Title : Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique
Author : Benjamin Franklin
Contributor : John Canton
David Colden
Translator : Thomas François Dalibard
Release date
: December 25, 2008 [eBook #27610]
Most recently updated: January 4, 2021
Language : French
Credits
: Produced by Sébastien Blondeel, Carlo Traverso, Rénald
Lévesque and the Online Distributed Proofreading Team at
https://www.pgdp.net (This file was produced from images
generously made available by the Bibliothèque nationale
de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
A PARIS
Chez DURAND, rue du Foin, au Griffon.
ONSEIGNEUR,
La permission que VOTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME veut bien me donner de faire paroître cette Traduction sous son auguste nom, est une suite des bontés dont Elle a daigné m'honorer dès sa plus tendre jeunesse. Cet hommage public est en même tems un tribut de ma reconnoissance & de l'ancien & très-respectueux attachement que j'ai toujours eu pour la personne de VOTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME. Son amour pour les Sciences, la protection qu'Elle accorde ouvertement aux Lettres & à ceux qui les cultivent, l'application qu'Elle donne Elle-même à l'Étude, son goût pour la Physique, l'attention avec laquelle Elle se fait rendre compte des nouvelles découvertes, sont autant d'autres motifs qui m'en imposent la loi. Trop heureux, MONSEIGNEUR, de pouvoir aujourd'hui réunir un devoir avec les vrais sentimens de mon coeur.
Je suis avec un très-profond respect,
Le très-humble &
très-obéissant
serviteur,
D'ALIBARD.
M
onsieur Franklin, habitant
de Philadelphie
dans la Colonie Angloise
de Pensylvanie en
Amérique, est l'Auteur des
Lettres suivantes sur l'Électricité.
M. Collinson son
ami & son correspondant à
Londres, à qui elles sont
adressées, les a jugées dignes
de l'impression. Elles
étoient sous la presse, lorsqu'il
en informa M. Franklin;
celui-ci, qui ne les
avoit pas écrites à cette intention,
se pressa d'envoyer
2
à son ami quelques changemens,
qui n'étant pas arrivés
à tems, ne purent
être mis que comme additions
& corrections à la fin
de l'ouvrage. Il pria en même
tems M. Collinson d'en
envoyer un des premiers
exemplaires à M. de Buffon,
qui jugea de ces Lettres,
comme on en avoit
jugé en Angleterre où elles
ont eu un applaudissement
général. Occupé
d'ouvrages bien plus importans
dont il ne veut pas
se distraire, M. de Buffon
m'a engagé à les faire paroître
3
en François. Il ne
s'agissoit que de rendre
exactement des choses simples,
aussi ne s'est-on attaché
qu'à les traduire littéralement,
à bien rendre le
sens de l'Auteur & à éclaircir
les endroits qui ont paru
un peu obscurs dans l'original.
Pour la commodité
des lecteurs, on a rapporté
en notes au bas des pages,
les changemens que Mr.
Collinson avoit fait imprimer
comme additions &
corrections à la suite des
Lettres.
Quoique la plupart des 4 Physiciens se soient exercés depuis plusieurs années sur la matière de l'électricité: quoique leur zèle ait été récompensé par des succès assez brillans, on verra par les recherches & par les découvertes de M. Franklin, que cette matière est encore neuve à bien des égards. On sentira en même tems qu'il y a cependant lieu d'espérer qu'en multipliant, à son exemple, les expériences & les observations dans des vûes nouvelles, on parviendra un jour à pénétrer un mystère qui n'importe 5 peut-être pas moins à l'utilité commune qu'à la la curiosité de l'esprit. On y arrivera même d'autant plus vite & plus sûrement, qu'on se hâtera moins de hazarder des systèmes. On n'a pas encore assez de faits sur ce sujet pour qu'il soit permis d'y joindre des hypothèses.
«C'est (dit M. de Buffon 1 ) par des expériences fines raisonnées & suivies que l'on force la nature à découvrir son secret; toutes les autres 6 méthodes n'ont jamais réussi, & les vrais Physiciens ne peuvent s'empêcher de regarder les anciens systèmes comme d'anciennes rêveries, & sont réduits à lire la plupart des nouveaux comme on lit les Romans. Les recueils d'expériences & d'observations sont donc les seuls livres qui puissent augmenter nos connoissances. Il ne s'agit pas, pour être Physicien, de sçavoir ce qui arriveroit dans telle ou telle hypothèse, en supposant, 7 par exemple, une matière subtile, des tourbillons, une attraction, &c. Il s'agit de bien sçavoir ce qui arrive, & de bien connoître ce qui se présente à nos yeux; la connoissance des effets nous conduira insensiblement à celle des causes, & l'on ne tombera plus dans les absurdités qui semblent caractériser tous les systèmes; en effet l'expérience ne les a-t-elle pas détruits successivement? ne nous a-t-elle pas montré que ces élémens que l'on croyoit 8 autrefois si simples, sont aussi composés que les autres corps? ne nous a-t-elle pas appris ce que l'on doit penser du chaud, du froid, du sec & de l'humide, de la pesanteur & de la légèreté absoluë, de l'horreur du vuide, des loix du mouvement autrefois établies, de l'unité des couleurs, du repos & de la sphèricité de la terre, & si je l'ose dire des Tourbillons? Amassons-donc toujours des expériences & éloignons-nous, s'il est possible, de tout esprit 9 de système, du moins jusqu'à ce que nous soyons instruits, nous trouverons assûrément à placer un jour ces matériaux, & quand même nous ne serions pas assez heureux pour en bâtir l'édifice tout entier, ils nous serviront certainement à le fonder, & peut-être à l'avancer au-delà même de nos espérances.» C'est cette méthode que M. Franklin a suivie à l'imitation du grand Newton & des plus excellens Physiciens, méthode qui doit suffire pour prévenir 10 le public en faveur de l'ouvrage qu'on lui présente.
Mais il ne suffit pas de s'attacher uniquement à la voye de l'expérience, à moins que d'être, comme notre auteur, fécond en moyens, ingénieux en découvertes & heureux en applications; il ne faut pas, comme tant d'autres Physiciens sans génie, se permettre de tirer des inductions qui ne sont ni justes ni naturelles, déduire des conséquences qui ne sont fondées que sur des suppositions 11 vagues & étrangères au sujet. Il faut au contraire dans une matière aussi nouvelle que l'est celle-ci, se contenter de considérer les faits sous de nouveaux points de vûe, pour tâcher de les généraliser & d'en former un ordre systématique & suivi. C'est ce qu'a fait M. Franklin. Instruit, par exemple, des effets surprenans de la bouteille électrique, le premier objet qu'il s'est proposé, a été d'examiner comment elle acquiert la vertu électrique, comment elle la conserve, 12 quoiqu'on la touche, & comment elle la communique. Ayant toujours l'expérience & l'observation pour guides, il a bientôt reconnu que l'électricité est inhérente & inséparable de la matière: que le verre en contient autant qu'il en peut contenir, & toujours la même quantité: qu'électriser la bouteille, ce n'est pas y faire entrer plus de matière électrique qu'elle n'en avoit auparavant, mais accumuler sur une de ses surfaces autant de cette matière qu'il y en a dans les 13 deux surfaces ensemble, ce qui ne se fait que parce que l'une en rejette précisément la même quantité que l'autre en reçoit: que les deux surfaces de la bouteille électrisée sont toujours prêtes l'une à rendre ce qu'elle a de plus, & l'autre à recevoir ce qu'elle a de moins que sa quantité naturelle: qu'elles ne peuvent le faire l'une sans l'autre: que l'équilibre ne sçauroit se rétablir entr'elles par la communication intime de l'une à l'autre, mais seulement par une communication 14 extérieure non électrique: qu'ainsi la bouteille reste chargée tant que cette communication extérieure n'est pas établie, & qu'enfin l'électricité ne sçauroit être communiquée par la bouteille, qu'autant que cette bouteille reçoit par une voye la même quantité de matière électrique qu'elle donne par l'autre.
Ces premières connoissances ont conduit notre auteur à trouver les moyens de faire paroître l'électricité de deux manières tout-à-fait opposées, l'une en augmentant 15 l'électricité naturelle dans les corps que nous nommons non-électriques, & il appelle cette augmentation électricité positive ; l'autre en diminuant l'électricité naturelle; il nomme celle-ci négative . De là sont venus les termes nouveaux électriser en plus , électriser en moins , dont les significations répondent assez bien à celles qu'ils ont dans l'algèbre.
L'analyse de la bouteille électrique à achevé de confirmer M. Franklin dans l'opinion où il étoit dès auparavant 16 que l'électricité dans cette bouteille est attachée au verre précisément comme verre, & que les corps non-électriques qu'on y ajoute ne servent que, comme l'armure d'une pierre d'aimant, à unir les particules de la matière électrique surabondante, & à les tenir rassemblées sur l'une des surfaces du verre, étant toujours prêtes à s'échapper par le premier endroit où elles trouveroient passage pour aller à l'autre. En conséquence de ces découvertes; il a imaginé quantité 17 d'autres expériences dont l'enchaînement & le résultat sont la confirmation des premières & l'apologie de son jugement. Néanmoins quelques justes que soient ses idées, quoiqu'elles soient toutes appuyées sur des faits, l'auteur ne les propose que comme des conjectures, & l'on verra que sa modestie est égale à sa pénétration. Mais ce seroit s'écarter de la retenuë dont il donne l'exemple, que de chercher à faire valoir son mérite par des louanges dont il n'a 18 pas besoin, & qui ne pourroient être que suspectes de la part d'un traducteur. Il vaut mieux le laisser lire & s'en rapporter au jugement du public.
Le pays qu'abite M. Franklin est des plus favorables pour les expériences électriques; autant les chaleurs y sont excessives en été, autant le froid y est rigoureux en hyver; l'on passe subitement de l'un à l'autre sans presque s'appercevoir ni de la douceur du printems, ni de la température de l'automne. Le vent sud 19 ou nord amène les deux saisons opposées; mais dans l'une & dans l'autre on y jouit presque toujours du plus beau ciel. Les nuages épais y dérobent rarement la vûe du soleil & des étoiles: les pluyes n'y sont jamais de longue durée, & les brouillards y sont presque inconnus. Ainsi la sécheresse du tems & la froideur du vent du nord contribuent beaucoup à y rendre plus sensibles la force & les effets de l'électricité. On en trouvera des preuves incontestables dans plusieurs endroits 20 cet ouvrage. Malgré la différence de climat, je n'ai pas voulu publier cette traduction, sans avoir du moins essayé de répéter les expériences qui y sont rapportées; après avoir parfaitement réussi à faire celles que j'ai jugées les plus intéressantes & les plus difficiles dans l'exécution, quelques-unes m'ont paru mériter que j'en fisse hommage à l'Académie Royale des Sciences. Je lui rendis compte le 22. Décembre 1751. de mon succès dans les expériences du tableau 21 magique & de la fusion des métaux; j'y fis voir des lames de verre sur lesquelles on distinguoit aisément l'or, l'argent, le cuivre & l'étain que l'électricité avoit par sa violence incorporés dans la substance même du verre. J'avois employé pour me procurer le puissant dégré d'électricité nécessaire, une bouteille de verre blanc & mince tenant environ deux pintes dont j'avois fait argenter extérieurement le fond jusqu'au milieu de sa hauteur, & j'y avois mis à peu près quinze 22 livres de menu plomb bien sec. Ces métaux sont sur ces lames dans un état de vitrification, inattaquables à l'eau forte & à l'eau régale, suivant les épreuves que j'en avois faites auparavant d'après les assurances de M. Franklin. Enfin ces expériences aussi bien que beaucoup d'autres, avoient si pleinement satisfait à mes désirs, eu égard au tems, à la saison & au climat, qu'elles ne laissoient nullement lieu de douter de la certitude de celles que je n'avois pas encore tentées.
Dès que la première édition de cette traduction fut achevée, j'en envoyai un exemplaire à M. Franklin, ce qui me mit en correspondance directe avec lui. Je lui fis part dans le tems, du succès de mon expérience sur le tonnerre, & lui envoyai le mémoire que j'en avois donné à l'Académie Royale des Sciences le 13. Mai 1752. tel qu'il est dans le second volume de cet ouvrage; il en fut charmé & m'envoya avec sa réponse, son premier supplément, dont je vérifiai 24 pareillement les expériences. Le second ne m'a été rendu que long-tems après.
J'ai trouvé dans cette dernière brochure d'excellentes observations à opposer aux critiques qui avoient paru contre mon auteur, & auxquelles j'avois entrepris de répondre; c'est ce qui m'a engagé à resserrer ce que j'avois écrit dans ce dessein, pour ne pas multiplier les êtres sans nécessité. Je me suis contenté d'ajouter à la suite des principales expériences critiquées quelques-unes des réponses 25 dont j'avois eu intention de faire un ouvrage séparé. Au lieu d'être mises en notes, elles y sont distinguées par des guilmets, ce qui m'a semblé plus commode pour les lecteurs. Les expériences contenuës dans ce second supplément ne sont pas moins sûres que celles qui avoient été publiées auparavant. Elles ont été répétées avec le même succès. Sans avoir égard aux dates des lettres, je les ai arrangées tout différemment de ce qu'elles étoient dans la première édition de 26 cet ouvrage; j'en ai même partagé quelques-unes en plusieurs fragmens que j'ai placés suivant l'ordre des matières: c'est dans la même vûe que j'ai mis une suite uniforme aux paragraphes.
Enfin je n'ai rien négligé pour répandre dans cette seconde édition toute la clarté qui a pû dépendre de mes soins. Ils se trouveront bien récompensés, si les changemens que j'ai faits du consentement de Mr. Franklin, sont approuvés du public.
Au reste j'ai pensé que ceux qui n'ont pas fait une étude particulière de l'électricité seroient bien-aises d'en connoître les progrès depuis son origine jusqu'aux découvertes de M. Franklin. L'histoire qu'en a faite M. de Secondat pour l'Académie de Bordeaux en 1748. me rendoit ce travail facile; on verra que j'ai profité de cet excellent ouvrage; j'y ai ajouté des choses ou qui n'étoient pas venuës alors à la connoissance de M. de Secondat, ou qu'il avoit crû devoir 28 négliger, & j'y ai joint les découvertes qui ont été faites sur le même sujet depuis son histoire jusqu'à présent. J'espère qu'en allant par cette voye à mon objet principal, qui est de mettre les Lecteurs en état de mieux juger du mérite de mon auteur, & de la valeur de son ouvrage, je ne leur laisserai rien à désirer sur les faits principaux de l'électricité.
L
a première chose qui
a fait reconnoître l'Électricité,
est la vertu
d'attirer que l'on a remarquée en
certains corps, après qu'ils ont
été frottés. Le premier de tous,
dans lequel ont ait observé cette
vertu, c'est l'ambre jaune connu
des anciens sous le nom d'
Electrum
;
c'est de ce nom que cette
vertu a retenu celui d'Électricité,
ii
& l'on appelle corps électriques
ceux qui en sont pourvûs.
Il seroit difficile & peut-être impossible
de déterminer le tems
où l'on a observé pour la première
fois que l'ambre-jaune,
après avoir été frotté, attire
les brins de paille dont on l'approche.
Ce qu'en disent quelques-uns
des auteurs anciens qui
en ont fait mention, comme
Thalès de Milet, Plutarque,
Pline, &c. prouve que l'observation
de ce phénomène est très-ancienne,
aussi ne se trouve-t-il
guères de traités de Physique où
il n'en soit parlé; mais personne
que l'on sçache ne s'étoit avisé
de faire sur ce sujet des recherches
suivies avant Gilbert médecin
iii
Anglois qui vivoit vers
l'an 1600. après avoir recueilli
sur l'aimant les découvertes de
ceux qui l'avoient précédé &
avoir fait lui-même un grand
nombre d'observations nouvelles
sur les propriétés de cette
merveilleuse pierre, il crut devoir
considérer les propriétés de
l'
Electrum
qui paroissent avoir
du rapport à celles de l'aimant.
Il avoit pû d'abord regarder cette
résine comme une espèce
d'aimant dont la vertu a besoin
d'être excitée par le frottement.
Quoi qu'il en soit, il parle de
cette vertu comme d'une chose
que l'on connoissoit de tout
tems. On avoit aussi reconnu la
iv
même propriété dans le Jayet,
mais cette remarque étoit récente.
Il s'agissoit de la chercher encore
dans d'autres corps, c'est à quoi
il s'appliqua. L'ambre-jaune étoit
mis alors au rang des choses les
plus précieuses; il servoit à l'ornement
des autels & aux parures
inventées par le luxe. Le Jayet
étoit aussi une matière fort estimée;
avant l'invention des glaces
on l'employoit à faire des
miroirs.
Gilbert, qui avoit tant étudié toutes les propriétés de l'aimant, avoit sans doute remarqué qu'il falloit une moindre force pour mettre en mouvement une aiguille mince & légère posée en v équilibre sur un pivot bien poli, comme sont les aiguilles aimantées, que pour élever d'une seule ligne un corps beaucoup plus léger. C'est pourquoi il se servit habilement de ce moyen pour reconnoître l'électricité dans les substances où elle est trop foible pour se manifester d'une autre manière. «Faites, dit-il, une aiguille de quelque métal que ce soit, de la longueur de deux ou trois pouces, légère & très-mobile sur un pivot, à la manière des aiguilles aimantées: approchez d'une des extrémités de cette aiguille de l'ambre jaune ou une pierre précieuse légèrement frottée, luisante & vi polie, l'aiguille se tournera sur le champ.» Ce fut vraisemblablement par ce moyen qu'il reconnut que non-seulement l'ambre & le jayet ont cette propriété d'attirer, mais qu'elle est commune à la plupart des pierres précieuses, comme le diamant, le saphir, le rubis, l'opale, l'améthyste, l'aigue-marine; le cristal de roche: qu'on la trouve aussi dans le verre, la bélemnite, le soufre, le mastic, la cire d'Espagne, la résine, l'arsenic, le sel-gemme, le talc, l'alun de roche. Toutes ces différentes matières, quoiqu'avec différens dégrés de force, lui parurent attirer non-seulement les vii brins de paille, mais tous les corps légers, comme le bois, les feuilles, les métaux en limaille ou en feuille, les pierres, les terres, & même les liqueurs comme l'eau & l'huile.
La Physique est encore redevable à Gilbert de beaucoup d'autres observations sur l'Électricité. C'est lui qui nous a appris qu'elle est plus facilement excitée par un frottement léger & rapide que par un frottement plus rude: que le tems le plus sec & le vent de nord le plus froid sont les plus favorables pour l'Électricité: que l'humidité de l'air & à plus forte raison le souffle des animaux l'affoiblissent viii & même la détruisent en peu de tems: que l'eau produiroit le même effet, si l'on moüilloit le corps électrique: qu'une toile mise entre ce corps & celui qu'on veut attirer, empêche totalement l'attraction: qu'une étoffe de soye placée de même ne l'empêche pas entièrement: que les corps électriques n'attirent point la flamme d'une bougie, mais attirent fortement la fumée de cette bougie éteinte.
Pour expliquer les phénomènes de l'électricité, ceux de l'aimant, & ceux de la pésanteur, Gilbert imagina des hypothèses ingénieuses, auxquelles pourtant il se fioit moins qu'à ses expériences. ix L'attraction, suivant son opinion, est causée par des écoulemens très-subtils; l'air est l'écoulement électrique de la terre & l'instrument de la pésanteur. C'est peut-être sur cette idée de Gilbert que le célèbre Otto de Guerike s'avisa de faire des observations sur un globe de soufre qu'il excitoit à l'électricité par un mouvement qui imitoit en quelque forte celui de la terre.
Otto de Guerike, dit l'ingénieux M. Dufay dans son premier mémoire sur l'électricité, a imaginé de faire tourner sur son axe par le moyen d'une manivelle, une boule de soufre x grosse comme la tête d'un enfant. Cette boule étant muë avec rapidité, si l'on applique la main dessus elle devient électrique & attire les corps légers qui lui sont présentés; si on la détache de la machine sur laquelle elle a dû être posée pour la faire tourner & qu'on la tienne à la main par l'axe, non-seulement elle attire une plume, mais elle la repousse ensuite, & ne l'attire plus de nouveau que la plume n'ait touché quelqu'autre corps. Il remarque que la plume ainsi chassée par le globe attire tout ce qu'elle rencontre, ou va s'y appliquer, si elle ne peut xi pas l'attirer vers elle; mais que la flamme d'une chandelle la chasse & la repousse vers le globe.... Si l'on suspend un fil au-dessus du globe, ensorte qu'il ne le touche point, & qu'on approche le doigt du bout inférieur de ce fil, on verra le fil s'éloigner du doigt. Il a aussi remarqué que la vertu électrique du globe se transmettoit par le moyen d'un fil jusqu'à la distance d'une aune, & que lorsque le globe avoit été rendu électrique par la rotation & par la main appliquée dessus, il conservoit sa vertu pendant plusieurs heures. Tenant l'axe de ce globe dans une xii position verticale, il promenoit une plume par toute la chambre; sans qu'elle s'appliquât au globe.» Il remarqua aussi que le globe frotté dans l'obscurité répandoit de la lumière.
Otto de Guerike avoit pour contemporain & pour émule le fameux Boyle à qui nous avons obligation d'un si grand nombre de belles découvertes. Ce dernier chercha & trouva la vertu électrique dans un grand nombre de corps où Gilbert ne l'avoit point cherchée, & dans quelques-uns de ceux où il l'avoit cherchée inutilement. Pour éprouver si l'air avoit quelque xiii part à l'électricité, il suspendit dans une fiole au-dessus d'un corps léger un morceau d'ambre-jaune excité à l'électricité; ayant ensuite pompé l'air de la fiole, il laissa descendre l'ambre-jaune près du corps léger, qui fut attiré. Il reconnut par-là que la vertu électrique une fois excitée se conserve dans le vuide, & que son action ne dépend point de l'air.
M. Boyle avoit fait beaucoup de recherches sur les corps qui donnent de la lumière dans l'obscurité, en particulier sur le ver luisant; y ayant emprunté un diamant qu'on disoit avoir la propriété d'être lumineux dans les xiv ténèbres, il observa que ce diamant étant frotté dans l'obscurité contre quelqu'étoffe que ce fût, devenoit en effet non-seulement lumineux, mais encore électrique, comme l'avoit observé Gilbert. Il reconnut bientôt les mêmes propriétés dans plusieurs autres.
L'Électricité resta long-tems négligée après Boyle; mais les grandes découvertes de Newton sur les propriétés de la lumière & sur le système de l'attraction engagèrent vraisemblablement Hauksbée de la Société Royale de Londres à faire des recherches sur les mêmes sujets & sur l'électricité. Ayant inventé une xv machine pour faire tourner rapidement un corps sous le récipient de la machine pneumatique, il s'en servit pour faire frotter dans le vuide un morceau d'ambre jaune contre de la laine. Ce frottement produisit une lumiére beaucoup plus vive que le même frottement dans l'air; après l'opération l'ambre jaune, aussi bien que la laine lui parurent un peu brûlés.
On avoit sans doute remarqué que de tous les corps électriques, le verre est un de ceux en qui le frottement excite une plus forte électricité. Hauksbée s'avisa d'employer dans ses expériences un tube ou cylindre creux de xvi verre. En le frottant rapidement dans sa main, un papier entre-deux, il le rendoit électrique, & faisoit par son moyen toutes les expériences qu'Otto de Guerike avoit faites avant lui avec un globe de soufre. Il observa de plus qu'un tube dont on a pompé l'air, ne s'électrise que très-foiblement, & que si on y laisse rentrer l'air il acquiert beaucoup d'électricité sans être frotté de nouveau. Quand on frotte un tube dans l'obscurité, une lumière fuit la main qui frotte, & si l'on approche de ce tube ainsi excité une autre main, ou quelqu'autre corps, comme du métal, de l'yvoire, du bois, &c. xvii il en sort une étincelle accompagnée d'un bruit assez semblable au pétillement d'une feüille verte jettée au feu, mais moins fort. Quand on frotte le tube vuide d'air, la lumière est plus vive, mais toute dans son intérieur, & l'on n'en peut tirer d'étincelle.
Hauksbée imagina aussi de faire tourner sur son axe un globe creux de verre par le moyen d'une rouë & d'une corde qui passe sur la circonférence de cette rouë & sur une poulie fixée sur l'axe du globe. Il excita l'électricité en frottant ce globe, mais il n'en tira pas de plus grands effets que de son tube. L'électricité qui jusques-là ne xviii s'étoit manifestée que par le frottement, Hauksbée la découvrit dans une substance qui n'avoit point été frottée; il remarqua que si on laisse refroidir de la résine qui a été fondüe, & que, si, avant qu'elle soit tout-à-fait refroidie, on en approche du cuivre en feüilles, elle l'attire à la distance d'un pouce ou deux, sans aucun frottement précédent.
M. Gray continua avec succès les recherches électriques de Boyle & de Hauksbée; ayant voulu éprouver s'il y avoit quelque différence dans l'attraction du tube lorsqu'il étoit bouché par les deux bouts & lorsqu'il ne l'étoit pas, il n'en apperçut aucune; xix mais comme il tenoit une plume ou duvet au-dessus du bouchon de liége dont le bout supérieur du tube étoit bouché, il remarqua que cette plume étoit attirée & ensuite repoussée par le liége de la même manière qu'elle a coutume de l'être par le tube. Cette observation le confirma dans une pensée qu'il avoit euë autrefois, que, comme le tube frotté dans l'obscurité communique de la lumière aux autres corps par l'attouchement, il pouvoit bien aussi leur communiquer de l'électricité. Le liége effectivement n'avoit cette vertu attractive que par communication du tube excité à l'électricité. xx Il s'en assura encore d'une autre façon: ayant fixé au bout d'un bâton de sapin d'environ quatre pouces de long une boule d'yvoire d'un peu plus d'un pouce de diamètre, il enfonça l'autre bout du bâton dans le bouchon de liége: ayant ensuite frotté le tube, il vit avec plaisir que la boule attiroit & repoussoit le duvet avec plus de force que n'avoit fait le liége. Il répéta cette expérience avec des bâtons plus longs & enfin avec un de vingt-quatre pouces, & trouva toujours les mêmes effets.
Au lieu de bois M. Gray se servit dans la suite d'un fil de fer, puis d'un fil de laiton, & eut xxi encore le même succès; mais comme les vibrations de ces fils de fer, & de laiton, causées par le frottement du tube, étoient incommodes, surtout lorsque les fils étoient longs de deux ou trois pieds, il imagina de suspendre la boule à l'extrémité d'une ficelle nouée au tube par son autre extrémité; étant sur un balcon élevé de trente-six pieds, il laissa pendre la boule ainsi attachée au tube par le moyen d'une ficelle de cette longueur; le tube étant frotté, la boule attira & repoussa du cuivre en feuilles qui étoit au-dessous d'elle.
M. Gray essaya ensuite de xxii transmettre en ligne horizontale l'électricité à de bien plus grandes distances; il y réussit d'abord en se servant pour cela d'une ficelle soutenuë horizontalement à quelque distance de terre sur des fils de soye, & transmit l'électricité à cent quarante pieds; mais comme il vouloit pousser plus loin son expérience, les fils de soye s'étant rompus, il leur substitua des fils-d'archal de la même finesse; car il s'imaginoit que le succès de l'expérience dépendoit de la finesse de ces fils, qu'il croyoit trop minces pour pouvoir intercepter une partie sensible de la force électrique communiquée par le tube xxiii à la ficelle & à la boule. Quand il vint à frotter le tube, l'électricité ne fut point transmise à l'extrémité de la ficelle. Il reconnut de là que le succès de la première expérience ne venoit pas de la finesse des fils de soye, puisque les fils-d'archal de la seconde étoient aussi minces, mais qu'il venoit de la nature même de la soye. Instruit par ce contre-tems M. Gray vint depuis à bout de transmettre l'électricité à une distance de sept cens pieds.
Il découvrit encore que la communication de l'électricité pouvoit se faire par la seule approche du tube, sans qu'il touchât xxiv le corps auquel on vouloit la communiquer. Ayant suspendu horizontalement un enfant sur des cordons de crin, en approchant de ses pieds le tube bien frotté, il l'électrisa au point que son visage & ses mains attirèrent des feüilles de cuivre. Il plaça cet enfant debout sur deux pains de résine d'environ huit pouces de diamètre & deux pouces d'épaisseur, un sous chaque pied. Ayant ensuite approché le tube bien frotté des cuisses de l'enfant, ses mains attirèrent & repoussèrent alternativement des feüilles de cuivre que l'on avoit mises au-dessous.
Mr. Dufay de l'Académie xxv Royale des Sciences, informé des découvertes de M. Gray, se mit aussi à travailler sur l'électricité. Après un nombre infini d'expériences dont on n'indiquera que les principales, il nous a appris qu'il n'y a point de corps, à l'exception des métaux & des animaux qui ne soit électrique. Les métaux & les animaux s'électrisent fortement ou deviennent fortement électriques, lorsqu'étant soutenus sur des cordons de soye ou de crin, sur des gâteaux de résine, sur du verre, &c. on en approche le tube excité à l'électricité. On doit donc entendre par corps électriques ceux qui le sont naturellement xxvi qui n'ont besoin que d'être frottés pour en donner des preuves, & par corps non-électriques ceux qui ne peuvent devenir électriques que par communication, comme sont les métaux.
En répétant avec un tube de verre & des feüilles d'or une expérience d'Otto de Guerike, dans laquelle une petite plume avoit été attirée, repoussée & soutenuë en l'air au-dessus du globe de soufre, M. Dufay observa que la feüille d'or alla s'attacher à un morceau de gomme-copal qu'il lui présentoit & y demeura. Cela lui fit soupçonner que l'électricité de la gomme-copal étoit différente par sa xxvii nature de l'électricité du verre, puisque l'une attiroit ce que l'autre repoussoit. Cette observation le porta à faire plusieurs autres expériences, d'où il crut pouvoir conclure qu'il y avoit en effet deux sortes d'électricités. Il nomma l'une vitrée & l'autre résineuse; mais les Physiciens n'ont pas admis cette distinction. On verra cependant dans la suite de cet ouvrage qu'elle est bien fondée, & qu'un globe de soufre détruit l'effet d'un globe de verre.
M. Dufay répétant de même l'expérience de M. Gray, dans laquelle on électrise un enfant suspendu sur des cordons de crin xxviii ou de soye, & s'étant mis lui-même à la place de l'enfant; quelqu'un voulut ramasser une feüille d'or qui s'étoit attachée à sa jambe; dans l'instant ils sentirent l'un à la jambe & l'autre au doigt une douleur comme une piqûre, & l'on entendit un pétillement semblable à celui du tube lorsqu'on en approche le doigt. Cette douleur & ce pétillement sont accompagnés d'une étincelle visible même en plein jour.
Cette étincelle n'avoit été regardée jusques-là que comme la lumière de certains phosphores qui ne brûlent point, tels que le bois pourri & les vers luisans: xxix mais la douleur fit penser à M. Dufay que l'électricité étoit un véritable feu. On s'est appliqué depuis à en rendre les effets plus sensibles.
Les Physiciens d'Allemagne profitant de tout ce qui avoit été découvert avant eux sur le sujet de l'électricité, imaginèrent de reprendre le globe de verre, dont Hauksbée n'avoit pas tiré un meilleur parti que du tube & qu'il avoit abandonné trop légèrement. Ce qui les y engagea fut sans doute la réflexion que le verre étant plus électrique, un globe de cette matière doit produire de plus grands effets que le globe de soufre xxx d'Otto de Guerike, & qu'étant susceptible d'une friction plus rapide & plus long-tems continuée, l'usage de ce globe devoit être plus facile & plus avantageux que celui du tube de Hauksbée. Ils employèrent des globes & des rouës plus grandes & les disposèrent de la même manière que la meule & la rouë dont se servent les Couteliers. Par ce moyen ils réussirent d'abord à rendre beaucoup plus sensibles tous les phénomènes de l'électricité déjà connus. Ils firent encore de très-belles découvertes dont les Journaux d'Allemagne de 1745. ont rendu compte, & dont on ne rapportera ici qu'une seule.
Si, en faisant tourner & frotter le globe de verre, on en approche le bout d'un grand tuyau de fer blanc, sans qu'il touche le globe, & qu'une personne montée sur un gâteau de résine tienne d'une main ce tuyau par l'autre extrémité, cette personne est électrisée, & acquiert après deux ou trois révolutions du globe une puissance flammifique assez forte pour allumer avec un de ses doigts, avec une canne ou avec une épée de l'esprit de vin un peu échauffé. Le même effet s'ensuit lorsque la personne électrisée tient dans sa main le vase qui contient la liqueur, & la fait toucher par une autre personne xxxii est sur le plancher. Dès que le doigt approche de la liqueur, il en sort une étincelle bruyante qui enflamme l'esprit de vin. On peut de même enflammer de la poix, de la résine, de la cire d'Espagne, du soufre & même de la poudre à canon, pourvû que ces matières soient en fusion, & conséquemment échauffées. Cette expérience réussit aussi quand on électrise avec le tube, mais les étincelles sont foibles & l'effet n'en est pas si sûr qu'avec le globe.
L'année 1746. est l'époque la plus marquée de l'Électricité.
Ce fut au commencement de cette année que MM. Muschenbroek xxxiii & Allaman illustres citoyens de Leyde communiquèrent à l'Académie Royale des Sciences de Paris l'expérience suivante que le hazard avoit fait trouver à M. Cuneus, lorsqu'il s'amusoit à revoir chez lui les phénomènes électriques qu'il avoit admirés chez M. Muschenbroek. Suspendez sur des cordons de soye dans une situation horizontale une verge de fer ou un canon de fusil dont un des bouts soit près du globe, pour en recevoir l'électricité par communication: laissez pendre à son autre bout un fil-d'archal ou de laiton; pendant qu'on électrise la verge de fer, tenez d'une xxxiv main un vase de verre rond & en partie plein d'eau dans laquelle plonge le fil de métal suspendu: avec l'autre main essayez d'exciter une étincelle à tel endroit que vous voudrez de la verge de fer ou du fil de métal qui pend au bout & qui plonge dans l'eau du vase; vous ressentirez une commotion très-forte & très-subite dans les deux bras, dans la poitrine & dans tout le corps. Le coup est plus fort quand le globe est plus gros, plus frotté, quand le vase qui contient l'eau est plus large, quand la verge de fer qui conduit l'électricité, est plus grande, ensorte qu'on pourroit blesser, xxxv peut-être même tuer quelqu'un qui s'y exposeroit imprudemment.
Le bruit de cette expérience se répandit bientôt dans tout le monde sçavant: elle exerça l'industrie des Physiciens, & tout le monde voulut être Physicien. Chacun la répéta, & fit tout son possible pour y ajouter. On trouva bientôt le moyen d'en rendre l'appareil plus simple & plus commode; au lieu de suspendre la verge de fer près du globe & à la même hauteur, on la tient plus élevée, & on laisse pendre de son extrémité voisine du globe une bande de métal bien mince ou un fil de fer qui touche xxxvi l'équateur du globe pendant qu'il tourne sur son axe & qu'il est frotté. La verge s'électrise aussi promptement & aussi fortement par cette méthode que par celle de M. Muschenbroek, & le globe est plus en sureté.
On se sert d'une bouteille de verre mince: on la remplit d'eau jusqu'au collet, & on la bouche d'un bouchon de liége traversé d'un fil-d'archal, qui y reste fixé de telle manière qu'une partie de ce fil-d'archal est plongée dans l'eau de la bouteille, & une autre partie est au-dessus du bouchon, courbée en crochet. Par ce moyen on peut suspendre la bouteille à la verge de fer, en xxxvii l'y accrochant, ou l'en séparer à volonté, quand elle est chargée d'électricité.... On peut aussi l'électriser à la main, sans la suspendre à la verge de fer, & même sans se servir de cette verge. Il ne s'agit que d'en présenter le crochet ou auprès de la verge ou auprès du globe dans le temps qu'il est en mouvement & qu'il est frotté.... On peut de même décharger la bouteille électrisée sans le secours de la verge de fer, en tenant la bouteille dans une main, & cela de trois manières, par l'expérience de Leyde, par l'approche d'un corps non-électrique, ou par l'opposition xxxviii d'une pointe non-électrique. Dans le premier cas il ne faut que tirer une étincelle du fil-d'archal avec l'autre main: l'on reçoit la commotion, & la bouteille est déchargée à l'instant; dans le second l'on approche le fil-d'archal d'un corps non-électrique pour tirer l'étincelle; mais il faut avoir attention à ne pas tenir ce corps de l'autre main, car on seroit frappé; dans le troisième cas il ne s'agit que d'opposer à quelques pouces de distance du crochet une pointe de métal, comme celle d'une aiguille, d'un poinçon, &c. la bouteille se déchargera lentement & insensiblement sans xxxix bruit, sans explosion & sans commotion. On voit dans les tems favorables la pointe d'une aiguille tirer le feu électrique à plus de six pieds de la bouteille, & cela s'apperçoit par une petite lumière qui paroît dans l'obscurité à la pointe de l'aiguille.
Quand la bouteille préparée, comme on vient de le dire, est bien électrisée, on peut la transporter fort loin, ou la garder plusieurs jours dans cet état, sans qu'elle perde beaucoup de sa force électrique; il n'y a point d'autre précaution à prendre que de la déposer sur un corps électrique, dans un endroit qui ne soit pas trop exposé à l'humidité xl de l'air ou à la poussière.
L'on a trouvé ensuite que dans l'expérience de Leyde, si au lieu d'une seule personne, on forme un grand cercle ou une chaîne de plusieurs, en quelque nombre que ce soit, qui se tiennent tous par la main: que le premier de la chaîne soutienne par le fond la bouteille électrisée, & que le dernier tire une étincelle du fil-d'archal, ils sentiront tous au même instant la commotion dans les bras & dans la poitrine. Cette expérience a été faite à Versailles devant le Roi sur deux cens quarante personnes à la fois. Le même effet s'ensuivroit encore si les acteurs, xli au lieu de se tenir par la main, étoient joints ensemble par des fils ou des chaînes de métal, par l'eau tranquille d'un grand vase ou même d'un bassin, dans laquelle ils auroient les mains plongées.
L'on a de même découvert que la force de l'électricité est plus grande, lorsque la verge de fer, que l'on nomme le premier conducteur , est plus longue; que l'étenduë en superficie du premier conducteur contribuë davantage à l'augmentation de cette force que son étenduë en solidité & que la longueur est celle des trois dimensions qui lui est la plus favorable.
Il n'y a presque personne qui ne sçache que la propagation du son n'est point aussi rapide que celle de la lumière. Si l'on voit tirer une pièce de canon de quelques centaines de toises, on apperçoit la flamme sortir de son embouchure long-tems avant d'en entendre le coup; en général plus l'on est éloigné, plus on remarque de distance entre l'un & l'autre. Il est cependant certain que dans ce cas la lumière & le son partent en même tems; mais l'air qui nous en transmet les sensations est plus facilement ébranlé par l'un que par l'autre; & l'on est venu à bout de connoître cette différence. xliii C'est dans la même vuë qu'un sçavant Physicien 2 a voulu éprouver comment se fait la propagation de l'électricité dans les corps à qui on la communique; si cette propagation est instantanée du moins sensiblement, ou si elle se fait dans un temps perceptible.
»Pour s'en assurer, après quelques tentatives, dont le résultat ne lui parut pas assez décisif, M. le Monnier disposa deux fils de fer parallèles autour d'un grand clos; chacun d'eux avoit neuf cens cinquante toises, & leurs quatre extrémités xliv se trouvoient à un des angles de ce clos, voisines les unes des autres; un homme prit un bout de chacun de ces fils de chaque main; par ce moyen il se forma une communication de l'un à l'autre, & ils ne firent plus qu'un seul corps de 1900. toises de long, au milieu duquel étoit placé l'homme qui tenoit les deux bouts des fils.
»Par l'arrangement que nous venons de décrire, cet homme, quoique placé au milieu de la longueur totale du corps à électriser, étoit très-voisin des deux autres bouts, & pouvoit juger aisément s'il sentiroit la xlv commotion au moment qu'il verroit éclater l'étincelle: ce fut effectivement ce qui arriva. M. le Monnier ayant pris d'une main le bout d'un des fils de fer, approcha de celui de l'autre fil, le fil-d'archal de la bouteille électrique qu'il tenoit de l'autre main; & dans le même instant que parut l'étincelle, lui & l'homme placés au milieu de la longueur des fils de fer, ressentirent la commotion, sans qu'il fût jamais possible d'appercevoir le plus petit intervalle de tems entre l'étincelle & le coup, quoiqu'il eût été facile de discerner jusqu'à un quart de seconde s'il s'y étoit trouvé.
Le même Physicien, pour acquérir une preuve encore plus complette de ce phénomène, fit quelque tems après une autre expérience un peu différente, dont le succès lui confirma celui de la précédente. Ayant choisi un endroit commode dans une plaine des environs de Paris, il l'entoura d'un fil de fer de quatre mille toises de longueur qui font deux lieuës. Les deux extrémités de ce fil furent disposées à six ou sept pieds de distance l'une de l'autre. Pendant que M. le Monnier tenoit dans sa main l'un des bouts de ce fil de fer, un autre observateur qui portoit la bouteille électrique approcha le xlvii fil-d'archal de cette bouteille de l'autre bout du fil de fer. Dans le même instant les deux observateurs ressentirent la commotion dans les bras dont ils tenoient l'un le fil de fer & l'autre la bouteille. La commotion est moins forte dans cette expérience qu'elle ne l'est dans la précédente, parce que sa violence est partagée entre les deux observateurs; chacun n'éprouve qu'environ la moitié de la commotion qu'il ressentiroit, si le cercle de communication de l'un à l'autre étoit achevé; mais le résultat n'en est pas moins sûr pour le but qu'on s'étoit proposé. L'expérience fut répétée, & le même effet s'ensuivit xlviii toujours également, sans qu'on pût trouver le moindre instant saisissable entre l'apparition de l'étincelle & la sensation du choc. Ainsi l'électricité parcourut une espace de deux lieuës dans un instant imperceptible. On ne remarqua pas non plus la moindre différence de force entre la commotion qui se fit sentir à l'un des observateurs & celle qui se fit sentir à l'autre, quoiqu'ils ne se communiquassent que par le fil de fer de quatre mille toises de longueur.
Si ces expériences ne prouvent pas que la propagation de l'électricité est instantanée, elles font voir du moins que les écoulemens xlix de la matière électrique se portent avec une rapidité inconcevable, & apparemment égale à celle de la lumière le long des corps non-électriques: elles servent de confirmation à la première découverte de Boyle, que l'air n'y a point de part: & elles ajoutent beaucoup à l'analogie que M. Hales 3 a trouvée entre les effets de l'électricité & ceux du tonnerre. On verra bientôt ce que l'on doit penser de cette analogie.
Il arrive souvent, lorsqu'on électrise la bouteille avec excès, ou qu'on la soutient par le fond l étant trop fortement électrisée, qu'elle se décharge d'elle-même dans la main de celui qui la tient, sans qu'il approche son autre main du fil de fer de cette bouteille, ni du premier conducteur. Il sort alors une forte étincelle du fond de la bouteille, & il se fait une puissante commotion. Il est arrivé à plusieurs de recevoir de cette manière un choc si violent qu'ils en ont été renversés, & qu'il leur en est resté dans toutes les parties du corps un tremblement qui a duré trois ou quatre jours. Ils ont aussi ressenti pendant long-tems l'impression que la violence de l'étincelle leur avoit faite au doigt, & en ont porté li long-tems temps une marque noire semblable à celle d'une brûlure.
Il arrive encore quelquefois qu'en chargeant la bouteille auprès du globe, elle fait explosion & se casse; celui qui la tient reçoit dans cet instant une violente commotion: après cette explosion la bouteille se trouve percée au côté d'un trou exactement rond ordinairement sans fêlure, dont on est averti par l'écoulement de l'eau qu'elle contenoit. Il est aussi arrivé plus d'une fois que le globe lui-même a fait explosion & s'est brisé en même tems que la bouteille; quelques-uns de ses fragmens ont paru avoir été lancés avec autant de force que lii des éclats de bombe. Il est plus sûr de ne charger la bouteille qu'auprès du premier conducteur.
Si un homme est si rudement frappé d'un coup d'électricité qu'il puisse même en être renversé, & en ressentir les effets pendant plusieurs jours, doit-on s'étonner que de petits animaux puissent en être tués? Presque tous ceux qui ont répété l'expérience de Leyde, en ont fait l'épreuve avec succès.
La médecine à sçu plusieurs fois tirer parti des choses qui sembloient les plus opposées à son but, & convertir en remèdes salutaires des substances qui avoient de tout tems été reconnuës liii pour des poisons dangereux; la philosophie à son exemple a essayé de faire servir à l'utilité des hommes ce qui peut leur être nuisible ou qui paroît tout au moins inutile pour la santé: elle a tenté d'appliquer à la guérison des maladies, ce qui peut donner la mort. Quel but plus noble les Sciences peuvent-elles se proposer? l'extrait d'une lettre de M. Jallabert célèbre Professeur de Philosophie à Genève inséré dans le Journal des Sçavans pour le mois de Mai 1748. fait foi du dessein, de l'épreuve & du succès.
»On m'amena, dit M. Jallabert, le 26. Décembre un nommé Nogués paralytique du liv bras droit depuis près de quinze ans; outre la perte du sentiment & du mouvement, le bras & l'avant-bras étoient extrêmement maigres. Nous exposâmes d'abord, Mr. Guiot Chirurgien & moi à l'épreuve de la commotion, la main paralytique attaché au vase; la violence du coup porta principalement au haut de l'épaule. Je fis ensuite découvrir le bras paralytique, & l'homme étant placé sur de la poix, & vivement électrisé, je vis sortir des étincelles de divers endroits du bras; nous aperçûmes d'abord que les muscles d'où elles partoient, étoient agités de mouvemens convulsifs: bientôt après nous lv les vîmes mouvoir successivement & en différens sens l'avant-bras, le carpe & les doigts, suivant que nous tirions l'étincelle de tel ou tel muscle.»
»Je me mis à la place du paralytique, & j'observai que les muscles & les parties auxquelles ils aboutissent se mouvoient quand on en tiroit une étincelle, sans qu'il fût en mon pouvoir de l'empêcher, & que suivant que l'on tiroit une étincelle, par exemple, des muscles extenseurs ou fléchisseurs du carpe ou des doigts, ils se baissoient ou s'élevoient en sens opposés. Cette observation me donna quelqu'espérance pour - lvi le paralytique, & après l'avoir souvent exposé aux étincelles électriques & quelquefois à la commotion, je remarquai des changemens en bien, & le 10. Janvier le bras paralytique avoit repris beaucoup d'embonpoint, le malade commençoit à étendre les doigts. Le 24. Janvier les mouvemens de l'avant-bras & du bras se faisoient mieux, il approchoit la main de son chapeau. Le 30. Janvier il avoit tiré son chapeau; l'avant-bras affecté étoit aussi rempli de chair que l'avant bras sain, & le bras augmentoit considérablement; le poignet pouvoit faire les différens mouvemens, lvii lors même que la main étoit chargée d'une bouteille tenant un pinte.» Une lettre de Genève du 28. Février porte que le paralytique tiroit son chapeau sans peine, qu'il manioit de gros marteaux, & qu'il comptoit pouvoir forger en peu de jours.
Il a été soutenu 4 en l'année 1751. dans l'Université de Prague en Bohême, une Thèse de médecine sur l'utilité de l'électricité pour la guérison des maladies. Quoique les expériences & les observations dont cette thèse est remplie, n'ayent pas toutes le mérite de la nouveauté, elles sont trop intéressantes par leur lviii objet & par l'ordre dans lequel elles sont rapportées, pour ne pas trouver place dans cette histoire. Après avoir examiné les effets de l'électricité tant sur les corps fluides, que sur les corps solides en général qui ont été exposés à son action, & après avoir prouvé par des expériences suivies & comparées que l'électricité augmente l'évaporation naturelle de la plupart des uns, & la transpiration insensible des autres: après avoir expliqué comment & pourquoi l'électricité accélère l'écoulement des liqueurs dans les tuyaux capillaires dont elle rend les jets continus & divergens, & qu'elle ne produit pas le lix même effet dans des tuyaux d'un plus grand diamètre 5 : après avoir fait voir par une expérience déjà connuë que la végétation des plantes est avancée par l'électricité: enfin après avoir démontré par le résultat de quantité d'expériences combinées & répétées de différentes manières en différens tems sur des corps animés de différens genres, que l'électricité augmente la transpiration des animaux en favorisant en eux le mouvement des fluides lx & l'action tonique des solides, l'auteur de cette thèse pour rechercher les maladies auxquelles l' électrisation pourroit servir de remède, prend pour exemple la paralysie dont il examine en détail les différens symptômes & les différens effets. Après avoir cité l'opinion d'un fameux Professeur 6 en médecine de Montpellier, qui prétend que le fluide nerveux n'est autre chose que le fluide électrique. Il rapporte les raisons qui appuyent cette conjecture & adopte son sentiment. Il ne doute même pas que ce fluide qui parcourt les nerfs avec une vîtesse incompréhensible, lxi pour mettre les muscles en mouvement au premier ordre de la volonté, n'ait la plus grande part à l'origine, à la vigueur & à l'entretien de la chaleur naturelle. De là il passe aux diverses méthodes de traiter les paralysies, & n'oublie pas celle d'y appliquer l'électricité. Il en prouve l'efficacité par le traitement circonstancié, par le changement en mieux & par la guérison parfaite de quatre paralytiques, par le soulagement d'un rhumatisme très-douloureux, par la résolution des nodus & le rétablissement des forces d'un gouteux & d'un autre malade privés l'un & l'autre de l'usage de leurs lxii membres. Enfin il termine sa dissertation par les positions suivantes.
Note 5: (retour) Il est vraisemblable que cette différence ne vient que de ce que les écoulemens de la matière électrique ne sont pas aussi abondans que ceux des liqueurs dans de larges tuyaux. Si l'électricité étoit assez forte & assez abondante, elle accéléreroit, diviseroit & rendroit divergens les jets de toute sorte de tuyaux également.
I. Electricitas in arte medicâ est adhibenda.
II. Electricitas auget naturalem animalium transpirationem.
III. Hæc acceleratio transpirationis in hominibus fit per vasa capillaria exhalantia, & non per glandulas subcutaneas.
IV. Fluidum nerveum fluidum electricum dici potest.
V. Nervi sensorii à motoriis non sunt distincti.
VI. Hemiplegiæ causa proxima est immeabilitas fluidi nervei per nervos.
VII. Hemiglegia præ reliquis lxiii morbis electrisatione curanda.
VIII. Etiam febris intermittens electrisatione debellari potest. &c. &c.
Il a paru dans les nouvelles publiques des années 1753. & 1754. des relations détaillées de diverses guérisons opérées par l'électricité sur des sourds & des aveugles en différentes contrées de l'Europe. Malgré les autorités dont elle étoient revêtuës, quoique quelques-unes de ces guérisons m'ayent été attestées par un jeune médecin Suédois 7 qui avoit apporté à Paris un excellent globe dans l'intention d'y faire des miracles, elles n'ont point assez gagné ma confiance lxiv pour me paroître mériter d'avoir place dans cette histoire.
La persuasion où l'on est que la matière électrique pénètre les corps auxquels on la communique, de même que ceux qui la contiennent naturellement, a encore donné occasion d'imaginer des moyens pour en tirer de l'utilité. On a pensé que si elle pénètre les parties du corps humain, auxquelles elle n'est par elle-même capable que de donner de l'ébranlement, elle pourroit servir de véhicule à des remèdes que l'on voudroit faire passer dans l'intérieur de ces parties. De quel avantage ne seroit pas cette propriété, si elle se lxv trouvoit avoir quelque réalité? On trouvera dans la suite de cet ouvrage ce que l'on doit attendre de cette idée.
M. Bose célèbre Professeur de Physique à Wittemberg rapporte une expérience qui a vainement occupé la plupart des Physiciens. Un enfant ou un adulte placé sur un gâteau de résine touche de la main le globe ou la poignée d'une épée actuellement électrisée par sa pointe auprès du globe, il acquiert en peu de tems une si grande quantité de feu électrique que d'abord ses pieds, ensuite ses jambes, ses genoux & enfin tout son corps paroissent dans l'obscurité lxvi en être environnés de tous côtés comme d'un nuage lumineux semblable à la gloire dont les peintres entourent le portrait d'un saint. C'est pour cette raison que l'auteur a nommé cette expérience la Béatification . Tous ceux qui l'ont tentée se plaignent de ce que M. Bose n'en a pas donné un détail assez circonstancié. Il avouë aussi lui-même qu'elle lui a souvent manqué. L'on conçoit en effet qu'il faut un tems & des circonstances bien favorables pour pouvoir accumuler sur un homme une assez grande quantité de feu électrique pour l'environner depuis les pieds jusqu'à la tête lxvii d'une atmosphère lumineuse & bien visible.
