n cte passion que si tu veulx garder ses sai n tz commandeme n s tu iras en paradis. Saint gregoire es omelies en parlant de celle saincte cité de paradis dit en brief qui est la la n gue & l'entendement qui peut comprendre ne dire quelles ne comment grandes sont les joyes de paradis estre tousjours present en la compaignie des anges avecques les benoitz saintz fichés en la gloire de nostre createur veoir le visaige plain de gloire de dieu & de la benoiste trinité face a face regarder veoir & sentir sa lumiere inco m prehensible estre asovy de tout desir avoir co n gnoissance de toute scie n ce en repos eternel n'avoir jamais paour de la mort & estre asseure de tousjours estre sans partir & remaindre en celle gloire beneuree. O vois la difference des deux chemins lequel prendras tu seras tu enragee que tu te fiches en la bourbe pour te noyer & perir & laisses la saine belle & seure voye qui co n duyt a sauvete / nennil nennil tu ne seras pas si mal co n seillee que tu laisses le bien pour prendre le mal. O saincte trinité ung dieu en unité souverainne puissance parfaicte sapie n ce & infinie bonté conseillés moy et me secourez aidés a saillir hors des tenebres d'ignorance qui tant m'ont aveuglee vierge digne pure & sacree confort des desolez esperance des biens creans tens moy la main de ta saincte misericorde si me tire hors du palu de pechié & d'iniquité. Tressaint beneure colliege & court de paradis anges & archanges cherubins & seraphins trosnes & dominations. Sains apostres de dieu martirs confesseurs et toute l'université des be n eures martires vierges et co n tinentes prieres pour moy & soyez en mon ayde.

¶ Cy devise des deux sainctes vies / c'est assavoir de la vie active et de la vie contemplative. Chap. v.

Or regardez do n cques que tu as affaire se veux estre sauvee. L'escripture fait mention de deux voyes qui mainent ou ciel & sans suyvre les se n tes d'icelles impossible est d'y entrer l'une s'appelle la vie contemplative & l'autre la vie active. Et que est a dire la vie co n templative & la vie active. La vie contemplative est une maniere & estat de servir dieu ouquel la personne qui est amy tant & si ardamment nostre seigneur que elle oublye entierement pere mere e n fans tout le mo n de & soymesmes pour la tresgrant et embrasee ente n te que elle a a son createur sans cesser ne ailleurs ne pense et toutes aultres choses ne luy sont rie n s ne il n'est povreté tribulation ne autre torment dequoy autre creature puisse estre grevee qui au droit cue ur contemplatif puist estre empeschement ne dequoy il fist compte sa maniere de vivre & despriser parfaictement tout ce qui est du mo n de & les joyes d'icelluy se tenir solitaire & sustrait de toute ge n t les genoulx a terre les mains joinctes les yeulx ou ciel le cueur eslevé par si haulte pensee que elle va devant dieu contempler & regarder par saincte inspiration la benoiste trinité la court du ciel & les joyes qui y sont & en cel estat est le p ar fait co n templatif souventeffois telleme n t q ue il se m ble q u'i l ne soit mie en soymesmes & la co n solation doulceur & joye que il sent adonc ne pourroit estre a celle comparee. Car il sent ja & gouste des gloires & joyes de paradis c'est assavoir il voit dieu en esperit par co n te m plation il art a son amour si a souffisance parfaicte en ce monde. car il ne veult ne desire autre chose & dieu le reconforte. Car il est son servant & le repaist des doulx metz de son saint paradis c'est de pures & des choses qui sont ou ciel et de parfaicte esperance d'aller a celle joyeuse compaignie. Si n'est nulle joye pareille a celle. Ceulx qui le scevent qui l'ont essayé combien que parler je n'en puis dont il me poise fors ainsy que l'aveugle des couleurs. Et ceste vie soyt sur toutes autres aggreable a dieu est apparu maintes fois au monde visiblement si comme il est apparu & escript de plusie ur s saintz & sainctes contemplatis qui ont esté veuz quant ilz estoyent en leur contemplation eslevés dessus terre par miracle de dieu si que il sembloit que le corps voulsist suyvre la pensee qui montee estoit au ciel de ceste saincte & treslevee vie ne suis digne assez de a son droit parler ne la descripre si que a sa dignité appartient. mais de ce treuve l'en assez de sainctes escriptures plaines qui plus en vouldra veoir. La vie active est ung aultre estat de servir dieu qui est telle que la personne qui la veult suyvre sera tant charitable que elle vouldroit si elle povoit a tous servir pour l'amour de dieu. Si cerche les hospitaulx visite les malades & les povres & les sequeure du sien et de la peine de son corps pour l'amour de dieu selon son povoir / a si grant pitié des creatures que elle voit en pechié ou en misere & tribulation que elle en pleure comme de son mesmes fait ayme le bien de son prouchain comme le sien propre tousjours est en labour de bien faire ne jamais n'est oyseuse son cueur art sans cesser de desirer d e acomplir les oeuvres de misericorde esquelles s'employe de tout son povoir. Telle creature porte toutes injures & tribulations paciemment pour l'amour d e dieu & ceste vie active sert sico m me tu peulx veoir plus au monde que la devantdicte. Si sont toutes deux de grant excellence mais de la plus parfaictes des deux nostreseigneur Jhesucrist luy mesmes donna la sentence lorsque marie magdalene en qui est figuree la vie contemplative estoit seant aux piez de nostre seigneur comme celle qui n'avoit le cueur a aultre chose et qui toute ardoit de sa saincte amour et Marie marthe sa seur de laquelle est ente n due de la vie active qui estoit hostesse de nostre seigneur et besongnoit aval l'hostel pour le service de luy et de ses apostres se plai n gnit a nostreseigner de ce que marie la sa seur ne luy aydoit & nostreseign eu r l'excusa en disa n t marie tu es moult dilligente et ton oeuvre bonne & necessaire mais non pourta n t marie a esleu la meilleur partie pour laquelle partie de luy on peut sçavoir que non obstant que la vie active soit de grant excellence / & necessaire pour l'ayde & secours de plusie ur s Toutesfoys la contemplation qui est de laisser tout le monde & les embesongnemens qui y sont pour seullement penser a luy est de plus grant dignité et plus parfaicte & pour celle cause furent trouvez & establies des saintz prudhommes jadis les religions qui est le plus hault estat vers dieu qui soit qui en faict son devoir affin que ceulx qui vouldront vivre a contemplation puissent la estre separés du monde au service de dieu sans autre soi n g & pleust a eulx mesmes / car a dieu plairoit bien que chascun y fist son devoir.

¶ Cy devise de la voye que la bonne princesse se delibere a tenir. Chapitre. vi

Adviser te convient ce dit a soymesmes la bonne princesse de dieu inspiree laquelle de ses subdictes voyes tu veulx tenir il est dit co m munement / et il est vray que discrecion est mere des vertus. Et pourquoy est elle mere / pource que elle conduyt & maine les autres & q ui n'entrepre n t par elle quelco n ques chose que l'en veult faire tout l'ouvraige vient a neant et est de nul effect / pource n'est necessaire ouvrer par discrecion / comment par discrecion / c'est ce que doy adviser ains que j'entrepreigne quelconque chose. Premierement la force ou foiblesse de mon povre corps & la fragilité a qui je suis encline & aussi a quel subgection il convient que je obeysse selon l'estat ou dieu en ce monde m'a appellee & commise & si je co n sidere au vray ces choses je me treuve quelque bonne voulente que j'ay tresfoible de corps pour souffrir grant abstine n ce & grant peine & foible d'esperit par fragilité & inconstance & puis que je me sens telle je ne doy mye de moy mesmes preserver que je soye de tel vertu no n obsta n t que dieu dit tu lairras pere & mere pour mon nom que je me pense du tout a ce disposer & laisser mary enfans estat mondain & toutes occupations terriennes po ur entendre du tout a servir dieu en la vie contemplative sicomme ont fait les plus perfaictes creatures. Si ne doy entreprendre chose ou a le perseverer je peusse suffire. Que feray do n cques chemineraige par voye active. Helas heureulx sont ceulx qui prennent les oeuvres qui ont esté comma n dés excercer Hé dieu que me eusses tu ores establie ou monde en l'estat d'une povre fe m me affin que je te peusse en ycelle a tout le moins parfaictement servir en administrant et faisa n t service a tes membres se sont les povres pour l'amour de toy. Helas comment acomplirayge ce que je ne me sens mye du tout disposee a vouloir a toutes fins de laisser tout estat po ur moy employer / beau sire dieu conseilles moy et me inspires que je doy faire pour me saulver. Car quoy que je sache bien que autre chose ne fait a aymer ne desirer que toy seul & que toute aultre joye est neant je n'ay force en moy que je puisse du tout le monde rele n quir. Si suis moult espove n tee que je feray / car tu dis que impossible est que le riche soit saulvé. Adonc vient saincte informacion a la bonne princesse qui luy dist en telle maniere. Or vecy que tu feras dieu ne commande mye que on laisse tout pour le suyvre si ce n'est a ceulx qui du tout veullent estre de la tresplus parfaicte vie. Si ce peut chascun saulver en son estat & ce que dieu dist que impossible est que ung riche soit saulvé est a entendre des riches sans vertus se leurs richesses ne distribuent en aulmosnes & biensfais desquelz toute leur felicité est en leur avoir n'est mye doubte que telz gens dieu hét & que ja n'enterons ou ciel tant qu'ilz soyent telz et des povres dont il dit que ilz sont bieneurez / c'est a entendre de povres d'esperit laquelle chose peut estre mesmement ung tresriche et habondant homme. C'est assavoir celluy qui ne prisera riens les richesses du mo n de & se il a il les distribuera en bonnes oeuvres & au service de dieu ne pour ho n neur ne se orgueillist ne pour richesse ne se tient pl us grant et telle creature quoy que elle habonde en biens mondai n s et povre d'esperit et possedera le royaume des cieulx & tu le peuz veoir n'a il pas esté grant foison de roys et de princes q ui sont sai n s en paradis si comme sainct loys de france et plusieurs aultres qui ne laissoyent pas le monde ensois regnoyent & possedoyent leurs seigneuries au plaisir de dieu mais ilz vivoyent justeme n t ne pource n'assavouroyent en vaine gloire ne en boubant les ho n neurs que on leur faisoit et reputoyent que l'ho n neur fust a l'estat de sa seigneurie dont ilz estoyent vicaires de dieu en terre et non mye a leurs personnes et semblablement a esté de roynes de pri n cesses moult grant foison qui sont sainctes en paradis si comme la femme du roy de france aussi saincte baudour saincte helysabeth royne de hongrie & assez d'autres. Si n'ayez point de doubte que dieu veult estre servy de gens de tous estatz et en chascun estat on se peut saulver q ui veult. Car l'estat ne fait mye le dampnement mais n'en sçauroit user sagement c'est ce qui da m ne la creature pource en conclusion je voy bien q ue puis q ue je ne me sens de tel force que je puisse du tout en tout eslire & suyvre l'une des deux dessusdictes vies je mettray peine a tout le moi n s de tenir le moyen si co m me saint pol le co n seille & prendre de l'une & de l'autre vie selon ma possibilité le plus que je pourray.

¶ Cy devise co m ment la bonne princesse vouldra attraire a soy toutes vertus. Chapitre .vii.

Toutes ces choses ou les semblables pe n sera la bonne princesse par divine information & pour les mettre a effet tie n dra tel voye elle vouldra estre bien informee par bons & saiges q ue est bien & que est mal affin que le bien puist eslire & le mal eschever & quoy q ue toute personne mortelle soit par nature encline en peché se gardera a son povoir par especial de peschié mortel et vouldra faire tout ainsi que faict le bon medecin qui cure la maladie par son contraire Si ensuyvra la parolle de Crisostome sur l'evangille sainct Mathieu qui dit que qui veult avoir la princesse celleste il luy convient ensuyvre humilité terrestre. Car envers dieu n'est pas celluy le pl us hault qui est icy le plus grant & le plus eslevé en honneurs mais celluy qui est le plus juste en terre est le greigneur ou ciel pource que elle congoistra que les honneurs communement eslievent en orgueil son cueur se disposera en toute humilité et pensera en soymesmes que non obstant que il appartiengne a l'estat de son seigneur et du degré dont elle est que des honneurs reçoyvent ja en quelque dominacion que elle se voye son cueur n'en sera blecié en arrogance ne eslevé en pensee ains rendra graces a dieu & luy attribuera tout l'honneur & de son cueur ne partira point la pensee de congnoistre que elle est une povre creature mortelle fresle et pecheresse & que l'estat que elle reçoit n'est que ung office do n t luy conviendra a dieu en brief temps luy en rendre compte. Car sa vie au regard du p er petuel siecle n'est que ung petit trespas ceste noble princesse do n cques quoy que la dignité de son estat requiert que elle reçoyve des gens grant reverence n'y prendra point de delict quand on les luy fera & tout au moins que elle se pourra passer garde l'honneur de son estat vouldra que on luy face son mai n tien son parler son port sera doulx & benigne la chiere plaisa n te a yeulx baissez redda n t salut a toute creature qui la luy baillera en parolle tant humaine ta n t doulce que aggreable soit a dieu & au mo n de. Et avecques ceste vertu d'humilité la noble dame vouldra tant estre paciente que quoy q ue le mo n de livre assez d'aversitez aussi bien aux grans seigneurs et aux grans dames que aux petites ge n s selon leurs estatz pour chose qui luy adviengne ne sera mené a impacience et toutes adversitez prendre en gré pour l'amour de nostre seigneur. Et l'en remercyra de bon cueur Et mesmement tellement se disposera en ceste vertu de pacience. que s'il advenoit ores que elle receust aucun tord ou grief de quelque personne ou de quelques gens comme on fait plusieursfois a maintes dames sans cause si ne querra elle le ur pugnicion ne pouchassera ne vouldra et s'il advient que pugnis soyent par droit & par justice elle en aura pitié pensant que dieu commande que on ayme ses e n emys & que saint pol dit que cherité ne quiert mye mesmes ce qui est sien. Si portera a dieu pour eulx qui leur donne pacience et en ait mercy. Ceste noble dame ainsi disposee par gra n t constance & force de courage ne fera pas grant compte des dars des envieux. C'est assavoir que si elle sçoit ores que aucunes p ar olles ayent esté dictes contre elle sico m me on fait tous les jours des meilleurs ja si grans ne seront pourtant ne s'en troublera ne le tiendra a grant meffait / ains le pardo n nera de legier ne ja pour sa haultesse ne reputera pou de mesprison se aulcun luy fait p ar gra n t injure pe n sant les grans injures que nostre seigneur souffrit po ur nous & si pria pour ceulx qui le tourmentoyent. Si pe n sera la tresbonne dame que en aucune maniere le peut avoir desservy & ai n si tiendra par vertu l'enseignement de senecque qui dit en parla n t aux princes & princesses ou puissans personnes que c'est moult grant merite envers dieu louange au mo n de & signe de noble v er tu que de laissoir aller legiereme n t le meffait dequoy on se pourroit legierement venger & est chose de bon exemple aux petites ge n s Et ce mesmes temoigne saint gregoire ou .xxii. livre de moralles qui dit que nul n'est parfaict s'il n'a pacie n ce sur les maulx que ses prochains luy font. Car q ui ne porte souffraume n t les maulx d'aultruy est impatient & tesmoigne que il est loing de la plenitude des vertus & en louant les patiens dit icelluy mesmes sainct que tout ai n si que la rose fleure souef et est belle entre les espines poignans la patiente creature resplandist victorieusement entre ceulx qui s'efforcent de luy nuyre. Ceste princesse qui vouldra et se penera d'amasser vertus sus vertus aura bien reccort q ue sainct pol dit que qui auroit en luy toutes aultres vertus ne finast d'aourer allast en pelerinage fist grans jeunes et grant abstinences & tout le bien que faire se pourroit & n'auroit en soy charité tout ce ne luy prouffiteroit riens. Et pource elle de ce tresbien i n formee vouldra avoir celle belle vertu en telle maniere que elle sera ta n t piteuse envers toutes gens que le mal d'aultruy luy vouldra comme le sien propre & ne luy souffira mie seullement en avoir la desplaisance de veoir gens en desolation se elle mesmes ne met main a la paste de tout son povoir pour leur ayder. Et si comme dit ung tressaige docteur. Charité s'estent en plusieurs manieres et ne s'estent mye seullement que on doye aultruy ayder de l'argent de sa bourse mais aussi de l'ayde et reconfort de sa parolle & de son conseil ou il eschiet & de tout le bien que on peut faire. Si fera ceste dame par pure benigne & saincte charité advocate & moyenne entre le prince son mary & son enfant se elle est veufve et son peuple ou toute gent a qui en bien faisant selon que a elle appartiendra pourra ayder aucunesfoys adviendra par adventure que le dit prince par maulvais conseil ou po ur aulcune cause vouldra grever son peuple d'aulcune charge par quoy les subjetz qui sentiront leur dame plaine de pitié de bonté et de charité viendront vers elle & treshumblement la supplieront que il luy plaise estre pour eulx vers le prince. Car ilz sont trespovres & ne pourroyent sans trop grant grief ou estre desers suffire a tel finance ou se il advient que ilz soyent en aucune indignation vers le prince ou par maulvais raport ou par aulcune deserte luy viendront supplier que elle face leur paix ou se ilz ont a faire d'aucu n e grace ou d'aucu n p re viliege la bo n ne princesse p ar lera a eulx sans nul refus ne sans trop grant magnificence de longue acte n te les recevera tresbenigneme n t & orra a leur loysir & bie n entendra tout ce qu'ilz vouldront dire & sera acompaignee de saiges preudho m mes & de bonne vie qui seront de son conseil. Si fera sa responce sage & convenable par le bon advis d'iceulx excusera son seigneur et en dira bien si aulcunement pour quelque cas s'en tiennent mal contens dira que elle se charge de tout son pevoir d e en faire la paix ou d'estre leur bonne amye en la peticion que ilz demandent & en toutes autres choses a son povoir les prira que tousjours soyent loyaulx & bons obeissans vers son seigneur et que a toutes heures pourront vers elle a leurs besoings recourir & que point ne leur fauldra de chose que elle puisse. Ainsi celle noble dame respo n dra tant sagement aux embassadeurs du peuple ou des subgetz que quant ilz s'en partiront ilz seront contens que se ilz avoyent devant aucune rancune rebellion ou murmure en courage ilz seront tous pacifiez & la bonne dame ne les fera mye muser en vaine esperance ains leur tiendra bien ce que promis leur aura sans longue dilacion parlera a son seigneur bien & saigement & y appellera des autres sages se mestier est treshu m blement suppliera pour le peuple. Mo n strera les raisons dequoy elle sera tresbien informee comme n t il est necessaire que prince se longuement il veult regner en paix & glorieusement soit amé d e ses subgetz & de son peuple luy rame n tera parolles selon la forme que senecque dit ou troisiesme livre de ire / qu'il dit que quoy qu'il soit bien seant a toute personne d'avoir benignité par espicial il est advisant a prince l'avoir vers ses subjetz & a brief dire tant fera & tant pourparlera que elle aura tout ou partie de sa requeste et si sagement le raportera ausdictz subgetz que ilz se tiendront pour contens du prince & d'elle & treshumblement l'en merciero n t.

¶ Ce devise comment la sage princesse ou dame se pourra de mettre la paix entre le prince & les baro n s s'il y a aucun discord. chap. viii

Ou s'il advient cas que aucun prince voisin ou estranger vueille mouvoir guerre pour aucune chalange a son seigneur ou que son seigneur la vueille mouvoir a autruy la bonne dame pesera moult ceste chose en pe n sant les gra n s maulx et infinies cruaultés pertes occision de pays et detraction de pays & de gens q ui a cause de guerre vienne n t a la fin q ue souventesfois en est merveilleuse / & advisera de toute sa puissance se elle pourra tant faire en gardant l'honneur de son seign eu r que ceste guerre puisse estre eschevee & en ce vouldra travailler et labourer songnousement en appellant dieu a son ayde et par bon conseil & tant fera si elle peut que voye de paix sera trouvee Ou s'il advient que aucun des princes du royaulme ou pays ou des baro n s ou des chevaliers ou subgetz qui ayt puissance se soit d'aucune chose meffait mesmement contre la magesté de son seigneur ou que il en soit en coulpe. Et elle voit que de le prendre & pugnir ou movoir contre luy guerre peut venir grant mal en la terre sicomme en cas pareil on a veu maintesfois en france et ailleurs par les contes d'ung bien petit baron ou chevalier au regard du roy de france q ui est ung gra n t prince sont venus mai n s grans maulx & dommages au royaulme sicomme racompte n t les cronicques de france du conte de corbeil du seigneur de montlehery & de plusieurs autres. Et mesmement advint n'a pas long temps de messeir robert d'artoys lequel par le contenus q ue le roy ot a luy dommaiga moult le royaulme de france a l'ayde des angloys. Et pource la bonne dame qui aura regard a ces choses et pitié de la destruction du peuple se vouldra travailler d'y mettre paix si admonnestera le peuple son seigneur & son conseil d'avoir sur ceste chose regard avant q ue on l'entreprengne veu le mal qui en pourroit venir & ce que tout pri n ce doit a son povoir eschever effusion de sang & par especial sur les subgetz. Si n'est mye peu de chose d'e n treprendre nouvelle guerre qui ne se doit faire sans grant advis et meure deliberation & que mieulx vauldroit adviser aulcune plus co n venable voye pour traire a accord par aucuns bons moyens. Ceste dame ne s'en souffrira mye a tant ains fera tant qu'elle parlera ou fera parler gardant son ho n neur et celle de seigneur a celluy ou ceulx qui auront commis le meffait & les en reprendra en pongna n t & en oygnant disant que le meffaict est moult grant et que a bonne cause en est le prince indignes & que sentence est de s'en venger sicomme il est raison mais non pourtant elle qui tousjours vouldroit le bien de paix en cas que ilz se vouldroyent amender ou en faire amende convenable mettroit voule n tiers peine d'essaier se pacifier les pourroit vers son seigneur par telz voyes ou par telz parolles ou se m blables la bonne princesse sera tousjours moyenne de paix a son povoir sico m me estoit jadis la bo n ne royne blanche mere de sainct loys qui en ceste maniere se penoit tousjours de mettre accord e n tre le roy & les barons sicomme elle fist du conte de champaigne & d'autres laquelle chose est le droit office de saige & bonne royne & princesse d'estre moyenne de paix et concorde de travailler que guerre soit eschevee pour les inconveniens qui advenir en peve n t & ad ce doyvent adviser principallement les dames. Car les ho m mes sont par nature plus courageulx & plus chaulx & le grant desir qu'ilz ont d'eulx venger ne leur laisse aviser les perilz ne les maulx qui advenir en pevent / mais nature de femme est plus poureuse & aussi de plus doulce condicion. Et pource si elles so n t saiges si elles veullent elles pevent estre le meilleur moyen a pacifier l'ho m me. Et a ce propos dit salomon es proverbes au. xxvi chapitre. Doulceur & humilité assouagist le prince & la langue mole. C'estadire la doulce parolle fleichist & brise sa dureté. tout ainsi co m me l'eaue par sa moisteur & froidure estaint la chaleur d e feu. O de quans grans biens ont maintesfois esté cause au mo n de roynes & princesses en mettant paix entre ennemys entre pri n ces & baro n s & entre peuple rebelle & leurs seigneurs les escriptures en sont toutes plaines. Si n'est en terre si grant bien que de princesse & haulte dame bonne & saige. Eureux est le païs & la contree qui telle l'a & de ce donnasse plusieurs exemples / mais d e ce est assez parlé a ce propos ou livre de la cité des dames Et que advient il de tel princesse / il advient que tous les subgetz qui la sentent de tel sçavoir & bonté afuient a elle a refuge non mye seulement comme a leur maistresse mais ce semble a leur deesse en terre a qui ilz ont souveraine esperance & fiance & elle est cause d e maintenir la contree en paix. Si ne sont mye ses oeuvres sans charité / ains sont tant meritoires que plus grant bien ne pourroit estre fait.

¶ Cy devise des voyes de devote charité que la bo n ne princesse tendra. Chap. ix.

Par ceste voye qui est d e charité cheminera la bo n ne princesse. mais avec ce encores fera elle plus sico m me si elle reputast en sa p er sonne dicte la parolle que dit saint basille ou y dit au riche ainsi si tu te congnois & confesses que ses bie n s temporelz te soyent venuz de dieu & tousjours tu scés bien que tu as plus largeme n t q ue n'ont assez d'autres qui sont meille ur s de toy penserois tu pour ceste cause q ue dieu ne fist pas justice q ui ne les a partis esgaument. Mais ce ne doit mye pourtant estre pe n sé. car il a fait affin que en donnant & distribuant aux povres tu puisses desservir / q ue dieu le te rende & que le povre puist estre par sa souffrance & couronné du diademe de pacience. Si gardes q ue le pain du fameilleux ne moisisse en ta huche q ue le costé du nu tu ne laisses mengier aux vers que tu ne tienges enclos le soulier du deschaulx & que tu ne possides l'argent du souffreteux. Car saches de vray que les biens dont tu as trop grant largesse sont aux povres & no n pas tiens si es larron ou laronnesse & embles a dieu si tu peux secourir ton prouchain & tu ne le secours Et pour ce la bo n ne princesse de ce bien advertie / affin q ue elle aco m plisse les euvres de misericorde no n obstant soit elle seant en sa magesté garde la v er tu de son estat elle aura tresbo n s ministres e n viron soy. car quoy qu'on die des princes q ue ilz ont mauvais co n seil ou mauvaise gent ou mauvais ministres / je croy q ue ceulx de qui la voulenté est toute bonne leurs conseilliers ne les oseroyent mesconseiller Et communement le maistre quiert servant selon la co n dicion si le conseillent bien ou mal selon q u'i lz sente n t la voule n té du seign eu r Pource ceste dame toute bo n ne aura servant selon elle. A ceulx elle co m metra q ue ilz sache n t & enq ui erent par la ville & p ar tout ou elle sera ou sont povres ho n teux povres gentilz ho m mes ou povre ge n tis fe m mes malades ou dechus de leur estat povres vefves mesnagiers souffreteux povres pucelles a marier femmes acouchees escolliers prestres ou religieux en povreté a ceulx p ar son aulmosnier q ue elle aura sceu devot charitable preudho m me & sans couvoitise ains q ue en tel estat l'ait mis non mie co m me plusieurs seign eu rs qui font du plus larron maistre. Car dieu scet co m ment il en va du gouvernement d'aulcuns aulmosniers de seigneurs ou de p re latz par icelluy ou par ung autre a ce co m mis evoyera a iceulx bo n nes gens tout secrettement sans q ue les povres mesmes saichent do n t l'aumosne leur ve n dra a l'exe m ple de monseign eu r saint nicolas Et mesmeme n t n'aura mye honte la bo n ne princesse de visiter aucu n effois les hospitaulx & les povres a tout son estat aco m paignee gra n dement co mm e il appartient p ar lera aux povres & aux malades les couchera & les reco n fortera doulcement en faisant son aumosne. & en ce fera elle son aumosne souveraine & fleurie. car le povre est trop pl us reco n forté & pl us pre n t en gré la doulce parolle la visitacion & le reconfort d'une grant & puissant p er sonne q ue d'une autre / la cause si est q u'i l luy est avis et il est vray q ue tout se mo n de le desprise & luy semble q ue quant p er sonne puissant la daigne visiter ou la reforcer q u'i l a recouvré aucun ho n neur q ui est chose q ue naturelleme n t chascun desire & ainsi la princesse ou grant maistresse en ce faisant acquiert plus grant merite q ue une maindre en cas se m blable ne feroit pour trois principalles raisons. La p re miere est q ue de tant que la p er sonne est pl us grant & plus se humilie de tant pl us croist sa bo n té. La .ii. que elle donne plus grant reco n fort aux povres sico mm e dist est. Et la tierce q ui dit que ce n'est mie petite raison q ue elle donne bo n ne exe m ple a ceulx q ui la voient faire telle euvre & si grant hu m ilité. Car il n'est rie n s q ue les subgetz et le peuple tire tant en exe m ple co mm e ce q ue faire vois a son seign eu r ou a sa dame. & pource est grant bien qua n t seigneurs & dames & toutes ge n s q ui ont a seigneurir autruy sont bien moriginez & grant meschief du contraire. Et ne cuide point nulle ta n t soit grant maistresse q ue se soit ho n te ne co n tre son estat d'aler elle mesmes devoteme n t & hu m blement aucu n esfois visiter les p ar dons les eglises & les sainctes places ne telz pensees ne sont q ue abusio n s / car se elle a ho n te de bien faire elle a ho n te de soy sauver. mais tu me diras co m ment fait la gra n t dame ses aulmosnes & ces choses se elle n'a arge n t. car deva n t est dit q ue il y a peril a amasser tresors si te respo n s a ce que n'est point de mal q ue la princesse ou gra n t dame amasse tresor de l'arge n t ou de la revenue ou pension q ui luy peut venir liciteme n t de son droit & sa n s extorcion faire. mais de ce tresor q ue fera elle. Sans faille elle n'est point tenue mesmement selon dieu se elle ne veult de do n ner tout aux povres. Mais en peult garder liciteme n t po ur ses necessaires po ur son estat et po ur payer ses servans faire deux quant il est expedient et payer ce q ui est prins pour elle et ses debtes doibvent estre payees. Car nea n t vauldroit faire aulmosne de l'autrui / mais si la bonne dame restraint des superfluités que elle pourroit bien faire si elle voulloit de tant de robbes / et de tant de joyaulx qui ne luy sont necessaires pour employer en telz usaiges la ou est la pure et droicte aulmosne et le grant merite. O comme est grant et bien conseillee celle qui se fait celle peut par exemple estre comparee a ungz sages hommes de qui il est escript que une fois il fut esleu pour estre maistre gouverneur d'une cité luy qui estoit prudent et saige advisa que plusieurs autres ho mm es qui avoye n t esté mis & eslus en ce mesme office en avoyent depuis esté deposez be n nys povres & mis de tous biens en exil en une certaine povre co n tree ou ilz mouroie n t de fain. Si dist a soymesmes que il pourvoiroit tellement a celluy inconvenient que ou cas que il seroit la envoyé. Il n'y mourroit pas de fain Si ordo n na tellement l'arge n t & l'avoir qui luy venoit de ses gaiges & de sa revenue tandis que il fut en l'office que aprés son estat ric a ric tenu. mettoit tout le demourant apert en lieu sauf. Si fut a la parfin fait de luy comme des autres / mais la saige provision qu'il avoit espergnee le sauva & garda de necessité. Tout ainsi l'avoir que on restraint de sup er flu doit estre pour donner aux povres & bien faire C'est le tresor qui est mis apart en saincte huche q ui sert ap s la mort / et garde l'exil d'enfer & ceste chose chante l'eva n gille qui ne fait q ue crier. Thesaurisés en terre ou thesaurisés ou ciel Helas autre chose on en emporte q ue iceluy tresor. C'est chose vroye si q ue tesmoigne la saincte escripture. Si est sans faille souveraineme n t bo n ne mesnagere la princesse & toute fe m me q ui entent a icelluy espargner. Et a brief dire ceste noble v er tu de charité qui ainsi co mm e dit est sera entee au cue ur de la bo n e princesse avec les autres choses dessusdictes la re n dra de si tresbonne voule n té e n vers toutes ge n s qu'il luy sera avis que chascune p er sonne vaille mieulx q ue elle Et pource son cueur s'esjoyra du bien d'autruy co m me du sien p ro pre & la bo n ne reno m mee des aultres luy sera tresdelectable chose a oÿr et a son povoir en toutes choses donnera occasion aux bons de perseverer & au maulvais pour eulx retraire.

¶ Cy commence a parler des enseignemens moraulx que prudence donna a la sage princesse. Chap. .x.

Nous autres assés devise ce q ui touche principa lle ment les e n seigneme n s q ue l'amour & crainte d e nostre seign eu r do n ne & amo n neste a la bo n ne princesse ou haulte dame / si q ue devant fut touché. Si no us co n vie n t doresnavant p ar ler de la leçon & des enseignemens q ue prudence mondaine luy admonneste lesq ue lz e n seigneme n s & amonicio n s ne se desp ar tent de ceulx d e dieu ains en vie n nent & depe n dent. Si p ar lerons du sage gouvernement & maniere de vivre q ui luy advisent selon prude n ce p re miereme n t enseigne a la princesse ou haulte dame co n vient sur toutes les choses de ce bas mo n de doit aimer ho n neur & bo n ne reno m mee & luy dira il ne desplaist mye a dieu que creature vive en ce monde moralement & si elle vit morallement elle aymera le bien de reno m mee / qui est ho n neur & ce tesmoigne saint augustin ou livre de correction qui dit q ue deux choses sont necessaires a bien c'est conscie n ce & bo n ne reno m mee. Et a ce s'accorde le saige ou livre de ecclesiastique q ui dit ayes euvre de bo n ne reno m mee car elle te demourra plus longuement q ue quelconques autre tresor / pource dira la saige princesse a soy mesmes. Sur toutes choses terrestres n'est nulle q ui autant affiere a haulte gent q ue fait ho n neur & q ue lz choses dira elle co n vient il a droit ho n neur. Certes a proprement dire ce ne sont mye richesses mondaines au moins si elles y servent selon la co m mune maniere du monde toutesvoyes a aller au droit ce doit estre toute la maindre partie qui serve a parfaire l'ho n neur. Et quelle chose do n cques y sont plus convenables en verité ce sont bonnes meurs elles parfont la creature noble & la fo n t estre bien renommee. et la est le droit p ar fait ho n neur / car il n'est point de doubte q ue quelco n ques richesses q ui soyent en prince ou en princesse ou d'autre se il ne maine vie par laquelle on acquiert par bien faire bonne reno m mee et los honneur ne luy affiert / ne il ne l'a que po ur luy blandir & avoir du sien quoy que on luy face acroyre. car droit honneur doit estre sans reproche. Et co m bien doit aymer la haulte dame cest ho n neur Certes plus que sa vie. Car plus chier a perdre la devroit que honneur La raison y est bo n ne. car q ui bien meurt il est sauvé. mais qui est desho n noré il reproche mort et vif a tousjours tant que de luy sera memoire. O le tresgrant tresor de princesse & de toute autre dame q ue bonne reno m mee. Certes nul si grant en ce monde ne pourroit avoir ne que elle doie tant aymer amasser. Car le tressor co m mun ne le peut servir que e n viron elle mais celuy de bon renom luy sert & pres & loing qui eslieve son ho n neur par toute la terre. & est ainsi de bo n ne renommee en une personne co m me se il estoit possible que du corps d'une creature yssist si grant odeur que elle s'espandist par tout le monde si que toutes gens le fleurassent. Tout ainsi par l'odeur de la renommee qui par tout court d'une vaillable p er sonne toute gent peut avoir le goust & le flair de bon exemple. De ces choses advertira prudence la saige princesse & que fera elle po ur les mettre a oeuvre elle disposera son vivre principalement en deux choses l'une appartiendra aux meurs qu'elle vouldra tenir & excercer. & l'autre en la maniere & ordre de vivre en quoy elle vouldra estre riglee. Et quant aux meurs e n suyvans les vertus dessusdictes deux autres par especial sont necessaires a pri n cesse & a toute haulte dame voire a toute femme qui desire grans honneurs avoir & sans lesquelles ne le pourroit avoir vouldra tressinguliereme n t en especiaulté avoir / l'une est sobresse & l'autre est chateté. Icelle sobresse qui est la premiere ne s'estendra pas seullement en boire ne en menger / mais en toutes autres choses / esquelles elle pourra servir & restaindre & de rapeticier superfluités. Icelle sobrieté la fera estre non dangereuse a servir. Car elle ne vouldra point de service plus que raison ne demande / nonobstant son grant estat elle le fera estre contente de telz vins & de telles viandes que on luy administrera. Car en ce n'aura tant soit petite son entente & encores ne prendra fors ric a ric tant que necessité de vivre peut requerir elle la gardera de trop dormir / pource que prudence luy dira que trop grant repos enge n dre pechié & vice / & la gardera du vice d'avarice Car le pou d'avoir luy donnera grant souffisance Superflus & oultrageux habis joyeulx a to us & estat plus que raison luy deffendra a avoir sur toutes rie n s par l'admonnestement de prudence qui ainsi luy dira sans faille il appartie n t bien que toute princesse ou dame terrienne selon son degré q ue elle soit richement atournee / tant de vestemens d'atours de pareme n s & de joyaulx comme de grant co ur t & de gent ou d'estat pour l'ho n neur de l'office ou dieu l'a assise. mais ne doubtes pas que se toy ou aultre n'estoyes conte n te de tel estat & abillemens que tes nobles davanciers ont porté que tu voulsisses avoir plus grant ou co m mencer nouvelles choses tu mespre n droyes & ferois contre ton honneur & co n tre le bien de sobresse si ne le feras mye Car il n'appartient pas a nulle de ainsi faire / voire se ce n'est par tel si que son seigneur par qui elle doit estre riglee le voulsist a toutes fins ne doit riens entreprendre sans bon advis ne conseil & ne juste cause. Ceste dicte sobresse monstre en to us les sens de la dame aussi bien que es faitz & habitz par dehors. Car elle luy rendra le regard tardif arresté & sans vaqueté la gardera de curiosité de moult de souefves odeurs en quoy assés de dames ont mis grant cure & despendu foison d'argent pource qu'elle luy dira que l'on ne doit mye procurer ne donner au corps tant de delices et que mieulx vault que tel argent soit donné aux povres et aux indigens. Et avec ce ceste sobresse corrigera & chastira tellement & ordonnera la bouche & le parler de la dame saige qu'elle la gardera principallement de trop parler / qui moult est messeant chose a haulte dame. voire en toute femme de value luy fera haïr de tout son cueur le vice de mensonge & aymer verité laquelle sera tant acoustumement en sa bouche que on croyra ce qu'elle dira & y adjoustera l'on foy comme a elle que jamais on n'orra me n tir / laq ue lle dicte vertu de verité affier plus en bouche de prince & de princesse que en autres gens. pource que il appartient que on le croye luy deffendra qu'elle ne dye parolle par especial en lieu ou elle puisse estre pesee & raportee qu'elle n'ayt ava n t bien examinee prudence & sobreté aprendront a la dame a avoir parler ordonné & sage eloquence. & non pas mignote / mais rassise & quoye assez basse & beaulx traitz sans faire mouvement du corps des mains & grimaces du visaige la gardera de trop rire & non pas sans cause luy deffendra sur toute rien que nullement ne mesdie d'autruy ne parolle en blasmant / mais en exaulçant le bien & voulentiers tiengne en frain parolles vagues & non ho n nestes ne luy souffrira a dire & en ses joyeusetés luy conviendra a garder toute mesure & honnesteté luy appartiendra a dire entre ses femmes & autre part quant il escherra et sera bien seant parolles vertueuses & de bon exemple & telles que ceulx & celles q ui les orront ou seront raportees diront que c'est parolle yssue de tresbonne sage & honneste dame la gardera de parler a ses femmes & a ses servans maulgratieusement ne en tençant ne disant villanie / mais les enseignera doulcement & les reprendra de leurs deffaulx courtoisement les menaçant de les mettre hors s'ilz ne se corrigent ou de les pugnir / ou par quelque autre maniere. mais toutesvoyes le parler d'elle sera tousjours quoy & sans villanye. car la vilanie yssue de bouche de dame ou de quelconque femme retourne plus a elle mesmes que a ceulx a qui elle la dit fera ses commandemens raisonnables en lieu et en temps et a ceulx a qui il appartient chascun en son office. Ceste dame lira voulentiers livres d'enseignemens et de bonnes meurs. et aucuneffois de devotion et ceulx de deshonnesteté et lubreté harra p ar faictement et ne les vouldra avoir a sa court ne souffrir que ilz soyent portés ne leuz devant fille parente ne femme qu'ilz elle ait Car ce n'est point de doubte que les exemples soit de bien ou de mal atraient les cueurs couraiges et voulentés de tous ceulx ou celles qui les voyent ou oyent. & si ceste noble dame pre n t plaisir en recorder bonnes parolles & dire fera se m blant de les ouÿr & p ar especial la parolle de dieu. Car elle qui sera de dieu orra voulentiers la parolle en la maniere qui le tesmoigne en l'evangelle ou il dit. Ceulx qui me ayment oyent voulentiers ma parolle & la gardent. Si orra souvent par notables & bons clercz sermons & collations aux festes annees & en tous temps. Et se m blableme n t vouldra que ses filles & femmes & toute sa famille y soit vouldra estre bien informee de tout ce qui touche a nostre foy des articles & des commandeme n s & de tout ce qui acquiert a sauveme n Et de ce q ui appartient aux choses mondaines orra voulentiers parler des vaillans gens / des preux chevaliers & gentilz hommes de leurs faitz & de leurs proesses / de grans clercz & de leurs sciences. de tous preudes hommes & de toutes preudes fe m mes / de leur sens & de leur belle vie & iceulx aymera & leur fera grant honneur & bonne chiere & beaulx dons leur donnera. Item avecques ce de gens de belle & esleue vie en fait de devotion s'acointera & vouldra avoir leur amitié humblement les recevera & parlera a eulx a secret / & moult voulentiers les orra se recommandera a leurs prieres. Et ainsi par ceste voye la vertu de sobresse reglera la bonne princesse. Si s'ensuyvra de ceste regle. La .ii. des deux vertus que nous avons dit qu'elle vouldra singuliereme n t avoir / c'est assavoir chasteté de laquelle elle sera par ceste maniere de vivre tant remplye & ramenee a telle purté que en fait n'en dit semblant atour ne contenance maintien estat regard n'aura riens ou il y ait a redire ne reprochier.

¶ La maniere de vivre p ar l'admo n nestement de prude n ce. chap. .xi.

Prudence sicomme j'ay dit deva n t avertira la sage princesse comme n t l'ordre de son vivre sera riglé et par elle par son e n nortement tiendra telle maniere elle se levera tous les jours assez matin & seront les premieres parolles adressans a dieu en disant. Daigne nous sire garder huy ceste journee de pechié de mort soudaine & de toute mauvaise ave n ture ainsi soit il a tous nos parens & amys aux tespassés p ar don & a nos subjectz paix & transquilité amen. pater noster. Et au surplus d'oraisons ce que devotion luy administrera ne requerra avoir e n tour elle moult gra n t affaire de service. & ceste voye tenoit n'a pas moult de temps q u'e lle vivoit la bonne & saige royne Jeha n ne fe m me jadis du roy charles de france .v. de ce nom qui se levoit tous les jours devant le jour / allumoit ellemesmes sa chandelle pour dire ses heures & ne souffroit q ue fe m me qu'elle eust se levast ne perdist son so m me. Aprés q u'e lle sera preste ira ouÿr ses messes tant et en telle maniere & quantité q ue sa devotion sera & q ue temps & loysir luy do n nera. Car n'est mie doubte q ue ceste dame a q ui sont co m mis grans gouverneme n s co m me plusieurs seigneurs font & ont fait a leurs fe m mes quant les voyent bo n nes & saiges & ilz alloyent hors ou estoye n t occupés ailleurs ilz bailloye n t la charge a elles & auctorité de gouverner le fait de leur seigneurie et estre chief du co n seil. Et telles dames so n t pl us a excuser mesmes depuis devers dieu se tant n'e m ploient de te m ps en lo n gues oraisons q ue celles q ui pl us ont loisir ne elles n'ont pas moins de merite de bien et justeme n t ente n dre a la chose publicq ue a leur povoir q u'e lles auroient de pl us longuement vacquer en oraiso n s se ce n'estoit q u'e lles voulsissent du tout entendre a la con te m plative & laisser la vie active. Si q ue j'ay deva n t dit / car la vie conte m plative peut bien sans l'active. Mais la droicte bo n ne active ne peut sa n s aucune partie de la co n te m plative. Ceste dame aura do n né ordo n nance / q ue a l'issue de la chapelle soyent aulcuns povres a q ui elle mesmes par humilité & devotion / & en memoire & signe q ue elle ne doye mie despriser les povres do n nera de sa main l'aumosne & la endroit se aucunes piteuses requestes luy sont affaire / elles les orra benignement et donnera a chascun gracieuse responce & ceulx q u'e lle pourra en brief temps expedier ne tiendra pas longue dilation / & de ce faire croistra l'aumosne & aussi la renommee Si y aura aulcuns preudho m mes / pource qu'elle ne pourroit par adventure entendre a toutes les requestes q ui luy viendront. Lesquelz preudho m mes seront co m mis a y entendre. Et vouldra que iceulx soyent charitables & tost expediens / & ellemesmes de leurs meurs s'en prendra garde. Ces choses faictes si elle est dame qui se mesle du gouvernement / co mm e dit est / elle s'en ira au conseil aux jours que tenir se devera / l'aura a tel port telle maniere et telle contenance quant en son hault siege sera assise que elle se m blera bien estre dame & maistresse de tous. Et chascun l'aura en grant reverence co m me leur sage maistresse de grant auctorité. Et si orra diligemment ce qui sera propice et l'oppinion de tous et ta n t bien y mettra son entente qu'elle entendra les principaulx pointz des matieres & des conclusions & bien notera lesquelz diront mieulx & par la meilleur co n sideration & advis & qui luy apperront les plus saiges & de la plus vive oppinion. Et aussi notera en la diversité des oppinions quelz causes & quelz raiso n s po ur royent mouvoir les disans. Et ainsi en toutes choses sera advisee / & quant viendra a elle a parler ou respondre selon le cas qui escharra si sagement se advisera du faire que elle ne puisse estre reputee simple ygnorante / & se advant la main elle peut estre informee de ce qu'on devera & q ue p ro poser sur ce se choses pesa n tes sont & elle se pourvoit par sage co n seil de responce ce n'est que bien. Avec ce ceste dame establira certains preudhommes saiges en certaines quantités qui seront de son conseil q u'e lle sentira bons loyaulx de bonne vie & non trop couvoiteux / car c'est ce qui ho n nit tout en tout plusieurs princes & princesses que conseilliers remplis de couvoitise. Car selon leur inclinacion ilz induysent & ennortent ceulx qui conseillent / & sans faille ceulx qui habondent en tel vice ne pourroyent bien loyaument ne au p ro ffit de l'ame & honneur du corps conseiller & q u'i lz soyent de bo n ne vie & de ce doit bien enquerir la prudente dame a ceulx elle se conseillera par chascun jour a certaine heure des beso n gnes q u'e lle aura a faire ap s ce con seil du matin ira a table qui sera p ar especial aux jours sole n nelz & aux festes voire le plus co m muneme n t en salle ou seront assises les dames & damoiselles & les personne a qui il appartiendra par ordre selon leur estat / la sera servie selon qu'il appartie n t a tel estat / & tandis que l'assiete durera selon la belle ancienne coustume des roynes & des princesses aura ung preudho m me en estat au chief du doy q ui dira d'ancie n nes gestes d'aucuns bo n s trespassés ou d'aucunes belles moralités ou exemples / la n'aura mye grant noyse menee. Et aprés les tables levees & graces dictes s'il y a princes ou seigneurs dames ou damoiselles ou d'aultres estranges vers elle. Adonc celle q ui sera en toutes choses enseignee & aprinse recepvra chascun en tel ho n neur co m me il luy appartiendra. Si q ue to us se tendro n t pour con te n s p ar lera a eulx par maniere rassise a joyeulx visaige aux ancie n s d'une guise pl us pesante aux jeunes d'une aultre pl us riant et ce adonc vient la a p ar ler ou a ouÿr d'aucu n s esbateme n s ou d'aucu n es joyeusetés elle s'i saura con tenir p ar si plaisa n t maniere q ue to us diro n t q ue c'est une gratieuse dame & q ui bien scet son maintien en to us endrois. Ap s les espices prises & q u'i l sera te m ps de retraire la dame s'en ira a sa cha m bre la ung petit se reposera se besoing en a / puis aprés se il est jour ouvrier & elle n'a aucune autre pl us grande occupacion pour eschever oysiveté a aucu n ouvraige se pre n dra & environ elle fera se m blableme n t ouvrer ses filles & ses fe m mes & la a privé vouldra q ue chascune devise hardime n t de toutes ho n nestes joyeusetés si q ue il luy plaira & elle mesmes rira avecq ue s elles & s'esbatra en devisant si familierement q ue toute louero n t sa gra n t priveté & benigneté & l'aymero n t de tout leur courage ainsi fera jusq ue s a heure d e vespres q ue elle les yra oÿr en sa chapelle se il est jour de feste se aucune gra n de occupation ne les e m pesche ou les dira sa n s faillir avecques la chapellaine & ap s ce fait s'il est esté s'en ira esbatre en aucun jardin jusq ue s a heure de souper l'en viendra & ira po ur sa santé. Si vouldra q ue si aucu n s ont a beso n gner a elle po ur certaines causes q ue ilz soye n t lassez entrer & les orra. Vers le coucher sera a dieu en oraiso n s & ai n si se finera l'ordre des com munes jo ur nees de la prudente princesse viva n t en bo n ne & saincte activeté. q uan t est d'autres esbateme n s a quoy dames seule n t prendre esbateme n s & plaisir sico mm e de aller a la chasse aucu n esfois voler en riviere ou a autres jeux. Ces choses nous ne mettons poi n t en l'ordre de nostre discipline & enseignement. Car nous les laissons en la distribution & vouloir de leurs maris & du leur aussi desquelles choses aucu n e licence peut bie n estre do n nee en te m ps & en luy mesmes aux da m es tresvertueuses sa n s mesprendre mais q ue ce soit sans trop et q ue mesure soit gardee.

¶ Cy com mence a p ar ler des sept pri n cipaulx enseigneme n s de prude n ce q ui so n t necessaires a retenir a toute pri n cesse q ui ayme ho n ne ur & est p re mier comment se contiendra vers so n seigneur generallement & particulierement. Chapitre .xii.

Or avons assez devisé en termes generaulx & p ar ticuliereme n t aussi tant ce q ui touche vers dieu p re miereme n t & les bo n nes meurs co mm e la maniere & ordre de leur vivre. Si no us plaise encores a deviser po ur leur ennortement sept principaulx enseignemens lesq ue lz selon prudence leur sont necessaires a celles qui desirent sagement vivre et honneur veulent avoir. Si prions & enjoingno n s a elles & se m blableme n t a toutes fe m mes grandes moyennes & petites a q ui se pourra apartenir q ue ces sept enseigneme n s veulle n t bien retenir noter & mettre a effet car pour neant oit doctrine qui ne la met a oeuvre. Le p re mier de ces sept pointz & rigles que nous enseignons & que toute dame & se m blablement toute femme estant en ordre de mariage il appartient que elle ayme son mary & vivre en en paix avecques luy ou autrement elle a ja trouvé les tourments d'enfer ou n'a fors que toute tempeste. Et pource qu'il n'est point de doubte que assez de fe m mes de tous estatz non obstant que elles les ayment chiereme n t ne scevent pas toutes les rigles ou par jeunesse ou aultreme n t de le bien demonstrer vecy nostre leçon qui leur aprendra / la noble princesse qui en toutes ces choses vouldra suyvre la rigle d'o n neur si maintiendra vers son seigneur vieil ou jeune en toutes les manieres que en tel cas bonne foy & vraye amour commande. C'est assavoir se rendre humble vers luy en fait en reverence et parolle l'obeyra sans murmuration et gardera sa paix a son povoir curieusement par la maniere que faisoit la bonne & sage royne hester sicomme il est escript en la bible au premier chapitre. Et pource tant aymee & honnouree de son seigneur que il n'estoit chose que elle voulsist que il luy veast avecques ce demonstrera l'amour en ce que elle sera soygneuse et curieuse de toutes les choses qui pourront appartenir au bien de sa personne tant a l'ame comme au corps. A l'ame elle tiendra en amour son confesseur parquoy se elle voit en son dit seigneur aucune tache de lait peché duquel la coustumance luy peut tourner a dampnation & elle ne luy osast dire de doubte que il ne luy en despleust & aussi q u'i l ne luy appartient pas elle luy fera dire par icelluy & luy dira que il luy admonneste bien d'estre tousjours serf de nostreseigneur. Et aussy en toutes ses aumosnes & biens fais dira priés Dieu pour monseigneur & pour moy. Avecques la pourvoyance de l'ame sera ceste dame tressoygneuse du corps de sondit seigneur. C'est assavoir qu'il soit en santé maintenu & conservement de lo n gue vie. Si vouldra souvent parler a ses phisiens / leur enquerre de son estat & comme saige que elle sera vouldra ouÿr de leurs oppinions & que present elle soyent faictes aucunesfois leurs collations sur le fait de la dicte santé. Item vouldra sçavoir co m me n t il sera servy & de ce n'aura pas ho n te de s'en prendre garde soygneusement quelques autres qui y soyent commis. Et pource que ce n'est mie l'ordre d'estat royal que les dames soyent si communement entour eulx que aultres femmes sont vers leurs marys elle enquerra souve n tesfoys aux chambellans & aux autres d'e n viron luy de son estat verra le plus souvent q ue elle pourra & du veoir sera tresjoyeuse & q uan t elle sera vers luy dira a so n povoir toutes choses q ui plaire luy devront & a joyeulx visaige se con tiendra. mais pource que aucunnes nous pourroyent par adventure icy respo n dre que nous comptons sans rabatre. C'est assavoir que nous disons a toutes fins que les dames doyve n t tant aymer leurs seigneurs et en monstrer les signes. Mais nous ne parlons mye se tous deservent vers leurs femmes que on le doye ainsi faire Pource que on scet bien que il en est de telz qui se portent vers elle tresfelonneusement & sans signe de nulle amour ou bien petite. Si respondrons a icelles que nostre doctrine en ceste p re sente euvre ne s'adrece point aux hommes quoy qu'il en fust besoi n g a plusieurs que ilz fussent bien endottrinez. Et pource que nous parlons aux femmes tant seulement tendons a leur prouffit pour enseigner les remedes qui peve n t estre vaillables a eschever deshonneur & donner bon conseil d'ensuyvre bonne voye qui ne face le contraire & du bien & du mal leur prouffit. Poson que le mary fust de merveilleuses meurs pervers et rudes malamoureulx vers sa femme de quelque estat qu'il fust ou desvoyé en amour d'autre femme qui que elle soit quant elle scet tout ce porter & dissimuler sagement faire semblant que elle ne s'en apperçoit & que elle n'en scet riens voireme n t s'il est ainsi que elle n'y peust mettre remede. Car elle si pensera comme saige si tu luy disoyes rudement tu n'y gaigneroys riens & s'il t'en menoit male vie tu poindroyes contre l'aguillon il t'en eslongneroit par adventure & tant plus les gens s'en mocqueroyent & croistroit la honte & le diffame & t'en pourroit e n cores estre de pis il fault que tu vives & meures avecques luy quel qu'il soit. Ces choses considerees la saige dame mettra peine par bel & par doulceur de l'atraire a soy & se elle congnoist que ce soit le meilleur de luy en dire quelque chose elle luy en touchera apart doulcement & benigneme n t une fois l'amonnestera par devocion / autre fois par pitié qu'il doit avoir d'elle / autre fois en riant comme si elle se jouast / avec ce luy fera dire par bonnes gens et par son confesseur / & avec ce autre v er tus ceste noble dame l'excusera se elle en ot parler aux autres ne po ur ra souffrir ouÿr dire mal de luy ne aura cure que on luy en raporte riens & elle deffendra. Car elle comme sage pensera que du savoir n'aura fors tristesse et riens n'y gaigneroit / et quant toutes ses voyes elle aura ung te m ps tenues & verra que il ne s'en vouldra ame n der son refuge sera a dieu mettra toute peine de s'en mettre en paix sans plus luy en parler Et celle dame ou femme qui qu'elle soit qui ainsi fera soit certaine que ja l'homme si pervers ne sera que a la parfin conscience & raison ne luy dye tu as grant tort & grant peché contre ta bonne & honneste femme & que il ne s'amende & l'ayme plus ou tant que font ceulx qui oncques ne se desvoyerent en ainsi aura sa cause gaignee par bien souffrir. Et s'il advie n t que ledit seigneur voyse en aulcun voyage loingtain ou perilleux ou en quelque guerre la bonne dame priera dieu devottement & fera prier pour luy en processions & oblations tressongneusement & croistra le nombre de ses aulmosnes se tendra humblement et simplement d'estat de maintien & d'abit en tandis & a son retour en grant joye & honneur le recevera et a toute sa compaignie fera chiere joyeuse & bien vouldra estre informee des meilleurs de ses gens des plus preux & des plus vaillans & comment ilz se seront portés & tresvoulentiers en orra raco m pter si les recevera a grant honneur & beaulx dons leur donra aussi vouldra sçavoir co m ment ceulx qui avoyent la garde de son corps auront fait leur devoir & se seront vers luy portez. Si guerdonnera les biensfaitz aux bons & aux plus songneux & cestes manieres tenir sont de gra n t honneur a dames. Et pource quoy que elle les face de bon cueur. Et vouldra elle bien toutesvoyes que elles soyent manifestees & sceues au monde & non mye celees la cause si est que elle ayme ho n neur & le bien de renommee comme dit est si luy aprendra prudence que plus grant honneur ne peut estre dit de dame & de toute femme que dire que elle soit vraye & loyalle vers son seigneur & que bien fait sembla n t que elle l'ayme & par consequent luy est loyalle. Car il est a penser a ung chascu n que femme qui bien ayme son mary ne luy fera ja faulceté. si ne peut faire autre certification de sa loyaulté fors par l'amour q u'e lle luy monstre & les signes de par dehors par lesquelz on juge co m munement du couraige. Car autrement ne peut on juger de l'entention des gens fors par les oeuvres lesquelles si elles sont bo n nes tesmoigne la personne bonne & aussi au contraire. Si souffise quant a ce premier enseignement lequel est convenable a toute preude femme que qu'elle soit.

¶ Cy devise le deuxiesme enseignement de prudence qui est co m ment la saige princesse se con tiendra vers les pare n s & amys de son seigneur. Chap. .xiii.

Le deuxiesme point & enseignement que prude n ce demonstre a la princesse & generallement a toute femme saige est qui se elle a chier ho n neur par quoy bie n veult que on sache que elle ayme son mary si que dit est cy devant elle aymera & honnorera les parens de son seigneur & demonstrera en tel maniere elle leur fera honneur & tresbonne chiere de toutes pars que ilz vendront & devant les gens meilleur q ue aux siens propres si mettra peine en toutes manieres raisonnables & licites de les complaire & faire leur gré les attrayra amyablement & a chere joyeuse sera procureresse pour eulx vers son seigneur si besoing est & s'il advenoit qu'il y eust aucun contens entre eulx elle se mettra en peine d'en faire la paix elle dira bien de eulx & les essaucera. si gardera bien d'y prendre estrif de parolles & en toutes manieres eschevera a son povoir que contens ne aucune rancune naisse ou sourde entre elle & eulx. Poson que aucun feust dangereux & maltraictable mettra peine a le sçavoir avoir par la meilleur voye selon sa condicion en garda n t toutes voyes l'honneur que a elle appartie n t si n'aymera mie seulleme n t les parens de son seigneur. mais aussi tous que elle sçaura qu'il ayme. suppose ores qu'elle sceust qu'il en y eust de maulvais si le ur fera elle bo n ne chiere la cause si pource que elle ne les pourroit faire estre bons ne aussi par adventure empescher ne destourner l'amour & la hantise que son seigneur y a Si ne seroit que riote & noise s'elle leur mo n stroit mauvais semblant & acqueroit tant plus d'ennemys. Et si diroit on que voireme n t est il vray que femme n'aimera ja personne que son mary ayme / bien est la verité que se elle sçait que son seigneur soit encliné a la croire & elle soit certaine que iceulx soyent vicieulx & mauvais & que mal en faict ou en murs puisse venir a sondit seigneur par les hanter elle luy dira & monstrera appert coyment & doulcement ou fera dire. Et de tenir ces manieres sondit seigneur luy sçaura tresgrant gré aura la grace & benivolence de ses parens q ui moult luy pourra valoir & garder de mains autres perilz & enco m briers & pl us seure sera quand elle aura la seureur des parens de son seign eu r. Car on a veu maint mal avoir a fe m mes maintes fois a cause des parens de leurs maris. Et cestuy signe avec les autres do n nera pl us gra n t certification de l'amour & loyaulté que elle a son seigneur.

¶ Cy devise du .iii. enseignement de prudence qui est co m ment la saige princesse sera songneuse de se prendre garde sur l'estat et gouvernement de ses enfans. chap. .xiiii.

Le troisiesme enseignement d e prude n ce a la pri n cesse saige est q ue s'elle a enfans de se prendre garde d'eulx & de leur gouvernement aux filz non obstant qu'il appartiengne au pere de leur querir maistre & bailler telz gouverneurs qui soyent bons & co n venables toutesvoyes la dame q ui maine par adventure ta n t de charge de diverses choses & que aussi nature de mere est co m munement plus encline au regard de ses enfans doit moult adviser tout ce qui leur appartient & pl us a ce qui touche discipline de meurs & d'e n seigneme n s que au gouvernement du corps. Et pource la saige princesse pre n dra garde co m ment on les ordonnera quelz sont ceulx q ui les auro n t en gouvernement & co m ment ilz en feront leur devoir et non mye s'en attendre au rapport d'autruy / mais elle mesmes souvent les visitera en leurs chambres les verra coucher & lever & co m ment ilz seront ordonnés & telle chose faire a princesse n'est ce honneur non. Car c'est le plus gra n t port seureté & parement que elle puisse avoir que enfans & tel par aventure souve n t avient vouldroit bien nuyre a la mere qui n'endureroit pour la doubte des enfans si les dois bien tenir chiereme n t & est grant los de dire q ue elle en soit soigneuse. Car c'est signe q ue elle est sage & bo n ne. do n cq ue s la sage dame qui chierement les aymera sera dilige n te q ue ilz soyent endoctrinés & que ilz aprengnent tout p re mierement a servir dieu soyent e n seignes en lettres & q ue le maistre soit songneux de les faire aprendre aux heures co m petentes mettra peine la saige dame q u'i l plaise au pere q u'i lz soyent introduitz en latin & q ue aucuneme n t s'entendent es scie n ces. Laq ue lle chose est moult con venable a enfa n s de princes et de seign eu rs. Elle vouldra aussi qua n t leur aage croistra & qu'ilz auront ente n dement q u'i lz soyent admo n nestés des choses du monde du gouverneme n t q ui leur affiert / et de toutes choses q ui a sçavoir a princes appartie n nent q ue to us admonnesteme n s de v er tus leur soyent dis & demonstrés e n seigner la voye de fuyr les vices. Ceste dame se prendra bien garde des meurs du maistre & de la sapience aussi des autres q ui seront entour eulx. Si les fera oster s'ilz ne so n t bons & mettre nouveaulx / vouldra q ue lesditz enfans soyent souve n t menez vers elle. Considerera le ur s manieres & faitz & ditz & les repre n dera ellemesmes tresfort s'ilz mespre n ne n t / se fera crai n dre a eulx & vouldra q u'i lz luy portent grant ho n neur / elle les arraiso n nera po ur sentir de leur entendeme n t & de leur sçavoir saigement les enseignera. Ses filles fera gouverner par bo n nes & sages dames & ainçois q u'e lle co m mette a nulle le gouverneme n t sera bien i n formee du se n s des moeurs & de la vie d'elle. Car a ceste chose doit bien pre n dre garde & q ue la dame ou damoyselle a q ui baillera en gouvernement sa fille soit de bon renom & devote envers dieu & de se n s & ho n neur mondain sage & prudente affin q u'e lle luy sache bien mo n strer le bien & la co n tenance & maintien q ui appartient a fille de prince a avoir & sçavoir / & doit estre icelle assez agee / affin q u'e lle soit pl us saige en meurs & pl us prisee & doubtee mesmes de l'e n fant q u'e lle gouvernera / & aussi de tous les autres de la court plus auctorisee & crai n te. Car il appartie n t a dame q ui a tel charge q u'e lle se prengne bien garde q ue environ la fille du pri n ce ne repaire fille ne fe m me ou y ait reproche ne q ui soit mal con ditionee legiere ou folle ne de layde maniere affin que l'enfant n'y peust prendre aucun maulvais exemple. Et vouldra la princesse que quant elle sera en aagee qu'elle apreigne a lire aprés qu'elle sçaura ses heures & son service qu'on luy baille et administre livres de devotion et contemplation / ou qui parlent de bonnes meurs / ne nulz de choses vaines de folies ou de dissolution ne souffrera que devant elle soyent portés pour ce que la doctrine & enseignement q ue l'enfant retient en sa p re miere jeunesse il en est co m munement recors toute sa vie aussi saige pri n cesse se prendra bien garde du gouvernement et de la doctrine de ses filles & autant que leur aage croistra tant pl us en sera so n gneuse. Si les aura le plus du temps environ soy les tiendra en crainte & le saige maintien & vailla n ce d'elle sera exemple aux filles de semblablement eulx gouverner.

¶ Cy devise le .iiii. enseigneme n t de prudence q ui est co mm ent la princesse tiendra discrete maniere vers ceulx q ui ne l'aymero n t pas et qui auront envye sur elle. Chapitre .xv.

Le quatriesme enseigneme n t de prudence a la sage pri n cesse est tout d'autre matiere & tout soit il differe n cié du dessusdit se n'est il mye de moindre maistrise a le sçavoir bien conduyre / car l'autre est naturel co m me ce soit chose acoustumee que toute saige mere a soing du gouverneme n t & de la doctrine de ses enfans / mais cestuy qui est de sçavoir vaincre & corriger le propre couraige & voulenté de soy mesmes est chose co mm e par dessus nature. Et pource de tant q ue plus est fort a faire d e ta n t est plus digne de recommandation / & la perso n ne qui bien en scet user en fait plus a louer. Car c'est signe de tresgrant force & constance de courage q ui est entre les vertus cardinalles de grant excellence & toutesfois n'est mye doubte qu'il est necessité a toute sage princesse q ui ayme le pris d'ho n neur & de renommee sçavoir user de ceste force ou autreme n t sa prudence ne se peut bo n neme n t ne du tout monstrer ne faire congnoistre n'estre parfaicte. Si nous co n vient plus particulierement declarer a ce que nous voulons dire. Il n'est point de doubte que selon le corps du monde & les mouveme n s de fortune il n'est nul si grant prince en ce monde / tant soit juste ne fut oncques prince seigneur ne dame ne aultre ho m me ne fe m me qui ayt peu estre ne soit de tous aymé. Car poso n s que une creature fust toute p ar faicte si ne souffiroit point la despitable envie q ui se fiche en cueur humain q ue la personne fust au gré de to us ne aymee de chascun. Et ce povons veoir par la perso n ne de Jhesucrist qui fut seul tout parfait / & toutesfois envye le fist mourir / & si a elle faict mains autres bons vaillans q ue je pourroye traire a exe m ple. Et de tant q ue la personne est meilleure & plus vertueuse de ta n t plus fait envye bien souve n t greign eu r guerre & si n'est nul ne nulle tant puissant ne oncq ue s ne fut fors dieu q ui de tous se peut ve n ger. Et pource a n ost re p ro pos la saige princesse & se m blablement toutes celles q ue vouldront ouvrer de prude n ce sera de ce tresbien avertie & pourveue de remede / dont s'il advient q ue fortune la vueille assaillir par aucun endroit si qu'elle a fait & fait mainte bonne gent et elle apperçoyve & saiche que aucun ou aulcunes perso n nes puissans ne luy veullent point de bien l'ayent en male grace & q u'i ls luy nuyroyent s'ilz povoyent & s'eslongeroyent de l'amour & de la grace de son seigneur q ui les croyroit par adve n ture pour leurs blandices & flateries ou la mettoyent par les faulx rapors mal des barons des subgetz ou du peuple elle ne fera de ce nul sembla n t qu'on s'en aperçoive ne que on les repute ne tie n ne ses ennemys Ainçois pour la bonne chere qu'elle leur monstrera donnera a croyre q u'e lle tient grandement ses amys & jamais ne croyroit que aultrement fust & que plus que en autre y a fiance / mais il conviendra que celle de bonne chere soit ordonnee par tel sens et si rassise que nul ne puisse appercevoir que sainctement le face. Car si une fois estoit trop grande & autre fois a yeulx felons sico m me de cue ur qui est plain qu'on voit bien que le ris en est a force tout seroit ho n ny pource est le sens a garder mesure en cest endroit & fault bien que le courage en soit pourveu avant le coup / si faindra qu'elle se veult gouverner par eulx & par leur co n seil & les appellera en ses estroitz conseilz co mm e elle monstrera a se m blant leur dira des choses co m munes par grant secret & fiance q ui seront co n tre sa pensee / mais conviendra q ue ce soit fait par bo n ne maniere q u'i lz ne s'en donnent de garde & q u'e lle soit maistresse de sa bouche. Car se aucu n mot disoit d'eulx en derriere co n traire a ses se m blans qui fust raporté ce seroit peril / car il n'est si grant seigneur ne si grant dame a qui tous ses servans soyent loyaulx. Si doit on bien regarder devant qui on parle / mais cueur qui est gros & plain a peine seuffre la bouche tousjours taire de ce qui luy desplaist Et la est la maistresse elle gasteroit tout son affaire. Car ce seroit sa honte & amenuisant sa grandeur que ces ennemys apperceusse n t que elle sceust qu'ilz ne l'aymeroyent pas & leur fist tel semblant. Car ilz penseroye n t que elle le fist par crainte. Si en seroyent plus orgueilleux et pl us hardis de luy nuyre. Et l'en priseroyent moins / si se sçaura bien de ce garder. Et se aucune personne luy en rapporte riens et elle pense que a iceulx sa responce puist estre raportee / elle blasmera les rapporteurs & dira qu'elle scet bien que ceulx de qui ilz p ar lent vouldroyent son bien & son honneur / & qu'ilz sont tresbons et loyaulx & ses amys. Et pensons que iceulx ennemys fissent ou dissent aucune chose a son prejudice de la chose se peut couvrir nullement que pour aucune autre cause que pour mal d'elle l'ayent fait ou dit. Encores fera elle si la simple ou ygnorante que ne l'aperçoyve & monstrera semblant que ce ne luy touche point & q u'e lle n'a nulle pensee ne suspecion contre eulx / mais nonobsta n t toutes ces choses & ses gra n s dissimulatio n s se guettera d'eulx de tout ce qu'elle pourra & sera dessus ses gardes. Ai n si la sage dame usera de ceste discrete dissimulation & prude n ce cautelle laquelle chose ne croye nul que ce soit vice mais c'est grant vertu quant faicte est pour cause de bien & de paix & sans faire a nul injure pour eschever greigneur inco n venie n s. Et voicy le mal q u'e lle eschevera et le bien q ui luy en suyvra se semblant faisoit q u'e lle apperceust leur crisme. Ce seroit raison q u'e lle print debat & contens a eulx & mist peine a s'en venger. Si conviendroit q u'e lle en emeust grant noise & mist en guerre & en peril ses amys / & peut estre q ue son seigneur les croyroit mieulx q ue elle ou les autres barons & subgetz. Si engregeroit adoncq ue s le conte n s & viendroit a plus grant meschief & si ne s'en verroit ja par adve n ture vengee / si auroit de tant pl us gra n t dueil / & par la susdicte voye de souffrance & dissimulation est a presumer q u'e lle appaisera l'ire et le maltalant de ses ennemys / & a tout le moins n'auroient ilz jamais le cueur de ta n t luy nuyre co mm e s'elle se mo n stroit ennemye. Car trop seroit desloyal celluy q ui vouldroit faire mal a la perso n ne q ui le reputast son amy. Et posons q u'i lz ne s'en souffrissent leur trahyson & leur maulvaistie sera de trop plus grande & de plus apparoit au monde / si en seroyent de tant plus reprins & plus deshonnorez & moins viendroyent a leur entente. Car chascun le ur donneroit le tort / & ne peut a toutes fins q ue la dame ne gaigne plus en tel cas a tenir si sai n cte maniere q ue par voye de rigueur & n'est pas doubte q ue cest enseignement affiere a tenir / non mye seulleme n t aux princesses & dames / mais aussi generalleme n t a toutes fe m mes. car en mai n s co n te n s vie n nent en mariage par faulx rappors de flateurs aux maris q ue maintes ne scevent pas bien ou ne peve n t dissimuler / ce scet dieu aussi fo n t aut re s.

¶ Cy devise le v. enseignement de prudence qui est comment la saige princesse mettra peine comment elle soit en la grace & benivolence de tous les estatz de ses subgetz Chapitre .xvi.

Pource q u'i l appartient a la sage princesse qui par prudence veult ordonner tous ses faictz qu'elle quiere et tie n ne toutes les voyes q ue ho n neur dema n der vouldra pour ceste cause qui est le cinquiesme enseignement estre bien du clergié / & en leur grace tant de gens des religio n s & des docte ur s co mm e des p re latz & des ge n s du con seil & aussi des bo ur gois & mesmes de ceux du peuple. Mais aucu n s se pourroie n t merveiller pourquoy nous diso n s pl us no m meeme n t de ceulx icy q ue des baro n s & des nobles. Si est la responce pource q ue nous suposons q u'e lle en ja en soit bien si q ue c'est plus de co m mun usaige q ue lesditz baro n s & nobles elle freque n te Si vouldra estre des dess us no m més bien po ur deux pri n cipaulx causes L'une si est affin que les bons & devots prient dieu pour elle. & l'autre pource q u'e lle soit louee d'eulx en leurs sermens et collations si que leurs voix & parolles luy puissent estre se mestier est escu & deffence contre les murmures & rappors de ses ennemys mesdisans. & les puissent estaindre par quoy elle en ait mieulx l'amour de son seigneur & aussi du co m mun peuple q ui bien leur dame orra dire & q u'e lle fust soustenue des plus puissans se besoing luy en venoit. Si sera bien informee lesq ue lz des clercz & des maistres ta n t des religieux co mm e d'autres seront les plus souffisans & de la greigneur auctorité & a qui on adjouste pl us de foy a leurs ditz Iceulx ma n dera de fois a autre vers elle puis les ungs puis les autres parlera a eux moult amyablement vouldra avoir leur conseil & en user les fera aucu n efois disner a sa court acompaignés de so n confesseur & des gens de sa chappelle qui to us seront honnorables gens leur portera gra n t ho n neur / & vouldra que des siens soie n t ho n norés qui est chose qui bien affiert. Car vrayment ceulx q ui sont anoblis de science doivent estre honnorés / leur fera du bien de sa puissance donnera a leurs colleges & a leurs convens. Et co m bien que aulmosne doye estre faicte secrettement la cause si est telle / affin que la personne qui la fait n'en puisse monter en vaine gloire qui est trop mortel peché. mais se ladicte personne n'en n'avoit nulle elevation en son cueur mieulx seroit la donner publicquement q ue en secret pource qu'elle donneroit bon exemple a aultruy. & qui en celle intencion le fait double son merite & fait bien / dont ceste sage dame qui bien se sçaura garder d'icelluy vice vouldra bien que les dons & aulmosnes qu'elle fera par celle voye soyent sceuz & registrez s'ilz so n t notables comme pour refaire leurs eglises & leurs convens ou autres necessaires en perpetuelle memoire en tableaulx en leurs eglises / affin que les gens prient dieu / ou autres registres ou ilz le dient publicquement / si y prendront exemple de pareillement do n ner d'avoir accointance mieulx po ur avoir renommee par eulx s'il semble qu'elle touche aucu n rain d'ypocrisie ou qu'elle en prengne le nom. toutesfois se peut elle nommer par maniere de parler juste ypocrisie. Car elle tend affin de bien & eschevement de mal. Car nous n'entendons mye q ue soubz umbre de ceste chose maulx et pechiez se doivent commettre ne que une grant vaine gloire en doyve sourdre en courage. Si disons de rechief que ceste maniere de juste ypocrisie est comme necessaire par especial a pri n ces & princesses q ui ont a dominer autruy a qui plus reverence affiert que a autre & certainement aussi ne messiet elle point a toute p er so n ne q ui desire honneur le faisant a cause de bien. Et a ce p ro pos il est escript au livre de valere q ue ancie n nement les princes faignoient q u'i lz fussent parens aux dieux affin que leurs subgetz les eussent en plus grant reverence & plus les craingnissent. Aussi vouldra la sage dame estre bien des ge n s du co n seil de son seigneur soie n t p re latz chanceliers ou autres ordo n nera qu'ilz vie n nent vers elle / les recevera honnorablement & p ar lera a eulx p ar sages parolles & le plus q u'e lle pourra les tiendra en amour et ceste maniere de tenir luy sera vaillable en plusieurs choses. C'est assavoir car ilz loueront le sens & gouvernement d'elle q u'i lz verront notable. Aussi s'il advenoit q ue aucun envieux voulsisse quelque chose machiner contre elle ilz ne souffreroient passer en conseil riens a son prejudice et desmouveroye n t le prince s'il estoit mal informé par aucu n s autres / & aussi s'elle desiroit aucu n e chose estre passee en conseil ilz luy seroye n t amys & plus favorables. Avec ce ladicte dame vouldra avoir la bien vueillance des clercz qui se mesle n t des causes co m me du peuple co mm e no us dirio n s a paris avocas en p ar leme n t & ailleurs de tieulx se m blables deffendeurs des causes si vouldra veoir a certai n s jours les p re side n s & pri n cipaulx d'entre eulx & des aut re s pl us notables avec eulx & devisera a eulx amiableme n t & vouldra q u'i lz sache n t & voye n t de so n ho n norable estat non mye q u'e lle le ur die p ar maniere de ve n gence mais q u'i lz app er çoyvent par l'effet de son mai n tien & gra n t sçavoir & telle maniere tenir po ur ra estre vaillable a l'acroisseme n t de son ho n ne ur et los / & la cause si est pource q ue to us estatz & de toutes manieres de ge n s de justice les pri n cipaulx bourgois des cités & villes de sa seigneurie de son seign eu r & aussi des gros marcha n s & mesmeme n t aucu n s des pl us ho n nestes des ge n s de mestier vouldra q u'i lz vie n gne n t de fois a autre v er s elle si leur fera tresbo n ne chere & mettra peine a estre bie n d'eulx affin q ue s'elle avoit aucu n affaire q u'i lz fussent devers elle & q ue se necessité leur venoit de quelq ue fina n ce faire q u'e lle peust p ar lesditz marcha n s d e leur bon gré & voulentiers estre secourue laq ue lle chose il con vient qu'elle empru n te se elle veult bien garder to us les termes & pointz de ho n ne ur doit rendre sa n s faillir a jour no m mé affin q ue la verité de sa parolle soit tousjo ur s tenue en toutes choses entieres & sa n s faillir & q ue pl us gra n t foy on y adjouste. Pource q ue nous avons dit en cestuy chapitre .v. des .vii. enseignemens co m me n t la saige princesse doit estre bien de ses subgetz si q ue dit est & pourroit sembler a aulcuns mal advisés que chose superflue soit de ce dire & q ue il n'appartiengne q ue princesses prengne cure de atraire ses subgés ains doit co m mander baudeme n t ses plaisirs & que ilz doivent obeir & mettre peine de l'attraire a amour & non mye elle eulx ou autrement ne seront ilz mye subgés & elle maistresse mais a ce no us respondro n s que sauve la grace des diseurs ce appartie n t a faire non mye seuleme n t a princesses mais aux princes par maintes raiso n s / mais de deux no us passerons. Car moult se pourroit ceste matiere pl us eslargir. L'une si est que quoy que le prince soit seigneur maistre des subgetz / toutesfois les subgetz font le seigneur & non mye le seigneur les subgetz. Et trouveroient trop plus legierement q ui les reputeroit a subgetz se ils luy vouloyent estre mauvais que il ne trouveroit qui le recepveroit a seigneur & pour celle cause & aussi qu'il ne pourroit luy tout seul forçoyer con tre eulx si luy estoient rebelles / & s'il avoit ores la puissance de les destruyre il mesmes se deffendroit. Et s'il est necessité que il les tiengne a amour en telle maniere que de celle amour viengne crainte plus que p ar rigueur ou autreme n t sa seigneurie est en balence. Si est vray le proverbe commun que l'en dit / il n'est mye sire de son païs qui de ses hommes est haÿs. Et de les tenir en amour vrayement pl us grant sens ne pourroit faire se a droit veult estre nommé seign eu r Car il ne pourroit avoir cité ne forteresse d'aussi grant deffence force & puissance co m me luy peut estre l'amour & benivolence des vrays subgetz. L'autre raison si est pource q ue poson que subgetz aye n t bo n ne voule n té vers pri n ce & princesse si n'auroye n t ilz jamais le hardeme n t d'aler familiereme n t vers eulx se ilz ne les mandoient ne il n'appartiendroit aussi. Si doit doncq ue s venir le premier acueil du prince ou de la princesse mais il est bien raison que les subgetz face n t de ce tresgrant joye & feste & q u'i s'en tienne n t bien honnorez & en doit doubler en eulx leur amour & loyaulté ta n t q ue plus de doulceur & trouve n t. Et a ce p ro pos dit ung saige q u'i l n'est chose q ui plus supre n gne le cueur des subgetz ne q ui ta n t les tire vers leur seigneur co m me quant ilz treuve n t benignité et doulceur en luy si q ue il est escript d'un bon e m pereur q ui disoit q u'i l vouloit estre tel a ses subgetz q ue eulx mesmes desiroye n t q u'i l leur fust. & de ceste chose bie n advisee la sage pri n cesse le fera ai n si leurs fe m mes la visitero n t aucu n esfois & elle leur fera tresbonne chere et parlera a toutes si amyablement que tres contentes se tendront & loueront son sçavoir et sa tresgrant court tiendra et feste a ses gesines et aux nopces de ses enfans vouldra que elles soye n t en la compaignie des dames & des damoiselles. Pour laq ue lle chose elle acquerra moult amo ur de tous & de toutes.

¶ Cy devise comment la saige princesse tiendra en belle ordonnance ses femmes de sa court. Chapitre xvii.