Le même M. Bose avoit avancé dans son quatriéme commentaire sur l'électricité qu'il désespéroit que l'on pût trouver une mesure exacte des forces de l'électricité. L'on a reconnu que sa conjecture étoit hazardée. Quand on n'auroit pas l'ingénieux instrument que MM. d'Arcy & le Roy ont inventé & exécuté pour mesurer la force de l'électricité, auquel ils ont pour cette raison donné le nom d' Électromètre , 8 on trouveroit dans les expériences de M. Franklin lxviii de quoi y suppléer. Cet auteur a donné (Lettre V. §. 55. & 56.) la description de deux fortes de rouës électriques qui, quoiqu'elles n'ayent pas été imaginées à cette intention, peuvent être regardées comme d'excellens Électromètres. Il fait servir dans chacune de ces machines la seule vertu attractive de l'électricité de deux manières différentes activement & passivement. Ces deux effets se succèdant alternativement contribuënt également au mouvement circulaire des rouës. Il seroit inutile d'en rapporter ici la construction & le détail que l'on trouvera tome premier, pag. 172-183. Il suffit de dire que ces lxix rouës sont mises en mouvement par la seule force de l'électricité, & qu'elles font chacune sur leur axe plus ou moins de révolutions, à proportion que ces rouës ou les bouteilles sont plus ou moins chargées d'électricité. Ainsi sans être, comme le dit M. Bose audaculus & [Grec: achômerutos], on pourra assurer que tel ou tel degré de force électrique est double, triple, quadruple de tel ou tel autre. Quel privilège lui paroissoit avoir l'électricité, pour être la seule chose physique qui ne fût pas soumise à l'empire du calcul?
Ainsi depuis l'expérience de M. Cuneus vulgairement appellée lxx expérience de Leyde, les connoissances sur l'électricité ont plus fait de progrès qu'elles n'en avoient fait auparavant. Les Physiciens ont travaillé & travaillent sans relâche à ajouter aux découvertes qui ont été faites sur ce sujet. Les uns, sans songer que la matière n'est point encore assez préparée, & qu'il n'y a pas encore assez de faits connus, font tous leurs efforts pour pénétrer les mystères de l'électricité & pour en expliquer la nature; d'autres s'appliquent à lui chercher de nouvelles propriétés, & pour cela s'en tiennent modestement aux expériences, d'autres enfin en proposant leurs lxxi conjectures, font voir des rapports évidens entre les phénomènes les plus communs des météores & ceux de l'électricité.
M. Franklin, sans prétendre à la première de ces classes, occupe une place de distinction dans les deux dernières avec les Physiciens qui se sont le plus avancés dans cette carrière; mais il les laisse bien loin derrière lui. Une seule des découvertes qu'il a faites dans cette nouvelle terre, suffira pour donner une idée de la sagesse, de la grandeur & de la finesse de ses vûes. Étant venu à bout de fondre, & même de vitrifier les métaux d'un coup d'électricité, lxxii il compare ce phénomène avec un effet tout semblable du tonnerre; c'est celui de fondre l'argent dans une bourse & une lame d'épée dans le fourreau. Conduit par cette observation & par une infinité d'autres rapprochées avec sagacité, il découvre une analogie surprenante entre l'électricité & la foudre: il fait voir par des raisons solides que le feu électrique & le feu du ciel sont le même élément bien différent du feu commun, quoiqu'il puisse le produire. Celui-ci ennemi de l'eau ne subsiste que dans l'air libre, & n'agit que par sa chaleur; celui-là au contraire s'unit à l'eau, se maintient dans le lxxiii vuide, & opère sans chaleur. Il y a beaucoup d'apparence que c'est le véritable feu élémentaire, dont le feu commun n'est que l'image imparfaite.
Convaincu lui-même par la force de ses preuves, sans pourtant en être ébloüi, notre auteur développe en conséquence la nature & la formation du plus redoutable des météores. Se rappellant ensuite le pouvoir admirable qu'ont les pointes de tirer imperceptiblement le feu électrique des corps où il se trouve dans un mouvement actuel, & profitant adroitement de cet avantage, il va jusqu'à indiquer des moyens par lesquels on pourroit lxxiv dissiper le tonnerre, & par-là nous garantir de ses funestes effets.
En suivant les principes de M. Franklin que je me suis rendus propres, en examinant ses observations que j'ai répétées & approfondies, en déférant à ses conjectures auxquelles j'ai ajouté les miennes, en joignant à ses probabilités celles que j'ai recueillies d'ailleurs, en un mot en entrant dans toutes ses vuës, je me suis persuadé que la matière du tonnerre devoit être la même que celle de l'électricité. Le feu S. Elme & la lumière que l'on aperçoit sur des pointes métalliques à l'approche des orages, celle entr'autres dont il lxxv est dit dans les Commentaires de César, eâdem nocte quintæ legionis pilorum cacumina suâ sponte arserunt , m'ont semblé être la même chose que l'aigrette que montre une pointe dans les expériences électriques. Enfin mes réflexions m'avoient tellement affermi dans cette opinion, que quand même le succès n'eût pas répondu à mon attente, je n'aurois pû y renoncer. Il s'agissoit d'en avoir une confirmation tirée de l'expérience; je ne fus pas long-tems à l'attendre.
Après avoir fait dresser en Avril 1752. l'appareil dont on trouvera la description dans le second tome de cet ouvrage pag. lxxvi 67. & suiv. Il arriva le 10. Mai suivant un orage qui auroit pleinement satisfait à tous mes désirs, si j'avois pû être témoin occulaire des observations qui s'y firent en mon absence. Ceux à qui j'avois laissé le soin de mon expérience avec les instructions nécessaires, virent l'électricité naturelle & furent les premiers à recueillir le feu du ciel. La nouvelle m'en fut apportée dès le soir même, & j'en rendis compte deux jours après à l'Académie Royale des Sciences. La plupart des Membres de cette célèbre Compagnie eurent la politesse de me faire compliment sur mon mémoire & de m'assurer lxxvii que jamais il n'en avoit paru aucun qui eût été écouté avec autant d'attention ni aucune expérience dont le rapport eût donné autant de satisfaction; elle prit dès-lors le nom du lieu de sa naissance, & un Physicien des plus renommés vaincu par des observations générales ne put s'empêcher de publier quelque tems après que l'expérience de Marly-la-Ville, de même que celle de Leyde, feroit époque dans l'histoire de l'électricité.
Le bruit de cette découverte se répandit bientôt dans toute l'Europe & même dans toute la terre. L'expérience fut répétée avec le même succès dans tous lxxviii endroits où elle fut tentée. On imagina des moyens fort ingénieux pour dresser en l'air des pointes métalliques, & pour les faire communiquer dans les appartemens sans rien perdre de la matière dont elles se chargeroient; la petite sonnerie qu'on y ajoûta, est l'expédient le plus simple & le plus sûr pour être averti en tous tems de la présence de cette matière & de l'approche des nuages qui en occasionnent l'apparition. Le carillon procure encore un autre avantage plus important dont nous allons parler.
Les précautions que j'avois prises pour me garantir de tout lxxix accident fâcheux dans la première tentative de cet expérience, ne touchèrent pas sans doute également tous ceux qui entreprirent de la répéter. Le malheur d'un célèbre Professeur de Physique à Petersbourg montra en même tems combien il est dangereux de les négliger, & combien en général nous devons être redevables à ceux qui ont cherché à étendre nos connoissances par les premiers essais des choses.
Les relations de la mort de M. Richman qui furent mises dans les nouvelles publiques de 1753. nous ont bien appris qu'il avoit été tué d'un coup d'électricité lxxx naturelle; mais on ignore si le tonnerre est réellement tombé sur son appareil électrique, ou s'il n'a été frappé que par l'explosion de la matière dont sa barre de fer trop bien isolée se trouva surchargée. L'exemple de ce qui est arrivé à plusieurs autres en pareilles circonstances, me fait pancher vers ce dernier sentiment. Dans l'un & l'autre cas; sans cesser de plaindre son malheur, je ne puis en attribuer la cause qu'à son défaut d'attention & de précaution. S'il y eût eu une décharge métallique à un ou deux pouces de l'appareil, elle en auroit reçu la matière électrique surabondante, & n'y lxxxi en auroit laissé qu'autant qu'il en falloit pour faire les expériences nécessaires, & jamais assez pour frapper à une distance de quatre pouces, qui est celle où l'on dit que M. Richman a reçu le coup fatal. Le carillon dont nous avons parlé ci-devant, eût été une décharge plus que suffisante pour lui sauver la vie.
Dans le tems que la Physique récompensoit si mal les soins d'un Sçavant empressé à pénétrer ses secrets, je continuois à faire mes observations tant sur l'électricité naturelle que sur l'artificielle. Je n'y étois pas plus encouragé lxxxii par mes premiers succès & par le commerce de Mr. Franklin que par le vif intérêt qu'y prenoient plusieurs amis du premier ordre qui travailloient souvent avec moi; l'un de ceux-ci m'avoit prié de lui aider à former un cabinet électrique complet; je n'avois rien épargné pour lui donner satisfaction. Le premier fruit qu'il en retira, fut le succès de mon expérience du tonnerre artificiel sur une glace de 1200. pouces quarrés, dont il fut enchanté.
Cette glace est des plus parfaites & des plus minces, bien polie, en quarré long, étamée des lxxxiii deux côtés & affermie sur un fort cadre de bois. Sur le teint de sa surface antérieure, j'ai tracé tout autour une bordure d'environ trois pouces de largeur, & avec un cizeau de cuivre j'en ai enlevé l'étain, en observant d'arrondir les angles & de ne point laisser de bavures en pointes dans tout le circuit. En voilà toute la préparation.
L'expérience consiste à électriser cette glace ainsi préparée, en laissant tomber une petite chaîne du premier conducteur sur le milieu de sa surface antérieure. Si le tems est favorable & que l'on soit dans l'obscurité, après douze ou quinze tours de lxxxiv rouë on apperçoit sur les bords de l'étain quelques étincelles, qui augmentant peu à peu en nombre & en force, représentent assez bien un ciel tout enflammé, tel que celui qui précède les grands orages. En continuant & même en forçant l'électrisation, tout cela se termine par une violente explosion qui fait avec le plus brillant éclair un bruit aussi éclatant que celui du plus fort coup de fouet.
Après cette explosion, l'on trouve à l'endroit où elle s'est faite sur la glace une trace blanchâtre plus ou moins apparente assez ordinairement en zic-zac, qui traverse la bordure découverte lxxxv depuis le bord de l'étain jusqu'au cadre sous lequel elle va se perdre. En passant le doigt ou l'ongle dessus on sent que la glace est dépolie & raboteuse en cet endroit, ce qui prouve évidemment que la matière électrique pénètre le verre sans le traverser.
Si, immédiatement après l'explosion on approchoit le nez de l'endroit où elle s'est faite, l'on y sentiroit une odeur de soufre très-frappante. Cette odeur est si volatile qu'elle s'exhale en peu de tems, & il ne faut que deux ou trois explosions pour en remplir toute la chambre, quelque grande qu'elle puisse être. Il n'y lxxxvi a personne qui ne reconnoisse à tous ces traits le plus redoutable des météores; c'est la raison pour laquelle on a donné à cette expérience le nom de tonnerre artificiel. Il est très-possible d'en tirer des effets aussi surprenans que ceux du tonnerre naturel.
C'est avec cette glace que j'ai percé d'un coup d'électricité jusqu'à cent soixante feüilles de papier fin; elle m'a aussi servi à enflammer la poudre à canon froide; mais je trouve plus commode l'usage des grands vases de verre bien armés.
Dans la première idée que M. Franklin s'étoit formée de la nature du tonnerre, il avoit supposé lxxxvii que les nuages orageux étoient électrisés positivement, & c'est sur cette hypothèse qu'il avoit établi sa première Théorie; dès qu'il a reconnu que l'électricité des nuages est négative bien plus souvent qu'elle n'est positive, il n'a pas hésité à changer d'opinion; loin d'être plus attaché à sa nouvelle conjecture qu'il ne l'avoit été à la première, il la donne pour ce qu'elle est & propose lui-même les objections qui peuvent l'embarrasser.
C'est avec la même franchise qu'il se rend aux découvertes d'autrui. On lui apprend que l'électricité du soufre paroît d'une lxxxviii nature différente de celle du verre; il se met sur le champ à répéter les expériences qui peuvent constater le fait, & convaincu par lui-même de la vérité, il en laisse toute la gloire à son émule.
Avec le secours des grands vases multipliés, M. Franklin est parvenu à aimanter des aiguilles, à en changer les pôles à volonté, & à démontrer par ces merveilles que la vertu magnétique n'est qu'un effet d'électricité. Peut-être la pierre d'aimant elle-même n'est-elle devenuë aimant que par un pareil effet de l'électricité naturelle. Quoi qu'il en soit, le magnétisme a été communiqué lxxxix par les expériences faites à Paris, de même qu'il l'avoit été par celles de Philadelphie.
On s'attend bien que ces dernières découvertes feront reprendre la plume aux critiques de M. Franklin. Pourquoi auroient-elles plus de privilége que toutes les autres du même auteur? Dès que son premier ouvrage parut, il fut vivement attaqué; & comme l'on trouvoit peu de prise sur le fond, on n'épargna rien pour tourner en ridicule ceux qui en étoient les partisans. Cette guerre littéraire n'est point encore éteinte, & vraisemblablement ne finira pas sitôt, puisque le xc plus ardent de nos adversaires abandonnant sa première attaque est forcé de revenir sur ses pas, de changer de batterie & de recommencer sur nouveaux frais. Il n'en est encore qu'à l'examen des étincelles électriques. S'il suit l'ordre des expériences, quand il arrivera à ces dernières, elles ne seront plus nouvelles que pour lui.
I
l est à propos d'avertir le
Lecteur que les observations
& les expériences suivantes
n'ont pas été faites dans le
dessein d'être données au public.
Elles avoient été communiquées
en divers tems à quelques
amis particuliers, & n'étoient
destinées qu'à leur servir
d'amusement, la plupart même
se trouvent dans des lettres
écrites sur différens sujets.
Mais ayant été luës à quelques personnes fort versées dans les recherches électriques, toutes ont jugé qu'elles contenoient tant de particuliarités curieuses & intéressantes, relativement à la matière en question, que ce seroit faire une espèce d'injustice au public, de les renfermer dans les bornes d'un petit cercle d'amis.
C'est pourquoi l'Éditeur avoit pris sur lui de faire imprimer ces extraits de lettres & autres pièces détachées dans l'état qu'elles lui étoient tombées entre les mains, sans avoir demandé à l'ingénieux auteur la permission d'en user de la sorte. Il avoit fait cette démarche avec d'autant moins de scrupule, qu'il appréhendoit que les engagemens de l'auteur dans d'autres affaires plus importantes ne lui laissassent pas le loisir de donner au public ses réflexions, & ses expériences sur l'électricité retouchées avec ce soin & cette précision dont il n'est pas moins jaloux que capable, comme il est facile de s'en convaincre par le traité que nous avons sous les yeux.
On ne l'instruisit de la liberté qu'on avoit prise, que lorsque les premières feüilles étoient sous la presse, & il n'eut que le tems d'envoyer quelques nouvelles remarques avec un petit nombre de corrections & d'augmentations, qui ont été placées à la fin de l'ouvrage, & que l'on peut consulter dans l'occasion.
Ces expériences sont presque toutes en propre à notre auteur; il les a conduites avec jugement, & les conséquences qu'il en déduit sont évidentes, & décisives, quoique proposées quelquefois sous les termes modestes d'hypothèses, & de conjectures.
En effet la scène qu'il ouvre à nos regards, nous surprend agréablement, tandis qu'il nous mène par un enchaînement de faits, & de réfléxions judicieuses à une cause probable des phénomènes les plus terribles & qui ont été expliqués jusqu'ici avec le moins de vraisemblance.
Il nous découvre une matière invisible, subtile, répanduë dans toute la nature en différentes proportions, qui avoit échappé à nos observations, & qui est incapable de nuire lorsque tous les corps auxquels elle est adhérente, en sont également chargés. Il prouve néanmoins que si par quelque moyen que ce soit, il s'en fait une distribution inégale, s'il y a accumulation sur une partie de l'espace, & qu'il y ait sur l'autre une moindre proportion, un vuide, un épuisement, à l'approche immédiate d'un corps capable de conduire la partie accumulée à l'espace altéré, cette matière devient peut-être l'agent le plus formidable, & le plus irrésistible qui soit dans l'univers. Les animaux en sont subitement frappés à mort: les corps impénétrables à la plus grande force que nous connoissions, en sont criblés, & les métaux fondus en un instant.
Les effets analogues de la foudre & de l'électricité ont conduit notre auteur à avancer quelques conjectures fort vraisemblables sur la cause du tonnerre, & à proposer en même tems quelques expériences raisonnées pour nous préserver de ses effets pernicieux & garantir les choses qui sont le plus exposées à en ressentir les atteintes: circonstance assurément très-importante pour le public & digne par conséquent de la plus sérieuse attention.
Il étoit passé en mode depuis quelque tems d'attribuer à l'électricité toutes les grandes & extraordinaires opérations de la nature; telles que la foudre & les tremblemens de terre; ce n'est pas (comme on pourroit se l'imaginer par la manière dont on raisonne sur ces événemens) que les auteurs de ces systèmes eussent découvert quelque connéxion entre la cause & l'effet, ou donné la raison de leur dépendance réciproque, mais seulement (à ce qu'il paroit) parce qu'ils ne connoissoient aucun autre agent dont la liaison avec les effets ne pût être positivement démontrée impossible.
Mais le lecteur sera pleinement satisfait sur ces circonstances, & sur plusieurs autres non moins intéressantes, par la lecture des lettres qui suivent, & auxquelles l'Éditeur n'hésite point de le renvoyer avec confiance.
J
'ai lû par l'ordre de Monseigneur
le Chancelier, un Ouvrage intitulé:
Expériences & Observations sur l'Électricité
faites à Philadelphie en Amérique
par M. Benjamin Franklin, &c.
traduites de l'Anglois par M. D'Alibard;
deuxiéme édition, &c.
& je n'y
ai rien trouvé qui m'ait paru devoir en
empêcher l'impression. À Paris ce 30.
Mai 1755. PICQUET.
Louis, par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre: À nos amés & féaux Conseillers les gens tenans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Conseil, Prevôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Justiciers qu'il appartiendra, SALUT. Notre amé le Sieur D'Alibard , Nous a fait exposer qu'il desireroit faire imprimer & donner au Public un Livre qui a pour titre Expériences & Observations sur l'Électricité faites à Philadelphie en Amérique par M. Benjamin Franklin de Philadelphie & communiquées dans plusieurs Lettres à M. Collinson à Londres , s'il nous plaisoit lui accorder nos Lettres de Privilége pour ce nécessaires. À CES CAUSES, voulant favorablement traiter l'Exposant; Nous lui avons permis & permettons par ces Présentes, de faire imprimer ledit Livre en un ou plusieurs volumes, & autant de fois que bon lui semblera, & de le vendre, faire vendre & débiter partout notre Royaume pendant le tems de six années consécutives , à compter du jour de la date des Présentes: Faisons défenses à toutes personnes de quelque qualité & condition qu'elles soient, d'en introduire d'impression étrangere dans aucun lieu de notre obéissance: Comme aussi à tous Libraires & Imprimeurs d'imprimer ou faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter, ni contrefaire ledit Livre, ni d'en faire aucun extrait sous quelque prétexte que ce soit d'augmentation, correction, changement ou autres, sans la permission expresse & par écrit dudit Exposant, ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confiscation des exemplaires contrefaits, de trois mille livres d'amende contre chacun des contrevenans, dont un tiers à Nous, un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, & l'autre tiers audit Exposant, ou à celui qui aura droit de lui, & de tous dépens, dommages & interêts; à la charge que ces Présentes seront enregistrées tout au long sur le registre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris dans trois mois de la date d'icelles; que l'impression dudit Livre sera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en bon papier & beaux caractéres, conformément à la feüille imprimée, attachée pour modéle sous le contre-scel des présentes; que l'impétrant se conformera en tout aux réglemens de la Librairie, & notamment à celui du 10. Avril 1725; qu'avant de l'exposer en vente, l'imprimé qui aura servi de copie à l'impression dudit Livre, sera remis dans le même état où l'approbation y aura été donnée, ès mains de notre très-cher & féal Chevalier Chancelier de France le Sr. de Lamoignon, & qu'il en sera ensuite remis deux exemplaires dans notre bibliothéque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, un dans celle de notredit très-cher & féal Chevalier Chancelier de France le sieur de Lamoignon, & un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de France le sieur de Machault Commandeur de nos Ordres, le tout à peine de nullité des présentes; du contenu desquelles, vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Exposant & ses ayans causes pleinement & paisiblement, sans souffrir qu'il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie des présentes qui sera imprimée tout au long ou au commencement ou à la fin dudit Livre, soit tenuë pour dûement signifiée; & qu'aux copies collationnées par l'un de nos amés & féaux Conseillers & Secrétaires, foi soit ajoutée comme à l'original: Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution d'icelles, tous actes requis & nécessaires, sans demander autre permission, & nonobstant clameur de Haro, charte Normande & lettres à ce contraires. Car tel est notre plaisir. Donné à Versailles le huitiéme jour du mois d'Octobre, l'an de grace mil sept cens cinquante-un, & de notre regne le trente-septiéme. Par le Roi en son Conseil. Signé SAISON.
Registré sur le Registre douze de la Chambre Royale des Libraires & Imprimeurs de Paris, Nº. 688. fol. 547. conformément au Réglement de 1723. qui fait défense, art. 4. à toutes personnes de quelque qualité qu'elles soient, autres que les Libraires & Imprimeurs, de vendre, débiter & faire afficher aucuns Livres, pour en vendre en leurs noms, soit qu'ils s'en disent les Auteurs ou autrement, & à la charge de fournir à la susdite Chambre, huit exemplaires prescrits par l'article 08. du même Réglement. À Paris, ce 24. Décembre 1751. LE GRAS, Syndic.
29, Juillet 1750 .
M
ONSIEUR,
Comme vous nous avez engagés dans les Expériences électriques, en envoyant à notre Société I-2 Littéraire un Tube avec les instructions nécessaires pour s'en servir; & comme notre respectable Fondateur nous a mis en état de porter ces Expériences à une plus grande perfection par le magnifique présent qu'il nous a fait d'un Laboratoire électrique complet, il est convenable que vous soyez l'un & l'autre informés de tems en tems des progrès que nous faisons à cet égard. Ce fut dans cette intention que j'écrivis, & que je vous envoyais mes premières réfléxions sur ce sujet, desirant, puisque je n'ai point l'honneur d'être en correspondance directe avec ce généreux Bienfaiteur de notre Société littéraire, qu'elles I-3 pûssent lui être communiquées par votre entremise. C'est dans cette même vûë que j'écris encore, & que je vous envoye ces nouvelles observations. Si vous n'y trouvez rien d'intéressant (ce qui est très-possible, attendu la multitude de sçavans en Europe qui sont continuellement occupés aux mêmes recherches) elles vous prouveront du moins que nous n'avons pas négligé les instrumens qui nous ont été mis entre les mains, & que, s'ils ne nous ont pas servi à faire des découvertes intéressantes, quelle qu'en puisse être la cause, ce n'est pas manque de zêle ni d'application.
Je suis, &c. B. FRANKLIN.
Sur les propriétés & sur les effets de la matière électrique qui résultent des Expériences & observations faites à Philadelphie. 1749.
§. 1. L a matière électrique est composée de particules extrèmement subtiles, puisqu'elle peut traverser la matière commune, même les métaux les plus denses, avec tant de facilité & de liberté qu'elle n'éprouve aucune résistance sensible.
2. Si quelqu'un doutoit que la matière électrique passât à travers la substance des corps, mais seulement sur & le long de leur surface, l'expérience de Leyde faite avec un grand vase de verre électrisé, dont le coup seroit tiré à travers son propre corps suffiroit probablement pour le convaincre.
3. La matière électrique diffère de la matière commune en ce que les parties de celle-ci s'attirent mutuellement, & que les parties de la première se repoussent mutuellement; de-là vient la divergence apparante dans un courant d'écoulemens électriques.
4. Mais quoique les particules de matière électrique se repoussent I-6 l'une l'autre, elles sont fortement attirées par toute autre matière 9 : ceci doit s'entendre de celle qui en est susceptible.
5. De ces trois choses, sçavoir l'extrême subtilité de la matière électrique, la mutuelle répulsion de ses parties, & la forte attraction entr'elles & une autre matière, il en résulte cet effet, que quand une quantité de matière électrique est appliquée à une masse de matière commune d'une grosseur & d'une longueur sensibles, qui n'a pas déjà acquis sa quantité, elle se répand aussitôt également dans la totalité.
6. Ainsi la matière commune est une espèce d'éponge pour le fluide électrique; une éponge ne recevroit pas l'eau, si les parties de l'eau n'étoient plus petites que les pores de l'éponge: elle ne la recevroit que bien lentement, s'il n'y avoit pas une attraction mutuelle entre ses parties & celles de l'éponge: celle-ci s'en imbiberoit plus promptement, si l'attraction réciproque entre les parties de l'eau n'y mettoit pas un obstacle, puisqu'il doit y avoir quelque force employée pour les séparer: enfin l'imbibition seroit très-rapide, si au lieu d'attraction il y avoit entre les parties de l'eau une répulsion mutuelle qui concourût I-8 avec l'attraction de l'éponge. C'est précisément là le cas où se trouvent la matière électrique & la matière commune.
7. Mais dans la matière commune il y a (généralement parlant) autant de matière électrique qu'elle peut en contenir dans sa substance. Si l'on en ajoûte davantage, le surplus reste sur la surface, & forme ce que nous appellons une Atmosphère électrique, & l'on dit alors que le corps est électrisé.
8. On suppose que toute sorte de matière commune n'attire pas ni ne retient pas la matière électrique avec une égale force & une égale activité pour les raisons que I-9 nous donnerons dans la suite, & que les corps appellés originairement électriques, comme le verre, &c. l'attirent & la retiennent plus fortement, & en contiennent la plus grande quantité.
9. Nous sçavons que le fluide électrique est dans la matière commune, parce que nous pouvons le pomper & l'en faire sortir par le moyen du globe ou du tube: nous sçavons que la matière commune en a à peu près autant qu'elle en peut contenir, parce que, quand nous en ajoûtons un peu plus à une portion quelconque, cette quantité ajoûtée n'y entre point, mais forme une atmosphère électrique: & nous sçavons que la I-10 matière commune n'en a pas (généralement parlant) plus qu'elle n'en peut contenir; autrement toutes ses parties détachées se repousseroient l'une l'autre, comme elles font constamment, lorsqu'elles ont des atmosphères électriques.
10. Nous ne sommes pas encore instruits des usages avantageux attachés à ce fluide électrique dans la création, quoique nous ne puissions douter qu'il n'y en ait, & même de très-considérables; mais nous pouvons apercevoir quelques pernicieuses conséquences, qui résulteroient d'une plus grande proportion de ce fluide; car si ce globe où nous vivons, I-11 en avoit autant à proportion que nous en pouvons donner à un globe de fer, de bois, ou autre chose semblable, les particules de poussière, ou d'autre matière légère, qui en sont détachées, non-seulement se repousseroient l'une l'autre par la vertu de leurs atmosphères électriques séparées, mais encore seroient repoussées de la terre & seroient difficilement amenées à s'y réunir. Dès-là notre air seroit continuellement & de plus en plus embarrassé de matières étrangéres, & cesseroit d'être propre pour la respiration. Cette réfléxion nous présente une nouvelle occasion d'adorer cette souveraine Sagesse qui a fait toutes choses avec poids & mesure.
11. Si l'on suppose une portion de matière commune entièrement dépourvûë de matière électrique, & que l'on en approche une simple particule de cette dernière, elle sera attirée, entrera dans le corps, & prendra place dans le centre, ou à l'endroit dans lequel l'attraction est égale de toutes parts; s'il y entre un plus grand nombre de particules électriques, elles prennent leur place dans l'endroit où la balance est égale entre l'attraction de la matière commune & leur propre répulsion mutuelle. On suppose que ces particules forment des triangles dont les côtés se raccourcissent à proportion que leur nombre augmente, jusqu'à I-13 ce que la matière commune en ait tant attiré que tout son pouvoir de comprimer les triangles par l'attraction, soit égal à tout leur pouvoir de s'étendre elles-mêmes par la répulsion, & alors cette portion de matière n'en recevra plus.
12. Lorsqu'une partie de cette quantité naturelle de fluide électrique est chassée d'une portion de matière commune, on suppose que les triangles formés par le reste s'élargissent par la répulsion mutuelle des parties jusqu'à ce qu'ils occupent cette portion en entier.
13. Lorsque la quantité de fluide électrique qui a été enlevée à I-14 une portion de matière commune, lui est renduë, elle y entre, les triangles dilatés étant comprimés de nouveau, jusqu'à ce qu'il y ait place pour la totalité.
14. Pour expliquer ceci, prenez deux pommes ou deux boules de bois, ou d'autre matière, chacune ayant sa quantité naturelle de fluide électrique; suspendez-les au plat-fond par des fils de soye: appliquez le fil d'archal d'une bouteille bien chargée que vous tiendrez à la main, à l'une de ces boules A. (Fig. 1.) & elle recevra du fil d'archal une quantité de fluide électrique, mais elle ne s'en imbibera point, en étant déjà pleine. C'est pourquoi le fluide I-15 volera autour de sa surface, & y formera une atmosphère électrique. Amenez A en contact avec B, & elle lui communiquera la moitié du fluide électrique qu'elle a reçû; de sorte que toutes deux auront une atmosphère électrique, & par conséquent se repousseront l'une l'autre: supprimez ces atmosphères en touchant les boules, & laissez-les dans leur état naturel, alors ayant attaché un bâton de cire d'Espagne au milieu de la bouteille pour lui servir de manche, appliquez-en le fil d'archal à A, & qu'en même-tems les parois de cette bouteille touchent B; de cette sorte une quantité de fluide électrique sera chassée de B, & I-16 poussée sur A, ainsi A aura un excès de ce fluide électrique qui forme une atmosphère autour de lui, & B sera privé éxactement de cette même quantité: maintenant ramenez les boules en contact, & l'atmosphère électrique ne sera pas divisée entre A & B dans deux plus petites atmosphères comme ci-devant, car B absorbera toute l'atmosphère de A, & les deux boules se retrouveront dans leur état naturel.
15. La forme de l'atmosphère électrique est celle du corps qu'elle environne. Cette forme peut être renduë visible dans un air calme, en excitant une fumée de résine séche, que l'on versera dans une I-17 cuillier à caffé sous le corps électrisé; elle sera attirée & s'étendra d'elle-même également sur tous les côtés, couvrant & cachant le corps. Elle prend cette forme, parce qu'elle est attirée de tous les côtés de la surface du corps, quoiqu'elle ne puisse entrer dans sa substance qui est déjà remplie; sans cette attraction, elle ne demeureroit pas autour du corps, mais elle se dissiperoit en l'air.
16. L'atmosphère des particules électriques qui environnent une sphère électrisée, n'est pas plus disposée à l'abandonner, ni plus aisément tirée d'un côté de la sphère que de l'autre, parce qu'elle est également attirée de toutes parts. I-18 Mais ce cas n'est pas le même pour les corps d'une autre figure. Dans un cube elle est plus facilement tirée des angles que des surfaces planes, & ainsi des angles d'un corps de toute autre figure, & toujours plus facilement de l'angle le plus aigu. Si donc un corps figuré comme A B C D E dans la Fig. 2. est électrisé, ou à une atmosphère qui lui soit communiquée; & si nous considérons chaque côté comme une base sur laquelle les particules électriques reposent, & par laquelle elles sont attirées, on peut voir en imaginant une ligne de A en F, & une autre de F en G, que la portion d'atmosphère enfermée dans F A E G, I-19 a la ligne A E pour base. De même la portion d'atmosphère enfermée dans H A B I, a la ligne A B pour base, & pareillement la portion enfermée dans K B C L, a B C pour appui, & de même sur l'autre côté de la figure. Maintenant si vous tirez cette atmosphère avec quelque corps poli & émoussé, & que vous l'approchiez du milieu du côté A B, il faut venir fort près avant que la force de votre attracteur excède la force ou le pouvoir, avec lequel ce côté maintient son atmosphère: mais il y a une petite portion entre I B K, qui a moins de surface pour s'y appuyer & en être attirée que les portions voisines, tandis qu'il y a I-20 d'ailleurs une répulsion mutuelle entre ses particules & les particules de ces portions; vous pouvez donc venir à bout de la tirer avec plus de facilité, & à une plus grande distance. Entre F A H, il y a une plus grande portion qui a encore une moindre surface pour s'y appuyer & pour en être attirée; c'est pourquoi vous pouvez toujours l'enlever plus facilement. Mais la plus grande facilité se rencontre entre L C M, où la quantité est la plus abondante, & où la surface pour l'attirer & la retenir est la plus petite. Lorsque vous avez enlevé une de ces portions angulaires du fluide, une autre prend sa place, par un effet I-21 de la fluidité naturelle & de la répulsion mutuelle dont nous avons parlé ci devant; & ainsi l'atmosphère continuë de couler vers cet angle comme un courant, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. Les extrémités de ces portions d'atmosphère sur ces parties angulaires sont pareillement à une plus grande distance du corps électrisé, comme on le peut voir, en jettant les yeux sur la figure. La pointe de l'atmosphère de l'angle C étant beaucoup plus loin de C qu'aucune partie de l'atmosphère sur les lignes C B, ou B A; & outre la distance qui résulte de la nature de la figure, là où l'attraction est moindre, les particules doivent I-22 naturellement s'étendre à une plus grande distance par leur mutuelle répulsion.
Sur ces principes fondamentaux nous supposons que les corps électrisés déchargent leur atmosphère sur les corps non électrisés avec plus de facilité & à une plus grande distance de leurs angles & de leurs pointes que de leurs côtés unis. Les pointes la déchargent aussi dans l'air, lorsque le corps a une trop grande atmosphère électrique, sans qu'il soit besoin d'approcher quelque corps non-électrique, pour recevoir ce qui est chassé; car l'air, quoiqu'originairement électrique, a toujours plus ou moins d'eau, ou d'autres matières I-23 non-électriques mêlées avec lui, lesquelles attirent & reçoivent ce qui est ainsi déchargé.
17. Mais les pointes ont la propriété de tirer , aussi bien que de pousser le fluide électrique à de plus grandes distances que ne le peuvent faire les corps émoussés; c'est-à-dire, que comme la partie pointuë d'un corps électrisé déchargera l'atmosphère de ce corps, ou la communiquera plus loin à un autre corps, de même la pointe d'un corps non électrisé tirera l'atmosphère électrique d'un corps électrisé de beaucoup-plus loin qu'une partie plus émoussée du même corps non-électrisé ne le pourroit faire. Ainsi une épingle tenuë par I-24 la tête, & présentée par la pointe à un corps électrisé, tirera son atmosphère à un pied de distance; mais si la tête étoit présentée au lieu de la pointe, le même effet n'en résulteroit pas. Pour concevoir ceci, nous pouvons considérer que, si une personne debout sur le plancher, tiroit l'atmosphère électrique d'un corps électrisé, une pince de fer & une aiguille à tricoter émoussée tenuës alternativement dans la main, & présentées à cette intention ne l'attireroient pas avec des forces différentes, à proportion de leurs différentes masses. Car l'homme, & ce qu'il tient dans la main, soit grand, soit petit, sont unis avec I-25 la masse commune de la matière non-électrisée; & la force avec laquelle il tire, est la même dans les deux cas, puisqu'elle consiste dans la différente proportion d'électricité dans le corps électrisé & dans cette masse commune. Mais la force avec laquelle le corps électrisé retient son atmosphère en l'attirant, est proportionnée à la surface sur laquelle les particules sont placées. Par éxemple, quatre pieds quarrés de cette surface retiennent leur atmosphère avec quatre fois autant de force qu'un pied quarré retient son atmosphère; & comme en arrachant les crins de la queuë d'un cheval, un degré de force insuffisant pour en arracher une poignée I-26 à la fois, suffiroit pour la dépouiller crin à crin; de même un corps émoussé que l'on présente, ne sauroit tirer plusieurs parties à la fois; mais un corps pointu, sans une plus grande force, les enléve aisément partie par partie.
18. Ces explications du pouvoir & de l'opération des pointes, lorsqu'elles se présentèrent à moi pour la première fois, & tandis qu'elles rouloient dans mon esprit, me parurent satisfaire à toutes les difficultés; cependant depuis que je les ai mises par écrit & rapellées à un examen plus sévère & plus réfléchi, j'avouë de bonne foi qu'il me reste quelque doute à cet égard. Mais n'ayant rien de I-27 mieux pour le présent à vous offrir à leur place, je ne les rejette pas absolument; car une mauvaise solution que l'on lit, & dont on découvre les défauts, donne souvent occasion à un Lecteur ingénieux d'en trouver une plus parfaite.
19. Le plus important pour nous n'est pas de sçavoir de quelle manière la nature exécute ses loix; il nous suffit de connoître les loix elles-mêmes. C'est un avantage réel de sçavoir qu'une porcelaine abandonnée en l'air sans être soutenuë, tombera & se brisera immanquablement; mais de sçavoir comment elle tombe & pourquoi elle se brise c'est une matière de I-28 pure spéculation. Ces connoissances sont agréables à la vérité, mais sans elles nous pouvons garantir notre porcelaine.
20. Ainsi dans le cas présent il pouroit être de quelque usage pour le genre humain de connoître le pouvoir des pointes, quoique nous ne fussions jamais en état d'en donner une explication précise. Les expériences suivantes montrent ce pouvoir. J'ai un premier conducteur fort large, composé de plusieurs feüilles minces de carton, ajusté en forme de tube d'environ dix pieds de longueur & d'un pied de diamètre. Il est couvert de papier d'Hollande relevé en bosse & presque tout doré.
Cette large surface métallique soutient une atmosphère électrique beaucoup plus grande que n'en soutiendroit une verge de fer cinquante fois plus pesante. Il est suspendu par des fils de soye; & lorsqu'il est chargé, il frappe à environ deux pouces de distance, un coup assez fort pour causer de la douleur aux articulations du doigt. Qu'un homme sur le plancher présente la pointe d'une aiguille à 12. pouces ou plus de distance; tandis que l'aiguille est ainsi présentée, le conducteur ne sauroit être chargé, la pointe tirant le feu aussi promptement qu'il est poussé par le globe électrique: chargez-le, & présentez alors la pointe à la même I-30 distance, & il sera déchargé en un instant. Dans l'obscurité vous pouvez voir une lumiére sur la pointe, lorsqu'on fait l'expérience, & si la personne qui tient la pointe est sur un gâteau de cire, elle sera électrisée en recevant le feu à cette distance. Essayez de tirer de l'électricité avec un corps émoussé, tel qu'un morceau de fer arondi & poli à l'extrémité (je me sers du poinçon d'un Orfévre, de l'épaisseur d'un pouce) il faut que vous l'approchiez à la distance de trois pouces, avant de pouvoir faire l'opération, & elle se fait alors avec un coup & un craquement. Comme le tube de carton pend librement sur des fils de soye, lorsque I-31 vous en approchez le morceau de fer, il s'avance pareillement vers ce morceau de fer, étant attiré pendant tout le tems qu'il est chargé; mais si au même instant la pointe est présentée comme auparavant, il se retire, parce qu'il est déchargé par la pointe.
«On ne doit pas prendre à la rigueur tout ce que M. Franklin dit ici du pouvoir & de l'effet des pointes, comme l'ont observé plusieurs de ses Critiques; mais aussi il s'en faut beaucoup qu'on doive tirer de leurs observations toutes les conséquences qu'ils prétendent en résulter. L'un accorde un avantage considérable aux corps pointus sur ceux qui sont arondis ou émoussés, I-32 soit pour pousser, soit pour tirer la matière électrique; & veut que la première observation de cet effet soit attribuée à un Européen, comme si notre auteur cherchoit à s'en emparer lui-seul; un autre pour avoir remarqué qu'une pointe d'aiguille présentée à un pied de distance d'un conducteur n'empêche pas qu'on n'en tire quelques étincelles, s'imagine avoir fait une des plus importantes découvertes: que le pouvoir des pointes est une chimère, & que toute la Théorie du Tonnerre est détruite par cette seule observation; d'autres enfin se laissant emporter au gré de leur imagination, vont s'égarer dans des sistêmes dont l'obscurité fait le I-33 seul mérite. Mais il n'est pas encore tems de parler de ces différens sentimens; le détail en trouvera mieux sa place dans la suite de cet ouvrage.»
M
ONSIEUR,
Je fais aux principales questions contenuës dans votre lettre du 28. du courant, une réponse telle que l'embarras de mes affaires présentes me le permet, & je vous demande la permission de vous renvoyer à la dernière piéce du recueil imprimé de mes écrits, pour vous expliquer plus amplement la I-35 différence entre ce qui est apellé électrique par soi & non électrique . Quand vous aurez eu le tems de lire & d'examiner ces écrits, je tâcherai de faire quelques-unes des nouvelles expériences que vous proposez, & que vous croyez plus capables de nous éclairer & de nous satisfaire l'un & l'autre sur ce sujet. Je vous serai toujours fort obligé de me communiquer les remarques, objections, &c. qui peuvent se présenter à vous.
Je suis avec un sincère respect, Votre très-humble & très-obligé serviteur, B. FRANKLIN.
Auxquelles on renvoye dans la
Lettre précédente.
1e. Question . E n quoi consiste la différence entre un corps électrique & un corps non-électrique?
§ 21. Réponse . Les termes électrique par soi & non-électrique furent d'abord employés pour distinguer les corps dans la fausse supposition que les seuls corps apellés électriques par soi, contenoient dans leur substance la matiére électrique I-37 qui pouvoit être excitée par le frottement, être produite & en être tirée, & communiquée à ceux que l'on apelloit non-électriques , que l'on supposoit dépourvûs de cette matière; car le verre, &c. étant frotté, donnoit des signes qu'il contenoit de cette matière en piquant le doigt, en attirant & repoussant, &c. & qu'il pouvoit communiquer cette vertu aux métaux & à l'eau.
On découvrit dans la suite que le frottement du verre ne produisoit pas la matière électrique, à moins que l'on ne conservât une communication entre le corps frottant & le plancher; & les expériences suivantes prouvèrent I-38 que la matière électrique étoit réellement tirée de ces corps, que l'on avoit cru d'abord n'en contenir aucune: alors on douta que le verre & les autres corps apellés électriques par soi, eussent réellement en eux-mêmes quelque matière électrique; puisque, selon les apparences, ils n'en fournissoient aucune autre que celle qu'ils tiroient d'abord de ces corps qui avoient été appellés non électriques; mais quelques-unes de mes expériences prouvent que le verre en contient une grande quantité; & je soupçonne à présent qu'elle est répanduë assez également dans toute la matière du globe terrestre.
Dès-lors on peut abandonner, comme impropres, les termes électrique par soi , & non-électrique ; & puisque la seule différence est que quelques corps conduisent la matière électrique, & que les autres ne la conduisent pas, on peut mettre en leur place les termes conducteurs & non-conducteurs .
Si quelque partie de matière électrique est appliquée à un morceau de matière conductrice, elle le pénètre, coule au travers, ou se répand également sur sa surface; si elle est appliquée à un morceau de matière non conductrice, elle ne fera ni l'un ni l'autre. Il n'y a de conducteurs parfaits de I-40 la matière électrique, que les métaux & l'eau; les autres corps ne le sont qu'à proportion qu'il entre dans leur composition du mêlange de ceux-ci; s'il n'y en a pas plus ou moins, ils ne seront point du tout conducteurs. 10 Ceci, soit dit en passant, montre entre les métaux & l'eau un nouveau rapport que l'on ignoroit jusqu'à présent.
Note 10: (retour) Cette proposition a été trouvée depuis trop générale: M. Wilson ayant découvert que la cire fonduë & la résine sont aussi conducteurs. On pourroit y ajoûter beaucoup d'autres exemples semblables, comme celui de l'eau qui est un des plus excellens conducteurs d'électricité tant qu'elle conserve sa fluidité, & qui cesse de l'être, dès qu'elle la perd.
Je vais tâcher d'éclaircir cela par une comparaison, qui cependant n'en peut donner qu'une foible I-41 analogie. La matière électrique passe au travers des conducteurs, comme l'eau passe au travers d'une pierre poreuse, ou se répand sur leur surface, comme l'eau se répand sur une pierre moüillée; mais quand cette matière est appliquée à des corps non conducteurs, c'est comme l'eau qui dégoutte sur une pierre grasse; elle ne la pénétre point, ne passe point à travers, ne s'étend point sur sa surface; mais elle reste par gouttes sur les endroits où elle tombe. Voyez à cet égard ma dernière piéce imprimée.
2e. Question . Quels sont les effets de l'air dans les expériences électriques?
22. Réponse . Voici tous ceux que j'ai remarqués jusqu'à présent; l'air humide reçoit & conduit la matière électrique à proportion de son humidité; l'air parfaitement sec ne le fait point du tout; l'air doit donc être mis dans la classe des non-conducteurs. L'air sec aide à fixer l'atmosphère électrique autour du corps qu'elle environne, & en empêche la dissipation; car dans le vuide elle se dissipe aisément, & les pointes agissent plus fortement; c'est-à-dire, elles poussent ou attirent la matière électrique plus librement & à de plus grandes distances; en sorte que l'air survenant met quelque sorte d'obstacle à ce qu'elle passe d'un I-43 corps à un autre. Une bouteille électrique bien propre garnie de son fil-d'archal, remplie d'air au lieu d'eau, ne se chargera, & ne donnera pas plus de choc que si elle étoit remplie de verre pulvérisé; mais étant vuide d'air, elle produit autant d'effet que si elle étoit remplie d'eau. Cependant une atmosphère électrique & l'air ne semblent pas s'exclure l'un l'autre, car nous respirons librement dans une pareille atmosphère, & l'air sec passeroit au travers de cet atmosphère, sans la déplacer ni la disperser. Je doute que le vent Nord-ouest, le plus sec & le plus fort, pût la dissiper.
23. J'électrisai une fois une grosse I-44 boule de liége suspenduë au bout d'un fil de soye, long de trois pieds, dont je tenois l'autre bout dans mes doigts: je la fis tourner cent fois en rond comme une fronde, le plus rapidement qu'il me fut possible: elle n'en conserva pas moins son atmosphère électrique, quoiqu'elle eût nécessairement traversé 800. verges 11 d'air, en supposant que dans la rotation mon bras augmentoit d'un pied le demi-diamètre du cercle.
Par l'air parfaitement sec, j'entens le plus sec, que nous puissions avoir; car peut-être n'en avons-nous jamais qui soit parfaitement purgé d'humidité. Une atmosphère I-45 électrique formée autour d'un gros fil-d'archal introduit dans une grosse bouteille pleine d'air, n'en fait pas sortir la moindre partie de cet air; & si on détruit cette atmosphère, aucun air ne s'y précipite, comme je l'ai découvert par une expérience très-curieuse, faite avec soin; d'où nous avons conclu que l'élasticité de l'air n'en est point du tout affectée.
18. Juillet 1747.
M
ONSIEUR,
La peine indispensable de copier de longues lettres, qui peut-être, lorsqu'elles vous sont renduës, ne contiennent rien de nouveau ou d'intéressant pour vous (tant est rapide le progrès que l'on a fait en Europe dans l'Électricité) me décourage presque de vous en écrire davantage sur ce sujet. Je ne puis cependant me dispenser de vous communiquer encore quelques observations sur la merveilleuse bouteille de M. de Muschenbroek. I-47
§. 24. Le corps non-électrique contenu dans la bouteille, étant électrisé, diffère du corps non-électrique électrisé hors de la bouteille, en ce que le feu électrique du dernier est accumulé à sa surface , & forme librement à l'entour une atmosphère électrique d'une étenduë considérable; au lieu que le feu électrique est comprimé dans la substance du premier que le verre borne de toutes parts. 12
25. En même-tems que le fil-d'archal & le dedans de la bouteille, &c. sont électrisés positivement I-48 ou plus , le dehors de la bouteille est électrisé négativement ou moins dans une éxacte proportion; c'est-à-dire, que telle que soit la quantité de feu électrique qui passe dans l'intérieur, il en sort de l'extérieur une égale quantité. Pour concevoir ceci, supposez que la quantité commune d'électricité dans chaque surface de la bouteille, avant le commencement de l'opération soit égale à 20; supposez encore qu'à chaque coups de tube, ou à chaque tour du globe il y entre une quantité égale à 1; alors après le premier coup la quantité contenuë dans le fil-d'archal & le dedans de la bouteille sera 21, dans le dehors elle I-49 ne sera plus que 19: après le second la partie intérieure aura 22, l'extérieure 18: & ainsi après le le vingtième coup, la partie intérieure aura une quantité de feu électrique égale à 40; celle de la partie extérieure sera égale à zero, & l'opération finit là, car il n'en peut plus être poussé dans la partie intérieure, lorsqu'il n'en peut plus être tiré de la partie extérieure. Si vous essayez d'en introduire davantage il est rejetté par le fil-d'archal, ou casse la bouteille avec un craquement sensible.
26. L'équilibre ne sauroit être rétabli dans la bouteille par la communication intime ou le contact des parties, mais seulement I-50 par une communication formée au dehors de la bouteille entre l'intérieur & l'extérieur, par le moyen de quelque corps conducteur qui les touche tous deux, soit en même-tems, auquel cas l'équilibre est rétabli avec une violence & une rapidité inexprimables; soit alternativement, auquel cas il est rétabli par dégrés.
27. Comme il ne peut plus être poussé de feu électrique au dedans de la bouteille, lorsque tout celui du dehors est épuisé; de même dans une bouteille non encore électrisée, on ne sauroit en pousser dans le dedans, lorsqu'il n'en peut sortir du dehors: ce qui arrive ou quand le fond est trop épais, ou I-51 quand la bouteille est placée sur un corps originairement électrique. Et réciproquement lorsque la bouteille est électrisée, on ne peut tirer de son intérieur, qu'une assez petite quantité de feu électrique, en touchant le fil-d'archal, à moins qu'une quantité égale ne puisse en même-tems être renduë à l'extérieur. Ainsi posez une bouteille électrisée sur un verre net, ou sur de la cire séche, & vous aurez beau toucher le fil-d'archal, vous n'en pourrez tirer d'étincelle. Posez-la sur un corps non électrique, touchez le fil-d'archal, & le feu en sortira en très-peu de tems; mais il sortira beaucoup-plus vîte encore, si vous formez une communication I-52 directe, comme il a été dit ci-dessus, tant ces deux états d'électricité le plus & le moins sont merveilleusement combinés, & balancés dans cette bouteille miraculeuse; ils sont disposés & proportionnés entr'eux d'une manière qui surpasse mon intelligence. La bouteille électrisée est en sens contraire comme le récipient de la machine pneumatique, dont on a vuidé l'air: si l'on ouvroit le robinet l'équilibre seroit rétabli dans un instant au dedans & au dehors du récipient; mais ici, nous avons une bouteille qui contient en même-tems un plein de feu électrique, & un vuide de ce même feu; & quoique le passage de l'un I-53 à l'autre paroisse libre, que le plein presse violemment pour se dilater, & que le vuide affamé semble attirer avec une égale violence pour se remplir, l'équilibre ne peut cependant être rétabli entr'eux que par le moyen d'une communication au dehors de la bouteille.
L'ébranlement des nerfs, ou plutôt la convulsion est occasionnée par le passage subit du feu à travers le corps qui le transmet du dedans au dehors de la bouteille: le feu prend la voye la plus courte, comme M. Watson l'a judicieusement observé; mais il ne paroît par aucune expérience, qu'afin qu'une personne reçoive le coup, la communication avec le plancher I-54 lui soit nécessaire. Car celui qui tient la bouteille d'une main, & qui touche de l'autre le fil-d'archal, sera également frappé, quoique ses souliers soient secs, ou même qu'il soit sur un gâteau de cire, comme dans toute autre circonstance. Pour ce qui est de l'attouchement du fil-d'archal ou du canon du fusil (car cela revient au même) le feu ne passe point du doigt qui touche au fil-d'archal, comme on le suppose, mais du fil-d'archal au doigt; de là traversant le corps, il passe à l'autre main, & ainsi jusqu'à l'extérieur de la bouteille.