Le vi. enseignement de prudence est que la saige princesse tout ainsi que le bon pasteur se pre n t garde que ses brebis soyent maintenues en santé & se aucune en devient rongneuse il la separe du troupel de peur qu'elle peust empirer les autres elle se prendra garde sur le gouvernement de ses femmes lesquelles aura terres a son povoir toutes bo n nes & honnestes car aultres ne vouldra avoir en tour elle. Et pource que c'est chose assez acoustumee que chevaliers et escuyers et tous hommes qui frequentent en tour femmes par especial les aucuns ont maniere de les prier d'amours & de les attraire se ilz pevent / la saige princesse par ses ordonnances tiendra telle maniere qu'il n'aura nul repairant a sa court si hardy qui a nulle de ses femmes ose conseiller apart ne faire semblant d'atrait & se il le fait ou que il soit apperceu en aucun signe que tantost telle chere luy soit monstree qu'il ne s'i osera plus embatre. Et ainsi selon seigneur maisgnee duicte la dame qui toute honneste sera vouldra que toutes ses femmes le soyent sur peine d'estre mises hors de sa compaignie si vouldra qu'elles s'ebatent a jeulx honnestes & non tieulx que ho m mes s'en puissent mocquer ne tenir leurs parolles ainsi que voulentiers font d e femmes quoy qu'ilz s'en rient & jouent avecques elles se contiennent entre chevaliers & escuyers & tous hommes par beau maintien dient leurs parolles coyment & simpleme n t s'esbatent & solacent soit en dances ou autres esbatemens gracieusement & sans liberté ne soyent baudes saillans n'effrayees en parolles contenance maintien ris & ne voysent la teste levee comme cerfz ramages lesquelles contenances seroyent trop mal seans & grant mocquerie a femmes de court ou plus doibt avoir honnesteté bonnes meurs & courtois maintiens que en nulles autres. Car la ou est le plus d'onneur doive n t estre les plus parfaictes meurs & maintiens & de ce deceveroie n t trop les femmes de court se aucun païs en avoit de telle opinion qui cuydassent que plus leur apartenist a estre baudes & sailla n s que autres femmes / mais pource que nous esperons que yceste nostre doctrine soit portee par le temps advenir en mai n s royaulmes affin q ue en tous lieux ou il auroit en cest endroit aucune deffaulte peust estre vaillable. Nous disons generaume n t a toutes & de tous pays q ue il appartient a toute dame & damoiselle de co ur t estre plus saige plus rassise & mieulx moriginee en toutes choses soit jeune ou vieille que autre. Car elles doyvent estre exemplaire de tout bien & de tout ho n neur aux autres femmes & se autrement le foisoient point ne feroye n t d'honneur a leur maistresse ne a elle mesmes. Avecques ce vouldra la sage princesse affin q ue toutes choses en honnesteté se correspondent que les robes & les atours de ses femmes quoy qu'ilz soyent beaulx & riches co m me il appartie n t bien soyent d'honneste façon bien mis & bien seans honnestement & netteme n t maintenus mais n'y ait nulle desguisure ne deshonnesteté de trop gra n s collectz ou d'autres oultaiges & en toutes choses la saige princesse ordonnera ses femmes / tout ainsi que la prudente & bo n ne abbesse fait son convent en telle maniere que mauvais rapport en estranges contrees ne aval la ville ne autre part n'en puisse estre fait / & sera ladicte princesse ta n t crai n te & redoubtee p ar le sage gouverneme n t q ue on luy verra tenir q ue nul ne nulle ne sera si hardy aucuneme n t desobeir a ses com ma n demens ne lever l'ueil senestreme n t ne mal apoi n t / car il n'est nulle doubte que une dame est plus crainte & doubtee & tenue en plus grant reverence qua n t on la voit saige & de pesans meurs & ho n neste / & poso n s q ue elle soit benigne & doulce q ue ne seroit male & diverse / car le seul regard de la saige & chiere attre m pee est assés souffisant signe pour corriger ceulx & celles q ui mespre n nent & les faire craindre.

¶ Cy devise com me n t la sage princesse se pre n dra garde sur ses revenues & de ses fina n ces & de l'estat de sa court.

Le .vii. enseignement de prudence a la sage princesse est que elle prendra garde soigneusement au fait de sa revenue & de sa despence laquelle chose doyve n t adviser no n pas seulleme n t princes & princesses / mais se m blablement toutes gens q ue veulent vivre p ar ordre de saigesse n'aura point de honte elle mesmes de vouloir sçavoir la somme de ses revenues ou de ses pensions & que les comptes de ses receveurs & despenciers de ses finances soyent a certains jours fais devant elle vouldra sçavoir co m ment ses maistres d'ostel gouvernent ses gens & ordo n nent son co m mun & distribue n t les viandes & semblablement des autres offices de sa court dont elle ne vueille bien estre informee q ue ilz soyent prude n s de bo n ne vie & prudens ho m mes ains que les prengne & se le con traire scet q ue tost ne les mette hors si sçaura com bien monte la despence de son hostel vouldra sçavoir ce que on a prins des marchans & sus le peuple pour elle & pour sa despence & ordonnera q u'i l soit bien payé a certai n jour / car nullement ne vouldra leurs mauldissons ne estre a le ur haine. si ne vouldra rie n s devoir mieulx aimera se passer a moi n s & plus sobrement despendre. deffendra qu'on ne prengne rie n s sus le peuple maulgré eulx & que ce ne soit a juste pris tantost payer & non mye faire aller les povres gens des villaiges & d'ailleurs a leur grant coust & destourbier & frais. Cent fois et plus a tout une cedule en sa chambre aux dames & a ses receveurs ains q u'i lz puissent estre payés ne vouldra point que ses tresoriers ou distributeurs de finances usent du stille commun / c'est assavoir soye n t menteurs ne pourmena n s les gens de terme en terme comme ilz pourront penser que ilz puissent payer. Ceste sage dame ordonnera l'avoir de ses revenues en la maniere qui s'e n suyt. Elle le partira en cinq parties. La premiere sera la part & porcion que elle vouldra mettre en aulmosnes & donner aux povres. La seconde en la despence de son hostel la somme elle sçaura que elle monte / voire s'il est ainsi que sur sa revenue & pention la doye querir et q ue son seigneur ne luy administre sans que elle s'en mesle. La tierce a payer ses officiers & ses femmes. La quarte en dons a estrangiers ou autres qui luy auront desservy extraordinairement. Et La .v. mettra en tresor & dessus prendra a sa plaisance ce que elle vouldra mettre pour elle en joyaulx robes & autres abillemens & sera chascune part & portion de telle quantité comme elle verra que elle puisse faire selon sa revenue. Et ainsi par ceste voye tenir riglement pourra avoir droit ordre en toutes ses choses sa n s confusion ne que argent faille pour assovyr aucunes des dessusdictes choses parquoy il co n vient faire finances estranges ou chevances non licites a grans dommaiges & frais. En ceste maniere par les sept dessusditz enseigneme n s de prudence tenir avec les autres vertus lesquelles choses ne sont mye fortes a faire / ains embellissent & sont plaisans mais que bon cueur s'i vueille disposer & que ung petit l'ait acoustumé pourra la saige dame acquerir la gloire renommee & grant honneur au monde & a la fin paradis qui est promis aux biens vivans.

¶ Cy devise en quelle maniere se doit estendre la largesse & liberalité de la saige princesse. Chap. .xix.

Et pource que nous avons parlé des autres v er tus convenables a princesse assés au lo n g & pl us en brief avons touché la largesse mo n daine qui en dons luy affiert a avoir hors l'ordre co m mune de sa despence & extraordinaireme n t comme ce soit chose advisant a princesse que en ce soit advisee en parlerons plus au large la saige princesse qui vouldra qu'il n'y ait riens a reproucher en ses faitz se gardera bien que le vice de chetiveté & de non deue echarceté ne soit point veu en elle & aussi de folle largesse qui n'est mye maindre vice. Et pourtant par grant discretion & prudence usera & fera de ces dons / car c'est une des choses du monde qui plus exaulce la reno m mee des gra n s seigneurs & dames que largesse & ce tesmoigne jehan de sabberieuse en policraticion ou tiers livre ou .xiiii. chapitre a demo n strer que la vertu de largesse soit necessaire a ceulx qui ont le gouvernement sur la chose publicque. exemple de titus le noble empereur q ui acq ui st telle reno m mee p ar sa largesse q ue on l'apelloit le secours & l'aide de toute p er so n ne & il avoit tel amo ur a ceste v er tu de largesse q ue le jour q u'i l n'avoit fait don aucun il ne povoit estre joyeulx & po ur ce aq ui st la generalle amo ur de to us . Si demo n sterra la sage dame sa largesse en telle maniere se elle a puissa n ce de do n ner & il luy vient a co n gnoissance se q ue elle soit bien i n formee q ue aucu n s ge n tilz ho m mes estra n giers ou aultres aie n t p ar lo n gue prison ou ra n çon moult p er du du leur ou soie n t a gra n t souffreté elle le ur aidera voule n tiers du sien & d e bo n usaige largeme n t selon son povoir. & pource q ue largesse ne s'estend mie ta n t seuleme n t en do n s co mm e dit ung saige / mais aussi en reco n fort de parolles en le ur do n na n t espera n ce elle les co n fortera de meilleur fortune & ce reco n fort par adve n ture le ur fera auta n t ou pl us de bien q ue l'arge n t q ue elle leur do n ra car moult est chose agreable a p er so n ne si q ue ja est touché si deva n t q uan t prince ou pri n cesse luy do n ne reco n fort & mesmes de sa parolle. Et aussi si ceste dame voit aucun gentilho m me soit chevalier de bon couraige qui ait grant voulenté de soy avancer en honneur. mais n'ait mye grant cheva n ce pour soy habiller si q u'i l affiert & elle voit q ue de luy ayder soit bien employé & q ue il le vaille la ge n tille dame q ui aura en soy toutes nobles meurs po ur honne ur s de ge n tillesse & pour tousjours eslever noblesse de vaillance luy aidera. Et ainsi en divers cas qui peut advenir s'este n dra la saige & bien ordonnee largesse de ceste dame & s'il advient q ue aucuns p re sens ou dons luy soyent faitz de p ar aucuns grans seign eu rs elle do n nera si grandeme n t aux messagiers q ue ilz s'en puisse n t louer & pl us se ilz so n t estrangiers que aux autres affin que en leurs païs en face n t me n tion a leurs seign eu rs & vouldra que tous soyent expediez. Et se les p re sens vienne n t de gra n s dames elle leur e n voyera se m blableme n t de ses joyaulx & de ses belles choses pl us largeme n t Mais se povre ou simple p er sonne luy fait aucun service ou luy p re sente q ue lque chose estrange p ar bon vouloir elle regardera la faculté de la p er sonne & son estat & la grandeur du service ou la value ou bonté ou beaulté ou estra n geté du don selon le cas si le remunerera quoyq ue ce soit si gra n deme n t q ue l'en s'en puisse & doye louer & avec ce p ar si joyeuse chere recevra la chose q ue ce sera a pou moitié poime n t. Et non mie sera sico mm e no us veismes une fois & n'a pas moult de nos yeulx avenir dont moult nous pesa a une court du monde de prince ou de princesse que ce fust la fut ma n dee une personne que on reputoit a saige pour oÿr & co n gnoistre de son sçavoir. Si y frequanta plusieurs fois / & se tenoit on tresfort content de ses faitz & de ses ditz & de l'effect de son sçavoir duq ue l il avoit fait aud it pri n ce ou princesse aucuns services justes bo n s & loysibles dignes de reco m mandatio n & desserte. En cestuy mesmes temps & espace frequentoit a icelle mesme court une autre p er so n e qu'on reputoit a folle q ui a coustume avoit de servir les seigneurs & dames de bourdes & rappors de ce qu'on faisoit par tout & de parolles de nulle value sico mm e par maniere de truffes & de faire rire. Advint q ue on voult remunerer & faire dons a la p er so n ne q ue on reputoit a saige & qui avoit desservy de son sçavoir & a la p er so n ne qu'on reputoit a folle q ui avoit servy seulement de dire les bourdes / si fut donné a ladicte folle ung don q ui fut extimé a la value de .vl. escus. & a l'autre ung don de douze escus / de laquelle chose quant ce vismes entre nous troys seurs / raison / doctrine & justice muçasmes nos faces de honte de veoir si desconvenable extimation et tant aveuglee descongnoissance en court q ue on dit aute n tique. non mye pour la value du don / mais pour l'extimation des p er sonnes & de leurs faitz Si ne fera mye ai n si la saige princesse qui des folz ou des folles ou q ui le co n trefont / ou de raporteurs de parolles et de choses de nulle value gueres ne s'acointera ne la estandra mye ses dons mais aux vertueux & a ceulx a qui le bien est employé.

¶ Cy devisent les excusations qui affierent aux bonnes pri n cesses qui ne pourroye n t pour aucunes causes mettre a effect les choses dessusdictes. Cha .xx.

Or avo n s dit ce q ui appartie n t & touche a la largesse de la saige princesse / mais ava n t q ue nous passio n s oultre affin q ue oblié ne soit no us con vie n t icy toucher par especial q ue stions qui no us pourroie n t estre faictes sur deux pointz que touchié avo n s cy deva n t C'est assavoir l'un q ue no us avo n s dit & devisé co m me il appartient q ue la saige princesse se face accointer des gens de to us les estatz & subgetz. Et l'autre a la liberalité q ue doit avoir. si que dernierement avons dit du premier point. Pourroit souldre telle question vous dictes qu'il appartient a saige princesse d'avoir la benivolence des subgetz pource se doit d'eulx accointer. Mais co m ment pourroit cestuy enseigneme n t servir a toutes car il n'est poi n t de doubte qu'il est assés q ue quoy qu'elles soyent tressaiges & prude n tes si ont elles maris de merveilleuses meurs & q ui si court les tie n nent que a peine osent elles parler mesmes a leurs serviteurs et aux gens de leur ostel. si ne se pourroient icelles femmes de nul acointer & ne sert a nul envers elle cestuy enseigneme n t. Item a l'autre point semblableme n t qu'il est assés de princes & d'autres hommes qui tant tie n nent leurs femmes courtes d'argent q u'e lles n'ont ung denier. Si ne pourroient celles par effect quelque bon vouloir qu'elles eusse n t user de celle vertu de largesse. Si respondro n s a ces deux questions ensemble tout en unemesmes sente n ce. c'est assavoir que nous n'entendons mye de celles qui sont gardees p ar telles extremités. Car aux dames & pri n cesses ou autres tenues en tel servage prudence ne peut donner autre enseignement & sil n'est il pas petit fors prendre en pacie n ce faire tousjours bien a le ur povoir & obeir pour avoir paix. Mais parlons a celles que nous supposons qui ayent auctorité sens & puissance de ce faire si que ja avons dit. Et aussi n'e n tendons mye des jeunes qui e n cores so n t soubz l'administration d'autres dames vray est q ue cest nostre doctrine s'elles l'estudient & retienne n t leur pourra servir d'aprendre a elles gouverner p ar telle prude n ce que qua n t seront en aage de pl us grant discrection les maris & seign eu rs qui les verro n t de se m blable ordonnance & gouverneme n t leur pourront bien do n ner auctorité de faire & gouverner se m blablement q u'i l est dit & q ue no us diro n s cy ap s en te m ps & en lieu a leur e n nortement & l'ho m me est trop fol de q ue lque estat q u'i l soit q uan t il voit qu'il a bo n ne fe m me & saige s'il ne luy do n ne auctorité de gouverner se besoing est. com bien q u'i l en soit assés de si malostrus & de si desco n gnoissans q u'i lz ne sçavent veoir ne con gnoistre / ou bonté & sens sont assis & se fonde n t sur l'oppinion q ue en sens de fe m me ne peut avoir grant gouverneme n t. de laq ue lle chose no us veons souvent le con traire. Si disons de rechief en co n cluant q ue se celles dames ainsi courtes tenues ne pevent en ces pointz mettre a effect leur prude n ce tant en ce q ui touche d'elles faire a congnoistre a leurs subgectz & aussi en faisant largesse elles en sont a excuser. mais neant plus q ue une grant lumiere se pourroit si fort mucier que p ar aulcun anglet ne fust apperceue ne les pourront tant empescher leurs maris que s'elles sont bonnes saiges & de bon amour a le ur s subgetz que elles ne soyent bien aymees de tous & reputé leur bo n ne voulenté pour faict pour les discretes et bonnes apparences qu'on verra d'elles / & que louees & reno m mees ne soye n t en to us lieux Et souffice qua n t a ce propos.

¶ Cy devise du gouvernement a la saige princesse demouree vefve. chap. .xxi.

Parlé avo n s assés de ce qui touche les e n seigneme n s des princesses mariees / mais affin q ue nostre doctrine soit en to us les estatz des dames vaillable dirons encore a ce p ro pos p ar lant aux dames & princesses vefves ta n t aux jeunes co mm e aux ancie n nes en differences de leurs aages Si disons ainsi s'il advie n t que la saige princesse demeure vefve n'est point de doubte q u'e lle plorera sa partie si q ue bonne foy le do n ne se tiendra close ung te m ps. ap s le service & obseques a petite lumiere de jour en piteux & dole n t habit selon ho n neste usaige. Si n'oubliera pas la bonne ame de son seign eu r / ains en priera & fera prier tresdevottement par grant soing en mesmes services aulmosnes offrandes et oblations. & moult la fera reco m mander a toutes ge n s de devotion / et ne durera pas ung pou de te m ps ceste memoire & ses bie n sfaitz / mais tant co mm e elle vivra. Neantmoins a ceste dame qui sera de grant sçavoir prudente dira / & l'admo n nesteront souvent son beau pere & ceulx a qui il appartiendra q ue no n obstant sa tresgrant perte & son grant dueil & regretz de la mort de son seigneur & de la bo n ne lealle amour qu'elle luy portoit il co n vient estre pacient de tout ce qui plaist au seigneur estre faist & q ue no us sommes nez pour aller celle voye qua n t il luy plaira. Si pourroit bien pecher & courroucer nostreseigneur de tant estre adolee & par si long te m ps & espace Si co n vient qu'elle prengne autre maniere de vivre ou grever pourroit son ame & sa santé. si n'en seroit mye de mieulx a ses nobles e n fa n s qui e n cores ont tout mestier d'elle. Ceste dame ainsi admo n nestee de raison & d e bon con seil pour aucuneme n t mieulx passer ceste gra n t tribulation se prendra a se do n ner de garde de ses beso n gnes. Tout premiereme n t vouldra avoir congnoissance du testament de son seigneur & mettra toute sa peine au plustost que faire ce pourra pour allegier la benoiste ame de celluy qu'elle aymoit qu'il soit acco m ply. Apres s'elle a des enfans & le pere ne les a partis en son vivant prendra grant cure que les partaiges des terres et des seigneuries soyent faitz entre eulx par bon regard & advis des barons & des saiges du co n seil si que au gré d'un chascun soit s'elle peut s'en travaillera de tout son povoir de les tenir en amour sans debat ensemble & que tous les moindres servent & honnorent l'aisné leur seigneur si que raison est. Avec ce advisera ce que a elle apartient tant au faict de meubles comme a son douaire. Et s'elle n'a nulz enfans & aucun luy vueille faire tort de ce qu'il luy appartient / sico m me souventesfois on fait aux dames vefves soye n t gra n des ou petites elle appellera bon co n seil & en usera en gardant et deffendant son droit hardiment par droit & raison sans s'eschauffer en hastiveté de parolles vers nulluy. ains dira sa raison ou fera dire courtoisement a tous. mais elle gardera son droit & tant co m me elle vivra tiendra en amour a son pouvoir les parens de so n seigneur & grant honneur leur portera. & de ce faire sera grandement louee & prisee Mais s'il advient cas que la princesse demeure vefve a tout son aisné filz encores jeune & moindre de aage et que par adventure guerre & contens sourde entre les barons. et pour cause du gouvernement la convient il qu'elle employe toute sa prudence & son sçavoir po ur les mettre & les tenir en paix. car nulle guerre d'estranges ennemys ne luy pourroit estre tant perilleuse comme ceste. Et pource la saige dame qui toute sera saige sera si bonne moyenne entre eulx par son prudent maintien & sçavoir pensant le mal qui pourroit venir de leurs debatz / veu son enfant encores petit & jeune que bien les sçaura apaiser. Et pource faire querre les plus convenables manieres & le plus q u'e lle pourra le traictera par doulceur & par bel. & vouldra que tout soit fait par bon & loyal conseil / ou s'il advient q ue aulcunes terres se rebellent ou que la contree soit assaillie d'ennemys. sico m me souventesfois advient ap s mort de prince a enfans moi n dres d'eage pourquoy conviengne avoir et maintenir guerre / bien aura besoing la prudente dame & princesse q ui desirera a garder le bien des enfans q ue elle mette a oeuvre son grant sçavoir. Adonc luy aura mestier tenir en amo ur les baro n s chevaliers & seign eu rs de son païs affin que tousjours soyent bons & loyaulx & de bon conseil a son enfant. Aussi les chevaliers escuyers & gentilz hommes / affin q ue de plus grant cueur voulentiers & hardiement se combatent se mestier est / & maintenant la guerre pour leur jeune seign eu r le peuple aussi affin q ue plus voulentiers y aydent du leur se besoing est pour maintenir la guerre. Et pource affin qu'ilz soyent tousjo ur s plus loyaulx subgetz & q ue autre ne les peust esmouvoir au co n traire parlera a eulx aucunesfois par bel en disant p ar doulces parolles qu'il ne leur vueille ennuyer se adonc sont aucunement grevez pour la gra n t charge de la guerre & d'autres affaires q ue si dieu plaist ce ne durera mye longueme n t & q ue bien luy en souviendra et ramentevera a son filz le bien & la loyaulté qui est trouvee entre eulx Et telle maniere de parler leur dira la saige dame & princesse qui pourront estre vaillables en tel cas. Car ce les esmouvera a plus voulentiers y mettre du leur & a les garder de rebellio n Lesquelles rebellions adviennent le plus souvent en peuple par estre trop oppressé de seigneurs & mené par rudesse. Et n'est pas de doubte que estre extimé ne pourroit le bien que telle princesse peut faire en royaulme & contree.

Cy dit de ce mesmes a l'enseignement des jeunes princesses vefves Chap. .xxii.

MAis se la princesse demeure vefve sans enfans ou qu'elle vueille vivre plus a son aise et en paix quant revestue sera de ce qu'il appartient Et du douaire assigné elle ira demourer sur la terre & la advisera co m ment elle se gouvernera bien & sagement selon sa revenue. Si mandera tantost les principaulx de ses ho m mes & aussi to us les prevotz & baillifz de ses chastellenies. Si vouldra sçavoir par bo n ne enqueste com me n t ilz se seront gouvernez et portés le temps passé & s'ilz sont preudo m mes se informera des coustumes du pays & se iceulx officiers so n t bo n s ilz ne se bougeront / & se mauvais so n t les ostera & mettra nouveaulx desq ue lz elle aura bo n ne relation. Et ne vouldra nullement q ue ses prevostez soyent baillees pour argent aux pl us offrans & derniers encherissans / sico m me on fait maintenant co m munement en france. Et pource en sieges en beaucop de lieux a de tresmauvaise ribauldaille mengeurs de gens & pires que ne sont larro n s / car il n'est mauvaistie qu'ilz ne facent pour tirer argent Et pour sçavoir le vray / l'experience co m mune le demonstre & certifie. Pource ne vouldra la bonne dame qui sera informee & avertie que sesdictes prevostés soyent loués vendues ne baillees a ferme / mais baillees par election aux plus preudho m mes & aux pl us sages ainsi que faire se doit. si leur conviendra expressement qu'ilz garde n t que justice soit bien gardee / ou que autreme n t elle les desposeroit & pugniroit / & avec ses officiers fera expresse deffence & aux ge n s de so n hostel que nul ne soit si hardy de faire grief a nul de ses subgetz ne prengne n t riens sans payer / car elle ne vouldra pas son ame charger de l'avoir des povres ge n s pource que toute informee sera des grans excions q ue preneurs de seign eu rs & de dames fo n t souvent sus le co m mun / desquelles extortions pourtant s'ilz ne le servent ne seront pas excusés vers dieu lesditz seigneurs & dames Car ilz le doivent sçavoir & ne le souffrir pas: les vouldra tenir en paix & garder de tous maulx a son povoir. Et a brief dire de toutes choses les tie n dra en amour / vouldra estre par eulx & par leurs fe m mes visitee souve n t & bonne chere leur fera. Les dames & damoiselles du pays & les bourgoises semblablement viendro n t vers elle si les recevra joyeuseme n t & ho n norera chascu n e selon son droit. & les ma n dera pour en estre aco m paigniee qua n t seign eu rs ou estrangiers vouldro n t venir vers elle a ceste noble dame mesmement les petites femmes de village qui l'aymeront de tout leur cueur luy apporteront de le ur s petis p re sens co m me fruytz ou autres choses. & elle les fera venir vers elle et les vouldra veoir / recevra leurs chosettes joyeuseme n t & de pou de chose fera grand com pte et grant feste / & dira qu'il n'est riens si bon ne si beau. si les remercira cherement parlera avec elle / & leur tiendra parolles du faict de leur nourriture de leur mesnage / parquoy les bo n nes femmes quant seront a leurs maisons feront grant feste & parlement de la chere q ue leur dame leur aura faicte & moult ho n norees s'en tiendront. & grant quaquet en meneront avecq ue s le ur s voisins. Ceste noble dame n'aura pas ho n te de visiter les acouchees & povres et riches. aux povres do n nera pour dieu / & les riches ho n norera / tiendra sur fons de leurs enfa n s / & a brief dire en toutes choses bo n nes se tiendra & demonstrera tant charitablement tant doulce & humaine vers ses subgetz q u'i lz ne parleront q ue d'elle prians pour elle & de tout le ur cueur l'aymeront. Ces voyes bo n nes sçavoyent bien tenir les tresnobles roynes de france & pri n cesses en leurs veufvages q ue j'ay cy deva n t no m més / c'est assavoir la royne Jeha n ne la royne bla n che la duchesse d'orleans fille jadis du roy charles .iiii. & se m blablement d'autres q ue en telle maniere se gouvernent en toute bonté & saigeté qu'a tousjoursmais pourront estre exe m plaire de bien et sagement vivre a celles advenir. Et cy est la fin des enseignemens q ue prudence do n ne a la saige princesse q ui est en aage de con gnoistre bien & mal. Si dirons ung petit puis q ue entrees ou p ro pos so m mes de la jeune princesse vefve & puis diro n s des jeunes mariees il ap ar tient a jeune princesse vefve q ue tant q u'e lle sera en tel estat soit soubz la baille de ses parens obeysse a le ur s vouloirs & se gouverne toute par eulx & par leur ordo n ance ne rie n s n'entrepreigne sa n s leur sceu & voulenté. Tenir se doit si m pleme n t d'abit & d'atour selo n les usaiges des pays ou elle est coyme n t & doulceme n t en co n tenance q ue maintien jeux trop re n voisiés toutes da n ces estroictes robes & toutes jolivetés luy so n t deffendues & quoy q u'e lle soit joyeuse par nature & q ue jeunesse l'amonneste de rire de jouer & chanter. Si co n vient il si elle veult garder son ho n neur q u'e lle s'en deporte au moins se ce n'est bien a son privé & non devant ho m mes & doit par especial e n tre segneurs & dames ou chevaliers estra n ges ou autres ge n tilz ho m mes moult faire le sage avoir co n tenance rassise pour p ar ler & si m plement regarder. Et lors diront les gens q ue c'est moult belle chose a si jeune dame avoir si beau maintien & si asseuree co n tenance il ne luy apartient point de tenir parolles app ar t ne con seil a ho m mes q ue lz q u'i lz soye n t ne q ue chevaliers escuyers ne autres freque n tent trop ne sa n s raiso n nables achoisons environ elle ne a sa cha m bre / car par telz choses son bien en pourroit estre desave n cé & cheoir en aucu n es parolles q ui moult tost & a peu d'achoison sont levees & de ce doit bien prendre garde la principal dame q ui l'a en gouvernement mais pour eschever ennuy & oyseuse elle se doibt aux festes esbatre et jouer aux martres avec ses fe m mes & autres jeux si m ples & cois et aux jours ouvriers a faire aucu n s ouvraiges elle se doit bien garder que elle ne tiengne parolles de mariage a quelconq ue p er sonne a part en recelé ne sans le sceu de ses amys ne q u'e lle en escoute nulles parolles se on les vouloit dire. Car ce ne seroit mye son honneur & si po ur roit bien estre deceue. Si s'en doit du tout attendre a sesdis amys & bien garder que rie n s n'en face sans eulx car de se marier a sa voulenté sans leur bon consentement acquerroit gra n t blasme & se elle assenoit a mauvaise partie & q ue mal luy en prensist jamais ne seroit plai n te & si p er droit leur grace. Si doit pe n ser q ue ilz sauront mieulx con gnoistre ce q ue luy est bon que elle mesmes ne feroit

¶ Cy devise du gouvernement qui doit estre baillé & tenu a jeune princesse nouvelle mariee. Chapitre .xxiii

Nous co m mençasmes cy devant a dire le maniere co m ment la sage princesse veult & ordo n ne que ses filles soyent nourries & introduyctes en enfance & jeunesse. Si nous co n vient en continua n t ceste matiere parler et deviser de l'ordo n nance q ui a la fille appartie n t a tenir c'est assavoir a la jeune pri n cesse q ui veult vivre si q u'i l app ar tie n t depuis le te m ps q u'e lle est mariee & hors le bail de ses parens si dirons ainsi il app ar tient a la jeune princesse q ui de nouvel est mariee luy soit baillé estat d'ho m mes & de fe m mes tel & si grant co mm e a la haultesse du prince et seign eu r a qui elle est donnee appartient. Si seront esleuz pour estre ses serviteurs ge n tilz ho m mes non mye trop jeunes ne trop emp er lez ne mygnons mais sages & attre m pés & preudho m mes & s'ilz sont mariés ta n t mieulx vault & p ar especial ceulx q ui la serviro n t a table & q ui plus freque n tero n t environ elle & de ses fe m mes & se il eschiet est bien sea n t que leurs fe m mes demeurent se m blablement a court les maistres d'hostel gens meurs & de bon sçavoir & pour la jeune princesse mieulx aprendre & endoctriner de ce q ui apartient au sauveme n t de l'ame & de sa con science luy doit on eslire con fesseur religieux sage clerc en divinité prude n t en meurs & de sens naturel preudho m me d'o n neste & de bo n ne vie. Et au fait de ses fe m mes pource que c'est droit q ue des anciennes dames & damoyselles & aussi des jeunes y soyent mises doibt bien estre advisee quelles de quel sens et estat et vie sont & ont esté celles ains que mises y soye n t trop plus y doit estre visité que a celles que on prent a court de plus ancienne princesse. Car nonobstant que en toutes cours soit bien seant que les fe m mes y soyent de honnestes meurs. Toutes voyes pourroit cheoir plus grant peril en compaignie de jeune princesse que en aultre pour deux especiaulx raisons. L'une que on juge communement a l'estat & mai n tien que on voit a la maisgnie de l'estre & co n dicion du seigneur ou de la dame pourquoy se les fe m mes n'estoyent de belle ordonnance aucuns pourroyent supposer q ue non feust la maistresse laquelle chose pourroit estre le descroissement de l'honneur d'elle. Item la deuxiesme raison est que mesmement ladicte maistresse jeune & enfant y pourroit prendre aucun enseignement & exemple non bien co n venable entre ses femmes doibt avoir une dame ou damoiselle assez d'aage saige prudente bo n ne ho n neste & devote a qui on aura beillé par fiance le gouverneme n t de la jeune dame combien que par adve n ture en y aura a la court maintes de plus grant lignage & des parentes peut estre a ladicte princesse mises par honneur & compaignie & neantmoins ceste aura le soing & la garde principal d'elle. Si n'aura mye ceste da m e cy se bien veult faire son devoir petite charge ne peu de soing ne regard. Car il convie n t que elle tende a deux choses principalles. L'une est qu'elle induyse & maintie n gne sa maistresse en sage gouvernement & bonnes meurs & telles que nulles voix ne parolles puissent souldre contre son honneur & l'autre que elle la tie n gne en amour & qu'elle ayt tousjours sa grace. Lesquelles deux choses c'est assavoir do n ner correction & enseignement a jeune ge n t & avoir ense m ble leur amour & grace est souvent moult fort a faire si y convient ouvrer par grant discretion & ce peut faire par tel maniere. C'est trop plus fort chose d'estaindre le feu quant il a emprins & embrasé une maison / que il n'est a garder que il ne s'i esprengne Et pource la sage mesnagere qui a toutes heures est sur sa garde d'eschever les perilz qui pevent advenir cerche souvent par sa maison par especial au soir de paour que aulcu n e mesgnie mal songneuse ayt laissé chandelle ou moucheron ou autre chose dont do m mage puisse venir tout ainsi ceste dame pourveue de ce qu'elle aura a faire en la maniere que on ploye la verge quant elle est jeune sico m me on veult adviser a son povoir de mettre en tel ploy sadicte maistresse se qu'a tousjours mais y puisse demourer. Et pource de loi n gs & non mye tout a coup que la verge ne brise ira querre ses commenceme n s pour venir & attaindre a ses conclusions & a ce qu'elle vouldra mettre a fin. Car tout p re mierement elle prendra toute la peine qu'elle pourra par belle et courtoise maniere & par luy donner aucunes chosettes qui plaisent a jeunes gens & par ce monstrer amiable pour avoir l'amo ur de sa jeune maistresse & commandera que la bonne dame qui sera ja de aage ou ancienne aucunesfois en jeux ou esbatemens q uan t ilz seront a part & a prime ainsi que l'enfant & la jeune dira aucuneffois des fables & des comptes que on dit a enfans. Et tout ce fera elle pour attraire sa maistresse affin qu'elle prengne mieulx en gré quant il conviendra que elle la reprengne et corrige / car se elle se monstroit tousjours de pesa n t maniere sans ris & sans jeux jeunesse qui est e n cline a joye & soulas ne la pourroit souffrir & l'airoit en si grant crainte que desplaisance y prendroit & mal en gré ses corrections. Et quant elle verra que elle sera bien en sa grace & que elle sera ainsi que toute mignote sur elle / adonc selon l'eage ou le sentement que appercevera en elle luy prendra a co m pter comptes quant ilz seront en leurs chambres et a leurs devis de dames & damoiselles qui se sont bien gouvernees co m ment il leur est bien prins & l'onneur que elles en ont & par le contraire co m me n t mal est ensuyvy a celles qui follement se sont portees dira que elle l'a veu advenir de son temps & les fera ava n t tous nouveaulx que elle n'en dye pour autre chose fors ainsi que l'en compte des aventures & de si bonne maniere les sçaura dire que elle mouvera le courage de sa maistre & des autres qui l'orront & seront toutes atroupelees entour elle & voulentiers l'escouteront dira aucunesfois histoires de sains & de saintes de leurs vies & passio n s & aucu n esfois parmy pource que devis n'ennuye dira quelq ue truffe a rire & ainsi vouldra que les autres dient affin que chascune devise a son tour / icestes manieres tiendra la sage dame quant au fait d'actraire la jeune pri n cesse a elle aimer / mais a ce qui touche a la correction & enseignement elle introduira par belles & courtoises parolles qu'elle se lieve assés de bonne heure. Si luy appre n dra quelques bonnes & briefves oraisons et l'enortera qu'elle les dye en se levant. Salve p re mierement nostreseigneur & la vierge marie & dira que elle a ouÿ dire q ue p er sonne q ui a de coustume d'adresser ses premieres parolles de bon cueur a nostreseign eu r en se leva n t n'aura ja la journee mauvaise adventure & de ce dira elle verité Car ainsi le tiengne n t plusieurs & est la coustume moult bonne la fera vestir & atourner sico m me il appartiendra sans y mettre si longueme n t q ue assés de dames fo n t q ui est une si gra n t perte de te m ps & une coustume malordo n nee aler a la messe & dire ses heures devottement & so n gneuseme n t & avecq ue s ses choses tout le bel maintien ou p ar ler con tenance atours & vestemens q ui appartienne n t a pri n cesse de hault paraige luy ennortera a faire et maintenir en telle maniere qu'il n'y ait q ue redire & tant fera a brief dire p ar ses saiges a m monnestemens q u'e lle la mettra en tel division q ue chascun dira que de son jeune aage on ne vit oncques dame de tel maintien ne mieulx aprinse. & diront d'elle les ge n s. O co m ment affiert grant loue n ge a jeune cueur estre viel & meur p ar bo n nes meurs voire je supose q ue ladicte jeune dame soit de si bonne con dicion que elle vueille et seuffre estre introduyte & vueille bien retenir. car estre pourroit si diverse q ue la dame seroit a excuser s'elle ne la povoit duire ne mettre en bo n ne rigle. Si doive n t estre les menaces de la sage dame telles qua n t elle reprent sa maistresse de q ue lque faulte sico m me jeunes gens font. Il n'est si p ar fait si elle est bo n ne & doulce & que bien l'ait a main q ue se elle fait autreme n t ou q ue pl us face ou die telles choses que la lairra & s'en ira chés elle ne jamais ne la servira & q ue ce n'est pas belle chose ne bien fait a telle dame co m me elle est d'ainsi se gouverner & adonc se la jeune princesse est bo n ne & doulce & q ue elle aime la dame aura paour q ue elle la laisse & se chastiera de pou d e menaces mais se elle est revesche & de diverses condicions despite & de pou d'amour elle luy dira a part tout aspreme n t sache bon gré ou mal gré & que elle le dira a ses parens & amis ou son seign eu r se besoing est se autreme n t ne se gouverne. Et quoy que ceste dicte dame ait la charge d'endoctriner & aprendre tel maintien qu'il convient a sa jeune maistresse no n pourtant elle qui sera saige sçaura bien q u'i l convient jeunesse se joue & rie si luy en donra & souffrera assés espace convenableme n t a certaines heures avec les jeunes de ses femmes & qu'il n'y ait ame estrange selon la condicion & que elle verra encline sadicte maistresse. Car on ne peut mye ne ne doit on voer aux jeunes gens tous leurs plaisirs mais que ilz ne soyent mal ho n nestes ne desco n venables. Et de ce p ro pos / c'est assavoir des meurs & co n tenances qui affiere n t a la bien ordo n nee jeune pri n cesse ne parlerons plus cy endroit pource que si ap s en l'espitre q ue la dame ancienne e n voye a sa maistresse se en sera parlé.