Qui confirment ce qui vient d'être
avancé.
P
lacez une fiole électrisée
sur de la cire; tenez à la main une
petite boule de liége suspenduë
par un fil de soye séche: approchez-la
du fil-d'archal, elle sera
d'abord attirée & ensuite repoussée.
Lorsqu'elle est dans cet état
de répulsion, baissez la main, afin
que la boule se trouve vis-à-vis le
fond de la bouteille; elle sera
promptement & fortement attirée
jusqu'à ce qu'elle ait communiqué
son feu.
Si la bouteille avoit, comme son fil-d'archal, une atmosphère électrique, le liége électrisé seroit également repoussé par l'une comme par l'autre.
«Quand on tient dans sa main une bouteille bien électrisée, on aperçoit sur tout dans l'obscurité une aigrette lumineuse au haut du crochet, & on entend le sifflement de la matière électrique qui s'échape dans l'air par cette voye. Si dans cet état l'on pose la bouteille sur un support électrique de verre, de résine, &c. l'aigrette disparoît & le sifflement cesse. Cette observation suffiroit seule pour prouver que la bouteille doit se décharger plus lentement I-57 quand elle est sur un support électrique, que quand elle est sur un non-électrique. Un célebre Physicien a cependant cru remarquer le contraire; & c'est sur sa parole que le critique de M. Fr. sans s'être assûré par lui-même de la vérité du fait, lui adresse cette question 13 : Pourquoi dans vos expériences la posez-vous toujours (cette bouteille) sur de la cire ou sur du verre? Ne savez-vous pas , continue-t-il, qu'étant ainsi placée sur un corps originairement électrique, elle perd promptement sa vertu?
»Voici les précautions que j'ai prises pour faire cette expérience.
1º. J'ai choisi deux bouteilles les plus égales qu'il m'a été possible de trouver en matière, en forme, en dimensions, en poids & en capacité: 2º. Les tenant toutes deux à la main, je les ai électrisées également & en même tems au même conducteur; & pour m'assûrer qu'elles étoient également chargées, j'ai fait toucher le crochet de l'une à celui de l'autre: 3º. Je les ai ensuite posées en même-tems l'une sur un plateau de verre, l'autre sur un plateau de bois à peu près égal, placés sur une table l'un à un bout, & l'autre à l'autre, au milieu d'une chambre. 4º. Après les avoir laissées en cet état pendant I-59 plusieurs heures, j'ai fait l'expérience de Leyde avec chacune de ces deux bouteilles, & j'ai trouvé que la commotion donnée par la bouteille posée sur le support électrique, étoit la plus forte.
»Après avoir recommencé plusieurs fois la même expérience, tantôt de la même façon, & tantôt en changeant les bouteilles de place, j'ai toujours eu le même succès. On doit en conclure que notre Critique n'a pas raison d'éxiger de M. Fr. que la bouteille électrisée soit placée sur un support non électrique pour faire la première expérience.
»Objecter que si l'on veut de I-60 bonne foi savoir & montrer l'état naturel & véritable de la surface extérieure ou du bas de la bouteille, il ne faut la poser ni sur de la cire ni sur du verre, puisque cela-seul peut faire changer d'état à l'une des deux surfaces, & qu'il convient de la laisser dans toutes les circonstances où elle étoit lorsqu'on la chargeoit d'électricité, &c. c'est faire connoître qu'on n'entend pas ce dont il s'agit, ou tout au moins que l'on perd son point de vûe; c'est oublier que la bouteille électrisée est dans un état tout opposé à celui de la bouteille qu'on électrise. Celle-ci reçoit sur une de ses surfaces, & perd d'autant sur l'autre; ce I-61 qui se passe en celle-là est précisément le contraire, & encore quelque chose de plus, si la bouteille est soutenuë sur un support électrique. M. Fr. a donc raison de la mettre dans la situation la plus favorable à ses vuës, lorsqu'il veut éprouver la force, l'effet, la différence & la manière d'être de chacune de ses surfaces. L'on sent bien que s'il traitoit la bouteille électrisée comme on veut le lui enseigner, il trouveroit en pure perte & la force & l'effet d'une de ses surfaces. Ingénieux comme l'est cet illustre Américain, consommé dans les recherches électriques, où il a fait lui-seul plus de progrès que I-62 tous les autres physiciens ensemble, pouvons-nous douter qu'il n'ait tenté des moyens aussi simples que ceux qu'on veut lui apprendre?»
Fig. 3. D'un fil-d'archal courbé ( a ) & affermi sur une table, faites pendre un fil de lin ( b ) à distance d'un demi-pouce du ventre de la fiole ( c ) électrisée & posée sur de la cire: touchez avec le doigt le fil-d'archal de la fiole à plusieurs reprises; & à chaque attouchement vous verrez le fil aussitôt attiré par la bouteille. (Cette expérience réussit encore mieux avec un vinaigrier, ou tel I-63 autre vase bombé qu'on voudra.) Dès que vous tirez du feu de la partie intérieure en touchant le fil-d'archal, la partie extérieure de la bouteille en attire une égale quantité par le fil.
Fig. 4. Faites tenir un fil-d'archal dans le plomb dont le bas de la bouteille est armé ( d ), de sorte qu'en faisant un coude pour se relever perpendiculairement, l'anneau qui le termine se trouve de niveau avec le haut ou l'anneau du fil-d'archal qui entre dans le liége ( e ) à trois ou quatre pouces de distance. Alors électrisez la bouteille & posez-la sur de la cire. I-64 Si un morceau de liége suspendu par un fil de soye tombe entre les deux fils-d'archal, il jouëra continuellement de l'un à l'autre jusqu'à ce que la bouteille ne soit plus électrisée: la raison en est qu'il charrie & apporte le feu du dedans au dehors de la bouteille jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli.
«Les objections que l'on fait contre cette troisiéme expérience, ou plutôt les faits que l'on oppose aux conséquences qui en résultent, doivent être partagés en deux classes. Je vais répondre à ceux de la premiere, & ceux de la seconde trouveront place ailleurs; notre I-65 auteur ayant examiné à fond la différence que l'on a remarquée entre un corps électrisé par un globe de verre, & un autre électrisé par un globe de soufre. 14 .
»Comment notre critique, si clairvoyant d'ailleurs, a-t-il pû méconnoître l'effet des pointes dans l'expérience qu'il propose pour objection, pag. 102 & 103? Il avoit déjà déclaré dans la page précédente qu'il préféroit une petite feuille de métal aux boulettes de liége dont s'est servi M. Franklin: il s'en sert encore ici pour prouver que la surface extérieure de la bouteille électrisée I-66 n'attire pas ce que sa surface intérieure a repoussé, sans faire attention qu'en vertu du pouvoir des pointes, cette feuille métallique est dépouillée de son atmosphère électrique avant de pouvoir être attirée; je dis plus, c'est qu'elle est alors dans un état d'électricité négative, aussi bien que l'extérieur de la bouteille, & c'est pour cela qu'elle est repoussée. Il ne lui arrive en cet endroit que ce qui lui est arrivé auprès du fil-d'archal plongé dans la bouteille. La feuille du métal s'y est souvent électrisée sans toucher le crochet, de même elle se désélectrise sans toucher le ventre; I-67 après quoi elle en est repoussée; car c'est une vérité reconnue que les corps électrisés négativement se repoussent de même que ceux qui le sont positivement. Que notre critique substituë à sa feuille de métal ou une petite boule de liége, à l'imitation de notre auteur, ou une balle de métal, 15 comme je l'ai souvent éprouvé, je lui serai garant d'un succès aussi complet que celui qu'il entreprend de contester.
»Quant à l'expérience que l'on nous oppose, pag. 104. & suivantes, le R. P. Beccaria m'a dispensé de me mettre en frais I-68 pour y répondre. Voy. son Liv. I. de l'Électricité Artificielle, chap. II. »
Fig. 5. Placez une fiole électrisée sur de la cire: prenez un fil-d'archal ( g ) qui ait la forme d'un C: que ses extrémités, lorsqu'il est bandé, soient tellement éloignées, que la supérieure puisse toucher le fil-d'archal de la bouteille, tandis que l'inférieure en touche le ventre. Attachez-en la partie extérieure sur un bâton de cire d'Espagne ( h ), qui servira comme de manche: appliquez d'abord son extrémité inférieure au fond extérieur de la bouteille, & approchez par dégrés son extrémité I-69 supérieure du fil-d'archal qui est dans le liége, vous y verrez les étincelles se suivre successivement jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli; touchez d'abord le haut, & en approchant l'autre extrémité du fond, vous aurez un courant de feu continuel du dedans au dehors de la bouteille: touchez le haut & le bas en même tems, & l'équilibre sera bientôt rétabli, le fil-d'archal courbé formant la communication de l'intérieur à l'extérieur.
»Il est raisonnable en général de faire des questions pour s'instruire de ce que l'on n'entend pas; mais il ne l'est guères de les accompagner d'objections; c'est déclarer d'avance que l'on I-70 est déterminé à contredire. Que notre critique demande à Mr. Franklin ce qu'il prétend prouver par sa quatriéme expérience; à la bonne heure; mais qu'il ajoute tout de suite: Ne sçait-on pas qu'on fait cesser l'électricité d'un corps quand on en tire des étincelles? Ce que vous faites ici sur la bouteille de Leyde, vous l'éprouverez de même sur une barre de fer,..... Faudroit-il dire aussi que vous lui rendez par un côté le feu que vous lui ôtez par l'autre? C'est faire connoître qu'il n'entend pas l'état de la question; l'état d'une bouteille électrisée, & celui d'une barre de fer aussi électrisée, ne peuvent I-71 guères se comparer tant il se trouve de différence de l'un à l'autre: différence dans la charge, différence dans la situation, différence dans la décharge, différence dans l'effet; pour l'expliquer il faudroit un trop long détail, qui se trouvera d'ailleurs dans toute la suite de ce livre. Revenons à l'expérience dont il est question.
»Il est certain qu'en touchant successivement avec le fil de fer préparé comme il est expliqué, le fil-d'archal & le bas de la bouteille électrisée, l'on transporte le feu du dedans au dehors; quoiqu'en dise la critique, l'on rend peu à peu à la surface I-72 extérieure ce qu'on ôte à l'intérieure, ce que celle-ci a de trop, & ce qui manque à celle-là, jusqu'à ce qu'elles soient remises chacune dans leur état naturel. Il y a même un moyen de rendre ces effets si sensibles qu'on ne puisse plus les contester; il ne s'agit que de faire l'expérience suivante: tenez près du ventre de la bouteille une balle de liége suspenduë à un fil de soye; quand vous toucherez le fil-d'archal de la bouteille avec le fil de fer, le liége s'approchera de la bouteille; quant après cela vous toucherez le bas de la bouteille, si vous êtes dans l'obscurité, vous appercevrez au I-73 haut du crochet l'aigrette qui paroîtra & disparoîtra à chaque attouchement ainsi répété. Si on applique en même tems les deux bouts du fil de fer, l'un au fil-d'archal de la bouteille, & l'autre au bas de la même bouteille, l'équilibre sera dans l'instant rétabli entre les deux surfaces, comme l'a judicieusement avancé notre Américain.»
Fig. 6. Entourez une bouteille ( i ) d'une bande de plomb laminé ou même de papier, à quelque distance au-dessus du fond: de cette bande circulaire faites monter un fil-d'archal jusqu'à ce qu'il touche I-74 le fil-d'archal du bouchon de liége ( k ). Il n'est pas possible d'électriser un bouteille disposée de la sorte: l'équilibre n'est jamais détruit; car tandis que la communication entre les parties intérieure & extérieure de la bouteille est continuée par le fil-d'archal du dehors, le feu ne fait que circuler, & ce qui sort du bas est constamment remplacé par le haut; il suit de là qu'on ne sçauroit électriser une bouteille qui est sale ou humide en dehors, surtout si cette humidité monte jusqu'au liége ou au fil-d'archal.
»À prendre les choses à la rigueur, Mr. L. N. a raison de dire, contre l'assurance de Mr. I-75 Franklin, qu'il n'est pas impossible de charger une bouteille préparée comme on vient de l'expliquer; j'en avois fait l'expérience de diverses manières long-tems avant d'avoir vû les lettres de l'académicien; je l'avois même poussée plus loin, puisque j'étois venu à bout de charger & de décharger la bouteille par parties, c'est-à-dire à plusieurs reprises, il ne s'agit pour cela que d'avoir une fiole fort allongée, de l'entourer de plusieurs bandes ou ceintures de métal parallèles, & assez éloignées pour que l'étincelle électrique ne puisse sauter de l'une à l'autre, & de ne pas forcer en I-76 l'électrisant. L'expérience qu'on nous oppose revient au même, elle réussit quand la main qui soutient la bouteille ne touche pas à la ceinture métallique, & qu'on ne force pas l'électrisation au point que le feu puisse franchir l'espace vuide qui se trouve entr'elles, elle ne réussiroit pas autrement.
»Quoi qu'il en soit, je ne trouve pas que le succès de cette expérience prouve beaucoup contre la proposition de Mr. Franklin: il n'en reste pas moins vrai que la bouteille ne se chargera point tant qu'il y aura une communication exactement établie entre son intérieur & sa doublure I-77 extérieure. Il faut toujours regarder la main qui lui est appliquée, comme faisant partie de cette doublure; si elle est assez écartée de la ceinture métallique pour que le feu ne puisse passer de l'une à l'autre, la bouteille pourra se charger foiblement; mais ce ne sera jamais mais que dans la partie qui est couverte par la main, & point du tout dans la partie qui est couverte par la bande de métal.»
Placez un homme sur un gâteau de cire, & donnez-lui à toucher le fil-d'archal de la fiole électrisée, que vous tiendrez à la I-78 main demeurant debout sur le plancher; à chaque fois qu'il le touchera, il sera électrisé de plus en plus , & quiconque sera sur le plancher pourra tirer de lui une étincelle. Le feu dans cette expérience passe du fil-d'archal dans son corps, & passe en même tems de votre main dans la partie extérieure de la bouteille.
Donnez-lui à tenir la fiole électrisée, & touchez le fil-d'archal; à chaque fois que vous le toucherez, il sera électrisé de moins en moins , & pourra tirer une étincelle de chacun de ceux qui sont sur le plancher. Ici le feu passe du I-79 fil-d'archal dans vous, & de lui dans la partie extérieure de la bouteille.
Couchez deux livres sur deux verres dos à dos, à la distance de deux ou trois pouces; mettez sur l'un la fiole électrisée, & touchez le fil-d'archal, ce livre sera électrisé négativement ; le feu électrique en étant tiré par le fond de la bouteille, ôtez la bouteille, & la tenez à la main, touchez l'autre livre avec le fil-d'archal, ce livre sera électrisé positivement: le feu passant du fil-d'archal dans le livre, & votre main en refournissant en même tems à la bouteille; I-80 une petite boule de liége suspendue à un fil de soye jouëra entre ces deux livres jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli.
Lorsqu'un corps est électrisé positivement , il repousse une plume, ou une petite boule de liége électrisée; lorsqu'il est électrisé négativement , ou qu'il est dans l'état commun, il les attire, mais plus fortement lorsqu'il est électrisé négativement que lorsqu'il est dans l'état commun, la différence étant plus grande.
Quoique, comme dans l'expérience I-81 VI. un homme debout sur de la cire puisse être électrisé nombre de fois, en touchant à plusieurs reprises le fil-d'archal de la bouteille électrisée que tient quelqu'un aussi debout sur le plancher, parce qu'il reçoit à chaque fois le feu du fil-d'archal; cependant en la tenant lui-même dans sa main, & touchant le fil-d'archal, quoiqu'il tire une forte étincelle, & qu'il soit violemment frappé, il ne reste point en lui d'électricité, le feu le traverse seulement en passant de la partie intérieure à la partie extérieure de la bouteille. Observez, avant le coup, de le faire toucher par quelqu'un qui soit debout sur le I-82 plancher, afin de rétablir l'équilibre dans son corps; car en empoignant le bas de la bouteille, il devient quelquefois un peu électrisé négativement , ce qui continuë après le coup, de même qu'il conserveroit l'électricité positive , qui pourroit lui avoir été communiquée avant le coup; car le rétablissement de l'équilibre dans la bouteille n'affecte point du tout l'électricité dans l'homme que le feu traverse; cette électricité n'est ni augmentée ni diminuée.
Voici une jolie expérience qui rend extrêmement sensible le passage du feu électrique de la partie I-83 intérieure à la partie extérieure de la bouteille, pour rétablir l'équilibre. Prenez un livre dont la couverture soit ornée de filets d'or: courbez un fil-d'archal de 8 ou 10 pouces de long dans la forme ( m ), fig. 7. glissez-le & l'affermissez à l'extrémité de la couverture du livre sur le filet d'or, de sorte que le coude de ce fil-d'archal puisse presser sur une extrémité du filet d'or, l'anneau étant en haut, mais directement au-dessus de l'autre extrémité du livre: couchez ce livre sur un verre ou sur de la cire, & posez la bouteille électrisée sur l'autre extrémité des filets d'or: alors courbez le fil-d'archal élastique, en le I-84 pressant avec un bâton de cire; jusqu'à ce que son anneau soit proche de l'anneau du fil-d'archal de la bouteille; à l'instant vous appercevez une forte étincelle & un coup, & tout le filet d'or qui complette la communication entre l'intérieur & l'extérieur de la bouteille, paroît une flamme vive comme un éclair très-brillant. L'expérience réussira d'autant mieux que le contact sera plus immédiat entre le coude du fil-d'archal & l'or à une extrémité du filet, & entre le fond extérieur de la bouteille & l'or à l'autre extrémité. Il faut faire cette expérience dans une chambre obscure. Si vous voulez que tout I-85 le contour des filets d'or sur la couverture paroisse en feu tout à la fois, faites en sorte que la bouteille & le fil-d'archal touchent l'or dans les angles diagonalement opposés.
1. Septembre 1747.
N
ous avions été quelque tems
dans l'opinion que le feu électrique
n'étoit pas produit, mais rassemblé
par le frottement, étant
en effet un élément répandu partout,
& attiré par d'autres matières,
spécialement par l'eau & par
les métaux: nous avions aussi découvert
& démontré son affluence
I-86
au globe électrique, aussi bien
que son effluence par le moyen
des roues d'un petit moulin à
vent
16
, dont les aîles sont de
gros papier placées obliquement,
& tournant librement sur un axe
délié de fil-d'archal, & aussi par
de petites roues de la même matière,
mais qui ont la forme des
roues de moulin à eau. Je pourrois,
si j'avois le tems, vous remplir
une feuille de papier de la
disposition & de l'application de
ces roues, & des différens phénomènes
qui en résultent.
L'impossibilité de s'électriser soi-même, quoique placé sur un gâteau de cire, en frottant le tube & en tirant le feu, & la manière d'y réussir en approchant le tube d'une personne ou d'une chose placée sur le plancher, &c. s'étoient également présentées à nous quelques mois avant d'avoir lû l'ingénieux ouvrage ( Sequel ) de M. Watson ; elles font même partie de ces nouvelles découvertes que je me proposois de vous communiquer..... Il ne s'agit maintenant que de rapporter certaines particularités qui ne se trouvent point dans cet ouvrage, en y joignant nos réfléxions, quoiqu'il fût peut-être plus à propos I-88 de vous les épargner.
28. Une personne sur un gâteau de cire ou de résine & frottant le tube, une autre personne aussi sur un gâteau de cire & tirant le feu; ces deux personnes paroîtront électrisées à une troisiéme sur le plancher, pourvû qu'elles ne soient pas assez près pour se toucher; c'est-à-dire que cette troisiéme personne appercevra une étincelle en approchant son doigt de chacune des deux premières.
29. Mais si celles qui sont sur la cire se touchent l'une l'autre pendant que le tube est frotté, aucune des deux ne paroîtra électrisée.
30. Si elles se touchent l'une l'autre, après que l'on aura excité le tube, & tiré le feu, comme ci-devant, il y aura une plus forte étincelle entr'elles, qu'elle ne l'étoit entre l'une d'elles & la personne qui est sur le plancher.
31. Après cette forte étincelle, on ne découvre dans l'une ni dans l'autre aucune trace d'électricité.
Voici de quelle manière nous tâchons de rendre raison de ces phénomènes. Nous supposons, comme ci-dessus, que le feu électrique est un élément commun, dont chacune des trois personnes susdites a une portion égale avant le commencement de l'opération avec le tube: A, qui est sur un I-90 gâteau de cire, & qui frotte le tube, rassemble de son corps dans le verre le feu électrique; & sa communication avec le magazin commun étant interceptée par la cire, son corps ne recouvre pas d'abord ce qui lui en manque. B, qui est pareillement sur la cire, alongeant son doigt près du tube, reçoit le feu que le verre avoit tiré de A; & sa communication avec le magazin commun étant aussi interceptée, il conserve de surplus la quantité qui lui a été communiquée. A & B paroissent électrisés à C, qui est sur le plancher; car celui-ci ayant seulement la moyenne quantité de feu électrique, reçoit une étincelle à l'approche de I-91 B, qui en a de plus , & il en donne à A, qui en a de moins . Si A & B s'approchent jusqu'à se toucher l'un l'autre, l'étincelle sera plus forte, parce que la différence entr'eux est plus grande. Après cet attouchement il n'y aura plus d'étincelle entre l'un des deux & C, parce que le feu électrique est réduit dans tous les trois à l'uniformité primitive. S'ils se touchent pendant qu'on électrise, l'égalité n'est point détruite, le feu ne faisant que circuler. De-là quelques termes nouveaux se sont introduits parmi nous. Nous disons que B (& les corps dans les mêmes circonstances) est électrisé positivement , & A négativement ; ou plutôt B est I-92 électrisé plus , A l'est moins ; & tous les jours dans nos expériences nous électrisons les corps en plus & en moins , selon que nous le jugeons à propos..... Pour électriser en plus ou en moins , il faut seulement savoir que les parties du tube ou du globe qui sont frottées, attirent dans l'instant du frottement le feu électrique, & l'enlevent par conséquent à la chose frottante. Les mêmes parties, aussitôt que le frottement cesse, sont disposées à donner le feu qu'elles ont reçu, à tout corps qui en a moins. Ainsi vous pouvez le faire circuler, comme M. Watson l'a enseigné: vous pouvez aussi l'accumuler sur un corps ou l'en soustraire, selon I-93 que vous liez ce corps avec celui qui frotte ou avec celui qui reçoit, la communication avec le magazin commun étant interrompuë. Nous croyons que cet ingénieux auteur s'est trompé lorsqu'il a imaginé dans son ouvrage que le feu électrique descend par le fil-d'archal du lambris au canon de fusil, de-là au globe, & électrise ainsi la machine & l'homme qui tourne la roue, &c. Nous supposons au contraire qu'il est chassé & non introduit à travers le fil-d'archal, & que la machine & l'homme, &c. sont électrisés en moins; c'est-à-dire, qu'ils ont en eux moins de feu électrique que les choses dans l'état commun.
Comme le Vaisseau est sur le point de faire voiles, je ne puis vous rendre sur l'électricité de l'Amérique, un compte aussi étendu que je me l'étois proposé, je me bornerai donc à quelques autres particuliarités.... Nous trouvons le plomb granulé meilleur que l'eau pour remplir la bouteille, parce qu'il est aisément chauffé, & qu'il conserve la chaleur & la sécheresse dans un air humide.... nous enflammons les liqueurs spiritueuses avec le fil-d'archal de la fiole... nous rallumons une chandelle qui vient d'être éteinte, en tirant une étincelle dans la fumée entre le fil-d'archal & les mouchettes.... nous imitons les éclairs I-95 en passant le fil-d'archal dans l'obscurité sur un plat de porcelaine qui a des fleurs d'or, ou en l'appliquant au câdre doré d'un miroir, &c.... nous électrisons une personne plus de vingt fois de suite par l'attouchement du doigt au fil-d'archal, de cette manière: placez quelqu'un sur de la cire; mettez-lui à la main la bouteille électrisée, touchez du doigt le fil-d'archal; touchez ensuite sa main ou son visage, il y paroîtra des étincelles à chaque fois... nous augmentons excessivement la force des baisers électriques. Ainsi placez A & B. sur un gâteau de cire, 17 mettez à la main de l'un des I-96 deux la fiole électrisée; faites empoigner à l'autre le fil-d'archal, il en sortira une petite étincelle; mais s'ils approchent leurs lèvres ils seront frappés & étourdis. La même chose arrive, si un autre homme & une autre femme C & D se tenant aussi sur de la cire, & joignant les mains avec A & B, viennent à se baiser ou à se prendre les mains.... nous suspendons par un fil de soye une figure d'araignée faite d'un petit morceau de liége brûlé avec les pates de fil de lin, & lestée d'un ou de deux grains de plomb pour lui donner plus de poids sur la table où elle est suspenduë; nous attachons un fil-d'archal perpendiculairement, I-97 aussi haut que le fil-d'archal de la fiole, & éloigné de l'araignée de deux ou trois pouces: alors nous l'animons en mettant la fiole électrisée à la même distance, mais de l'autre côté; elle volera sur le champ au fil-d'archal de la fiole, & bandera ses pattes, en le touchant; s'élancera de ce fil, & volera au fil-d'archal de la table, de-là encore au fil-d'archal de la fiole, joüant avec ses pattes contre l'un & l'autre d'une manière tout à fait amusante, & paroîtra parfaitement animée aux personnes qui ne seront pas instruites. Elle continuëra ce mouvement une heure & plus dans un tems sec.... nous électrisons sur de la I-98 cire dans l'obscurité, un livre entouré d'un double filet d'or sur la couverture, ensuite nous appliquons le doigt à la dorure; le feu paroît partout sur l'or comme un faisceau d'éclairs, & nullement sur le cuir, quand même on toucheroit le cuir au lieu de l'or.... nous frottons nos tubes avec une peau de chamois, & nous observons de présenter toujours le même coté au tube, & de ne jamais salir le tube en le maniant. Ainsi l'on travaille avec vitesse & facilité, sans la moindre fatigue, surtout si l'on a soin de l'enfermer proprement dans un étui de carton doublé de flanelle, dont la capacité réponde exactement au volume du I-99 tube... 18 J'entre dans ce détail, parce que les écrits d'Europe sur l'électricité parlent souvent du frottement des tubes, comme d'un éxercice pénible & fatiguant. Nos globes tournent sur des axes de fer qui les traversent: à une extrémité de l'axe il y a une manivelle avec laquelle nous tournons le globe comme une meule ordinaire, ce que nous trouvons d'autant-plus commode, que la machine ocupant peu de place, est portative, & peut être renfermée dans une boëte propre lorsque l'on ne s'en sert plus. Il est vrai que le globe ne tourne pas I-100 aussi vîte que lorsqu'on y employe une grande rouë; mais cet inconvénient est de peu de conséquence, puisque quelques tours suffisent pour charger la fiole, &c.
Qui prouvent que la bouteille de Leyde ne contient pas plus de feu électrique, lorsqu'elle est chargée, ni moins, lorsqu'elle est déchargée, qu'auparavant: que dans la décharge le feu ne sort point du fil-d'archal & des côtés en même-tems, comme quelques-uns l'ont pensé; mais que les côtés reçoivent toujours ce qui est déchargé par le fil-d'archal, ou une égale I-101 quantité; la surface extérieure étant toujours dans un état négatif d'électricité, tandis que la surface intérieure est dans un état positif.
32. P lacez sous le coussin, frottant une lame de verre assez épaisse pour couper la communication du feu électrique entre le plancher & le coussin; alors s'il n'y a pas de pointes déliées ou de fils capillaires qui sortent du coussin ou des parties de la machine opposées au coussin (ce à quoi vous devez bien prendre garde) vous ne pourrez tirer du premier conducteur que peu d'étincelles, qui seront tout ce que le coussin en pourra donner.
33. Suspendez alors une fiole sur le premier conducteur, & elle ne se chargera pas, quoique vous la teniez par le côté; mais formez par une chaîne une communication des côtés de la fiole au coussin, & la fiole se chargera, car alors le globe tire le feu électrique de la surface extérieure de la fiole, & le pousse à travers le premier conducteur, & le fil-d'archal de la fiole dans sa surface intérieure.
Ainsi la bouteille est chargée avec son propre feu, nul autre ne pouvant y entrer, tandis que la lame de verre est sous le coussin.
«M. L. N. conteste cette expérience, en assurant qu'il l'a répétée, & que dans le premier I-103 cas; c'est-à-dire, quand on tenoit la bouteille à la main, elle s'est chargée de même que dans le second cas, où l'on avoit établi une communication de l'envelope de cette bouteille au coussin. Je ne sçai pas précisément la différence qui a pû se trouver entre sa manière d'opérer & celle de M. Franklin; mais sur l'exposé du Physicien François, je soupçonne ce qui a pû l'induire en erreur; il s'est apparemment persuadé que d'épuiser le coussin de son électricité, c'étoit une opération toute simple & de facile éxécution. Il s'en faut beaucoup que je ne l'aye regardée du même oeil; plus j'y I-104 ai réfléchi avant de l'entreprendre, plus elle m'a paru difficile; & depuis que j'en suis venu à bout, j'estime qu'il n'y a point d'expérience électrique plus délicate, & qui éxige tant de précautions. Voici quelques maximes générales tirées de mes remarques sur les différentes expériences que j'ai tentées pour épuiser le coussin, qui pourront le faire connoître. Il faut:
»1º. Que le carreau de glace ou de verre, qui porte le coussin l'excéde au moins de 7. à 8. pouces de chaque côté.
»2º. Que ni le carreau ni le coussin ne soient attachés par des ligamens extérieurs, pas I-105 même avec des cordons de soye, à moins qu'ils ne soient préparés, comme je le dirai ci-après.
»3º. Que les mandrins mastiqués au globe soient au moins à 6. ou 7. pouces du coussin.
»4º. Qu'il ne se trouve à 3. ou 4. pieds tout autour aucune pointe, de quelque nature qu'elle soit.
»J'ai d'abord essayé d'épuiser au coussin d'environ 7. pouces de diamètre, sous lequel j'avois mis une glace plane d'un pied quarré, le tout attaché avec des cordons de soye; l'expérience n'a point réussi.
»J'ai substitué à cette glace une capsule sphérique de 10. pouces I-106 de diamètre, dans laquelle j'avois fixé le coussin avec des cordons de soye, qui en passant par-dessus les bords de la capsule, les attachoient ensemble sur le support destiné à porter le coussin. Cette expérience n'eut pas plus de succès que la première; mais j'apperçus que les petits poils qui sortoient tout autour des cordons de soye se dressoient vers le coussin. Je jugeai de-là que c'étoient autant de pointes qui lui fournissoient de nouveau feu à mesure que le globe en tiroit. Après avoir remédié à ce défaut en cirant bien éxactement les cordons de soye, je répétai l'électrisation; mais je ne fus pas I-107 plus heureux. Le feu électrique parut sortir du conducteur presqu'aussi abondamment que si le coussin n'eût point été isolé. J'y apperçus cependant un changement marqué qui me donna bonne espérance; quand je présentois mon doigt à 3. ou 4. pouces du coussin, j'y sentois une espéce de suction, & j'entendois sur le coussin un bruit assez semblable à celui que l'on fait en retirant son haleine, les lèvres serrées, comme pour piper un petit animal. Cela me fit conjecturer que j'apercevrois dans l'obscurité une aigrette lumineuse au bout de mon doigt, & peut-être l'endroit d'où sortoit le feu I-108 qui étoit fourni au coussin.
»Dès-que la nuit fut venuë, & que j'eus recommencé l'opération, je vis, 1º. un courant de feu qui sortant en nappe d'un des mandrins du globe, se précipitoit jusques sur le coussin à l'endroit de sa jonction avec le globe; 2º. de petites aigrettes lumineuses à tous les poils de mes habits qui se dirigeoient vers le coussin; 3º. une longue aigrette mince & peu divergente qui partoit de mon doigt, lorsque je le présentois au coussin à 3. ou 4. pouces de distance, & qui se changeoit en un courant continu, pour peu que je l'approchasse davantage. M'étant aperçû I-109 que le coussin étoit plus près d'un des pôles du globe que de l'autre, & l'ayant remis le plus éxactement qu'il me fut possible, à égale distance des deux mandrins, je vis le courant de feu, qui auparavant sortoit de l'un d'eux, partagé en deux nappes à peu-près égales, une de chaque côté: Ayant fait cesser la rotation du globe, je remarquai que la vertu attractive du coussin s'y conserva encore long-temps. Plus d'une demi-heure après l'avoir laissé dans cet état, il suçoit & pipoit encore à l'approche du doigt.
»En réfléchissant sur ces observations, j'ai imaginé qu'il falloit I-110 avoir un coussin plus étroit & un globe plus gros, ou du moins dont les mandrins fussent plus éloignés de l'Équateur. J'essayai un globe de 14. pouces de diamètre; mais il se trouva un peu trop dur, ayant trop d'épaisseur de verre. D'ailleurs, quelque solide que fût la machine dont je me servois, il y causa par sa rotation un ébranlement qui m'inquiéta. Ces considérations me déterminérent à donner la préférence à un globe de cristal de 13. pouces que je fis monter exprès. Les goulots en sont minces, & les mandrins qui y sont mastiqués n'ont guère plus d'un demi-pouce d'empattement tout I-111 autour. En faisant rouler ce globe sur un coussin de 3. pouces de diamètre, les bords de celui-ci se trouvent éloignés des mandrins de plus de 7. pouces. Ma grande capsule au fond de laquelle j'ai fixé ce coussin avec du mastic, met encore un plus grand éloignement entre lui & le plateau de bois qui porte le tout.
»Ce n'est qu'après toutes ces précautions que je suis venu à bout d'épuiser la matière électrique du coussin, & de faire les expériences que M. Franklin nous a indiquées sur ce sujet. Je suis d'autant-moins étonné du peu de succès de ceux qui disent les avoir tentées inutilement, que I-112 je suis sûr qu'il est impossible d'y réussir sans toutes ces précautions. Sans entrer dans une discussion qui seroit trop longue & ennuyeuse, on trouvera dans cet exposé des réponses plus que suffisantes aux questions & objections de nos critiques, & la raison de la différence de leurs succès. Lisez Lettres sur l'Électricité , pag. 112-115. Pour les trois questions qui terminent la page 115, pourra-t-on apprendre, sans étonnement, qu'elles nous viennent d'un homme instruit? Je vais pourtant y satisfaire comme si elles le méritoient. Sur la dernière conséquence de M. Franklin qu'il n'entre dans la I-113 bouteille que le feu électrique qui vient de sa surface extérieure, on lui demande: Et quelle certitude en avez-vous? La matière électrique n'est-elle pas répandue dans l'air de l'atmosphère? Et pourquoi ne voulez-vous pas que la chaîne & le globe y trouvent ce feu électrique qui passe par le conducteur dans l'intérieur de la fiole? Il faut montrer que cela est impossible, ou que cela n'est pas, si vous voulez que votre conséquence soit reçuë. Soit, Monsieur, on s'en tient à votre parole. Voici la certitude que nous en avons, indépendamment de ce que nous voulons ou ne voulons pas. Écoutez bien. Si la chaîne & le globe I-114 trouvoient dans l'air de l'atmosphère ce feu électrique qui passe par le conducteur dans l'intérieur de la fiole, ils l'y trouveroient aussi bien avant qu'on eût établi une communication de l'extérieur de la bouteille au coussin, qu'après, & dans ce cas on l'apercevroit en touchant au conducteur. Il est cependant très-certain que dès-que le coussin est épuisé on ne tire pas la moindre étincelle des conducteurs: tirez, s'il vous plaît, la conséquence vous-même, & ne refusez plus de la recevoir.»
34. Suspendez deux balles de liége par des fils de lin attachés au premier conducteur; touchez alors I-115 le côté de la bouteille, & elles seront électrisées, & elles s'éloigneront l'une de l'autre.
Car autant que vous donnez de feu aux côtés, autant précisément il s'en décharge à travers le fil-d'archal sur le premier conducteur, d'où les balles de liége reçoivent une atmosphére électrique.
Mais prenez un fil-d'archal courbé en forme de C, avec un bâton de cire d'Espagne fixé à la partie extérieure de la courbure, afin de le tenir par-là, & appliquez une extremité de ce fil-d'archal aux côtés, & l'autre en même temps au premier conducteur, la fiole sera déchargée; & si les balles ne sont pas électrisées avant la décharge, I-116 elles ne paroîtront pas l'être après; car elles ne se repousseront pas l'une l'autre.
Maintenant si le feu déchargé de la surface intérieure de la bouteille à travers son fil-d'archal restoit sur le premier conducteur, les balles seroient électrisées & s'éloigneroient l'une de l'autre.
Si la fiole faisoit une explosion réelle aux deux extrémités & déchargeoit le feu tant des côtés que du fil-d'archal, les balles seroient électrisées en plus & s'éloigneroient plus loin , car aucune portion de feu ne peut s'échaper en étant empêchée par le manche de cire.
Mais si le feu, dont la surface I-117 intérieure est surchargée, est précisément la quantité qui manque à la surface extérieure, il passera circulairement à travers le fil-d'archal attaché au manche de cire, rétablira l'équilibre dans le verre, & ne causera aucune altération dans l'état du premier conducteur.
Nous avons trouvé conformément que si le premier conducteur est électrisé, & que les balles de liége soient dans un état de répulsion avant que la bouteille soit chargée, elles continueront d'y être après, sinon elles ne seront point électrisées par cette décharge.
«Tout ce qui est dans la critique, I-118 pag. 116. 117, & 118. contre cette expérience, me paroît tout-à-fait hors de propos; notre auteur, comme on vient de le voir, prouve incontestablement que l'expérience de Leyde n'électrise point les corps qui reçoivent la commotion, ou qui ont communication avec ceux qui la reçoivent, & M. L. N. en convient; mais après cela il se perd dans une discussion qui n'a aucun rapport au sujet dont il s'agit.»
Nouvelles expériences & observations
sur l'Électricité.
1748.
M
ONSIEUR,
35. Il y aura la même explosion & le même choc, si la bouteille électrisée est tenue d'une main par le crochet , & touchée de l'autre par les côtés 19 , que si elle est tenue par les côtés & touchée au crochet .
Note 19: (retour) M. Franklin s'est servi dans la plupart de ses expériences, & surtout dans les suivantes, de bouteilles garnies de métal en dedans & en dehors: il faut donc entendre par le terme côtés , la surface extérieure couverte d'une enveloppe métallique depuis le fond jusqu'au collet, ou jusqu'à deux ou trois pouces près du goulot.
36. Pour prendre impunément par le crochet la bouteille chargée, & en même tems ne pas diminuer sa force; il faut d'abord la placer sur un corps originairement électrique.
37. La fiole sera électrisée aussi fortement, si elle est tenue par le crochet & les côtés appliqués au globe ou au tube, que si elle est tenue par les côtés , & que le crochet leur soit appliqué.
38. Mais la direction du feu électrique étant différente dans la charge, elle sera aussi différente dans l'explosion; la bouteille chargée par le crochet sera déchargée par le crochet ; la bouteille chargée par les côtés sera déchargée I-121 par les côtés , & jamais autrement; car le feu doit sortir par la même voye qui lui a donné entrée.
39. Pour prouver cela, prenez deux bouteilles qui soient également chargées par les crochets , une dans chaque main; approchez leurs crochets l'un de l'autre, il n'en résultera ni étincelle ni choc, parce que chaque crochet est disposé à donner du feu, & ni l'un ni l'autre ne l'est à en recevoir. Posez une des bouteilles sur le verre, levez-la par le crochet , & appliquez son côté au crochet de l'autre; il y aura alors une explosion & un choc, & les deux bouteilles seront déchargées. I-122
»Sur l'assertion de Mr. Franklin que, si l'on approche l'un de l'autre les crochets des deux bouteilles également chargées, il n'en résultera ni étincelle, ni choc: Ho! voilà , s'écrie M. L. N. 20 , ce dont je ne conviendrai pas; car dès la premiere fois que j'en fis l'épreuve, je vis très-distinctement éclater le feu électrique entre les deux crochets, & je ressentis un coup assez vif dans les deux bras . Cela peut être, & je crois que cela est, pour l'avoir éprouvé de même; mais la proposition de M. Franklin n'en est pas moins vraie, & il faudra que le physicien François en I-123 convienne malgré sa protestation, car il faut se rendre à l'évidence; il doit sçavoir qu'après l'expérience de Leyde, la bouteille n'est plus chargée, & qu'il n'y reste plus de feu: si les deux bouteilles dont il s'agit restent chargées après en avoir approché les deux crochets l'un de l'autre, c'est une preuve incontestable qu'elles n'ont pas produit tout leur effet. Celui que M. L. N. a ressenti n'est venu que de ce que l'une des bouteilles étoit plus chargée que l'autre, & le feu qu'il a vû si distinctement entre les deux crochets, n'est que ce qui en a passé de l'une à l'autre pour les I-124 remettre toutes deux en équilibre: elles n'en restent pas moins chargées l'une & l'autre après cette légère commotion, qui d'ailleurs n'est pas différente de celles qu'on ressent dans la main à chaque étincelle que l'on tire d'un peu loin du conducteur, quand on charge une bouteille.
»Pour avoir sur ce sujet une conviction encore plus complette, il ne s'agit que de varier l'expérience: prenez deux bouteilles dont l'une soit bien chargée & l'autre ne le soit point du tout; en approchant leurs crochets l'un de l'autre, vous verrez une étincelle & vous recevrez un coup; mais après cela I-125 les bouteilles seront toutes deux à demi chargées; preuve certaine que le feu est sorti par le crochet de celle qui étoit électrisée, comme il y étoit entré.
»Cette erreur de M. L. N. ne vient donc que de ce qu'il n'a pas fait attention que pour cette expérience les deux bouteilles doivent être également chargées. Quand elles le sont, il n'y a réellement ni étincelle, ni choc, comme l'a judicieusement avancé M. Franklin.
40. Variez l'expérience en chargeant deux fioles également, l'une par le crochet , l'autre par le côté ; tenez par les côtés celle qui a été chargée par le crochet , & I-126 tenez par le crochet celle qui à été chargée par le côté ; appliquez le crochet de la première au côté de la seconde, il n'y aura ni choc, ni étincelle: posez sur le verre celle que vous tenez par le crochet , levez-la par les côtés , & présentez les deux crochets l'un à l'autre, il y aura une étincelle & un choc, & les deux bouteilles seront déchargées.
»Cette expérience étant attaquée dans le même endroit & de la même manière que la précédente, trouve aussi la même défense.
Dans cette expérience les bouteilles sont totalement déchargées, & l'équilibre y est rétabli: I-127 l'excès du feu dans un des crochets, (ou plutôt dans la surface intérieure d'une bouteille,) étant exactement égale à ce qui manque de feu dans l'autre, & par conséquent comme chaque bouteille a en elle-même l'excès aussi bien que le défaut, le défaut & l'excès doivent être égaux dans chaque bouteille. Voyez §. 42. 43. 44. 45. Mais si un homme tient en main les deux bouteilles, dont l'une soit pleinement électrisée, & l'autre ne le soit point du tout; s'il rapproche leurs crochets, il ne sentira que la moitié du coup, & les bouteilles resteront à demi électrisées, l'une étant à demi déchargée, & l'autre à demi chargée.
41. Placez deux fioles également chargées sur une table à 5. ou 6. pouces de distance; suspendez une petite boule de liége par un fil de soye, qui tombe entre les deux bouteilles: si les fioles ont été toutes deux chargées par leurs crochets, lorsque le liége aura été attiré & repoussé par l'un, il ne sera pas attiré par l'autre, mais il en sera également repoussé; mais si les fioles ont été chargées l'une par le crochet & l'autre par le côté, 21 le liége après I-129 avoir été attiré, & repoussé par un crochet, sera aussi fortement attiré & ensuite repoussé par l'autre, & jouëra ainsi avec force entre les deux, jusqu'à ce que les deux bouteilles soient à peu près déchargées.
Note 21: (retour) Pour charger commodément une bouteille par le côté, mettez-la sur un verre: établissez une communication du premier conducteur à l'enveloppe métallique de cette bouteille, & une autre de son crochet à la muraille ou au plancher. Quand elle sera chargée, supprimez cette derniere communication avant que d'empoigner la bouteille, autrement une grande partie du feu s'échapperoit par cette voye.
42. Lorsque nous employons les termes de charger & décharger les bouteilles, c'est pour nous conformer à l'usage, & par disette d'autres termes plus convenables; puisque nous sommes persuadés qu'il n'y a réellement pas plus de feu électrique dans la bouteille après ce qu'on appelle sa charge , ni moins après sa décharge I-130 qu'il n'y en avoit auparavant, excepté seulement la petite étincelle que l'on peut donner ou enlever à la matière non-électrique, si elle est séparée de la bouteille: étincelle qui ne peut pas égaler la cinquantiéme partie de celle qui fait l'explosion.
Car si dans l'explosion le feu électrique sortoit de la bouteille par un endroit, & qu'il ne rentrât pas par un autre, il s'ensuivroit que si un homme placé sur de la cire & tenant la bouteille d'une main, tiroit l'étincelle en touchant avec l'autre le crochet de fil-d'archal, la bouteille étant par là déchargée, l'homme seroit chargé; ou que la quantité I-131 de feu perduë par l'une se retrouveroit dans l'autre, puisqu'il n'y a aucune issue pour la laisser échaper; mais il arrive le contraire.
43. D'ailleurs la fiole ne souffrira pas ce que l'on appelle une charge, à moins qu'il n'en puisse sortir autant de feu par une voye qu'il en entre par une autre. Une fiole placée sur la cire ou sur le verre, ou bien suspenduë sur le premier conducteur d'électricité, ne peut être chargée à moins qu'il n'y ait une communication établie entre ses côtés & le plancher pour servir de décharge.
»De toutes les expériences de Philadelphie, il y en a peu qui soient contestées avec autant de I-132 confiance que celle-ci. Dès le premier rapport que je fis à l'Académie royale des sciences en 1751. du succès des expériences de M. Franklin, on me soutint avec vivacité que cette observation étoit contraire à l'expérience. N'étant allé à l'Académie que pour y rendre compte de ce que j'avois fait & vû, & non pas pour disputer; je me contentai de répliquer que j'étois sûr de ce que j'avançois d'après mon auteur: je suis surpris qu'on n'en ait pas encore reconnu la vérité. Cette communication que l'on établit des côtés de la bouteille au plancher, est ce que nous appellons une décharge: quand on électrise I-133 une bouteille à la main, c'est la main qui en tient lieu; mais si la bouteille est suspenduë au conducteur sans décharge, & que l'air soit bien sec, je suis sûr pour l'avoir éprouvé cent fois, qu'elle ne se charge point: j'ai de même éprouvé que quand elle est appuyée sur un support électrique, plus ce support est large & élevé & moins elle se charge. J'ai cependant vû la bouteille de Leyde se charger quoique suspenduë au conducteur sans décharge, mais très-lentement & très-difficilement, dans des tems où l'air de l'atmosphère est chargé d'humidité, (c'est apparemment celui où notre critique a étudié son objection) I-134 mais cela ne vient que de ce que les particules d'humidité répanduës dans l'air font l'office de décharge: l'on peut d'autant moins se prévaloir de cette observation contre M. Franklin, qu'il est moins à portée de la faire par lui-même. La saison où il se livre plus particulierement à l'électricité, comme la plus favorable aux expériences, est l'hyver, & c'est le temps où la Pensylvanie jouit du ciel le plus beau & le plus pur; quoi qu'il en soit, des objections, la proposition de notre auteur restera dans toute sa force pour quiconque voudra se mettre dans sa position, & consulter l'expérience sans prévention. I-135
44. Mais suspendez deux ou plusieurs fioles sur le premier conducteur d'électricité, l'une pendante à la queuë de l'autre, & un fil-d'archal de la derniere au plancher, un égal nombre de tours de rouë les chargera également, & chacune le sera autant que si elle seule eût été soumise à l'opération: ce qui est chassé de la queuë de la premiere servant à charger la seconde, ce qui est chassé de la seconde chargeant la troisiéme, & ainsi de suite; par ce moyen une quantité de bouteilles peuvent être chargées par la même opération, & aussi pleinement que s'il n'y en avoit qu'une seule; si ce n'est que chaque I-136 bouteille reçoit de nouveau feu, & abandonne son ancien avec quelque réticence, ou plutôt apporte à la charge quelque foible résistance, qui dans un nombre de bouteilles devient plus égale à la puissance chargeante, & repousse ainsi le feu sur le globe plus vite qu'une simple bouteille ne le pourroit faire.
45. Lorsqu'une bouteille est chargée par la voye ordinaire, ses surfaces intérieure & extérieure sont prêtes, l'une à donner le feu par le crochet, l'autre à le recevoir par le côté: l'une est pleine, & disposée à pousser, l'autre est vuide, & extrêmement affamée; & cependant comme la premiere I-137 ne chassera point, que l'autre ne puisse au même instant recevoir, de même la dernière ne recevra point, que la première ne puisse donner au même instant; lorsque l'un & l'autre peut se faire en même-tems, cela se fait avec une vitesse & une violence inconcevables.
46. Ainsi lorsqu'on bande un ressort avec violence (quoique la comparaison ne convienne pas dans tous les points) il doit, pour se rétablir de lui-même, resserrer le côté qui avoit été étendu en le bandant, & étendre celui qui avoit été resserré. Si l'une de ces opérations rencontre des obstacles, l'autre ne sauroit avoir son I-138 éxécution; mais on ne dit point que le ressort soit chargé d'élasticité, lorsqu'il est bandé, & déchargé, lorsqu'il est débandé; sa quantité d'élasticité est toujours la même.
47. Le verre a pareillement toujours dans sa substance la même quantité de feu électrique, & une fort grande quantité, par rapport à la masse du verre, comme il sera prouvé dans la suite.
48. Cette quantité proportionnée au verre, il la retient avec force & opiniatreté; il n'en aura ni plus ni moins, quelque changement qu'il éprouve dans ses parties, & dans sa situation; c'est-à-dire, que nous en pouvons tirer I-139 une partie de l'un de ses côtés, pourvû que nous en rendions à l'autre une égale quantité.
49. Néanmoins lorsque la situation du feu électrique est ainsi dérangée dans le verre, lorsque quelque partie a été retranchée de l'un des côtés, & que quelque partie a été ajoûtée à l'autre, il ne reste point en repos ou dans son état naturel, jusqu'à ce qu'il ait été rétabli dans son uniformité primitive .... & ce rétablissement ne peut être fait à travers la substance du verre, mais il doit se faire par une communication non électrique, établie au dehors, de surface à surface.
50. Ainsi la force totale de la I-140 bouteille, & le pouvoir de donner un choc est dans le verre-même; les corps non-électriques en contact avec les deux surfaces ne servant qu'à donner & à recevoir des différentes parties du verre; c'est-à-dire, à donner à un côté, & à recevoir de l'autre.
51. Nous avons fait ici cette découverte de la manière suivante. Nous proposant d'analyser la bouteille électrifiée pour sçavoir où réside sa force, nous la plaçâmes sur un verre, & nous ôtames le liége & le fil-d'archal, que l'on avoit eu attention de ne pas trop enfoncer. Alors prenant la bouteille d'une main, & approchant un doigt de l'autre main auprès de l'orifice, une I-141 forte éteincelle s'élança de l'eau, & le choc fut aussi violent que si le fil-d'archal n'eût point été dérangé, ce qui nous fit connoître que la force électrique ne résidoit point dans le fil-d'archal. Ensuite pour découvrir si elle résidoit dans l'eau, y étant comprimée & condensée, parce que le verre la serre de toutes parts (ce qui avoit été notre première opinion,) nous électrisâmes de nouveau la bouteille; & l'ayant mise sur un verre, nous otâmes, comme ci-devant, le liége & le fil-d'archal; levant alors la bouteille, nous versâmes toute l'eau dans une autre bouteille vuide qui étoit pareillement sur un verre; & levant cette derniere fiole, I-142 nous comptâmes, si la force résidoit dans l'eau, d'entendre partir un coup; mais il n'y en eut point. Nous jugeâmes donc qu'il falloit ou que la force se fût perduë en transvasant, ou qu'elle fût restée dans la première bouteille; & nous trouvâmes que notre derniere conjecture étoit juste. Car cette bouteille mise à l'épreuve donna un coup, quoique remplie, sans la déplacer, avec de l'eau fraîche, & qui n'étoit point électrifiée... Alors pour découvrir si le verre avoit cette propriété précisément comme verre, ou si la forme y contribuoit en quelque chose, nous prîmes un carreau de verre; & le posant sur la main, nous mîmes I-143 une plaque de plomb sur sa surface supérieure; ensuite nous électrisâmes cette plaque, & à l'approche du doigt il y eut une étincelle & un choc. Nous prîmes ensuite deux plaques de plomb de dimensions égales, mais plus petites que le verre qui les débordoit de deux pouces de tous côtés, & nous électrisâmes le verre entr'elles en électrisant la plaque de dessus. Après cela nous séparâmes cette plaque du verre, & par cette opération le peu de feu qui pouvoit être dans le plomb fut enlevé, & le verre touché avec le doigt sur les parties électrisées, ne donna que quelques petites étincelles piquantes; on peut cependant I-144 en tirer un grand nombre de différent endroits. Après avoir remis adroitement le verre entre les deux plaques, & achevé un cercle; c'est-à-dire, pratiqué une communication entre les deux surfaces, il s'ensuivit un choc violent .... ce qui démontre que le pouvoir réside dans le verre comme verre, & que les corps non-électriques en contact servent uniquement, comme l'armure de l'aimant, à unir les forces des différentes parties, & à les rassembler dans tel point qu'on désire. Car c'est une proprieté des corps non-électriques, que tout le corps reçoit ou donne dans un instant tout le feu électrique qui est donné ou I-145 enlevé à quelqu'une de ses parties.
»L'expérience de Leyde est sans contredit une des plus belles découvertes qui ayent été faites en Physique. C'est elle qui a donné lieu aux profondes recherches qui occupent si généralement les Physiciens depuis 1745. Chacun d'eux a fait ses efforts pour déveloper la merveilleuse bouteille qui en est le fondement; mais on ne voit pas qu'aucun y ait réussi avant M. Franklin. L'analyse de cette bouteille étoit, ce semble, la chose la plus aisée à imaginer & la plus simple à éxécuter, & cependant personne n'y I-146 a songé, comme si cette idée n'eût pû venir que du nouveau monde; mais à peine a-t-elle pénetré en Europe, à peine le succès en est-il connu qu'on entreprend de le contester; on veut documenter l'auteur, changer le procedé, & nier le résultat. Examinons chacune de ces choses.
» Si vous voulez , dit le Physicien françois à l'Américain 22 , répéter cette expérience (l'analyse de la bouteille) de bonne foi & sans prévention, je vous dirai en quoi vous avez manqué; & je vous promets qu'en procédant, comme il convient, vous trouverez I-147 des signes très-marqués de la vertu électrique dans votre eau transvasée. Voici le procedé.
» Je vous avertis donc qu'il faut faire cette expérience avec une électricité passablement forte, éviter les longueurs... que le nouveau vase qui reçoit l'eau, ne soit pas d'un verre fort épais, & qu'au lieu d'être posé sur du verre, comme vous le faites, il le soit au contraire sur la main d'un homme ou sur quelqu'autre corps non-électrique. Si vous procedez ainsi, je vous réponds du succès. Pour moi je pense qu'en procedant ainsi, on ne feroit point l'analyse de la bouteille. Mais ni le critique, ni celui I-148 qui s'est laissé surprendre par cette expérience, ne se sont apperçus qu'ils manquoient dans le point essentiel. C'est ce défaut de sagacité qui paroît avoir assuré la défaite de l'un & la victoire de l'autre que l'on a fait sonner si haut.
»D'après ce résultat vrai en lui-même, mais faux dans son principe, on argumente contre M. Fr. on le presse: on le poursuit: on se persuade qu'il ne lui reste pas plus de ressource qu'à celui qu'on a nommé son plus zèlé partisan.
»Sans entreprendre de réfuter tout ce que l'éloquence étale en 8. ou 10. pages de la critique, I-149 & sans rétorquer tous les argumens adressé à notre Américain, je crois que quelques réflexions fondées sur l'expérience suffiront pour en effacer les impressions.
»Quand une personne tient dans sa main la bouteille électrisée, & qu'elle en verse l'eau dans une autre bouteille tenuë dans la main d'une autre personne, il arrive la même chose que si l'on faisoit toucher le crochet de la premiere bouteille à celui de la seconde qui seroit armée, la charge se partage entre les deux bouteilles. 23 Cela est si vrai que si la même personne I-150 fait seule cette expérience en tenant les deux bouteilles, une en chaque main, elle ressentira une commotion, qui ne sera pourtant que la moitié de celle qu'elle recevroit, si elle faisoit tout simplement l'expérience de Leyde. Donc en versant l'eau de cette façon on fait passer avec elle dans la seconde bouteille la moitié de la matière électrique contenuë dans la première. La preuve s'en tire encore d'une autre observation que voici. Si la matière électrique qui passe ainsi avec l'eau d'une bouteille dans l'autre, étoit précisément attachée à la liqueur, la quantité en seroit I-151 proportionelle à la quantité de l'eau transvasée: or cela n'est point; car que l'on vuide toute la liqueur, ou que l'on n'en vuide que la moitié, la seconde bouteille qui l'aura reçuë se trouvera également chargée, c'est-à-dire électrisée au même degré; & si toutes choses étoient égales des deux cotés: si les bouteilles étoient égales en capacité, en matiére, en forme, & leur intérieur également moüillé, ce degré seroit éxactement le même dans chacune. Donc notre critique n'a pas raison de dire que l'on ne sauroit lui objecter que les circonstances dont il fait dépendre le succès I-152 de l'expérience, changent l'espèce. Et pourquoi ne sauroit-on lui faire cette objection, dès qu'on voit évidemment que son procédé est erronné: que n'en apperçevant pas le défaut, il en tire avantage, pour combattre la doctrine d'un Physicien consommé dans cette partie, où il donne des leçons à tout le monde sçavant?
»S'il restoit encore quelques doutes sur l'analyse de la bouteille électrisée, qui est regardée avec raison comme une des plus belles expériences de M. Franklin, quoiqu'elle ne soit pas une des plus brillantes, & sur laquelle j'ai entendu un des I-153 Physiciens les plus experimentés en cette partie, se reprocher de ne l'avoir pas imaginée; si, dis-je, il restoit encore quelques doutes sur ce sujet, on pourroit les lever, en s'y prenant d'une autre façon que j'ai imaginée, & que je rapporte ici, pour répondre à ceux qui prétendent que la matière électrique ne paroît attachée au verre de la bouteille qu'en vertu de l'adhérence de l'eau à ses parois intérieures. Au lieu d'eau, je mets dans la bouteille du menu plomb, comme du plomb à perdreaux, ou de la cendrée: après l'avoir armée de son crochet, & l'avoir électrisée, I-154 j'en fais l'analyse, suivant la méthode de M. Franklin, & je trouve toujours que le plomb en étant vuidé, n'a point emporté l'électricité, mais que cette matière est restée presque toute entière en la bouteille où je l'avois fait entrer d'abord, puisque de nouveau plomb, ou à sa place de l'eau, ou toute autre substance non-électrique, ou même rien autre chose qu'un fil-d'archal, pourvû qu'il touche au fond intérieur, lui rend le pouvoir de donner la commotion à quiconque veut la tenter. J'ai même éprouvé qu'elle étoit, toutes choses égales d'ailleurs, toujours I-155 plus forte avec le plomb qu'avec l'eau, C'est en conséquence de cette observation, que depuis long-tems je ne me sers presque plus d'eau dans mes expériences électriques. J'ai trouvé que le métal, & sur tout le plomb granulé est bien préférable à la liqueur pour analyser la bouteille: il n'est pas sujet à l'évaporation: on peut le sécher aisément; il n'éclabousse point en le traversant: il ne s'attache ni aux parois ni au goulot de la bouteille, toutes choses qui font souvent manquer l'expérience, quand on opére avec de l'eau. L'usage de la limaille pour remplir la bouteille I-156 est aussi très-bon; mais si l'on veut en faire l'analyse, il faut avoir attention que la limaille soit bien séche, & qu'elle ne fasse point de poussière quand on la verse.
Il résulte de toutes ces observations que j'ai faites & répétées avec tout le soin & l'éxactitude possibles, qu'en s'y prenant comme l'enseigne M. L. N. on ne fait point l'analyse de la bouteille électrisée. Car, qu'est-ce que faire cette analyse? N'est-ce pas tout simplement séparer chacune des parties dont elle est composée, pour voir à laquelle de ses parties la matière électrique restera attachée? Or I-157 en suivant la route indiquée par M. Fr. on arrive sûrement à ce but; si l'on entreprend de m'en montrer une autre, il faudra me prouver qu'elle y conduit aussi sûrement, ou tout au moins me mettre dans l'impossibilité d'en découvrir l'erreur. Notre critique ne fait ni l'un ni l'autre, & malgré ses argumens spécieux, je n'y aurai pas plus de confiance que si, pour me prouver que l'électricité n'est pas attachée au verre, il commençoit par décharger la bouteille avant d'en faire l'analyse; il n'y a pas plus de raison à vouloir que la seconde bouteille dans laquelle on verse I-158 l'eau électrisée, soit dans la main d'un autre homme, qu'il y en auroit à éxiger que la premiere y fût aussi, quand on en ôte le fil-d'archal avec les doigts. Il y a donc, quoiqu'en dise la critique, des circonstances d'où on fait dépendre le succès de l'expérience, qui en changent l'espéce; & celles-ci sont du nombre. C'est pour cela que je prétens qu'en s'y prenant de cette façon, l'on ne fait point du tout l'analyse de la bouteille.
»Que notre adversaire au reste ne s'imagine pas que je n'aye en vûe que de le contredire. La recherche de la verité est I-159 mon seul objet. Aucune considération ne sauroit m'en détourner. Quand nous avons dit que l'eau ou le métal que l'on met dans la bouteille de Leyde n'emportent point avec eux d'électricité, dans le temps qu'on les verse dans un autre vase soutenu sur un support électrique; il ne faut pas prendre cette proposition à la rigueur. Je sçais par expérience que ces corps non-électriques ne se dépoüillent pas absolument, en sortant de la bouteille, de toute l'électricité dont ils étoient chargés. Cela se voit évidemment quand on se sert de limaille pour faire I-160 l'analyse de la bouteille. Notre auteur estime que la quantité qu'ils retiennent de cette matière n'équivaut peut-être pas la cinq-centiéme partie de ce qui fait la charge de la bouteille; mais cette petite quantité n'est pas ce dont il s'agit ici; quand elle seroit beaucoup plus considérable dans les circonstances établies, elle ne mettroit jamais la seconde bouteille en état de donner la commotion.»
52. Sur quoi nous avons fait ce que nous appellons une batterie électrique , consistant en onze grands carreaux de vitre garnis de lames de plomb appliquées I-161 sur chaque côté, placés verticalement, & soutenus à deux pouces de distance sur des cordons de soye, avec des crochets épais de fil de plomb, un de chaque côté, dressés en ligne droite, éloignés l'un de l'autre, & des communications convenables de fil, & une chaîne depuis le côté donnant d'un carreau jusqu'au côté recevant de l'autre, de sorte que le tout puisse être chargé ensemble, & par la même opération, comme s'il n'y avoit qu'un seul carreau. Nous avons fait encore une autre machine pour amener les côtés donnans après la charge, en contact avec un long fil-d'archal, I-162 & les côtés recevans avec un autre. Ces deux longs fils-d'archal donneroient la force de tous les carreaux de verre à la fois à travers le corps de quelque animal qui formeroit le cercle avec eux. Les carreaux peuvent aussi être déchargés séparément, ou tel nombre ensemble que l'on voudra; mais cette machine n'a pas été mise beaucoup en usage, comme ne répondant pas parfaitement à notre intention, relativement à la facilité de la charge par la raison donnée §. 44. Nous avons fait aussi avec de grands carreaux de vitre des tableaux magiques & des roues animées qui se meuvent I-163 d'elles-mêmes, & dont nous allons bientôt faire la description.
53. Je m'apperçois par le dernier livre de l'ingénieux Mr. Watson que j'ai reçu dernièrement, que le docteur Bevis s'est servi avant nous de carreaux de verre pour faire l'expérience de Leyde, & jusqu'au moment que ce livre m'est parvenu, je me proposois de vous communiquer cela comme une nouveauté. Si j'en fais mention ici, je vous dirai pour excuse que nous avons tenté l'expérience différemment, que nous en avons tiré des conséquences différentes, (car M. Watson paroît toujours I-164 persuadé que le feu est accumulé sur le corps non électrique, qui est en contact avec le verre, pag. 72.) & nous l'avons même poussé plus loin, autant que j'en puis juger jusqu'à présent.
27. Juillet 1751.
M
ONSIEUR,
Je crois que M. Watson a fait à la hâte ses observations sur mon dernier écrit, avant d'avoir bien considéré les expériences rapportées dans le §. 51. qui me paroissent toujours décisives dans cette question: Si l'accumulation du feu électrique est sur le verre électrisé, ou sur la matière non-électrique jointe au verre ; je crois qu'elles démontrent que l'accumulation est réellement sur le verre.
Quant à l'expérience dont I-166 parle cet ingénieux physicien, & qu'il regarde comme concluante pour le parti opposé; je me flatte qu'il changera de façon de penser à cet égard, lorsqu'il considérera que, comme une personne qui applique le fil-d'archal de la bouteille chargée à une liqueur spiritueuse échauffée dans une cuillier que tient une autre personne, toutes deux étant sur le plancher, en enflammera les esprits, & que cependant une pareille inflammation ne peut pas décider si l'accumulation étoit sur le verre ou dans le corps non-électrique; de même si l'on place une troisiéme personne sur un gâteau de I-167 cire entre les deux premières, qu'elle tienne d'une main un bassin dans lequel on verse l'eau de la bouteille, & qu'à l'instant de l'effusion elle présente un doigt de l'autre main à la liqueur spiritueuse; cette circonstance ne change rien du tout à l'état des choses, le filet d'eau tombant de la fiole, le côté du bassin, les bras & le corps de la personne placée sur le gâteau n'étant tous ensemble que comme un long fil-d'archal qui s'étend de la surface intérieure de la fiole à la liqueur spiritueuse.
54. Voici de quelle manière se fait le tableau magique. Ayant un grand portrait avec un cadre I-168 & une glace, (supposez que ce soit celui du Roi) ôtez-en l'estampe, & coupez-en une bande à la distance d'environ deux pouces du cadre tout autour; quand la coupure prendroit sur le portrait il n'y auroit pas d'inconvénient. Avec de la colle légere ou de l'eau gommée, fixez sur le revers de la glace la bande du portrait séparée du reste, en la serrant & l'unissant bien: alors remplissez l'espace vuide en dorant la glace avec de l'or ou du cuivre en feuille: dorez pareillement le bord intérieur du derrière du cadre tout autour, excepté le haut, & établissez une communication entre cette I-169 dorure & la dorure du derrière de la glace: remettez la planche ou le carton sur la glace, & ce côté est fini. Retournez la glace, & dorez exactement le côté antérieur sur la dorure de derrière, & lorsqu'elle sera séche couvrez-la, en collant dessus le milieu de l'estampe qui avoit été séparé de la bande; observant de rapprocher les parties correspondantes de cette bande & du portrait; par ce moyen le portrait paroîtra tout d'une piéce comme auparavant; seulement une partie est derrière la glace & l'autre devant....... tenez le portrait horizontalement par le haut, & posez sur la tête du Roi une petite I-170 couronne dorée & mobile. Maintenant si le portrait est électrisé modérément, & qu'une autre personne empoigne le cadre d'une main, de sorte que ses doigts touchent la dorure postérieure, & que de l'autre main elle tâche d'enlever la couronne, elle recevra une commotion épouventable, & manquera son coup. Si le portrait étoit puissamment chargé, la conséquence pourroit bien en être aussi fatale 24 que celle du crime de haute trahison: car lorsque l'étincelle est tirée à travers I-171 une main de papier couchée sur le portrait par le moyen d'un fil-d'archal de communication; elle fait un trou à travers chaque feuillet, c'est-à-dire à travers 48. feuilles, (quoique l'on regarde une main de papier comme un bon plastron contre la pointe d'une épée; ou même contre une balle de pistolet,) & le craquement est excessivement fort. L'opérateur qui tient ce portrait par l'extrémité supérieure, où l'intérieur du cadre n'est pas doré, à dessein d'empêcher la chute du portrait, ne sent rien du coup, & peut toucher le visage du portrait sans aucun danger, ce qu'il donne comme un I-172 témoignage de sa fidélité..... Si plusieurs personnes en cercle reçoivent le choc, on appelle l'expérience les conjurés .
«Avec une glace de 1200. pouces quarrés étamée sur ses deux faces, j'ai plusieurs fois percé jusqu'à 160. feuilles de papier commun.»
55. Sur le principe établi dans le §. 41. que les crochets des bouteilles différemment chargées attireront & repousseront différemment, on a fait une rouë électrique, qui tourne avec une force extraordinaire. Une petite fléche de bois élevée perpendiculairement passe à angles droits à travers une planche mince, & I-173 de figure ronde d'environ 12. pouces de diamétre, & tourne sur une pointe de fer fixée dans l'extrémité inférieure, tandis qu'un gros fil-d'archal dans la partie supérieure traversant un petit trou dans une feuille de cuivre, maintient la fléche dans sa situation perpendiculaire. Environ trente rayons d'égale longueur faits d'un carreau de vitre coupé en bandes étroites sortent horizontalement de la circonférence de la planche, les extrémités les plus éloignées du centre excédant les bords de la planche d'environ 4. pouces; sur l'extrémité de chacun est fixé un dé de cuivre. Maintenant si le fil-d'archal de I-174 la bouteille électrisée par la voye ordinaire est approché de la circonférence de cette rouë, il attirera le dé le plus proche, & mettra ainsi la rouë en mouvement. Ce dé dans le passage reçoit une étincelle, & dès-lors étant électrisé, il est repoussé & chassé en avant, tandis qu'un second étant attiré, approche du fil-d'archal, reçoit une étincelle, & est chassé après le premier, & ainsi de suite jusqu'à ce que la rouë ait achevé un tour: alors les dez déjà électrisés approchant du fil-d'archal, au lieu d'être attirés comme auparavant, sont au contraire repoussés, & le mouvement cesse à l'instant... I-175 mais si une autre bouteille qui a été chargée par les côtés est placée auprès de la même rouë, son fil-d'archal attirera le dé repoussé par le premier, & par là doublera la force qui fait tourner la rouë, en enlevant non-seulement le feu qui a été communiqué aux dez par la première bouteille; mais leur en dérobant même de leur quantité naturelle, au lieu d'être repoussés lorsqu'ils reviennent vers la première bouteille, ils sont plus fortement attirés; de sorte que la rouë accélère sa marche jusqu'à fournir avec une grande rapidité 12. ou 15. tours dans une minute, & avec une telle force I-176 que le poids de cent rixdales dont nous la chargeâmes une fois, ne parut en aucune manière ralentir son mouvement..... C'est ce que l'on nomme une broche électrique; & si un gros oiseau étoit embroché à la fléche perpendiculaire, il tourneroit devant le feu avec un mouvement capable de le rôtir.
«Au lieu de faire cette roue de bois, & d'y rapporter des rayons de verre, comme l'enseigne M. Franklin, j'ai imaginé qu'il étoit plus simple & plus commode de la faire d'une seule piéce de verre; j'ai choisi pour cela un carreau de verre de Bohême, le plus uni & le I-177 plus plane que j'ai pû trouver: je l'ai fait couper en plateau rond de 18. pouces de diamètre: j'ai collé sur chacune de ses surfaces une feuille de papier marbré en couleur de bois, qui n'approche pas de la circonférence du plateau plus près que de deux pouces: j'ai ensuite mastiqué sur son centre de chaque côté deux gros-fils-d'archal qui servent d'axe, dont l'un est terminé en pointe pour servir de pivot & pour tourner sur une petite crapaudine de cuivre, & l'autre plus long pour passer dans un trou rond pratiqué dans une traverse de bois. On pourroit faire I-178 l'axe tout d'une piéce en perçant la rouë au centre pour les recevoir. Cette roue étant ainsi mise à peu près en équilibre sur son axe, j'ai mastiqué sur ses bords 30. balles de cuivre creuses, à égales distance les unes des autres, & également éloignées du centre. L'on conçoit que cette roue est bien plus légère, & par conséquent plus mobile que celle de M. Franklin; aussi a-t-elle mieux réussi que celles qui ont été exécutées suivant sa méthode.»
56. Mais cette roue, ainsi que celles qui sont poussées par le vent, l'eau ou les poids, reçoit son mouvement d'une force I-179 étrangère, à sçavoir celle des bouteilles. La roue qui tourne d'elle-même, quoique construite sur les mêmes principes, paroîtra encore plus surprenante; elle est faite d'un carreau de verre mince & rond de 17. pouces de diamètre, dorée en entier sur les deux côtés, excepté 2. pouces vers le bord. On arrête alors deux petites hémisphères de bois avec du mastic au milieu des côtés supérieur & inférieur opposés à leur centre, & sur chacune une forte verge de fil-d'archal longue de 8. ou 10. pouces qui font ensemble l'axe de la roue. Elle tourne horizontalement sur une pointe à l'extrémité I-180 inférieure de son axe, qui pose sur un morceau de cuivre cimenté dans une salière de verre. La partie supérieure de son axe traverse un trou fait dans une lame de cuivre cimentée à un fort & long morceau de verre qui le tient éloigné de 5. ou 6. pouces de tout corps non-électrique; & l'on place à son sommet une petite boule de cire ou de métal pour conserver le feu. Dans un cercle sur la table qui soutient la roue sont fixés douze petits pilliers de verre à la distance d'environ 4. pouces, avec un dé sur le sommet de chaque pillier. Sur le bord de la roue est une balle de plomb communiquant I-181 par un fil-d'archal avec la dorure de la surface supérieure de la roue; & à 6. pouces environ est une autre balle communiquant de la même manière avec la surface inférieure. Lorsque l'on veut charger la roue par sa surface supérieure, il faut établir une communication de la surface inférieure à la table. Lorsqu'elle est bien chargée, elle commence à s'ébranler; la balle la plus proche d'un pillier s'avance vers le dé qui est sur ce pillier, l'électrise en passant, & dès-lors est forcée de s'en éloigner; la balle suivante qui communique avec l'autre surface du verre, attire plus fortement ce dé, par la I-182 raison que le dé a été électrisé auparavant par l'autre balle, & ainsi la roue augmente son mouvement jusqu'à ce qu'il vienne au point d'être réglé par la résistance de l'air. Elle tournera une demi-heure, & fera l'un portant l'autre vingt tours dans une minute, ce qui fait 600. tours dans une demi-heure. La balle de la surface supérieure donnant à chaque tour 12. étincelles aux dez, ce qui fait 7200. étincelles, & la balle de la surface inférieure en recevant autant des mêmes dez; ces balles parcourent dans ce tems près de 2500. pieds.... les dez sont bien attachés, & dans un cercle si exact, I-183 que les balles peuvent passer à une très-petite distance de chacun d'eux.... Si au lieu de deux balles vous en mettez huit, quatre communiquant avec la surface supérieure & quatre avec la surface inférieure, placées alternativement; lesquelles huit étant environ à six pouces de distance, complettent la circonférence, la force & la vitesse seront de beaucoup augmentées, la roue faisant cinquante tours dans une minute, mais elle ne continuera pas à tourner si long-tems...... On pourroit peut-être appliquer ces roues à la sonnerie d'un petit carillon 25 , & I-184 faire par leur moyen mouvoir de petits planétaires fort légers.
57. Courbez un fil-d'archal circulairement avec un tenon à chaque extrémité; appuyez-en une extrémité contre la surface inférieure de la roue, & amenez l'autre extremité à la surface supérieure, il en résultera un craquement terrible, & la force sera déchargée.
58. Chaque étincelle ainsi tirée de la surface de la roue fait un trou rond dans la dorure, perçant, lorsqu'elle sort, une partie de cette dorure, ce qui montre que le feu n'est pas accumulé sur la dorure, mais qu'il est contenu dans le verre même. I-185
59. La dorure étant vernissée avec un vernis à la térébentine, le vernis, quoique dur & sec, est brûlé par l'étincelle que l'on tire au travers, & répand une odeur forte, & une fumée visible. Lorsque l'étincelle est tirée à travers le papier, tout autour du trou qu'elle a fait, le papier se trouve noirci par la fumée, qui quelquefois même pénètre plusieurs feuilles. On trouve aussi une partie de la dorure emportée, après avoir été poussée avec force dans le trou fait au papier par le coup.
60. On remarque avec étonnement la quantité de feu électrique qui peut résider dans la I-186 plus petite portion de verre. Une bouteille de verre des plus minces d'environ un pouce de diamètre, pésant seulement six grains, à demi-pleine d'eau, en partie dorée sur le dehors, & garnie d'un crochet de fil-d'archal, donne, lorsqu'elle est électrisée, un aussi grand coup qu'un homme puisse le supporter. Comme le verre a le plus d'épaisseur vers l'orifice, je présume que la moitié inférieure, qui étant dorée, a été électrisée, & a donné le coup, n'excède pas 2. grains; car il paroît, lorsqu'elle est rompue, qu'elle est beaucoup plus mince que la moitié supérieure. Si une de ces bouteilles minces I-187 est électrisée par le côté, & que l'étincelle soit tirée à travers la dorure, le verre sera brisé au dedans en même temps que la dorure le sera au dehors.
61. En supposant (pour les raisons ci-dessus alléguées §. 42. 43. 44.) qu'il n'y a pas plus de feu électrique dans la bouteille après sa charge qu'auparavant, combien grande ne doit pas être la quantité de feu dans cette petite portion de verre? On seroit tenté de croire qu'il fait partie de sa nature & de son essence; peut-être que si la quantité requise de feu électrique retenue par le verre avec tant d'opiniâtreté, en étoit séparée, il cesseroit I-188 d'être verre. Il pourroit bien perdre sa transparence, ou son éclat, ou son élasticité.... Il n'est pas incroyable que l'on puisse trouver dans la suite des expériences qui conduiront à cette découverte.
«Pour peu que l'on force l'électricité en chargeant une bouteille de verre mince, il s'y fait à l'endroit le plus foible un petit trou ordinairement de figure ronde & sans félure; après cette explosion la bouteille est déchargée, & le petit trou paroît assez souvent bordé d'un petit cercle blanchâtre, plus ou moins large, dont le verre a perdu sa transparence, & semble brûlé I-189 par l'étincelle qui l'a pénétré. Si cette explosion se faisoit dans la main, le trou se trouveroit vis-à-vis d'un des doigts, & l'on y sentiroit une piqûre très douloureuse, sans pour cela recevoir la commotion proprement dite.»
62. Nous sommes surpris de lire dans le livre de M. Watson qu'un choc ait été communiqué à travers un grand espace de terre séche, & nous soupçonnons qu'il devoit y avoir quelque qualité métallique dans le gravier de cette terre, ayant trouvé que la simple terre séche pressée dans un tube de verre ouvert par les deux bouts, & un I-190 crochet de fil-d'archal inséré dans la terre à chaque extrémité, la terre & les fils-d'archal faisant partie d'un cercle, ne conduisoient pas le moindre choc sensible; & qu'en effet, lorsqu'un des fils-d'archal avoit été électrisé, l'autre donnoit à peine quelques signes de sa connéxion avec le premier..... & même une ficelle bien humide manque quelquefois de conduire un choc, quoique d'ailleurs elle conduise parfaitement bien l'électricité. Un morceau de glace sec, ou une chandelle de glace 26 , I-191 que l'on tient entre deux bouteilles dans un cercle, empêche semblablement le choc, ce que l'on ne devroit pas attendre, puisque l'eau le conduit avec tant de perfection.... La dorure sur un livre neuf, qui d'abord conduit le choc avec beaucoup de régularité, le manque après 10. ou 12. expériences 27 , quoiqu'elle paroisse toujours la même à tous égards; c'est de quoi nous ne sçaurions rendre raison. 28
63. Il y a encore une expérience qui nous a étonnés, & I-192 que jusqu'ici on n'a pas expliquée d'une maniere satisfaisante; la voici. Placez un boulet de fer sur un verre, & qu'une balle de liége humide, suspendue par un fil de soye, vienne toucher le boulet: prenez une bouteille dans chaque main, l'une électrisée par le crochet & l'autre par le côté : appliquez le fil-d'archal donnant au boulet qu'il électrisera positivement, & le liége sera répoussé. Ensuite appliquez le fil-d'archal recevant , qui tirera l'étincelle donnée par l'autre; alors le liége retournera au boulet: appliquez-le même une seconde fois & tirez une autre étincelle; alors le boulet sera électrisé I-193 négativement, & le liége dans ce cas sera repoussé comme auparavant; appliquez encore le fil-d'archal donnant au boulet, pour lui rendre l'étincelle dont il a été privé, & la balle de liége retournera; donnez-lui en une autre, qui sera une addition à sa quantité naturelle, & le liége sera repoussé une seconde fois.
L'expérience peut être répétée de la sorte aussi long-tems qu'il y a quelque charge dans les bouteilles. D'où il résulte que les corps qui ont moins que la quantité commune d'électricité, se repoussent l'un l'autre, aussi bien que ceux qui en ont plus.
Étant un peu mortifiés de n'avoir pû jusqu'ici rien produire par nos expériences pour l'utilité du genre humain, & entrant dans la saison des grandes chaleurs, pendant lesquelles les expériences électriques sont moins agréables, nous avons pris la résolution de les terminer pour cette saison un peu gayement par une partie de plaisir sur les bords de la Skuylkill 29 . Nous nous proposons d'allumer les esprits des deux côtés en même-tems, en envoyant une étincelle I-195 de l'un à l'autre rivage à travers la rivière sans autre conducteur que l'eau, expérience que nous avons exécutée depuis peu au grand étonnement de plusieurs spectateurs. Nous tuerons un dindon pour notre dîner par le choc électrique, il sera rôti à la broche électrique devant un feu allumé avec la bouteille électrisée, & nous boirons les santés de tous les fameux Électriciens d'Angleterre, de Hollande, de France & d'Allemagne dans des tasses électrisées 30 , au bruit de l'artillerie d'une batterie électrique. 29. Avril 1749.
Des opinions & des conjectures
sur les propriétés & sur les effets
de la matière électrique.
64. I l est dit dans le §. 8. que toutes les espèces de matière commune sont supposées ne pas attirer le fluide électrique avec une égale activité, & que les corps appellés originairement électriques comme le verre, &c. l'attirent & le retiennent avec plus de force, & en contiennent la plus grande quantité.
Cette dernière thèse pourroit avoir l'air d'un paradoxe pour quelques personnes étant contraire à l'opinion dominante; c'est pourquoi je vais faire ensorte de l'expliquer.
65. Pour le faire avec ordre, il faut d'abord considérer que nous ne pouvons par aucun moyen connu jusqu'à présent faire passer le fluide électrique au travers du verre. Je n'ignore pas que le sentiment commun est qu'il traverse aisément le verre, & qu'on allégue en preuve l'expérience d'une plume suspenduë par un fil dans une bouteille scellée hermétiquement, & qu'on la met en mouvement I-198 en approchant un tube frotté de la surface extérieure de la bouteille; mais si le fluide électrique traverse si aisément le verre, comment la fiole devient-elle chargée (pour me servir de l'expression usitée,) lorsque nous la tenons dans nos mains? Le feu poussé dans la bouteille par le fil-d'archal ne la traverseroit-il pas pour venir jusqu'à nos mains, & pour s'échapper ainsi sur le plancher? En ce cas la bouteille ne demeureroit-elle pas toujours dans le même état, c'est-à-dire sans être chargée, comme nous sçavons que demeureroit une bouteille de métal qu'on essayeroit de charger de la sorte? I-199 Assurément s'il y a la moindre fêlure, la plus petite solution de continuité dans le verre, quoiqu'il reste si serré que rien autre chose que nous sçachions n'y puisse passer; cependant le fluide électrique, à cause de son extrême subtilité, volera à travers cette fêlure avec la plus grande liberté; & nous sommes sûrs qu'une telle bouteille ne peut jamais être chargée. Quelle est donc la différence entre cette bouteille & une autre bien saine, si ce n'est que le fluide peut traverser l'une, & ne sçauroit traverser l'autre? 31
66. Il est vrai qu'il y a une expérience, I-200 qui à la première vûe, seroit capable de persuader à un observateur superficiel que le feu poussé dans la bouteille par le fil-d'archal, passe réellement à travers la substance du verre. La voici: placez la bouteille sur un verre sous le premier conducteur: suspendez un boulet par une chaîne depuis le premier conducteur jusqu'à ce qu'il soit à un quart ou à un demi-pouce au-dessus du fil-d'archal de la bouteille: mettez le revers du doigt précisément à la même distance du côté de la bouteille que celle du boulet à son fil-d'archal: maintenant faites tourner le globe, & vous verrez une I-201 étincelle frapper du boulet au fil-d'archal de la bouteille, & au même instant vous verrez & sentirez une étincelle exactement égale frapper du côté de la bouteille sur votre doigt, & ainsi de suite étincelle pour étincelle. Il sembleroit que la totalité reçûe par la bouteille en a été déchargée une seconde fois, & cependant par ce moyen la bouteille est chargée, 32 & par conséquent le feu qui abandonne ainsi la bouteille, quoique dans la même quantité, ne sçauroit être le même feu qui est entré par le fil-d'archal, car si c'étoit le même, la bouteille resteroit sans être chargée.
67. Si le feu qui abandonne ainsi la bouteille n'est pas le même que celui qui est poussé à travers le fil-d'archal, ce doit être le feu qui résidoit dans la bouteille (c'est-à-dire dans le verre de la bouteille) avant le commencement de l'opération.
68. Si cela est ainsi, il doit y en avoir une grande quantité dans le verre, parce qu'une grande quantité est déchargée de la sorte même d'un verre très mince.
69. Que ce fluide ou feu électrique soit fortement attiré par le verre, nous le reconnoissons à la rapidité & à la violence avec lesquelles il est repris par la partie I-203 qui en a été privée, dès qu'elle en trouve la facilité, & il suit de là que d'une masse de verre nous ne pouvons tirer une quantité de feu électrique, ou électriser moins la masse totale, comme nous pouvons le faire à l'égard d'une masse de métal; nous ne pouvons diminuer ni augmenter sa quantité totale, car il tient bien la quantité qu'il a, & il en a autant qu'il en peut tenir; ses pores en sont gorgés aussi pleinement que la répulsion mutuelle des particules le peut comporter; & ce qui est déjà dedans, refuse ou repousse fortement toute quantité surnuméraire. Nous n'avons qu'un seul moyen de I-204 mettre en mouvement le fluide électrique dans le verre, qui est de couvrir une des deux surfaces d'un verre mince avec des corps non-électriques, & de pousser sur une surface une quantité surnuméraire de ce fluide, qui se répandant sur le corps non-électrique, & étant limitée par lui à cette surface, agit par sa force répulsive sur les particules du fluide électrique contenu dans l'autre surface, & les chasse du verre dans le corps non électrique sur ce côté, d'où elles sont déchargées, & alors ces parties ajoutées sur le côté chargé peuvent y entrer; mais après cette opération il n'y en a dans le verre I-205 ni plus ni moins qu'auparavant, en ayant laissé échapper précisément autant de dessus un côté qu'il en a reçu sur l'autre.
70. Ici les expressions me manquent, & je doute beaucoup si je pourrai rendre cette partie de mon ouvrage intelligible. Par ce mot surface dans le cas présent, je n'entens pas simplement longueur & largeur sans épaisseur; mais lorsque je parle de la surface supérieure ou inférieure d'un morceau de verre, de la surface extérieure ou intérieure de la bouteille, j'entens longueur, largeur, & moitié de l'épaisseur; & je demande la grace d'être entendu en ce sens. Maintenant I-206 je suppose que le verre dans ses premiers principes & dans la fournaise n'a pas plus de ce fluide électrique que toute autre matière commune; que lorsqu'il est soufflé, qu'il se refroidit, & que les particules de feu commun l'abandonnent, ses pores deviennent un vuide. Que les parties composantes du verre soient extrêmement petites & déliées, je le conjecture de ce que ses parties brisées ne sont jamais raboteuses, mais toujours lisses & polies; & de la ténuité de ses particules, j'infére que les pores entr'elles sont excessivement petits; de là vient que l'eau forte, ni aucun autre I-207 menstruë connu n'y peut entrer pour les séparer, & en dissoudre la substance; nous ne connoissons même aucun fluide assez délié pour les pénétrer, excepté le feu commun & le fluide électrique. Maintenant le feu par sa retraite laissant un vuide, comme il a été dit ci dessus, entre ces pores que l'air ou l'eau ne sont pas assez fins pour pénétrer, ni remplir, le fluide électrique y est attiré, car il est toujours prêt dans ce que nous appellons les corps non-électriques & dans les mixtions non-électriques qui sont dans l'air; cependant il ne se fixe point avec la substance du verre, mais il y séjourne comme I-208 l'eau dans une pierre poreuse, retenu seulement par l'attraction des parties fixées, restant toujours fluide & sans adhérence; mais je suppose de plus que dans le refroidissement du verre, son tissu devient plus serré au milieu, & forme une espèce de séparation dans laquelle les pores sont si étroits que les particules du fluide électrique qui entrent dans les deux surfaces en même tems, ne peuvent les traverser, ou passer & repasser d'une surface à l'autre, & ainsi se mêler ensemble. Néanmoins quoique les particules du fluide électrique, imbibé par chaque surface, ne puissent d'elles-mêmes I-209 passer à travers pour se joindre à celles de l'autre, leur répulsion le peut faire, & par ce moyen elles agissent l'une sur l'autre. Les particules du fluide électrique ont une mutuelle répulsion, mais par le pouvoir d'attraction dans le verre, elles sont condensées, ou plus rapprochées l'une de l'autre. Lorsque le verre a reçu, & que par son attraction il a condensé autant de ce fluide électrique, que la force d'attraction & de condensation dans l'une est égale à la force d'expension dans l'autre, il ne peut plus s'en imbiber, & cela reste constamment sa quantité totale. Mais chaque surface en I-210 recevroit plus, si la répulsion de ce qui est dans la surface opposée ne résistoit à son entrée. Les quantités de ce fluide dans chaque surface étant égales, leur action répulsive l'une sur l'autre est égale, & par conséquent celles d'une surface ne sçauroient chasser celles de l'autre.
Mais si l'on en pousse dans une surface une quantité plus grande que le verre n'en tireroit naturellement, elle augmente le pouvoir répulsif de ce côté, & surmontant l'attraction de l'autre, elle chasse la partie du fluide qui a été imbibée par cette surface, s'il se trouve un corps non-électrique prêt à la recevoir, I-211 ce qui arrive dans tous les cas où le verre est électrisé pour donner un choc. La surface qui a été ainsi vuidée, pour avoir chassé son fluide électrique, en reprend avec violence une quantité égale aussitôt que le verre trouve l'occasion de décharger cette quantité excédente au-delà de ce qu'il peut retenir par l'attraction dans son autre surface, dont la répulsion additionnelle a occasionné le vuide; car les expériences favorisant, je dirois presque confirmant cette hipothèse, je dois, pour éviter les répétitions, vous prier de revoir ce qui a déjà été dit de la fiole électrique dans mes précédentes lettres. I-212
71. Voyons maintenant l'usage que nous en pouvons faire pour expliquer plusieurs autres phénomènes..... Le verre qui est un corps extrêmement élastique, (& peut-être qu'il doit son élasticité jusqu'à un certain point à la grande quantité de ce fluide répulsif qu'il renferme dans ses pores,) le verre doit, lorsqu'il est frotté, avoir sa surface frottée un peu élargie, ou ses parties solides un peu écartées, de sorte que les interstices dans lesquels réside le fluide électrique, deviennent plus larges, laissant de la place pour une plus grande quantité de ce fluide, lequel y est immédiatement attiré du I-213 coussin, ou de la main frottante qui se refournissent toujours au magazin commun; mais aussitôt que les parties du verre ainsi ouvert & rempli ont essuyé le frottement, elles se referment, & obligent la quantité surnuméraire de sortir sur la surface où elle doit rester jusqu'à ce que ces parties retournent au coussin, à moins que quelques corps non-électriques, comme le premier conducteur, ne se présente d'abord pour les recevoir. 33
Note 33: (retour) Dans l'obscurité on peut voir le fluide électrique sur le coussin en deux demi cercles ou croissans, l'un sur le devant, l'autre sur le derrière, précisément dans l'endroit où le globe & le coussin se séparent. Dans le croissant antérieur le feu passe du coussin dans le verre: dans l'autre il quitte le verre & retourne dans la partie postérieure du coussin. Quand on applique le premier conducteur pour tirer le feu du verre, le croissant de derrière disparoît.
Mais si la partie intérieure du globe est doublée d'un corps non-électrique, la répulsion additionnelle du fluide électrique ainsi rassemblé par le frottement sur la partie frottée de la surface extérieure du globe, chasse une égale quantité de la surface intérieure dans cette doublure non-électrique, qui la reçoit, & l'entraîne de la partie frottée dans la masse commune à travers l'axe du globe & le cadre de la machine; le fluide électrique nouvellement ramassé peut entrer & demeurer dans la surface extérieure, & le premier conducteur I-215 n'en recevra rien ou en recevra fort peu. Lorsque cette partie chargée du globe en tournant revient au coussin, la surface extérieure dépose son feu excédant dans le coussin, la surface intérieure opposée en recevant en même tems une quantité égale du plancher. Il n'y a point d'Électricien qui ne sçache qu'un globe mouillé intérieurement ne rend que peu ou point de feu, mais jusqu'ici on n'a pas essayé d'en donner la raison, ou du moins je l'ignore.
72. Si donc un tube doublé d'un corps non-électrique 34 est I-216 frotté, il ne rend que peu ou point de feu, ce qui est rassemblé de la main dans le coup qui se donne en frottant de haut en bas, entrant dans les pores du verre, & en chassant une égale quantité de la surface intérieure dans la doublure non-électrique; la main en repassant du bas en haut pour donner un second coup, rechasse ce qui a été poussé dans la surface extérieure, & alors la surface intérieure reçoit une seconde fois ce qu'elle a donné à la doublure non-électrique. Ainsi les parties de fluide électrique appartenant à la surface intérieure, pénètrent & ressortent de leurs pores à chaque I-217 coup donné au tube. Mettez un fil-d'archal dans le tube, l'extrémité intérieure en contact avec la doublure non-électrique, il représentera la bouteille de Leyde . Qu'une seconde personne touche le fil-d'archal tandis que vous frottez, & le feu chassé de la surface intérieure, lorsque vous donnez le coup, passera à travers la personne dans la masse commune; ensuite il reviendra au travers de la personne lorsque la surface intérieure reprendra sa quantité. Par conséquent cette nouvelle espèce de bouteille ne sçauroit être chargée de la sorte; mais elle peut l'être ainsi: après chaque coup, avant que vous I-218 passiez la main pour en donner un autre, faites appliquer le doigt de la seconde personne au fil-d'archal, & prendre l'étincelle, ensuite retirer son doigt, & ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle ait tiré un nombre d'étincelles; de cette façon la surface intérieure sera épuisée & la surface extérieure sera chargée; alors enveloppez ferme une feuille de papier doré autour de la surface extérieure, & l'empoignant avec la main, vous pourrez recevoir un coup par l'application du doigt de l'autre main au fil-d'archal; car alors les pores vuides dans la surface intérieure reprennent leur quantité, & les pores I-219 surchargés dans la surface extérieure déchargent leur surplus, l'équilibre étant rétabli à travers votre corps, lequel ne le seroit pas à travers la substance du verre. 35
si le tube est épuisé d'air, une doublure non-électrique en contact avec le fil d'archal n'est pas nécessaire, car dans le vuide le feu électrique volera librement de la surface intérieure sans avoir besoin d'un conducteur non électrique. Mais l'air résiste à son mouvement, car étant lui-même un corps originairement électrique, il ne l'attire point, ayant déjà sa quantité suffisante. Ainsi I-220 l'air ne tire jamais une atmosphère électrique d'aucun corps qu'à proportion des particules non-électriques qui se trouvent mêlées avec lui; il conserve plutôt & resserre une atmosphère qui par la répulsion mutuelle de ses parties tend à se dissiper, & se dissiperoit immédiatement dans le vuide ..... Ainsi voilà l'explication de la plume enfermée dans un vaisseau de verre scellé hermétiquement, & qui se meut à l'approche du tube frotté. Lorsqu'une quantité surnuméraire du fluide électrique est appliquée au côté du vase par l'atmosphère du tube, une quantité est repoussée & chassée I-221 de la surface intérieure de ce côté dans le vase, & y affecte la plume, retournant ensuite dans ses pores, lorsque le tube avec son atmosphère est retiré; mais les particules de cette atmosphère ne passent point elles-mêmes au travers du verre à la plume..... tous les autres phénomènes qui se sont présentés à nous, & qui concernent le verre & l'électricité sont, si je ne me trompe, expliqués avec une égale facilité par la même hypothèse; elle peut bien néanmoins n'être pas vraye, & je serai fort obligé à quiconque m'en fournira une meilleure.
73. Ainsi je prétens que la I-222 différence entre les corps non-électriques & le verre, qui est un corps originairement électrique, consiste en ces deux particularités; la première que le corps non-électrique souffre sans peine un changement dans la quantité du fluide électrique qu'il contient. Vous pouvez diminuer sa quantité totale, en en chassant une partie que le corps entier reprendra; mais quant au verre, tout ce que vous pouvez faire, c'est de diminuer la quantité contenuë dans une de ses surfaces, encore n'en viendrez-vous à bout qu'en fournissant en même tems une quantité égale, à l'autre surface, de sorte que le I-223 verre entier puisse avoir la même quantité dans les deux surfaces, leurs deux quantités différentes étant ajoutées ensemble, ce qui ne peut même s'exécuter que dans un verre fort mince; nous ne connoissons jusqu'ici aucun moyen d'opérer ce changement au-delà d'une certaine épaisseur.
La seconde que le feu électrique se transporte aisément d'un endroit à un autre, dans & à travers la substance d'un corps non-électrique, mais non à travers la substance du verre. Si vous en présentez une quantité à l'extrémité d'une longue baguette de métal, elle la reçoit, & lorsqu'elle y entre, chaque I-224 particule qui étoit auparavant dans la baguette pousse vivement sa voisine à l'extrémité la plus éloignée où le surplus est déchargé, & cela dans un instant lorsque la baguette fait partie du cercle dans l'expérience du choc; mais le verre à cause de la petitesse de ses pores ou de l'attraction plus forte de ce qu'il contient ne se prête pas à un mouvement si libre. Une baguette de verre ne conduira pas un choc, & le verre le plus mince ne laissera entrer aucune particule dans aucune de ses surfaces pour traverser de l'une à l'autre.
74. De là nous voyons l'impossibilité du succès dans les expériences I-225 proposées, de tirer les effluves salutaires d'un corps non-électrique, de la canelle par exemple, & de les mêler avec le fluide électrique pour les faire passer avec lui dans le corps, en l'enfermant dans le tube, & le soumettant au frottement, &c. Car quoique les effluves de la canelle & le fluide électrique fussent mêlés dans le globe, ils ne sortiroient jamais ensemble à travers les pores du verre, & ainsi n'iroient point au premier conducteur; car le fluide électrique lui-même ne sçauroit passer au travers, & le premier conducteur est toujours fourni par le coussin, & celui-ci par le plancher; I-226 & d'ailleurs lorsque le globe est rempli de canelle ou d'un autre corps non-électrique, le fluide électrique ne peut être tiré de la surface extérieure par la raison ci-dessus énoncée. J'ai essayé un autre moyen que je croyois plus efficace pour obtenir un mêlange de fluide électrique & d'autres effluves, si un tel mélange eût été possible.
Je plaçai une lame de verre sous mon coussin pour couper la communication entre le coussin & le plancher; alors je conduisis une petite chaîne du coussin dans un vase d'huile de térébentine, & j'amenai une autre chaîne de l'huile de térébentine au plancher, I-227 prenant garde que la chaîne du coussin au verre ne touchât aucune partie du cadre de la machine; une autre chaîne fut attachée au premier conducteur, & tenue dans la main d'une personne qui devoit être électrisée. Les extrémités des deux chaînes dans le verre étoient environ à un pouce de distance l'une de l'autre, l'huile de térébentine entre deux. Les choses ainsi disposées, je ne pus tirer le feu du plancher à travers la machine, la communication étant interceptée par l'épaisseur de la lame de verre sous le coussin; il fallut donc le tirer à travers les chaînes, dont les extrémités I-228 étoient enfoncées dans l'huile de térébentine; & comme cette huile étant un corps originairement électrique, ne pouvoit conduire ce qui sortoit du plancher, il étoit donc obligé de sauter de l'extrémité d'une chaîne à l'extrémité de l'autre à travers la substance de cette huile, ce que nous voyions dans de grandes étincelles; ainsi le feu électrique eut une belle occasion de saisir quelques-unes des particules les plus déliées de l'huile dans son passage, & de les entraîner avec lui; mais cet effet ne s'ensuivit pas, & je n'apperçus pas la moindre différence entre l'odeur de ces écoulemens électriques ainsi I-229 rassemblés, & celle qu'ils ont lorsqu'ils sont rassemblés d'une autre manière, & ils n'affectent pas autrement le corps d'une personne électrisée.
Je mis pareillement dans une fiole au lieu d'eau une liqueur fortement purgative, & alors je chargeai la fiole, & j'en tirai des coups à plusieurs reprises. Dans ce cas il falloit que chaque particule de fluide électrique, avant que de traverser mon corps, eût premièrement traversé la liqueur, lorsque la fiole se chargeoit, & qu'elle la traversât de nouveau lorsque la fiole se déchargeoit, & cependant il ne s'ensuivit pas d'autre effet que si la fiole eût I-230 été chargée avec de l'eau. J'ai aussi senti le feu électrique lorsqu'il avoit traversé l'or, l'argent, le cuivre, le plomb, le fer, le bois & le corps humain, sans y appercevoir aucune différence: l'odeur est toujours la même lorsque l'étincelle ne brûle pas ce qu'elle frappe, c'est pourquoi j'imagine qu'elle ne prend son odeur d'aucune qualité des corps qu'elle traverse, & en effet comme cette odeur abandonne si rapidement la matière électrique & s'attache au revers du doigt qui reçoit les étincelles, ainsi qu'aux autres choses, je soupçonne qu'elle n'a aucune connexion avec elle, mais qu'elle I-231 se forme sur le champ de quelque chose dans l'air, que l'air même pousse sur elle; car si elle étoit assez déliée pour passer avec le fluide électrique à travers le corps d'une personne, pourquoi s'arrêteroit-elle sur la peau d'une autre?
Mais je n'aurois jamais fait, si je vous entretenois de toutes mes conjectures, pensées & imaginations sur la nature & sur les opérations de ce fluide électrique, & si je vous rapportois les diverses petites expériences que nous avons essayées. Cet écrit n'est déjà que trop long; je vous en demande pardon; je n'ai pas eu le tems de le faire plus court. I-232 J'ajouterai seulement que, comme il a été observé ici que l'on peut enflammer en été les esprits par le moyen d'une étincelle électrique sans les avoir chauffés, lorsque le thermomètre de Farhenheit est au-dessus de 70. Ainsi lorsqu'il fait plus froid, si l'opérateur met une petite bouteille platte dans son sein ou dans son gousset avec la cuillier quelque tems avant d'en faire usage, la chaleur de son corps leur en communiquera une plus que suffisante pour le dessein qu'il se propose.
«L'imperméabilité du verre étant contestée par M. L. N. Lettre IV. il seroit dans l'ordre I-233 de rapporter ici les réponses que lui a faites Mr. David Colden. Mais comme les remarques de ce dernier embrassent plusieurs objets qu'il eût été embarrassant de séparer, pour les mettre chacun à sa place, il a paru plus convenable de les laisser comme il les a écrites sous le titre de Lettre XIV.»
1er. Septembre 1747.
M
ONSIEUR,
Je vous ai appris dans ma derniere lettre qu'en continuant nos recherches électriques, nous avions observé quelques Phénomènes singuliers que nous avons regardé comme nouveaux; je me suis engagé à vous en rendre compte, quoique j'appréhende qu'ils n'ayent pas pour vous le mérite de la nouveauté. Tant de personnes ont travaillé en Europe sur les expériences électriques, que quelqu'un se sera probablement rencontré avec nous sur les I-235 mêmes observations.