Cy devise les manieres q ue la sage dame ou damoiselle q ui a en gouvernement jeune princesse doit tenir po ur maintenir sa maistresse en bo n ne reno m mee & en l'amour de son seign eu r. chap. .xxiiii

Et avec ces choses / pource que jeunesse nourrie en grans delices aucunesfois peut d e legier estre encline a trop gra n t gayeté pourroit desvoyer la jeune personne qui point n'a de malice de se garder convient par especial mettre frain de lo n gue main si que ja est touché si devant ains q ue l'inconvenient adviengne Si peut estre le remede tel la saige dame qui aura en gouvernement la jeune princesse q ui verra amo ur entre le pri n ce son seign eu r & sa maistresse si q ue co m muneme n t jeunes ge n s nouveaulx mariés ont ense m ble mettra toute la peine q ue elle pourra & les nourrira en celle amo ur & les e n nortera de dire doulces p ar olles & amoureuses tousjours l'u n a l'autre & faire tous plaisirs & pre n dra grant cure de elle mesmes rapporter e n tre eulx gratieulx messages & do n s d e choses plaisa n s reco m mandatio n s & salus pour les nourrir tousjours en celle paix & amour & bien se traveillera q ue toutes choses au co n traire soyent destourbees & eschevees & a part qua n t le seigneur n'y sera & la jeune princesse se couchera l'a n cienne dame luy en tiendra plait en la rame n tevant & devisa n t les bo n s motz q u'e lle luy aura ouÿ dire d e l'amo ur qu'il a en elle et com me n t il est bon & co mm e il est bel & gratieulx q ue bonne nuyt luy doint dieu & toutes telles choses. Et avecq ue s ce pource q ue est de coustume q ue les seign eu rs chevaliers & escuyers estranges et autres vo n t aucuneffois devers les princesses & dames & q ue leurs seign eu rs & pare n s mesmes les y maine n t il con vie n t q ue elles voie n t & parlent a plusieurs & q u'e lles les festoye n t sico m me il apartie n t en festes & en da n ces aucunesfois ou parler ou autres esbateme n s / si que il eschiet do n c il avie n t aucuneffois q ue aucuns d'iceulx a telles assembles sont ferus de l'amo ur des dames ou veule n t faire se m blant q ue ilz le soye n t do n c la saige gouverneresse q ui tousjo ur s sera pres de sa maistresse pre n dra bien garde aux se m bla n s & manieres de to us se elle po ur ra appercevoir p ar q ue lque se m blant q ue aucu n s ou aucun y voulsist pe n ser & s'il advie n t q ue il luy se m ble en apercevoir quelque chose n'en dira riens a personne ains les tiendra secret a son couraige. Et qua n t vendra q ue ilz seront dep ar tis & la feste faillie & sa maistresse sera retraicte pourra advenir se sadicte maistresse est privee d'elle luy e n trera elle mesmes en parolles disans nous avons bien dancé telz & telz sont gracieulx ou ilz ne sont mye en quelque autre chose. & adonc la saige princesse pourra respo n dre telz manieres de parolles je ne sçay que c'est / mais je ne voy nul qui me semble ta n t plaisant ne tant bel & gratieux que fait mo n sieur & m'en suis bien pri n se garde / mais il m'est advis que e n tre les autres c'est celuy a qui plus advient toutes choses a faire. Et se ledit seigneur est vieil ou lait dira. certes je ne prenois garde a nul de la compaignie sinon a monseigneur. Car il m'est advis que entre les autres il se m bloit si bien seigneur & prince / & comme n t le fait il si bon ouÿr parler qui parle sagement. Et posons qu'il n'y ait esté si le pourra elle ramentevoir en quelque guise disant bien de luy. mais de ce q ue pensé aura ne dira riens & se prendra bien garde se celuy ou ceulx de qui elle aura ymaginé se mettent en peine de frequenter ento ur sa maistresse & se ilz querront voyes & manieres cy avoir acointance ou aux parens ou autres qui les y puisse mener ou se eulx ou aucuns de leurs gens si vouldront acointer d'aulcunes des femmes Et se elle voit que aprés ladicte feste ou assemblee nul de ceulx qu'elle a pensé ne se traveille par choses qu'elle y voye s'en mettra en paix & hors de suspection. Mais se elle apperçoit les signes dessusditz ou semblables elle ne aura pas euvre laissee ne son couraige sans grant soing ou cure se pener se veult de y mettre remede a faire son devoir Si conviendra que elle oeuvre bie n sagement. Car de le descouvrir a personne s'elle est sage & prude n te se gardera bien / & seroit trop mal fait. Mais que fera elle pour le mieulx et pour ouvrer plus sagement / quant verra bien que ce sera a certes que aulcun par grant diligence se vouldra mettre en peine d'estre en grace pour telle amour de sa maistresse ai n s qu'il ait eu espace de luy en touchier aucune chose. posons q u'i l eust le hardement elle luy fera si bel acueil que achoison luy donnera que il s'acointe d'elle / et ce fera il moult voulentiers / car il cuydera pource que c'est la plus prochaine de la dame que sa besoigne en doyve mieulx valoir & pourrira la chose qu'il s'e n hardira de luy dire ce qu'il aura sur le cueur avec les grans offres des services & de tous biens qu'il luy fera selon la coustume des hommes en tel cas. Adonc la dame qui sera pourveue de sa responce & qui parlera a luy sans le sceu de la dame & le moins qu'elle pourra luy repondra sans nul effroy bassement par telles parolles. & s'il est tel qu'il appartient dira: monseigneur vrayeme n t je me suis bien do n né garde par voz semblans que vous aviez en couraige ce que vo us m'avez dit. & pource que vouloye que telles parolles venissent de vous premierement je desiroye que j'eusse telle acointance de vous q ue le me dissiés affin q ue je le sceusse ains que aulcu n e autre p er sonne par q ui la chose peut estre raportee & mal selee la sceust ou s'en apperceust. si suis bien ayse que j'ay a present advisé de vo us faire la responce sur ce que dit m'avez telle qu'elle est affermee en mon courage & qui jour de ma vie pour mourir en ce prometz je a dieu & a vous ne changera & sa n s vous faire de ce long sermon ne tenir trop de parolles vous dy tout a ung brief mot & une fois pour toutes que tant que je soye vivant & je soye en sa compaignie ceste jeune dame qui par la fia n ce que ses amys & son seign eu r ont en moy tant n'en soye digne m'ont baillé en gouvernement / ne fera mal ne chose dont reproches ne parolles autres qu'il appartient a avoir a dame telle qu'elle est & du noble sang do n t elle est yssue / car de ce a l'ayde de dieu la cuyderay je bien deffendre nonobsta n t q u'e lle en est legiere a garder. Car je sçay bien q ue toute s'amour est en son seign eu r ainsi qu'elle doit estre & q u'e lle est toute bo n ne & bien condicio n nee / ne q ue de telz amo ur s elle n'a q ue faire ne n'y pense. & si sçay bien tant d'elle q ue se vous ou autre luy aviez dit ou q u'e lle s'en apperceust q u'e lle hairoit sur toutes choses celluy qu'elle cuyderoit q ui a telle chose vers elle pensast. Si vo us suplie mo n seign eu r ta n t co mm e je puis que vous en vueillés oster du tout & plus n'y penser. Car je vo us jure ma crestienté que vous perdriés vostre peine. Et affin que vous n'y ayez plus nulle esperance pour veoir dire. Je vous jure mon ame que posons qu'elle le voulsist / ce que je sçay bien que jamais ne feroit: j'y mettroye telles barres qu'elle ne pourroit. Si me croyés seurement & plus ne faictes telz allees ne telz venues ne telz semblans que sur l'ame de moy je ne les pourroye souffrir & co n viendroit que je le disse a telz q ui ne vous en sçauroye n t nul gré & qui bien la garderoye de voz mains. Car je n'ay que d'une mort a mourir / laquelle chose aymeroye mieulx que il me advint q ue je consentisse ne veisse le deshonneur de ma maistresse. Si vault mieulx q ue n'en soit pl us & q ue la chose demeure a ta n t. Telle responce ou semblable fera la sage dame / ne pour p ro messe don ofre ne menace ne changera son propos ne lors ne autres fois ne riens ne fera qui la puisse flechir au co n traire. Si se gardera bien q ue n'ayt point la chere muee ne enflambee ne les yeulx felons qua n t elle partira de luy / mais aura le visaige rassis et la maniere asseuree sico m me se de autres choses eussent parlé. affin que personne ne se peust de ce appercevoir. Aussi ladicte dame se gardera bien que nul mot n'en sonnera a sa maistresse ne a autre soit son privé ou privee / ne nul semblant n'en fera / mais ne la laissera tant soit pou / & se prendra bien garde q ue nulle fe m me ou des servans ou aultre ne conseille a elle en maniere qu'elle puisse apercevoir que telle chose peust toucher. Car tantost l'appercevra a la maniere du rire & du parler / posons que elle ne les ouÿst & s'elle en aperçoit certainement quelque chose ne s'en taire mye ains menacera la personne de la faire bouter hors s'elle se mesle de plus conseiller a sa maistresse car ce n'appartie n t mye & si de pres s'en prendra garde que personne ne aura loisir de luy faire aulcun rapport. Si po ur ra advenir que celluy ne se souffrera mye pourtant & yra & viendra par aulcune voye cautelleuse qu'il aura trouvee de quelque acointance parquoy de foys a autre y pourra hanter & ce ne pourra la dame pas bien empescher / car se elle ce disoit trop gra n t mal en pourroit venir / si s'en souffrera. & de pres gardera sa dame et maistresse / mais s'il advient que de si pres ne la puisse garder q u'i l ne conviengne que sadicte maistresse app er çoyve ou voye par les semblans ou parolles couvertes que celluy dira l'inte n cion & voulenté de luy encores ne s'en effroyera elle de riens pource que bien sçaura que maintes dames & damoiselles sont aymees & priees a q ui bien petit en chault. & qui pourtant ne les ayme mye. Mais elle se prendra bien garde se elle pourra appercevoir que la jeune dame ou princesse y prengne aucun plaisir. & si elle en parlera pl us voulentiers que d'ung autre ou si elle s'esjouyra quant elle le verra / ou s'elle muera aulcune contena n ce Si mettra toute peine par belles & doulces parolles d e traire de sa bouche a privé qu'il n'y ayt que elles deux ce qu'elle aura sur son cueur de celluy homme / & s'il luy en aura point touché ou parle. Et adoncques selon ce qu'elle chantera ou dira elle luy pourra respondre. Et s'il advient qu'elle mesmes die que voyrement l'apperçoyve ou que il luy ayt dit / et qu'elle en est bien troublee & courroucee / & qu'il luy en poise la dame qui sera saige & discrete appercevera bien aucuneme n t des parolles s'elle la veult bien sagement enquerre & par bonne maniere sans se monstrer au commencement trop rebelle si la dame le dit fainctement & pour luy donner acroire qu'elle n'y veult point penser ou s'elle le dit tout a certes / dont s'il advie n t qu'elle congnoisse qu'elle ayt bonne voulenté de non y avoir aucune pensee elle sera bien joyeuse & l'e n nortera de toute sa puissance que se tienne en son bon propos / si luy dira de tous exemples du mal qui peut advenir & qui maintesfois est advenu a plusieurs par telles follies le grant desho n neur & reproches qui en sourdent & les deceveme n s qui so n t en hommes. Si l'ennortera qu'elle garde bien comment elle respondera saigement a celluy toutes les fois qui luy en parlera & luy die tout a ung mot qu'il pert sa peine / & luy jure & afferme bien a certes q ue jamais pour toute sa puissance ne l'en demouvera qu'il luy desplaise de telles parolles ne de ses semblans n'a q ue faire / & avec ces parolles qu'elle l'estrange & eslongne tout le plus qu'elle pourra. Et qu'elle se garde bien que des yeulx de parolle de ris ne de contenance quelconques ne luy face nul semblant parquoy le puist attraire ne luy donner aucune esperance. Ainsi luy toute la maniere que tenir devra pour courtoiseme n t l'estranger luy fera dire quant il viendra qu'elle se repose ou qu'elle est occuppee d'aulcune chose & qu'il ne luy desplaise qu'elle ne le peut veoir pour ceste foys. Et ainsi luy face dire par plusieursfoys que par la continuation de tenir tieulx manieres longuement il apperçoyve bien qu'il perdroit sa peine de plus y muser. Et avecques ces choses la sage dame ennortera bien a sadicte maistresse q u'e lle se garde bien que de ceste chose ne parle a ho mm e ne a fe m me. car mal en pourroit venir & que c'est le plus grant sens de s'en taire / & n'est point honneur a fe m me se vanter de telle chose. Et ceste deffence luy fera pource qu'elle le disoit se pourroit adresser a tel ou a telle qui ne luy donneroit mye bon conseil ains la conforteroit par adventure & ficheroit en la follie. ou qui le celeroit maulvaisement Si en pourroit saillir aucune fumee & venir mal / & ainsi par ceste saige tenue fera tant la bonne dame qu'elle estaindera & aneantira toute ceste chose & n'en fera plus qui que l'en doye haïr ou luy chaudra de telle hayne & ne la craindra pour bien faire. Car qui que l'en hait au premier l'en aymera au dernier & prisera mille foys plus quant on verra sa grant prudence & sa co n stant bo n té car bien fait vault tousjours quoy qu'il demeure. Si fera cause que ladicte jeune princesse soit en son temps une tressage bo n ne & honneste dame & ayt les belles vertus que declairees avons cy devant.

¶ Cy devise de la jeune haulte dame qui se vouldroit esvoyer en fole amour & l'enseignement que prudence do n ne a la dame ou damoyselle q ui l'aura en gouvernement. Chapitre .xxv.

Mais pource que toutes ge n s ne sont pas d'une co n dition / & qu'il est assez de ho m mes & de fe m mes si p er vers que quelq ue bonne correction & enseigneme n t que on leur donne si suyvront ilz tousjours leur mauvaise inclination / & leur mo n strer n'est que chose perdue & ne acquiert on que le ur haine. Dirons icy a l'enseignement de la bonne dame qui aura en garde et gouvernement aulcune jeune princesse ou dame la maniere q u'e lle devera tenir au cas que la maistresse verroit desvoyer en folle amour & q ui ne vouldroit user de son saige & bon conseil. Si disons ainsi Et s'il advient q ue aucune jeune princesse ou haulte dame ne soit mye de tel sçavoir ne con stance qu'elle puisse ou saiche ou vueille resister aux admonnestemens q ue celluy qui met toute sa peine a l'attraire a s'amour par divers sembla n s & manieres sico m me ho m mes scevent bien faire en tel cas. & que la dame qui l'a en garde voye & aperçoyve par signes & sembla n s q ue son cueur y trait quoy qu'elle luy face entendre & qu'elle luy die le co n traire elle sera dole n te de ceste chose de tout son cueur. mais non obstant quelque haine que avoir en doye d'elle fera son devoir de l'admo n nester de son bien ne point ne dissimulera ne luy celera de luy dire a part puis par bel puis par menaces. s'elle l'avoit continué luy monstrer le gra n t mal & peril & le tresgrant prejudice qui en peut venir & sans cesser de ce la tournera tant par adventure que pour la destourber de faict & par l'admonition de ses parolles la pourra demouvoir et oster de celle pensee ains que la folie soit allee plus ava n t mais s'il advient que tout ne vaille riens & que elle la voye conseiller a part a aulcunes de ses autres femmes qu'elle pourra penser qui saiche de sa convenue & intencion & qu'on mettra peine de conseiller a messaiges q ui viendro n t dehors & qu'on fera divers signes & se gardera l'en d'elle sur toutes rie n s & q ue ja sa maistresse q ui sera fiere & de haultain couraige ne vueille plus souffrir d'elle / ains luy semble qu'elle n'est plus enfant pour estre en sa gouvernance & correction & que mal prendra en gré ce qu'elle luy dira / respondra fierement demy en menaçant / & qu'elle luy rechignera & grongnera. parquoy on pourra apparcevoir qu'elle sera en sa male grace & q u'e lle en vouldroit estre delivre a toutes fins pour mieulx faire a sa voulenté. & orra par adventure qu'elle dira aucuneffois a part aucunes de ses femmes jeunes qui mieulx sera en sa grace que dyable ferons nous de ceste vieille elle ne fait que rechigner le feu d'enfer l'arde / ja n'en serons delivres. Et l'autre respo n dra Se m'aist dieu ma dame il fault semer des pois sur les degrés si se rompra le col. Et telles manieres de parolles. Que fera doncques la saige dame puis qu'elle verra que remede n'y peut estre mis & que elle a fait tout son devoir & a quite sa conscience de luy avoir monstré & luy fait dire par son beau pere les maulx qui pour ceste folie faire luy pourroient advenir / et que sadicte maistresse est si attainte que remede n'y pourroit estre mis. & a ja la voye trouvee de faire sa voulenté vueille ou ne vueille & a qui que doye desplaire. Car impossible est d e garder personne qui ne veult garder d'elle mesmes / et que on en commence ja a murmurer & a s'en appercevoir & mesmes entre ses femmes par l'envye qu'elles ont sur celle ou celles qui scevent du secret a la jeune dame qui sont les mieulx aymees et en orra ja dire plusieurs nouvelles qui moult luy feront grant mal Adoncques quoy que son cueur en soit dolent merueilleseme n t elle comme sage advisera la meilleure partie en pensant le mal et peril qui luy pourroit advenir de ceste chose se plus demouroit en court. Car posons que elle ne fust pas consentant du fait / laquelle chose ne consentiroit pour mourir & la chose venoit a co n gnoissance ou des pare n s ou du mary elle en auroit toute la charge. car ilz diroient / pourquoy ne le nous disiés vous / no us y eussions mis remede. Car nous nous en attendions a vous. Laquelle chose pour riens ne diroit pour les perilz & maulx qui s'en pourroyent ensuyvre. Car qui a conscience & sens doit bien redoubter a faire rapport de telles choses aux maris ne aux amis / ne qui que ce soit / & q ui plus est d'y demourer ne seroit mie sans ung autre gra n t peril qui luy pourroit venir de par la haine de sa maistresse / ou de celuy a q ui auroit son cueur. Pource que aulcu n nement ilz la doubteroyent & leur seroit advis qu'elle les empescheroit. Et pource elle qui sera sur toutes choses advisee usera a ceste fois de son gra n t savoir & mestier en sera. si se taira du tout de ceste chose / ne bien ne mal plus a sa maistresse n'en parlera. et ne fera chiere ne semblant q ue au cueur en ait nul desplaisir / mais tout au plus tost qu'elle pourra par aucune bonne voye que ja de loings aura ouverte des le commencement que les condicio n s de sa maistresse vit changier se departira de court par le bon vouloir du seigneur se elle peut / mais se elle est bonne & saige se gardera bien que ne puisse appercevoir pourquoy se veult partir. si trouvera achoison se elle scet que il la voulsist a toutes fins retenir ou de maladie ou vieillesse ou d'aucune impotence & inconvenient qui luy soit venu a son propre corps ou se il vuloit trop enquerir de la cause de sa despartie dira avant que congé ne ayt du partir que elle n'est propice d'estre entour telle dame pour aulcun mal qui luy est venu tant qu'elle soit garie. Et ainsi se excusera & pourra advenir que sa mesme maistresse po ur ce que veu aura que elle ne luy en parlera plus sera courroucee de sa despartie po ur ce que elle penseroit que meilleur loysir auroit de faire ce que elle vouldroit tant qu'elle fust avecques elle. Car les gens ne parleroyent my sitost qua n t acompaignee seroit d'une telle dame si la vouldra flater & luy fera promesses affin qu'elle demeure. Mais la bonne dame de ce bien & saigement se sçaura excuser en disant que sans faulte elle est malade / mais elle guarie pourra bien retourner ne pour chose que le cueur luy face mal du partir ne pour tendreté qu'elle ayt a sa maistresse se gardera bien se elle est sage de demourer pour quelconques blandissemens. car ap s s'en repentiroit. Mais s'il advient que la dame soit joyeuse de sa despartie quant viendra au despartir / l'ancienne dame parlera a elle a part agenoillee humblement la remercyera des biens et des honneurs qu'elle luy a faitz luy priera q ue pardonner luy vueille & si bien & deuement ne l'a servye comme a l'estat d'elle luy app ar tiendroit ou s'elle a faict ou dit chose aulcune qui luy soit desplaisante que ce luy a fait faire la grant amour & jalousie q u'e lle avoit a elle & qu'il luy fait bien mal de laisser. mais qu'elle est vieille & impotent & ne peut plus servir ou q ue p ar adve n ture vieillesse la fait estre rechinee & si maugratieuse qu'elle ne scet suporter ainsi que devroit les esbateme n s des jeunes et pource a plus cher se partir & que ce soit par son bon co n gié & que elle luy supplie q ue elle se parte a tout sa bo n ne grace. car de ta n t peut bien estre certaine q ue jamais jour de sa vie n'aura fe m me q ui mieulx ne pl us loyaulme n t ayme elle ne son ho n neur q ue elle a fait & fera toute sa vie & que tousjours sera en celle voulenté. Telles manieres de parolles la dame dira a sa maistresse au departir / laquelle par adve n ture luy respo n dra belles parolles pour la joye q ue de sa departie aura / ou par adve n ture qu'elle l'aura longueme n t gouvernee & peut estre de son enfa n ce le cueur luy sera mal. Et luy dira peut estre que de riens ne luy a sceu mauvais gré fors de ce que elle ne pensa oncques / et telles manieres de excusations aux quelles choses la dame qui point ne vouldra arguer a elle pource q ue bien sçaura que riens ne vouldra respo n dre que voirement peut bien estre advenu que de sa folie pour la grant pao ur qu'elle avoit d'elle avoit eu aucunes suspections. Si luy priera que tout luy vueille pardo n ner & que elle soit certaine que jamais jour de sa vie quelque suspection que elle y ait eu ne quoy qu'il en ait esté sa bouche n'en mouvera a perso n ne ne oncques ne feist fors a elle pour son bien & ainsi se departira. Pource que l'espitre qui est contenue au livre du duc des vrays amans ou il est mis que Sebille de la tour l'envoya a la duchesse peut servir au propos que au chapitre cy aprés ensuyt sera de rechief recordé si la peut passer oultre q ui veult si au lire luy ennuye ou se autreffois l'a veue quoy q u'e lle soit bo n ne & prouffitable a ouÿr & noter a toutes dames & autres a qui ce peut appartenir.

¶ Cy devise la maniere des lettres que la saige dame peut envoyer a sa maistresse Chapitre. xxvi.

Si pourra advenir aprés ces subzdictes choses que la jeune dame se gouvernera si mal adviseme n t despuys la departie de celle qui gouverner la souloit que parolles seront eslevees contre l'o n neur d'elle & tant se multiplieront que la bonne sage dame dessusdicte qui l'avoit en gouvernement et ores demeure a son mesnaige en orra parler / de laquelle chose sera tant doulente de ainsi veoir amendrir l'honneur de sa maistresse qui tant a mis peine de bien l'endoctriner enseigner & apprendre que plus ne pourra. Si ne sçaura bonneme n t que faire de ceste chose & conclusion quant assez aura pensé sur ceste chose sera contraincte par grant amour quel que bon gré ou maulgré que avoir en doye pource que ce qui est escript en lettres est aucunesfoys mieulx retenu et plus perce le cueur que ce qui est dit de bouche de luy escripre & signifier par lettres de rechief l'amonnestement que dire luy souloit pour veoir se aulcune chose y pourroit prouffiter. Si escripra telles ou les semblables parolles en une lettre & par ung prestre qui escriptes en confession les aura tressecretement les luy envoyera. Maistresse doubtee dame je me recommande a vo us tant & si treshumblement co m me je puis ma tresredoubtee dame plaise vous a ne me sçavoir aucu n mauvais gré se je me suys a present meue de vous escripre pour vostre bien ce que grant aymer me contraint a faire. Car ma tresredoubtee dame il m'est advis que je suis jeune de vous admo n nester vostre bien comme a celle qui a esté en ma gouvernance depuis enfance jusques a ores tout n'en feusse je mye digne me semble que je mesprendroye de moy taire de ce que sçauroye qui vous peust tourner a aucun grief se ne le vous signifioye. Et pource chere dame je escrips en ces presentes ce qui s'ensuyt de laquelle chose treshumblement je vous prie derechief que maulvais gré ne m'en vueillés sçavoir aucuneme n t. Car vous povez estre trescertaine que tresgrant amour & desir de l'acroissement de mieulx en mieulx de vostre noble renommee & honneur me meut a ce faire. ma dame j'ay entendu aucunes nouvelles de vostre gouvernement telles que j'en suis dolente de tout mon cueur pour la peur que j'ay du decheement de vostre bon los & so n t telles comme il me semble que co m me il soit de droit & de raison que toute pri n cesse & haulte dame tout ainsi comme elle est hault eslevee en honneur & estat sur les autres qu'elle doye estre en bonne sagesse meurs conditions & manieres excellente sur toutes affin qu'elle soit exemplaire par lequel les autres dames et mesmement toutes femmes se doibvent rigler en tout maintien & comme il appartiengne qu'elle soit devote vers dieu & quelle ayt contenance asseuree quoye & rassise en ses esbatemens attrempee et sans effroy rie bas & non sans cause ayt haulte maniere humble chere & grant port. Soit a tous doulce responce & aymable parolle son habit & atour riche & non trop cointe. A estra n giers d'acueil seignery p ar lant a dangier non trop acointable de regard tardif & no n volage. A nulle heure n'appaire male felle ne despite ne a servir trop da n gereuse a ses fe m mes & serviteurs humaines & amiables non trop haultaine en dons large par raison ordo n nee. Saiche co n gnoistre de toutes gens lesquelz sont les plus dignes en bonté et preudhommie & de ses serva n s les meilleurs & ceulx & celles tire vers soy & leur guerdo n ne selon leurs merites ne croire ne adjouster foy a flateurs ne flateuses ains les co n gnoisse & chasse de soy ne croire de legier parolles raportees / n'ait coustume de souvent conseiller a estrange ne privé en lieu secret ne apart mesmement a nul de ses gens ou de ses fe m mes si que on ne puisse juger q ue plus sache de son secret l'une que l'autre & ne dye devant gens a personne quelconques en riant aucuns motz couvers que chascun n'e n tende / affin que les oyans ne supposent aucun vice secret entre eulx trop enclose en chambre ne trop solitaire ne se doit tenir / ne aussi trop commune a la veue des gens. Mais a certaine heure retraire & aucuneffois pl us convenables. Et comme sesdictes condicions & toutes autres manieres convenables a haulte pri n cesse feussent en vous le temps passé estes a present toute changee sicomme on dit. Car vous estes devenue trop plus esgaree plus emparlee & plus jolie que ne souliés estre & c'est ce qui faict co m munement jugier. les cueurs changent quant les contena n ces se changent / car vous voules estre seulle & retraire de gens fors d'une ou de deux de vos femmes ou aucuns de vos serviteurs a qui vous conseillés & riés mesmes devant gens & dictes parolles couvertes comme se vous vous entre ente n dissiés bien & ne vous plaist fors la compaignie d'iceulx / ne les autres ne vous pevent servir a gré. Lesquelles choses & contenances sont cause de mouvoir a envye vos autres servans & de juger q ue vostre cueur soit en amouré ou que ce soit a ma tresredoubtee dame po ur dieu mercy prenés garde qui vous estes a la haultesse ou dieu vous a eslevee ne ne vueille vostre ame & vostre honneur pour aucune vaine plaisance mettre en oubly & ne vous fiés en vaines pe n sees que plusieurs jeunes femmes ont qui se donnent a croire q ue ce n'est point mal d'aymer par amours / mais qu'il n'y ait villenie car je me rens certaine que autreme n t ne le vouldriés penser po ur mourir & que on vit plus liement & que de ce faire on faict ung homme vaillant & renommé a tousjours. Ha ma chere dame il va tout autrement. Et pour dieu ne vous y decevés ne laissés decevoir & prenes exemples a de telles grans maistresses avés vous veu en vostre temps qui pour seullement estre souppeso n nees de telle amour sa n s que la verité en fust oncques attaincte en perdoyent l'ho n neur & la vie de telles y eut. Et si tiens sur mon ame que peché ne coulpe vilanie n'y avoyent & leurs enfans en avés reprouchiés & moins prisés / et combien que a toute femme soit povre ou riche telle folle amour deshonnorable encores trop pl us est messeant & p re judiciable en princesse ou haulte dame de ta n t que est pl us grande / & la raison y est bo n ne / car le nom d'une princesse est porté par tout le monde parquoy s'il y a en son renom aucune chose a redire plus est sceu par les estranges contrees que des simples femmes. Et aussi pour cause de leurs enfans qui doyvent seigneurir les terres & estre princes de aultres gens. Si est grant meschief quant il y a aucune suspection q u'i lz ne soyent droitz hoirs & maint meschief en peut venir. car poso n s qu'il n'y ait meffait de corps si ne le croyroient mye ceulx qui seullement l'orront dire telle dame est amoureuse. Et pour ung petit de vice se m bla n t par adventure fait par jeunesse & sans malices mauvaises langues jugeront & y adjousteront des choses qui oncques ne fure n t ne faictes ne pensees / & ainsi va tel la n gaige de bouche en bouche qui mye n'est apeticié ains est acreu. Et ai n si est necessaire a une chascune grant maistresse avoir plus gra n t regard en toutes ses manieres contenantes & paraboles que a autres fe m mes. La cause si est / car quant on vient en la presence d'une haulte dame toute personne adresse son regard a elle & ses oreilles a ouÿr ce qu'elle dira & son entendeme n t a noter tout son fait. Si ne peut la dame ouvrir l'ueil dire parolle rire ou faire semblant a aucun que tout ne soit recueilly & retenu de plusieurs p er sonnes & puis raporté en maintes places. Et que cuidés vous ma treschiere dame que ce soit mauvaise contenance a une grant maistresse voire a toute femme quant plus qu'elle ne seul deul devient esgaree jolye & pl us veult oÿr parler d'amours & puis quant son cueur se change po ur aucun cas tout a coup devient rechinee malgratieuse tenceresse & ne la peut on servir a gré & ne luy chault de son habit & atour. Certes adonc dient les ge n s q ue elle souloit estre amoureuse. mais ne l'est plus. Ma dame si n'est mye maniere que dame doye avoir Car elle doit prendre garde encore quelque pensee qu'elle ait que tousjours soit d'un maintien et contenance a celle fin que telz jugemens ne puissent estre faitz sur elle. Mais peut bien estre que fort seroit en la vie amoureuse garder telle mesure. Et pource le plus seur est du tout l'eschever & fuir. Si povés veoir chiere dame que toute grant maistresse & semblablement toute femme doit trop plus estre couvoiteuse d'acquerir bon renom que quelco n ques autre tresor. Car il la fait reluyre en honneur & demeure tousjours a elle & ses enfa n s redoubtee dame ainsi comme deva n t est touchié / je suppose bien et pense les raisons qui pevent mouvoir la jeune dame a soy encliner a si faicte amour aise & joyeuseté luy fait penser Tu es jeune il ne te fault fors que ta plaisance tu peulz bien aymer sans villanie & n'est point de mal puis qu'il n'y ait peché tu feras ung vaillant homme on n'en sçaura riens tu en vivras plus joyeusement & auras acquis ung vray serviteur & loyal amy & ainsi telles choses. Ha ma dame pour dieu soiés advisee que telles folles oppinions ne vous deçoyvent. Car quant a la plaisance soyés certaine que en amours a deux foys plus de dueil nuysances & dangiers perilleux par especial du costé des dames qu'il n'y a de plaisance. Car avec ce amours livre de soy maintes diverses amertumes la peur de perdre honneur & qu'il soit sceu leur demeure ou cueur qui chier acheter leur fait telle plaisance. Et quant a dire ce ne sera mye mal puis que fait de peché n'y a. Helas ma dame ne soit nul ne nulle si asseuree de soy qu'elle se rende certaine quelque bon propos qu'elle ait de garder tousjours mesure en si faicte amour et que ne soit sceu co m me j'ay cy devant dit. Certes c'est chose impossible. Car feu n'est point sans fumee. mais fumee est souvent sans feu. Et a dire je feray ung homme vaillant. Certes je dis que c'est trop grant folie de soy destruyre pour accoistre ung autre. Posons que vaillant en deust devenir & celle bien se destruyt qui pour refaire ung aultre se deshonnoure. Et quant a dire j'auray acquis ung vray amy et servite ur dieu dequoy pourroit servir si fait amy a la dame. car s'elle avoit aulcun afaire il ne se feroit porter en nul cas pour elle / pour peur de son deshonneur dequoy doncques luy pourra servir si fait serviteur qui s'osera employer pour le bien d'elle. mais ilz sont aucuns qui dient qu'ilz servent leur dames quant ilz font beaucoup de choses soit en armes ou autrefois. Mais je dy qu'ilz servent eulx mesmes. Car l'ho n neur & le preu leur est demouré & non mye a la dame. Encores ma dame se vous ou autres vous voulés excuser en disant j'ay mauvaise partie qui pou de loyaulté & de plaisir me fait. pource puis je sans mesprendre avoir plaisir en aucun autre pour oublier mele n colie & passer le te m ps. mais certes telles excusations / saulve vostre bo n ne reverence & de toutes autres qui ce dient / ne vallent riens. car trop fait grant folie celluy qui met le feu en sa maison pour ardoir celle de son voisin. mais se celle qui a tel mary le porte patiemment & sans soy empirer tant acroist plus le merite de son ame & son honneur en bo n los & quant a avoir plaisance. Certainement une si grant maistresse voire toute femme s'elle veult elle peut assés trouver de loisibles & bo n nes plaisances a quoy s'entendre & passer le temps sans melencolie sans telle amour. Celles qui ont enfans plus gratieuse plaisance & plus delectable peut on demander q ue de souvent les veoir & prendre garde que bien soye n t nourris & endoctrinés sicomme il appartient a leur haultesse & estat. & les filles ordonner en telle maniere que en enfance prengnent rigle de bien & de deuement vivre par exemple de suyvre & estre en bonne compaignie. Helas & se la mere n'estoit toute saige quel exemple seroit ce aux filles & a celles qui enfans n'ont. Certes n'est ce ho n ne ur non a tout haulte dame. Aprés ce qu'elle a dit son service de soy pre n dre & faire aulcun ouvraige ou besongne pour eviter oysiveté ou faire faire fins li n ges estra n geme n t ouvrés / ou draps de soye ou autre choses dequoy elle peust user justement. & telles occupatio n s sont bonnes / & destourbent a penser choses vaines. Et je ne dis mye que une grant maistresse ne se puisse bien esbatre rire & jouer en temps & en lieu mesmement ou il y ait seigneurs & gentilz hommes / & qu'elle ne doye ho n norer les estrangiers selon que a sa haultesse appartient chascun selon son degré / mais ce doit estre fait si rassisement & de si beau maintien qu'il n'y ait ung seul regard ne ris ne parolle que tout ne soit a mesure & par raison. Assés & tousjours doibt estre sur sa garde que on ne puisse appercevoir en parolle ou regard ou contenance en elle chose desconvenable ne mal seant. Ha dieu se toute grande maistresse voire toute femme sçavoit bien comment beau maintien luy est advenant plus mettroit peine a l'avoir que quelque autre parement. Car il n'est joyau precieux qui tant la peust parer Et encores ma tresredoubtee dame reste a parler des perilz et dangiers qui sont en celle amour / lesquelz sont sans no m bre. Le premier et greigneur est que l'en courrouce dieu. Aprés que se le mary s'en appercevoit ou les parens la fe m me est morte ou cheute en reproche ne jamais puis n'aura bien. Et encores suppose que n'aviengne diso n s du costé des amans encores que tous fussent loyaulx secretz vrays disans ce qu'ilz ne sont mye / ainçois scet on assés qui comunement sont faintz & pour les dames decevoir dient ce qu'ilz ne pensent ne vouldroient faire. Touteffois c'est chose vraye que l'ardeur de / telle amour ne dure mye longuement mesmes aux plus loyaulx & est ceste chose certaine. Ha chiere dame comment cuydés vous que quant il advient que celle amour est deffaillie & q ue la dame qui aura esté aveuglee par l'enveloppeme n t de folle plaisance s'en repent dureme n t quant elle s'avertist & pourpe n se les follies & divers perilz ou maintes fois s'est trouvee / & combien elle vouldroit qui luy eust cousté & o n cques ne luy fust advenu & que tel reproche de elle ne peust estre dicte. Certes vous ne pourriez penser la grant repentance & desplaisant pe n see qui au cueur leur en demeure Et oultre se vous & toutes les autres povés veoir quelle follie c'est de mettre son corps et son honneur es dangiers de langues & es mains de telz servanz puis que serviteurs s'apellent / mais la fin du service est communement telle que quoy q u'i lz vous ayent promis & juré de tenir secret ilz ne s'en taisent mye & en la fin de telle amour souventesfois le blasme & parler de gens aux dames en demeure ou a tout le moins la crainte & paour en leurs cueurs que ceulx mesmes en qui se sont fiees le dient & s'en vantent ou aulcun autre qui le fait saiche / et ainsi se sont mises de franchise en servaige & veés la fin du service de celle amour. Comment cuydés vous ma Dame qu'il semble a ses servans grant honneur de dire et eulx vanter qu'ilz soyent aimés ou ayent esté d'une grant maistresse ou femme de renom. Et comme n t en tairoient ilz la verité. car dieu scet co m ment ilz mente n t. Et que pleust a dieu que entre vous mes dames le sceussiés bien. Car cause auriés de vous en garder. Oultreplus les servans qui scevent vos secretz & en qui convie n t que vous vous fiez cuydez vous qu'ilz s'en taisent. combien que leur ayés fait jurer. Certes la plus grant partie sont telz qu'ils seroyent bien dolens que l'on ne sceust que plus grant priveté & hardiesse ont vers vous que les autres. et s'ilz ne dient de bouche vos secretz ils les monstreront au doy par divers semblans couvers qui veullent bien que on note. He dieu quel servitude a une dame & a toute autre femme en tel cas qui n'osera reprendre ne blasmer son servant ou sa servante posons qu'elle les voye grandement mesprendre qua n t elle se sent en leur dangier & seront montés con tre elle en tel orgueil que mot n'osera sonner ains conviendra qu'elle leur seuffre a faire et dire chose qu'elle n'endureroit de nul autre. Et q ue pensés vo us que dient ceulx & celles qui ce voyent & notent ilz ne pensent fors ce qui y est & soyés certaine qu'ilz en murmurent assés. Et s'il advient que la dame se courrouce ou donne congié a telz servans / dieu scet se tout est revelé & dit en plusieurs places. et toutesfois souvent advient qu'ilz sont & ont esté moyens & procureurs d'icelle amour bastir / laquelle chose ilz ont voulentiers pourchassee & a grant diligence pour traire a eulx dons ou offices ou autres emolumens. Tresredoubtee dame que vous en dirois je / soyés certaine que aussi tost espuiseroit on une abisme co m me on pourroit racompter tous les perilz et maulx qui sont en ceste vie amoureuse. & ne doubtés du contraire. Car il est ainsi. Et pource treschiere dame ne vo us vueillés ficher en si fait peril. Et se aulcune pensee y avés eue / pour dieu vueillés vous en retraire ainçois q ue plus grant mal vo us en ensuyve. Car trop mieulx vault tost que tard / & tard que jamais. Et ja povés veoir quelz parolles en seroyent se plus ce continuoyent vos nouvelles manieres quant ja sont apperceues p ar quoy parolles s'en espandent en mai n t lieu. Si ne vous sçay plus que respondre fors que de toute ma puissance vous supplye humblement que de ce ne me sachez aucun maulvais gré / mais vous plaise de adviser le bon vouloir q ui le me fait dire / & au fort mieulx doit vouloir faire mon devoir & vous loyaulment admonnester & en deusse avoir vostre mal talent que de vous conseiller vostre destruction ou de l'attraire pour avoir vostre bon gré. Tresresoubtee pri n cesse & ma treschere dame je prie a dieu qu'il vous doint bonne vie et longue / et en la fin paradis. Escript. &c.

¶ Cy co m mence la deuxiesme partie de ce livre laq ue lle s'adresse aux dames & damoiselles. Et p re mierement a celles q ui demeure n t a court de pri n cesse ou haulte dame. Le p re mier chapitre p ar le co m me n t les trois dames / c'est assavoir raison droicture et justice recapitulent en brief ce qui est dit devant. chap. .xxvii.

Apres ce que avons parlé aux roynes pri n cesses & haultes dames / c'est assavoir en ce qui touche la doctrine qui est proprice tant aux enseigneme n s de ce qui affiert a l'ame co m me aux meurs vertueux & bo n s q ui leur sont p ro pices & appartie n nent a leur haulte noblesse & a leur estat q ui d'ho n neur est adornee sur toutes autres s'adressera nostre leçon doresenavant en ceste .ii. p ar tie de la p rese nte collation aux dames & damoiselles & fe m mes ta n t a celles q ui sont demourans a court de pri n cesses pour leur service & estat co mm e a celles q ui demeurent sur leurs terres en chasteaulx manoirs villes fermes & bours / mais a ce com mencement faisons protestation q ue nonobsta n t q u'i l appartienne & affiere une mesmes doctrine par especial en plusieurs choses ta n t a l'ame co mm e aux v er tus & meurs aussi bien aux dames & damoiselles & a toutes fe m mes co m me aux princesses ne pe n sons mye a relater & dire de rechief tout ce qui est dit devant / car peine seroit sans necessité & a ennuy pourroit tourner aux lisans si serve ce q ue dit est po ur toutes ou il eschiet & en prengne chascune ce dequoy sentira q ue elle ayt besoing au bien & au proffit de son ame & de ses meurs. Car se m blableme n t q ue aux plus grans maistresses est mestier aux da m es damoiselles & autres fe m mes q u'e lles ayent tousjours & en to us leurs faitz devant les yeulx & en leur memoire l'amo ur & crainte de nostreseign eu r q ui leur rame n toyve les bie n s q u'e lles reçoyvent de luy / c'est assavoir l'ame q ui est creé a son ymage laq ue lle s'elles y veullent mettre peine possedera a tousjours le royaulme des cieulx. Ce n'est mye petit don l'e n tendement po ur con gnoistre dieu & q ue est bien & mal force de corps pour mettre le bien a effect santé & foison d'autres grans graces parquoy l'amour a quoy elles sont obligees vers luy qui est mesmes ung des com mandeme n s de la foy et le p re mier q ui dit tu aimeras dieu sur toutes choses ne doit jamais p ar tir d e leur memoire La crainte aussi en pe n sant la gra n t punition de sa justice en quoy se mettent en peril les creatures q ui ne vo n t droite voye Ceste amour & crainte se a droit & en leurs couraiges les deffe n dra d e vices & con duyra aux v er tus / abessera en elles orgueil & essaucera hu m ilité chassera ire & amenera pacie n ce deboutera avarice & y mettra charité. le ur tollira e n vye & le ur do n nera amo ur vers le ur s prochains. eslongnera paresse & approuchera diligence de bien faire Leur fera haÿr gloutonnye et aymer sobrieté. bennira luxure et attraira chasteté Et ainsi do n era toutes les vertus propice a l'ame. & chassera les vices q ui nuyre y po ur royent. Et avec ce aussi bie n & se m blablememe n t affiert aux dames damoiselles & autres fe m mes avoir prude n ce mo n daine po ur ordo n ner en bo n ne guise leur maniere de vivre chascune selon son estat & q u'e lles ayment ho n heur le bien de reno mm ee & de bon los q ue aux princesses. Si co m mencerons ainsi

Cy devise des quatre pointz les deux bons a tenir & les deux autres a eschever & co m me n t dames & demoiselles de court doive n t aymer leur maistresse. & ce est le p re mier point. chap. .xxviii.