Le premier Phénomène est l'étonnant effet des corps pointus tant pour tirer que pour pousser le feu électrique. Par exemple.
75. Placez un boulet de fer de trois ou quatre pouces de diamètre sur l'orifice d'une bouteille de verre bien nette & bien séche: par un fil de soye attaché au plat-fond précisément au-dessus de l'orifice de la bouteille, suspendez une petite boule de liége environ de la grosseur d'une balle de mousquet: que le fil soit de longueur convenable pour que la boule de liége vienne s'arrêter à côté du boulet; électrisez le boulet, & le liége sera repoussé à la I-236 distance de 4. ou 5. pouces plus ou moins, suivant la quantité d'électricité...... Dans cet état si vous présentez au boulet la pointe d'un poinçon long & délié à 6. ou 8. pouces de distance, la répulsion sera détruite sur le champ, & le liége volera vers le boulet. Pour qu'un corps émoussé produise le même effet, il faut qu'il soit approché à un pouce de distance, & qu'il tire une étincelle. Afin de prouver que le feu électrique est tiré par la pointe, si vous ôtez de son manche le côté applati du poinçon, & que vous le fixiez sur un bâton de cire à cacheter, vous présenterez en vain le poinçon à la même distance, I-237 ou l'approcherez encore de plus près, le même effet n'en résultera point; mais glissez le doigt le long de la cire, jusqu'à ce que vous touchiez le côté applati, le liége alors volera sur le champ vers le boulet..... Si vous présentez cette pointe dans l'obscurité, vous y verrez quelquefois à un pied de distance & plus, une lumière brillante, semblable à un feu follet, ou à un ver luisant. 36 Moins la pointe est aiguë, plus il faut l'approcher pour appercevoir la lumière, & à quelque distance que vous voyiez la lumière, vous pouvez tirer le feu électrique, I-238 & détruire la répulsion.... Si une boule de liége ainsi suspenduë est repoussée par le tube, & que la pointe lui soit brusquement présentée, même à une distance considérable, vous serez étonné de voir avec quelle rapidité le liége revole vers le tube. Des pointes de bois feroient le même effet que celles de fer, pourvû que le bois ne fût pas sec; car un bois parfaitement sec n'est pas meilleur conducteur d'électricité que la cire d'Espagne.
76. Pour montrer que les pointes poussent aussi bien qu'elles tirent le feu électrique, couchez une longue aiguille pointuë sur le boulet, & vous ne pourrez I-239 assez électriser le boulet pour lui faire repousser la boule de liége... ou bien faites tenir à l'extrèmité d'un canon de fusil suspendu, ou d'une verge de fer, une aiguille qui pointe en avant comme une espèce de petite bayonnette, dans cet état le canon de fusil ou la verge ne sauroit par l'application du tube à l'autre extrèmité, être électrisé au point de donner une étincelle; le feu s'échape ou s'écoule continuellement en silence par la pointe. Dans l'obscurité vous pouvez lui voir produire le même effet que dans le cas dont nous venons de parler.
La répulsion entre la balle de liége & le boulet est pareillement I-240 détruite, 1°. en sassant dessus du sable fin, ce qui la détruit par dégrés; 2°. en soufflant dessus, 3°. en faisant autour, de la fumée de bois brulé; 37 4°. par la lumière d'une chandelle 38 quand I-241 même la chandelle seroit à un pied de distance. Par ces moyens la répulsion est détruite subitement.... La lumière d'un charbon de bois allumé & la lueur d'un fer rouge produisent le même effet; mais non pas à une si grande distance. La fumée de résine séche, fonduë sur un fer rouge, ne détruit pas la répulsion; mais elle est attirée & par la balle de liége & par le boulet, formant autour d'eaux des atmosphères proportionnées, & les rendant agréables à la vûë, & presque semblables à quelques-unes des figures qui sont dans la Théorie de la terre de Burnet ou de Whiston .
Note 37: (retour) Nous supposons que chaque particule de sable, d'humidité ou de fumée étant d'abord attirée, & ensuite repoussée, emporte avec elle une portion de feu électrique, mais que cette portion subsiste toujours dans ces particules, jusqu'à ce qu'elles la communiquent à quelqu'autre corps, & qu'elle n'est jamais réellement détruite; ainsi quand on jette de l'eau sur du feu commun, nous n'imaginons point que ce dernier élément soit par-là détruit & anéanti, mais seulement dispersé, chaque particule d'eau emportant en vapeurs la portion de feu qu'elle a attirée & qu'elle s'est attachée.
N. B. Cette expérience doit être faite dans un cabinet où l'air soit fort tranquille.
77. La lumière du Soleil poussée avec force & long-tems de suite par le moyen d'un miroir ardent sur la boule de liége, que sur le boulet, ne diminuë aucunement la répulsion. Cette différence entre la lumière du feu & la lumière du Soleil est une autre découverte qui nous semble nouvelle & extraordinaire.
78. Prenez de grandes balances de cuivre dont le fleau soit au moins long de deux pieds, & I-243 dont les cordons soient de soye; suspendez-les par une ficelle attachée au plat-fond, de sorte que le fond des bassins puisse être environ à un pied du plancher; les bassins tourneront circulairement par le détortillement de la ficelle; plantez le poinçon sur le plancher, de manière que les bassins puissent passer au-dessus de sa tête en décrivant leur cercle; électrisez alors un bassin en lui communiquant une étincelle du fil-d'archal de la fiole chargée; comme les balances tournent toujours, vous verrez ce bassin s'avancer plus près du plancher, & s'abaisser davantage, lorsqu'il vient sur le poinçon; & s'il est placé à une I-244 distance convenable, le bassin étincellera, & déchargera son feu sur cet instrument. Mais si on attache une aiguille sur l'extremité du poinçon, la pointe en haut, le bassin au lieu de s'approcher de l'instrument & d'étinceller en le frappant, déchargera son feu en silence à travers la pointe, & s'élevera plus haut que le poinçon; & même si l'aiguille est placée sur le plancher auprès du poinçon, la pointe en haut, l'extremité de l'instrument, quoique beaucoup plus élevée que l'aiguille, n'attirera point le bassin, & ne recevra point son feu, car l'aiguille le prendra & le dissipera avant qu'il vienne assez près pour agir sur le I-245 poinçon. C'est une observation constante dans ces expériences, que plus la quantité d'électricité sur le conducteur de carton est grande, plus il frappe de loin, & décharge son feu aisément; & la pointe pareillement le tirera toujours à une plus grande distance.
Fin du premier Volume.
A PARIS
Chez DURAND, rue du Foin, au Griffon.
Contenant des observations & des suppositions tendantes à former une nouvelle hypothèse pour expliquer les différens phénomènes des éclats de tonnerre. 39
M
ONSIEUR,
§. 79. Les corps non-électriques, II-2 lorsqu'ils ont été chargés de feu électrique, le retiennent jusqu'à ce qu'on en approche d'autres corps non-électriques qui en ayent moins, & alors il est communiqué avec craquement, & se trouve également distribué.
80. Le feu électrique aime l'eau, il en est fortement attiré, & ces deux élemens peuvent subsister ensemble.
81. L'air est un corps originairement électrique, & lorsqu'il est sec, il n'est point conducteur du feu électrique, il ne le reçoit point des autres corps, II-3 & ne leur donne point; autrement aucun corps environné d'air ne pourroit être électrisé positivement & négativement; car si on essayoit de l'électriser positivement, l'air emporteroit aussitôt le surplus, ou si c'étoit négativement, l'air suppléeroit à ce qui manqueroit.
82. L'eau étant électrisée, les vapeurs qui s'en exhalent seront également électrisées, & flottant dans l'air sous la forme de nuages ou autrement, elles retiendront cette quantité de feu électrique jusqu'à ce qu'elles rencontrent d'autres nuages ou d'autres corps qui ne soient pas électrisés au même point, & alors II-4 elles le communiqueront, comme il a été dit ci-devant.
83. Chaque particule de matière électrisée est repoussée par chaque autre particule également électrisée; ainsi le courant d'une fontaine également serré & continu, dès qu'il sera électrisé, se séparera & s'étendra sous la forme d'une vergette, chaque goute faisant effort pour s'éloigner de chaque autre goute; mais lorsque le feu électrique leur est enlevé, elles se raprochent & se rejoignent.
84. L'eau qui est fortement électrisée (aussi bien que celle qui est échauffée par le feu commun,) s'éleve en vapeurs plus abondamment, l'attraction de cohésion II-5 entre ses particules étant considérablement affoiblie par la puissance opposée de répulsion introduite avec le feu électrique; & lorsque quelque particule est dégagée par quelque moyen que ce soit, elle est immédiatement repoussée, & s'envole ainsi dans l'air.
85. S'il arrive que les particules soient situées comme A & B, elle sont plus aisément dégagées que C & D, parce que chacune est en contact avec trois seulement, au lieu que C & D sont chacune en contact avec neuf. Lorsque la surface de l'eau éprouve la moindre agitation, les particules sont continuellement poussées dans l'état représenté II-6 par la figure VIII.
86. Le frottement entre un corps non-électrique & un corps originairement électrique produit le feu électrique, non en le créant , mais en le rassemblant : car il est également répandu dans nos murs, dans nos chambres, dans la terre & dans toute la masse de la matière commune; ainsi le globe de verre tournant, tandis qu'il frotte contre le coussin, tire le feu du coussin, lequel en est dédommagé par le cadre de la machine, & ce cadre par le plancher sur lequel il est posé. Coupez la communication par le moyen d'un verre épais ou d'un gâteau de cire placé sous le coussin, II-7 le feu ne peut plus être produit, parce qu'il ne peut plus être rassemblé.
87. L'Océan est un composé d'eau, corps non-électrique, & de sel, corps originairement électrique.
88. Lorsqu'il y a du frottement entre les parties voisines de sa surface, le feu électrique est rassemblé des parties inférieures; il est alors manifestement visible dans la nuit, il paroît à la pouppe & dans le sillage de chaque vaisseau qui fait route; on l'apperçoit à chaque coup de rame, dans l'écume des vagues & dans les parties d'eau élevées par le vent.... Dans une tempête toute la mer paroît en feu.... II-8 Les particules d'eau étant alors repoussées de la surface électrisée entrainent continuellement le feu tel qu'il a été rassemblé, elles s'élèvent & forment des nuages, & ces nuages fortement électrisés retiennent le feu jusqu'à ce qu'ils aient occasion de le communiquer.
89. Les particules d'eau s'élevant en vapeurs s'attachent elles-mêmes aux particules d'air.
90. On dit que les particules d'air sont dures, rondes, désunies & éloignées l'une de l'autre, chaque particule repoussant fortement chaque autre particule; par ce moyen elles s'éloignent autant que leur gravité commune le permet.
91. L'espace entre trois particules qui se repoussent également l'une l'autre, sera un triangle équilatéral.
92. Dans l'air comprimé ces triangles sont plus resserrés, dans l'air raréfié ils sont plus étendus.
93. Le feu commun associé à l'air augmente la répulsion, élargit les triangles, & par là rend l'air spécifiquement plus léger; cet air s'élevera au-dessus d'un air plus dense.
94. Le feu commun aussi bien que le feu électrique donne de la répulsion aux particules d'eau, & détruit leur attraction de cohésion; de-là le feu commun, aussi bien que le feu électrique, facilite II-10 l'élévation des vapeurs.
95. Les particules d'eau qui ne renferment point de feu s'attirent mutuellement. Trois particules d'eau étant donc attachées aux trois particules d'un triangle d'air, & s'opposant par leur attraction réciproque à la répulsion de l'air, racourciroient les côtés, & diminueroient le triangle; delà cette portion d'air étant rendue plus dense tomberoit à terre avec son eau, & ne s'éleveroit point pour contribuer à la formation d'un nuage.
96. Mais si chaque particule d'eau, s'attachant elle-même à l'air, amène avec elle une particule de feu commun, la répulsion II-11 de l'air étant plutôt favorisée & fortifiée par le feu, qu'embarrassée & rallentie par l'attraction réciproque des particules d'eau, le triangle s'étend, & cette portion d'air devenue plus rare, & spécifiquement plus légère s'éleve.
97. Si les particules d'eau amènent du feu électrique, lorsqu'elles s'attachent elles-mêmes à l'air, la répulsion entre les particules d'eau électrisées se joint à la répulsion naturelle de l'air, afin de pousser avec force ses particules à une plus grande distance; par là les triangles sont dilatés, & l'air s'élève emportant l'eau avec lui.
98. Si les particules d'eau amènent avec elles des portions du feu commun & du feu électrique, la répulsion des particules d'air se fortifie & s'accroît de plus en plus, & les triangles sont de beaucoup élargis.
99. Une particule d'air peut être environnée par douze particules d'eau d'un volume égal au sien, toutes en contact avec elle, & de plusieurs autres ajoutées à celles-là.
100. Les particules d'air ainsi chargées seroient plus rapprochées ensemble par l'attraction mutuelle des particules d'eau, si le feu, soit commun, soit électrique, ne favorisoit pas leur répulsion.
101. Si l'air ainsi chargé est comprimé par des vents contraires, s'il est poussé contre des montagnes, &c. ou condensé par la perte du feu qui favorisoit son expansion, les triangles se resserrent: l'air avec son eau descend comme une rosée; ou si l'eau environnant une particule d'air, vient en contact avec l'eau qui en environne une autre, elles se réunissent & forment une goute, ce qui nous donne la pluye.
102. Le soleil fournit, ou semble fournir le feu commun à toutes les vapeurs qui s'élèvent tant de la terre que de la mer.
103. Ces vapeurs qui ont en II-14 elles du feu électrique & du feu commun, sont mieux soutenuës que celles qui n'ont que du feu commun. Car lorsque les vapeurs s'élèvent dans la région la plus froide au-dessus de la terre, le froid, s'il diminue le feu commun, ne diminuera point le feu électrique.
104. Delà les nuages formés par des vapeurs élevées des eaux fraîches de la terre, des végétaux, de la terre humide, &c. déposent leur eau & plus vîte & plus aisément, n'ayant que peu de feu électrique pour repousser les molécules, & les tenir séparées, de sorte que la plus grande partie de l'eau élevée de la II-15 terre est abandonnée & retombe sur la terre. Les vents qui soufflent sur la mer sont secs. La mer ayant peu besoin de pluye, paroîtroit-il raisonnable de priver la terre de son humidité, pour la donner à la mer en pure perte?
105. Mais les nuages formés par les vapeurs élevées de la mer, ayant les deux feux, & surtout une grande quantité de feu électrique soutiennent fortement leur eau, l'élèvent à une grande hauteur, & étant agités par les vents peuvent l'amener du milieu de l'Océan au milieu du plus vaste continent.
»Quoique cette hypothèse du II-16 tonnerre soit contestée par M. L. N. je n'entreprendrai point de la défendre. On ne doit la regarder que comme les premières idées que M. Franklin a euës sur la nature de ce météore; il ne les donne lui-même que pour des conjectures qu'il abandonnera dès que d'autres observations lui feront connoître qu'elles sont mal fondées. C'est cependant à ces conjectures que la physique est redevable des importantes découvertes qui font autant d'honneur à leur premier auteur qu'elles en font peu à quiconque cherche à tourner en ridicule ceux qui sont entrés dans ses vûes.
106. Nous allons examiner présentement ce qui oblige les nuages de l'Océan qui soutiennent leur eau avec tant de force à la déposer sur les terres qui en manquent.
107. Si ces nuages sont poussés par des vents contre des montagnes, ces montagnes étant moins électrisées les attirent, & dans le contact emportent leur feu électrique; & comme elles sont froides, elles emportent aussi leur feu commun; delà les molécules pressent vers les montagnes, & se pressent l'une l'autre. Si l'air est peu chargé, le nuage tombe seulement en rosée sur le sommet & sur les côtés des montagnes; II-18 il forme des fontaines & descend dans les vallées en petits ruisseaux, qui par leur réunion font les grands courans & les rivières. S'il est fort chargé, le feu électrique sort tout à la fois d'un nuage entier, & en l'abandonnant il brille comme un éclair & craque avec violence: les particules se réunissent d'abord faute de ce feu, & tombent en grosses ondées.
108. Lorsque le sommet des montagnes attire ainsi les nuages & tire le feu électrique du premier nuage qui l'aborde, celui qui suit, lorsqu'il approche du premier nuage actuellement dépouillé de son feu, lui lance le II-19 sien, & commence à déposer son eau propre. Le premier nuage lançant de nouveau ce feu dans les montagnes, le troisiéme nuage approchant, & tous les autres arrivant successivement agissent de la même manière d'aussi loin qu'ils s'étendent en arrière, ce qui peut être sur une étendue de pays de quelques centaines de lieuës.
109. Delà les déluges de pluyes, les tonnerres, les éclairs perpétuels sur la côte orientale des Andes , qui courant nord-sud & étant prodigieusement hautes, interceptent tous les nuages amenés contre elles de l'Océan atlantique par les vents II-20 de mer, & les obligent à déposer leurs eaux, qui forment les rivières immenses des Amazones, de la Plata, & d'Oroonoke, lesquelles renvoyent ces eaux dans la même mer, après avoir fertilisé un pays d'une étenduë fort considérable.
110. Quoiqu'un pays soit uni & sans montagnes qui interceptent les nuages électrisés, il y a cependant encore des moyens pour les obliger à déposer leurs eaux; car si un nuage électrisé, venant de la mer, rencontre dans l'air un nuage élevé de la terre, & par conséquent non-électrisé, le premier lancera son feu dans le dernier, & par ce II-21 moyen les deux nuages seront contraints de déposer subitement leurs eaux.
111. Les particules électrisées du premier nuage se resserrent lorsqu'elles perdent leur feu, les particules de l'autre nuage se resserrent aussi en le recevant. Dans l'un & l'autre elles ont ainsi la facilité de se réunir en goutes..... La commotion ou la secousse donnée à l'air contribuë aussi à précipiter l'eau, non-seulement de ces deux nuages, mais des autres qui les avoisinent, delà les chutes de pluyes soudaines immédiatement après la lumière des éclairs.
112. Pour le montrer par une II-22 expérience facile, prenez deux cercles de carton de deux pouces de diamètres; du centre & de la circonférence de chaque cercle, suspendez par des fils de soye longs de dix-huit pouces, sept petites boules de bois ou sept poids de grosseur égale. Les boules ainsi suspenduës à chaque carton formeront trois à trois des triangles équilatéraux, une boule étant dans le centre & six à égale distance de celle-là & les unes des autres; dans cette situation elles représenteront les particules d'air; enfoncez les deux bandes dans l'eau, alors cette liqueur s'attachant & tenant un peu à chaque boule, II-23 elles représenteront l'air chargé. Electrisez adroitement une bande, & ses boules se repousseront l'une l'autre à une plus grande distance en élargissant les triangles. Si l'eau soutenuë par les sept boules venoit en contact, elle formeroit une ou plusieurs goutes assez pésantes pour rompre la cohésion qu'elle avoit avec les boules, & ainsi elle se précipiteroit... Que les deux bandes représentent donc deux nuages; l'une un nuage de mer électrisé, & l'autre un nuage de terre. Amenez-les dans la sphère d'attraction, elles s'attireront l'une l'autre, & vous verrez ainsi les boules désunies se resserrer. La II-24 première boule électrisée qui approche d'une boule non-électrisée, la joint par attraction, & lui donne de son feu: aussitôt elles se séparent & revolent chacune à une autre boule de sa bande, l'une pour donner, l'autre pour recevoir du feu. Cela se continuë ainsi à travers les deux bandes, mais avec une telle vîtesse quelle est presque instantanée. Dans la collision elles secouent & font tomber leur eau en goutes, ce qui représente la pluye.
113. Ainsi lorsque les nuages de mer & de terre passent à une trop grande distance pour étinceller, ils sont attirés l'un vers II-25 l'autre jusques dans cette distance, car la sphère d'attraction électrique s'étend beaucoup au-delà de la distance ou les corps étincellent.
114. Lorsqu'un grand nombre de nuages de mer rencontre une quantité de nuages de terre, les étincelles électriques paroissent s'élancer de différens côtés; & comme les nuages sont agités & mêlés par les vents, ou rapprochés par la force de l'attraction électrique, ils continuent à donner & à recevoir étincelles sur étincelles, jusqu'à ce que le feu électrique soit également répandu dans tous.
115. Lorsque le canon de fusil II-26 (dans les expériences électriques) ne contient que peu de feu électrique, il faut en approcher fort près le doigt avant de pouvoir en tirer une étincelle. Donnez lui plus de feu, & il donnera une étincelle à une plus grande distance. Deux canons de fusil unis, & aussi fortement électrisés, donneront une étincelle à une plus grande distance. Mais si deux canons de fusil électrisés frappent à deux pouces de distance, & font un éclat sensible, à quelle distance énorme ne doivent pas être portés le coup & le feu d'un nuage de 10000. acres électrisé, & combien son craquement ne II-27 doit-il pas être épouvantable?
116. C'est une chose ordinaire de voir des nuages à différentes hauteurs tenir différens chemins, ce qui prouve différens courants d'air l'un au-dessus de l'autre. Comme l'air entre les tropiques est raréfié par le soleil, il s'élève; l'air du nord & du sud plus dense presse à sa place; l'air ainsi raréfié & contraint de monter passe du coté du nord & du côté du midi, & est forcé de descendre dans les régions polaires, s'il n'a point d'autre issuë avant que la circulation puisse être continuée.
117. Comme les courants d'air avec les nuages suivent des II-28 routes différentes, il est aisé de concevoir comment les nuages passans l'un sur l'autre peuvent s'attirer réciproquement, & ainsi s'approcher suffisamment pour le choc électrique & de même comment les nuages électriques peuvent être emportés sur les terres fort loin de la mer, avant d'avoir aucune occasion de frapper.
118. Lorsque l'air avec ses vapeurs élevées de l'Océan entre les tropiques, vient à descendre dans les régions polaires, & à être en contact avec les vapeurs qui y sont élevées, le feu électrique qu'elles amènent commence à être communiqué, & II-29 se fait appercevoir dans de belles nuits, étant d'abord visible où il commence à être en mouvement, c'est-à-dire où le contact commence, ou dans les régions les plus septentrionales: delà les courans de la lumière semblent s'élancer au sud, même jusqu'au zénith des contrées septentrionales. Mais quoique la lumière paroisse s'élancer du nord au midi, le progrès du feu est réellement du midi au nord. Son mouvement commence dans le nord, & voilà pourquoi il y est d'abord apperçu.
Car le feu électrique n'est jamais visible que quand il est en mouvement & qu'il saute de II-30 corps en corps, ou de parcelle en parcelle au travers de l'air; lorsqu'il traverse des corps denses il est invisible. Lorsque le fil-d'archal fait partie du cercle dans l'explosion de la fiole électrique le feu, quoiqu'en grande quantité, passe dans le fil-d'archal invisiblement, mais en passant le long d'une chaîne il devient visible, parce qu'il saute de chaînon en chaînon. En passant le long d'une feuille d'or il est visible, parce que la feuille d'or est pleine de pores; tenez-en une feuille à la lumière elle vous paroîtra comme un réseau, & le feu est vû tandis qu'il saute sur les interstices..... Comme II-31 lorsqu'on ouvre à l'une de ses extrémités un long canal rempli d'eau pour le vuider, le mouvement de l'eau commence d'abord auprès de l'extrémité ouverte, & continue vers l'extrémité fermée, quoique l'eau elle-même avance de l'extrémité fermée vers l'extrémité ouverte; ainsi le feu électrique déchargé dans les régions polaires, peut-être sur une longueur de mille lieuës d'air évaporé, paroît d'abord où il est d'abord en mouvement, c'est-à-dire dans les parties les plus septentrionales, & l'apparition s'avance du côté du midi, quoique le feu avance réellement du côté du septentrion. II-32 Cela pourroit passer pour une explication de l'aurore boréale .
119. Lorsqu'il y a une chaleur excessive sur la terre dans une région particuliere, (le soleil ayant brillé dessus peut-être pendant plusieurs jours, tandis que les contrées circonvoisines ont été couvertes par les nuages,) l'air inférieur est raréfié, & s'élève: l'air supérieur plus frais & plus dense descend. Les nuages dans cet air se rencontrent de tous côtés, & se réunissent aux endroits échauffés, & si les uns sont électrisés, & que les autres ne le soient pas, les éclairs & le tonnere succèdent, II-33 & la pluye tombe; delà les éclats de tonnerre après les chaleurs, & l'air frais après les orages. L'eau & les nuages qui l'amènent venant d'une région plus élevée, & par conséquent plus fraîche.
120. Une étincelle électrique tirée d'un corps irrégulier à quelque distance, n'est presque jamais droite, mais elle paroît courbée & ondoyante dans l'air; ainsi paroissent les faisceaux d'éclairs, les nuages étant des corps fort irréguliers.
121. Quand les nuages électrisés passent sur un pays, les sommets des montagnes & des, arbres, les tours élevées, les pyramides, II-34 les mâts des vaisseaux, les cheminées, &c. comme autant d'éminences & de pointes attirent le feu électrique, & le nuage entier s'y décharge.
122. Ainsi il est dangereux de se mettre à l'abri sous un arbre pendant le tonnerre. Cette retraite a été funeste à plusieurs tant hommes que bêtes.
123. Il est plus sûr d'être en pleine campagne par une autre raison. Lorsque les habits sont moüillés, si un tourbillon dans son chemin vers la terre vient à toucher votre tête, il courra dans l'eau sur la surface de votre corps, au lieu que si vos habits sont secs, votre corps en sera traversé.
C'est pour cette raison qu'un rat mouillé ne peut être tué par l'explosion de la bouteille électrique, ce qui peut arriver à un rat dont la peau est séche.
124. Le feu commun est dans tous les corps, plus ou moins, aussi bien que le feu électrique. Peut-être ne sont-ils l'un & l'autre que les modifications du même élément: peut-être aussi que ce sont des élémens distingués. Quelques auteurs ne s'éloignent pas de ce dernier sentiment.
125. Si ce sont des matières différentes, ils peuvent subsister & subsistent ensemble dans le même corps.
126. Lorsque le feu électrique traverse un corps, il agit sur le feu commun contenu dans ce corps, & met ce feu en mouvement; & s'il y a une quantité suffisante de chaque espèce de feu, le corps sera enflammé.
127. Lorsque la quantité du feu commun dans le corps est petite, il faut que la quantité du feu électrique (ou le choc électrique) soit plus grande; si la quantité du feu commun est plus grande, une moindre quantité du feu électrique suffit pour produire l'effet de l'inflammation.
128. Ainsi les esprits doivent être êchauffés 40 avant que l'on II-37 puisse les enflammer par l'étincelle électrique; s'ils sont fort échauffés, il ne faudra qu'une petite étincelle, s'ils le sont peu, il faudra une plus forte étincelle.
129. Jusqu'ici nous n'avions pû enflammer que des vapeurs chaudes, mais à présent nous pouvons brûler de la colophone séche. Lorsque nous pourrons nous procurer de plus grandes étincelles électriques, nous seront en état d'enflammer non-seulement les esprits froids, comme fait la foudre, mais même le bois, en donnant une agitation suffisante au feu commun II-38 qu'il contient, ce que nous sçavons que le frottement peut faire.
130. Les vapeurs sulphureuses & inflammables qui s'élèvent de la terre sont aisément allumées par la foudre. Outre ce qui s'exhale de la terre, de pareilles vapeurs sont envoyées par des tas de foin humide, de bled ou autres végétaux qui s'échauffent & qui fument. Le bois pourri des vieux arbres & des vieux bâtimens fait le même effet, c'est pourquoi ces matières sont souvent & aisément enflammées.
131. Les métaux sont souvent fondus par la foudre, quoiqu'ils ne le soient peut-être ni par la chaleur de la foudre, ni même II-39 par l'agitation du feu dans les mêmes métaux..... Car tout corps qui peut s'insinuer lui-même entre les particules du métal, & surmonter l'attraction par laquelle leur cohésion subsiste, (ce que peuvent faire les menstruës) changera le solide en fluide aussi bien que le feu, même sans l'échauffer. Ainsi le feu électrique ou la foudre causant une répulsion violente entre les particules du métal au travers duquel il passe, le métal est mis en fusion.
132. Si vous vouliez fondre à un feu violent l'extrémité d'un clou à demi-enfoncé dans une porte, la chaleur communiquée au II-40 clou entier, avant d'en fondre une partie, brûleroit la planche où il est enfoncé, & la partie fonduë brûleroit le plancher où elle tomberoit. Mais si la foudre peut fondre une épée dans le fourreau & l'argent dans la bourse, sans brûler ni le fourreau ni la bourse, il faut que la fusion soit froide.
133. La foudre déchire quelques corps: l'étincelle électrique perce aussi un trou à travers une main de gros papier. (§. 54.)
134. Si l'origine de la foudre assignée dans cette feüille est la véritable, on entendroit fort peu de tonnerre en mer, lorsque l'on seroit fort éloigné de la terre, II-41 & en effet quelques vieux Capitaines de vaisseaux que l'on a consultés sur cet article, assurent que le fait s'accorde parfaitement avec l'hypothèse. Parce qu'en traversant le vaste Océan on n'entend guères le tonnerre qu'on ne soit arrivé près des côtes dans des endroits où l'on peut se servir de la sonde, & que les isles éloignées du continent y sont fort peu sujettes. Un observateur curieux qui a vécu treize ans aux Bermudes, remarque qu'il y a eu moins de tonnerre pendant tout le tems qu'il y a séjourné, qu'il n'en a quelquefois entendu dans un mois à la Caroline.
Maintenant si le feu de l'électricité & celui de la foudre sont le même, comme j'ai tâché de le prouver, notre conducteur de carton & les bassins de l'expérience de la balance (78.) peuvent représenter les nuages électrisés. Si un tube long seulement de dix pieds frappe & décharge son feu sur le poinçon à deux ou trois pouces de distance, un nuage électrisé qui est peut-être de dix mille acres, peut frapper & décharger son feu sur la terre à une distance proportionnellement plus grande. Le mouvement horizontal des bassins sur le plancher, peut représenter le mouvement des nuages sur la II-43 terre, & le poinçon élevé, les montagnes & les plus hauts édifices, & alors nous voyons comment les nuages électrisés passant sur les montagnes & sur les bâtimens à une trop grande hauteur pour les frapper, peuvent être attirés en bas jusques dans la distance qui leur est nécessaire pour cet effet; & enfin si une aiguille est fixée sur un poinçon, la pointe en haut, ou même sur le plancher au-dessous du poinçon, elle tirera le feu du bassin en silence à une distance beaucoup plus grande que la distance requise pour frapper, & préviendra ainsi sa descente vers le poinçon; ou si dans sa course le bassin II-44 étoit venu assez près pour frapper, il ne le pourroit, parce qu'il auroit été d'abord privé de son feu, & par-là le poinçon est garanti du choc.
Je demande, cette supposition admise, si la connoissance du pouvoir des pointes ne pourroit pas être de quelque avantage aux hommes pour préserver les maisons, les églises, les vaisseaux, &c. des coups de la foudre, en nous engageant à fixer perpendiculairement sur les parties les plus élevées de ces édifices des verges de fer faites en forme d'aiguilles & dorées pour prévenir la rouille, & du pied de ces verges un fil-d'archal II-45 abaissé vers l'extérieur du bâtiment dans la terre, ou autour d'un des aubans d'un vaisseau, ou sur le bord jusqu'à ce qu'il touche l'eau? Ces verges de fer ne tireroient-elles pas probablement le feu électrique en silence hors du nuage, avant qu'il vint assez près pour frapper? & par ce moyen ne pourrions-nous pas être préservés de tant de désastres soudains & effroyables?
135. Pour décider cette question, sçavoir si les nuages qui contiennent la foudre sont électrisés ou non. J'ai imaginé de proposer une expérience à tenter en un lieu convenable à cet II-46 effet. Sur le sommet d'une haute tour ou d'un clocher, placez une espèce de guérite (comme dans la fig. IX.) assez grande pour contenir un homme & un tabouret électrique: du milieu du tabouret élevez une verge de fer, qui passe en se courbant hors de la porte, & delà se relève perpendiculairement à la hauteur de vingt ou trente pieds, & se termine en une pointe fort aiguë. Si le tabouret électrique est propre & sec, un homme qui y sera placé, lorsque des nuages électrisés y passeront un peu bas, peut être électrisé & donner des étincelles, la verge de fer lui attirant le feu du nuage. II-47 S'il y avoit quelque danger à craindre pour l'homme (quoique je sois persuadé qu'il n'y en a aucun) qu'il se place sur le plancher de la guérite, & que de tems en tems il approche de la verge le tenon d'un fil-d'archal, qui a une extrémité attachée aux plombs de la couverture, le tenant par un manche de cire; de cette force les étincelles, si la verge est électrisée, frapperont de la verge au fil-d'archal, & ne toucheront point l'homme.
136. Avant d'abandonner le sujet de la foudre, je puis citer quelques autres rapports entre les effets de ce météore & ceux II-48 de l'électricité. On sçait que la foudre a souvent rendu des personnes aveugles. Un pigeon que nous croyions avoir frappé à mort par le choc électrique, recouvrant la vie, languit quelques jours dans la basse cour, ne mangea rien, quoiqu'on lui eût jetté des miettes de pain, s'affoiblit, & mourut. Nous ne fîmes point attention qu'il avoit été privé de la vûe; mais ensuite un poulet tué de la même manière étant ressuscité en soufflant à plusieurs reprises dans ses poumons; lorsqu'il fut posé sur le plancher, il alla donner de la tête contre la muraille, & après l'avoir examiné nous reconnûmes II-49 qu'il étoit parfaitement aveugle; delà nous conclûmes que le pigeon avoit aussi été entiérement aveuglé par le choc. Le plus grand animal que nous ayons tué ou essayé de tuer par le choc électrique est un fort gros poulet.
137. En lisant dans la relation que l'ingénieux Docteur Hales a donnée d'un orage arrivé à Stretham , l'effet de la foudre qui avoit dépouillé toute la peinture qui couvroit la moulure dorée d'un panneau de boiserie, sans avoir endommagé le reste de la peinture, il me vint dans l'idée de mettre une couche de peinture sur les filets d'or de la II-50 couverture d'un livre, & d'essayer l'effet d'un grand coup électrique porté à travers cet or par un carreau de verre chargé; mais n'ayant point de peinture sous la main, je collai dessus une bande étroite de papier, & lorsqu'elle fut séche, je portai le coup à travers la dorure; alors le papier fut renversé d'un bout à l'autre avec une telle force qu'il fut déchiré en plusieurs endroits, & qu'en d'autres il emporta une partie des grains du maroquin sur lequel il étoit collé. Je suis persuadé que s'il eût été peint, la peinture auroit été enlevée, de la même manière que celle de la boiserie de Stretham .
138. La foudre fond les métaux, & j'ai avancé dans ma lettre sur ce sujet que je soupçonnois que c'était une fusion froide; je n'entens pas dire une fusion produite par la force du froid, mais une fusion sans chaleur. Nous avons aussi fondu l'or, l'argent & le cuivre en petites quantités par le coup électrique. Voici de quelles manière. Prenez une feuille d'or, d'argent ou de cuivre doré, communément appellé feüille de cuivre ou or d'Hollande: coupez de cette feuille des bandes longues & étroites de la largeur d'une paille: placez une de ces bandes entre deux lames de verre poli, qui soient environ de la largeur II-52 de votre doigt; si une bande d'or de la longueur de la feuille n'est pas assez longue pour le verre, ajoutez-en une autre à son extrémité; de sorte que vous puissiez avoir une petite partie qui déborde à chaque extrémité du verre: attachez ensemble les deux piéces de verre d'un bout à l'autre avec un bon fil de soye: alors placez-les de manière qu'elles fassent partie d'un cercle électrique, les extrémités de l'or qui pendent au dehors servant à faire l'union avec les autres parties du cercle: portez le coup au travers par le moyen d'un grand vase ou d'un carreau de verre électrisé. Si vos lames de verre demeurent entières, vous verrez II-53 que l'or manque en plusieurs endroits, & vous trouverez à la place des taches métalliques sur les deux verres. Ces taches sur le verre supérieur & sur le verre inférieur sont éxactement semblables jusques dans le moindre trait, comme on le peut distinguer en les tenant à la lumière. Le métal nous a paru avoir été non-seulement fondu, mais même vitrifié ou autrement, si enfoncé dans les pores du verre qu'ils paroissent le défendre contre l'action de la plus puissante eau forte & eau régale. Je vous envoye dans une boëte deux petites piéces de verre couvertes de ces taches métalliques, lesquelles II-54 ne peuvent être effacées sans enlever une partie du verre. Quelquefois la tache s'étend un peu plus que la largeur de la feuille, & paroît plus brillante sur le bord, comme vous pouvez l'observer sur celles-ci en les examinant de près. Quelquefois le verre se brise en morceaux; une fois le verre de dessus se cassa en mille piéces qui paroissoient comme des grains de gros sel. Ces morceaux que je vous envoye, ont été tachetés avec l'or d'Hollande; le vrai or fait une tache plus obscure & un peu rougeâtre, l'argent fait la tache verdâtre. Nous prîmes une fois deux morceaux de verre de miroir II-55 fort épais, larges d'environ un pouce & demi & longs de six pouces, & plaçant la feuille d'or entr'eux, nous les mîmes entre deux piéces de bois bien uni, nous les serrâmes dans une petite presse de relieur de livres, & quoiqu'ainsi serrées l'une contre l'autre, la force du choc électrique brisa le verre en plusieurs morceaux.... l'or fut fondu & fit des taches dans le verre à l'ordinaire. Les circonstances de ce brisement de verre varient beaucoup en faisant l'expérience, & quelquefois même le verre n'est point du tout brisé; mais il est constant que les taches des morceaux de dessus & de dessous II-56 sont exactement des contre parties les unes des autres. Et quoique j'aie pris les morceaux de verre entre mes doigts immédiatement après la fusion, je n'y ai jamais senti la moindre chaleur.
139. J'ai dit dans une de mes précédentes lettres que la dorure sur un livre, quoique d'abord elle communiquât parfaitement bien le choc, le manquoit néanmoins après un petit nombre d'expériences, sans que nous pussions en donner la raison. Nous avons trouvé depuis qu'un choc violent rompt la continuité de l'or dans le filet, & le fait paroître comme de la II-57 poussière d'or, quantité de ses parties étant rompuës & écartées; il ne sçauroit guères conduire plus d'un choc dans toute sa force. En voici vraisemblablement la raison, lorsqu'il n'y a pas une parfaite continuité dans le cercle, il faut que le feu saute pardessus les intervalles; il y a une certaine distance qu'il est capable de franchir proportionnellement à sa force; si un nombre de petits intervalles, quoique chacun soit excessivement petit, pris ensemble excèdent cette distance, il ne peut sauter pardessus, & ainsi le choc est empêché ou du moins fort affoibli.
140. En conséquence de la loi de l'Électricité dont nous avons parlé ci-devant, que les pointes; selon qu'elles sont plus ou moins aiguës, tirent & poussent le fluide électrique avec plus ou moins de force, à de plus grandes ou à de moindres distances, & dans de plus grandes ou de plus petites quantités en tems égal, nous pouvons trouver la manière d'expliquer la situation de la feuille d'or suspenduë entre deux lames métalliques, celle d'en haut étant continuellement électrisée, & celle d'en bas dans la mains d'une personne qui est debout sur le plancher. Lorsque la lame supérieure II-59 est électrisée, la feuille est attirée & élevée vers elle, & voleroit à cette lame, si elle n'étoit arrêtée par ses propres pointes; l'angle qui se trouve le plus haut, lorsque la feuille s'élève, ayant la pointe fort aigue à cause de l'extrême ténuité de l'or, tire & reçoit à une certaine distance une quantité suffisante de fluide électrique, pour se donner à lui-même une atmosphère électrique par laquelle son progrès à la lame supérieure est arrêté, & il commence à être repoussé de cette lame, & seroit renvoyé jusqu'à la lame inférieure sans que son angle le plus bas est pareillement une pointe, & II-60 pousse ou décharge le surplus de l'atmosphère de la feuille aussi promptement que l'angle supérieur l'attire; si la finesse de ces deux pointes étoit parfaitement égale, la feuille se placeroit exactement dans le milieu de l'espace, car la pésanteur n'est rien comparée au pouvoir qui agit sur elle; mais elle est généralement plus près de la lame non-électrisée, parce que quand la feuille est présentée à la lame électrisée à une certaine distance, la pointe la plus aiguë est communément affectée la première & élevée vers elle; ainsi cette pointe par sa plus grande finesse recevant le fluide trop tôt II-61 pour que son opposée puisse le décharger à distances égales, elle se retire de la lame électrisée, & s'avance plus près de la lame non-électrisée, jusqu'à ce qu'elle vienne à une distance où la décharge puisse être exactement égale à la charge. Cette dernière étant diminuée, & la première augmentée; & elle y demeure aussi long-tems que le globe continuë à fournir de nouvelle matière électrique. Ceci paroîtra évident, lorsque la différence de la finesse dans les angles sera devenuë fort grande. Coupez un morceau d'or d'Hollande (qui est le meilleur pour ces expériences, parce qu'il est plus fort) II-62 dans la forme de la figure X. que l'angle d'en haut soit un angle droit, les deux suivans des angles obtus, & le plus bas un angle fort aigu, & amenez cet or sur votre lame, qui est sous la lame électrisée, de manière que la partie coupée à angle droit puisse être d'abord élevée, ce qui se fait en couvrant la partie aiguë avec le creux de la main, & vous verrez la feüille prendre place beaucoup plus près de la lame supérieure que de la lame inférieure, parce que sans être plus près, elle ne peut recevoir aussi promptement à la pointe de son angle droit, qu'elle peut décharger à la pointe de son angle II-63 aigu. Tournez cette feüille de façon que la partie aiguë soit la plus élevée, & alors elle se placera tout auprès de la lame non-électrisée, parce qu'elle reçoit plus promptement à la pointe de l'angle aigu qu'elle ne peut décharger à la pointe de l'angle droit; ainsi la différence de la distance est toujours proportionnelle à la différence d'accélération. Prenez garde en coupant votre feuille de ne pas laisser de petits lambeaux sur les extrémités, qui forment quelquefois des pointes où vous ne voudriez pas les avoir; vous pouvez faire cette partie si aiguë dans sa partie inférieure, & si obtuse dans sa II-64 partie supérieure, qu'il ne soit pas besoin de lame inférieure, se déchargeant d'elle-même assez promptement dans l'air. Si elle est plus étroite, comme on le voit dans la figure comprise entre les lignes ponctuées, nous l'appellons le poisson d'or , à cause de sa manière d'agir. Car si vous le prenez par la queuë, & que vous le teniez à un pied, ou à une plus grande distance horizontale du premier conducteur, lorsque vous le laisserez aller, il volera à lui avec un mouvement vif, mais ondoyant, semblable à celui d'une anguille dans l'eau; il prendra place alors sous le premier conducteur, peu-être à II-65 un quart ou à un demi pouce de distance, & remuëra continuellement sa queuë comme un poisson, de sorte qu'il paroît animé. Tournez sa queuë, vers le premier conducteur, & alors il vole à votre doigt & semble le grignoter. Si vous tenez sous lui une lame à six ou huit pouces de distance, & si vous cessez de tourner le globe, lorsque l'atmosphère électrique du conducteur diminuë, il descendra sur la lame, & nagera encore en arrière à plusieurs reprises avec le même mouvement de poisson, ce qui fait un jeu amusant pour les spectateurs. Par une legère pratique d'émousser ou d'aiguiser II-66 les têtes, ou les queuës de ces figures, vous pouvez leur faire prendre la place que vous desirez, plus près ou plus loin de la lame électrisée.
Lû à l'Académie Royale des Sciences,
le 13. Mai 1752. par
M. D'ALIBARD.
Relatives à celles de Philadelphie.
L
e tonnerre est un de ces
phénomènes dont tous les
physiciens ont éssaye de découvrir
la nature, mais dont aucun
n'a encore donné d'explication
satisfaisante. Rien de plus commun
que les effets de ce redoutable
météore, rien de plus ignoré
que leur cause; il semble
II-68
même que plus on a fait d'efforts
pour en approfondir le principe,
plus on s'est écarté de la voye
qui pouvoit y conduire. Les connoissances
physiques n'étoient
point encore assez avancées pour
que l'on pût pénétrer un mistère
dont l'intelligence étoit réservée
à un siécle plus éclairé. Ce qui
a causé la difficulté, ce qui a retardé
jusqu'à présent l'explication
de ce phénomène, c'est
qu'on ne lui voyoit point de rapport
à aucune chose connuë, &
ce n'est que par l'enchaînement
des rapports que l'on peut arriver
d'une connoissance à une autre;
il étoit impossible de rapporter
le tonnerre à son vrai
II-69
principe, puisque le principe
même étoit inconnu. Les plus
sages physiciens en sont restés à
admirer les effets, sans pouvoir
presque rien dire des causes; ou
s'ils en ont hazardé quelqu'explication
on reconnoît aisément
dans leurs écrits que ce n'est
que par des conjectures relatives
ou à leurs préjugés, ou à leurs
affections, ou aux systèmes qu'ils
avoient embrassés, ou aux différentes
sciences qu'ils avoient
le plus cultivées. Les premiers
philosophes regardoient le tonnerre
comme un attribut des
Dieux, ou comme un esprit,
& ne poussoient pas plus loin
leurs recherches à ce sujet; d'autres
II-70
philosophes imaginèrent que
les corps célestes se renvoyoient
mutuellement des influences
dont la rencontre produisoit ce
météore: la plupart des physiciens
en ont cherché la cause
dans les exhalaisons des matières
inflammables de la terre. Les
chimistes ont prétendu en avoir
découvert le principe dans le
mêlange du nitre, du souffre &
du fer, des esprits acides & des
huiles essentielles; enfin chaque
physicien a saisi le moindre rapport
qu'il a pû appercevoir entre
ce phénomène & ce qu'il
connoissoit d'ailleurs pour en développer
la nature, & chacun
l'a expliquée à sa façon, mais
II-71
cette matière est toujours demeurée
en problême.
Ce n'est que depuis peu d'années que l'on a commencé à avoir sur ce sujet des soupçons mieux fondés.
M. Gray 41 est le premier à qui le tonnerre & les éclairs aient paru tenir beaucoup de la nature du feu & de la lumière électrique. Cette première opinion a été plus approfondie par MM. l'Abbé Nolet, 42 Hales, 43 & Barberet 44 ; ils ont trouvé II-72 une analogie surprenante entre les effets du tonnerre & ceux de l'électricité; mais tout ce qu'ils en ont dit les uns & les autres n'étoit encore qu'une conjecture, il falloit des observations suivies, des expériences certaines, des faits bien constatés; tout cela se trouve dans les lettres de M. Franklin. Il ne manquoit à cet ingénieux physicien qu'une dernière preuve pour achever de le convaincre que la matière du tonnerre est absolument la même que celle de l'électricité; n'étant pas apparemment trop à portée d'acquérir II-73 cette preuve par lui-même, il nous a enseigné le moyen d'y parvenir.
Après avoir répété avec un succés plus que complet toutes les expériences de Philadelphie, après m'être confirmé dans la confiance entière que j'ai aux sçavantes propositions qui y sont établies & démontrées, j'ai entrepris de vérifier jusqu'aux conjectures de mon auteur; & j'en suis venu à obtenir cette dernière preuve qui manquoit à sa conviction. L'importance du sujet m'a paru mériter l'attention de l'Académie. Le résultat de l'expérience dont je vais rendre compte, ne va pas moins qu'à II-74 faire connoître la nature du tonnerre, à le soumettre, pour ainsi dire, au pouvoir des hommes, à dissiper ce redoutable météore, & à prévenir ses funestes effets.
Mais pour me faire mieux entendre, sur tout de ceux qui ne sont point assez au fait des expériences de Philadelphie, j'en vais rapporter un extrait de ce qui est relatif à mon objet, & j'y ajouterai quelques autres observations dont je ne suis pas moins sûr.
1º. La matière électrique est un fluide, une espèce de feu répandu dans toute la nature en différentes proportions.
2. Quoique les corps contiennent II-75 chacun une certaine quantité de ce feu, on les a distingués en corps électriques & corps non-électriques. Ces distinctions sont assez connuës.
3. Les premiers sont propres à communiquer ce feu, & non à le conduire: les derniers le reçoivent & le transmettent, sans pouvoir le communiquer par eux-mêmes.
4. En ce sens l'air est naturellement électrique, & l'eau ne l'est pas.
5. Les corps non-électriques retiennent le feu dont ils ont été une fois chargés, jusqu'à ce qu'il en approche d'autres corps qui en ayent moins; alors le feu II-76 se communique avec bruit, & se distribue également entr'eux.
6. L'eau étant électrisée, les vapeurs qui s'en exhalent le sont aussi.
7. Les particules de matière électrisée se repoussent mutuellement; delà vient apparemment que l'électricité, aussi bien que la chaleur, augmente l'évaporation des liqueurs.
8. Le frottement entre un corps non-électrique & un corps originairement électrique produit le feu électrique, non en le créant, mais en le rassemblant.
9. La mer est un composé d'eau corps non-électrique, & de sel corps originairement électrique.
10. Lorsqu'il y a du frottement entre les parties voisines de sa surface, la matière électrique y est rassemblée des parties inférieures & y devient apparente. C'est ce qu'on remarque dans le sillage d'un vaisseau, sous les coups de rames, dans l'écume & dans les parties d'eau agitées par le vent. Enfin dans une tempête toute la mer paroît en feu.
11. Les particules d'eau détachées étant alors repoussées de sa surface électrisée, emportent avec elles le feu électrique qui a été rassemblé, & en s'élèvant elles s'attachent elles-mêmes aux particules d'air qu'elles rencontrent.
12. Les particules d'air ainsi chargées & appésanties par les particules d'eau qui y sont adhérentes, retomberoient bientôt sur la terre, si le feu électrique attaché à ces dernieres ne les rendoit spécifiquement plus légères. La chaleur du soleil contribuë encore à les alléger.
13. Aidées de ces deux puissances le feu électrique & le feu commun, les vapeurs de la mer s'élèvent fort haut dans l'air, & y forment des nuages chargés comme elles de l'un & l'autre feu.
14. Quand même ces nuages fortement électrisés viendroient à s'élever dans la région la plus II-79 froide au-dessus de la terre, le froid qu'ils y rencontreroient pourroit diminuer leur feu commun; mais loin de diminuer leur feu électrique, il ne feroit qu'en augmenter la force.
15. Les nuages formés des exhalaisons de la terre, ayant peu de feu électrique, ne s'élèvent pas beaucoup, & déposent leur eau promptement & aisément; c'est de là que les vents de terre qui soufflent sur mer se font facilement reconnoître par leur sécheresse.
16. Il en est tout autrement des nuages formés des exhalaisons de la mer; ayant beaucoup de feu électrique, ils soutiennent II-80 fortement leur eau, s'élèvent à une grande hauteur, & poussés par les vents peuvent la conduire du milieu de l'Océan au milieu du plus vaste continent.
17. Ces nuages électrisés étant poussés par les vents, sont attirés par les montagnes auxquelles ils communiquent leur feu électrique: alors les particules d'eau se rapprochent & tombent en rosée, si l'air est peu chargé; mais s'il est fort chargé, le feu électrique sort tout à la fois d'un nuage entier, & en l'abandonnant il brille comme un éclair & fait un bruit violent; dans ce cas les particules d'eau se réunissent II-81 faute de ce feu, & tombent en grosses ondées.
18. Lorsqu'une montagne attire ainsi les nuées, & tire le feu électrique du premier nuage qui l'aborde, celui qui suit, lorsqu'il approche du premier actuellement dépouillé de son feu, lui lance le sien, & commence à déposer son eau propre. Le premier nuage communiquant ce nouveau feu à la montagne, un troisiéme nuage survient, & tous les autres arrivant successivement agissent de la même manière sur ceux qui les précèdent & sur la montagne, d'aussi loin qu'ils s'étendent en arrière, ce qui peut être sur une étendue II-82 de pays de quelques centaines de lieuës.
19. Delà viennent les déluges de pluyes, les tonnerres, les éclairs presque perpétuels sur les montagnes les plus élevées, du pied desquelles les plus grands rivières tirent leurs sources.