Derechief disons nous trois seurs / filles de dieu no m mees raison / droicture / & justice co m me dessus. Premierement a vo us dames damoiselles & femmes de court au service de princesses et haultes dames tout ce q ue dit avo n s qui toucher peut au bien de vos dames & a l'acroissement de vos me ur s Mais avec les bons admo n nesteme n s dessusditz adjoustero n s quatre pointz les deux premiers bons a suyvre / & les autres a eschever. & ne sont pas simplement ne sans plus les deux p re miers bo n s a tenir / mais vous sont tresnecessaires po ur le bien de voz ames & l'honneur de vos personnes. De ces deux pointz le p re mier est q ue de tout vostre cueur devés amer comme vous mesmes vostre maistresse. c'est assavoir la princesse / auquel service ou com paignie vous estes. L'autre poi n t est que vous devés estre en vos manieres parolles & to us faitz non trop acointables ne privees a divers ho m mes. Et des causes q ui no us meuvent vo us enseignerons les raisons cy ap s. Et qua n t est des autres belles manieres qui a tenir vous affierent pource q u'i l est ja dit cy devant co m ment la saige pri n cesse vo us maintie n dra en bel ordre en habitz si m ples & beaulx sans desguiseure. mais riches assés / & bien ordonnez sico mm e il affiert co m me en co n tenances rassises & coyes en parolles maintiens jeux & ris honnestes passerons oultre ces pointz pource q ue cy devant au xviii. chap. de la premiere partie de ce livre la peut on veoir qui veult. Selon nostre p re mier point & enseigneme n t des deux dessusditz la dame ou damoiselle de court ou toute serva n te est tenue de aymer tresfort & de tout son cueur sa dame & maistresse soit bonne ou mauvaise / ou doulce / ou autrement elle se dampne et faict q ue tresmauvaise creature & se m blableme n t je dis de to us serva n s puis q ue ilz so n t aux gaiges pe n sio n s ou loyer de q ui q ue ce soit. & si tu vouloies dire voire mais si mon maistre ou maistresse est mauvaise p er so n ne ou ne me fait gueres de bien suis je do n cq ue s tenue a l'aymer / no us te respondons q ue ouÿ sans faulte / car s'il te semble q u'i lz soyent mauvais & q ue n'y faces ton proffit: tu t'en dois partir se bonté se m ble non mye y demourer pour mal y faire ton devoir & ne luy porter tel amour & tel foy q ue tu doibs. posons qu'il face mal son debvoir pourtant ne doibs laisser a faire le tien tant que tu y es / ou t'en aller. Car saches si ainsi ne le fais tu te dampnes en servant. Si est a declairer nostre propos en quoy s'estendra celle amour q ue la dame ou damoyselle de court aura a sa maistresse sera en luy portant foy & loyaulté en toutes manieres / co m ment foy & loyaulté. c'est qu'elle aymera premierement le bien de son ame. en telle maniere qu'elle luy p ro curera et ennortera de son povoir & que a elle app ar tiendra tout bien a faire & ne luy do n nera ocasion du contraire. gardera sa paix a son povoir en bien faisant. Et en ces choses icy fait entendre q u'e lle ne luy fera rapors nulz quelz qu'ilz soyent q ui a l'empirement de son ame puisse tourner / c'est assavoir ne en mesdisant d'autruy ne co n tre le bien de honnesteté ne de honneur. ne aussi en parolles felonnesses ou responces parquoy elle puisse troubler sadicte maistresse. Avecques ce elle gardera sauvement le sien en ce qu'il appartiendra a elle a faire & en destournant les autres a son povoir se oultrages non convenables app ar tenoyent en aucuns. & sur toutes riens soustiendra son ho n neur de toute sa puissance en fait en dit & en parolle plus en derriere que en devant & essaucera sa bonne reno m mee. Se gardera bien pourtant sur ce qu'elle ayme le bien de son ame que vers elle ne use de flaterie pour mieulx avoir sa grace. si que font plusieurs servans de tous estatz maistres & maistresses et par especial a gra n s seign eu rs & dames q ui est chose q ui trop desplaist a dieu & q ue la sai n cte escripture blasme a merveilles. Mais pour pl us p ro preme n t declarer q ue c'est flaterie affin que nul ne soit deceu de entendre. dirons la difference d'entre bien servir & flater. Si est assavoir que si tu sers bien & loyaulment de tout ton povoir & tressongneusement garde bien l'ho n neur & proffit en toutes manieres de maistre & maistresse & metz gra n t cure & dillige n ce de luy faire plaisir & service en toutes choses licites & honnestes. Mesmeme n t ta n t pour faire ton devoir co m me pour acquerir sa grace affin q u'i l t'en face mieulx pource qu'il t'en est besoi n g & que se il a mal & desplaisir que tu en soyes dolent ou dolente co m me du tien p ro pre & semblableme n t joyeulx ou joyeuse de son bien & p ro sperité & soyes triste a mathe chiere quant luy voys avoir desplaisir & joyeulx quant bien luy vient & non mye devant luy seullement. mais pl us en derriere & le excuses se mal oys dire & luy portes ho n neur & bo n ne reno m mee telz choses faictes de bon cue ur ne so n t mie flateries ains est vraye amour & pure loyaulté portee de bon servant ou servante a maistre ou a maistresse & ce en sont les signes. Le pur flateur est si tu sçayes que ton maistre ou maistresse eust aucu n e inclination vicieuse & contre le bien de son ame & de son ho n neur & bo n nes meurs & se sur ce tu le confortoyes. en luy do n nant conseil qui le peust soustenir & nourrir en son vice & peché & q ue tu portasses ses mesmes faitz en dit & en fait ou q ue tu luy ouÿsses dire parolles non vrayes contre le bien d'autruy ou soustenir oppinions mauvaises ou deshonnestes & tu disoyes mo n seigneur ou ma dame dit voir ou que tu luy feisses entendant qu'il soit bel ou bon ou saige ou que bien seroit que il fist quelque chose que tu penseroyes qui luy plairoit et ta conscience te disoit tout le contraire se telz choses & aultres semblables qui pourroyent advenir faisoyes vrayement tu flateroyes & pecheroye tresmortellement & avec ce que tu te dampneroyes pareillement seroyes cause de son dampnement. Mais non pourtant dieu scet tout comment plusieurs servans de jeunes gens & d'autres se gouvernent en telz cas car pour avoir leur grace & traire d'eulx plusieurs y a ne les soustiennent pas seullement en maulx faire ains eulx mesmes quierent & pourchasse n t les voyes de tirer & faire mettre maistres & mesmement maistresses aucunesfois en plusieurs vices & laiz pechés & telz ge n s ne sont pas loyaulx servans ains sont faulx & maulvais / mais ceux q ui les treuvent quant ilz les scevent telz sont eulx mesmes si aveuglez qu'ilz ne s'en donnent de garde. Et pource dist trop bien ung saint docteur que le flateur par sa parolle fait tout ai n si que se il fichoit ung clou en l'oeil de son maistre ou maistresse c'est a dire qu'il l'aveugle par ses blandices. Mais a descendre a nostre propos on pourroit icy faire une telle q ue stion sçavoir mon se une dame ou damoiselle sert une pri n cesse ou aultre dame quelle que elle soit & il advient q ue sa maistresse vueille mettre son cue ur en folle amour vers quelque homme si la servante est tenue par la loyaulté que elle luy doit de la soustenir & porter en son fait / car peut estre que aulcuns ne cuyderoye n t mye mesprendre en pensa n t j'ay pluscher a garder l'honneur de ma maistresse & celer son faict mesmement veu q ue je n'ay mye bastie la chose / mais elle la veult faire & si en moy elle ne se fioyt en quelque autre se fieroit qui par adventure ne la celeroit mye si bien que je feroye. La vraye responce a ceste question est que elle feroit mal quelque cas qui y peust advenir & mal faire n'a point d'excusation si ne peux porter ne soustenir ta maistresse en peché faisa n t que toy mesmes ne peches ne soye participant du mal. Et avecques ce posons que tu dies que pour garder son honneur le faces si tu espeluches bien ta conscience tu trouveras que aultre cause te y encline plus c'est assavoir pour avoir mieulx sa grace & en prouffiter en chevance. Mais quelque cause qui t'y maine tu fais mal & en ce faisant resembles l'aveugle qui maine ung autre aveugle & to us deux trebuchent en la fosse. Mais vecy que tu feras si tu veulx user de sens & de bonne conscience se ta maistresse se fie de tant en toy q u'e lle te die son secret en tel cas tu luy feras si faicte ou semblable responce / ma dame je vous mercye dont tel fiance avez en moy que tant me dictes de vostre tresprivé secret & si vous n'aviés fiance en moy ne le me diriés si n'ayez jour de vostre vie quelconq ue doubte qui ne soit bien celé. Car je vous prometz loyaulment q ue tant que je vivray ne sera par moy sceu / mais vrayement il me poise de tout mon cueur de ce que vostre entente avez mise ou voulez mettre en tel chose. Car il ne vous en peut venir fors dampnement a l'ame & grant peril & deshonneur au corps & se par nulle voye estoit en ma puissance de vous oster de celle voulenté & pensee il n'est riens que je n'en feisse. Mais quant est de moy & me pardonnés je aymeroye mieulx le bien de mon ame & de ma consciece qui en seroit chargee que je ne fais vostre service et m'en deussiés vous haÿr & bouter hors. Car je doy avoir pluscher vostre hayne pour bien faire que vostre grace pour consentir mal si ne m'en mesleroye nulleme n t mieulx vouldroye mourir / je sçay bien que je suis a vous & que obeyr je vous doy mais en tel cas je pecheroye laq ue lle chose je ne suis tenu de faire pour personne vivant. Telle respo n ce doit faire la bo n ne serva n te en tel cas a sa maistresse / mais s'elle est sage & vraye se gardera bien po ur ta n t de l'aler disant ça & la po ur soy aloser co m me assez en est par adventure q ui po ur faire les bonnes y soyent disant elle m'a requise d e tel chose / mais je l'ay bien & bel escondite je aymeroye mieulx que elle fust arse & telz choses dont mieulx leur vauldroit taire ainsi se doit gouverner la bo n ne & discrete dame ou damoyselle ou autre vers sa maistresse. mais non pourtant affin que nous n'oublions riens a dire que bon soit a ce propos n'est mye a entendre cest admo n nesteme n t que s'il advenoit aucun inconvenie n t a la maistresse par quelque cas que la bonne servante ne la doye garder en tous perilz & deffendre comme elle feroit son enfant sicomme il est dit d'une dame qui fut gardee d'estre sourprise en cas dont elle eust perdu son honneur par sa damoiselle laquelle quant elle sceut l'adventure ala tantost comme bien advisee bouter le feu a la granche affin que tout courussent la & que sa maistresse en ce tandis se peust descouvrir. Et comme une autre qui trouva sa maistresse qui se vouloit desesperer & occire ellemesmes de honte que elle avoit de ce qu'elle estoit grosse sans estre mariee si la reconforta & l'osta de ce maulvais vouloir & ellemesmes affin que quant l'enfant vie n droit qu'elle peust dire que il fust sien fist entendant qu'elle estoit grosse & par celle voye la saulva de mort & garda de deshonneur & telz choses faire puis que la chose est faicte & le co n seil en est pri n s pour garder autruy de desespera n ce ou de prendre mauvaise voye mais que au fait de peché on ne soit con senta n t n'est pas mal. mais est tresgrant charité & doit chascun avoir pitié du pecheur. Car dieu ne veult pas sa mort. mais que il se convertise & vive. Et tel est cheu en peché que aprés se relieve & maine juste vie & non mye seullement en cas d'amours ne doibt estre consentant la servante de la maistresse: mais aussi en tous autres ou il pourroit avoir peché & vice. car nul n'est tenu d'obeyr a aultruy pour desobeyr a dieu.

¶ Cy devise du .ii. point qui est bon a tenir aux fe m mes de court qui est co m ment elles doibvent eschever trop d'acointances. Chapitre .xxix.

Le .ii. point & enseigneme n t si q ue no us avons dit est q ue fe m mes de court de quelq ue estat q u'e lles soyent se doivent garder d e trop avoir d'acointa n ces a divers ho m mes no us co n vie n t dire les raiso n s q ui no us meuve n t Car maintes par ave n ture pourroyent suposer & cuider q ue plus leur loysist & apartenist est acoi n tables q ue autres fe m mes: mais celles q ui le pe n seroyent se deceveroie n t & nous le te monstrero n s par deux principaulx raisons / l'une est pource que sur toutes autres les femmes de court ont a garder honneur / l'autre raison te dirons ap s. Quant a ceste pourquoy disons no us que pl us que autres ont a garder honneur pource q ue le ur honneur ou deshonneur refiert & redonde en leur maistresse. car se ilz sont ou bien ou mal ordonnees elle en aura le los ou le blasme si que ja est touché en la premiere partie de ce livre. Or il est ainsi que il n'est autre dame a qui tant d'honneur soit deue co m me a princesse si seroit a son empirement si aucune tache avoit en fe m mes. Car on diroit selon seigneur meisgnie duite. Et pource je conclus que plus que autres se doivent garder. Si n'est point de doubte a venir a nostre propos que fe m mes qui que elles soyent q ui se delictent avoir plusieurs acointa n ces a ho m mes & suppose qu'elles n'y pe n sent a nul mal ne mais pour rire & esbatre a peine le po ur ront con tinuer qu'il n'en soit senestrement p ar lé & non mye seulleme n t des estrangiers envyeulx qui sans cesser avisent co m ment pourront aultruy mordre / mais certes de plusieurs de ceulx mesmes a qui elles feront bonne chiere. Car ne pensent point le contraire fe m mes ne si aveuglent que ja ho m mes plusieurs ne les frequentent longueme n t q ue aucuns ou le plus d'iceulx ne pensent a elles atraire si pevent & quant ils voye n t que plusieurs hantent ou lieu ou chascun voulsist estre seul receu ilz en parlent mal & contreuvent l'ung sur l'autre & en derriere s'en rigollent quelque chere que aux dames & damoiselles facent en devant ne quoy que ils se mo n strent bien gracieulx & c'est chose vraye lesquelz rigolages & parolles sont raportees en ville de bouche en bouche par les tavernes & ailleurs & chascun y adjouste & met du sien Et p ar telle voye sans cause & sans raison quant a pechié / mais seulleme n t par la simplesse des fe m mes qui n'y pensent sont souve n t plusieurs a tort blasmés mesmes de ceulx a qui elles font bonne chiere et qui ne le croit si en enquiere. Car pleust a nostre seigneur que dames & damoiselles de court / voire toutes femmes d'ailleurs sceussent bien que telz acomtes die n t d'elles cause auroie n t d'elles retraire de si faictes bo n nes chiere. & mieulx leur vauldroit moins d'esbatement q ue de tant de parolles & par ce que ilz leur rient en devant & promette n t corps & service a peine le pourroye n t croyre. mais tu nous pourroyes demander co m ment ne vault il pas mieulx mesmes a ho n neur garder faire bo n ne chiere a chascun & q ue autant en emporte l'un q ue l'autre seulleme n t q ue le faire a ung ou a deux & aussi q ue les autres puissent dire il ne hante en tel lieu q ue telz ou telz ilz sont en grace autres n'y so n t con gnuz. No us te respondo n s que sa n s faille de ces deux maulx il n'y a nul q ui face a tenir / car mal est / c'est assavoir contre honneur si plusieurs en hantent si q ue dit est & mal seroit ou est si on n'y voit frequenter seulleme n t ung deux ou trois en maniere q ue on y peust avoir souspecion. Si n'est l'une maniere ne l'autre bo n ne. Mais tu nous diras co m ment seront doncques fe m mes par especial de court si subgetz q ue elles ne oseront ame veoir ne elle esbatre sans mal penser a co m paignie ou il y ait gentilz ho m mes. Si te respo n s a ce q ue la subgection est bo n ne quoy q ue elle desplaise quant elle garde de plus grant inconvenient tout ainsi q ue la bride ennuye & desplaist au cheval mais non pourtant elle le garde aucunesfois de trebucher ou fossé. Et qua n t est q ue elles ne facent bonne chiere ou il appartie n t & en te m ps & en lieu s'esbatent co n venablement en com paignie d'ho n neur n'est pas nostre entente de les vouloir a ce restraindre. Et ne disons pas que s'il advient a quelque court q ue ce soit en france ou autre part que le prince ou pri n cesse reçoyve estrangiers ou princes ou autres vaillans chevaliers ou escuyers q ue il n'apartie n gne bien q u'i lz soient festoyés & entre dames & damoiselles bien venus / car ce seroit con tre honneur qui ne le feroit / mais entendons seullement de ceulx qui par droictes bauldes acoustumeement frequenteroyent sans autre achoison y avoir fors de jouer & esbatre es cha m bres de l'estat des dames & damoiselles. Et ces choses q ue nous diso n s ne doyvent e n nuyer a nulle soit jeune ou joyeuse ou autre si elle ayme honneur ne q ue il doit desplaire a celuy qui sa sa n té a chiere qua n t le medecin luy dit vous userés de tel remede contre telle maladie & suffise quant a la p re miere raiso n . Mais a venir a l'autre laq ue lle peut aussi bie n toucher aux autres fe m mes d'onneur co mm e a celles de court est telle. Chascu n qui tant est une chose plus digne plus noble & de greigneur value pl us doit estre tenue en grant chierté & moins co m mune. Or est il ainsi q ue toute fe m me honnorable bo n ne et saige doit este reputee co m me ung beau tresor & une notable & singuliere chose digne d'o n neur & de reverence. doncques puis q ue elle est telle et y veult estre tenue il n'appartient point q ue trop grant marché ne largesse face de ses tresgrans tresors c'est assavoir de l'acointance de sa tresho n norable personne. Car de tant que elle la tiendra en plus grant charté vers to us ho m mes non mye par orgueil / mais par une gra n deur bien seant a fe m me de tant sera elle tenue en plus grant reverence & en fera l'en plus grant compte / car chose n'est tant voule n tiers veue ne desiree q ue celle que on voit a dangier qua n t elle est bo n ne & belle. pource disons q ue non estre trop accointable a fe m me bien siet & q ue largesse de la n gaige & d'atrais accueillans luy messieent.

¶ Cy dit du .iii. point qui est le p re mier des deux q ui sont a eschever parlant de l'envye q ui regne en court & dequoy elle vie n t. cha. xxx.

Or viendrons aux autres deux dessusditz poi n s lesquelz a fe m mes de court principa lle me n t & aprés a toutes fe m mes d'onneur sont a eschever. lesq ue lz quoy q u'i lz soyent assés co m muns par tout regna n s par especial treshabondeement a toutes cours plus q ue autre part. ce sont deux vices mauvais & da m pnables merveilleusement & en attrayent infinis d'aultres. L'un & le principal des deux mortelz vices est le trespiteable & de dieu hay pechié d'envye / & l'autre est le vice de mesdire. Et du premier dirons & de l'autre ap s Et pource que nous tendons a bien de vous toutes nous plaist vo us admonnester les remedes que nous enseignons a toute personne qui user veult de justice & de bonne conscience. Et tout premierement pour mieulx congnoistre la qualité ou nature de ceste faulce envye est a adviser de q ue lle chose & a q ue l cause elle naist si disons sans faille q u'e lle sourt & vie n t purement d'orgueil qui l'enge n dre es creatures qui ne sont sur le ur s gardes d'avoir tousjours devant leurs yeulx leur povre fragilité & leur venue de neant ains s'oultrecuident par une arrogance fole que orgueilleux met en teste si qu'ilz oublient leurs miseres & leurs vices & repute n t & cuident estre dignes de grans honne ur s et de grans biens mesmes sans l'avoir desservy. Et pource que le plus communeme n t toute creature est en soy mesmes ainsi deceue / advient que chascun te n d a suppediter son prochain & le surmonter / non mye en vertus / mais en grandeur d'estat de honne ur ou d'avoir / mais quant il advient qu'il y fault & qu'il y voit autre plus avancé de luy ou qu'il cuyde ou qu'il a paour qu'il advie n gne aussi hault. la est l'envye toute formee. En pourtant que a la court des princes & des princesses les honneurs et les estatz mo n dains sont distribués plus generallement que une aultre part disons nous / & il est vray que la regne principalleme n t envye po ur ce que chascun qui y frequente vouldroit avoir d'iceulx biens et honneurs la plus grant part. Mais a descendre a nostre propos en parlant a toute femme de court de quelque estat qu'elle soit q ui soit la demourant pour estat ou pour service de pri n cesse que se elle veult user de bon co n seil pourvoyera si bien son couraige de saige & de bon advis que elle n'aura en soy le mortel ver de celle faulce envye q ui destruyt l'ame a q ui la porte & ronge & desfait l'inte n tion.

¶ Cy dit encores de ce mesmes enseignement aux fe m mes co m ment se garderont entre elles d'avoir le vice d'envye. chap. xxxi

Que fera doncques pour eschever ce faulx arcison d'envye & q u'i l ne soit nullement en son couraige la saige & bonne dame ou autre demourant en court elle estrivera par bon remede contre les choses qui s'ensuyvent lesq ue lles sont les causes dont sourt envye a court de princesse en couraige / c'est assavoir q ue quelque grande qu'elle soit s'il advient qu'elle voye ou apperçoyve ou qu'il luy soit advis q ue sa maistresse ait plus en grace quelq ue autre que elle ou souve n t l'appelle en ses con selz & vueille le pl us sache de son secret & soit plus entour elle ja pource le cueur ne luy vouldra / ne le vice d'envye ne la surmontera. no n obstant q ue les aguillons & poinctures en couraige de celle faulce e n vye en tel cas soyent telz. Et pourquoy peut ce estre q ue ma dame a plus en grace ceste icy ou ceste la q ue toy & plus la veult & pl us l'appelle en ses secretz & environ soy / n'es tu de son lignaige ou pl us noble q ue celle n'est si en fust mieulx paree / ou tu es plus sage ou plus preudefe m me ou mieulx taillee de y estre. Et appartient il aussi q ue telle & telle qui est venue de neant / ou q ui ne scet ou qui ne vault ne peut de se mettre si ava n t ne qu'elle prengne tel peine d'estre en grace devant les autres / ne aussi que ma dame la doyve tant avancer ne faire telle chiere qu'elle luy faict ne tel harnois / & luy baille tel estat. Ja est plus avancee en ce pou de te m ps qu'elle y a demouré que toy qui y es de ton enfance / pourquoy peut ce estre quelque cause y a. mais je y mettray barres se je puis & la desavanceray Je sçay bien comment telles choses & telles sçay sur elle / & si je ne le sçay si le controuveray ou mettray du sel plus que je ne sçay avant que je ne la desavance. elle se veult trop mallement mettre avant et ja fait la maistresse & veult supediter les autres & mettre arriere mais je y mettray barres se je sçay quoy q ue advenir en doye. ne quelque peine q ue je y doye mettre. Je n'en pourroye plus souffrir en mon renc mesme se veult elle ja mettre / et ma dame luy souffre & la porte & veult q u'e lle voise devant les autres mais ainsi n'ira mye. Telz ou semblans sont les admo n nestemens de envye. mais tantost par bon advis & juste conscie n ce les boutera arriere la saige dame ou damoiselle de court q ui se reviendra a soy Ha folle musarde & dequoy t'es tu advisee mais pour dieu que te chault il de toutes ces faulsetés si tu fais ce que tu peulx loyaulment en toutes choses & tu n'en as si grans guerdons en ce monde comme ung autre dieu qui seul est juste & vray juge & qui co n gnoist tous couraiges. & a qui riens ne peut estre celé le scet bien si le te rendra & n'y fauldra point. & en luy seul dois avoir ton esperance. Car celluy est mauldit qui a son esperance & la fiance es princes ne es ho m mes. Et pourtant se ung autre a bien en ce mo n de qui n'est que ung trespas comme ung pelerinaige des biens de fortune plus que a toy ce te semble. que t'en apartie n t il a murmurer ne en avoir dueil. veulx tu garder les pri n ces & les princesses & les puissans personnes qu'ilz ne facent du leur a leur voulenté: Si ta maistresse ou dame donne du sien a ung autre plus que a toy quel tort te faict elle. certes nul. Et de ce do n na bien exe m ple nostreseign eu r en la parolle dont l'evangille parle des ouvriers qui furent mis en la vigne / dont les aucuns vindrent a soleil levant. les autres a midy & les autres a vespres. Et quant vint a faire le payeme n t de leur journee le seigneur de la vigne partit & donna tout autant a ceulx qui estoyent venus a vespres comme a ceulx du point du jour de laquelle chose les premiers murmuroyent / & le seigneur leur respondist. Mes amys quel tort vo us fais je. Je vous paye de vostre journee bien & bel ce que avez esté louez. & s'il me plaist de donner a ceulx icy autant ou plus co m me a vous ce n'est riens du vostre si n'avez cause d'en parler. Tout ainsi & semblablement n'as tu nulle cause de groucier si ta maistresse donne le sien ou il luy plaist quand ce n'est rien du tien. Et aultre si peut advenir que toymesmes ne congnois pas tes propres deffaulx par ce que tu es envers toy trop favorable & ta dame les congnoist bien qui voit ung autre plus saige pl us abille & mieulx co n dicio n nee & plus parfaicte de toy quoy q u'i l te semble q ue tu vaille mieulx s'il a pl us chere environ soy. Et aussi si tu veulx bie n regarder au vray de ta conscie n ce & lire en tes faitz tu trouveras ce peut estre q ue tu le peves bien avoir desservy pour telle chose et telle q ue tu fais. & telles parolles que tu dis luy furent rapportees / dont elle se courrouça qui ne fut bien fait ne dit a toy / & elle ne t'en ayme mye mieulx. assez d'autres t'eusse n t mise hors si est par ta coulpe. pource tu n'as cause de ta n t t'en courroucer tu estoyes trop ayse & trop orgueilleuse. & te sembloit q ue riens ne te povoit nuyre / or en prens ce que tu en as & ne te en plains que a toy. Et avec ce que scés tu: quel bien & quel service vers dieu peut avoir fait ceste creature qui ta n t est en grace quoy qu'il te semble q u'e lle n'en soye mye digne. Parquoy il la veult par ceste voye en ce monde guerredonner. car tu as ouÿ dire co m ment sont couvers les secretz de dieu / si n'appartient a personne de en juger pour chose q u'i l voye tant luy apere merveilleuse Et po ur ce ne te dois empescher d'estat d'autruy / mais pense de ton ame & de te gouverner sagement & faire tousjours bien ton devoir / si le co n gnoistra bien dieu & tel maistre fait il bon servir qui est tout saige tout bon & tout puissant & tout autre service n'est que vent & empescheme n t. Et gardes bien sur quanques vers luy tu peulx meffaire q ue ne muses a autruy par faulse envie en faict en dit ne en quelconques pourchas / car tu te dampneroyes. posons q ue on le te eust desservy. Car dieu ne veult pas q ue l'on se venge de tant q ue en as pensé crie en mercy a nostreseigneur. & ne te chaille q ui va devant ne q ui va derriere. q ui soit en grace ne qui non. car de chose qui faicte en soit tu n'en vauldras de rie n s pis. Et avec ce ceulx & celles q ui te verront ainsi gracieuseme n t suporter l'orgueil & oultrecuydance d'autruy sans en faire parolles ne semblans t'en priseront & aymeront mieulx. Et si tu veulx garder ton reng entre les autres q ue il te appartient sans vouloir supediter autruy si le gardes gracieusement. Mais prens toy bien garde q ue ta conscience ne soit point blessee pour telz fatras / ne que tu do n nes cause a autruy de troubleme n s ne de empescheme n s car le peché en descenderoit sur toy. Telz & semblables sont les remedes q ue la saige dame de court bien pourveue si peut mettre contre les pointures & aguillons d'envie. Et de cestuy mauvais peché pour demonstrer comment toute personne le doit fuyr dict ung saige: Je ne sçay fait il comment toute creature raisonnable deboute de soy sur tous autres vices le peché d'envie / car a adviser la qualité de tous les autres peches il n'y a celluy qui en l'exerçant ou faisant n'ayt aucun delit co m me en vaine gloire ou orgueil ou a delit d'ho n neurs en glouto n nie plaisir ou menger en charnalité delit de corps & ainsi aux autres / lesquelz plaisirs pevent attraire la creature a les aymer quoy qu'ilz soyent l'ame deffendus. Mais celluy dyabolicque peché d'envie il ne fait ne donne a la personne qui plus en est souprinse nul plaisir ne mais dueil de pensee & deffrichement de couraige triste et desguise de visaige tourment qui perce l'ame & tous maulx & tous desplaisirs. Et a brief dire encline a tous maulx & a toutes felonnies. ne autre bien ne re n d a son maistre cestuy infernal vice. Et que les envieux facent a haïr dit contre eulx de rechief ung autre saige pleust a dieu q ue l'envieux eust si gra n s yeulx q u'i l peust veoir toute la prosperité & la joye qui est esparse par tout le monde. & plusieurs ge n s a celle fin qu'il eust cause d'estre plus tourmentés.

¶ Cy dit du quatriesme poi n t qui est le deuxiesme des deux qui sont a eschever. Et parle comment femmes de court se doibvent bien garder de mesdire / et de quelle chose vient mesdit ne a quelle cause ne occasion. Chap. .xxxii.

Nous venons au deuxiesme point qui est l'autre vice duquel la dame ou damoiselle & fe m me de court & toute autre se doibt garder. c'est assavoir du peché de mesdire. Et tout p re miereme n t pource q ue mesdit ne peut estre excusé par nulle bonne raison / & aussi pour mieulx venir a noz termes toucherons trois causes / dont communement il vient & sourt & qui toutes sont communes a court & aucunesfois de toutes troys ensemble. L'une des causes si est par hayne. la .ii. pour cause d'oppinion. & l'autre pour pure envye. Si sont ces trois causes maulvaises / mais non pourtant celle qui vient d'envie faict le moins a excuser. Et pource que tous trois sont a eschever et que en nul cas mesdire ne est loisible / ains est peché mortel tresdeffendu Car c'est contre des deux des commandemens de dieu l'ung qui dit. Ne fais a aultruy ne que tu vouldrois qu'il te fist. Et l'autre / ayme ton prochain comme toymesmes: nous en dirons & enseignerons aux dessusdictes dames les remedes de s'en garder. Et premiereme n t toucherons sur la premiere cause qui est hayne & sur ce formerons quattre principalles a demonstrer pourquoy par hayne on ne doit mesdire d'autruy quelque injure que on ayt receue. On ne hait point de fformee hayne communement si ce n'est a cause d'aucune injure receue d'aultruy ou que on la se repute avoir receue soit a tort ou a droit en la perso n ne qui est ou qui se tient injuriee. Adonc est tresencline par la haine & mal talent qu'elle porte de mesdire dont elle se repute estre blessee co m me quoy & a nostre p ro pos qui est chose q ui souvent advient a court une dame ou autre femme de court sçaura que aucunes ge n s ou certaine personne luy nuyra & la tiendra a la faire mal de sa maistresse ou du seigneur ou des amys d'elle ou d e la faire bouter hors & par adventure viendra a son entente parquoy ladicte dame ou damoyselle en perdra son service son bien & son estat / & par adve n ture son honneur par les choses qui luy seront mises sus / peut estre sans cause / & posons que a cause fust: si herra elle la personne qui ce luy aura pourchassé: si mesdira n'est pas doubte a part et en publicque si la personne n'est si grant qu'elle n'ose. Mais trop fort fera si aulcunement n'en murmure / car le cueur luy deuldra trop & n'est merveille en disant de ladicte personne mal & villennie & ce qu'elle sçaura & ce qu'elle ne sçaura mye. Ceste cause de mesdire c'est assavoir par hayne par quelque meffaict se m bleroit a aucunes gens qu'elle peut estre juste. mais sans faille non est. Et voicy nostre premiere raison qui le demonstre. Dieu veult et commande expressement qu'on ayme son ennemy & qu'on luy rende bien pour mal. & qui fait contre le co m mandeme n t de dieu se dampne & si ne gaigne rie n s: pourquoy seroit mieulx son prouffit se taire. Item avec ce ung autre inconvenient luy en vient / & est nostre .ii. raison c'est qu'il fait ou elle fait contre son ho n neur / & voicy la raison. une p er sonne de grant couraige jamais ne mesdiroit de son ennemy / po ur ce que elle scet bien qu'il pourroit sembler aux gens que vengier se vouldroit de parolles laquelle chose est la ve n geance des gens de pou de puissance & de foible de cueur et de quoy pou de saiges gens usent. Item la .iii. raison est que ceulx qui orront mesdire aux hayneulx de son adversaire ou ennemy ne la croyront mye / car ilz diront qu'i le dist par hayne si ne doibt estre creu. Et la quarte raison est que la personne qui ja luy a nuy ou peu nuyre sera de tant plus indignee contre luy q uan t dire orra q u'e lle en mesdit / si purra engreger l'i n jure & luy faire encores pis si seroit moins mal recevoir ung desplaisir que deux. Et pource en co n cluant fut trop bien co m paré par exemple a mesdit ce q ui est escript d'un qui vouloit prendre guerre au ciel / & tiroit d'ung arc contre les nues et les fleches retournoyent sur son chief & le navroye n t. Tout ainsi le mesdit que le haineux fait de son adversaire retourne sur luy & navre son ame & son honneur / sicomme par les dessusdictes quatre raisons est demonstré.

¶ De mesmes co m ment fe m mes de court se doyve n t bien garder de dire mal de leur maistresse. Chap. xxxiii

La deuxiesme cause dont vient & sourt mesdit est de oppinion en telle maniere ou semblable une personne aura oppinion q ue une autre soit mauvaise ou deffailla n t en aucunes choses ou en toutes / ou que elle ne se gouverne pas bie n en tous cas ou en aucuns & pour ceste cause sans sçavoir la verité de la chose laquelle est par adventure toute autre qu'elle ne la pense en mesjurera & mesdira abondamment et plainement a petite con sideration pour bien pou d'achoison. Et tel cas advient co m munement par tout. Car sans faille a cause de oppinion et sans sçavoir de certaine science mesdient plus ceulx qui ont la tache de mesdire. Si n'est mye co m munement court de prince & de princesse sans telz mesdisans / lesq ue lz a tel cause / c'est assavoir d'oppinion sans plus n'espargnent ame / et mesmes ne maistre ne maistresse. Et pource en parlant de ce vice chiet a dire du grant mal que fait toute personne qui diffame & dit mal d'autruy & par especial de qui le paist & nourrist do n t il a son estat & son vivre / mais no n pourtant il advient a mainte court q ue se les servans ou serva n tes ou ceulx ou celles q ui y demeurent voye n t ou leur se m ble veoir en maistre ou maistresse ta n t soit petit signe de q ue lque vice ta n tost a cause d'oppinion les chargero n t de gra n t langaige disant q ue la chose est faicte q ue ilz ont pensee. Et a nostre p ro pos p ar lant aux fe m mes quoy q u'i l peut aussi bien aux hommes toucher. Assés de fe m mes de court en mains pays est il de to us estatz q ue si elles voye n t leur dame ou maistresse sans pl us p ar ler bas a une p er sonne une fois ou deux ou q ue lque signe de priveté ou d'amitié ou quelq ue ris ou quelq ue joyeuseté faicte p ar adventure p ar jeunesse ou ygnora n ce & sa n s mal pe n ser se ladicte maistresse se est ta n t soit petit joyeuse ou en ses habilleme n s ge n te & p ro pre q ui sont choses qui a mainte p er so n ne vie n nent de droicte con dicion pl us aux unes que aux autres ta n tost ilz sero n t prestz d'en mesjuger. & non mye seullement en cestuy cas mais aussi bien en to us autres dequoy par petite achoison aucunesfois prendront quelq ue maulvaise oppinion de leur dicte maistresse mais du mesjugement c'est du moins ilz feront pis / car pourtant se elle est leur dame et q u'i lz soye n t nourris repeuz & a beaulx gaiges de ses biens q ue ilz facent ou q u'e lles facent bien les obeissans les genoulx a terre a gra n t reverence & assez de flateries si ne s'en tairo n t ilz mye / ains diro n t leur advis l'une a l'autre & s'acointeront a co n seil & a brief dire sero n t tout ainsi q ue la maulvaise brebis q ui est rongneuse do n ne & depart de sa rongne aux autres / mais toutefvoyes bien se gardero n t q ue le ur maistresse ne l'app er çoyve ne oye & leur suffira mais q ue a elle seulle soit celé & mesmement de ce q ue eulx ou elles luy accordero n t & soustendront disa n t q ue sera bien faict d'ainsi faire s'en mocq ue ront & en p ar leront en derriere & y adjoustero n t pl us q u'i l n'y a & q u'i l n'y sceve n t assez de servans & de servantes le fo n t aussi. mais a nostre p ro pos les dames damoiselles fe m mes de court q ui ainsi le font trop grandeme n t mespre n nent & fo n t trop pl us grant peché q ue se d'autres ou d'e n tre elles mesdisoyent po ur cinq principaulx raiso n s. La premiere pource q ue de tant qu'elle est plus grant maistresse son ho n neur ou desho n neur est plus renommé par tout pays q ue d'une autre simple fe m me pource fait pis que la diffame car celluy diffame peut voller en maintes contrees. La deuxiesme pource q u'e lles font trahyson a q ui ilz monstre n t bel se m blant & obeissent. Tierceme n t ilz font co n tre leur serme n t q ui fut tel elles garderoyent son bien & son ho n neur. Quartement q u'e lles rendent mal pour bien a celles de q ui & par q ui so n t soustenus & nourries & ont leur estat. Et quintement q ue elles jugent autruy q ui est co n tre le co m mandement de dieu qui dit ne juges si tu ne veulx estre juge. Et posons ores q u'e lles sceussent tout clereme n t seur leur maistresse sico m me ja est dit deva n t / & qu'elle fust une tresmauvaise & p er verse creature si ne la doibvent ilz diffamer ne entre elles ne aultre part. car parolles ne sçauront ja estre dictes si celeeme n t q ue raportees ne soyent & elles sont tenues de garder son ho n neur & couvrir sa ho n te & que se autres en oyent mal dire de abaisser les parolles & l'excuser. Et en verité celles qui font le contraire font leur gra n t deshonneur et les en doibt on mains priser ne excuser ne s'en pevent. Car se tu nous dis je voy de quoy j'ay cause de parler & mesdire le service n'est ne bel ne bon no us te respo n do n s si t'en va s'il ne te plaist. Et s'il te est besoing de servir p ar quoy ne t'en puisses aller q ue trop grant prudence n'y eusses si tentais a tout le moins & fay se m blant que tu n'y voyes goute & que riens n'y apperçoys puis qu'il n'est en toy d'y mettre remede ne quel ne te appartient fay bien et loyaulment ce q u'i l te appartient & de plus ne te mesle prie dieu q u'i l la vueille amender & luy doint congnoissance se tu y vois mal & se a autre en oys p ar ler abesse les parolles se tu peulz ou sinon t'en tays & de ce seras tu mieulx prisee / mais ce que ja devant est dit certes il va tout autrement Car dieu scet que maintes parlent de leur maistresse qui le font plus par despit de ce que elles ne so n t appellees au secret et par l'envye que autres fe m mes en sceve n t pl us que pour autre precieuté ne cause. Mais toutesfois voicy ce que la bonne & loyalle dame damoyselle ou autre d e court fera q ui vouldra user de bonne conscience & aymera le bien & honne ur de sa maistresse que elle verra dechoir de son honneur & en peril de grant i n convenient si ne luy oseroit dire ne le admo n nester / elle s'en yra au confesseur de sa maistresse & non a autre si luy dira secrettement & en confession ce que on dit d'elle & le peril ou elle se met & le mal qui luy en pourroit venir luy priera pour dieu qu'il luy monstre / & ne l'accuse mye.

¶ Cy dit comment il n'appartient a femmes de diffamer l'une l'autre ne dire mal. Chapitre .xxxiiii.

Avecques ce q ue les fe m mes de court doyve n t garder se m blablement que dit est d e blasmer ne diffamer l'une l'autre pour le peché & autres causes ja assignees / co m me aussi q ue qui diffame autruy d e secret q ue luy mesmes soit diffamé. Car n'est pas doubte que la personne qui sçaura que on le diffame diffamera aussi celuy ou ceulx q ui le diffameront & le deust con trouver ne nul ne nulle n'est si juste qui doye dire je ne crains ame que pourroit on dire sur moy je me sens net ou nette pource puis parler des autres hardiement / mais c'est folleme n t penser a ceulx et celles qui ainsi le cuident / car par tout a a redire & quelque maniere & ce tesmoigne l'escripture q ui dit il n'est ho m me sa n s crime c'estadire sa n s peché & ce tu n'as ung vice tu en as ung autre p ar adve n ture pire ou deux ou trois & si tu ne lisoyes bien en ta con scie n ce tu y trouveroyes assés a redire. car pourta n t si ton pechié est secret au mo n de n'est il pas a dieu mucé & luy seul scet q ui est bon pelerin. Et avec ces choses c'est trop gra n t ho n neur q ue aval la ville ou autre p ar t on puisse dire les dames & femmes de court mesdient trop bien l'une de l'autre j'ay ouÿ dire a telle dame ou damoiselle tel chose et telle de tel autre. Car court de princesse en tel cas doit estre ainsi que une abbaye bien ordo n nee dont les moynes ont serment que aux seculiers ne dehors ne diront riens de chose qui advie n gne entre eulx ne de leurs secretz tout ainsi se doive n t aymer & porter l'une l'autre comme seurs dames & femmes de court non mye te n cer ensemble es chambres des dames ne d e traire en derriere co m me feroyent hare n gieres. Car telles choses so n t trop mal seans a court de princesse & ne les devroit on souffrir. Nous avons cy devant q ue la troiziesme cause qui fait mesdire est envye & que c'est celle qui fait le moins a excuser. C'est assavoir est la plus mauvaise & la plus loing de droit & de toute raison & il est vray car se le haineux mesdit de celluy qui luy a meffait c'est chose naturelle q ue chascun dueille de sa blessure & si dieu ne le deffendoit par la raison susdicte selon droit sensuel te seroit chose juste aussi qui mesdit par oppinion se peut aucunement fonder sur aucune apparence ou couleur qui luy app er t co m me il luy semble de ce qu'il dit / mais qui mesdit par envye il n'a autre cause ne mais pure mauvaistie qui est & habonde en son courage & pource est le plus dampnable a celle ou celluy qui le dit & le plus perilleux a celluy ou celle de qui il dit que quelzconques autres mesdit. Car oncques morsure de serpent coup d'espee ou autre pointure ne fut venimeuse ne si perilleuse comme langue de perso n ne envieuse / car elle frape & tue souvent soy & autre & aucuneffois en ame & corps. Car se no us y voulons regarder beau sire dieu quans royaulmes quantes co n trees & quantes bonnes personnes ont esté destruyctes par maulvais rapors dont le fondement venoit & sourdoit d'envie a merveilles nous en trouvons plusieurs exemples lesq ue lz je laisse pour briefveté. Et que il est vray que le mesdit de l'e n vieux viengne par pure mauvaistie sans autre achoison il y pert. Car dequoy a deservy celuy ou celle qui est bonne personne ou qui a plusieurs des biens de grace de nature & de fortu n e que on die mal de luy ou que il luy pourchasse encombrier pourtant se ces choses luy viennent bien ou se il est eureux & bien fortu n é cestuy mesdit ne vie n t de nul droit pource con cluons ce q ue dit est devant c'est assavoir de pure mauvaistie il vient / & pourtant est le plus da m pnable & de ceste envye pource q ue cy deva n t en est assez parlé au quatriesme & cinquiesme chapitre de ceste deuxiesme partie n'en diro n s plus & suffise a ta n t quant a parler des dames damoiselles & femmes de court.

Cy parle de dames baronesses la maniere du sçavoir qu'il leur appartient. chap. .xxxv.