20. Quoique les endroits voisins des hautes montagnes soient ceux où le tonnerre est le plus fréquent, ce ne sont pas les seuls qui y soient sujets; il se fait aussi entendre dans les pays plats & unis, & les nuages de mer y déposent leurs eaux sans y être arrêtés par les montagnes. Mais dans ce cas ce sont les nuages de terre qui font l'office des montagnes. II-83 Ceux-ci non-électrisés & beaucoup moins élevés venant à passer sous ceux-là qui sont électrisés & fort élevés, les attirent, en reçoivent le feu électrique, & par ce moyen sont contraints les uns & les autres de laisser tomber subitement les eaux dont ils étoient chargés.
21. Personne ne doute que les corps électrisés ne soient entourés d'une atmosphère électrique d'une étenduë considérable & précisément de la même figure que ces corps. On peut même rendre cette atmosphère visible en excitant au-dessous du corps électrisé une fumée de résine bien séche. L'attraction & II-84 la répulsion se font dans toute l'étenduë de cette atmosphère, quoique le feu électrique ne puisse se communiquer de si loin, du moins avec bruit; c'est pour cette raison qu'un nuage de terre non-électrisé venant à passer au-dessous d'un nuage de mer fort électrisé, l'attire à une très-grande distance.
22. Quand plusieurs nuages de mer rencontrent plusieurs nuages de terre, le feu électrique s'élance de différens côtés, & les élancemens continuënt jusqu'à ce que le feu électrique soit également répandu dans tous ces nuages.
23. La distance où se font les II-85 élancemens du feu électrique étant relative à l'étenduë des corps électrisés, si dans les expériences électriques deux canons de fusil électrisés frappent à deux pouces de distance & font un éclat & un bruit sensible, à quelle distance énorme ne doivent pas être portés le coup, le bruit & le feu d'un nuage de dix mille arpens électrisé?
24. Comme les courans d'air avec les nuages suivant des routes différentes, il est aisé de concevoir comment les nuages passant les uns sous les autres peuvent s'attirer réciproquement & s'approcher suffisamment pour le choc électrique. On conçoit de II-86 même comment les nuages électrisés peuvent être emportés sur les terres fort loin de la mer sans aucun obstacle.
25. Le feu électrique n'est visible & ne se fait entendre que quand il traverse l'air pour sauter d'un corps à un autre; on ne l'apperçoit point le long d'un fil de fer dans les expériences électriques; & on le voit le long d'une chaîne, parce qu'il saute de chaînon en chaînon. De même le feu du tonnerre ne brille que quand il saute d'un nuage à un autre. Quoique l'éclair & le coup partent en même tems, l'on ne voit le premier avant d'entendre le second, que parce que la lumière II-87 vole plus rapidement que le son; d'où il suit naturellement que l'on peut juger de l'éloignement du tonnerre par la distance de l'éclair au bruit, & qu'il n'y a jamais rien à craindre d'un éclat de tonnerre dont on a vû l'éclair.
26. Une étincelle électrique tirée à quelque distance d'un corps irrégulier par un autre corps pareil, paroît courbée & ondoyante dans l'air; delà vient l'apparition de l'éclair en zic-zac.
27. Les éminences, les grands arbres & les édifices élevés sont les plus exposés à être frappés du tonnerre; ainsi il est dangereux II-88 d'y chercher un abri pendant l'orage.
28. Une autre raison pourquoi il vaudroit mieux être en rase campagne, c'est que le feu électrique, s'il y atteignoit quelqu'un, pourroit glisser sur ses habits mouillés, sans lui faire de mal. Un rat mouillé ne peut être tué par l'explosion de la bouteille électrique.
29. Le feu électrique & le feu commun peuvent subsister, & subsistent ensemble dans le même corps. Le premier agit sur le second; & une quantité suffisante de l'un & de l'autre en différentes proportions produit l'inflammation.
30. Les métaux sont souvent fondus par la foudre, & ces sortes de fusions sont froides ou chaudes. La fusion froide ou sans chaleur n'est qu'une désunion des particules métalliques qui détruit l'attraction par laquelle leur cohésion subsistoit. C'est la même manière dont les menstruës agissent sur le métal. Quand une épée est fonduë dans son fourreau, & l'argent dans une bourse, sans que le fourreau & la bourse soient brûlés, il faut nécessairement que ce soit par une espèce de fusion froide. Je pourrois citer plusieurs autres exemples de faits tout semblables; mais pour abréger je dirai II-90 seulement que l'on imite cet effet dans une des expériences électriques de Philadelphie.
Il y a aussi des exemples que la foudre opère quelquefois des fusions de métaux par chaleur, ce sont alors de véritables fusions, des fusions brûlantes. Quoiqu'on n'ait pas encore poussé les expériences électriques jusqu'à des opérations pareilles, je ne doute point qu'on n'y parvienne dans la suite.
31. Comme il y a des corps qui ont été déchirés par la foudre, il y en a de même qui sont déchirés par l'étincelle électrique. En répétant l'expérience où l'on perce une main de papier, II-91 & où j'en ai souvent percé jusqu'à 96. feüilles, j'ai remarqué que les dernières feüilles ont quelquefois souffert une déchirure telle qu'on pouvoit y passer le doigt.
32. Il s'ensuit des observations précédentes qu'on devroit entendre très-rarement le tonnerre en pleine mer, lorsque l'on est fort éloigné de la terre. Quelques anciens officiers de marine qui ont été consultés sur ce sujet, assurent que le fait s'accorde parfaitement avec la conjecture, & que les isles éloignés du continent sont fort peu sujettes à l'orage. Un observateur judicieux a remarqué qu'il avoit II-92 moins entendu de tonnerre pendant treize ans qu'il a demeuré aux Bermudes, qu'il n'en a quelquefois entendu dans un mois à la Caroline.
33. M. Franklin ajoute à toutes ces observations celles de quelques effets singuliers du tonnerre, & rapporte à ce sujet des effets tout à fait semblables de l'électricité: par exemple des aveuglemens causés par l'un aussi bien que par l'autre: des filets dorés sur lesquels on avoit mis de la peinture, qui ont été découverts par l'électricité, de même que par le tonnerre; il y a une infinité d'autres effets de ce météore que l'on pourroit II-93 rappeller ici, & dont le rapport avec ceux de l'électricité peut se démontrer aussi facilement. Mais pour ne point quitter M. Franklin, je passe à une de ses expériences, qui paroît bien décisive pour le sujet dont il est question.
Si l'on suspend au plat-fond d'une chambre par une ficelle de grandes balances de cuivre, dont le fléau ait au moins 2. pieds de longueur, de manière que les bassins attachés à des cordons de soye soient environ à un pied de terre, ces bassins tourneront circulairement par le détortillement de la ficelle. Si l'on plante sur le plancher un poinçon de métal, dont la tête soit arrondie II-94 & polie, de façon que les bassins puissent passer pardessus en décrivant leur cercle; si dans cet état on électrise un des bassins en lui appliquant le fil-d'archal de la bouteille électrique, on verra ce bassin s'abaisser en passant sur le poinçon, & même décharger son feu sur cet instrument, s'il est à une distance convenable.
Si après cela on attache une aiguille la pointe en haut sur le plancher auprès du poinçon, la tête de cet instrument, loin d'attirer comme auparavant le bassin électrisé, semblera le repousser, parce que la pointe de l'aiguille, quoique beaucoup plus basse, II-95 aura tiré le feu électrique dont le bassin étoit chargé, avant qu'il soit venu à portée d'être attiré par la tête du poinçon.
Ces deux bassins peuvent nous représenter deux nuages, l'un un nuage de mer, & l'autre un nuage de terre; leur mouvement horizontal sur le plancher sera dans la même hypothèse, celui des nuages au-dessus de la terre, & le poinçon élevé représentera une montagne, une éminence ou un grand édifice; on comprendra alors comment les nuages électrisés, en passant au-dessus des montagnes ou des bâtimens à une trop grande hauteur pour les frapper, en peuvent II-96 être attirés jusqu'à la distance qui leur est nécessaire pour cet effet.
Comme d'ailleurs l'aiguille fixée la pointe en haut sur le plancher au dessous du poinçon tire en silence le feu électrique du bassin à une distance beaucoup plus grande que la distance requise pour frapper, & prévient ainsi la descente vers le poinçon: comme le bassin électrisé, quand même il viendroit par son propre mouvement assez près pour frapper, ne pourroit le faire, parce qu'il auroit alors été dépoüillé de la plus grande partie de son feu: comme enfin dans ces deux cas le poinçon seroit toujours garanti II-97 du choc, il est plus que probable que la connoissance du pouvoir des pointes peut être d'un très-grand avantage à l'humanité pour préserver des atteintes de la foudre des maisons, les églises, les vaisseaux, &c.
Il ne s'agiroit, pour y parvenir, que de fixer perpendiculairement sur les parties les plus élevées de ces édifices des verges de fer faites en forme d'aiguilles, & dorées pour prévenir la rouille, & d'abaisser du pied de ces verges, un fil-d'archal au dehors des bâtimens, jusqu'à ce qu'il touchât la terre ou l'eau de la mer. Ces verges de fer bien pointuës tireroient probablement II-98 & tireroit sans bruit le feu électrique hors du nuage, avant qu'il vint assez près pour frapper & pour causer aucun désastre.
Mais avant que d'en venir à cet expédient il restoit un problême à résoudre. Toutes les observations pouvoient paroître bien faites, toutes les réflexions naturelles, tous les raisonnemens suivis, toutes les inductions justes, sans que pour cela le succès répondît à la vraisemblance. Il étoit question de décider avant tout si les nuées qui contiennent la foudre sont électrisées ou non; c'est ce doute qui a empêché M. Franklin de prononcer hardiment II-99 sur toute cette matière. Ce que sa pénétration & la justesse de son raisonnement lui ont fait reconnoître, sa droiture & sa sincérité n'ont osé l'assurer. Tout ce qu'il a pû faire dans cette circonstance embarrassante, ç'a été de proposer sa conjecture, & de nous enseigner les moyens de décider la question. En suivant la route qu'il nous a tracée, j'ai obtenu une satisfaction complette. Voici les préparatifs, le procèdé & le succès.
1º. J'ai fait faire à Marly-la-Ville, situé à six lieuës de Paris, au milieu d'un belle plaine, dont le sol est fort élevé, une verge de fer d'environ un pouce II-100 diamètre, longue de quarante pieds & fort pointuë par son extrémité supérieure; pour lui ménager une pointe plus fine, je l'ai fait armer d'acier trempé & ensuite brunir, au défaut de dorure, pour la préserver de la rouille; outre cela cette verge de fer est courbée vers son extrémité inférieure en deux coudes à angles aigus quoiqu'arondis; le premier coude est éloigné de deux pieds du bout inférieur, & le second est en sens contraire à trois pieds du premier.
2º. J'ai fait planter dans un jardin trois grosses perches de vingt-huit à vingt-neuf pieds disposées en triangle, & éloignées II-101 les unes des autres d'environ huit pieds; deux de ces perches sont contre un mur, & la troisiéme est au-dedans du jardin. Pour les affermir toutes ensemble l'on a cloué sur chacune des entre-toises à vingt pieds de hauteur, & comme le grand vent agitoit encore cette espèce d'édifice, l'on a attaché au haut de chaque perche de longs cordages, qui tenant lieu d'aubans, répondent par le bas à de bons piquets fortement enfoncés en terre à plus de vingt pieds des perches.
3º. J'ai fait construire entre les deux perches voisines du mur, & adosser contre ce mur une II-102 petite guérite de bois capable de contenir un homme & une table.
4º. J'ai fait placer au milieu de la guérite une petite table d'environ un demi pied de hauteur, & sur cette table j'ai fait dresser & affermir un tabouret électrique. Ce tabouret n'est autre chose qu'une petite planche quarrée portée sur trois bouteilles à vin; il n'est fait de cette manière que pour suppléer au défaut d'un gâteau de résine qui me manquoit.
5º. Tout étant ainsi préparé, j'ai fait élever perpendiculairement la verge de fer au milieu des trois perches, & je l'ai affermie II-103 en l'attachant à chacune de ces perches avec de forts cordons de soye par deux endroits seulement. Les premiers liens sont au haut des perches environ trois pouces au-dessous de leurs extrémités supérieures: les seconds sont vers la moitié de leur hauteur. Le bout inférieur de la verge de fer est solidement appuyé sur le milieu du tabouret électrique, où j'ai fait creuser un trou propre à le recevoir.
6º. Comme il étoit important de garantir de la pluye le tabouret & les cordons de soye, parce qu'ils laisseroient passer la matière électrique s'ils étoient mouillés, j'ai pris les précautions II-104 nécessaires pour en empêcher: c'est dans cette vûe que j'ai mis mon tabouret sous la guérite, & que j'avois fait courber ma verge de fer à angles aigus, afin que l'eau qui pourroit couler le long de cette verge ne pût arriver jusques sur le tabouret. C'est aussi dans le même dessein que j'ai fait clouer sur le haut & au milieu de mes perches à trois pouces au-dessus des cordons de soye, des espèces de boëtes formées de trois petites planches d'environ 15. pouces de long, qui couvrent pardessus & par les côtés une pareille longueur des cordons de soye sans leur toucher.
Il s'agissoit de faire dans le tems de l'orage deux observations sur cette verge de fer ainsi disposée; l'une étoit de remarquer à sa pointe une aigrette lumineuse semblable à celle qu'on apperçoit à la pointe d'une aiguille, quand on l'oppose assez près d'un corps actuellement électrisé: l'autre étoit de tirer de la verge de fer des étincelles, comme on en tire du canon de fusil dans les expériences électriques. J'étois bien assuré du succès de la première de ces observations, m'étant rappellé que cette aigrette est connuë il y a deux ou trois mille ans. Les plus anciens auteurs, Homère, Aristote, II-106 Plutarque, Horace, &c. en ont parlé sous le nom d'astre d'Hélène, quand il n'en paroissoit qu'une, & sous les noms de Castor & Pollux, quand on en voyoit deux.
Il n'est point rare aux navigateurs d'appercevoir ces aigrettes lumineuses au haut des mâts, au bout des vergues, en un mot dans les endroits élevés, où il y a des pointes dressées en l'air, surtout pendant la nuit, à l'approche & dans le tems des orages; c'est ce qu'ils appellent le feu S. Elme. Outre cela un de mes amis de province m'a mandé avoir remarqué plusieurs fois dans des orages de nuit un feu follet à la pointe de la verge de II-107 fer d'une girouette qui se trouvoit devant la fenêtre de son appartement.
La certitude de cette première observation me donnoit aussi beaucoup de confiance pour la seconde; j'ose même dire que je n'étois pas moins assuré de son succès. Il me paroissoit impossible que la verge de fer étant bien isolée de tous corps non-électriques, ne donnât pas des étincelles, dès qu'elle tiroit & recevoit la matière électrique par sa pointe, mais il falloit voir ces étincelles.
Après avoir ainsi dressé toute la machine, ne pouvant pas toujours rester à la campagne pour II-108 attendre l'orage, j'ai chargé de faire les observations en mon absence un habitant du lieu, nommé Coiffier, qui a servi quatorze ans dans les dragons, & sur qui je pouvois également compter pour l'intelligence & pour l'intrépidité. Je lui avois donné toutes les instructions nécessaires, soit pour observer l'aigrette lumineuse qui devoit paroître à la pointe de la verge de fer, soit pour tirer les étincelles de cette verge avec le tenon d'un fil-d'archal que j'avois attaché au collet d'une longue fiole pour lui servir de manche, & par ce moyen le garantir des piqûres de ces étincelles qui II-109 pouroient être trop fortes.
Je lui avois encore recommandé de faire venir auprès de la machine quelques-uns de ses voisins, & même de faire avertir M. le Prieur Curé de Marly, qui m'avoit promis de s'y trouver sitôt que le tems paroîtroit disposé à l'orage.
Le Mercredi 10. Mai 1752. entre deux & trois heures après midi, mon ami Coiffier entendit un coup de tonnerre assez fort: il vole à la machine, prend la fiole avec le fil-d'archal, présente le tenon du fil à la verge, en voit sortir une petite étincelle brillante, & en entend le pétillement; il tire une seconde II-110 étincelle plus forte que la première & avec plus de bruit: il appelle ses voisins, & envoye chercher M. le Prieur: celui-ci accourt de toutes ses forces; les Paroissiens voyant la précipitation de leur Curé, s'imaginent que le pauvre Coiffier a été tué du tonnerre; l'allarme se répand dans le village: la grêle qui survient n'empêche point le troupeau de suivre son Pasteur. Cet honnête Ecclésiastique arrive près de la machine, & voyant qu'il n'y avoit point de danger, met lui-même la main à l'oeuvre, & tire de fortes étincelles. La nuée d'orage & de grêle ne fut pas plus d'un quart-d'heure à II-111 passer au zénith de notre machine, & l'on n'entendit que ce seul coup de tonnerre. Sitôt que le nuage fut passé, & qu'on ne tira plus d'étincelles de la verge de fer, M. le Prieur de Marly fit partir le sieur Coiffier lui-même pour m'apporter la lettre suivant qu'il m'écrivit à la hâte.
«Je vous annonce, Monsieur, ce que vous attendez; l'expérience est complette. Aujourd'hui à deux heures vingt minutes après midi le tonnerre a grondé directement sur Marly; le coup a été assez fort. L'envie de vous obliger & la curiosité m'ont tiré de mon fauteüil, où j'étois occupé à lire: je suis II-112 allé chez Coiffier, qui déjà m'avoit dépêché un enfant que j'ai rencontré en chemin pour me prier de venir, j'ai doublé le pas à travers un torrent de grêle. Arrivé à l'endroit où est placé la tringle coudée j'ai présenté le fil-d'archal, en avançant successivement vers la tringle à un pouce & demi ou environ; il est sorti de la tringle une petite colonne de feu bleuâtre sentant le souffre, qui venoit frapper avec une extrême vivacité le tenon du fil-d'archal, & occasionnoit un bruit semblable à celui qu'on feroit en frappant sur la tringle avec une clef. J'ai répèté l'expérience II-113 au moins six fois dans l'espace d'environ quatre minutes en présence de plusieurs personnes, & chaque expérience que j'ai faite a duré l'espace d'un pater & d'un ave . J'ai voulu continuer; l'action du feu s'est rallentie peu à peu; j'ai approché plus près, & n'ai plus tiré que quelques étincelles, & enfin rien n'a paru.»
«Le coup de tonnerre qui a occasionné cet événement n'a été suivi d'aucun autre; tout s'est terminé par une abondance de grêle. J'étois si occupé dans le moment de l'expérience de ce que je voyois, qu'ayant été frappé au bras un peu au-dessus II-114 du coude, je ne puis dire si c'est en touchant au fil-d'archal ou à la tringle: je ne me suis pas plaint du mal que m'avoit fait le coup dans le moment que je l'ai reçu; mais comme la douleur continuoit, de retour chez moi j'ai découvert mon bras en présence de Coiffier, & nous avons apperçu une meurtrissure tournante autour du bras, semblable à celle que feroit un cou de fil-d'archal si j'en avois été frappé à nud. En revenant de chez Coiffier j'ai rencontré M. le Vicaire, M. de Milly & le maître d'école à qui j'ai rapporté ce qui venoit d'arriver; II-115 ils se sont plaint tous les trois qu'ils sentoient une odeur de soufre qui les frappoit davantage à mesure qu'ils approchoient de moi: j'ai porté chez moi la même odeur, & mes domestiques s'en sont apperçus sans que je leur aie rien dit.»
«Voilà, Monsieur, un récit fait à la hâte, mais naïf & vrai que j'atteste, & vous pouvez assurer que je suis prêt à rendre témoignage de cet événement dans toutes occasions. Coiffier a été le premier qui a fait l'expérience, & l'a répétée plusieurs fois; ce n'est qu'à l'occasion de ce qu'il a vû qu'il m'a envoyé prier de venir. S'il étoit II-116 besoin d'autres témoins que de lui & moi, vous les trouveriez. Coiffier presse pour partir.»
«Je suis avec une respectueuse considération, Monsieur, votre, &c. signé Raulet, Prieur de Marly. 10. Mai 1752.»
On voit par le détail de cette lettre que le fait est assez bien constaté pour ne laisser aucun doute à ce sujet. Le porteur m'a assuré de vive voix qu'il avoit tiré pendant près d'un quart-d'heure avant que M. le Prieur arrivât, en présence de cinq ou six personnes, des étincelles beaucoup plus fortes & plus bruyantes que celles dont il est parlé dans la lettre. Ces premières II-117 personnes arrivant successivement n'osoient approcher qu'à dix ou douze pas de la machine, & à cette distance, malgré le plein soleil, ils voyoient les étincelles & en entendoient le bruit.
Il ne parut point d'aigrette lumineuse à la pointe de la verge de fer; il y en avoit cependant une, & Coiffier m'a dit y avoir apperçu une très-foible lueur; mais d'abord la lumière du soleil, & ensuite l'opacité de la grêle la dérobèrent bientôt à la vûe; d'ailleurs il y a toute apparence que l'aigrette seroit plus visible à la pointe d'une verge de fer qui ne seroit point isolée.
La comparaison des odeurs du II-118 tonnerre & de l'électricité n'a point échapé à mes recherches pour en tirer une preuve de leur identité; mais comme je ne connois point assez l'odeur du météore, je n'ai pas voulu m'y arrêter. Pour l'odeur de soufre dont il est parlé dans la lettre, elle pourroit bien être la même que celle de phosphore que l'on sent après de violentes explosions dans certaines expériences électriques. Quand on ne connoît pas bien distinctement l'une & l'autre, il est fort aisé de s'y méprendre.
Enfin il me paroît évidemment prouvé par l'expérience de Marly que le tonnerre est pour II-119 le moins aussi propre que le globe de verre à communiquer l'électricité aux corps non-électriques, & que les corps originairement électriques, comme le verre & la soye, retiennent aussi bien cette électricité naturelle que celle qu'on excite artificiellement. Je ne doute même point, & je crois que personne n'en doutera, que si l'orage duroit quelque tems, on ne pût faire avec cette électricité naturelle toutes les mêmes expériences que l'on fait avec l'artificielle.
Il résulte de toutes les expériences & observations que j'ai rapportées dans ce mémoire, & II-120 surtout de la dernière expérience faite à Marly-la-Ville, que la matière du tonnerre est incontestablement la même que celle de l'électricité. L'idée qu'en a euë M. Franklin cesse d'être une conjecture; la voilà devenuë une réalité, & j'ose croire que plus on approfondira tout ce qu'il a publié sur l'électricité, plus on reconnoîtra combien la Physique lui est redevable pour cette partie.
Il ne me reste plus qu'à dire quelque chose des avantages qu'on peut retirer de cette importante découverte. Puisqu'il est bien reconnu qu'une pointe métallique présentée à quelque II-121 distance vis-à-vis d'un corps actuellement électrisé en tire le feu, & le décharge entiérement sans bruit, sans explosion & sans commotion: puisqu'il est également vérifié qu'une verge de fer présentant sa pointe bien acérée vers un nuage chargé de tonnerre, tire en silence la matière électrique de ce nuage, dès qu'il est assez proche pour que la verge se trouve dans on atmosphère électrique, cette verge suffira pour le décharger entiérement de tout le feu qui y est retenu, & elle opérera ce bon effet d'autant plus surement & plus facilement que la nuée orageuse sera plus près & II-122 plus long-tems à passer à portée de la pointe.
Delà résultent les avantages infinis de dissiper presque à volonté la matière du tonnerre, & de préserver de ses atteintes les édifices tant publics que particuliers. Je suis persuadé que, si au lieu de terminer, comme on le fait ordinairement, les toits des pavillons, des tours, des clochers & les mâts des vaisseaux &c. par des giroüettes, par des coqs, par des croix, par des perroquets, &c. On y dressoit des pointes métalliques de la manière dont il a été expliqué ci-devant, on garantiroit ces édifices de la foudre. Dans la II-123 supposition même où ces pointes ainsi élevées, en tirant le feu des nuages orageux, en seroient assaillies par une quantité excessive, ou, pour me servir des expressions usitées, quand ces pointes fendroient la nuë, & attireroient sur elles un orage tout entier, le fil de fer attaché à leur extrémité inférieure suffiroit pour conduire ce feu jusqu'à la terre ou à l'eau au dehors des édifices, sans que la foudre pût leur toucher; la raison m'en paroît évidente. Comme le métal est moins électrique, & par-là plus perméable à l'électricité que les pierres, les bois & les autres matériaux qui entrent dans II-124 la construction d'un bâtiment; le feu électrique ne quittera point cette route que quand elle lui manquera.
Pour calmer les craintes de ceux qui, malgré ces raisons, pourroient appréhender que les pointes élevées sur leurs maisons n'y attirassent le feu du ciel, j'ajouterai ici un autre moyen de les mettre tout-à-fait en sureté. Il consiste à élever dans le voisinage autour de leurs châteaux ou maisons plusieurs de ces mêmes verges métalliques sur de grands arbres, sur des tours, sur des éminences, &c. ou simplement à les planter en terre, pourvû qu'elles ayent assez de longueur II-125 pour surpasser, ou tout au moins pour égaler la hauteur des édifices que l'on voudra préserver. S'il pouvoit arriver que le tonnerre tombât sur ces verges, il ne pourroit y faire aucun désordre. Il ne faudroit peut-être pas une centaine de verges de fer ainsi dressées & disposées dans les différens quartiers & dans les endroits les plus élevés, pour préserver de la foudre toute la Ville de Paris.
«Dès que ce mémoire eut été lû à l'Académie Royale des Sciences, où il avoit été écouté avec la plus grande attention, & reçu avec l'accueil le plus obligeant, le bruit s'en II-126 répandit; cette découverte fut mise dans toutes les nouvelles publiques, & l'expérience fut repétée avec le même succès dans toutes les parties de l'Europe. On imagina différens moyens pour élever des verges de fer pointuës suivant la situation des lieux, & il s'en trouva de très-ingénieux. Celui par exemple de dresser une pointe métallique au-dessus d'un cerf-volant que l'on élève en l'air à l'approche d'un orage, a fait voir des phénomènes très-singuliers. La matière électrique y étoit si abondante qu'elle faisoit à chaque instant des explosions assez bruyantes pour être II-127 entenduës à des distances considérables. Ces explosions doivent être regardées, & sont réellement autant de petits coups de tonnerre dont les effets pourroient être aussi funestes pour ceux qui se trouveroient à portée d'en être frappés. L'exemple de M. Richman, professeur de physique à Petersbourg & martyr de l'électricité, suffiroit seul pour avertir qu'il est quelquefois dangereux de s'approcher sans beaucoup de précaution de la verge de fer électrisée par le tonnerre. Il paroît par la relation de sa mort, arrivée le 6. Août 1753. & insérée dans les gazettes II-128 d'Hollande & de France du mois de Septembre suivant, qu'il n'a pas été tué par le tonnerre tombé directement du ciel, mais par l'explosion de la matière électrique dont la barre de fer trop bien isolée se trouva surchargée au moment que sa tête en approcha pendant qu'il faisoit ses observations.»
«Il est encore arrivé deux accidens du même genre, quoique moins tragiques, à deux célèbres physiciens, dont l'un 45 est associé & l'autre 46 correspondant II-129 de l'Académie Royale des Sciences. Tous les deux furent renversés par le coup dont ils furent frappés en voulant tirer des étincelles de leur appareil électrique. Un degré de plus dans la charge de cet appareil leur eût vraisemblablement fait éprouver un sort aussi funeste qu'au physicien Moscovite. Mais je suis sûr que les précautions dont je me suis presque toujours servi en pareil cas, auroient pû les en garantir, & j'exhorte tous ceux qui voudront faire de pareilles observations sur le tonnerre, à mettre en usage ces mêmes précautions.»
«Peu de jours après la publication du mémoire ci-dessus, j'imaginai adapter un petit carillon à une pointe métallique que j'avois fait élever au jardin du Roi pour M. de Buffon; ce carillon est composé de deux petits timbres, dont l'un est attaché au fil de fer correspondant à la pointe, & l'autre à la muraille, avec une petite boule de métal suspenduë entre deux par un fil de soye pour servir de battant. Dès le premier orage qui arriva le jour même, le carillon sonna plus d'une demi-heure avant que le tonnerre grondât & avant que les éclairs parussent. II-131 Par ce moyen nous avons toujours été avertis depuis de l'approche des nuages orageux; il nous est même arrivé plusieurs fois, à M. de Buffon & à moi, d'entendre sonner le carillon sans aucune apparence de tonnerre. Quand un nuage chargé d'électricité vient à passer au-dessus de la pointe métallique à une grande distance, il met le carillon en mouvement, & soit qu'il n'y ait point assez de matière pour causer un véritable orage, soit que la pointe en dissipe assez pour en empêcher, tout se passe sans fracas.»
«Ce carillon ainsi adapté à la II-132 machine du tonnerre sert à plusieurs usages importans; 1°. il avertit de l'approche ou de la présence d'un nuage orageux tant la nuit que le jour; 2°. il fait connoître l'abondance de la matière électrique dont un nuage est chargé, par la fréquence plus ou moins grande de ses battemens, & même par son silence, comme on le verra dans la suite; 3°. étant une décharge continuelle de la matière électrique, qui s'accumule sur la machine du tonnerre, il est suffisant pour en prévenir les funestes accidens. Je suis très-persuadé que ni M. Richman ni les autres n'auroient II-133 point été frappés si rudement, s'il y avoit eu de pareilles décharges aux machines dont ils se sont servis.»
29. Juin 1751.
D
ans la relation que le capitaine
Waddel a donnée
des effets de la foudre sur son
vaisseau, je ne puis m'empêcher
de remarquer les grosses
lampes
comazants
, (comme il
les appelle) qui parurent sur les
pointes du haut des perroquets
toutes en feu comme de grosses
torches (avant le coup de tonnerre);
suivant mon sentiment le
II-134
feu électrique étoit alors tiré de la
nuée comme par des pointes, la
grosseur de la flamme marquant
la grande quantité d'électricité
dans la nuée; & s'il y avoit eu un
bon fil-d'archal de communication
des pointes du sommet des
perroquets à la mer, qui eût
conduit plus librement que des
cordes goudronnées ou des mâts
de bois résineux, j'imagine qu'il
n'y auroit point eu de coup de
foudre, ou que s'il y en eût eu,
le fil-d'archal l'auroit conduit
tout entier dans la mer sans endommager
le vaisseau.
Ses boussoles perdirent la vertu de l'aiman, ou les pôles en furent changés; la pointe II-135 du nord se tourna vers le sud. Par le moyen de l'électricité nous avons souvent ici (à Philadelphie) donné aux aiguilles la direction au pôle, & nous en avons changé les pôles à notre gré.
À Londres M. Wilson a essayé cette opération sur de trop grosses masses & avec une force trop foible.
«MM. Wilson & Franklin ne sont pas les seuls qui ayent conjecturé que le magnétisme devoit être un effet de l'électricité; M. de Buffon doit partager avec eux la gloire, non-seulement d'avoir eu la même opinion, mais d'en avoir porté II-136 un jugement décisif long-tems avant d'apprendre les conjectures de ces deux sçavans. Dès le commencement de l'année 1752. il me pria de lui faire faire six aiguilles d'acier pour essayer de les aimanter d'un coup d'électricité. Ses affaires ne lui permirent pas d'en faire l'épreuve; & comme par déférence je ne voulus pas la faire sans lui, l'expérience fut retardée jusqu'en 1753. tems auquel je reçus le supplément ou deuxiéme partie des écrits de M. Franklin, où j'en trouvai la réussite avant de l'avoir tentée moi-même.»
«Ayant aussitôt fait armer, II-137 suivant la méthode de Mr. Franklin, une grande cucurbite de verre, je la joignis à un gros matras aussi préparé pour l'expérience de Leyde; je mis ensuite une de mes aiguilles, dont j'avois ôté la chape, entre deux lames de verre, l'une plus longue & l'autre plus courte, afin que les deux bouts de l'aiguille débordassent cette dernière: pour affermir ces trois piéces, je les mis dans une petite presse faite exprès & disposée de façon que l'aiguille touchât par l'un de ses bouts une feüille de métal sur laquelle étoient posés les deux vases: ayant ensuite chargé ces deux II-138 vases ensemble, & achevé le cercle par le moyen d'un fil de fer, dont j'appuyai l'une des extrémités sur le bout de l'aiguille, je tirai le coup fulminant au travers de cette aiguille. Ayant après cela démonté l'appareil, rajusté la chape & suspendu l'aiguille sur son pivot, elle prit la direction nord & sud, & fut vivement attirée par le fer que je lui présentai; en un mot elle se trouva très-bien aimantée. J'essayai sur le champ de changer ses pôles en lui donnant le coup en sens contraire; cette seconde expérience ne me réussit pas moins bien que la première, II-139 & je la répétai plusieurs fois. Cette aiguille a conservé sa vertu magnétique pendant plusieurs mois. Mais je n'ai pas été long-tems à m'appercevoir que sa force diminuoit imperceptiblement, présentement il faut en approcher une clef à trois ou quatre lignes, pour qu'elle puisse en être attirée.»
«J'ai aimanté par le même moyen deux autres aiguilles qui me paroissent conserver toute leur force depuis plusieurs mois. Elles ont été frappées d'un coup donné en même tems par deux grandes cucurbites de verre revêtuës en dedans & en dehors de fëuilles II-140 d'étain & bien armées pour l'expérience de Leyde, & par deux gros matras dorés.»
«Les expériences électriques développent tous les jours des mystères, qui sans elles seroient peut-être toujours demeurés impénétrables dans la physique; le succès de celle-ci nous apprend pourquoi les vieux fers qui ont été long-tems exposés aux injures de l'air sur le haut des édifices fort élevés, non-seulement se trouvent aimantés, mais même semblent convertis en véritable aiman. ( Voyez Mém. de l'Acad. R. des Sc., tom. X. pag. 734.) Cette observation qui II-141 parut si surprenante en 1691. cesse de l'être dès que l'on sçait que la matière du tonnerre & celle de l'électricité sont la même, & que le magnétisme n'est qu'un effet de la matière électrique. Personne n'aura de peine à se persuader que les clochers de Chartres à cause de leur grande élévation au milieu d'une vaste plaine ont été & sont souvent frappés du tonnerre. Feriunt altos fulmina montes. Les fers qui ont été employés dans ces édifices étant moins électriques que les pierres & les autres matériaux qui sont entrés dans leur construction, sont par-là plus II-142 susceptibles des impressions de ce météore. C'est de là qu'ils ont acquis la vertu magnétique; & peut-être l'aiman lui-même n'est-il aiman que parce que c'est une pierre qui contient beaucoup de fer, & qui a été frappée de la foudre.»
«Cette propriété qu'a la matière électrique de s'attacher de préférence aux corps les moins électriques, & surtout aux métaux, nous apprend l'utilité d'un ancien usage presque général, dont on n'a peut-être jamais connu ni le fondement ni le principe, c'est celui de mettre dans les tems d'orage une piéce de fer sur les tonneaux II-143 de vin & dans le nid des poules & autres volatils que l'on fait couver. On dit que c'est pour empêcher le tonnerre de faire tourner le vin & les oeufs, ou de faire mourir les jeunes poulets dans leurs coquilles. S'il est vrai que le tonnerre puisse produire ces mauvais effets; il est assez vraisemblable qu'un morceau de fer ou d'autre métal peut les prévenir. Le matière électrique qui se répand de tous côtés pendant l'orage, sera attirée par la substance métallique, & y fera son impression bien plutôt que sur les autres substances qui en sont moins susceptibles.»
Un choc donné par quatre grands vases de verre en forme de jarres à une fine aiguille à coudre flottante sur l'eau, lui donne la direction magnétique, & la traverse aisément. Si l'aiguille est posée Est & Ouest dans le tems qu'elle est frappée, le bout par lequel le feu électrique est entré se tourne au nord.
Si l'aiguille est posée nord & sud, le bout qui est vers le nord continuëra de marquer le nord quand elle sera mise sur l'eau, soit que le feu soit entré par ce bout ou par le bout opposé.
«Dans quelque direction que mes aiguilles fussent posées, lorsqu'elles ont reçu le coup II-145 fulminant, j'ai toujours remarqué que le bout de l'aiguille par lequel le feu y est entré, est constamment celui qui se tourne au nord, & conséquemment celui par lequel le feu est sorti, se tourne au sud. Pour changer les pôles d'une aiguille aimantée de cette manière, il ne s'agit que de donner le coup en sens contraire. M. Franklin à qui j'ai communiqué cette observation, m'a répondu que n'ayant pas eu le tems de répéter plusieurs fois cette expérience, il n'avoit pû l'approfondir, & que delà il pouvoit être arrivé que ses observations à cet égard ne II-146 fussent pas tout-à-fait justes.»
Le magnétisme qu'elle acquiert est plus fort quand l'aiguille est frappée étant tournée au nord & au sud; il est plus foible quand l'aiguille est Est & Ouest; si la force du coup étoit beaucoup plus grande, peut-être que, l'aiguille étant nord & sud, si le feu entroit par le bout sud il deviendroit nord, autrement nous serions embarrassés de rendre raison du renversement des pôles des boussoles par le coup de foudre, puisqu'il n'a jamais pû trouver leurs aiguilles que dans cette position, & que selon nos petites expériences, soit que le feu électrique entre II-147 par le bout du nord & sorte par celui du sud de l'aiguille, ou au contraire, le bout tourné vers le nord continuëroit toujours à le marquer.
Dans ces expériences les bouts des aiguilles reçoivent quelquefois de la flamme électrique, une légère teinte de bleu comme celle que l'on voit à un ressort de montre. Cette couleur donnée par le coup de deux vases seulement se dissipera, mais quatre vases la fixent, & fondent souvent les aiguilles; je vous en envoye quelques-unes qui ont eu leurs têtes & leurs pointes fonduës par notre tonnerre artificiel, & une épingle dont le II-148 feu électrique a fondu la pointe & fait couler quelques parties de sa tête & de son collet. Il arrive quelquefois que la surface du corps de l'aiguille coule aussi un peu & paroît soulevée en forme de vésicules quand elle est examinée avec une loupe. Les vases dont je me sers contiennent sept ou huit gallons, 47 & sont doublés de feüilles d'étain au dedans & au dehors, il faut à chacun d'eux mille tours d'un globe de neuf pouces de diamètre pour être chargé.
Je vous envoye deux échantillons de feüilles d'étain fonduës II-149 entre des verres par la force de deux vases seulement.
Je n'ai point appris qu'aucun de vos Électriciens d'Europe ait pû jusqu'ici enflammer la poudre à tirer par le feu électrique. Nous le faisons ici de cette manière. On remplit de poudre séche une petite cartouche; on la bourre assez fort pour en écraser quelques grains; on y enfonce ensuite deux fils-d'archal pointus un à chaque bout, ensorte que leurs pointes ne soient éloignées que d'un demi pouce au milieu de la cartouche que l'on place dans cercle; quand les quatre vases se déchargent, la flamme sautant de la pointe II-150 d'un fil-d'archal à celle de l'autre dans la cartouche au travers de la poudre, l'enflamme, & l'explosion de la poudre se fait au même instant que le craquement de la décharge.
«Cette expérience m'a réussi d'une façon admirable. En voici le procédé. Après avoir roulé une carte à jouer, & l'avoir bien liée avec du fil, j'ai rempli à peu près au quart ce petit tuyau de poudre à tirer, que j'ai bien bourée pour en écraser les grains; après cela j'y ai mis encore autant de poudre que j'ai bourée de la même manière; & ainsi de suite jusqu'à ce que le tuyau II-151 fût rempli: j'y ai ensuite enfoncé deux fils de fer, un à chaque bout comme le dit notre auteur; en suivant le reste de son procédé, l'expérience a manqué plusieurs fois. Imaginant que le défaut ne pouvoit venir que de ce que les pointes des fils de fer étoient trop éloignées l'une de l'autre, je les ai enfoncées davantage, & l'expérience a réussi. Quelque préparé que l'on soit au bruit que doit produire cette inflammation, on en est toujours surpris, mais ce n'est pas ce qu'il y a à craindre dans cette expérience.»
«L'on doit y prendre des précautions II-152 contre deux accidens qui peuvent en résulter, l'un de tourner le petard du côté opposé aux spectateurs, afin qu'en sautant il ne puisse blesser personne; l'autre de ne pas tenir à la main les fils de fer dont les pointes sont enfoncées dans le petard, parce que si la poudre ne s'enflammoit pas, celui qui les tiendroit recevroit une commotion peut-être trop forte.»
Je ne me souviens pas si je vous ai écrit que j'ai fondu des épingles de cuivre & des aiguilles d'acier, changé les pôles d'une aiguille aimantée, donné le magnétisme & la pôlarité à II-153 des aiguilles qui n'en avoient point, & que j'ai enflammé de la poudre à tirer séche avec l'étincelle électrique. J'ai cinq bouteilles qui contiennent chacune 8. ou 9. galons ; deux de ces bouteilles chargées suffisent pour ces opérations; mais je puis les charger & les décharger toutes ensemble, il n'y a point d'autres bornes dans la force que l'homme peut donner & employer dans la matière électrique, que celles qui viennent de la dépense & du travail; car on peut augmenter le nombre des bouteilles à l'infini, les unir & les décharger toutes ensemble, comme s'il n'y en avoit qu'une. La force & l'effet sera proportionnée II-154 à leur nombre & à leur situation. Les plus grands effets connus des coups de foudre ordinaires peuvent, je pense, sans beaucoup de difficulté, être surpassés par cette voye, ce que l'on n'auroit jamais cru il y a quelques années. Bien des gens même aujourd'hui pourroient regarder cette supposition comme un peu extravagante. Ainsi nous sommes plus avancés en science que les diables de Rabelais à l'âge de deux ans; il dit d'eux plaisamment qu'ils ne sçavoient qu'un peut tonner & foudroyer autour de la tête d'un choux.
Je suis avec un sincère respect, votre très-humble & très-obligé serviteur, B. Franklin.
De M. E. KINNERSLEY,
à Boston,
à B. Franklin, Écuyer à Philadelphie,
le 3. Février 1752.
M
ONSIEUR,
J'ai à vous communiquer les expériences suivantes. Je tenois dans une main un fil-d'archal qui étoit attaché par l'autre bout à la manivelle d'une Pompe, pour essayer si le coup du premier conducteur au travers de mes bras, seroit un peu plus fort que lorsqu'il passoit seulement sur la surface de la terre; mais je II-156 n'y découvris aucune différence.
Je plaçai l'aiguille d'une boussole sur la pointe d'une longue épingle; & la tenant dans l'atmosphère du premier conducteur à la distance d'environ trois pouces, je trouvai qu'elle pirouettoit avec une grande rapidité, comme les aîles d'un tourne-broche.
Je suspendis avec une soye une balle de liége environ de la grosseur d'un pois; je lui présentai de l'ambre frotté, de la cire à cacheter, du soufre, elle fut fortement repoussée par chacun de ces corps; ensuite j'essayai du verre & de la porcelaine frottée, & je trouvai que chacun l'attiroit II-157 jusqu'à ce qu'elle s'électrisât une seconde fois, & qu'alors elle fut repoussée comme la première fois; & tandis que cette balle étoit ainsi repoussée par le verre ou la porcelaine frottée, elle étoit attirée par l'un des trois, autres corps aussi frottés. Alors j'électrisai la balle avec le fil-d'archal d'une bouteille chargée, & je lui présentai du verre frotté (le bouchon d'un flacon) & une tasse de porcelaine; elle en fut repoussée aussi fortement que par le fil-d'archal. Mais quand je lui présentai un des autres corps électriques frottés, elle fut fortement attirée; & quand je l'électrisai par l'un d'eux jusqu'à ce II-158 qu'elle fût repoussée, elle fut attirée par le fil de la bouteille, mais repoussée par sa doublûre extérieure.
Ces expériences me surprirent, & me portèrent à en inférer les paradoxes suivants.
1°. Si un globe de verre est placé à l'un des bouts du premier conducteur, & un globe de soufre à l'autre; les deux globes étant également en bon état & dans un mouvement égal, on ne pourra tirer aucune étincelle du conducteur; mais un des globes tirera du conducteur aussi vîte que l'autre y fournira.
2°. Si une bouteille est suspenduë au conducteur avec une II-159 chaîne de son envelope à la table, & que l'on ne se serve que d'un des globes à la fois, vingt tours de rouë, par exemple, la chargeront, après quoi autant de tours de l'autre rouë la déchargeront, & autant la rechargeront encore.
3°. Les deux globes étant en mouvement, chacun ayant un conducteur particulier avec une fiole suspenduë à l'un d'eux, & la chaîne de celle-ci attachée à l'autre, la fiole se chargera, l'un des globes chargeant positivement, & l'autre négativement.
4°. La bouteille étant chargée de cette sorte, suspendez-la de II-160 la même manière à l'autre conducteur; faites tourner les deux rouës, & le même nombre de tours qui avoit chargé la bouteille la déchargera, & le même nombre encore la rechargera.
5°. Quand chaque globe communique avec le même premier conducteur, duquel il pend une chaîne jusques sur la table, l'un de ces globes (mais je ne puis pas dire lequel) quand ils sont en mouvement, tirera le feu au travers de son coussin, & le déchargera par la chaîne; l'autre le tirera au travers de la chaîne, & le déchargera au travers de son coussin.
Je serois fort aise que vous envoyassiez II-161 chez moi chercher mon globe de soufre avec son coussin, & que vous en fissiez l'épreuve; mais je dois vous avertir de ne pas frotter le coussin avec de la craye, un peu de soufre réduit en poudre fine sera beaucoup mieux. Si, comme je m'y attens, vous trouvez que les globes chargent le premier conducteur d'une manière différente, je sçai que vous êtes en état de découvrir quelque méthode pour déterminer quel est celui qui charge positivement.
Je suis, &c. E. Kinnersley.
De B. FRANKLIN, Écuyer
de Philadelphie.
À M. E. Kinnersley, à Boston,
le 2. Mars 1752.
M
ONSIEUR,
Je vous remercie des expériences que vous m'avez communiquées. J'envoyai sur le champ chercher votre globe de soufre dans le dessein de faire les épreuves que vous m'indiquiez; mais je trouvai qu'il n'étoit pas bien centré, & je n'avois pas le tems pour lors d'y remédier; mais au premier moment de loisir je le II-163 remettrai en état de servir; je tenterai les expériences, & je vous en rendrai compte.
En attendant je soupçonne que les différentes attractions & répulsions que vous avez observées, venoient plutôt de la plus grande ou plus petite quantité du feu que vous tiriez des différens corps que de ce que ce feu seroit d'une espéce différente, & auroit une différente direction.
Je suis avec précipitation, &c. B. Franklin.
De B. FRANKLIN Écuyer
de Philadelphie.
À M. E. Kinnersley, à Boston
le 16. Mars 1752.
M
ONSIEUR,
Ayant mis votre globe de soufre en état de servir, j'essayai une des expériences que vous proposiez, & je fus agréablement surpris de voir que le globe de verre étant à une extrémité du conducteur & celui de soufre à l'autre, les deux globes en mouvement, on ne pouvoit pas tirer une seule étincelle II-165 du conducteur, à moins que l'un des globes ne tournât plus lentement, ou ne fût pas en aussi bon état que l'autre, alors même l'étincelle n'étoit que proportionnée à cette différence, ensorte que si on recommence à faire tourner les globes également ou à faire tourner plus lentement celui qui opéroit le mieux, l'on mettra encore le conducteur hors d'état de fournir une étincelle.
Je remarquai aussi que le fil-d'archal d'une bouteille chargée par le globe de verre attiroit une balle de liége qui avoit touché au fil-d'archal d'une bouteille chargée par celui de soufre, & II-166 cela réciproquement, en sorte que le liége continuoit à jouer entre les deux bouteilles, de la même manière que si une bouteille avoit été chargée par le crochet & l'autre par le côté par le seul globe de verre; & les deux bouteilles chargées l'une par le globe de soufre, l'autre par celui de verre, seront toutes deux déchargées en approchant leurs fil-d'archal, & donneront le coup à la personne qui les tient.
D'après ces expériences on peut être certain que les deuxiéme, troisiéme & quatriéme que vous proposez réussiront exactement, comme vous le supposez, II-167 quoique je ne les aye point tentées, n'en ayant pas le tems. J'imagine que c'est le globe de verre qui charge positivement, & celui de soufre négativement: en voici les raisons. 1°. Quoique le globe de soufre semble opérer aussi bien que le globe de verre, cependant il ne pourra jamais y avoir une étincelle aussi forte & à une distance aussi grande entre mon doigt & le conducteur, quand on se sert du globe de soufre que quand on employe celui de verre. Je suppose que la raison en est que les corps d'une certaine grosseur ne peuvent pas se séparer de la quantité du fluide électrique II-168 qu'ils ont & qu'ils conservent dans leur substance après l'avoir attirée, aussi aisément qu'ils peuvent en recevoir une quantité additionnelle sur leurs surfaces en forme d'atmosphère. Par conséquent on ne peut pas en tirer autant du conducteur qu'on peut y en faire entrer. 2°. J'observe que le ruisseau ou l'aigrette de feu qui paroît à l'extrémité du fil-d'archal attaché au conducteur est longue, large & fort divergente quand on se sert du globe de verre, & qu'elle fait un bruit avec éclat ou craquement; mais quand on employe le globe de soufre, cette aigrette est courte, petite, & ne fait II-169 qu'un sifflement. Et tout le contraire des deux arrive quand vous tenez le même fil-d'archal dans votre main, & que les globes travaillent tour-à-tour, l'aigrette est longue, large, divergente & craquante, quand on fait tourner le globe de soufre; elle est courte, petite & sifflante quand c'est celui de verre. Quand l'aigrette est longue, large, & fort divergente, le corps duquel elle part me semble jetter le feu: quand le contraire paroît, on diroit que ce corps le pompe. 3°. J'observe que quand j'ai présenté mon doigt devant le globe de soufre, lorsqu'il est en mouvement, le ruisseau de feu entre II-170 mon doigt & le globe semble se répandre sur sa surface comme s'il sortoit du doigt; il en est tout autrement du globe de verre. 4°. Le vent frais (ou ce qu'on appelle de ce nom) que nous avons coutume de sentir comme sortant d'une pointe électrisée, est beaucoup plus sensible quand on employe le globe de verre que quand c'est celui de soufre; mais ce ne sont ici que des pensées hazardées.
«Les effets opposés du verre & du soufre ont été reconnus à Paris comme ils l'avoient été à Boston & à Philadelphie. M. le Roy de l'Académie Royale des Sciences, lût le 9. Avril II-171 1755. à la rentrée publique de cette Académie, un mémoire bien détaillé des nouvelles expériences & observations qu'il avoit faites sur ce sujet. Après y avoir établi toutes les différences qu'il avoit remarquées entre l'électricité positive & l'électricité négative, (différences essentielles qui avoient déjà été publiées par le R. P. Beccaria dans son Libro primo del Electricismo , sous des dominations différents,) il démontre par des preuves convaincantes que le verre & la résine frottés produisent des effets électriques tout contraires: que le verre communique l'électricité II-172 positive, & que le soufre & la résine communiquent l'électricité négative. L'auteur du mémoire conclut de ses observations avec juste raison qu'il faut en revenir à la distinction des électricités vitrée & résineuse établie par feu M. Dufay; (Mém. de l'Acad. ann. 1733. pag. 469.) ces deux sortes d'électricités, quoique différentes par leur nature, semblent agir à peu près également & de la même manière sur les corps conducteurs qui y sont présentés; elles paroissent aussi à la première inspection produire les mêmes phénomènes d'attraction, de répulsion, II-173 d'étincellement, de pétillement, de percussion, de commotion, &c. Cependant quand on en vient à un examen plus approfondi, l'on n'est pas long-tems à reconnoître que les phénomènes sont en sens contraire. Ces deux sortes d'électricités se détruisent: l'une attire ce que l'autre repousse: celle-ci se communique en donnant, & celle-là en recevant: enfin la première est par excès, & la seconde par défaut. La bouteille de Leyde dont on présente le crochet au conducteur électrisé par le verre ou par le soufre, ne s'en charge pas moins bien, mais avec cette différence II-174 que si le conducteur est électrisé par le soufre, la bouteille se chargera extérieurement de même que cela arriveroit, si en la tenant par le crochet, on en présentoit le côté au conducteur électrisé par le verre, & de même encore qu'elle se chargeroit si, après avoir épuisé le coussin, on lui présentoit (à ce coussin) le crochet de cette bouteille, en la tenant par les côtés.
«Outre les moyens indiqués par M. Franklin pour reconnoître si l'électricité est positive ou négative, voici celui qui me paroît le plus simple.