Or advient a parler aux dames et damoiselles qui demeurent en chasteaulx ou en autres manoirs sur leurs terres ou en villes fermees ou bours / si nous fault adviser que nous pourro n s dire q ui leur soit p ro pice. Et pource q ue leurs estatz & puissances soyent differens nous con vient parler en aucunes choses differenteme n t c'est assavoir de l'estat ordre & maniere de leurs vivre / mais quant aux meurs et biensfaitz vers dieu tout leur affiert ce que dit est devant aussi bien q ue aux princesses & dames de la court. C'est a ente n dre ensuyvir les vertus & fuyr les vices si le pourront la veoir si leur plaist. & pource que en diverses seigneuries sont demourans plusieurs puissans dames. Sico m me baronesses & grans terriennes qui pourtant ne sont pas appellees princesses leq ue l nom de prince n'affiert estre dit ne mais des e m peris des roynes & des duchesses se ce n'est aux fe m mes de ceulx a qui a cause de leurs terres sont appellees princesses p ar le droit nom du lieu sico mm e il en a en ytalie & ailleurs & quoy q ue les contesses ne soyent mye en tous pays nommees princesses / mais pource q ue suyve n t assés le renc des duchesses selon la dignité des terres entendo n s d'elles ou no m bre dessusdit des princesses p ar lerons icy p re mierement ausdictes baro n nesses dont assés y a en france en bretaigne & autre part q ui passeroie n t en ho n neur & puissance moult de contesses est il quoy que le nom de baron ne soit si hault q ue de conte / mais moult est la puissance gra n t d'aulcuns barons a cause de leurs terres & seigneuries & la noblesse q ui y est do n t leurs fe m mes tienne n t moult gra n t estat & a dire d'icelles ce q ue a leur gouverneme n t appartient est assavoir q u'i l affiert trespecialleme n t a baro n nesses q u'e lles soyent saiges & prudentes & pl us co m muneme n t que les autres fe m mes. Si no us con vient deviser co m ment s'estendra so n sçavoir / ce q ue elle se sache ente n dre de toutes choses / car dit le philozophe q ue celluy n'est pas saige qui ne co n gnoist aucune chose de chascune part. Et aussi luy appartient a avoir sico m me couraige d'ho m me. Si n'est mye a dire que elle doye estre nourrie trop en cha m bre ne soubz gra n s & feminines mignotes. Or est a parler des causes [qui nous meuvent. Il n'est pas doubte que il apertient a tout baron, se il veult estre honnourez en son degré, que le moins du temps demoure sus ses manoirs et en son propre lieu, car suivre armes, la court de son prince, et voyagier sont ses offices. Or demeure la dame, sa compaigne, laquelle doit representer son lieu: quoy que il ait assez baillis, prevosts, receveurs et gouverneurs, il affiert que souveraine soit sur tous. Et pour ce convient ce faire: veult selon son droit que elle se gouverne par tel savoir que craintte soit et aussi amee. Car c'est la meilleur craintte qui soit que celle qui vient d'amour, si que dit est devant, et que ses hommes puissent recourir a elle pour tous reffuges aprés le seigneur, et en cas que on leur feroit aucun tort: et pour ce est droit que elle sache de toutes choses, afin que en chascun cas puist donner response convenable. Soit toute enseignee et aprise des usages, drois et coustumes du lieu, et quelz choses y apertiennent; bien enlangagee, haultaine, se besoing est, par bonne discrecion contre ceulx qui la vouldroient mespriser ou qui aucunement seroient rebarbatis et rebelles, et doulce, humble, et charitable vers les gens obeissans; si doit ouvrer par les gens du conseil de son seigneur en tous ses fais, et oïr les opinions des anciens sages afin que elle ne soit reprise de chose que elle face ne que on ne die que elle vueille ouvrer de sa teste. Nous avons dit aussi que elle doit avoir cuer d'omme, c'est qu'elle doit savoir des drois d'armes et toutes choses qui y affierent afin que elle soit preste d'ordonner ses hommes se besoings est, et le sache faire pour assaillir et pour deffendre se le cas s'y adonne; prendre garde que ses forteresses soient bien garnies; se elle est en aucun doubte ou avis que elle entrepregne aucun fait, essaie ses gens et sache de leurs courages et voulentez ains que trop s'y fie, regarde quelle puissance elle a de gens et quel secours puet avoir se besoing en a; et que elle en soit certaine, non mie se attendre en vain ne en foibles promesses, prengne garde comment pourra fournir ains que son seigneur viegne, et quel finance elle a et puet avoir pour ce faire; se garde le plus que elle pourra de grever ses hommes, car c'est chose de quoy on acquiert trop leur haine; parle hardiement et constamment a ses gens de ce qui sera deliberé par son conseil a faire, non pas die hui une raison et demain une autre; donne par ses bonnes et belles paroles courage aux gens] d'armes & a ses ho m mes d'estre bo n s & loyaulx et de bien faire ainsi & par tel voye so n t ces manieres co n venables a tenir a la saige baronnesse son mary estant dehors se il luy en a donne la charge & la co m mission se il advient que aucun autre baron ou puissant ho m me luy vueille faire quelq ue chale n ge d'aucune chose. et avecq ue s ce luy sont expedians & p ro pices les manieres q ue avons ja devisees cy devant ou chap. des pri n cesses vefves lesq ue lles choses par une autre raison luy sont prouffitables a aprendre & que elle sache tout le fait de son gouvernement si que dit est / des le vivant de son mary / c'est assavoir que se vefve demouroit qu'elle ne fust pas trouvee ignorante de sçavoir son estre si que chascun la voulsist fouler et emporter sa piece.

¶ Cy devise la maniere co m ment il appartient q ue les dames & damoiselles qui demeurent sur leurs manoirs se gouvernent ou fait de mesnage. chap. .xxxvi.

Que autre maniere d'estat & de vivre appartie n t aux si m ples dames et damoiselles demourans es fors ou sur le ur s terres dehors les bo n nes villes q ue aux baronnesses mais no n pourtant pource q ue se m blableme n t q ue les barons et encores pl us co m muneme n t les chevaliers escuyers & gentilz ho m mes voyagent & suyvent guerres est con venable a leurs fe m mes q u'e lles soye n t sages de gra n t gouverneme n t & voye n t cler en leurs faitz pource le plus de temps elles demeurent a leurs mesnaiges sa n s leurs marys q ui a court so n t ou en divers pays. si con vient q u'e lles aye n t tout le soing de gouvernement & faire valoir leurs revenues et leurs meubles. Si appartient a chascune dame de tel estat s'elle veult user de se n s q u'e lle sache com bien mo n te p ar an & vault la revenue de sa terre. Et doit tant faire s'elle peut ceste saige dame vers so n mary par doulces parolles & bo n s admo n nestemens q ue ilz advise n t ense m ble & disposent de tenir tel estat co m me leurdicte revenue pourra fournir / & non mye si grant par dessus q ue au bout de l'an se treuvent en debtes vers leurs maisgnies ou autres crediteurs Car sans faille ce n'est point honte de tenir estat selon sa terre ou rente soit ores petit. Mais c'est honte de le tenir si grant que les debte ur s vienne n t tous les jours crier & braire a l'ostel & lever les basteaux telle fois ou q u'i l conviengne par necessité qu'on griefve ses hommes ou ses hostes ou qu'on face quelques autres extorcio n s il appartient a telle dame ou damoiselle / qu'elle soit toute aprinse es droitz des fiefz d'arriere fiefz de censives & droictures de cha m pars de prises de plusieurs mains / et de toutes telles choses qui sont en droit de seigneurie selon les coustumes des pays / affin qu'elle n'y puisse estre deceue. Et pource q u'i l est tout plain de gouverne ur s de terres & de jurisdicions de seigneurs qui voulentiers tro m pent doit estre de tout ce advisee & bien s'en prendra garde & ne luy sera point de desho n neur s'elle se co n gnoist en co m ptes & que souva n t les oye & vueille sçavoir com ment iceulx se gouvernent vers ces choses ou ho m mes q u'i lz ne les tro m pent ne griefvent oultre raison. Car ce seroit a la charge de l'ame de son mary & d'elle ou fait des ame n des aux povres gens doit estre pour l'amour de dieu plus piteuse q ue rigoureuse. Avecques ces choses luy affiert a estre tresbo n ne mesnagiere. & qu'elle se congnoisse en labour & en quel te m ps et en quelle saison on doit donner aux terres & aux labourages les façons / de quelle maniere est le meilleur q ue les talons aillent selon l'assiete du gueret s'il est en païs sec ou moiste & de la p ro fondeur et qu'ilz soyent droitz & vivement fais semés a point de telz grains que les terres desirent et pareillement se congnoistre au labour des vignes se c'est pays ou il y ait vignoble se doit garder qu'elle ait bons laboureux & maistres en tel office / & ne pre n gne pas ge n s qui cha n gent maistre de terme en terme / car c'est mauvais signe ne trop vieulx / car ilz seroyent paresseux & foibles / ne trop jeunes. car trop seroie n t en jeux / si soit soigneuse de les faire lever matin / ne s'en attendre a nul s'elle est droite mesnagere / ains elle mesme se lieve et affuble une houppelande / voise a sa fenestre & huche tant qu'elle les voye saillir dehors. car de ce sont ilz le plus volentiers paresseux / se voise souvent esbatre aux champs veoir comme n t ilz labourent. Car assés en est il qui voulentiers se passeroient de grater sans plus la terre par dessus pour eulx en delivrer s'ilz cuidoie n t qu'on n'y prenist garde et qui bien se scevent dormir aux champs soubz l'ombre d'ung arbre et laisser leurs chevaulx du labour ou les beufz entandis paistre en ung pré et ne leur chault / mais qu'ilz puissent dire au soir qu'ilz ont fait leur journee. Et pource la saige mesnagiere s'en prendra garde. Avec quant les bledz seront sur leur meurir des le mois de may n'atte n dra pas la cherté / mais baillera so n aoust a soyer a co m paigno n s bo n s fors & diligens / a eulx marchandera & com posera a arge n t ou a bled Et quant viendra au temps qui seront en telle office se prendra garde qu'ilz ne laissent rie n s derriere eulx ou qu'ilz ne facent assez d'autres faulcetés que telz ge n s scevent bien faire qui n'est dessus & semblablement es autres labours se lievent voulentiers matin car en l'hostel ou la dame gist co m munement grande matinee a peine ira bien le mesnage / voise aval l'hostel assez trouvera co m mander. car peu chault a mesgnie co m munement co m ment voise q ui n'est dessus / face mettre les bestes hors a heure. pre n gne garde au bergier co m ment il les gouverne. & s'il en est maistre / & qu'il ne soit despiteux / car il les font nourrir quant ilz veullent en despit de la maistresse ou du maistre / & quelles soyent netteme n t tenues gardees de trop ardant soleil & de pluye garies de la rongne / elle yra s'elle est saige souvent au toyt avecq ue s une de ses fe m mes veoir co m ment on les ordo n ne. & ainsi sera le bergier pl us songneux q u'i l n'y ayt que redire. en fera bien penser au te m ps q u'e lles devro n t agneler. & pre n dre grant soing des aigneaulx car souvent se meurent par faulte d'en penser. sera songneuse de lever des nourritures / soit p re sent au tondre & q ue ce soit en saison. En ces hostelz q ui seront en pays ou il aura grans praries & herbaiges tiendra grant foison bestes a cornes. & se foison a avaines q ui pou se vendent tiengne des beufz en creche dont fera grant argent q uan t seront gras / s'elle a bocaiges la tiendra haras q ui est prouffitable chose a qui bien s'en scet chevir advisera en yver que les gens sont a bon marché adonc leur fera coper ses saussoyes ou couldroyes & faire des eschaillas pour ve n dre en la saison aussi embesongnera les varletz a coper bois po ur le chauffage de l'hostel ou deffricher quelq ue champ & s'il fait trop fort te m ps les fera batre en granche / & ainsi jamais ne les lerra oyseux. Car il n'est chose plus gaste en ung hostel que mesgnie oyseuse. Et semblablement embesongnera ses fe m mes les chamberieres de penser du bestial de faire a me n ger aux laboureux & des letaiges sarcler les courtilz aller a l'herbe & estre crotees jusques aux genoulx / elle ses filles & damoiselles s'e m beso n gnera de draper de trier celle laine & sortir. mettre les coletz & la fine a part pour faire fins draps po ur son mary & pour elle & pour ve n dre se mestier est. des gros pour les petis enfans & pour ses fe m mes et maignie fera des couvertures de gros bourions de la laine. & des fumiers fera cultiver des cha n vres q ue toilleront & fillero n t au soir en yver ses chamberies pour faire des grosses toilles Et toutes telz choses & autres semblables q ui trop lo n g seroit a dire en plat pays ont mestier a mesnage / & celle q ui plus en est diligente quelque grande q u'e lle soit fait le plus q ue saige & en doit estre treslouee / & ceste voye tenir a saige mesnagiere rend aucunesfois plus de prouffit que la droicte revenue de la terre / sicomme le sçavoit bien faire la saige mesnagiere contesse de Eu mere du bon jeune conte qui mourut en voyage de hongrie qui n'avoit point de ho n te de se employer en tout honneste labeur de mesnaige tant que plus valoit par an le prouffit qui yssoit que toute la revenue de sa terre. Et de telle femme se peut bien dire la louenge que recite l'espitre de salomon de la saige femme.

¶ Cy devise de celles qui sont oultrageuses en leurs habitz atours & habillemens. Chap. .xxxvii.

ET pource q ue no us avons touché au chap. sideva n t que les dames & damoiselles demoura n s dehors sur le ur s manoirs & heritages doive n t adviser & co n seiller leurs maris de leur estat. C'est assavoir: que plus gra n s ne seront tenus q ue leurs revenues peut fournir. No us semble bon admo n nester a celles q ui saigement veullent vivre & ensuyvre nostre doctrine q u'e lles se veullent garder des sup er fluités & oultrages q ue aucunes fo n t par especial en deux choses venues a cause de grant orgueil q ui court entre plusieurs d'elles quoy que ailleurs soye n t assez com mu n s / mais pource q ue nostre present p ro pos chiet en la matiere & q ue iceulx vices & deffaulx pevent tourner a grant prejudice de leurs ames et ne sont bons ne beaulx mesmes au corps en parlerons / l'ung est des tresoultrageux atours & habitz qu'ilz prennent / & l'autre des harnois qu'ilz font d'aller l'une devant l'autre ensemble sont. Et premierement de ce qui touche aux habitz a declarer q ue celles q ui tant se delictent mesprennent n'est pas doubte q ue par les belles anciennes coustumes les habitz des roynes n'osassent pre n dre les duchesses / ne ceulx des duchesses les co n tesses. ne ceulx des contesses les simples dames / ne ceulx des dames les damoiselles / mais a present que tout est desordonné y pert co m ment tout va. car il n'y a es habitz ne es atours rigle tenu / car qui plus en peut faire de q ue lq ue estat que ce soit soye n t fe m mes ou ho m mes leur semble q u'i lz beso n gne n t le mieulx & tout ainsi q ue les brebis suyve n t l'une l'autre / s'il y a aucu n ho m me ou fe m me q ui voye faire a autre q ue lque oultrage ou desordonnance en habit tantost les autres le suyve n t & dient q u'i l fault faire co m me les autres / mais ilz dient voir il fault q ue ung autre oultrageux suyve ung autre oultrageux. mais se la pl us grant p ar tie des gens estoie n t bien amoderés & de bon sçavoir on ne suyvroit point l'un l'autre en faisant de riens oultraige / ains celluy q ui l'auroit co m mencee en seroit moins prise & demouroit seul en la follie. Je ne sçay q ue lle plaisance ce peut estre & n'est q ue faulte de sens q ui ai n si abuse les creatures / car par telz oultraiges d'estat d'abitz on n'en est de riens mieulx prisé / mais moins de ceulx & celles q ui ont se n s car il n'est plus grant mocquerie q ue de veoir a perso n ne q ui quelque soit grant & oultrageux estat & on scet bien q u'i l ne luy appartie n t ou q u'i l n'y a dequoy le maintenir et le te m ps est ores venu que on ne voit autre chose. Et se telz ge n s ont de la povreté par decoste que mal leur en prengne on ne les doibt pas plaindre car plusieurs en desertent et mettent a povreté par telz oultraiges qui fussent bien ayses se amoderement voulsissent vivre. & plus grant honte y a a plusieurs des debtes q ue souvent so n t a cousturiers peletiers drapiers & orfevres desq ue lz so n t a la fois executés & fault qu'ilz baille n t une robe en gaige pour avoir l'autre. Et dieu scet se on leur salle bien ce qu'ilz prennent a creance & la denree leur couste au double. Et ces choses nous disons pour ceulx & celles q ui le font en cuidant par celle voye surmo n ter leurs voisins. mais ce fait tout l'abondance du gra n t orgueil qui regne au jourd'huy sa n s faille plus que oncques mais / car a nul ne suffit son estat ains vouldroye n t chascun sembler ung roy / & sera force que tel orgueil dieu punisse quelque fois lourdement. car il ne le peut souffrir. Et n'est ce pas grant oultraige voirement & chose sup er flue ce q ue co m ptoit l'autre jour ung taillandier de robes de paris q u'i l avoit fait pour une dame simple qui demeure en gastinois une cotte hardie ou il a mis cinq aulnes a la mesure de paris de drap de brouxelles de la grant moison / et traine bien par terre trois quartiers de queue & aux manches a bonbardes qui vont jusques aux pedz / mais dieu scet se selon cest habit comment large atour & haultes cornes qui est en verité ung tres layt habillement & q ui messiet n'est pas doubte a q ui cler y voit / le moyen est le pl us doulx & le plus plaisa n t: Et cecy est quant aux dames de france / car es autres pays se tie n nent pl us longuement co m muneme n t les coustumes q ue ont ta n t ho mm es q ue fe m mes en le ur s habilleme n s non mye cha n gant de an en an co mm e icy qui va tousjours en croissans oultraiges. Mais encores co m me il nous semble sont plus a priser les habillemens de ytalie par especial & d'aucuns aultres lieux voire quant a la coustange car quoy qu'ilz soyent de plus grant veue couvers de perles d'or & de pierrerie si ne coustent ilz point tant car c'est chose qui dure et se peut mettre de robe a autre. Mais telz oultraiges de draps & de pennes trainans se usent & fault tantost des autres. Et semblablement des atours des testes sont plus beaulx les leurs. Car il n'est au monde plus gracieulx atour a fe m mes que beaulx cheveulx blons. Et ce mesmes tesmoigne assez saint paul qui dit q ue cheveulx est le parement des femmes.

¶ Ce parle contre l'orgueil d'aucunes. Chap. .xxxviii.

Mais l'orgueil de ces habitz dessusditz suyt ung aultre oultraige. certes moult desplaisa n t a qui droit y vise / c'est le harnoys que plusieurs font quant es compaignies a nopces & assemblees de fe m mes d'aller l'une deva n t l'autre / dieu scet les envies qui pour ceste cause sourde n t / & les mautale n s / & mesmeme n t en laisse n t plusieurs y a a acointer l'une a l'autre & faire amytiés ensemble pensant. se je acointoye celle la qui se tient grande il conviendroit que je allasse au dessoubz d'elle & q ue devant moy fust mise / si ne le pourroit mon cueur souffrir. pource n'iray je point en sa compaignie. Et ainsi pour celle cause font plusieurs fe m mes tant estranges l'une de l'autre qu'elles se entreregardent es compaignies par dessus l'espaulle co m me s'elles voulsissent / dire. celle la ne me vault mye. Et ce tour scevent bien faire mesmes a paris assez en est il dont qu'elles soie n t venues mais que leurs marys soyent ung pou montés par quelque office de roy. mais qui pir est encores a parler d'icelles dames & damoiselles ou autres de ce qu'elle en font en l'eglise de dieu auq ue l lieu par especiaulté doit estre eschevé tout peche qui plus est grief & gra n t quant il est fait ou pensé la que autre part / car c'est la place d'oraison au service de dieu le createur. sico m me luymesmes tesmoigne en la saincte evangille. Le harnois q u'e lles font de aller a l'offrande l'une devant l'autre q ui est tel & si oultrageux. Et plus est encores ceste coustume maintenue en picardie & bretaigne q ue en ceste fra n ce. Car on a veu mai n te fois d'aucu n es ta n t oultrecuydees q ue po ur celle cause se p re noyent aux mains en l'eglise mesmes & s'e n trefaisoie n t & disoyent de grans oultrages. Et semblablement de prendre le paix. Mais pis y a que les maleureux maris voire d e telz y a la nourrissent & introduise n t en celle folie & le veulle n t / ou autreme n s se ainsi ne le faisoient ilz se courrousseroyent a elles pensant. Je suis plus gentilho m me q ue tel / si doit ma fe m me aller devant la sienne. Et l'autre repensera. Mais moy suis plus riche ou plus gra n t en office ou pareil. si ne souffriray point q ue sa fe m me prengne l'honneur devant la mienne. Et par ainsi aucuneffois q ue po ur ceste cause mesmes les folz ho m mes s'en entrebatent. Ha dieu quelz oultrages & q ue lle faulte de sens & sa n s faillir on ne deveroit point souffrir entre crestiens telz oultraiges. Et les curés & prestres ou les evesques mesmement qui pl us ont puissance se les simples p re stres n'osent deveroyent deffendre en leurs jurisdicions telles injures faire par especial en l'eglise. Car en verité mieulx vauldroit q ue telles fe m mes fussent en leurs maisons q ue de mener la faitz si oultrageux. Et les p re stres q ui a telz boubans les voyent venir a l'autel par se m blant d'offrir a dieu a elles offrent au prince d'enfer qui est pere d'orgueil se deveroient tourner a n'attendre leur offrende & semblableme n t de la paix on leur deveroit attacher a ung clou & l'alast baiser qui vouldroit. Et sans faille celles do n t nous parlons baisent bien l'oustil que on dit paix / mais pourta n t ne la pre n nent mye ains prennent guerre puis que leur cueur en est en rancune par l'eslevance de grant orgueil Et c'est certes une mauvaise & laide coustume d'ainsi s'entreenvoyer la paix a la messe comme on fait & ung grant destourbier & empescheme n t de devotion car tel l'envoye a ung autre qui auroit grant despit s'il la prenoit Et que vallent donc telz serimonies. Car puis que elle signifie la communion de paix qui doit estre entre crestie n s aussi bien appartient elle aux petis comme aux grans. Et les choses qui so n t de dieu toute personne a qui elles viennent ne les doit refuser po ur envoyer a ung autre. Et vrayeme n t a tout dire telz coustumes sont a reprouver entre crestiens. mais pource q u'i l ne souffist mye dire de sa maladie qui ne touche & parle du remede a la curer qui sans faille pour oster l'enfleure de tel orgueil acoustume a maintenir en ceste maniere / laquelle chose grant charité et bien seroit pour le prouffit des dames de plusieurs* si que ja avo n s touché cy devant que les evesques se penassent d'oster ces laides coustu m es en telle maniere que ilz excommuniassent aprés la deffence to us ceulx & celles qui maintenir le vouldront & grant bien seroit. et a parler des creatures qui se veullent par arrogance eslever en si fais boubans certes grans folye les y co n duyt. Car ho m me se tu veulx bien adviser la misere de ton co m mencement / ou tu es / ou tu yras tu n'auras cause de toy orgueillir. Et se tu veulx dire q ue ce fait gentillesse qui te conduyt & maine a desirer telz honneurs nous te faisons assavoir que il n'est noble si n'a aultre gentillesse ne mais des vertus & des bonnes meurs & se tu ne les suis et as en toy qui que tu soyes ne n'est point gentil ne ge n tillesse. Et se tu le cuides estre folle opinion te deçoit. Et ce mesmes tesmoigne n t tous les sains docteurs qui a ce propos ont parlé en disa n t que celuy n'est pas le plus grant qui pl us est eslevé en estat. mais celuy qui est le plus vertueux. Et sai n t augustin au livre des parolles de nostreseigneur nommeement parlant a vo us . C'est assavoir a ceulx q ui cuident estre nobles seulement pour le sang & ne font force des vertus. O fait il gent deceue par cuider / vous vous delictes en haultesse & estre reputés gra n s & tre n chiés a y mo n ter / mais vous n'en sçavés pas bien le chemin ains vous y forvoyés / car vous cuidés attaindre & monter hault & vous descendés par ce que le premier degré ou voulés asseoir vostre pié est orgueil qui est tresbasse & vile fosse / mais je vous adresseray mieulx au degré par ou on monte se croyre me voulés. C'est le degré d'humilité qui est le premier & puis les autres vertus ensuyva n t & ce par la montés vo us serés tresnobles & yrés tant hault que vo us vouldrés sans que nulle mauvaise fortune vous puist nuyre. Aprés ces choses reste a parler des dames & damoiselles qui demeure n t aux bonnes villes & es cités fermees affin qu'en differe n ce de toutes pensions dire quelque chose qui a l'acroissement de leur bien & honneur puist estre. Si est assavoir qu'il advient aulcunesfois & souvent que les ge n tilz hommes marient de leurs filles a de riches ho m mes demourans es cités & bonnes villes. do n t les ungs sont chevaliers ou officiers du roy. les autres bourgois ou gra n s marchans. Et celles ne sont pas tousjours le pis mariees s'elles le veullent prendre en gré & se oppinion ne les deçoit / mais il advient aucunesfois a d'aucunes par faulte de sens et habondance d'orgueil que elles ne s'en tiennent par pour contentes / par ce qu'elles reputent leurs maris villains envers elles qui est gra n t folie si que ja est prouvé si devant / car nul n'est villain s'il ne fait vilenie ne gentil s'il n'est vertueulx / & pource se elles sont nobles & gentilz femmes le doivent monstrer par bonnes meurs & oeuvres vertueuses. Car si que il est contenu ou livre de ecclesiaste Se tu es grant & tu te humilies de tant croistra plus ta grande ur & ton honneur. Car de tant seras tu mieulx prisé. A propos icelles gentilz fe m mes de tant que plus se humilieront devant leurs marys en obeissance & reverence & la foy que mariaige requiert de tant plus croistra leur ho n neur. Car quoy qu'il appartiengne a toutes femmes la faire encores icelles plus que les autres en seront prisees. Et se es com paignies des autres femmes sont trouvees courtoises humbles & humaines & a leur maisgnie no n trop maistriseuses ne trop curieuses de grant service entour elles & a toutes gens amiables & benignes de honorable port maintien & habit sans oultrage elles seront de bon exemple aux autres fe m mes & dira l'en d'elles ce qui est dit au proverbe commun Qui des bons est souef flaire.

¶ Cy devise des manieres qui appartiennent a dames de religion. chap. .xxxix.

Pource que nous avo n s parlé a la doctrine des dames & damoiselles / auq ue l estat noble les dames de religion de qui qu'elles soyent nees pour reverence de dieu a qui elles sont donnees & mariees pevent bien aller ou renc voire devant toutes a droit juger quant a honneur / pour reverence de leur espoux & d'ordre de religion qui est entre les estatz selon dieu de moult grant hautesse. Et affin que nostre doctrine soit generalle en tous les estatz des femmes parlerons a elles en ramentevant la forme de leur vivre. Laquelle nous disons il est vray / doit estre fondee sur sept principalles vertus desquelles vertus parlerons selon les ditz de jhesucrist & le tesmoignage des saintz docteurs. Et est a entendre que par la louenge des vertus sont les vices blasmes. Car se bien faire est bien il s'ensuyt que mal faire soit mal. Et pource que c'est plaisant chose d'oïr parler du bien et du mal. Nous plaist pour la reverence du sainct ordre tenir ceste forme en cestuy procés. Si disons ainsi a vous dames de religion combien que les leçons de vos status et rigles de tenir et ensuyvir les institucions establies par voz premiers fo n dateurs le vous notent & enseignent assez ne vo us soit grief oÿr de rechief recorder p ar nous vos aymes si vous plaist les principalles vertus qui vous conviennent & sont necessaires / lesquelles so n t sept especialles. C'est assavoir la premiere obedience sur laq ue lle est fo n dee toute ordre. La .ii. humilité. La .iii. sobresse. La quarte pacience. La .v. sollicitude. La .vi. chasteté. La .vii. concorde & benivole n ce. Et d'icelles nonobstant q ue nostre parolle s'adresse a entre vous religieuses doit estre entendu que semblablement y pevent tendre l'oreille toutes femmes & pre n dre ce q ui peut toucher a leur proffit. Et aussi se aucune gouste ou miette en peut cheoir sur les ho m mes ne la vueillent pas despris escourre ne gecter la aval. Car bonne doctrine se peut comparer au bon & loyal amy. Lequel q uan t il ne peut ayder aumoins ne nuyst il point d e ceste vertu d'obedie n ce surquoy religion est fondee ne povons dire plusgrant louenge que ce q ue la sai n cte escripture mesmes en dit de nostreseigneur que il mesmes l'approuvant en sa personne qu'il fut trouvé obedient jusques a la mort. Si est a entendre obedience en trois choses pri n cipalles. C'est assavoir obeir a dieu en tenant ses com mandemens car devant elle ne doit aller quelconque autre puis aux loys establies & aprés a son souverain. Si est doncques ainsi que la religieuse doit souverainement garder les co m mandemens de dieu. Ap s tenir la loy establye de son ordre qui est a entendre les poi n tz & rigles. Et tiercement obeir a son abbeesse ou prieure. Quant est du premier chascun scet assés quiconques trespasse co m ma n demens de dieu il peche mortellement. Mais pource que ordre d e religion est plus digne que autre estat & plus grant degré peche plus mortellement religieux ou religieuse si chiet en pechié que autre ne fait & y a plusieurs causes dont l'une est ja dicte. C'est assavoir pource que ilz sont en plus saint estat tout ainsi que pis seroit le chambellan du roy s'il commettoit quelque crime contre la magesté que ne feroit celuy qui au roy n'auroit foy ne fia n ce ne aucun office. Aprés qu'elles feroie n t contre leurs veulx qui tous touchent que dieu serviront singulierement de toute leur force & qui peche ne le sert pas / ains fait tout le contraire Si devés bien garder entre vous dames que vous ne trepassés nulz des pointz d e vostre ordre. Car durement pecheriés & tel chose a vous seroit pechié qui aux seculiers ne le seroit mye pource que ce seroit contre vos institucions a qui desoberiés. Avecques ce les commandemens de vostre soubz prieure ne vous doibvent estre griefz pensant la grant merite que en obeissant humbleme n t acquerés La deuxiesme vertu est humilité sans laquelle se toutes autres aviés ne pourriés a dieu plaire. Et que ceste vertu soit aggreable a dieu tesmoigne la saincte escripture q ue l'humilité de la vierge marie plus agrea a nostre seigneur que mesmes sa virginité Et comme elle luy fut agreable le tesmoigne elle mesmes en sa chançon de magnificat ou elle dit il regarde l'umilité de son a n celle. Et certes qui vouldroit bien espeluchier & cuillir les loue n ges de ceste vertu d'umilité ce que la saincte escripture en dit seroit si comme une droicte abisme. La tierce vertu est sobrieté en laq ue lle est contenue abstine. Et a demonstrer qu'elle vous soit convenable le certifierons par les parolles de sai n t augustin ou livre aux sainctes vierges ou il dit que sobresse est la garde & tutelle de la pensee du sens & de tout le corps. C'est la custode de chasteté / c'est la voisine de vergongne la compaigne de paix & d'amistié & l'ensevelissement de tous vices. Item oregenes de ce mesmes dit q ue tout ainsi que yvresse est la naissance de tous vices / aussi sobrieté est la mere de toutes vertus. Pacience en la quarte qui pourroit tous racompter les grans biens de ceste vertu. Mais pour tout dire ainsi comme il appert par la vie de nostreseigneur qui en voult estre le droit acteur si pevent appeller les paciens drois filz de dieu. Et pource les appelle l'eva n gille beneurés. Car pour eulx propreme n t est le royaulme des cieulx. La quinte vertu qui a religieuse convient est solicitude ou diligence. Et pour mieulx declarer que elle luy soit convenable sans que nous querons aultres preuves de ceste vertu dit saint hierosme sur le psaultier q u'e lle vint ce qu'il dit & suppedite nature par vertueuse diligence affin que les haulx biens ne te soyent empeschés c'est que tu faces tant q ue tu maistries mesmes le sommeil corporel & tous tes sens lesquelles choses tu peulz faire par diligence. Car mesmes nature peult estre maistrisee et domptee par celle vertu / c'est a dire par grant cure de vouloir attaindre a gouverner selon l'esperit son propre corps / lesquelles choses sont necessaires a bonne religieuse. La sixiesme vertu est chasteté a laquelle se conforme toute honnesteté tant d'abit & atour comme de parolles et de maintien. Si vous deffe n d ceste vertu se a droit la voulés tenir tout vestement & atour ou il ait tant soit petit de mondanité ne curiosité. ains soit tres simple et honneste chascune selon son ordre et est contre aucunes qui veullent estre jolies en leurs vestemens & atours estraintes espinglees / laquelle chose est treslaide & lubre a dame de religion ne plus deshonneste chose a veoir ne nulle autre que femme de religion en habit desordo n nee. Mais encores croist trop plus le mechief quant aucunes veulle n t dancer baler ou jouer a jeux balufres & entre hommes certes se me semble e n nemys ainsi transfigurés ne rie n s n'est plus lait ne plus abhominable que vos parolles se elles se desrivent de la rigle de pureté & d'onnesteté & celles qui se tiennent en tel estat ne pensent pas le contraire que l'ennemy d'enfer ne soit entre elles / Si sont ces choses contre chasteté. Lesquelles pour dieu treschieres amyes ne veullés avoir en vous. Car vous mesleries poison angoisseuse avec miel pour vostre dampnement / mais vous delictes en celle vertu de chasteté de laquelle dit sainct ambroise ou livre de virginité en la louant. Chateté dit il fait d'homme aignel. Car qui la garde il est aignel / et qui la pert il est dyable quil la garde il est citoyen & bourgois de paradis de ceste dit sai n t bernard que tout ainsi que la baulme a proprieté de garder char de pourriture chasteté garde l'ame sans corruption et tient en netteté & conferme la renommee ou bonne odeur. Et pource fut dit de la bonne dame judith louee de tout le peuple tu es la gloire de jherusalem tu es la lyesse d'israel tu es l'honneur de nostre peuple a qui dieu a do n né force d'homme de laquelle tu as ouvré pource que tu as aymé chasteté. La septiesme est concorde ou benivolence laq ue lle est necessaire entre vous et que vous la doyés aymer et tenir chiere en vos couvens comme le droit lien de paix entendés que saint ambroise ou premier livre des offices dit. Benivole n ce fait il est ainsi que la commune mere de tous / car elle couple & ajoint tellement gens ensemble que ilz sont comme freres loyaulx aymans le bien l'ung de l'autre & tristes du co n traire. Et qui osteroit benivolence d'une assemblee de ge n s autant vauldroit que on le ur ostast le soleil. Et puis dist il benivolence est ainsi comme une fontaine qui rassasie ceulx qui ont soif. Benivolence est une lumiere qui luist a soy & a autruy. benivolence engendre paix brise le glaive de courroux elle fait tout ung de plusieurs & a tout dire elle est de si gra n t puissance qu'elle peut par sus nature. Par ces choses povés entendre trescheres dames qu'en vraye loyalle amour devés entendre & vivre ensemble comme seurs en union de paix. Et a tant souffise la deuxiesme partie de ce livre. Cy fine la seconde partie.

¶ Le premier chapitre parle co m ment tout ce qui est dit devant peut toucher aussi bien les unes comme les autres des femmes et de la maniere et gouvernement que femme d'estat doit tenir ou fait de son mesnage. chap. .xl.

Au commencement de ceste .iii. partie suyvant la route des princesses qui devant vont & puis les dames & damoiselles de court & dehors no us convient si que nous promismes parler aux fe m mes d'estat des cités. C'est assavoir a celles qui sont mariees aux clercz gens d e conseil de roys ou de princes ou gardans justice ou en divers offices & aussi a celles qui sont mariees au bourgois des cités & bonnes villes qui en aucuns pays sont appellees nobles qua n t ilz sont de lignages anciens. Et aprés dirons aux autres estatz des femmes / affin que toutes se sentent de nostre doctrine. Et si que ja avons touché plusieurs fois cy devant c'est nostre entente que tout ce que recordé avons aux autres dames tant es vertus comme au gouvernement de vivre en ce qui peult a chascune femme appartenir de quelque estat qu'elle soit / soit aussi bien dit pour les unes q ue pour les autres si peut chascune prendre telle piece qu'elle voit q ui luy appartient. et ne vueille mye faire comme aulcune folz ou folles qui sont trop aises quant ilz sont au sermon & le prescheur parle sur la charge d'aucun estat qui ne leur touche & trop bien le notent & dient qu'il dit vray & que c'est bien dit. mais quant vient a ce qui leur peut appartenir ilz baissent la teste & cloe n t les oreilles / & leur semble qu'on leur fait grant tort de en parler & ne pre n nent point garde a leurs faictz / mais ouy bien aux autres. Et pource le saige prescheur doit trop bien adviser q ue lz estatz de ge n s a a son sermon & s'il parle bien aux ungz doit si bien toucher les autres que l'ung ne se puisse mocquer de l'autre ne murmurer. Si dirons doncques ainsi de rechief nous troys vertus comme dessus disons a vous femmes d'estat & bourgoises de cités & bo n nes villes q ue l'oreille vueillés tendre sur les enseignemens q ui vo us pevent appartenir principallement sur .iiii. quoy qu'ilz soyent ailleurs touchés aprés ce q ue nous supposo n s que ja vers dieu soyés bonnes & devotes / mais a ce q ui touche prudence mo n daine l'un des quatre. Et le premier est a ce qui appartient a l'amour & foy que devés avoir a vos maris / et comment vers eulx vous vous devés porter. Le second point au fait du gouverneme n t de vostre mesnaige. Et le tiers touche vos vestures & habillemens. Le quart comment vo us garderés de blasme et de cheoir en diffame Et quant au premier qui est de l'amour & foy que debvés a vos parties / et comment vers eulx vous appartient a gouverner soyent vos maris vielz ou jeunes bons ou mauvais paisibles ou rioteux de petite loyaulté vers vous ou preudhommes affin que ne redisions ce que deva n t est ja dit / mais vous envoyro n s cercher au tresiesme chapitre de la premiere p ar tie de cestuy livre ou la en est assés a plain desclairé. Mais avec ce affin que plus vous embellisse a tenir vers eulx les manieres qui vous pevent touchier qui la sont devisees vo us reduirons a memoire trois biens qui de vous gouverner bien et saigement vers eulx qui qu'ilz soyent et leur garder la foy et loyaulté promise tenir en bo n ne paix et en toutes choses faire vos devoirs vous peut venir. L'ung est grant merite a l'ame que acquerés faisa n t vos devoirs L'autre est grant ho n neur au monde. Et le tiers est que on a veu maintes fois et voit on souvent que quoy que plusieurs riches hommes de plusieurs et divers estatz ayent esté / et soyent merveilleux a leurs femmes en tous temps / que quant vient a la mort que conscience les reprent et advisent le bien de leurs femmes qui si bo n nement les ont supportez et le tort q u'i lz ont eu vers elles que ilz les laissent dames et maistresses de tout qua n t qu'ilz ont vaillant. Le second point de nostre enseignement et doctrine que avons dit qu'il vous convient qui touche au faict de mesnage / c'est que vous devés mettre grant cure et diligence de distribuer saigement et mettre au prouffit les biens et la chevance q ue vos maris p ar leur labour office ou rente amainent ou pourchassent a l'ostel. Et est l'office de l'homme d'acquerre & faire venir en la maison les provisions / et les femmes les doivent ordonner et dispenser par bo n ne discrection & ordre convenable sans trop gra n t escharceté. Et aussi bien se doit garder de folle largesse Car c'est ce qui vuide et desemplit la bource et met la personne a povreté Bien adviser en toutes choses que degast ne excés n'en puisse estre faict ne s'en attendre mye du tout a la mesgnie. Ainçois elle mesmes estre dessus & s'en prendre souvent garde & de ses choses vouloir avoir le co m pte. Ceste saige dame ou mesnagiere se doit congnoistre en toutes choses de mesmeme n t en appareiller a me n ger affin qu'elle le sache ordonner & commander a ses serva n s ou serva n tes parquoy elle puist tousjours garder la paix de son mary s'il semons gens d'honneur en son hostel / si doibt ellemesmes se besoing est aller en la cuysine & ordonner comment ilz seront servis / doit bien garder que son hostel & sa maison soit tenue nettement & toutes choses en leur place & par ordre. ses enfa n s bien enseignés & endoctrinés ne quoy que qu'ilz soye n t petis que on ne les oye point mignoter ne aussi mener grant noise. soyent netteme n t tenus & riglement gouvernez ne que drappeaulx a nourrices ne riens qui leur appartie n ne ne traine point aval l'hostel / doit estre songneuse que son mary soit nettement tenu en robes & aultres choses. car le nect adornement du mary est l'ho n neur de la femme qui soit bien servy & sa paix gardee / & quant il vient a l'hostel po ur prendre son repas que tout soit prest & ordonné tables & dressoir selon l'estat / & s'elle veult user de prudence & avoir les loz du mo n de & de son mary s'il est ho m me de bien luy soit a toutes heures faire bonne chiere affin que s'il advient qu'il soit aulcunement troublé en couraige sico m me en diverses choses que les ho m mes ont affaire livre n t aucunesfois mains desplaisirs qu'elle luy puisse par son gracieux accueil faire aulcunement entreoublier. Car n'est point de doubte que c'est grant recreation a ho m me de bien qua n t il vient en son hostel & s'il a quelque ennuy en pensee & treuve sa fe m me qui saigement & gratieusement l'acueille & c'est bien raison q ue ainsi soit faict. Car celluy qui pourchasse le vivre & l'estat. & qui en a la peine & le soussy ne peut au moins que d'estre bien acueilly en son hostel ne doit point ceste femme tencier / rechigner ne rioter sa maisgnie a table. mais s'il y a aulcune chose q u'i lz ayent faict mal a point les doit reprendre en briefves parolles sans tenço n s. Car a refection laquelle doit estre prinse joyeuseme n t est trop dure chose a oÿr celle note: Et se son mary est mauvais ou rioteux le doit appaiser a son povoir par belles parolles ne luy enquerre point de ses besongnes ne autres choses aucunement secrettes a tables ne devant mesgnie. mais a part et en sa chambre. Ceste saige mesnagiere avec ce que dit est sera songneuse de lever matin. Et quant elle aura ouÿ messe & dictes ses devotions & retournee a son hostel co m mandera a ses ge n s de ce q ue besoing sera puis se prendra a faire aucu n e bo n ne oeuvre ou a filler ou a couldre q ue lq ue autre chose. Et quant ces cha m berieres auront fait leur mesnaige vouldra q ue se m blableme n t facent / ne filles ne fe m mes ne ellemesmes ne vouldra veoir ne souffrir nulles heures oyseuses / elle achetera du lin a bon marché aux foires / fera filler en ville aux povres fe m mes mais se garde bien q ue leur peine elle ne retiengne par quelque engignement ou par sa maistrise. car elle se da m neroit ne ja a son proffit n'iroit. Si fera faire toilles grosses & deliees nappes & touailles & autres li n ges & de ce sera tressoigneuse. car c'est le plaisir naturel aux fe m mes q ui n'est lait ne villain mais ho n neste & licite si fera ta n t q ue elle aura de tres beau linge delié large a parer & bien ouvrer. Si le tiendra blanc & souef flairant bien ployé en coffre & de ce sera tressoigneuse si en seront servis les gens d'honneur q ue son mary amenera dont elle sera prisee & louee. Ceste saige femme prendra bien garde que rie n s ne pourrisse aval son hostel / & ne voise a gast dequoy povres se peussent aucunement ayder / ne q ue relief n'y endurcisse robbes ne soyent mengees de vers si les fera do n nera aux povres. Mais s'elle ayme le bien de son ame & la vertu de charité ne fera pas seulleme n t de ce ses aulmosnes mais du vin de sa propre boisson & de la viande de sa table aux povres acouchees a malades ou a ses povres voisins souventesfoys & ce fera elle de bon cueur s'elle est saige & a dequoy. Car c'est tout le tresor qu'elle emportera ne ja plus povre n'en sera / mais toutesvoyes elle doibt bien regarder a qui & que par discretion soit faict avecques ces choses ceste femme sera saige gracieuse c'est adire de plaisant chere honneste a couvert langaige accueildra & recevra les amys & acointes de son mary / elle parlera beau a toutes gens. se fera aymer de ses voisins leur fera compaignie & amytié se besoing en ont / ne fera refus de prester petites chosettes ne a ses maisgnies ne sera male mauldisant ne disant villennie ne tout le jour rioter pour ung beau neant: mais les reprendra voirement quant ilz mesprendront / & menacera de les mettre hors s'ilz ne s'amendent mais ce sera sans to n ner ne mener grant harou si que on ne l'oye de loing. Sico m me aulcunes folles font a qui il se m ble q ue parestre bien malles & tencer fort a le ur s maris & a leur mesgnie de nea n t q ue on les tiendra a sages & bo n nes mesnagieres & a faire bien les embeso n gnees de pou de chose & trouver p ar tout a redire & toute jour caqueter / mais ce mesnaige la nest poi n t de nostre doctrine. Car nous voulons que nos disciples soyent en tous le ur s faitz saiges / & nul sens ne pourroit estre sans attrempance laq ue lle ne demande malice ne felonnie ne trop de langaige qui est chose qui moult messiet a femme.

¶ Cy devise comment femmes de estat doivent estre ordonnees en leur habit / et comment se garderont de ceulx qui tache n t a les decevoir. chap. .xli.

Le tiers point que voulo n s notifier a entre vo us femmes d'estat de bo n nes villes & aux bourgoises / lequel touche vos vestures & habilleme n s est qu'en iceulx ne vueillés point estre oultrageuses tant es coustumes comme es façons. & y a .v. especialles raiso n s qui vous doive n t mouvoir a vous en garder. L'une que c'est pechié & chose qui desplaist a dieu d'estre ta n t curieux ou curieuse de son corps La .ii. que de faire oultrage on n'en est ja plus prisié / mais mains / ains que ailleurs est ja dit. La .iii. que c'est gastement d'argent apovrisseme n t & vuidenge de bource. La quatriesme que on do n ne mauvais exe m ple a autruy / c'est assavoir cause de ainsi faire ou plus. Car il se m blera a une dame qui verra a une damoiselle prendre si grant estat ou a une bourgoise que de tant qu'elle est plus grande devera encores plus croistre son estat / & c'est ce qui fait tous les jours multiplier & croistre les estatz & les boubans par ce que chascun tend tousjours a surmonter l'autre / dont maintes gens sont grevés & apovris en france & autre part. La cinquiesme que on donne p ar desordo n né & oultrageux habit occasion a aultruy de pechier ou en murmuration ou en couvoitise desordonnee / qui est chose qui trop desplaist a dieu. Et pource chieres aymees veu q ue ce ne vous peut rie n s valoir & beaucoup nuire ne vo us vueillés en telles faulcetés trop delicter / non pourta n t c'est bien droit que chascune porte tel habit & estat que appartie n t a son mary & a elle / mais s'elle est bourgoise qu'elle se porte telle co m me une damoiselle et la damoiselle co m me une dame / et ainsi de degré en degré monstant sans faire c'est chose hors ordre d e bonne police en laquelle s'elle est bien ordonné en quelque pays que ce soit toutes choses doivent estre limitees. Or vient a parler du quatriesme point qui est co m me vous vous garderés de blasme & de cheoir en diffame. Auquel point se peult encores touchier le faict de voz habillemens tant en l'oultraige du trop grant coust comme en la maniere des faço n s en ceste maniere il est assavoir que poso n s que une femme soit de tresbonne voulenté & sans mauvais fait ne pensee de son corps si ne le croyra pas le monde puis que desordonnee en habit on la verra & seront fais sur elle mains mauvais jugemens q ue lque bonne qu'elle soit Si appartient doncques a toute femme qui veult garder la bonne renommee qu'elle soit honneste & sa n s desguisure en son habit & habilleme n t non trop estraincte ne trop grans colletz ne autres façons malhonnestes ne grant trouveresse de choses nouvelles par especial constances & non ho n nestes Et avec ce la maniere & contenance y fait moult. Car si que ja est touchié cy deva n t il n'est riens plus desseant a femmes que laide maniere & mal rassise / aussi ne chose plus plaisant que belle contenance & coy maintien quoy q u'e lle soit jeune doibt estre en ses jeux & ris attrempee & sans desordonnance a les sçavoir prendre par appoint si qu'ilz soyent bien seans & le parler sans mignotise mais soit propre & doulx ordonné & attrait en regard simple tardif & non vague & joyeuse par apoint. Mais ensuyvant la matiere de dessus est assavoir que avec le mauvais la n gaige & blasme qui peult sourdre a femme par habit desordonné & par maniere mal honneste y a ung autre plus perilleux inconvenient c'est l'amusement des folz hommes qui pevent penser q u'e lle le face pour estre couvoitee & desiree par folle amour. Et elle par adventure n'y pensera / ains le fera seullement pour la plaisance de soymesmes & par sa propre condition qui luy enclinera. Si y a des hommes de mains estatz qui tacheront par grant diligence a les attraire en les poursuyva n t par divers semblans & moult s'en peneront. Mais que doit faire la saige femme qui cheoir ne veult en blasme & qui bien est advisee que de tel amour ne peut venir que tout mal prejudice & deshonneur parquoy nulle voulente n'a d'e n tendre a telz musars & ne veult mye faire comme aucunes musardes a qui trop bien plaist que on les poursuyve par grans semblans & leur semble belle chose de dire si suis aymee de plusieurs c'est signe que je suis belle & qu'il y a en moy assez de bien. Je n'aymeray nul pourta n t / mais a to us feray bo n ne chere / & auta n t y aura l'ung que l'autre et tous les tiendray en parolles. ceste voye n'est mye de garder l'honneur ains est impossible que longueme n t soit maintenue par femme qui qu'elle soit q ue n'en chee en blasme. Et pource la sage dessusdicte si tost qu'elle aperçoit par aucun signe ou semblance que quelque ho m me a devers elle pensee elle luy doit donner toutes occasions de s'en retraire en manieres parolles et se m blans & tant faire qu'il app er çoive q u'e lle n'y a courage ne n'y veult avoir. Et s'il advient qu'il luy die elle luy doit respondre & dire sur ceste forme et maniere. Sire se vous avés a moy pensee vueillés vous en retraire / car je vous prometz & jure ma foy q ue en tel amour n'ay mon intencion ne n'auray jour de ma vie de ce puys je bien jurer / car de ce suis je bien affermee en tel voulenté qu'il n'est homme ne chose nulle qui oster m'en peust & toute ma vie d e moureray en ce point de ce soyés vous certain si perdriez vostre peine tant plus vous y museriés / & vous prie tant co m me je puis que ne me faciés plus telz sembla n s ne disiés ces parolles q ue en bo n ne foy je y prendroye grant desplaisir & me garderoye a mon povoir d'aller ou vous seriés. Si le vous dy une fois pour toutes et croyés fermement que jamais en autre propos ne me trouverez & a dieu vous dy. Ainsi en brief & sans longuement escouter doit respondre la bonne & saige jeune femme qui ayme son honneur a tout ho m me qu'il la prie & avec ce que aussi soyent les semblans pareilz aux parolles. C'est assavoir que de regard ne de maintien ne face aucun semblant parquoy y puisse nullement penser q ue jamais y puist advenir. Et s'il y envoye dons quelz qu'ils soyent que elle garde bien que nulz n'en prengne Car q ui don prent se ve n t Et s'il advient que aucune personne luy en face quelque messaige que elle die expressement & a rechinié visaige que jamais pl us ne luy en parle. Et se chamberiere ou varlet qu'elle ait s'en hardist a luy dire q u'e lle ne le tiengne point en son hostel. Car tel maisgnie n'est pas seure si treuve voye par bonne maniere de le mettre hors pour quelque aultre achoison sans noise & sans tençon / mais garde bien co m ment qu'il soit que a son mary ne le dye. Car quelque bonne voulenté qu'elle ait le pourroit mettre en tel frenaisie q ue ne l'en osteroit pas quant elle vouldroit & est trop grant peril et aussi n'en est nul besoing s'en garde sagement et s'en taise Car n'en sera ja homme si en grant que s'elle veult au long aller par tenir saiges manieres qu'il ne s'en retraye ne aussi dire ne le doit a voisin ne a voisine ne autre / car parolles sont raportees p ar quoy il advient aucunesfois que hommes contreuvent mauvaisties sur les femmes par despit de ce qu'ilz sont refusés & que ilz scevent qu'elles en parlent ou ont parlé. Si ne griefve rie n s taire la chose dequoy on ne peut de riens mieulx valoir la dire. Et n'est point belle vantance a femme. Avec ce femmes qui se veulent garder de blasme se doibvent garder d'aler en compaignies qui ne soyent bonnes & ho n nestes ne en assemblees faictes en jardins ou en autres lieux par prelatz ou par seigneurs ou autres faictes soubz quelque umbre ou couverture de festoier gens & q ue ce soit pour autre machinatio n de quelque broullerie ou par elles ou par autres. Et posons que une femme saiche bien que pour elle ne soit faicte telle assemblee / si se doit elle bien garder qu'elle ne face umbre a autre. Car cause seroit du mal & du peché si n'y doit aller se elle le scet ou aucun souppeçon y a / & ains qu'elle voise nulle part si elle est saige doit bien adviser ou avecques co m me n t et que doit estre ou elle va ne de trouver ses pelerinages hors la ville a faire pour aller quelque part jouer / ou mener la galle en quelque compaignie joyeuse n'est fors peché & mal a qui le fait. Car c'est faire de dieu umbre & chape a pluye ne sont point bons ne aussi tant aller trotant par ville a jeunes femmes au lundy a saincte avoye / au jeudy je ne sçay ou. au vendredy a saincte katherine & ainsi es autres jours si aucunes le font n'en est ja grant besoing non pas que nous vueillons empescher le bien a faire. Mais sans faille veu le peril de jeunesse la legiereté et la grant couvoitise que hommes ont communement a attraire femmes et les parolles qui tost en sont levees & a pou d'achoison est le pl us seur mesmes po ur le prouffit des ames & l'honneur du corps estre coustumieres de ta n t troter ça & la. Car dieu est par tout q ui exaulce les oraisons des devotz deprians ou qu'ilz soyent & qui veult q ue toutes choses soyent faictes par discretion & non mye du tout a voulenté. Aussi de baigneries d'estuves et de commerages trop hanter a femmes & telz compaignies sans necessité ou bo n ne cause ne sont que despens superflus sans quelque bien que en peust venir. Et pource de toutes telles choses & d'autres semblables: femme si elle est saige qui aime honneur et eschever veult blasme se doit garder.

¶ Cy devise des femmes des marchans. Chapitre. xlii.

Desormais or viendrons a parler des marcha n s C'est assavoir de fe m mes aux ho m mes qui se meslent de marchandises dont a paris & ailleurs a d e moult riches et desquelz les fe m mes portent gra n t & cousteux estat & plus hault en aucu n es autres contrees & villes q ue a paris sico m me a venise a jennes a flore n ce a lucques avignon & autre part Mais iceulx lieux nonobstant que nulle part ne soit oultrage mieulx soit a excuser ce que elles ne sont que en ces parties de fra n ce ne seroit pource q u'i l n'y a pas tant de differences des haulx estatz comme a paris & ceste part / c'est assavoir roynes et duchesses contesses & autres dames & damoiselles parquoy les estatz sont plus differenciés Et pource en france qui est le plus noble royaulme du monde et ou toutes choses doivent estre les plus ordonnees selon qui est contenu des anciens usaiges de france n'appartie n t point quoy qu'elles facent ailleurs si que ja est plusieursfois touché devant que la femme d'ung laboureur de plat païs porte tel estat que la femme d'un ho m me d'ho n neste mestier de paris ne celle d'ung homme co m mun de mestier comme une bourgoise / ne une bourgoise co m me une damoiselle ne la damoiselle co m me la dame ne la dame co m me une contesse ou duchesse / ne la contesse comme la royne / ains se doit chascune tenir en son propre estat & ainsi qu'il y a difference & maniere de vivre des gens doit avoir es estas / mais ces rigles ne sont mye bien gardees aujourd'uy ne maintes autres bonnes qui y souloyent estre. Et pource y pert a l'effect qui ensuyt. Car sans faille oncques les orgueilz ne les estatz n'y furent en toutes manieres de gens depuis les gra n s jusques aux moindres si oultraigeulx que ores sont & ce peut on veoir par les croniques & a n ciennes histoires. Et pource q ue nous avo n s dit qu'en ytalie encore les fe m mes portent pl us gra n t estat quoy q u'i l soit vray ne sont ilz poi n t de si grans frais qui si endroit sont a tout regarder veu les compaignies & boubans en maintes manieres & choses q ue elles font esq ue lles aussi bien q ue es robes / chascune s'efforce de surmo n ter l'une l'autre. Car puis q ue nous so m mes a parler des marcha n des ne fut ce pas voirement grant oultraige a celle femme de marcha n t de vivre voire co m me marcha n t n'est mye comme ceulx de venise ou de jennes qui vo n t oultre mer & par tout païs ont leurs facteurs achete n t en gros & fo n t gra n t faitz. Et puis se m blableme n t envoyent leurs marchandises en toutes terres a grans fardeaux / et ainsi gaignent grans richesses & telz sont appellés nobles marcha n s mais celles dont nous disons achatte en gros & vent a detail po ur quatre soubz de denrees se besoi n g est ou pour plus ou pour moi n s quoy qu'elle soit riche et portant grant estat & assés de telles y a q ue elle fist a une gesine d'ung enfant que elle eut n'a pas longtemps Car ains que on entrast en sa chambre on passoit par deux aultres chambres moult belles ou il avoit en chascune ung gra n t lit de parement bien & richement encourtiné. Et en la deuxiesme ung grant dressoir couvert co mm e ung autel tout chargié de vaisselle d'argent blanche. Et puis de celle on entroit en la chambre de la gisant laquelle estoit gra n de et belle toute encourtinee de tapisserie faicte a la devise d'elle / ouvree tresrichement de fin or de chippre le lit grant & bel encourtiné tout d'ung parement / et les tappis d'entour le lit mis par terre sur quoy on marchoit to us parelz a or ouvrés les grans draps d e parement qui passoient plus d'ung espan par soubz la couverture de si fine toille de rains que ilz estoient prisez a trois cens frans & tout par dessus ledit couvertouer a or tissu avoit ung autre grant drap de lin aussi delyé que soye tout d'une piece et sans cousture / qui est une chose nouvellement trouvee a faire et de moult grant coust que on prisoit deux cens frans et plus qui estoit si grant et si large que il crouvroit de tous lez le grant lit de parement / et passoit le bort dudit couvertouer qui traisnoit de tous les costés. Et en celle chambre avoit ung grant dressouer tout paré couvert de vaisselle doree. En ce lit estoit la gisant vestue de drap de soye taint en cramoisi appuyee de grans oreillees de pareille soye a gros boutons de perles / atournee comme une damoiselle et dieu scet les autres sup er flus despens de festes / baigneries de diverses assemblees / selon les usaiges & coustumes d e paris a acouchees / les une plus que les autres qui la furent faictes en celle gesine / et pource que cest oultraige passe les autres quoy que on en face plusieurs grans est digne d'estre mis en livre. Si fut ceste chose raportee en la cha m bre de la royne dont aulcuns dirent que les gens de paris avoie n t trop de sang dont l'abondance aucunesfois engendroit plusieurs maladies. C'estoit a dire que la grant abondance des richesses les pourroit bien faire desvoyer. Et pource seroit leur mieulx que le roy les chargast d'aulcun aide emprunt ou taille parquoy leurs femmes ne se allassent pas comparer a la roine de france gueres plus n'en feroit. Si sont telz choses desordonnees & viennent de presumption & non de sens / car ceulx & celles qui les font en acquierent non mye pris / mais despris / car quoy qui prennent les estatz des haultes dames ou des princesses si ne le sont elles pas ne on ne les y appelle pas. ains ne perde n t point le non de marchandes ou femmes de marchans voire telz que on les appelleroit en lombardie non mye marchans / mais revendeurs / puis qu'ilz vende n t a detail. Si est trop grant folie de revestir d'aultruy habit quant chascun scet bien a qui il est c'est a entendre de prendre estat qui appartient a aultre non mye a soy / mais se ceulx et celles qui telz oultrages font soit en habit ou estat laissoient leur marcha n dise & prensissent du tout les gra n s chevaulx & les estatz des seigneurs leur estre s'ensuyvroit mais c'est trop sotte chose de n'avoir pas honte de vendre ses denrees & faire sa marchandise & avoir honte de porter l'abit. Voire qui est bel grant & honneste q ui a droit si maintient & est l'estat de marchant bel & honnorable en france & en tous païs. Si se pevent telz ge n s appeller gens desguisés & ne disons mye pour les amenuisés d'honneur / car ainsi que dit est estat de marchant est bel & bon qui a droit le maintie n t ai n s le disons en bonne entente affin de donner conseil & advis aux fe m mes a qui nous parlons d'elles garder de telz superfluités qui bo n nes ne sont a corps ne ame & pevent estre cause que leurs maris soient chargés d'aucun nouvel subside. Si est leur meilleur & le ur plus grant sens que leurs habitz propres chascune selon soy qui sont beaulx riches & ho n nestes portent sans prendre autres poso n s que riches soient. Ha dieu que pevent telz gens faire de bien certes se ilz theraurisoient au ciel selon l'admonnestement de l'euva n gille ilz seroient bien conseillés / car ceste vie est tresbriefve & celle est a tousjours si que ja est dit devant si seroit pour eulx bonne espargne pour le temps advenir que de leurs tresgra n s richesses departissent aux povres par vraye charité & si fo n t les plusieurs n'est pas doubte il est bien besoing car par celle bonne noble vertu de charité que a tant aggreable dieu / pevent achater le cha m p dont l'eva n gille parle en parolle ou est le grant tresor mucié c'est la joye de p ar adis: Et ung noble mot d'icelle saincte vertu dit leon pape au sermon de l'apparicion ou il dit tant tresgra n de est la vertu de charitable misericorde q ue sans elle les autres vertus ne peve n t proffiter / car combien que aucune creature soit abstine n t se garde de peché soit devot & ayt toutes autres vertus sans icelle q ui faict les autres valoir tout est nea n t / car au derrain jour du jugeme n t elle sera portant la baniere deva n t toutes vertus pour ceulx qui en ce monde l'auront exercee & aymee qui les conduyra en paradis & confondra ceulx nostre seigneur en qui elle n'aura esté trouvee donnant sa diffinitive semence ce nous tesmoigne le texte de l'evangille. Si vous povez par celle voye saulver entre vous riches fe m mes voire en vo us gardant de fraudes & de baratz en voz marchandises contre voz prouchains.

¶ Cy devise des femmes veufves vieilles & jeunes. Chap. .xliii.

Pour entendre nostre oeuvre plus acomplie au proffit de tous les estatz des fe m mes p ar lero n s aux vefves des co m muns estatz quoy q ue dessus ayo n s dit en l'estat des princesses dirons en telle maniere. Cheres amys nous mues par pitié d e vous cheues en l'estat de vefveté par mort q ui despoullés vo us a de voz maris q ui q u'i lz soient ou fussent auq ue l piteux estat so n t livrees com muneme n t maintes angoisses & assez d'e n uieux affaires: mais c'est en diverses manieres. Car a celles q ui sont riches d'u n e guise & a celles q ui mye ne le so n t en une autre. Si est livré meschief aux riches par ce q ue on bee com muneme n t a leur oster & aux povres ou a celles q ui ne so n t mye riches p ar ce q ue en leurs affaire ne treuvent pitié sico m me en nulluy. Si y a avec la douleur q ue avez d'avoir perdu voz p ar ties q ui assez deust souffrir trois principaulx maulx qui moult generaulme n t soient povres ou riches vo us co n vie n t sus. L'ung qui est ja touchié est que vo us trouvés co m munement durté pou de pris & de pitié en toute personne & telz vous souloyent ho n norer ou te m ps de voz maris q ui officiers ou de grant estat estoye n t qui ores en fo n t pou de compte & pou les trouvés amys. Le deuxiesme mal dequoy estes assaillies est de divers plais & demandes de plusieurs gens en faitz de debtes ou de chalenges de terres ou de rentes. Et le tiers est le maulvais langaige des gens que de co m mun cours est enclin a vous courroseure si q ue a peines sçaurés si bien faire que on n'y trouve a redire. Et pource que vous avez besoing d'estre armees de bon sens co n tre ces pestilences & de toutes autres qui advenir vous pevent nous plaist vous admo n nester de ce qui vous peut estre vaillable combien que peult estre que en avo n s ailleurs parlé mais pource qu'il eschiet a propos de rechief le ramentrons. Quant a la durté que vous trouvés en toute gent communement qui est le premier des trois dessusditz maulx y a aussi trois remedes: L'ung q ue tout premierement vo us tourniés vers dieu qui ta n t veult souffrir pour creature humaine. & se bien y pensez ce vous apprendra a estre patientes qui est chose qui bien vous a besoing / & vous conduyre en point se bien y mettés le cueur que pou tiendrés de compte du pris & de l'honneur du monde. Car ores a primes pourrés apprendre comme n t les choses du monde sont tournables. Le deuxiesme remede est que il convient que vous disposez vostre cueur a estre doulces & benignes en parolles & en reverence a toute gent si que par celle voix vous matiez & flechissiés les couraiges des felons et par doulces prieres & humbles requestes. Item le troiziesme remede est que non obstant les dessusdictes choses & q ue en parolles habitz & contenance soyent doulces humbles que vous advisiés p ar bonne prudence & saige gouvernement comme n t vous vous deffendrés & garderés de ceulx qui trop vous vouldront fouller. C'est assavoir que vous escheviez leurs compaignies n'avoir q ue faire avecques eulx se vous povez vous tenir closeme n t en voz hostelz ne prendre debat a voisin ne a ung ne a autre ne mesmes a varlet ne chamberiere / tousjours parler bel et garder vostre droit / & par ainsi faire & par pou vous mesler avecques diverses gens se besoi n g ne vous en est / escheverés que vous ne soyez foullees ne suppeditees par autruy. Au fait des plais ceulx qui vo us assauldront qui est le deuxiesme mal debvés sçavoir que eschever debvez plait et procés le plus que vous povez. car c'est chose qui trop peut grever femme vefve pour plusieurs raisons. L'une qu'elle ne se congnoit & est simple en telz choses. L'autre qu'il co n vient qu'elle se mette en dangier d'aultruy pour faire solliciter ses besongnes & gens sont communement mal dilligens des besongnes aux femmes & voulentiers les trompent & mettent en despe n s huyt solz pour six. Et l'autre qu'elle n'y peut a toutes heures aller comme feroit ung homme. Et pource est le meilleur conseil qu'elle laisse avant aller aucune partie de son droit mais que ce ne soit a trop gra n t oultraige q ue elle si fiche & se doit metre en to us ses devoirs offrir raisonnables offres par bon conseil de ce qu'on luy demande ou s'il fault q u'e lle soit demanderesse qu'elle pourchasse avant le sien courtoisement & regarder se par aultre voye ou moyen le pourra traire. Se on l'assault par debtes regarder q ue lle action & quelle cause les demandeurs ont. Et posons toutesfois qu'il n'y ayt lettre ou tesmoingtz se sa conscie n ce sent que quelque chose soit deue garde soy bien q u'e lle ne retienne le droit d'autruy car elle chargeroit l'ame de son mary & la sie n ne & dieu luy sçauroit bien envoyer tant de pertes au feur l'emplaige d'autre costé que la perte doubleroit. Mais se saigement se scet garder des cauteleux qui demandent sans cause elle fait ce qu'elle doit Mais se a toutes fins co n vient qu'elle entre en procés doit sçavoir que troys choses principalles sont necessaires a toute personne qui plaide. L'une est ouvrer par conseil des saiges coustumiers & clercz bien aprins es sciences de droit & de loys / l'autre est grant soing & gra n t dilligence de soliciter la cause / & l'autre est avoir argent assez po ur ce faire. car sans doubte se l'une de ces trois choses faillent quelq ue bonne cause que la personne ayt en peril sera de la perdre. Si est mestier a la femme vefve en ce party qu'elle se tire vers les anciens coustumiers les plus usaigiers de diverses causes & non mye devers les plus jeunes leur monstrer sa raison ses lettres & tiltres entendre bien ce q u'i lz diront ne leur cele riens de ce qui peut appartenir a la cause / soit pour elle ou contre elle. Car conseiller ne la pevent fors par ce qu'elle leur dit & se leur conseil plaide ou accorde aux parties par leur advis / mais se en procés entreface diligence & paye bien / si en sera meilleure sa cause. Si luy convie n dra bien pour ces choses faire et pour resister a tous les aultres ennemys se a chief en veult venir qu'elle prengne cueur de homme / c'est assavoir constant fort & saige pour adviser & pour poursuyvre ce qui luy est bon a faire non mye comme simple fe m me s'acrouppir en plours & en larmes sa n s autre deffence. comme ung povre chien qui s'aculle en ung coingnet & to us les autres luy courent sus. Car par ainsi faire entre vous femmes trouveriés assez de gens sans pitié qui le pain vous osteroyent de la main et vous reputeroit on ygnarans & simples / ne ja pource plus de pitié ne trouveriés en ame / si ne devés pourtant ouvrer de vostre teste ne en vostre sens vous fiez. Mais tout par bon conseil par especial es grans choses q ue vous ne sçavez. Et ainsi p ar telle voye vous devez gouverner entre vo us vefves en voz affaires c'est a entendre celles q ui sont ja d'aage & q ui plus nourir ne se veullent. car quant des jeunes il app ar tient q u'e lles soyent gouvernees par leurs parens & amys tant q ue remariees soyent se tie n nent doulcement & simpleme n t avec eulx & en tel guyse que maulvaise reno m mee n'en puisse saillir car ce seroit l'achoison de faire perdre leur bien & ava n cement. Le tiers remede contre les trois maulx dessusditz aux fe m mes vefves q ui sont au dangier du mauvais langaige des ge n s est q u'e lles se doivent garder en toutes manieres de non do n ner occasion de mal parler sus elles en contenances maintiens & habitz qui doibvent estre simples & honnestes coyes doubteuses du fait de leur corps qu'on ne puisse en mal murmurer. ne soyent trop acointables ne privees a ho m mes que on voye frequenter souvent en leur maison s'ilz ne sont leurs parens. & encores que ce soit fait discretement ne beau pere prestres ne freres pou ou neant quelq ue devote qu'elle soit: Pource q ue le monde est tant enclin a dire mal & se garder de tenir mesgnie ou l'en puist avoir aucu n e suspecion ne moult grant priveté ne familiarité quelque bons qu'elle les saiche / ne quoy que a nul mal n'y pensast ne leur face ne au fait de sa despence affin qu'on n'en puist parler & aussi pour mieulx garder le sien ne tie n gne trop grant estat ne en ge n s ne en robes ne en via n des car c'est droit estat de fe m me vefve estre sobre & sans superfluités de quelque chose. Et pource que en l'estat de veufveté a tant de durté pour les femmes sico m me nous disons & il est vray pourroit se m bler a aulcu n es gens q ue doncq ue s seroit leur meilleur q ue toutes se remariassent. Si pourroit a ceste question estre respondu q ue s'il estoit ainsi q ue en la vie de mariage eust tout repos & paix vrayement seroit se n s a fe m me de s'i rebouter mais parce qu'on voit tout le contraire le doit moult eslongner toute femme quoy que aux jeunes soit chose comme de necessité ou tresconvenable. Mais a celles qui ja ont passé jeune aage. Et qui assez ont du leur ne povreté ne les y contraint c'est toute follie quoy q ue aucunes q ui le veullent faire dient ce n'est rie n s d'une femme seulle & si pou se fient en leur sens qu'elles se excusent que gouverner ne sçauroient. mais le comble des follies & la grant mocquerie est quant une vieille prent ung jeune ho m me. dont petit voit on longuement bo n ne cha n son chanter. mais tant y a que de leur malle meschance on ne les plaint point a bon droit.

¶ Cy parle a l'enseignement des jeunes filles & vieilles estans en l'estat de virginité. Chap. .xliiii.

Ce n'est mye droit q ue au procés de noz leco n s soye n t oubliees les fe m mes ou filles qui so n t en l'estat de virginité dont on peut parler d'elles en deux differences d'estas. c'est assavoir de celles q ui ont propos de garder leur virginité tout le temps de leur vie po ur l'amour de nostreseign eu r & de celles qui attendent le temps de mariage par l'ordo n nance de voulenté de le ur s parens. Et ainsi co m me il y a difference en leur propos doit semblablement avoir en leur habitz conversation & maniere de vivre mesmement au monde. Car a celles qui du tout se sont disposees de jamais ne l'enfraindre appartient vie tresdevote & sollitaire & quoy qu'elle soit a toutes bien seant / neantmoins a cestes affiert pl us que a autres. Et si leur est necessaire faire aulcu n ouvraige pour avoir leur vie ou q u'e lles serve n t en aucun lieu elles doivent regarder q ue toute leur occupation soit aprés ce q ue leur labour necessaire ont faict au service de dieu en devotes oraisons et aussi en jeunes & abstine n ces faictes par discretion non mye ap s q u'e lles ne le puissent porter ne co n tinuer ne q ue leur serueil en puisse estre trouble Car riens de trop grant aspreté ne doibt estre prins sans bon conseil. Si se doibvent garder d e tous pechez singulierement en fait & en pensee affin q ue le bien q u'e lles fo n t de une part ne p er dent pas de l'autre car petit vauldroit estre vierge ou chaste faire abstinences & devotions & q ue avec ce on fust ung tresgrant pecheur ou pecheresse / si doibt toute p er so n ne q ui se met a bien faire garder q u'e lle offre a dieu offra n de nette / car q ui p re senteroit au roy une tresbelle & bo n ne viande toute entremeslee de ordure & punaisie on ne luy feroit nul plaisir. & si la reffuseroit & a bon droit. Si doibvent estre leurs parolles bo n nes si m ples devotes & sans trop de languaige. leur habit ho n neste & sans nulle cointerie maintien si m ple & courtois & treshumble chere les yeulx bessez & la parolle basse / si doit estre leur joye ouÿr la parolle de dieu & frequenter l'eglise & celles qui ceste vie ont esleue sont de bonne heure nees. car elles ont pri n se la meilleur partie Les autres pucelles qui attendent l'estat de mariage autressi doibvent estre en contenances maintiens & belles parolles attre m pees & honnestes & par especial en l'eglise coyes regardans sur leurs livres ou leurs yeulx abaissiés en rues & p ar voye simples & rassises / & a l'hostel non oyseuses / mais soie n t tousjours occupees en quelque oeuvre de leur mesnaige leurs habis & vestures bien faictz jointz & pollis mais que deshonnesteté n'y ayt & nettement tenus leurs cheveulx bien ordonnés & non mye trainans par les joues ne sailles / le parler amyable & courtois a toutes gens hu m ble maniere non trop emparlees. & se a festes so n t a dances ou a assemblees la / doive n t bien estre sur leur garde que bien soyent de belle maniere & de beau maintien / pource que plus de gens ont les yeulx sur elles. et dancent simplement / chantent bassement ne soit le ur regard vague ne traceant ça ne la q ui trop ne s'enpressent entre ho m mes / mais tousjours se tirent vers le ur s meres ou les autres fe m mes Cestes pucelles se doive n t garder de pre n dre debat ne tençon a quelque p er so n ne ne a varlet ne a chamberiere. C'est trop layde chose a pucelle estre tenceresse & renpo n neuse & en pourroit perdre son bien par les maulvais & me n songeux rapors que mesgnies font souventesfois a pou d'achoison. Pucelle ne soit nullement saillant effrayee ne ribaulde par especial a ho m mes qui q u'i lz soyent ne a clercz de l'ostel ne varletz ne autres mesgnies & si ne seuffre en nulle guise ho m me la touche ne se joue a elle des mains ne de trop rigollages. Car ce seroit trop grant empirement de l'honnesteté que avoir doit & de son bon loz. Si affiert aussi a pucelle estre devote par especial vers nostre dame vers saincte Katherine & toutes vierges / & s'elle scet lire en lise voule n tiers les vies / jeune aucuns jours & soit sobre sur toutes riens en boire & en me n ger & co n tente d'assez pou de viande & de foibles vi n s car gloutonnie a pucelle sur vin & sur viande sur toutes choses est layde tache. Pource doit bien garder qu'on ne la voye nulle fois changee par vin prendre trop largement / car se telle tache avoit on n'y esperoit quelconque autre bien si doit de droicte coustume toute pucelle mettre largement de l'eaue en son vin / & acoustumer a petit boire aussi avecques les bonnes taches & manieres qui luy affierent appartient estre a toute pucelle humble et obeissant a pere & a mere & les servir dilige m ment de tout son povoir. s'attendre de son mariage du tout a eulx & non mye que de elle mesmes le face & sans leur consentement / ne quelconques parolles n'en doibt tenir ne escouter personne. Et sont pucelles par ceste maniere aprinses & endoctrinees sont a desirer aux hommes qui marier se veullent.

¶ Cy devise comment anciennes femmes se doive n t maintenir vers les jeunes et des meurs que avoir doibvent. Chap. .xlv.

Pource que assez co m munement a debat & discord tant en oppinions comme en parolles entre vieilles gens & les jeunes si que a peine se pevent entresouffrir comme s'ilz fusse n t de deux especes laquelle chose fait l'aage qui tout ainsi qu'il est differencié met difference en leurs meurs & condicions nous semble bon pour mettre paix de celle guerre entre les femmes de divers aages qui nostre doctrine pourront ouÿr que nous ramentevions aucunes choses qui bonnes y pevent estre. Mais dirons premierement aux anciennes les meurs qui leur advisent. Il appartient a toute femme d'aage qu'elle soit sage en fait en habit contenance & parolle. en fait doibt estre saige / par ce que advis doibt avoir & memoire des choses que veues a advenir en son temps. Et pource avant aucune chose qui veult faire ou entreprendre doit ouvrer par l'exemple d'icelles. car s'elle a veu mal ou bien advenir a elle / ou a autre par tenir aulcunes manieres penser peult que ainsy luy adviendra par semblablement faire. Et pource dit on que vieilles gens sont communement plus saiges que les jeunes. Et est vray pour deux raiso n s. L'une pource que leur entendement est pl us parfait & a plus gra n t consideration. Et l'autre qu'ilz ont plus gra n t experience des choses passees: pource qu'ilz ont plus veu. Si leur appartient doncques estre plus saiges / & s'ilz ne le sont plus sont a reprendre. Et sans faille quant vieilles gens sont sans sens ou nices ou qu'ilz facent les follies que jeunesse admonneste aux jeunes & do n t mesmes on les reprent il n'est si grant mocquerie. Et pource l'ancienne femme doibt bien estre pourveue qu'elle ne face chose dont on y puist noter follie ne luy appartient dancer baller ne rire follement mais s'elle est joyeuse de sa condicion doit toutesfoys regarder qu'elle prengne ses joyeusetés par apoint non mye de la maniere des jeunes gens: mais plus rassisement die ses parolles a trait & gracieusement face ses esbateme n s / & sans nul effroy / car quoy que nous disons que saige doibt estre & rassise n'entendons par pourtant que rechignee soit malle ramponneuse ne maulgratieuse pour do n ner a croire que c'est tout sens. Car ainçois se doit garder de telles passions si viennent communeme n t a vieilles gens. C'est assavoir d'estre ireulx maugracieux & rechinés pource la saige ancienne quant elle sentira que son couraige sera enclin a tencer ou se courroucer elle la moderera par telle sage distrecion disant a soy mesmes dieu & que as tu que demandes tu est ce fait de saige femme d'ainsi se demener ou troubler se ces choses te semblent maufaictes / il n'est mye en toy de tout amender soies plus en paix ne p ar le pas si maugracieuseme n t se tu te voies co m ment ta chere est maugracieuse quant tu es en tel despit gra n t orreur en auroies soies plus conversable & plus debo n naire a tes gens et ceulx que tu dois chastier reprens les plus courtoiseme n t et te garde de tel ire / car c'est chose qui desplaist a dieu & en vault pis ton corps & moins en es aymee. Il appartient a avoir pacie n ce. Telles choses & semblables doit dire a soy mesmes la saige femme ancienne quant les mouvemens d'ire luy viennent avec ce sens doit estre l'ancienne femme vestue large et d'abillement honneste. Car a ce propos dit ung vray mot machault vieille coincte et jolie est matiere de mocquerie / sa contenance de beau port & honnorable. Car en verité quoy que nul die c'est beau parement et chose de grant honneur et reverence en une place & qui bien y tient son lieu souventesfois que une ancie n ne personne soit homme ou femme quant elle est saige ou de honnorable maniere en toutes choses la parolle de ceste saige femme ancienne doit estre toute meue par discretion se garde bien que de sa bouche n'isse folles parolles deshonnestes / car chose de plus grant derision n'est que sotte parolle & mal honneste en vieille gens / pource les doit dire toutes de bon exemple Et a venir a ce que nous avons dit devant. C'est assavoir a parler du contens et mal accord qui est communement entre vieilles gens & jeunes gens la saige a n cienne femme doit estre sur ce advisee en telle maniere que qua n t aucun mouvement luy viendra en pensee ou en parolle con tre jeunes gens pour leurs jeunesses que elles ne puissent pas bien soufrir pensee en soy mesmes. Beau sire dieu tu as esté jeune advise bien quelles choses tu faisoies en ce te m ps eusses tu voulu qu'o n parlast ainsi de toy pourquoy leurs cours tu tant seur advise co m ment sont grans les aguillons de jeunesse tu en dois avoir pitié Car tu es passee par ces pas on doit jeunes gens reprendre & te n cer voirement de leurs follie. Mais non mye pourtant les haïr ne diffamer / car ilz ne scevent qu'ilz font & ne congnoissent pource les supporteras benignement & chastieras par bonne maniere ceulx & celles qui te touche n t & se les autres le blasment ou diffament tu les excuseras par pitié advisant l'ignorance de jeunesse qui leur toust a avoir plus grant congnoissance. Ha dieu advises en toy mesmes que se tu n'as a present en toy les mouveme n s que jeunesse a ne plus ne te delictes en telz folies par vieille qui t'a meuree & refroide tu n'es mye pourta n t sans pechié ains en as par adventure de plus grans et de plus gros que tu n'avoyes de tel aage ou que assés de jeunes gens n'ont & se ces vices la t'ont delaisee d'autres plus mauvais t'ont acueillie comme envie couvoitise ire impacience gloutonnie par especial d e vins en quoy tu fais souvent de grans deffaultes. Et toy qui dois estre saige n'a pas puissance de y resister par ce que l'inclination de vieillesse tire tempte & admonneste & tu veulx que iceulx jeunes soient pl us saiges que toy / c'est assavoir que ilz resistent aux temptations q ue jeunesse leur met en couraige et facent ce que tu ne peus faire si laisses en paix jeunes gens & plus ne murmures contre eulx. Car se bien te regardes assés as affaire de toy mesmes. & se les vices de jeunesse t'ont laissee ce n'est mye par ta vertu / mais par ce que nature plus ne s'i encline et pour ce te semblent ilz si abhominables.