«On sçait que si l'on présente II-175 une pointe métallique à un corps actuellement électrisé, il paroît dans l'obscurité une petite lumière au bout de cette pointe. Mais cette lumière n'est pas la même, quand le corps est électrisé positivement, & quand il l'est négativement. Dans le premier cas ce n'est qu'un petit floccon de lumière que M. le Roi nomme point lumineux plus ou moins apparent, fort semblable à un ver luisant. Dans le second cas cette lumière est en forme d'aigrette plus ou moins longue, plus ou moins divergente, suivant la force de l'électricité. C'est ce qu'on peut aisément II-176 [manque la page 176] II-177 me je viens de le dire, étoit attachée tantôt au crochet & tantôt au ventre de la bouteille. En un mot l'endroit où paroît l'aigrette est celui d'où sort le feu, & conséquemment celui où est l'électricité positive; & l'endroit où paroît le point lumineux est celui où elle est négative.
«Les termes d'électricité positive & électricité négative ne doivent jamais s'entendre dans un sens absolu. Le point lumineux que j'apperçois quand je présente une pointe au conducteur électrisé par le globe de verre ne prouve pas que je sois électrisé négativement, II-178 puisque j'ai toujours ma quantité naturelle d'électricité, mais seulement que j'en suis moins chargé que le conducteur, que j'en reçois de lui, que je suis dans un état négatif par rapport au sien, et par conséquent que le sien est positif relativement au mien.
À l'égard de votre cinquiéme paradoxe, il peut pareillement être vrai, si les globes travaillent alternativement, mais s'il le font en même tems, le feu ne montera ni ne descendra par la chaîne, parce qu'un globe pompera le feu aussi vîte que l'autre le produira. Je ne serois pas fâché de sçavoir si les effets seroient II-179 contraires dans le cas où le globe de verre seroit solide & celui de soufre creux, mais je n'ai présentement aucun moyen de l'essayer.
Dans vos voyages vos globes de verre sont sujets à des accidens, ceux de soufre sont lourds & incommodes.»
Quest. Une plaque mince de soufre mise sur une table ne serviroit-elle pas de coussin dans l'occasion, pendant qu'un globe de cuir rembourré exactement, proprement monté, recevroit le feu du soufre & chargeroit le conducteur positivement, un pareil globe ne courroit aucun II-180 danger d'être cassé. Je crois concevoir comment cela pourroit s'exécuter. Mais je n'ai pas le tems d'ajouter autre chose si ce n'est que je suis, Monsieur, &c.
De B. FRANKLIN Écuyer
de Philadelphie.
19. Octobre 1752.
C
omme l'on parle souvent
dans les nouvelles d'Europe
du succès de l'expérience de
Philadelphie, pour tirer le feu
électrique des nuées par le
moyen des verges de fer pointuës
élevées sur le haut des bâtimens,
&c. Les curieux ne seront
peut-être pas fâchés d'apprendre
que la même expérience a
réussi à Philadelphie, quoique
faite d'une manière différente &
plus facile; en voici le détail.
Faites une croix de deux petites lates, les bras assez longs pour atteindre aux quatre coins d'un grand mouchoir fin de soye: quand il est étendu, liez les coins de ce mouchoir aux extrémités de la croix: par ce moyen vous avez le corps d'un cerf-volant; en y ajoutant adroitement une queuë, une gance & une ficelle, il s'élèvera en l'air comme ceux qui sont faits de papier; mais celui-ci qui est de soye est plus propre à résister au vent & à la pluye d'un orage sans se déchirer. Au sommet du montant de la croix il faut fixer un fil-d'archal très-pointu qui s'élève d'un pied ou plus au-dessus II-183 du bois. Au bout de la ficelle près de la main, il faut noüer un cordon ou ruban de soye, & attacher une clef dans l'endroit où la soye & la ficelle se joignent. On élève ce cerf-volant lorsqu'on est sur le point d'avoir du tonnerre, & la personne qui tient la corde doit être en dedans dune porte ou d'une fenêtre, ou sous quelqu'abri, ensorte que le ruban de soye ne soit pas mouillé, & l'on prendra garde que la ficelle ne touche pas le cadre de la porte ou de la fenêtre. Aussitôt que quelques parties de la nuée de tonnerre viendront sur le cerf-volant, le fil-d'archal pointu en II-184 tirera le feu électrique, & le cerf-volant, avec toute la ficelle, sera électrisé, les filamens de la ficelle qui ne sont pas serrés se dresseront en dehors de tous côtés, & seront attirés par l'approche du doigt, & quand la pluye a mouillé le cerf-volant & la ficelle, de façon qu'ils puissent conduire librement le feu électrique, vous trouverez qu'il découle en abondance de la clef à l'approche de votre doigt: on peut charger la bouteille à cette clef, enflammer les liqueurs spiritueuses avec le feu ainsi ramassé, & faire toutes les autres expériences électriques qu'on fait ordinairement avec le II-185 secours d'un globe ou d'un tube de verre frotté, & par ce moyen on démontre parfaitement l'identité de la matière électrique avec celle de la foudre.
De B. FRANKLIN Ecuyer
de Philadelphie.
P
uisque vous me dites que
notre ami Cave est prêt à
ajouter quelques dernières expériences
à ma feüille volante
avec l'
errata
, j'envoye une copie
d'une lettre du Docteur Colden,
qui peut aider à remplir
quelques pages, & encore mon
expérience du cerf-volant dans
la gazette de Pensylvanie: je n'ai
rien à y ajouter de nouveau, si
ce n'est l'expérience suivante,
pour découvrir un plus grand
nombre des propriétés du fluide
électrique.
Pour découvrir un plus grand
nombre des propriétés du fluide
électrique.
S
uspendez par un crochet de
fil-d'archal un boulet au premier
conducteur; placez sous
le boulet à six lignes de distance
une plaque d'argent poli pour
recevoir les étincelles; faites
alors tourner la rouë, & si les
étincelles répétées frappent continuellement
sur le même endroit,
il s'y fera dans peu de
minutes une tache bleuë approchant
de la couleur d'un ressort
de montre.
Une plaque de fer poli exposée à la même épreuve, sera aussi tachée, mais non pas de la même couleur; elle semble plutôt corrodée.
Je ne me suis pas apperçu que cette opération fît aucune impression sur l'or, le cuivre ou l'étain, mais les taches sur l'argent ou le fer seront les mêmes, soit que le boulet soit de plomb, de cuivre, d'or ou d'argent.
Il paroîtroit aussi une petite tache sur le boulet d'argent, de même que sur la plaque qui seroit au-dessous.
Faites à Philadelphie en Amérique par B. Franklin, Écuyer, & communiquées à P. Collinson, Écuyer, de la Société Royale de Londres, & lûes à la même Société le 27. Juin & le 4. Juillet 1754. On y a ajouté un écrit sur le même sujet par J. Canton M. A. membre de la Société Royale, lû à la même Société le 6. Décembre 1753. & un autre pour la défense de Mr. Franklin contre l'Abbé Nollet, par M. D. Colden de la nouvelle York.
À Londres 1754.
De B. FRANKLIN Écuyer
de Philadelphie.
À P. Collinson Écuyer de la Société
Royale de Londres.
Septembre 1753.
M
ONSIEUR,
Dans mon premier écrit sur cette matière fait d'abord en 1747. augmenté & envoyé en Angleterre en 1749. je regardai la mer comme la grande source des éclairs; j'imaginois que la lumière qu'on y apperçoit venoit du feu électrique produit par le frottement des particules d'eau II-191 avec celles de sel. Éloigné des côtes je n'avois pas alors la commodité de faire des expériences sur de l'eau de mer, de sorte que j'embrassai cette opinion trop à la hâte.
Car en 1750. & 51. étant par occasion sur les côtes, je trouvai par des expériences que l'eau de la mer dans une bouteille, quoiqu'elle parût d'abord lumineuse en l'agitant, perdit cependant cette vertu dans peu d'heures. De cette observation & de ce qu'en agitant du sel fondu dans de l'eau je ne pouvois produire aucune lumière, je commençai d'abord à douter de ma première supposition, & à soupçonner II-192 que cette lumière dans l'eau de la mer devoit être attribuée à quelques autres principes.
J'examinai alors s'il n'étoit pas possible que les particules de l'air, étant électriques par elles-mêmes, tirassent leur feu électrique de la terre dans les grands coups de vent par leur frottement contre les arbres, les montagnes, les bâtimens, &tc. comme autant de petits globes électriques frottans contre des coussins non-électriques, & que les vapeurs qui s'élèvent reçussent de l'air ce feu, & que par ces moyens les nuages devinssent électrisés.
J'imaginai que si la chose étoit ainsi, poussant violemment avec des soufflets un courant d'air contre mon premier conducteur, je pourrois l'électriser négativement, le frottement des particules de l'air le dépoüillant d'une partie de sa quantité naturelle du fluide électrique; mais l'expérience que je tentai dans cette vûe ne me réussit pas.
En Septembre 1752. j'élevai une verge de fer pour tirer l'éclair dans ma maison, afin de faire quelques expériences dessus, ayant disposé deux timbres pour m'avertir quand la verge seroit électrisée; cette pratique est familière à tout Électricien.
Je trouvai que les timbres sonnèrent quelquefois quoiqu'il n'y eût ni éclair ni tonnerre, mais seulement un nuage obscur au-dessus de la verge, que quelquefois après un coup d'éclair ils s'arrêtoient tout d'un coup, que d'autres fois, sans avoir sonné auparavant, ils commençoient à le faire soudain après l'éclair, que l'électricité étoit quelquefois, très-foible, ensorte qu'après en avoir tiré une petite étincelle, on étoit quelque tems sans pouvoir en tirer d'autre; que d'autrefois les étincelles se suivoient avec une extrême rapidité, en ayant eu un jour un courant continuel d'un timbre à II-195 l'autre de la largeur d'une plume de corbeau; il y eut même des variations considérables pendant le même orage.
L'hyver suivant j'imaginai une expérience pour découvrir si les nuages étoient électrisés positivement ou négativement; mais ma verge pointuë avec tout son appareil s'étant dérangée, je ne la rétablis que vers le printems, lorsque j'espérai que la chaleur occasionneroit plus de nuages orageux.
Cette expérience consistoit à prendre deux bouteilles, à en charger une du feu de la verge de fer & à donner à l'autre une charge égale avec le globe de II-196 verre électrique par le moyen du premier conducteur, & après les avoir chargées, à les placer sur une table à trois ou quatre pouces l'une de l'autre, ayant suspendu au plat-fons avec un fil de soye fin, une boulette de liége qui pût joüer entre les crochets. Si les deux bouteilles étoient électrisées positivement, la boulette attirée & repoussée par l'une, devroit aussi être repoussée par l'autre: si l'une étoit positivement & l'autre négativement, la boulette seroit attirée & repoussée tour à tour par chacune, & continueroit de joüer entr'elles aussi long-tems qu'elles conserveroient quelque charge considérable.
Ayant fort à coeur de faire cette expérience, le hazard voulut que je fusse absent pendant les deux plus gros orages que nous eûmes de bonne heure dans le printems, ce qui ne fut pas une petite mortification pour moi. J'avois bien ordonné dans ma maison que si les timbres sonnoient, pendant mon absence, on enfermât quelqu'éclair pour moi dans des bouteilles électriques, & on le fit aussi; mais tout étoit presque dissipé avant mon retour; & dans quelques autres orages la quantité d'éclairs que je pus renfermer étoit si petite, & la charge si foible, que je ne pus me satisfaire; II-198 cependant je vis quelquefois de quoi augmenter mes soupçons & enflammer ma curiosité.
Enfin le 12. Avril 1753. étant arrivé un orage qui fut assez vif pendant quelque tems, je chargeai une des bouteilles passablement bien avec l'éclair, & l'autre avec l'électricité de mon globe de verre, également autant que j'en pus juger; & les ayant disposées convenablement, je vis avec autant de surprise que de plaisir la boulette de liége joüer avec vîtesse de l'une à l'autre, & je fus convaincu que l'une des deux étoit électrisée négativement.
Je répétai plusieurs fois cette expérience pendant cet orage & pendant huit autres orages de suite, toujours avec le même succès, & étant persuadé (par les raisons détaillées d'abord dans ma lettre à M. Kinnersley, imprimée depuis à Londres,) que le globe de verre électrise positivement, je conclus que les nuages sont toujours électrisés négativement, ou contiennent toujours moins que leur quantité naturelle de fluide électrique.
Malgré tant d'expériences il semble cependant que ma conclusion étoit tirée trop précipitamment, car enfin le 6. de Juin dans un orage qui dura depuis II-200 cinq heures après midi jusqu'à sept, je trouvai un nuage qui étoit électrisé positivement, quoique plusieurs qui étoient passés auparavant au-dessus de ma verge pendant le même orage, fussent dans l'état négatif. Voici comme je le découvris.
Je faisois en même tems une autre expérience que je répétai plusieurs fois pour m'assurer de l'état négatif des nuages; la voici. Pendant que les timbres sonnoient, je pris la bouteille chargée au globe, j'appliquai son crochet à la verge, dans l'idée que si les nuages étoient électrisés positivement, la verge qui en recevoit son électricité le seroit II-201 aussi de la même façon, & alors l'électricité positive ajoutée avec la bouteille feroit sonner les timbres plus vîte; mais si les nuages étoient dans un état négatif, ils devoient épuiser le fluide électrique de la verge & la réduire au même état négatif où ils étoient; alors le crochet de la bouteille chargée positivement fournissant à là verge ce qui lui manquoit, (autrement elle auroit été obligée de le tirer de la terre par le moyen de la boulette de cuivre suspendue entre les deux timbres,) le carillon cesseroit jusqu'à ce que la bouteille fût déchargée.
Je déchargeai promptement II-202 dans la verge de cette manière plusieurs bouteilles qui étoient chargées au globe; le fluide électrique passant du crochet dans la verge jusqu'à ce que le crochet ne tirât plus d'étincelles du doigt; & pendant que la verge recevoit de la bouteille, les timbres cesserent de sonner: mais en continuant d'appliquer le crochet de la bouteille à la verge, j'épuisai la quantité naturelle de la surface intérieure de ces bouteilles, ou pour m'exprimer à l'ordinaire je les chargeai négativement.
Enfin pendant que je chargeois une bouteille à mon globe pour répèter cette expérience, II-203 mes timbres s'arrêtèrent d'eux-mêmes, & après une pause recommencèrent à sonner; mais quand j'approchai de la verge le crochet de la bouteille chargée, au lieu du courant ordinaire que j'attendois du crochet à la verge, il n'y eut pas d'étincelles, pas même lorsque je les fis toucher. Cependant les timbres continuèrent à sonner fortement, ce qui me fit connoître que la verge étoit alors électrisée positivement, aussi bien que le crochet de la bouteille & au même dégré, & par conséquent que le nuage particulier qui étoit alors au-dessus de la verge étoit dans le même état positif; c'étoit II-204 vers la fin de l'orage.
Mais c'est une expérience unique qui, néanmoins fait une exception à ma première conclusion qui étoit trop générale, & me réduit à celle-ci, que les nuages d'un orage accompagné de tonnerre sont le plus ordinairement dans un état négatif d'électricité, mais quelquefois dans un état positif.
Je crois que le dernier cas est rare, car quoique bientôt après la dernière expérience je fis un voyage à Boston, & fus hors de chez moi la plus grande partie de l'été, ce qui m'empêcha de poursuivre mes observations & mes essais; cependant M. Kinnersley II-205 revenu des isles précisément au tems de mon départ, continua les expériences pendant mon absence, & il m'assure qu'il trouva toujours les nuages dans l'état négatif; ensorte que le plus souvent dans les coups de foudre c'est la terre qui frappe les nuages, & non les nuages qui frappent la terre.
Ceux qui sont versés dans les expériences électriques concevront aisément que les effets & les apparences doivent être à peu de chose près les mêmes dans les deux cas; même explosion, même éclair entre deux nuages, entre les nuages & les montagnes, &c. même rupture II-206 des arbres, des murailles, &c. que le fluide électrique rencontre sur son partage, même coup fatal pour les corps animaux, & que les verges pointuës plantées sur les bâtimens où les mâts des vaisseaux, & communiquant avec la terre ou la mer, doivent être également propres à rétablir doucement & en silence l'équilibre entre la terre & les nuages, ou à conduire un éclair ou un coup de foudre, s'il y en avoit, de manière à préserver la maison ou le vaisseau; car les pointes ont autant de vertu pour pousser le feu électrique que pour l'attirer, & les verges l'élèveront aussi bien qu'elles le feront descendre.
«M. le Roy de l'Académie des Sciences, dont nous avons déjà parlé, avoit aussi conjecturé long-tems avant d'avoir été informé des nouvelles découvertes faites en Amérique, que l'électricité des nuages devoit être négative: voici comme il s'en explique à la fin d'un mémoire qu'il lût à l'Académie le 9. Avril 1755.
«À ces conséquences j'en pourrois ajouter plusieurs autres assez importantes: mais je me contenterai de faire remarquer, 1º. que cette électricité nous montre qu'il pourroit bien y avoir dans la nature tel agent lequel électriseroit les corps en II-208 y raréfiant le fluide électrique, ce qu'on n'avoit pû soupçonner jusqu'ici, opération qui est même plus simple que celle par laquelle on conçoit ordinairement que cet effet a lieu. 2º. Qu'il y a une grande analogie entre un aimant & un systême de corps électrisés par condensation & par raréfaction , les corps aimantés par un pôle se repoussant & attirant ceux qui sont aimantés par l'autre, comme ceux qui sont électriques d'une même façon se repoussent tandis qu'ils attirent ceux qui le sont d'une façon contraire; enfin que le choc de l'expérience de Leyde II-209 n'est qu'une suite pour ainsi dire des deux électricités par condensation & par raréfaction , une bouteille de Leyde se chargeant dans un instant, quand on fait communiquer le côté avec le bâtis & le crochet avec le conducteur, ou vice versâ , & ne pouvant absolument se charger lorsque l'on la fait communiquer de même avec deux corps électrisés au même degré; c'est ce que je me propose de montrer dans un mémoire où je compte donner l'analyse de cette expérience.
«Le R. P. Beccaria après avoir observé des différences marquées entre l'électricité positive II-210 & l'électricité négative, comme il a été ci-devant rapporté, ne fut pas long-tems à reconnoître les mêmes différences dans l'électricité naturelle. Il remarqua que son appareil électrisé par le tonnerre, ou seulement par les nuages sans apparence de tonnerre, étoit tantôt dans un état positif & tantôt dans un état négatif; il a donné un détail bien circonstancié de toutes ses observations à ce sujet dans son Libro secondo del Electricismo naturale , imprimé in -4º. à Turin en 1753.»
Mais quoique les éclaircissemens tirés de ces expériences II-211 ne changent rien dans la pratique, il, en est tout autrement pour la théorie, nous sommes maintenant aussi embarrassés à trouver une hypothèse pour expliquer par quels moyens les nuages deviennent électrisés négativement, que nous l'étions précédemment à montrer comment ils le devenoient positivement.
Je ne sçaurois m'empêcher de hazarder quelques conjectures sur ce sujet; voici celles qui s'offrent à présent à mon esprit; & quand même de nouvelles découvertes montreroient qu'elles ne sont pas tout-à-fait justes, elles pourroient, en attendant, II-212 être de quelque utilité, en excitant les curieux à faire davantage d'expériences, & en donnant occasion à des recherches plus exactes.
Je conçois donc que ce globe de terre & d'eau avec ses plantes, ses animaux & ses bâtimens contient une quantité de fluide électrique répanduë dans sa substance, précisément aussi grande qu'il en peut contenir; c'est ce que j'appelle la quantité naturelle.
Que cette quantité naturelle n'est pas la même dans toutes les espèces de matière commune sous des dimensions égales, ni dans la même espèce de matière II-213 commune dans toutes les circonstances. Mais un pied cube v. g. d'une sorte de matière commune, peut contenir plus de fluide électrique qu'un pied cube de quelqu'autre matière commune & une livre de la même espèce de matière commune, quand elle est raréfiée, peut en contenir plus que quand elle est condensée.
Car le fluide électrique étant attiré par quelque portion de matière commune, les parties de ce fluide (qui ont entr'elles une mutuelle répulsion,) s'approchent tellement l'une de l'autre par l'attraction de la matière commune qui les absorbe, que II-214 leur répulsion est égale à la force condensante de l'attraction dans la matière commune: ainsi cette portion de matière commune n'en absorbera pas davantage.
Les corps de différentes espèces ayant ainsi attiré & absorbé ce que j'appelle leur quantité naturelle, c'est-à-dire précisément autant de fluide électrique qu'il convient à leur état de densité, de raréfaction & au pouvoir d'attirer, ne donnent plus entre eux aucun signe d'électricité.
Et si l'on charge un de ces corps d'une plus grande quantité de fluide électrique, elle n'y entre pas, mais elle se répand sur la surface II-215 & y forme une atmosphère, & alors ce corps donne des signes d'électricité.
J'ai comparé dans un de mes écrits précédens la matière commune à une éponge & le fluide électrique à l'eau; on voudra bien me permettre de me servir encore une fois de la même comparaison pour éclaircir davantage ma pensée sur ce sujet.
Quand on condense un peu une éponge, en la pressant entre les doigts, elle ne prend & ne garde pas autant d'eau que dans son état le plus naturel de relâchement & de raréfaction.
Étant encore pressée & condensée davantage, il sortira quelque II-216 peu d'eau de ses parties intérieures qui s'écoulera par la surface.
Si l'on cesse entiérement de la presser avec les doigts, l'éponge reprendra non-seulement ce qui avoit été exprimé d'eau en dernier lieu, mais elle en attirera une quantité surabondante.
Comme l'éponge dans son état de raréfaction attirera & absorbera naturellement plus d'eau, & que dans son état de condensation elle attirera & absorbera naturellement moins d'eau, nous pouvons appeller la quantité qu'elle absorbe dans l'un ou l'autre de ces états, sa quantité naturelle relativement à cet état.
Or l'eau est au fluide électrique ce que l'éponge est à l'eau. Quand une portion d'eau est dans son état commun de densité, elle ne peut contenir plus de fluide électrique qu'elle n'en a; si on y en ajoûte, il se répand sur la surface.
Quand la même portion d'eau se raréfie en vapeurs & forme un nuage, elle est capable d'en recevoir & d'en absorber une beaucoup plus grande quantité; chaque particule a de la place pour avoir son atmosphère électrique.
Ainsi l'eau en son état de raréfaction ou dans la forme d'un nuage sera dans un état négatif d'électricité; elle aura moins que II-218 sa quantité naturelle, c'est-à-dire moins qu'elle n'est naturellement capable d'en attirer & d'en absorber dans cet état.
Ce nuage s'approchant assez de la terre pour être à portée d'être frappé, recevra de la terre un coup de fluide électrique, qui pour fournir à une grande étenduë de nuages, doit quelquefois contenir une très-grande quantité de ce fluide. Mais ce nuage passant sur des bois de haute futaye peut recevoir sans bruit quelque charge des pointes, & des bords aigus des feüilles de leurs cimes mouillées.
Un nuage étant chargé par quelque moyen que ce soit de II-219 la part de la terre peut frapper sur d'autres qui n'ont pas été chargés ou qui ne l'ont pas été autant, ceux-ci sur d'autres encore jusqu'à ce que l'équilibre soit établi entre tous les nuages qui sont à portée de se frapper l'un l'autre.
Le nuage ainsi chargé s'étant déchargé d'une bonne partie de ce qu'il a reçu d'abord, peut recevoir une nouvelle charge de la terre ou de quelqu'autre nuage qui aura été poussé par le vent à portée de la recevoir plus promptement de la terre.
Delà ces coups & ces éclairs redoublés & continuels jusqu'à ce que les nuages ayent reçu à II-220 peu près leur quantité naturelle en tant que nuages, ou jusqu'à ce qu'ils soient tombés en ondées & réunis à ce globe terraquée d'où ils tirent leur origine.
Ainsi les nuages orageux sont généralement parlant dans un état négatif d'électricité par rapport à la terre selon la plûpart de nos expériences; cependant comme dans l'une nous avons trouvé un nuage électrisé positivement, je conjecture que dans ce cas un pareil nuage, après avoir reçu ce qui, dans son état de raréfaction, étoit seulement sa quantité naturelle se trouva comprimé par l'action des vents ou de quelqu'autre manière, ensorte II-221 qu'une partie de ce qu'il avoit absorbé, fut chassée, & forma une atmosphère électrique autour de lui dans son état de condensation. C'est ce qui le rendit capable de communiquer une électricité positive à la verge.
Pour prouver qu'un corps dans différentes circonstances de dilatation & de contraction est capable de recevoir & de retenir plus ou moins de fluide électrique sur sa surface, je rapporterai l'expérience suivante: Je plaçai sur le plancher un verre à boire propre, & dessus un petit pot d'argent, dans lequel je mis environ trois brasses de chaîne de cuivre, à un bout de II-222 laquelle j'attachai un fil de soye qui s'élevoit directement au plat-fond où il passoit sur une poulie & delà redescendoit dans ma main, de sorte que je pouvois à mon gré enlever la chaîne du pot, l'élever à un pied de distance du plat-fond & la laisser par gradation retomber dans le pot.
Du plat-fond avec un autre fil de fine soye écruë, je suspendis un petit floccon de coton, de manière que quand il pendoit perpendiculairement il touchoit le côté du pot: ensuite approchant du pot le crochet d'une bouteille chargée, je lui donnai une étincelle qui se répandit autour II-223 en atmosphère électrique, & le floccon de coton fut repoussé du côté du pot à la distance de neuf ou dix pouces: le pot ne recevoit plus alors d'autre étincelle du crochet de la bouteille; mais à mesure que j'élevois la chaîne, l'atmosphère du pot diminua en se coulant sur la chaîne qui s'élevoit, & en conséquence le floccon de coton s'approcha de plus en plus du pot; & alors si je rapprochois de ce pot le crochet de la bouteille, il recevoit une autre étincelle & le coton retournoit à la même distance qu'auparavant, & de cette sorte à proportion que la chaîne étoit élevée plus haut, II-224 le pot recevoit plus d'étincelles, parce que le pot avec la chaîne déployée étoit capable de supporter une plus grande atmosphère que le pot avec la chaîne ramassée dans son intérieur. Que l'atmosphère autour du pot fût diminuée en enlevant la chaîne, & augmentée en la baissant, c'est une chose non-seulement conforme à la raison, puisque l'atmosphère de la chaîne doit être tirée de celle du pot quand elle s'enlève, & y retourner quand elle retombe; mais la chose est encore évidente aux yeux, le floccon de coton s'approchant toujours du pot quand on tiroit la chaîne en haut, & II-225 se retirant quand on la laissoit tomber.
«Cette expérience répètée de la manière dont l'enseigne M. Franklin, a tout aussi bien réussi à Paris qu'à Philadelphie. Le floccon de coton ou une balle de liége suspenduë à un fil de soye s'écarte plus ou moins des bords du vase, suivant que la chaîne y est plus ou moins renfermée. J'ai vû le floccon qui se tenoit à un pouce de distance du vase, tandis qu'une chaîne de douze pieds étoit tout à fait déployée, s'en écarter jusqu'à un pied, quand elle étoit entiérement retombée.»
Ainsi nous voyons que l'augmentation II-226 de surface rend un corps capable de recevoir une plus grande atmosphère électrique; mais cette expérience, je l'avouë, ne démontre pas parfaitement ma nouvelle hypothèse; car le cuivre & l'argent continuënt toujours à être solides, & ne se dilatent pas en vapeurs comme l'eau en nuages. Peut-être que dans la suite, des expériences sur l'eau élevée en vapeurs mettront cette matière dans un plus grand jour.
Il s'élève contre cette nouvelle hypothèse une objection qui paroît importante; la voici: si l'eau, dans son état de raréfaction, comme nuage, attire II-227 & absorbe plus de fluide électrique que dans son état de densité comme eau, pourquoi ne tire-t-elle pas de la terre tout ce dont elle manque, à l'instant qu'elle en quitte la surface, qu'elle en est encore proche, & qu'elle ne fait que s'élever en vapeur? J'avouë que je ne sçaurois, quant à présent, répondre à cette difficulté d'une manière qui me satisfasse; j'ai cru cependant que je devois l'établir dans toute sa force, comme je l'ai fait, & soumettre le tout à l'examen.
Qu'il me soit permis de recommander au curieux dans cette branche de la philosophie II-228 naturelle, de répèter avec soin & en observateurs exacts, les expériences que j'ai rapportées dans cet écrit & les précédens sur l'électricité positive & négative avec les autres de même genre qu'ils imagineront, afin de s'assurer si l'électricité communiquée par un globe de verre est réellement positive. Je prie aussi ceux qui auront occasion d'observer les effets récents du tonnerre sur les bâtimens, les arbres, &c. de les considérer en particulier dans la vûe d'en découvrir la direction. Mais dans cet examen il faut toujours faire attention à une chose, c'est qu'un courant de fluide électrique II-229 passant au travers du bois, de la brique, du métal, &c. quand il passe en petite quantité, la force avec laquelle ses parties se repoussent est limitée & surmontée par la cohésion des parties du corps qu'il traverse au point d'empêcher l'explosion; mais quand le fluide vient en trop grande quantité pour être retenu par cette cohésion, il fait explosion, & déchire ou fond le corps qui s'efforçoit de lui résister. Si c'est du bois, de la brique, de la pierre ou quelque chose de semblable, les éclats sortiront du côté où il y a moins de résistance, & de même lorsqu'il se fait un trou à travers du II-230 carton par le moyen d'un vase électrisé, si les surfaces du carton ne sont pas enfermées ou pressées, il y aura une bavûre élevée tout autour du trou des deux côtés du carton; mais si l'un des côtés est resserré, ensorte que la bavûre ne puisse pas s'élèver de ce côté, elle s'élevera entiérement de l'autre, de quelque côté que le fluide ait été dirigé, car la bavûre autour du trou est l'effet de l'explosion en tous sens autour du centre du courant plutôt que l'effet de la direction.
Dans chaque coup de tonnerre je pense que le courant de fluide électrique qui est en mouvement II-231 pour rétablir l'équilibre entre la nuée & la terre, doit toujours préalablement trouver son passage & diriger, pour ainsi dire, sa course, le long de tous les conducteurs qu'il peut trouver dans son chemin, tels que les métaux, les murailles moites, les bois humides, &c., qu'il s'écartera considérablement de la ligne droite pour s'attacher aux bons conducteurs, & qu'enfin dans cette course il est actuellement en mouvement, quoique sans bruit & imperceptiblement avant l'explosion dans & parmi les conducteurs. Cette explosion n'arrive que quand les conducteurs ne peuvent pas s'en décharger II-232 aussi vîte qu'ils le reçoivent, parce qu'ils sont imparfaits, désunis, trop petits, ou qu'ils ne sont pas de la matière la plus propre à conduire. Ainsi les verges de métal, d'une grosseur suffisante, & qui s'étendent de la partie la plus haute d'un édifice jusqu'à terre, étant de la meilleure matière, & des conducteurs parfaits, préserveront, je pense, le bâtiment de dommage, ou en rétablissant l'équilibre assez vîte pour prévenir le coup, ou en le conduisant dans la substance de la verge aussi loin qu'elle s'étend, ensorte qu'il n'y ait d'explosion qu'au dessus de sa pointe, entre elle & les nuages.
Si l'on demandoit quelle épaisseur on doit présumer suffisante dans la verge métalliques? Pour répondre, je remarquerois que cinq gros vases de verre, tels que je les ai indiqués dans mes premiers écrits, déchargent une très grande quantité d'électricité, qui cependant sera toute entière conduite autour d'un livre par le filet mince d'or de la couverture; elle suit l'or par le plus long chemin autour de la couverture plûtôt que de prendre le plus court au travers de cette couverture, qui n'est pas un si bon conducteur. Mais dans cette ligne d'or le métal est d'une finesse si grande, que ce n'est II-234 presque que la couleur de l'or; sur la couverture d'un livre in-8º . il n'y a pas un pouce quarré, & par conséquent pas la trente-sixiéme partie d'un grain suivant Mr. de Reaumur. Cependant elle est suffisante pour conduire la charge de cinq gros vases, & je ne sçais de combien davantage. Présentement je suppose qu'un fil-d'archal du quart d'un pouce de diamètre contient environ 5000. fois autant de métal qu'il y en a dans cette ligne d'or, & si cela est, il conduira la charge de 25000. vases de verre pareils, quantité que j'imagine bien supérieure à ce qu'il y en a jamais eu dans aucun II-235 coup de tonnerre naturel. Mais une verge du diamètre d'un demi-pouce en conduiroit quatre fois autant que celle d'un quart.
Et à l'égard du conducteur, quoiqu'il faille une certaine épaisseur de métal pour conduire un grande quantité d'électricité & en même tems conserver sa propre substance ferme & réunie, & qu'une moindre épaisseur, comme par exemple un très-petit fil-d'archal, soit détruite par l'explosion; cependant un pareil petit fil auroit suffi pour conduire ce coup, quoiqu'il devienne incapable d'en conduire un autre. Et considérant l'extrème rapidité avec laquelle le fluide II-236 électrique court sans explosion quand il a un passage libre ou une communication de métal parfait; je penserois qu'une grande quantité seroit conduite en peu de tems à un nuage ou tirée d'un nuage pour rétablir son équilibre avec la terre par le moyen d'un très-petit fil de fer, & par conséquent des verges épaisses ne paroissent pas si nécessaires. Quoiqu'il en soit, comme la quantité de tonnerre déchargée dans un coup ne peut pas se bien mesurer, & qu'elle est certainement très-différente en différens coups, plus grande dans quelques-uns que dans d'autres, & comme le fer (le II-237 meilleur métal pour cet usage, étant le moins propre à se fondre,) est à bon marché, il n'y a point d'inconvénient d'avoir un plus gros canal pour conduire ce coup impétueux que nous ne le jugeons nécessaire; car quoiqu'un fil-d'archal moyen puisse suffire, deux ou trois ne peuvent pas nuire. Le tems & des observations exactes bien comparées indiqueront à la fin la grosseur convenable avec une plus grande certitude.
Les verges pointuës élevées sur les édifices peuvent de même prévenir souvent un coup de la manière suivante. Un oeil placé de façon qu'il voye horizontalement II-238 le dessous d'un nuage de tonnerre, verra qu'il est très-désuni, ayant nombre de fragmens séparés ou de petits nuages l'un sous l'autre, le plus bas étant souvent fort peu éloigné de la terre. Ceux-ci, comme autant de pierres marchantes, servent à conduire un coup entre le nuage & un bâtiment. Pour les représenter par une expérience, prenez deux ou trois floccons de coton non serré; attachez-en un au premier conducteur par un fil fin de deux pouces, (qui peut être filé sur le champ du même floccon avec les doigts,) liez-en un autre à celui-ci, un troisiéme au second par de semblables II-239 fils. Faites tourner le globe, & vous verrez ces floccons s'étendre vers la table (comme les petits nuages les plus bas font vers la terre,) qui les attire: mais en présentant une fine pointe dressée sous le plus bas, il se resserrera vers le second, le second vers le premier, & tous ensemble vers le premier conducteur, où ils resteront autant de tems que la pointe restera sous eux. Les petits nuages électrisés dont l'équilibre avec la terre est bien vîte rétabli par la pointe, ne peuvent-ils pas de la même manière s'élever vers le principal, & par ce moyen occasionner un si grand vuide II-240 que le grand nuage ne puisse frapper dans cet endroit?
Ces pensées, mon cher ami, ne sont que hazardées & ébauchées; si j'étois simplement ambitieux de me faire quelque réputation dans la philosophie, je les garderois par devers moi jusqu'à ce qu'elles fussent perfectionnées & rectifiées par le tems & par de nouvelles expériences. Mais puisque la communication des moindres vûes & des expériences imparfaites dans une nouvelle branche de science a souvent produit de bons effets en attirant sur cet objet l'attention des personnes de génie, & a donné par là II-241 occasion à des recherches plus exactes & à des découvertes plus complettes. Vous êtes le maître de communiquer cet écrit à qui bon vous semblera; il est plus important que les connoissances s'augmentent qu'il ne l'est que votre ami soit regardé comme un philosophe exact.
De B. FRANKLIN, Écuyer
de Philadelphie.
À P. Collinson, Écuyer, membre
de la Société Royale à
Londres.
18. Avril 1774.
M
ONSIEUR,
Depuis le mois de Septembre dernier ayant fait deux longs voyages, & ayant eu d'ailleurs beaucoup d'occupations, je n'ai guères fait d'observations sur l'état positif & négatif de l'électricité des nuages; mais Mr. II-243 Kinnersley a tenu en bon état sa verge & ses timbres & en a fait beaucoup.
Un jour pendant cet hyver, les timbres sonnèrent long-tems pendant une chûte de neiges, quoique l'on n'entendît point de tonnerre & qu'on ne vît point d'éclairs; quelquefois les coups & le pétillement de la matière électrique entre les timbres furent si forts qu'on les entendit dans toute la maison; mais selon toutes ses observations les nuages furent constamment dans un état négatif jusques il y a environ six semaines; il trouva un jour qu'ils passèrent dans quelques minutes du négatif au positif. II-244 Environ huit jours après il fit une autre observation de la même sorte, & le soir de lundi dernier le vent sud-est soufflant fortement en tournant au nord-est & chassant beaucoup de nuages épais, il y eut cinq ou six passages successifs du négatif au positif, & du positif au négatif, les timbres s'arrêtant une minute ou deux entre chaque changement. Outre les méthodes rapportées dans mon écrit de Septembre dernier pour découvrir l'état électrique des nuages, on peut se servir de la suivante. Quand vos timbres sonnent, passez un tube frotté près du bord du timbre attaché à votre II-245 verge pointuë, si le nuage est alors dans un état négatif, la sonnerie s'arrêtera; s'il est dans un positif elle continuëra & sera peut-être plus vive. Ou bien suspendez une très-petite boule de liége à un fil de soye fine, ensorte qu'elle pende tout près du bord du timbre de la verge. Alors dès que le timbre est électrisé positivement ou négativement, la petite boule est repoussée & reste à quelque distance du timbre. Ayez tout prêt un bouchon de flacon en verre & à tête ronde, frottez-le sur votre côté jusqu'à ce qu'il soit électrisé, ensuite présentez-le à II-246 la boule de liége; si l'électricité dans la boule est positive elle sera repoussée du bouchon de verre aussi bien que du timbre. Si elle est négative elle sera attirée vers le bouchon.
Remarques sur les Lettres de l'Abbé Nollet sur l'Électricité, à B. Franklin Écuyer à Philadelphie, par M. David Colden de la nouvelle York, à Coldenham dans la nouvelle York, le 4. Décembre 1753.
M
ONSIEUR,
En examinant les lettres de l'Abbé Nollet à M. Franklin, je suis obligé de lui passer toutes les expériences qui se font avec ou dans des bouteilles scellées hermétiquement ou vuidées II-248 d'air, parce que n'étant pas en état de répéter les expériences, je ne pourrois pas appuyer par des preuves tirées de l'expérience certaines idées qui se sont présentées à moi là-dessus; c'est pourquoi le premier point sur lequel j'ose ouvrir mon sentiment est dans la quatriéme lettre de l'Abbé, pag. 66. où il essaye de prouver que la matière électrique passe d'une surface à l'autre à travers l'épaisseur entière du verre; il prend l'expérience du tableau magique de M. Franklin, & parle ainsi: Lorsque vous électrisez ainsi un carreau de verre enduit de métal dessus & dessous, il est évident que II-249 ce que l'on pose sur la surface opposée à celle qui reçoit l'électricité du conducteur, prend aussi une vertu électrique très-marquée, qui, dit M. Franklin, est cette égale quantité de matière électrique chassée de ce côté par celle que le côté opposé reçoit du conducteur, & qui continuëra à donner une vertu électrique à chaque chose qui sera en contact avec elle jusqu'à ce qu'elle soit entièrement déchargée de son feu électrique; à quoi l'Abbé fait cette objection. «Dites-moi, je vous prie, dit-il, combien de tems faut il pour ce prétendu dépouillement, je puis vous assurer II-250 qu'après avoir soutenu l'électrisation pendant des heures entières, cette surface qui auroit dû, ce me semble, être bien dépourvûe de sa matière électrique, attendu le grand nombre d'étincelles qu'on en avoit tirées, ou le tems que cette matière avoit été exposée à l'action de la cause expulsive, cette surface, dis-je, ne m'en paroissoit que mieux électrisée & plus propre à produire tous les effets d'un corps actuellement électrique.» Pag. 68.
L'Abbé ne nous dit point quels sont ces effets: je n'ai jamais pû les observer tous, & on II-251 peut aisément rendre raison de ceux que l'on observe, en supposant que ce côté est entiérement destitué de matière électrique. L'effet le plus sensible d'un corps chargé d'électricité, est que quand on lui présente le doigt, ce doigt en tire une étincelle: or quand une bouteille préparée pour l'expérience de Leyde est penduë au canon d'un fusil ou au premier conducteur, & que vous faites tourner le globe pour la charger, aussitôt que la matière électrique est en mouvement, vous pouvez voir une étincelle aller de la surface extérieure de la bouteille à votre doigt, ce qui, dit M. Franklin, II-252 est la matière électrique naturelle du verre poussée dehors par celle qui est reçue du conducteur sur la surface intérieure, si elle en sort seulement par étincelles, on en peut tirer un grand nombre; mais si vous serrez la surface extérieure avec votre main, la bouteille recevra bientôt toute la matière électrique qu'elle est capable de recevoir, & l'extérieure sera alors entiérement privée de sa matière électrique, & on ne pourra en tirer d'étincelles avec le doigt; il y manque donc alors cet effet qu'ont tous les corps chargés d'électricité: quelques effets d'un corps électrique que l'Abbé, II-253 je suppose, a observés sur la surface extérieure d'une bouteille chargée, sont que tous les corps légers en sont attirés; c'en est un que j'ai constamment observé, mais je ne pense pas qu'il vienne d'une qualité attractive dans la surface extérieure de la bouteille; mais dans ces corps légers mêmes qui semblent être attirés par la bouteille, c'est une remarque constante que quand un corps a une plus grande charge de matière électrique qu'un autre, (c'est-à dire en proportion de la quantité qu'ils contiendront,) ce corps attirera celui qui en a moins; à présent je suppose, & c'est une partie du systême II-254 de M. Franklin, que tous ces corps légers qui semblent être attirés, ont plus de matière électrique en eux que la surface extérieure des bouteilles n'en a, c'est pourquoi ils tâchent d'attirer à eux la bouteille qui est trop pésante pour être ébranlée par le petit dégré de force qu'ils employent, & qui cependant étant plus grande que leur propre poids les pousse vers la bouteille, l'expérience suivante aidera l'imagination à concevoir cela. Suspendez une boule de liége ou une plume avec un fil de soye & électrisez-la; ensuite approchez cette boule de quelque corps fixe, & elle semblera attirée II-255 par ce corps, car elle volera vers lui. Mais de l'aveu des Électriciens, la cause attractive est dans la boule même, & non dans le corps fixe auquel elle court. Ce cas est semblable à l'attraction apparente des corps légers vers la surface extérieure d'une bouteille chargée.
L'Abbé dit, pag. 69. qu'il peut électriser cent hommes debout sur des gâteaux de cire, pourvû qu'ils se tiennent par les mains, & qu'un d'eux touche l'une de ces surfaces (l'extérieure) du bout de son doigt. Je sçais qu'il le peut, pendant que la bouteille se charge, mais je suis aussi certain qu'il ne le peut II-256 pas après qu'elle est chargée; car une bouteille étant préparée pour l'expérience de Leyde, suspendez-la au conducteur, & qu'un homme debout sur le plancher touche de son doigt la doublure, pendant que le globe tourne, jusqu'à ce que la matière électrique sorte du crochet de la bouteille ou de quelque partie du conducteur, je crois que c'est le signe le plus certain que la bouteille a reçu toute la matière électrique qu'elle peut recevoir: après ce signe, que l'homme, qui auparavant étoit sur le plancher, monte sur un gâteau de cire, il peut y rester des heures entières le globe tournant pendant II-257 tout ce tems-là, & cependant ne donner aucun signe d'électricité.
Après que la matière électrique fut poussée dehors du crochet de la bouteille préparée pour l'expérience de Leyde comme ci-dessus, je pendis une autre bouteille préparée de la même manière à un crochet attaché à la doublure de la première, & je tins cette autre bouteille dans ma main; mais si quelque matière électrique passoit au travers du verre de la première bouteille, la seconde la recevroit & la rassembleroit assurément; mais ayant tenu les bouteilles dans cette situation pendant un tems considérable, II-258 pendant lequel le globe ne cessa de tourner, je ne m'apperçus point que la seconde bouteille fut chargée le moins du monde, car quand je portai le doigt au crochet, comme dans l'expérience de Leyde, je n'éprouvai pas la moindre commotion, & je ne vis pas une étincelle partir du crochet.
Je fis aussi l'expérience suivante, ayant chargé deux bouteilles (préparées pour l'expérience de Leyde) par leurs crochets, deux personnes en prirent chacun une dans leurs mains, l'un par le côté, l'autre par le crochet, ce qu'il fit en ôtant la communication avec le fond, avant de prendre le crochet, II-259 ces personnes se placèrent chacune à un de mes côtés, pendant que j'étois debout sur un gâteau de cire, & que je tenois le crochet de la bouteille qui étoit tenuë par la doublure (sur quoi il partit une étincelle; mais la bouteille ne fut pas déchargée pendant que je fus sur la cire) tenant le crochet, je touchai la doublure de la bouteille qui étoit tenuë par son crochet de mon autre main, sur quoi on apperçut une étincelle considérable entre mon doigt & la doublure, & les deux bouteilles furent sur le champ déchargées. Si l'opinion de l'Abbé est fondée, que la surface extérieure II-260 communiquant avec la doublure est chargée aussi bien que l'intérieure communiquant avec le crochet, comment puis-je, moi qui suis sur la cire, décharger ces deux bouteilles, quand il est bien connu que je n'en pourrois pas décharger une séparément? Bien plus, supposé que j'aye tiré la matière électrique des deux, qu'est-elle devenuë? car il ne paroît pas que j'en aye une quantité plus grande quand l'expérience est finie, & que je n'ai pas bougé de dessus la cire.
Cette expérience me démontre donc pleinement que la surface extérieure n'est pas chargée, II-261 & non-seulement cela, mais qu'il lui manque autant de matière électrique que l'intérieure en a par excès; car par cette supposition, qui est une partie du systême de Mr. Franklin, on rend aisément raison de l'expérience précédente de cette sorte: quand je suis sur la cire mon corps n'est pas capable de recevoir du crochet d'une bouteille toute la matière électrique qu'elle est prête à donner, elle ne peut pas non plus en donner autant à la doublure de l'autre bouteille qu'elle est prête à en prendre, quand il n'y en a qu'une d'appliquée contre moi; mais quand elles le sont toutes II-262 deux, la doublure reçoit de l'une ce que le crochet de l'autre donne: ainsi je reçois le feu de la première bouteille en B, dont la surface extérieure est fournie par la main en A: je donne le feu à la seconde bouteille en C, dont la surface intérieure est déchargée par la main en D. Cette décharge en D peut être renduë sensible en recevant ce feu dans le crochet d'une troisiéme bouteille, ce qui s'exécute ainsi: au lieu de prendre le crochet de la seconde bouteille dans votre main, faites passer au travers le fil-d'archal d'une troisiéme bouteille préparée comme pour l'expérience de Leyde, & tenez cette troisiéme II-263 bouteille dans votre main, la seconde y étant penduë par les bouts des crochets, passés l'un dans l'autre: quand l'expérience est achevée, cette troisiéme bouteille reçoit le feu en D, & elle sera chargée. Si l'on considère cette expérience, elle doit, je pense, prouver parfaitement que la surface extérieure d'une bouteille chargée manque de matière électrique, pendant que l'intérieure en a un excès. Quelque chose de plus, qui est digne de remarque dans cette expérience, c'est que je ne sens ni commotion ni choc dans mes bras, quoiqu'ils soient dans un instant traversés d'une si grande II-264 quantité de matière électrique; je ne sens qu'une piqûre aux bouts de mes doigts. Cela me fait penser que l'Abbé se trompe quand il dit qu'il n'y a point de différence entre le choc senti en faisant l'expérience de Leyde & la piqûre sentie en tirant de simples étincelles, si ce n'est du plus au moins. Dans la dernière expérience il passe à travers mes bras autant de matière électrique que m'en auroit donné un coup très-considérable, s'il y avoit eu une communication immédiate, par mes bras, du crochet à la doublure de la même bouteille; parce que quand elle fut prise dans une II-265 troisiéme bouteille, & que cette bouteille fut déchargée en particulier à travers mes bras, elle me donna un coup sensible. Si ces expériences prouvent que la matière électrique ne passe pas à travers l'entière épaisseur du verre, il est d'une conséquence nécessaire qu'elle doit toujours sortir par où elle est entrée.
Ce qui s'est ensuite présenté, c'est dans la cinquiéme lettre pag. 88. où il différe de M. Franklin, qui pense que tout le pouvoir de donner le coup réside dans le verre même & non dans les corps non-électriques qui le touchent. Les expériences que Mr. Franklin a données pour II-266 prouver cette opinion dans ses expériences & observations sur l'électricité, lettre 4. §. 50. & 51. m'ont convaincu qu'il avoit raison; & ce que l'Abbé a assuré de contraire ne m'a pas fait penser autrement. L'Abbé s'appercevant, comme je le suppose, que les expériences, comme M. Franklin les avoit faites, devoient prouver sa proposition, les altère sans en donner aucune raison, & les fait d'une manière qui ne prouve rien. Pourquoi veut-il qu'un homme tienne dans sa main la bouteille dans laquelle l'eau de la bouteille chargée doit être versée? Si le pouvoir de donner un coup est II-267 dans l'eau contenuë dans la bouteille, elle doit s'y conserver, quoiqu'elle soit versée dans une autre, puisqu'elle n'a été touchée par aucun corps non-électrique pour enlever ce pouvoir. Que la bouteille soit placée sur la cire, ce n'est pas une objection, car elle ne peut pas ôter le pouvoir à l'eau si elle en avoit, mais c'est un moyen nécessaire pour éprouver le fait; au lieu que cette bouteille étant chargée quand elle est dans la main d'un homme, prouve seulement que l'eau conduit la matière électrique. L'Abbé avouë, pag. 94. qu'il a entendu faire cette remarque; mais, dit-il, pourquoi II-268 un conducteur d'électricité n'est-il pas un sujet électrique? Ce n'est pas là la question. Mr. Franklin n'a jamais dit que l'eau ne fût pas un sujet électrique, il a dit que le pouvoir de donner le coup étoit dans le verra & non dans l'eau, & ses expériences le prouvent parfaitement, & si parfaitement qu'il seroit ridicule d'y rien ajouter: cependant comme je ne sçache pas que l'expérience suivante ait encore été connue de personne, on m'excusera de l'insérer ici: la voici.
Pendez une bouteille préparée pour l'expérience de Leyde au conducteur par son crochet, II-269 & chargez-la; après cela écartez la communication du fond de la bouteille, alors le conducteur donne des signes évidens de son électrisation, car si on attache autour de lui un fil & qu'on laisse des bouts longs d'environ deux pouces, ils s'étendront comme une paire de cornes; mais si vous touchez le conducteur il en sortira une étincelle & les fils tomberont, & le conducteur ne donne plus le moindre signe d'électrisation après cela. Je pense qu'en le touchant j'ai enlevé toute la charge de matière électrique qui étoit dans le conducteur, le crochet de la bouteille & l'eau ou les fils de II-270 fer qui y sont contenus: nous voyons que tous les corps non-électriques peuvent en recevoir autant, cependant le verre de la bouteille conserve sa capacité de donner un coup, comme l'éprouveront tous ceux qui voudront l'essayer. Cette expérience fait voir évidemment que l'eau dans la bouteille ne contient pas plus de matière électrique qu'elle le feroit dans un bassin découvert, & qu'elle n'a pas la moindre chose de cette grande quantité qui produit le choc & qui est seulement retenuë par le verre. Après que l'étincelle est tirée du conducteur, si vous touchez la doublure de la bouteille II-271 (qui pendant tout ce tems est supposée pendre dans l'air dégagée de tout corps non-électrique) les fils sur le conducteur s'éleveront sur le champ & feront voir que le conducteur est électrisé: il reçoit cette électrisation de la surface intérieure de la bouteille, laquelle, quand la surface extérieure peut recevoir de la main qui lui est appliquée ce qui lui manque, en donnera autant que les corps en contact avec elle pourront en recevoir, ou tout ce qu'elle en a d'excès, s'ils sont assez gros. Il est amusant de voir la manière dont les fils hausseront & baisseront en touchant la doublure de la bouteille II-272 & le conducteur tour à tour. Ne seroit-ce point que la différence entre le côté chargé du verre & le côté extérieur ou vuidé étant diminuée en touchant le crochet ou le conducteur, le côté extérieur peut le recevoir de la main qui le touchoit, & par ce moyen le côté intérieur ne peut pas en conserver tant, & par cette raison ce qu'il n'en peut pas conserver électrise l'eau ou les fils & le conducteur; car il paroît être de règle qu'un des côtés doit se vuider dans la même proportion que l'autre est rempli; quoique la chose paroisse évidente par l'expérience, cependant c'est II-273 toujours un mystère dont on ne peut pas rendre raison.