¶ Cy devise comment jeunes femmes se doivent maintenir vers les anciennes. chap. .xlvi

Si viendrons aux enseigneme n s qui pevent garder les jeunes gens de contendre arguer mesaymer ne despriser les anciens / mais les avoir en toute reverence. & leur dirons ainsi. O enfans & entre vous jeunes gens qui estes abilles a retenir & aprendre entendés la leçon qui vous peut introduire prouffitablement en meurs & coustumes qui a tenir vous affierent vers les treshonnorables estatz des anciens. Laquelle leçon vous peut introduire en cinq pri n cipaulx pointz. do n t le p re mier point appartient a la reverence que porter leur devés. Le deuxiesme a l'obeissance. Le troisiesme a la crainte Le quatriesme en l'aide & reconfort. Et le cinquiesme a adviser le bien qu'ilz vous font & que par eulx. dont quant au premier point qui est d e la revere n ce que par droicte ordonnance leur devés est escript que il fut ung roy en grece que on nommoit figurgus / qui maintes belles lois trouva & entre les autres en establit une telle que les jeunes gens portassent tresgrant honneur & reverence aux anciens. Si advint une fois que celluy roy ou autre sien successeur avoit envoyé ses ambassadeurs en une autre contree avec lesq ue lz estoient alés pour les garder servir & aco m paigner de nobles ge n s du païs Advint que quant temps fut de faire leur legation la p re sse estoit moult grande ou lieu ou assis estoient / car la fut assemblee la gent pour ouÿr ce que dire vouloye n t si estoient les places toutes prinses. Si y vint ung a n cien homme pour ouÿr comme les aucies & ala traçant tout a l'environ pour trouver a se seoir & nul de sa nation trouva si courtois qui point de lieu luy prese n tast mais quant il vint a l'endroit ou seoient les jeunes estrangiers dessusditz tantost selon les lois de leur païs se leverent & firent reverence & place au vieillart. laquelle chose fut tresgrandeme n t notee & prisee de tous. Et ceste mesmes maniere tenoient semblableme n t les rommains au temps qui se gouvernoye n t par souveraines ordo n nances. Et pourtant entre vous enfans & jeunes gens cest exemple par enseignement vous soit doctrine / car sachiés que droit & raison veult que honneur leur soit portee & mesmes la saincte escripture le tesmoigne & soyés certains que en ce faisant vostre tresgrant los y sera. Car l'honneur n'est mye a celluy a qui on le fait. Et s'il est ainsi que honneur leur devés il s'ensuyt que souveraineme n t vous devés garder de les mocquer ne dire ou faire derisions injures oultrages ne vile n nies quelconq ue s desplaisir ne arguer a ceulx sicomme font aucuns mauvais enfans qui trop en sont a reprendre / qui les appellent vieillars ou vieilles / mais c'est ung bel reproche a qui bien le gouverne. Le deuxiesme point qui est comment leur devés obeir touche comment devés croire certainement que ilz sont plus saiges que vo us si appartient que vous vous tenés a leurs oppinions plus que aux vostres / c'est a entendre des ancie n s saiges que usiés de leur conseil & de vos plus grans fais ordonnés & riglés par eulx et p ar ainsi ne pourrés estre aprins. Le quatreiesme point est que tous ne soient ilz pas fors de corps pour vous batre / et que ja n'ayés celle doubte si les devés vous craindre sicomme s'ilz fussent to us vos peres & vos meres. La raison est pource qu'ilz o n t avecques eulx en leurs sens Et sçavoir le baston de correction qui vous appartient pource vo us affiert redoubter leur presence / c'est assavoir vo us garder de mesprendre la ou ilz sont: car tost l'ap er cevroie n t Le quatriesme est que vous leurs devez ayder & reconforter de la force de vostre corps & aussi de voz biens piteusement en le ur s maladies & foiblesses a ceulx qui besoing en ont par humaine co m passion pensant que semblablement devendrés i m pote n s & foibles se vous tant vivés si vouldriés bien adonc que on vo us reco n fortast & aussi pour la tresgrande charité & aulmosne q ue c'est envers dieu / car plus grant enfermeté n'est q ue vieillesse. Item le cinquiesme point qui est du bien que par eulx recevés lequel plus vous doit esmouvoir a les suporter & avoir compassion d'eulx est que ce sont mesmement les loys par ce estes enseignés & riglés en ordre de droit si ne pourriés jamais rendre ces grans benefices & q ui aussi soustiennent tous les jours en toutes terres païs & royaulmes les belles rigles & ordonnances du monde. car non obstant la grant force des jeunes se ne fussent les saiges anciens le monde yroit a confusion / & ce mesme tesmoigne la saincte escripture qui dit mal pour la terre dont le roy ou seigneur est enfant c'est a dire jeune de meurs et aussi & par ces rigles entre vous jeunes vo us devez ordonner & maintenir vers les anciens affin que le bien de vo us & de vostre renommee mesme en croisse. Car moult est grant auctorité la bonne reno m mee q ui est recitee par la bouche de saige ancienne perso n ne de la relation d'autruy & y adjouste l'en grant foy parquoy se les jeunes qui la desirent estoyent bien advisés ilz devroyent mettre trop grant peine d'estre en leur grace par bonnes meurs affin q ue d'eulx ilz fussent loués. Si touche cest admo n nestement q ue dit avons en ce pas tant les jeunes hommes comme les jeunes femmes. Mais pour descendre a nostre p ro pos a l'enseignement des femmes pource q ue les sens et les biens dessusdictz sont es anciennes / c'est assavoir en ceulx & celles qui sont honnorables & saiges car nostre entente n'est mye d'aucuns maleureux vieillars ou vieilles endurcis en leurs pechés & vices ou n'a quelconques sens ne bonté & ceulx sont a fuyr plus que chose nee / mais de bonnes & honnestes se doibt voulentiers accointer toute jeune femme qui desire honneur aller a festes ou a quelco n que lieu que ce soit voulentiers en leur compaignie plus q ue avec les jeunes / car plus en sera louee & plus seurement yra & se aulcune chose venoit en l'assemblee mal apoi n t ja le diffame ou blasme ne sera sur telle qui en honnorable compaignie d'ancienne fe m me bien nommee sera. Si doibt si que dit est la jeune femme servir & honnorer & porter grant reverence a l'ancie n ne & suporter d'elle posons qu'elle feust aucunement male ou dangereuse recevoir en gré sa correction ne luy respondre point maulgracieusement mais se taire ou parler courtoisement l'apaisier p ar bel se elle peut & se garder de faire les choses q u'e lle scet qui la peut mouvoir a ire & de ce faire sera tres louee. Et p ar ces voyes tenir de vieilles ge n s aux jeunes ge n s & de jeunes aux vieulx po ur ra estre gardee & mai n tenue[**u/n entre eulx q ui souventesfois sont en grans desaccors.

¶ Cy devise des femmes des mestiers comment gouverner se doivent. Chap. .xlvii.

Or nous convie n t parler de l'ordre de vivre des fe m mes mariees aux hommes des mestiers qui demeurent es cités & bonnes villes sicomme a la ville de paris & autre part non obsta n t q ue tout le bien que devant est dit pevent prendre en leur usaige se il leur plaist. mais non pourtant que les mestriers soyent plus honnestes les ungs que les aultres sicomme orfevre brodeur armurier tapissier & autres plusieurs que ne sont maçons cordonniers & telz semblables a toutes appartient que elles soyent tressoigneuses & dilligentes se chevances veullent avoir par honneur de solliciter leurs maris ou le ur s ouvriers de eulx prendre matin a la besongne & tard laisser / car sans faille il n'est nul si bon mestier que qui n'y met dilligences a peines peut on aller de pain a autre. Et avec ce que tel femme doibt solliciter les aultres a ellemesmes appartient mettre les mains a la paste tant faire que elle se congnoisse en l'ouvrage affin que elle saiche deviser a ses ouvriés se le mary n'y est reprendre s'ilz ne font pas bien doibt estre dessus pour les garder d'oiseuseté car par ouvriers mauso n gneux est aucunesfois desert le maistre & quant marchés viennent a son mary de faire aucun ouvraige aucunement dangereux & non acoustumé elle le doibt admo n nester par bel q ue il garde bien que il n'en prengne marché ou il puist perdre & luy conseille que le moins qu'il puisse face de creances s'il ne scet bien ou & a q ui / car par ce plusieurs vie n nent a povreté quoy que aucunesfois la couvoitise de plus gaigner ou de la grant offre q ue on leur fait / leur face faire. Avec ce doibt tenir son mary en amour le plus qu'elle peut a celle fin que plus voule n tiers se treuve a l'hostel & que il n'ayt cause de suyvre les sottes compaignies d'aultres jeunes hommes en tavernes & autres superflus & oultrageuses despenses si que assez de ge n s de mestier & par especial a paris font desquelles par doulcement traicter le doibt garder le plus que elle peut. Car on dit que trois choses chassent l'homme de son hostel femme rioteuse cheminee qui tie n t fumee & maison ou il pleut. Avec ce elle se doit tenir voulentiers a l'hostel non mye allant tous les jours trotant ça & la voisina n t pour sçavoir que chascun fait ne visitant souvent commeres / car c'est faict de maulvaises mesnagieres si ne luy sont bien seans tant de compaignies faire par ville ne troter a pelerinages trouvés sans besoing q ui ne sont toutes fors despences sans necessité. Avec ce doit admonnester son mary que ilz vivent si sobrement que la despence ne passe la gaigne si que au bout de l'an se treuvent en debtes se elle a enfans leur face aprendre premiereme n t a l'escolle affin qu'ilz puissent & sachent mieulx servir dieu aprés soyent mis a aulcun mestier par quoy leur vie puissent avoir. Car grant avoir donne a son enfant qui luy donne science marchandise ou mestier & les garder de mignotises & de friandises sur toutes riens. car en verité c'est une chose qui moult honnist les enfans de bo n nes villes qui est grant peché a peres & a meres lesquelz doibvent estre cause du bien & des bo n nes meurs de leurs enfans & ilz sont aucunesfois achoison par les fria n dises en quoy ilz les nourrissent & les grans mignotises que ilz leur font d e leur mal & perdicion.

¶ Cy devise des fe m mes serva n tes & cha m berieres. chap. .xlviii.

Affin que tout se sente d e nostre admonnesteme n t en bien vivre parlerons mesmement aux femmes servantes & chamberieres de paris & d'aultre part & pource que en plusieurs lieux la necessité de gaigner leur vie & assez en est il par ce que elles ont esté mises bien jeunes a servir l'occupation du service mondain leur a par adventure empeschié de sçavoir si largement des choses qui appartiennent a sauvement co m me autres font & aussi a servir dieu en oyant messes sermons et disans patenostres & oraisons dont peut estre desplaisir a auculnes bonnes mais besoing de servir ne leur seuffre nous semble bon p ar ler ung petit de la maniere en fait oeuvre ou pensee q ui pour leur sauvement a tenir leur est prouffitable & aussi de ce qu'elles doibvent eschever. Si doit sçavoir toute femme servante qu'elle faict a excuser de toutes choses mesmement vers dieu se elle ne les fait que sa maistresse ou autre femme aisee n'en sera pas excusee / c'est assavoir que se elle est en service par necessité de son vivre & il convient que pour son service mieulx acomplir tire gra n t peine lieve matin & couche tard disne & souppe aprés les autres & mal a son loysir / mais aille mengeant ça & la tousjours en servant & par adventure non mye bien largement aura sa substentation / mais assez escharcement & ric a ric se telle femme ne jeusnes mesmes tous les jours co m ma n dés de l'eglise elle en faict vers dieu a excuser voire se elle sent que sans grever son corps lequel par adventure deffauldroit si qu'elle ne pourroit gaigner sa vie ne le peut faire non mye que elle brise son jeune par gloutonnie & par folle presumption disant je suis servante je ne doy mye jeusner. Et pource discretion & bonne conscience doive n t faire la difference & en estre juges Car il est des chamberieres plus aises de toutes choses que assez de mesnagiers est il qui jeusnent ou font abstinences pour l'amour de dieu si ne le disons mye pour icelles. Et semblablement disons d'aller en l'eglise & estre en oraisons. que doit faire la bonne servante qui veult deservir estre sauvee certainement elle doit avoir que dieu qui tant congnoist voit ne demande que le bon cueur vers luy ne fauldra a bien ouvrer et pour celle qui tel aura & se sauvera en tel maniere que elle se gardera de tous lais & mauvais pechés portera loyaulté en faict & en dict a maistre & a maistresse et songneusement les servira et mesmes en faisant la la besongne pourra dire ses patenostres & ses devotions & se elle peut estre de fait au moustier le cueur y sera par bonne voulenté & toutesfoys n'est mye a croyre que nulle ou pou soit occupee que s'elle veult prendre la peine de lever matin qu'elle ne puisse bien avoir espace d'oÿr une messe le plus des jours se reco m mander a dieu puis s'en retourner faire sa besongne & telle voye tenir avec les autres bie n s q ue bo n ne serva n te peut faire sans faille les con duyro n t a sauveme n t. Mais tenir la maniere q ue aucu n es gouliardes & mauvaises fo n t est chemin da m pnable. Et po ur les reprendre de le ur s mauvaisties & follies en diro n s il est aucu n es faulces gloutes cha m berieres q ue p ar ce q u'e lles sceve n t assez du bas vouler et bien servir pour mieulx flater es grans hostelz des bourgois & riches gens on leur baille grant gouvernement pource q u'e lles scevent bien faire les bonnes mesnagieres si ont office d'acheter la viande et aller a la chair ou trop bien batent le cabas qui est mot communement dit qui est a ente n dre faire acroire que la chose couste plus que elle ne fait & retenir l'argent / si font entendant que le quartier de mouton leur couste quatre soulz que elles ont pour dix blans ou moins & ainsi des autres choses si pevent par celle voye faire aval l'annee grant dommaiges / et plus font telz jours est / car elles apportent a part ung morcellet de friandise si font faire ung pasté et sur la taille de leur maistre le co n tent au four. Et puis quant leur maistre est au palais ou en la ville & leur maistresse a l'eglise a la gra n t messe la desjeunerie est faicte en la cuisine a bon gaudeamus et n'est pas sans bien boire et du meilleur et la viennent les autres chamberieres de la rue qui so n t du flot des chamberieres et autres commeres & dieu scet comme la se fourrent et aucune porte le pasté en la chambre que elle a en la ville. et la vient le gentil gallant et ainsi se rigollent / s'il y a femmes qui repairent en l'ostel qui aident a faire les lessives & a escurer les potz celles sont de la cordelle de la chamberiere / car elles font la besongne de l'hostel tandis que icelle va jouer affin que le maistre & la maistresse treuve n t tout prest quant ilz vendront si les envoye bien a heure / mais dieu scet co m ment boudees de vin & de via n des si leur servent d'ung autre office. car aucunesfois quant on fait la lessive a l'hostel & la maistresse qui en sera bien embesongnee cuidera que sa chamberiere soit a la riviere pour laver la lessive & elle est aux estuves paix & aise / et a ses femmes qui luy font sa besongne / mais ne les paye pas du sien / si a ses cousins & ses comperes qui la viennent demander a l'hostel & veoir aucunesfois & dieu scet que les cousinages & les chalandises de maintes commeres qu'elles a en la ville coustent a l'ostel maintes bouteillees de vin / mais s'il advient quel tel femme serve en lieu ou il y ait jeune maistresse nouvelle mariee / et ung pou nicette elle est bien arrivee. Car bien se sçaura pener d e flater le maistre & de parler a luy bien en preude femme & dire fy de flatars / affin que se fie bien a elle de sa femme & de tout / mais ne fault pas a luy tirer bien les vers du nés / car d'autre coste raflatera la jeune fille / si que par celle maniere les tendra to us deux q u'i lz ne croiront a autre dieu & adonc vin & via n de chandelle pain lart sel & toute despence d'ostel sera bien gouverné & se le maistre dit aucunesfois que les garnisons y faillent trop tost incontine n t aura sa responce preste disant que c'est pource qui faict de grans disners & semont tant les gens de boire / mais s'il advient que aucun galant luy promette ou donne chapperon ou robe pour faire ung message a sa maistresse se elle ne le fait de bonne maniere que elle soit arse de telles gloutes chambrieres est il aucunesfois si est moult grant peril en ung hostel. Car par le beau service q ue elles scevent faire leurs flateries bien appareiller & beau respondre aveuglent telleme n t les gens que on ne se prent garde de le ur s mauvaisties / car elle se meslent de devotion parmy po ur mieulx tout couvrir & vont au mo n stier a tout patenostres & la est le peril. Si vous en prenés garde entre vous qui estes servis que ne soyés deceus. Et a vous qui servés le disons affin que abhomination aiés de telz choses faire. Car sans faille celles qui le font se damnent & desservent mort d'ame & de corps / car de telles sont arses ou vives enfouyes qui tant ne l'ont desservy.

¶ Cy parle a l'enseignement des femmes de folle vie. Chapitre .xlix.

Tout ainsi comme le soleil luyst sur les bons & sur les mauvais n'aurons point de honte d'espa n dre nostre doctrine mesmes sur les femmes q ui sont folles legeres & desordonnees vie quoy q u'i l ne soit riens plus abhominable & ce ne devons mye avoir pensant que la digne personne de jesucrist n'eut pas orreur de leur tenir resne en les convertissant do n ques pour charité & intention de bien & affin que aucunes d'elles puist se l'aventure si a do n né que elle l'oye recueillir & retenir de noz enseignemens q ue lque chose qui puisse estre cause de la retraire de vie folle. Car plus grant aumosne ne peut estre faicte que de retraire le pecheur de mal & de peché dirons ainsi ouvrés les yeulx de congnoissance entre vous miserables femmes donnees a peché tant deshonnestement retrahés vous tandis que la lumiere du jour avés & ains que la nue vous surprengne / c'est a dire ta n dis que vie au corps vous dure que mort ne vous assaille & pre n gne em peché qui vous conduise en enfer. Car nul ne scet l'eure de la fin avisés la grant ordure de vostre maniere de vivre tant abhominable que avec ce que vo us estes en l'ire de dieu le monde vous desprise q ue toute personne honneste vo us fuyt co m me chose exco m muniee & en rue destourne sa veue q ue ne vo us voye. Et po ur quoy dure en vous tant ville couraige q ue on parle de telle abhominacion vo us tenez plungiees co m ment peut estre ramenee a tel vice fe m me q ui de sa nature & condition est honneste simple & honteuse q u'e lle puisse endurer tant de deshonnesteté vivre boire & me n ger entre ho m mes plus vilz q ue pourceaulx ne d'autre gens n'avez congnissa n ce q ui vo us batent traisnent & menassent & desq ue lz estes to us les jo ur s en peril d'estre occises. Helas pourquoy est simplesse & ho n nesteté de fe m me ramenee en vo us a telle paillardise. A pour dieu fe m mes q ui portés le nom de crestienté & q ui le convertisés en si vil office levez sus vo us sourdés de la boue ta n t abhominable & ne vueillés plus souffrir voz povres ames chargees des ordures com mises par les villains corps. Car dieu tout piteux est apareillé vo us recevoir a mercy se repentir vo us voulez & criés mercy p ar grant co n triction. Si p re nez exe m ple a la benoiste marie egiptie n ne q ui de folle vie se repentit & a dieu se co n vertit q ui est glorieuse saincte en paradis. Se m blablement la benoiste sai n cte affre q ui offrit son corps dequoy elle avoit pechié a martirer pour ho n neur de nostre seigneur & autres p ar eillement q ui ont esté sauvees Et se aucu n es de vo us se vouloit excuser disant q ue ce feroit elle vole n tiers / mais trois raiso n s l'en desto ur nent. L'une pource q ue les desho n nestes ho m mes q ui la ha n te n t ne luy souffreroye n t. L'autre q ue le mo n de q ui l'a en abhomination la debouteroit & chasseroit de to us lez & pource puis q u'e lle est ta n t a ho n te jamais ne se oseroit veoir entre gens. La tierce q ue elle n'airoit dequoy vivre car elle ne scet nul mestier Si diro n s q ue ces raisons riens ne valle n t Car remede peut avoir en toutes Le p re mier est tel savoir doive n t q u'i l n'est point de doubte q ue fe m me n'est tant co m mune ne acointe de plusieurs q ue se elle veult bien a certes se disposer a retraire de pechié quoy q ue advenir luy en doye crier mercys a dieu par repentance & se tirer devers luy par ferme p ro pos de jamais n'y renchoir il la gardera bien de to us ceulx q ui l'en vouldroient destourber / mais q ue elles mesmes s'en vueille garder en fait & maintien laisse ta n tost son tresdehonneste habit & se veste & affuble de robe large & honneste & fuye les repaires q ue ha n ter souloit se traye vers le mo n stier & l'eglise en devotes oraisons suyve les sermo n s devotteme n t & en gra n t repenta n ce & contricion se confesse a saige con fesseur. Et a to us ceulx qui l'admo n nesteront de pechié respondre plaineme n t q ue plus tost offreroit son corps a martire q ue elle le souffrist. Car dieu luy a donné grace de soy repe n tir & retraire si ne luy adviendra jour d e sa vie pour mourir. Et p ar celle voye tenir n'est point de doubte apellant dieu a son aide q u'i n'y aura si gra n t goliard donc elle bien ne se delivre & se ores aucun trouvoit si mauvais q u'e lle ne peust resister ta n tost contast son fait a justice q ui pitié en auroit & y seroit po ur veu. A l'autre raison qui est q ue le mo n de la despiteroit ne doit avoir telle oppinion ne pource laisser. Car le vray est tout au con traire & ne face nulle doubte q ue toutes les creatures q ui la verront ainsi convertie & honteuse de son peché & folle vie en auroient tresgra n t pitié l'appelleroie n t vers eulx luy diroie n t bo n nes parolles & luy do n roient occasion de p er severer & bien faire & pourroit estre veue & si bon ne & si ho n neste vie ta n t devote doulce & hu m ble q ue la ou elle souloit estre deboutee de chascu n seroit apellee de toutes bo n nes ge n s & cher tenue & ainsi p ar bien faire & la grace de dieu auroit recouvré honneur po ur ho n te. Et pour quoy ne seroit. Car qua n t dieu luy auroit pardo n né & pri n se en grace ne seroit pas raison q ue le mo n de la boutast Helas sans faille toute fe m me ainsi do n nee a ho n te & peschié deveroit bien desirer estre remise en cestuy estat laquelle chose seroit se disposer se vouloit / la tierce raison q ui est q u'e lle n'auroit dequoy vivre ne vault. Car se elle a corps fort & puissant po ur mal faire & pour souffrir maintes batures & assez de mescheances elle l'auroit bie n a gaigner sa vie / mais q ue ainsi fust disposee co m me no us disons / car chascun la pre n droit voule n tiers a aider a faire les lessives en ces grans hostelz si en auroie n t pitié & voule n tiers luy donneroient a gaigner / mais q ue bien gardast q ue on ne veist en elle ordure ne mauvaistie en nul endroit filleroit garderoit des accouchees & des malades demoureroit en une petite cha m bre en bo n ne rue & entre bonnes ge n s la vivroit si m pleme n t & sobreme n t si q ue on la veist nulle fois yvre ne malle ne te n ceresse ne gra n de quaqueteresse & gardast bien q ue de sa bouche n'issist q ue lco n ques p ar olles de lubreté ne de desho n nesteté / mais tousjours courtoise hu m ble & doulce & de bon service a toutes bonnes gens & bien se gardast que homme n'attraist. Car elle perdroit tout Et par ceste voye pourroit servir dieu & gaigner sa vie si luy feroit plus de bien ung denier que cent receus en pechié.

¶ Cy parle en louant les fe m mes honnestes & chastes. Chap. .l.

Tout ainsi comme le blanc du noir se differe et que co n tre l'ung l'autre mieulx est apperceue la difference nous plaist pour donner plus grant veue aux femmes chastes & honnestes parler a elles en les louant non mye pour les orgueillir / mais affin que perseverance de bien faire leur soit plaisir et que toutes femmes desirent estre de ce renc si en dirons ap s ce q ue nous avo n s parlé aux povres pecheresses. car tout ainsi co m me a icelles deffaillans se pevent par grace de dieu relever convertir les bonnes par temptation d'ennemy & fragilité pervertir & estre peries & da m pnees. Car point n'est congneue la constance du bon pelerin jusques a ce qu'il ayt acomply le terme de son voyage. Et po ur ce considere la povre fragilité humaine tost encline a trebuscher nul ne doit presumer de soy que il soit plus fort que fut saint pierre ne que david salomon & aultres de grant sçavoir qui trebucherent en peché. Si dirons ainsi a vous femmes honnestes de chaste vie. Salut par dilection amys cheres le plaisir q ue nous prenons a la lueur de chasteté nous desduit a vous escripre ta n t les proprietés d'icelle noble fleur comme les louenges qui luy sont donnees a celle fin que tout ainsi que qua n t on loue le bon ouvrier par le bon ouvraige de plus en plus il se delicte a bien ouvrer faciés semblablement. Et quoy que assez suffise descripre toutes ses proprietés seroit fort neantmoins aulcunes belles & bo n nes voulo n s en brief ramentevoir. Chasteté a telle p ro prieté q u'e lle rend la p er sonne en q ui elle est & demeure agreable devant dieu sans laquelle nul n'y pourroit plaire. Et il y pert par ce que recite sainct ambroise quant il dit que de creature humaine fait devenir ange. Et celle mesmes sente n ce accorde sai n t bernard ainsi disant que plus belle chose fait il peut estre que chasteté qui de creature humaine co n ceue d'orde matiere & semence & en peché peut faire ung tresnet & plaisant habitacle a dieu. Chasteté dit il est la seulle vertu qui mesmes en ce monde mortel represente l'immortalité de lassus / c'est assavoir que les creatures qui l'ont en eulx se pevent comparer aux saintz esperitz du ciel si sont infinies les proprietés & louenges que la saincte escripture recorde d e ceste vertu celeste. Et avec ce que elle est tant tesmoignee estre haulte devant dieu l'experience nous demonstre semblablement au monde & a la louenge exaulcee / car il ne sçaura estre creature remplye de tant de defaulx que s'il est renom que elle soit chaste que on ne l'ait en reverence & se elle est renommee du con traire d'aucune personne quelque bien qu'elle face que on ne s'en mocque en derriere & que moins n'en soit prisee. Si vous y vueillés doncq ue s delicter de plus en plus entre vous preudes femmes / non mye par faintise mo n trer par signes & parolles que le soyés & que couvertement ait en vous le contraire. Car dieu a q ui riens n'est mucé le sçauroit bien qui vous en pugniroit / mais en realle verité soit telle vostre conscience par droit effect. Et ne faictes comme aucunes folles qui cuident par parler des aultres mucier leurs follies ou faire acroire que moult so n t preudes femmes & que tel fait ont en abhominatio n / mais telle maniere fait a despriser. car quelque bonne que une femme soit de tant comme elle est bonne luy appartient plus se taire en tel cas pource que elle doit penser que les autres pareillement le sont. Car n'est point signe que elle soit quant tant treuve sur les autres a dire. Car en ce cas luy affiert prendre son cueur a autruy. Si ne vous devés doncques orgueillir pour vostre chasteté suppeditant ne mocquant les autres posons que sceussiés de vray leurs vices n'en parler en mal pour vous aloser & monstrer que mieulx vaillés pour deux pri n cipaulx raiso n s. L'une car vous ne sçavés qui vous est a advenir ne comment temptees serés Car dit le proverbe commun. qua n t la brebis est vieille si l'emporte aucunesfois le loup L'autre que si vous n'avez celuy peché vous en avés peut estre d'autres pires envers dieu si que en ce livre est aucunesfois touché / quoy qu'ilz ne soyent mye par adve n ture si deshonnestes au monde. Si devez avoir pitié des deffaillantes prier pour elles leur donner occasion d'elles retraire & louer dieu de ce que de tel mal vous a gardés luy prier qu'il vous doint perseverance / fuir les occasions q ui vo us pourroient faire encliner a pechié vous tenir humbles vers dieu & ne vous fier en vous mesmes / mais tousjours estre craintives & ainsi & par ceste voye tenir pourrés co n duyre vostre charroy jusques a fin & terme de gloire / laquelle dieu vous ottroit.

¶ Cy dit des fe m mes des laboureux. chap. li.

Or nous co n vient tirer vers la fin de nostre procés dont il est temps desormais parla n t aux simples fe m mes de labour es villages auquelles n'est mestier deffendre les gra n s pareme n s ne oultrageux habitz. Car de ce sont bien gardees & non pourtant quoy que elles soyent nourries communement de pain bis de lart de potage & de eaue abuvrees & que assés de peine trayent est leur vie pl us seure & en plusgrant souffisance que de telles sont bien hault assises. Et pource que toute creature de quelque estat qu'elle soit a mestier d'introduction & bien vivre nous plaist que elles soyent participans en nos leçons si leur dirons ainsi entendés simplettes femmes qui demourés es villaiges es platz païs ou es mo n taignes qui ne povez mye souve n t ouÿr ce que l'eglise admoneste a toute creature po ur son sauvement si n'est par vos curés ou chapelains au dimenche au prosne en brief sicomme dire le sceve n t retenés nostre leçon a vous adrecee s'il est ainsi que aller puisse jusques a vos oreilles affin que ignorance qui vous peut decevoir par faulte de plus sçavoir ne vous destourner de sauveme n t. Si devés sçavoir tout p re mierement qu'il est ung seul dieu tout puissant tout bon tout juste & tout saige a qui nulles choses sont celees qui rend guerdon a toute personne ou de bien ou de mal selon ce qu'il a deservy celuy seul doit estre parfaictement aimé & servy. mais pource qu'il est tant bon qu'il a aggreable tout service q ue bon cueur luy p re sente & tant saige qu'il scet la possibilite des gens luy suffit que chascun face vers luy selo n sa possibilité & souffist mais que le cueur y soit. Et pource entre vous de qui il est necessité que le monde soit secouru au labour qui est pour la sustentacion vie & nourrisseme n t de toute creature humaine parquoy ne povés tant vacquer ne entendre a le servir en faisant jeusnes disans oraisons ne aller a l'eglise comme autres femmes de bo n nes villes & toutesvoyes avés aussi bien besoing de sauvement que autres ont co m ment doncques q ui les servés par autre voye sico m me nous vous dirons / c'est assavoir en cueur & en voulenté en faitz en dis et en pensee. C'est assavoir en tant que vous l'aimez de tout vostre cueur vous garderés de faire a vos voisines ou autres gens ne que vouldriés qu'ilz vous feissent & que de ce admonnestés bien vos marys / c'est assavoir quant ilz laboure n t terres pour autruy qu'ilz le facent bien & loyaulment comme pour eulx feroient & se c'est a moisson payent leur maistre du froment qui aura creu en la terre si tel est le marchié & non mye mesler seigle avec & faire entendant que autre n'a re n du / ne mucent pas les bonnes brebis ne les meilleurs moutons ches les voisins ou autre part pour payer le maistre quant vient au partaige des pires ne face acroire q ue mortes sont par luy / luy mo n strer les peaux d'autres bestes ne le payent des pires toisons des laines / ne mauvais compte ne luy rendent de ses voitures ne de ses choses ou de sa volaille. & ne voisent coupper en aultruy bois sans congié pour lever leurs maisons / & quant vignes prennent a faire soyent diligent de les faire de toutes façons & en bonne saison. Et quant ilz seront commis pour leurs maistres de prendre des autres ouvriers s'ilz les louent six blans le jour ne face mye acroire que sept coustent et ainsi de toutes telles choses les bonnes femmes doivent adviser leurs marys qu'ilz s'en gardent / car ilz se da m neroyent & par bien faire & loyaulment leur labeur prennent en gré leur vie sans faille ilz se sauvent & est vie bo n ne & aggreable a dieu & elles mesmes leur doivent aider en ce que elles pevent & bien garder qu'elles ne voisent ne seuffrent aller leurs enfans ro m pant hayes pour en autruy courtilz embler les raisins par nuyt ou par jour / ne autruy fruitaiges / ne quelconques courtillaiges ne autres choses / ne leurs bestes ne mettent paistre en gaignages ne au prés de leurs voisins ne quelconques chose ne tollent autruy ne qu'elles vouldroie n t que on leur tollist. voisent a l'eglise le plus q u'e lles pourront & paye n t a dieu loyaulme n t leurs dismes & non mye des pires choses & dient des patenostres paisibles soient avec les voisins sans leur faire dommage en plait pour pou de chose. Si que assés de villages font que ja ne sero n t aises se ilz ne plaident croyent bien en dieu & ayent pitié de ceulx a qui verront mal avoir & par ces voyes tenir si pourront les bonnes ge n s sauver tant hommes comme femmes.

¶ Cy parle a l'estat des povres. chap. .lii.

Si q ue no us co m mençasmes aux riches & ap s ce q ue p ar lé avo n s a to us les com mu n s estas des fe m mes no us con vie n t terminer nostre euvre aux estas de dieu aymés & du monde haïs / des povres tant de ho m mes co m me de fe m mes en les ennortant de pacience par l'esperance de la couronne qui leur est promise en disant. O beneurez povres par la sentence de dieu recordee en l'evangille attendans la possession du ciel par le merite de povreté pacie m ment portee resjoyssés vo us en ceste haulte p ro messe de la joye q ui toutes passe & a q ui autre n'est comparee & n'est pas promise aux Roys ne aux princes ne aux riches s'ilz ne sont de vostre regne en esperit c'est povre de voule n té si que ilz desprisent les richesses & boubans du monde ne point ne les assavourent. amys treschiers de dieu aymés plaise vous a retenir nostre admonition se jusques a vostre congnossance peult aller par quoy elle vous ramentoive ce qui vous peut aider contre les aguillons d'impacience quant ilz vous poignent de divers & tresgrans laises que vous portés. C'est assavoir souventesfois fain & soif froit maulvais logis impotence vieillesse sans amys maladie sans resco n fort & avec ce le despris villennie & deboutemens du monde sico m me a peu si vous estiés une autre espece de gent & non mye crestiens. Adonc qua n t la pointure d'icelle impacience vous assault affin que par elle ne perdés pas lesditz tresgra n s tresors q ui p ro mis vous sont vie n ne dame esperance aymee de patience atout l'escu de foy qui fort se combatent contre elle si qu'elle la desconfisse & q ue la victoire en soit vostre & l'envaïse fort par telz cinq dars Le premier qu'elle luy gettera sera tel O povre pecheur ou pecheresse q ue as tu qui te complains povreté est il ho m me au monde qui ne se tenist pour bien payé d'estre vestu des robbes du roy & de sa livree. He mon createur tout puissa n t roy sur tous roys / & moy ta povre creature qui suis vestue de tes robes en ame & en corps n'ay pas souffisance en ame enta n t que tu l'as faicte a ton ymage / en corps que j'ay chair humaine si que tu veulx avoir & vestu de povreté laquelle robbe tu veulx avoir toute la vie. Et bien monstras que tu auctorisoyes l'estat de ceste prophecion de povreté plus que nul aultre qua n t pour toymesmes l'esleuz or pert il bien q ue tes jugeme n s ne sont pas pareilz a ceulx des ho m mes. Car q ui fut oncques en ce monde plus povre que toy quant il te pleut naistre en une povre estable co m me en lieu destourné entre bestes mues en te m ps d'yver enveloppé en povres drapelletz & toute ta vie user en telle povreté que oncques n'euz riens propre fortz ce qu'on te donnoit pour aulmosne souffris maintesfoys fain soif & toutes mesaises vous mourir tourmenter tout nud & si povre q ue tu n'avois pas ung povre oreiller a reposer ton digne chief / helas moy miserable creature me dois je plaindre d'estre de ton co n vent. Beau sire dieu je te rens graces qua n t tant me daignes ho n norer q ue j'en soye Car tu veulx que par la fain tra n sitoire que a present je seuffre & endure je soye rassise la sus a ta sai n cte table a tousjours s'il me plaist & le vueil tresdoulx sire que ta saincte voule n té soit faicte. Le deuxiesme dard que elle gettera sera tel. Et si tu es ores malade & pou reco n fortee dieu le veult / affin que par la pacience que tu y peulx prendre ton merite soit de tant plus grant. Le troiziesme dard est / se tu es vieil & n'as nulz amys que te chault / iceulx amys que te feroyent ilz. Certes ta vieillesse ne te osteroient ilz pas / ne ilz ne te accroisteroyent pas ton merite / & de tant que tu es plus vieil c'est mieulx pour toy. Car tant es tu plus pres d'aller au terme de ton voyage & vers ton dieu qui par sa saincte misericorde se tu es patient te remettra en force & en jeunesse de toute gloire & felicité. Le quatriesme dard est / se tu gis maintenant sur ung pou de fiens q ui ung petit de temps t'a a durer ou en ung pouvre & mesaise logis ou tu n'as dequoy te aysier / quel mechief est ce pour toy advisa n t le benoist logis de paradis sur tous beau & dectable ou tu ne peulx faillir se a toy ne tient. Le cinquiesme dard est. se le monde te desprise ou deboute tu es bien blecé mais pour dieu or advises que vallent aux roys aux grans & aux riches trespassés les honneurs que en leurs vies on leur faisoit au siecle. Helas n'est pas doubte que cause ont esté de dampner mai n te a qui mieulx vaulsist avoir esté de ton estat. Ainsi & par ces dartz entre vous povres & indigens vous povez vaincre & mater les assaulx de impacience qui ne sont pas petis qua n t ilz vie n nent par grant oppression de necessité par prendre en gré vostre povreté avoir fiance en dieu ne couvoiter autre chose fors ce qui luy plaist. Et par ceste voye povez acquerir plus noble possession / & plus de richesses que cent mille mondes ne pourroient contenir & a tousjours durer. Si avez cause a tout regarder si bien ne voulez user de louer dieu de l'estat ou il vous a appellés quoy qu'il soit dur a porter. Et entre vous bonnes & povres femmes qui voz povres maris avez les devez par ces poins reconforter & eulx aussi vous servir l'ung l'autre le mieulx que vous pourrés. Les povres veufves aussi se reconforter en dieu en attenda n t la joye qui n'a fin laquelle dieu vous octroye. Et a celluy mesmes te recommandons christine amye chiere. Et de nostre oeuvre ainsi nous departons

¶ La fin & conclusion d'icelluy livre.

¶ Cy dit des fe m mes des laboureux. Chap. .liii.

A tant se teurent les trois dames qui a coup s'evanoyre n t & je christine demouray presque lassee p ar longue escripture. mais tresrejouye regarda n t la tresbelle oeuvre de leurs dignes leço n s lesq ue lles de moy racapitulees veues & reveues me apparoie n t estre de mieulx en mieulx tresproffitables au bien & augme n tation des meurs & vertueux en accroisseme n t d'honneur aux dames & a toute l'université des fe m mes presens & advenir la ou se pourroit ceste dicte oeuvre estendre & estre veue Et pource se moy leur serva n te ja ne soye suffisa n te pour tousjo ur s selon mon usaige m'employer au service du bien d'elles si que continuellement je le desire me pensay que ceste noble oeuvre multipliroye par le monde en plusieurs coppies quelq ue en fust le coust seroit presentee en divers lieux. A roynes princesses & haultes dames affin q ue plus fust ho n noree & essaucee si qu'elle en est digne & q ue par elle peusse estre semee entre les autres fe m mes laquelle dicte pensee & desir mys a effect si q ue ja est entreprins sera espandue et publié en tous pays tant soit elle en langue françoise / mais par ce que ladicte la n gue est plus co m mune par l'universel monde q ue q ue lconques autre ne demoura pourtant vague & non utille nostre dicte oeuvre qui durera au siecle sans decheeme n t par diverses copies. si la verront & orront vaillans dames & femmes d'auctorité au te m ps present & en celluy advenir qui prieront dieu pour leur servante christine desirans que de le ur temps fust sa vie au siecle ou q ue veoir la puissent ausquelles toutes plaise que tant q ue au mo n de sera viva n t la vueillent avoir en grace & memoire par amyables salus pria n s a dieu que par sa pitié soit favorable de mieulx en mieulx a son entendeme n t si q ue telle lumiere de science & vraye sapie n ce luy ottroye que employer le puisse tant que ça jus aura duree au noble labeur d'estude & l'essauceme n t & elevation de vertus en bons exemples a toute humaine creature. Et aprés ce q ue l'ame du corps sera partie en merite & guerdon de son service leur laisse offrir a dieu pour elle patenostres oblacions & devotions po ur l'alegement des peines par ses deffaultes deservies si qu'elle soit presentee devant dieu au siecle sans fin lequel vous octroit.

Amen.


¶ Cy finist le tresor d e la cité des dames selon dame christine Imprimé a Paris par Michel le noir libraire demourant sur le pont saint Michel a l'ymage saint Jehan l'evangeliste. Le .iiii. jo ur de decembre. L'an mil cinq cens & trois.

[Marque d'imprimeur: .Michel. .Lenoir.]

NOTES SUR LA TRANSCRIPTION

L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. Néanmoins pour faciliter la lecture, on a distingué les lettres i/j, u/v, et introduit cédilles, apostrophes et accents. Les symboles d'abréviation conventionnels ont été remplacés par les lettres correspondantes (exemple: Co m me au lieu de Cõme).

Les coquilles les plus manifestes ont été corrigées: interversion de lettres (p. ex. si n acte pour sai n cte), substitution entre lettres semblables (tn pour tu), ou lettres ou mots en double (didire pour dire), etc.

Le passage allant de "qui nous meuvent. Il n'est pas doubte" à "courage aux gens" a été tiré d'une autre édition, la page correspondante du document d'origine n'étant pas disponible sur Gallica.