Je suis surpris de trouver dans plusieurs endroits du livre de l'Abbé que les expériences ont réussi si différemment à Paris de ce qu'elles ont fait dans les mains de M. Franklin & constamment dans les miennes. L'Abbé en faisant les expériences pour trouver la différence entre les deux surfaces d'un verre chargé, se garde bien de placer la bouteille sur la cire, car, dit-il, ne sçavez vous pas qu'étant mise suc un corps originairement électrique, elle perd promptement sa vertu? Je ne puis imaginer ce qui a engagé l'Abbé à penser de II-274 la sorte. Rien de plus opposé aux notions les plus communes des corps électriques par eux-mêmes, & l'expérience m'est un garant du contraire, car ayant laissé plusieurs fois à dessein une bouteille chargée sur la cire pendant des heures, je trouvai qu'elle conservoit autant de sa charge qu'une autre qui étoit restée pendant le même tems sur une table. J'en laissai une sur la cire depuis dix heures du soir jusqu'à huit du lendemain matin, je trouvai qu'elle conservoit une quantité de sa charge suffisante pour me donner une commotion sensible aux bras, quoique la chambre où II-275 étoit cette bouteille eût été balayée pendant ce tems, ce qui devoit avoir élevé beaucoup de poussière pour faciliter la décharge de la bouteille.
Je trouve qu'une boule de liége suspenduë entre deux bouteilles, l'une chargée en plein & l'autre médiocrement, ne jouë pas entre elles, mais qu'elle s'arrête dans une situation qui fait un triangle avec les crochets des bouteilles, quoique l'Abbé ait assuré le contraire, pag. 101. pour rendre raison du jeu d'une boule de liége entre le fil-d'archal enfoncé dans la bouteille & un autre qui s'élève de sa doublure. La II-276 bouteille qui est moins chargée doit avoir reçu plus de matière électrique, eu égard à sa grosseur, que la boule de liége n'en reçoit du crochet de la bouteille pleine.
L'Abbé dit, pag. 103. qu'un morceau de feüille de métal pendu à un fil de soye & électrisé sera repoussé par le fond d'une bouteille chargée & tenuë en l'air par son crochet. Je le trouve constamment tout autrement; dans mes mains il est toujours attiré d'abord & ensuite repoussé: en chargeant la feüille il faut avoir soin d'empêcher qu'elle ne se porte vers quelque corps non-électrique, & que par II-277 ce moyen elle ne se décharge, tandis que vous la croyez chargée. Il est difficile de l'empêcher de se porter vers votre poignet ou vers quelque partie de votre corps.
Pag. 108. l'Abbé dit qu'il n'est pas impossible, comme M. Franklin le prétend, de charger une bouteille pendant qu'il y a une communication établie entre sa doublure & son crochet. J'ai toujours trouvé impossible de charger une pareille bouteille au point de donner un coup; à la vérité, si elle est suspenduë au conducteur sans communication avec lui, vous pouvez en tirer une étincelle comme de II-278 tout autre corps qui y seroit suspendu; mais cela est bien différent d'être chargée au point de donner une commotion. Pour rendre raison du peu de matière électrique qui se trouve dans la bouteille, l'Abbé dit qu'elle suit plutôt le métal que le verre & qu'elle est chassée de la doublure de la bouteille dans l'air. J'admire que la même chose n'arrive pas aussi quand elle passe au travers du verre & qu'elle en charge la surface extérieure suivant le systême de l'Abbé.
Je regarde les objections de l'Abbé contre les deux dernières expériences de Mr. Franklin, comme peu solides: il paroît assurément II-279 très-embarrassé sur ce qu'il doit dire, c'est pourquoi il accuse M. Franklin d'avoir tenue secrette la partie importante de l'expérience. C'est une petitesse dont on ne doit pas charger un galant homme qui n'a pas marqué tant de partialité que l'Abbé dans la relation de ses expériences.
Expériences électriques avec un essai pour rendre raison de leurs différens phénomènes, & quelques observations sur les nuages de tonnerre, pour confirmer encore les remarques de Mr. Franklin sur l'état électrique positif & négatif des nuages par Jean Canton M. A. & de la Société Royale.
6. Décembre 1753.
Première Expérience. Du plat-fond ou de quelqu'endroit convenable d'une chambre suspendez avec des fils de II-281 lin de huit ou neuf pouces de long deux boulettes de liége chacune de la grosseur d'un petit pois, de manière qu'elles se touchent, si l'on porte le tube de verre frotté sous les boulettes, il les fera séparer quand on le tiendra à la distance de trois ou quatre pieds; si on l'en approche davantage, elles se sépareront encore davantage; si on le retire tout-à-fait, elles se réuniront immédiatement. Cette expérience peut se faire avec des boulettes de cuivre suspenduës par le moyen d'un fil d'argent; elle réussira aussi bien avec de la cire d'Espagne renduë électrique qu'avec du verre.
Deuxiéme Exp. Si deux boules de liége sont suspenduës avec des fils de soye secs, il faudra en approcher le tube frotté à la distance de dix-huit pouces avant qu'elles se repoussent l'une l'autre: elles continuëront de le faire quelque tems après que le tube aura été ôté.
Comme les boules dans la première expérience n'ont pas été isolées, on ne peut pas dire à la rigueur qu'elles ayent été électrisées; mais quand elles sont suspenduës dans l'atmosphère du tube frotté elles peuvent attirer & condenser le fluide électrique autour d'elles & être séparées par la répulsion de ses II-283 particules; on conjecture aussi que les boules alors contiennent moins que leur part commune du fluide électrique par rapport à la force de répulsion de celui qui les environne, quoiqu'il en entre & en passe peut-être un peu continuellement au travers des fils; & si cela est ainsi, on voit clairement la raison pour laquelle les boules suspenduës avec de la soye dans la seconde expérience doivent être dans une partie beaucoup plus dense de l'atmosphère du tube avant de se repousser l'une l'autre. Lorsqu'on approche des boules un bâton de cire frottée dans la première expérience, le feu électrique II-284 est supposé venir au travers des fils dans les boules, & s'y condenser dans son passage vers la cire; car suivant M. Franklin le verre frotté laisse aller le fluide électrique, mais la cire frottée le reçoit.
Troisiéme Exp. Qu'on isole avec de la soye un tube mince de quatre ou cinq pieds de long & d'environ deux pouces de diamètre, & qu'on suspende à un de ses bouts des boules de liége avec des fils de lin; électrisez-le en portant le tube de verre frotté près de l'autre bout, ensorte que les boules restent séparées d'un pouce & demi ou de deux pouces, alors à l'approche du tube II-285 frotté elles perdront par dégré leur vertu répulsive & viendront en contact: & à mesure qu'on approche toujours le tube davantage, elles se sépareront encore à une aussi grande distance qu'auparavant: au retour du tube elles s'approcheront jusqu'à se toucher, & se repousseront ensuite comme en premier lieu. Si le tube mince est électrisé par la cire ou par le crochet d'une bouteille chargée, les boules seront affectées de la même manière à l'approche de la cire frottée ou du crochet de la bouteille.
Quatriéme Exp. Électrisez les boules de liége comme dans la II-286 dernière expérience par le verre, & leur répulsion augmentera à l'approche d'un bâton de cire frotté. Ce sera le même effet si le verre frotté en est approché lorsqu'elles ont été électrisées avec de la cire.
On suppose qu'en portant le verre frotté au bout ou au bord du tube mince dans la troisiéme expérience, il l'électrise positivement, ou ajoute au feu électrique qu'il contenoit auparavant, & par conséquent il en passe au travers des boules qui se repoussent mutuellement; mais à l'approche d'un verre frotté qui laisse sortir pareillement un fluide électrique, les II-287 boules en déchargeront moins, ou une partie sera poussée en arrière par une force qui agira dans une direction contraire, & elles s'approcheront plus près. Si le tube est tenu à une telle distance des boules que l'excès de la densité du fluide autour d'elles au dessus de la quantité ordinaire dans l'air, soit égal à l'excès de la densité de celui qui est en elles, au-dessus de la quantité ordinaire contenuë dans le liége, leur répulsion sera bientôt détruite; mais si le tube est approché davantage, le fluide du dehors étant plus dense que celui du dedans des boules, il sera attiré par elles, & elles se II-288 sépareront encore l'une de l'autre.
Quand l'appareil a perdu une partie de sa portion naturelle de ce fluide par l'approche de la cire frottée d'une de ses extrémités, ou qu'il est électrisé négativement, le feu électrique est attiré & pris par les boules pour suppléer au défaut, & cela plus abondamment à l'approche d'un verre frotté ou d'un corps électrisé positivement qu'auparavant. C'est pourquoi l'éloignement entre les boules augmentera à mesure que le fluide qui les entoure, augmente, & en général soit par l'approche, soit par l'éloignement de quelque corps, si la II-289 différence entre la densité du fluide intérieur & extérieur est augmentée ou diminuée, la répulsion des boules sera augmentée ou diminuée à proportion.
Cinquiéme Expér. Si le tube mince isolé n'est pas électrisé; approchez de son milieu le tube de verre frotté, ensorte qu'il fasse à peu près angle droit avec lui, les boules du bout se repousseront l'une l'autre; elles le feront d'autant plus que le tube frotté sera plus près. Quand il a été tenu quelques secondes à la distance d'environ six pouces, retirez-le, & les boules s'approcheront l'une de l'autre jusqu'à ce qu'elles se touchent, puis se séparant II-290 encore à mesure que le tube s'éloigne davantage, elles continuëront à se repousser quand on l'ôtera tout-à-fait, & cette répulsion entre les boules augmentera à l'approche du verre frotté, mais elle sera diminuée par la cire frottée, comme si l'appareil avoit été électrisé par la cire de la manière expliquée dans la troisiéme expérience.
Sixiéme Exp. Isolez deux tubes minces désignés par A & B, ensorte qu'ils soient en ligne droite & séparés d'environ six lignes; suspendez au bout éloigné de chacun une paire de boules de liége. Approchez du milieu II-291 d'A le tube de verre frotté, & le tenant peu de tems à la distance de quelques pouces, vous verrez chaque paire de boule se séparer: écartez le tube, & les boules de A s'uniront & se repousseront encore l'une l'autre; mais celles de B seront à peine affectées. Par l'approche du tube de verre frotté tenu sous les boules de A, leur répulsion sera augmentée; mais si le tube est porté de la même manière vers les boules de B, leur répulsion diminuëra.
Dans la cinquiéme expérience la provision commune de matière électrique dans le tube mince est supposée être raréfiée vers II-292 le milieu & condensée aux extrémités par la vertu répulsive de l'atmosphère du tube de verre frotté, quand il est tenu près du premier; & peut-être le tube mince perd-il quelque chose de sa quantité naturelle de fluide électrique avant qu'il en reçoive du verre: comme ce fluide doit être plus prêt à sortir par ses bouts & par ses bords qu'à entrer au milieu: & par conséquent lorsque le tube de verre est écarté & que le fluide est dérechef également répandu à travers l'appareil, on trouve qu'il est électrisé négativement, car le tube frotté porté sous les boules augmentera leur répulsion.
Dans la sixiéme expérience une partie du fluide tiré d'un tube mince entre dans l'autre. On connoît qu'il est électrisé positivement par la diminution de la répulsion de ses boules à l'approche du verre frotté.
Septiéme Exp. Placez le tube mince avec la paire de boules à son bout, à trois pieds au moins de toutes les parties de la chambre; rendez l'air très-sec par le moyen du feu; électrisez l'appareil à un degré considérable; ensuite touchez du doigt ou de quelqu'autre conducteur le tube mince, les boules continuëront cependant de se repousser l'une l'autre; mais non pas à une si II-294 grande distance qu'auparavant.
L'air qui environne l'appareil à la distance de deux ou trois pieds est supposé contenir plus ou moins de feu électrique que sa part commune, selon que le tube mince est électrisé positivement ou négativement; & quand il est très-sec il ne quitte pas son surplus, ou ne répare pas son défaut aussi promptement que le tube mince, mais il peut continuer d'être électrisé, après qu'il a été touché pendant un temps considérable.
Huitiéme Exp. Ayant fait un vuide de Torricelli, long d'environ 5. pieds, de la manière expliquée dans les Transactions Philosophiques, II-295 vol. 47. pag. 370. Si on en approche assez le tube frotté, on verra une lumière dans plus de la moitié de sa longueur; elle s'évanouit bientôt si on ne met pas le tube plus près, mais elle reparoîtra à mesure qu'on l'avancera davantage; on peut le répéter plusieurs fois sans frotter le tube de nouveau.
Cette expérience peut être regardée comme une espèce de démonstration oculaire de la vérité de l'hypothèse de M. Franklin, que quand le fluide électrique est condensé d'un côté d'un verre mince, il sera repoussé de l'autre s'il ne trouve II-296 point de résistance, en conséquence à l'approche du tube frotté le feu est supposé être repoussé de la surface intérieure du verre qui entoure le vuide & être emporté au travers des colonnes de mercure, mais on suppose qu'il revient à mesure qu'on écarte le tube.
Neuviéme Exp. Qu'on tienne à peu près par le milieu un bâton de cire de deux pieds & demi de long, & d'environ un pouce de diamètre, frottez le tube de verre & traînez-le sur une de ses moitiés, ensuite le tournant un peu autour de son axe frottez encore le tube, & traînez-le sur la même moitié; II-297 répétez cette opération plusieurs fois: cette moitié détruira la force répulsive des boules électrisées par le verre, & l'autre moitié l'augmentera.
Il paroît par cette expérience que la cire peut aussi être électrisée positivement & négativement, & il est probable que dans les corps quels qu'ils soient, la quantité de fluide électrique qu'ils contiennent peut être augmentée ou diminuée. J'ai observé par un grand nombre d'expériences que certains nuages sont dans un état positif d'électricité, d'autres dans un état négatif, car les boules de liége qui en sont électrisées se serrent II-298 souvent à l'approche d'un tube frotté, & d'autres fois s'écartent à une plus grande distance. J'ai vû arriver cette variation cinq ou six fois en moins d'une demi-heure, les boules se réunissant chaque fois & restant en contact quelques secondes avant qu'elles se repoussent de nouveau l'une l'autre. On peut de même découvrir aisément avec une bouteille chargée si le feu électrique est tiré de l'appareil par un nuage négatif ou s'il y est poussé par un positif, & quelque soit celui par lequel il sera électrisé, soit que ce nuage se sépare de son surplus, soit que son défaut soit remplacé sur le II-299 champ, l'appareil perdra son électricité. On remarque que c'est souvent le cas après un éclair: cependant quand l'air est bien sec, l'appareil continuëra d'être électrisé pendant dix minutes ou un quart-d'heure après que les nuages ont passé le zénith, & quelquefois jusqu'à ce qu'ils paroissent à plus de moitié chemin vers l'horizon: la pluye surtout, quand les goutes sont grosses, fait communément descendre le feu électrique; & la grêle en été n'y manque jamais à mon avis. Quand l'appareil fut électrisé la dernière fois, ce fut par la chûte d'une neige fonduë, ce qui arriva dernièrement II-300 environ le 12. de Novembre; c'étoit le vingt-sixiéme jour & la soixante-uniéme fois qu'il avoit été électrisé depuis qu'il avoit été élevé, c'est-à-dire vers le milieu de Mai, & comme le thermomètre de Fahrenheit n'étoit que de sept degrés au-dessus de la congélation, on présume que l'hyver n'interrompra pas entièrement les opérations de cette sorte. À Londres il n'arriva que deux orages de tonnerre pendant tout l'été, & l'appareil fut quelquefois si fortement électrisé pendant l'un, que les timbres qui ont souvent été sonnés par les nuages assez fort pour être entendus dans toutes les chambres II-301 de la maison (les portes étant ouvertes) furent tenus en silence par le cours presque continuel d'un feu électrique dense entre chaque timbre & la boule de cuivre, qui ne la laissoit pas frapper.
Je terminerai cet écrit déjà trop long par les deux questions suivantes.
1º. L'air raréfié tout-à-coup ne peut-il pas donner le feu électrique aux nuages & aux vapeurs qui le traversent, & lorsqu'il est condensé soudain, ne peut-il pas le recevoir d'eux?
2º. L'aurore boréale n'est-elle point l'élancement du feu électrique des nuages positifs II-302 aux négatifs à une grande distance dans la partie supérieure de l'atmosphère où la résistance est moindre?
Comme M. Franklin dans une première Lettre à M. Collinson a parlé de son dessein d'essayer le pouvoir d'un coup électrique très-fort sur un poulet-d'inde, ce Monsieur en conséquence a eu la bonté d'en envoyer une relation qui se rêduit à ceci.
I
l fit d'abord plusieurs expériences
sur des oiseaux, &
trouva que deux gros pots de
verre mince dorés contenant
II-303
chacun environ six gallons &
tels que j'ai dit que je les avois
employés dans le dernier écrit
que je vous ai présenté sur ce
sujet, étoient suffisante quand ils
étoient bien chargés pour tuer
des poules ordinaires sur le
champ; mais les poulets-d'inde,
quoiqu'ils éprouvent de violentes
convulsions, & qu'ils restent
étendus comme morts pendant
quelques minutes, se rétablissoient
en moins d'un quart-d'heure.
Quoiqu'il en soit, ayant
ajouté trois pots pareils aux deux
premiers sans être pleinement
chargés; il tua un poulet-d'inde
d'environ dix livres, & il croit
qu'ils en auroient tué un beaucoup
II-304
plus gros. Il imagina que
les oiseaux tués de cette sorte
étoient extrémement tendres à
manger.
En faisant ces expériences il trouva qu'un homme pouvoit, sans risquer beaucoup, supporter un choc beaucoup plus fort qu'il n'imaginoit; car sans y prendre garde il reçut un coup de deux de ces pots au travers des bras & du corps, lorsqu'ils étoient presqu'entiérement chargés; il lui sembla recevoir un coup universel depuis la tête jusqu'aux pieds dans tout le corps; il fut suivi d'un tremblement vif & violent dans le tronc qui se dissipa petit à petit dans quelques II-305 secondes; il fut quelques minutes avant de reprendre ses esprits au point de connoître ce dont il s'agissoit, car il ne vit point l'étincelle, quoique son oeil fût tout près du premier conducteur, d'où elle frappa le revers de sa main; il n'entendit pas plus le bruit du coup, quoique les assistans disent qu'il avoit été considérable; il ne sentit pas davantage en particulier le coup sur sa main, quoiqu'il vit ensuite qu'il y avoit causé une enflure de la grosseur d'une chevrotine ou d'une balle de pistolet. Ses bras & le derrière de son col restèrent un peu engourdis le reste de la soirée, & sa poitrine II-306 fut affectée pendant une semaine comme si elle eût été brisée. Par cette expérience on peut connoître le danger qu'il y a, même avec les plus grandes précautions, pour l'opérateur quand il fait ces expériences avec de gros pots; car on ne peut pas douter que plusieurs étant chargés en plein ne soient capables de tuer un homme, comme ils ont auparavant tué un poulet d'inde, en les augmentant à proportion de la taille.
De M. B. FRANKLIN Écuyer
de Philadelphie
à M. D'ALIBARD, à Paris.
29 Juin 1755.
M
ONSIEUR,
Il y a long-tems que je dois une réponse à votre dernière lettre, dattée du 20. Juin 1754. Je l'ai reçuë en Janvier dernier pendant que j'étois à Boston dans la nouvelle Angleterre, & depuis ce tems-là j'ai été si occupé de mes voyages en différens endroits & des affaires publiques, que je suis extrêmement en II-308 arrière avec mes correspondans.
Je vous envoyai l'année dernière un manuscrit qui contient quelques nouvelles expériences & des observations sur la foudre; je ne sçai si vous l'avez reçu, mais il a été imprimé depuis à Londres, & j'imagine que notre bon ami M. Collinson vous en aura envoyé une copie.
Je vous remercie de la bonté que vous avez euë de m'envoyer les quatre volumes de l'histoire naturelle de M. de Buffon, les cartes, &c.
Vous me demandez mon sentiment sur le livre Italien du P. Beccaria. Je l'ai lû avec beaucoup de plaisir, & je le regarde comme II-309 un des meilleurs ouvrages que j'aie vûs dans aucune langue sur cette matière; cependant je ne suis pas pour le présent de son sentiment sur l'article des jets-d'eau; néanmoins je conviendrai avec vous qu'il l'a traité avec beaucoup de finesse. Il y a quelque tems que j'ai écrit fort au long à M. Collinson ce que je pensois des tourbillons & des jets-d'eau; je ne sçai si on le publiera; en cas qu'on ne le fasse pas, je le ferai transcrire pour vous.
Je ne vois pas que le P. Beccaria doute de l'imperméabilité absoluë du verre, dans le sens que je l'entens; car les exemples II-310 qu'il rapporte de trous faits au verre par le coup électrique, sont les mêmes que nous connoissons tous; il prouve seulement que le fluide électrique n'y passeroit pas sans le trou qu'il y fait. Nous disons de même que l'eau ne peut pas passer au travers du verre, & cependant le jet-d'eau d'une pompe percera les carreaux de vitre les plus épais.
Pour ce qui regarde l'effet des pointes, de tirer la matière électrique des nuages & de préserver de cette forte les bâtimens, &c. effet dont vous me dites qu'il semble douter, je vous avouërai que je crois que c'est modestie & prudence de sa part. II-311 Je trouve qu'on ne m'a pas entendu tout à fait sur ce sujet. J'en ai parlé dans plusieurs de mes lettres & toujours, excepté une seule fois, avec une alternative , c'est-à-dire que les verges pointuës élevées sur les bâtimens, & qui communiquent avec la terre humide empêcheroient le coup de foudre, ou que si elles ne le faisoient pas, elles le conduiroient de manière que le bâtiment n'en seroit pas endommagé. Malgré cela quand on éxamine mon opinion en Europe, on ne fait attention qu'à la probabilité que ces verges préviennent un coup ou une explosion; ce n'est qu'une partie de l'usage que je proposois II-312 de faire de ces verges; quoique l'autre partie soit d'une importance & d'une utilité égales, puisqu'elle consiste à conduire un coup qu'elles n'auroient pas réussi à prévenir, il semble qu'on l'ait totalement oubliée.
Je serai fort aise de connoître les expériences de M. le Roy sur l'électricité positive & négative, quand vous pourrez me les communiquer.
Je vous remercie de m'avoir fait part de la relation que M. de Buffon vous a donnée d'un effet de la foudre tombée à Dijon le 7. de Juin dernier; en revanche permettez-moi de vous parler II-313 d'un événement de la même sorte que j'ai vû dernièrement. Étant dans la Ville de Newbury dans la nouvelle Angleterre en Novembre dernier, on me montra l'effet de la foudre sur l'Église qui en avoit été frappée peu de mois auparavant.
Le clocher étoit une tour quarrée de bois élevée de 70. pieds depuis le sol jusqu'à l'endroit où la cloche étoit suspenduë; au-dessus s'élevoit une pyramide aussi de bois, haute de plus de 70. pieds jusqu'à la girouette ou au coq. Près de la cloche étoit attaché un marteau de fer pour frapper les heures; du bout du manche descendoit un II-314 fil-d'archal par un petit trou de foret dans le plancher au-dessus duquel étoit la cloche, & de même au travers d'un second plancher; sous le plat-fond en plâtre de ce second plancher, & très-près couloit horizontalement le fil-d'archal jusqu'auprès d'une muraille de plâtre, le long de laquelle il descendoit à l'horloge, qui étoit 20. pieds au-dessous de la cloche. Ce fil-d'archal n'étoit pas plus gros qu'un lacet ordinaire.
La pyramide fut toute mise en piéces par la foudre, & les éclats en furent poussés de tous les côtés sur la place où l'Église étoit bâtie, ensorte qu'il ne resta II-315 rien au-dessus de la cloche. La foudre passa entre le marteau & l'horloge dans ce fil-d'archal sans offenser les planchers, sans y produire aucun effet, si ce n'est d'agrandir un peu les trous de foret, sans endommager la muraille de plâtre ni aucune partie du bâtiment jusqu'à l'extrémité de ce fil-d'archal & de celui du pendule de l'horloge, ce dernier étoit de la grosseur d'une plume d'oye. Depuis l'extrémité du pendule jusqu'à la terre le bâtiment étoit fendu & excessivement endommagé; des pierres avoient été arrachées des fondemens & jettées es à la distance de 20. ou 30. pieds. L'on ne pût II-316 retrouver aucune partie du petit fil-d'archal en question entre l'horloge & le marteau, si ce n'est environ deux pouces qui pendoient au manche du marteau, & environ autant qui étoit attaché à l'horloge, le reste étant sauté, & ses particules dissipées en fumée & en parties insensibles, comme il arrive à la poudre à canon à l'approche du feu ordinaire. On voyoit seulement une trace noire & sale large de trois ou quatre pouces, plus obscure dans le milieu, plus foible vers le bord sur le plâtre le long du plat-fond sous lequel il passoit, & de haut en bas du mur. Voilà les effets & les apparences sur lesquels je II-317 ferai le peu de remarques qui suivent, sçavoir.
1º. Que la foudre dans son passage au travers d'un bâtiment, quittera le bois pour passer dans le métal autant qu'elle le pourra, & ne rentrera point dans le bois que le conducteur de métal ne finisse. J'ai fait la même observation dans d'autres occasions par rapport aux murailles de briques ou de pierres.
2º. La quantité de matière fulminante qui passa au travers de ce clocher doit avoir été bien grande à en juger par ses effets sur cette haute pyramide au-dessus de la cloche & sur toute la tour quarrée au-dessous de II-318 l'extrémité du pendule de l'horloge.
3º. Quelque grande qu'ait été cette quantité, elle a été conduite par un petit fil-d'archal & un pendule d'horloge, sans que le bâtiment ait été endommagé le long de ces fils.
4º. La verge du pendule étant d'une grosseur suffisante, conduisit la foudre, sans en être offensée; mais le petit fil fut entièrement détruit.
5º. Quoique le petit fil air été détruit, il avoit conduit la foudre & préservé le bâtiment.
6º. Et de toutes ces circonstances il paroît plus que probable que si un petit fil semblable II-319 avoit été étendu depuis la verge de la girouette jusqu'à la terre avant l'orage, ce coup de foudre n'auroit causé aucun dommage au clocher, quoique le fil même eût été détruit.
Je sens que l'histoire naturelle de M. de Buffon me fera beaucoup de plaisir & m'instruira infiniment. Assurez-le, je vous prie, de mes respects aussi bien que M. de Fontferriere, qui m'ont donné l'un & l'autre des marques de leur souvenir dans votre dernière Lettre. Je suis, &c.
B. Franklin.
Agitation de l'eau favorable à l'évaporation, tom. II. pag. 6.
Aigrette (l') montre d'où vient le feu, II. 168.
Aiguille couchée sur un boulet de fer, ou au bout du canon empêche de les électriser, I. 239.
Aiguille de boussole pirouette près du premier conducteur, II. 156.
Aiguille décharge le conducteur en un instant, I. 239.
Air : sa circulation, II. 32.
Air sec, ce que c'est, I. 44.
Air (l') n'est point affecté par l'électricité, I. 45.
Air comprimé par les vents, &c., condensé par la perte du feu, tombe en rosée, II. 13.
Air : ses courans différens, II. 27.
Air (l') est électrique & n'est point II-321 conducteur de l'électricité, I. 42 II. 2.
Air frais après l'orage, II. 32.
Air raréfié par le feu commun, II. 9.
Air (l') s'abaisse dans les zones froides, II. 27.
Air (l') s'élève dans la zone torride, II. 27.
Allumer par l'électricité une chandelle qui vient d'être éteinte, I. 94.
Amazones: rivière des... II. 19.
Analyse de la bouteille électrisée, II. 140 -160.
Andes: montagne des... II. 18.
Angles aigus d'un corps surchargé d'électricité se déchargent en l'air, I. 22.
Araignée factice & animée, I. 96.
Argent fondu à froid dans la bourse, II. 40.
Atmosphère électrique, I. 8.
Atmosphère électrique par sa fluidité & sa répulsion coule pour remplir l'endroit d'où l'on tire, I. 20. 21.
Attraction des particules d'eau, II. 10.
Aveuglement causé par la foudre, II. 48.
Aveuglement causé par l'électricité, II. 48.
Aurore Boréale: son explication, II. 32.
Baguette de métal reçoit l'électricité & la transmet dans l'instant, I. 223.
Baguette de verre ne conduit point un choc, I. 224.
Baisers électriques, I. 95.
Balances suspenduës au plancher, I. 242.
Balances déchargées en silence par une aiguille, I. 243.
Balles (deux) de liége suspenduës au conducteur, I. 114.
Batterie électrique, I. 160.
Bermudes: Isle peu sujette au tonnerre, II. 41.
Bois sec est électrique, I. 138.
Boule de liége électrisée tournée en l'air, I. 44.
Boule de liége suspenduë entre le fil-d'archal de la bouteille & un fil de fer attaché au bas de la bouteille, II-323 jouera entre ces fils, I. 64.
Boule de liége charrie le feu électrique du haut au bas de la bouteille, I. 64.
Boule de liége suspenduë encre deux livres couchés sur des verres, I. 79.
Boule de liége suspenduë entre deux bouteilles chargées semblablement & différemment, I. 128.
Boules de liége suspenduës à des fils de lin, II. 281.
Boules électrisées différemment, remises dans leur état naturel, I. 15. & 16.
Boulet de fer électrisé, I. 192. 235.
Boussoles dérangées par le tonnerre, II. 134.
Bouteille électrique ne reçoit plus de feu intérieurement quand elle est épuisée extérieurement, I. 49.
Bouteille chargée par le globe de verre & déchargée par le globe de soufre, II. 159.
Bouteille électrisée mise sur un corps électrique conserve son feu, I. 59.
Bouteille chargée entre le verre & le soufre, II. 159.
Bouteille électrisée attire & ensuite repousse II-324 par son fil-d'archal une boule de liége, & attire la même boule présentée à son côté, I. 55.
Bouteille (la) n'a pas la même atmosphère électrique en dedans & en dehors, I. 56.
Bouteille (la) sur de la cire peut être déchargée par un fer courbé, ou par partie, ou tout d'un coup, I. 68.
Bouteille (une) sur laquelle on auroit établi une communication de son fil-d'archal à son côté, ne sçauroit être électrisée, & pourquoi, I. 73.
Bouteille sale & humide en dehors ne sçauroit être électrisée & pourquoi, I. 74.
Bouteille (la) s'électrise par le côté aussi bien que par le crochet, I. 120.
Bouteilles chargées de la même & de différentes manières, I. 120 -131.
Bouteille (la) électrisée ne se décharge point sans communication non-électrique, I. 131.
Bouteilles suspenduës l'une à la queuë de l'autre se chargent toutes en II-325 même tems, I. 135.
Bouteille mince d'un pouce de diamètre donne un coup prodigieux, I. 186.
Bouteille électrique chargée de son propre feu, I. 102.
Broche électrique. I. 176.
Canal ouvert à l'une de ses extrémités, II. 31.
Canons (deux) unis lancent leurs étincelles à deux pouces de distance, II. 26.
Canton: (Jean) ses expériences, II. 280.
Capitaines de vaisseaux: leur témoignage, II. 41.
Carreau de verre électrisé entre deux plaques de plomb, I. 142.
Carillon électrique, I. 183. II. 130.
Cercles de carton représentant les nuages de mer & de terre, II. 22.
Cerf volant de M. Franklin, II. 182.
Chaîne déployée susceptible de plus d'électricité, II. 221.
Chaleur du soleil ne détruit point l'électricité, II-326 I. 242.
Chaleurs suivies d'orages, II. 33.
Chandelle rallumée, I. 94.
Charge & décharge: leur signification, I. 129.
Charge & décharge de la rouë électrique, I. 181. 182.
Chute soudaine de pluyes après les éclairs, II. 21.
Circulation de l'air, II. 32.
Cire (la) peut être électrisée positivement & négativement, II. 296.
Colophone séche enflammée, II. 37.
Communication avec le plancher n'est point nécessaire pour qu'on reçoive la commotion, I. 53.
Communication directe entre les surfaces rétablit dans l'instant l'équilibre dans la bouteille, I. 69.
Communication du feu électrique se fait avec craquement, I. 30.
Communication extérieure non-électrique nécessaire pour rétablir l'équilibre, I. 139.
Conducteurs & non conducteurs, I. 39.
Conducteur d'électricité, sa construction, I. 28.
Conducteur (le) entre deux globes de différente nature, II. 164.
Conducteur qui frappe à deux pouces, I. 29.
Conducteur s'avance vers le corps émoussé, I. 31.
Conducteur arrêté ou repoussé par une pointe, I. 31.
Conducteur (le) ne donne point d'étincelles, quand la communication du coussin au plancher est interrompuë, I. 101.
Conjectures nouvelles sur la théorie du tonnerre, II. 211.
Conjurés (les), I. 172.
Conséquences pernicieuses d'une plus grande proportion d'électricité, I. 10.
Conviction que la matière électrique pénètre les corps, I. 5.
Convulsion causée par le passage subit du feu électrique dans les membres, I. 53.
Corps électrisé positivement repousse une plume électrisée; quand il l'est négativement ou dans l'état commun, il l'attire, I. 80.
Corps électrisés négativement se repoussent II-328 comme s'ils l'étoient positivement, I. 67. 193.
Corps (les) électriques contiennent plus d'électricité, I. 9.
Corps (les) électriques, comme le verre, ne souffrent de changement que d'une surface à l'autre, I. 222.
Corps émoussé ne tire l'électricité qu'à trois pouces, I. 30.
Corps (les) ne tirent pas l'électricité proportionnellement à leurs masses, I. 24.
Corps non-électriques servent au verre, comme l'armure à la pierre d'aimant, I. 144.
Corps non électriques susceptibles de plus & de moins d'électricité, I. 222.
Corps non-électrique souffre du changement dans sa quantité d'électricité, I. 223.
Couleur bleuë donnée à l'acier, II. 147.
Courans d'air différens, II. 27.
Courans d'air différens occasionnent l'attraction des nuages & leurs mouvemens, II. 27.
Courant d'air n'électrise point, II. 192.
Courant de fontaine électrisé, II. 4.
Coussin (le) sur une lame de verre, I. 101.
Décharge nécessaire pour les observations du tonnerre, II. 129
Delaware rivière, I. 194.
Déluges de pluyes, II. 19.
Deux personnes sur de la cire, l'une frotte le tube, l'autre le touche, I. 88.
Deux sortes d'électricité, II. 156.
Différence de la matière commune & de la matière électrique, I. 5.
Différence entre un corps non-électrique & le verre, I. 222.
Différence des corps électrisés au dedans & au dehors de la bouteille, I. 47.
Différence entre un corps électrique & un corps non-électrique, I. 36.
Dindon tué d'un coup d'électricité, I. 195. II. 303.
Direction (la) du feu électrique étant II-330 différente dans la charge, l'est aussi dans la décharge, I. 120.
Direction du fluide électrique le long des conducteurs, II. 230.
Dorure percée par le feu électrique, I. 184.
Dorure (la) sur un livre ne conduit plus le choc après dix ou douze coups, I. 191.
Dorure sur un livre découverte, par un coup d'électricité, II. 49.
Eau , corps non-électrique, II. 7.
Eau raréfiée susceptible de plus d'électricité, II. 217.
Eau (l') transmet fort bien l'électricité, I. 190.
Eclairs , II. 18.
Eclairs sur un livre entouré d'un double filet d'or, I. 98.
Eclairs: imitation des... I. 94.
Eclats de tonnerre, II. 32.
Effet de deux bouteilles, l'une pleinement chargée, & l'autre nullement, I. 127.
Effet étonnant des pointes, I. 235.
Effets opposés du soufre & du verre, II. 158 -161.
Effet du tonnerre à Newbury, II. 313.
Effet d'un corps émoussé, I. 236.
Effet de l'air sur la matière électrique, I. 42.
Effluves salutaires des corps non-électriques, impossibles à tirer par l'électricité, I. 225.
Elancemens de lumière du nord au sud, II. 31.
Elasticité comparée à l'électricité, I. 137.
Electricité de deux sortes, II. 156.
Electricité détruite par du sable, le souffle, la fumée de bois, de chandelle, de charbon, de fer, &c., I. 240.
Electricité (l') réside dans le verre, I. 144.
Electricité (l') se tire plus facilement des angles que des surfaces, I. 22.
Electricité (l') ne paroît plus après l'attouchement, I. 91.
Electricité vitrée & résineuse, II. 156-172.
Electriser positivement ou en plus, I. 77-80. 89-95.
Electriser négativement ou en moins, I. 78-80. 89-93.
Elévation des vapeurs favorisée par le feu commun & par le feu électrique, II. 4. 9.
Eminences (les) attirent les nuages, II. 33.
Epée fonduë dans le fourreau, II. 40.
Epuisement du coussin, I. 102-114.
Equilibre du feu électrique dans les surfaces de la bouteille, I. 48.
Equilibre (l') de l'électricité ne se rétablit point à travers le verre, I. 49.
Equilibre (l') ne se rétablit dans les surfaces que par une communication non-électrique, I. 50.
Equilibre : moyen de le rétablir, I, 53. 68.
Erreur de M. Watson, I. 93.
Esprits allumés par & au travers de la rivière, I. 194.
Esprits enflammés sans avoir été chauffés, I. 232.
Essence (l') du verre semble consister II-333 dans son électricité, I. 187.
Etincelles frappent plus loin, à proportion que le feu électrique est plus fort, I. 245. II. 26.
Etincelle grande ou petite pour l'inflammation des esprits, II. 36.
Etincelle électrique déchire en perçant le papier, II. 40.
Etincelle tirée de deux personnes électrisées différemment, I. 88.
Etincelle plus forte entr'elles, I. 89.
Expansion égale de la matière électrique dans la totalité d'une masse, I. 6.
Expérience de Leyde avec un carreau de verre, I. 143.
Expérience de Marly-la-Ville, II. 99 - 125.
Expérience qui prouve que la matière raréfiée est susceptible de plus d'électricité, II. 221.
Expériences de M. Jean Canton, II. 280.
Explication de plusieurs phénomènes, I. 89. 90.
Explication de ce qui se passe dans le globe lorsqu'on le frotte, I. 212.
Explosion (l') est la même si tenant la II-334 bouteille par le crochet on la touche au côté, ou au contraire, I. 119.
Explosion (l') n'électrise point celui qui tient la bouteille & la touche, I. 81.
Explosion (l') n'électrise point, I. 115-118.
Feu commun répandu dans tous les corps, II. 35.
Feu électrique ne peut être tiré d'un côté s'il n'en entre d'un autre, I. 51.
Feu (le) électrique passe du fil-d'archal au doigt qui touche, & non au contraire, I. 54.
Feu électrique: moyen de le faire circuler, I. 74.
Feu (le) électrique doit sortir par où il est entré, I. 120.
Feu électrique attiré par l'eau, II. 2.
Feu électrique (le) qui sort de l'extérieur de la bouteille, n'est pas le même que celui qui entre dans l'intérieur, I. 200.
Feu électrique répandu dans toute la II-335 matière, I. 207.
Feu électrique rassemblé & non créé par le globe frotté, II. 6.
Feu électrique rassemblé par l'agitation sur la mer, II. 7.
Feu électrique d'un nuage de 10000. âcres, II. 26.
Feu électrique visible en sautant des intervalles & invisible le long des corps denses & unis, II. 29.
Feu électrique visible sur un feüille d'or, & pourquoi, II. 30.
Feu électrique & feu commun ne sont point incompatibles, II. 35.
Feu électrique agit sur le feu commun, & produit l'inflammation, II. 36.
Feu électrique paroît sur le coussin qui frotte, I. 213.
Feu électrique se transporte dans & à travers les corps non-électriques, & non pas à travers le verre, I. 198. 223.
Feüille d'or entre deux lames de métal, dont l'une électrisée, & l'autre non, II. 58.
Feüille d'or plus près de la lame non-électrisée, II. 60.
Feüille d'or bien aiguë se soutient près du conducteur sans lame inférieure, II. 63.
Fil -d'archal détruit par la foudre, II. 319.
Fil de lin suspendu près du ventre de la bouteille est attiré à chaque fois que l'on touche le fil-d'archal, I. 62.
Filet d'or sur un livre ne peut conduire parfaitement qu'un seul choc, & pourquoi, II. 57.
Fluide électrique ne traverse point le verre, I. 197.
Fluide électrique passe par une fêlure, I. 199.
Fluide électrique toujours prêt, I. 207.
Fluide électrique ne se fixe point dans le verre, mais y séjourne sans adhérence, I. 207.
Force attractive proportionnée aux surfaces, & non pas aux masses, I. 25.
Force (la) de l'électricité est sans bornes, II. 153.
Forme de l'atmosphère électrique, I. 16.
Foudre (la) déchire, II. 40.
Franklin (M.) rudement frappé, II. 304.
Froid (le) diminue le feu commun, II-337 & non le feu électrique, II. 14.
Frottement (le) enflamme le bois sec, II. 37.
Frottement (le) d'un corps non-électrique contre un corps électrique produit le feu électrique, II. 6.
Fumée de résine séche ne détruit pas l'électricité & forme une atmosphère, I. 241.
Fusion à froid, II. 51.
Fusion des métaux sans chaleur, II. 56.
Glace (la) ne conduit pas l'électricité, I. 190.
Glace de 1200. pouces quarrés, ses effets, I. lxxxii. 172.
Globe frotté: comment il rassemble le fluide électrique, I. 214. II. 6.
Globe doublé donne peu ou point de feu électrique, I. 214.
Globe moüillé intérieurement ne rend point de feu, I. 215.
Globe de cuir, II. 179.
Habits mouillés sont un préservatif contre les coups de II-338 foudre, II. 34.
Homme (un) sur de la cire à qui l'on donne à toucher le fil-d'archal de la bouteille électrisée, est électrisé de plus en plus, I. 77.
Homme (un) sur de la cire tient la bouteille électrisée, & vous en fait toucher le fil-d'archal, il est électrisé de moins en moins, I. 78.
Homme (un) sur de la cire peut être électrisé plusieurs fois par un autre qui lui présente le fil-d'archal de la bouteille, mais il ne peut s'électriser lui-même en la tenant. Moyen de le reconnoître, I. 81.
Huile de térébentine mise en expérience, I. 226.
Idendité de la matière du tonnerre & de l'Electricité, II. 120 . 185.
Idée d'un nouveau globe, II. 179.
Imitation des éclairs, I. 94.
Importance de connoître les loix de la nature, indépendamment du comment & du pourquoi, I. 27.
Imperméabilité du verre, I. 208.
Impossibilité de s'électriser soi-même, I. 87.
Inflammation des esprits, I. 94.
Inflammation de la poudre, II. 149.
Irrégularité des éclairs, II. 33.
Liqueur purgative mise dans la fiole électrique, I. 229.
Lumière brillante à la pointe d'un poinçon, I. 237.
Lumière paroît au bout d'une pointe, I. 30.
Magnétisme communiqué par l'électricité, II. 135-142.
Magnétisme effet de l'électricité, II. 141.
Main de papier percée par l'étincelle, I. 171.
Matière commune éponge de la matière électrique, I. 6.
Matière électrique, sa subtilité, I. 4.
Matière électrique pénètre les métaux sans résistance, I. 4.
Matière (toute) ne contient & ne II-340 retient pas également l'électricité, I. 8.
Matière (la) contient autant d'électricité qu'elle en peut contenir, I. 8.
Matière (la) du tonnerre & la matière électrique sont la même, II. 120. 185.
Matière supposée dépourvuë de fluide électrique, I. 12.
Matières non-électriques mêlées dans l'air, I. 22.
Métaux fondus par la foudre, II. 38.
Métaux fondus d'un coup d'électricité, II. 39.
Métaux (les) & l'eau conducteurs parfaits, I. 29. & 40.
Montagnes attirent les nuages de mer, II. 17.
Mort de M. Richman, II. 127.
Moyen de toucher le fil-d'archal de la bouteille électrisée, sans tirer d'étincelle, I. 120.
Moyen de connoître si les nuées, orageuses sont électrisées positivement ou négativement, II. 195.
Moyen de rendre bien sensible le feu électrique en passant du fil-d'archal II-341 au côté de la bouteille, I. 82. 85.
Moyen de prendre la bouteille par le crochet, I. 120.
Moyen de dissiper le tonnerre, II. 44.
Moyen de reconnoître si les nuages orageux sont électrisés ou non, II. 45.
Moyen de prévenir le danger de l'épreuve, II. 47.
Moyen (seul) de mettre en mouvement le fluide électrique du verre, I. 204.
Moyen simple de reconnoître si l'électricité est positive ou négative, II. 174.
Neige électrique, II. 243.
Nuages de mer sont électriques, II. 8.
Nuages de terre peu électrisés retombent sur la terre, II. 15.
Nuages , de mer électrisés s'élevent fort haut & son poussés très-loin, II. 15.
Nuages attirés par l'électricité, II. 24.
Nuages à différentes hauteurs tiennent des routes différentes, II. 27.
Nuages électrisés négativement, II. 198.
Nuage électrisé positivement, II. 200.
Objection contre la nouvelle hypothèse du tonnerre, II. 226.
Océan (l') composé d'eau & de sel, II. 7.
Odeur du fluide électrique toujours la même, I. 230.
Ondées , II. 18.
Orages après les grandes chaleurs, II. 33.
Papier (main de) percée par l'étincelle, I. 171.
Papier percé & noirci par l'étincelle, I. 185.
Particules de matière électrisée se repoussent mutuellement, I. 209. II. 4.
Particules d'air, dures, rondes, désunies, II. 8.
Particules d'air allégées par le feu commun & par l'eau électrisée s'élevent, II. 11.
Particule d'air environnée de douze II-343 particules d'eau, II. 12.
Particules d'eau s'attachent aux particules d'air, II. 8.
Particules d'eau rassemblées forment la pluye, II. 13.
Particules électriques attirées par la matière, I. 5.
Particules électriques ne traversent point le verre, mais leur répulsion le traverse, I. 209.
Particules électriques, quoique mutuellement répulsives, sont rapprochées par l'attraction du verre, I. 209.
Partie de plaisir, I. 194.
Parties composantes du verre extrèmement déliées, I. 206.
Passages de l'état électrique négatif au positif, II. 243.
Pays sans montagnes peut-être arrosé, II. 20.
Peinture sur la dorure emportée par le tonnerre, II. 49.
Philadelphie , I. 194.
Plein (le) & le vuide de feu électrique se trouvent dans la bouteille, I. 52.
Plein (le) & le vuide électrique pressent violemment, l'un pour se dilater, & l'autre pour se remplir, I. 53.
Plomb granulé meilleur que l'eau, I. 94.
Plume attirée dans un vase scellé hermétiquement, I. 197.
Plus & moins merveilleusement combinés, I. 52.
Plus la pointe est aiguë, plus elle tire de loin, I. 23.
Pointes (les) poussent aussi bien qu'elles tirent, I. 22. 23. 238.
Pointes (les) tirent aussi bien qu'elles poussent, I. 23. 239.
Pointe (la) d'une aiguille présentée à douze pouces; empêche de charger le conducteur, I. 29.
Pointe (la) électrise un homme sur de la cire, I. 30.
Poisson d'or, II. 64.
Pôles d'une aiguille aimantée changés par le coup fulminant, II. 135.
Pores du verre extrèmement petits, I. 206.
Pores du verre impénétrables à toute autre matière que celle du feu & de l'électricité, I. 207.
Poudre à tirer enflammée, II. 149.
Poulet -d'inde de dix livres tué, II. 303.
Preuve que le feu électrique poussé dans une bouteille à travers le fil-d'archal ne la traverse pas, I. 200.
Preuves que l'explosion n'électrise point, I. 115-118.
Proportion des deux feu pour l'inflammation, II. 36.
Proportions des conducteurs pour le tonnerre, II. 233.
Quantité étonnante d'électricité contenuë dans la plus petite portion de verre, I. 186.
Quantité égale d'électricité dans les deux surfaces du verre, I. 210.
Questions sur la formation du tonnerre & de l'aurore boréale, II. 301.
Rat moüillé ne peut être tué par l'électricité, II. 35.
Remarques de M. Colden sur les lettres de M. l'Abbé Nollet, II. 247.
Rencontre de plusieurs nuages de mer & de terre, II. 24.
Répulsion des particules de matière électrique, I. 5.
Répulsion d'une boule de liége suspenduë, I. 192.
Répulsion de la boule de liége détruite, I. 192.
Répulsion des particules d'air favorisée par le feu commun & par le feu électrique, II. 9.
Répulsion mutuelle des particules électriques, I. 209.
Retraite sous un arbre pendant l'orage, dangereuse, II. 34.
Richman (M.) tué par l'électricité naturelle, II. 127.
Rouës de moulin à vent & à eau, I. 85. 86.
Roué électrique, première construction, I. 172.
Rouë électrique, deuxiéme construction, I. 179.
Sel , corps électrique, II. 7.
Skuilkil , rivière, I. 194.
Silence du carillon électrique, II. 300.
Soleil , sa chaleur ne détruit point l'électricité, I. 242.
Soleil semble fournir le feu commun, II. 13.
Soufre (le) électrise négativement, II. 167.
Sphères électriques tournées par une manivelle, I. 99.
Sphère d'attraction électrique, II. 25.
Subtilité des particules électriques, I. 4.
Surfaces d'une bouteille électrisée sont l'une pleine & l'autre vuide, I. 210.
Surfaces ne peuvent agir l'une sans l'autre, I. 136.
Surfaces du verre, longueur, largeur & moitié d'épaisseur, I. 205.
Tableau magique, sa description, son effet, I. 167.
Tabouret électrique, II. 46.
Tache bleuë sur une plaque d'argent, II. 187.
Taches métalliques sur le verre, II. 53.
Tasses électrisées, I. 195.
Thérébentine (huile de) ne change point l'odeur de la matière électrique, I. 228.
Terre séche empêche le choc, I. 189.
Terre (la) frape les nuages, II. 205.
Tonnerre artificiel, hist. a. I. lxxxii.
Tonnerre s'entend rarement en pleine mer, II. 40.
Triangle équilatéral formé par trois particules d'air, I. 12. II. 9.
Triangles resserrés ou étendus, I. 13. II. 9-12.
Tube frottée d'une peau de chamois, I. 98.
Tube doublé d'un corps non-électrique, I. 215.
Tube peut servir de bouteille pour l'expérience de Leyde, moyen, I. 217.
Tube épuisé d'air, I. 219.
Vapeurs de l'eau électrisée le sont aussi, II. 3.
Vapeurs plus abondantes de l'eau électrisée, II. 11.
Vapeurs de la mer électrisées, II. 15.
Vapeurs élevées dans la zone torride s'abaissent dans les zones froides & lancent des éclairs, II. 28.
Vapeurs sulphureuses de la terre aisément II-349 enflammées par la foudre, II. 38.
Vents de terre sont secs, II. 15.
Verge de fer de vingt ou trente pieds, II. 46.
Verges de fer pointuës, leur effet, II. 237.
Vernis dur & sec brûlé par l'étincelle, I. 185.
Verre (le) contient beaucoup d'électricité, I. 38. 138. 202.
Verre (le) a toujours la même quantité d'électricité, I. 138.
Verre brisé par l'électricité, I. 186.
Verre contient plus d'électricité, & la retient plus fortement, I. 9. 183.
Verre n'est par lui-même susceptible ni de plus ni de moins d'électricité, I. 131-136.
Verre imperméable à l'électricité, I. 197-212.
Verre (le) électrise positivement, II. 167.
Usages de l'électricité avantageux, mais inconnus, I. 10.
Usages du carillon, II. 132.
Fin de la Table des matières.
De l'Imprimerie de la Veuve DELATOUR.