Title : L'Illustration, No. 3230, 21 Janvier 1905
Author : Various
Release date : August 15, 2010 [eBook #33440]
Language : French
Credits : Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque
LES FUNÉRAILLES DE Mme LOUBET MÈRE À MARSANNE
Le président de la République devant la tombe.
Dessin de notre envoyé spécial, M. L. Sabattier.
]
Fin de mois mélancolique... Les brasseries du quartier sont moins peuplées à l'heure de l'apéritif et se vident, le soir, un peu plus tôt qu'à l'ordinaire. On y fait aussi moins de bruit; on y rit moins fort et c'est, depuis trois semaines, comme un affaissement, un ralentissement de vie qui étonne. Un pensionnaire de mon hôtel, vieux garçon et maître de conférences à l'École des chartes, m'explique:
«Janvier est un mois terrible pour les Parisiens et vous n'êtes en ce moment entourée, madame, que de gens qui n'ont plus le sou. Professeurs, étudiants, petits rentiers du quartier latin, nous sommes tous ici logés à la même enseigne. Il y a eu les étrennes, d'abord... et puis après, il y a eu le terme, qui nous a achevés; c'est pour cela que vous voyez tant de banquettes vides autour des tables où l'on boit. On souffle... on se repose de l'effort auquel janvier condamne les petites bourses. Les cafetiers savent bien cela et que le même phénomène s'observe au lendemain de toutes les fêtes et des échéances de loyer. Sans le secours d'aucun calendrier, un gérant de brasserie qui connaît son métier n'a besoin que de jeter un coup d'oeil aux tables de son établissement pour vous dire à peu près l'heure qu'il est, quelle saison nous traversons et en quelle partie du mois nous sommes. Vous vous imaginez, vous autres femmes, que l'on consomme des bocks ou des verres de quinquina comme on veut et que c'est par hasard qu'il y a tantôt beaucoup de monde aux terrasses du boulevard Saint-Michel et tantôt peu. Quelle erreur, madame! Ces petites choses ont la fatalité d'une loi astronomique, et, même, ici les pauvres hommes qui se croient libres n'ont que l'illusion de la liberté...»
J'ai trouvé ce matin dans mon journal une lettre bien curieuse, adressée par M. le ministre de l'intérieur à un sénateur bourguignon, nommé Piot. Ce M. Piot est un homme vénérable, à ce qu'on dit, et d'excellent coeur, qu'obsède une double ambition: M. Piot souhaiterait que les familles très nombreuses fussent exceptionnellement honorées et protégées, parce qu'il est d'avis (à tort, ou à raison, je n'en sais rien) que les familles très nombreuses sont la richesse d'une nation et sa sauvegarde; et, pour la même raison, M. Piot voudrait que, par toutes sortes d'encouragements et de faveurs l'État incitât les familles qui ne sont point nombreuses à le devenir... Or, il y a des économistes qui ne sont point de l'avis de ce sénateur et qui pensent que c'est, au contraire, le droit (et le devoir aussi, peut-être) d'un brave homme qui se marie de ne point encombrer sa maison de plus d'enfants qu'il n'en peut nourrir,--et qui, pensant cela, l'ont osé dire tout haut... Même, plusieurs d'entre eux ont demandé, pour soutenir ces opinions, que des salles de mairie leur fussent ouvertes autour de Paris; et ils ont donné là leurs conférences. M. Piot ne peut supporter cela. Il a donc supplié le gouvernement de refuser désormais l'usage des «locaux communaux» à ces prêcheurs de mauvaises paroles...
Le gouvernement s'est rendu au voeu de M. Piot et vient de l'en informer. Quand, à l'avenir, un conférencier désirera exposer, devant les habitants de Saint-Ouen, de Bécon-les-Bruyères ou de Levallois-Perret, la question de savoir si la fortune d'un pays dépend ou ne dépend pas de l'accroissement indéfini des familles qui le peuplent, il lui faudra d'abord faire connaître à M. le maire ses conclusions. S'il pense là-dessus comme M. Piot, les portes de la mairie lui seront ouvertes; dans le cas contraire, on les lui fermera au nez.
Je ne soupçonnais pas que la littérature jouât un si grand rôle en ces sortes d'affaires, et les personnes que j'interroge à ce sujet sont assez de mon avis. Mon libraire a huit enfants; mon hôtelier n'en a qu'un; ma couturière en a deux et ma modiste n'en a pas. Je leur ai demandé à chacun s'ils se souvenaient d'avoir été jamais influencés, dans leur résolution d'avoir ou de n'avoir pas beaucoup d'enfants, par la parole d'un conférencier ou par la lecture d'un livre?
Ils ont beaucoup ri.
L'Académie française, les salons et les journaux recommencent à s'occuper de la réforme de l'orthographe. Autre problème où je voudrais bien que me fût révélée la bonne solution que tout le monde cherche. On la cherchera longtemps: les adversaires ont de si ingénieuses, de si amusantes façons de se défendre ou d'attaquer! J'ai remarqué cela souvent: ce qui complique en France toutes les questions, c'est l'esprit prodigieux qu'on dépense à les discuter. Le Français ne se contente pas de bien penser avec grâce; il est sympathique, il est séduisant dans l'erreur. Il a des façons tellement spirituelles de raisonner faux qu'on se prend à aimer pour elle-même, comme un joli visage ou un joli tableau, l'opinion (fût-elle absurde) qu'il défend,--et qu'on lui sait gré d'avoir tort presque autant que d'avoir raison. Le moyen pour une étrangère de se débrouiller dans tout cela...
J'ai lu depuis huit jours une trentaine d'articles où la réforme de l'orthographe française est ardemment combattue par les uns, défendue vivement par les autres. Qui a tort? Qui a raison? Je ne sais pas. Ceux qui ne veulent point que l'orthographe soit réformée ont des arguments qui me charment, des arguments d'artistes et de braves gens. Ils disent que les mots sont, après avoir longtemps servi, comme des bibelots précieux qu'il faut aimer et ne manier que d'une main prudente; qu'en chacun de ces bibelots,--les uns bien conservés, les autres usés presque démolis ou très déformés par le temps,--il y a un peu du passé; que ce sont de petits morceaux d'histoire. Ils disent que les mots ont, comme les personnes, une figure, et mieux que cela: une beauté propre, inséparable de l'idée qu'ils expriment, et qu'il est aussi sacrilège, aussi vilain de toucher à l'orthographe des mots que de prétendre «réformer» à coups de marteau ou de badigeon les architectures des temps anciens... Et je trouve ces scrupules charmants et ces raisons très décisives.
Il est vrai que les autres en donnent, qui sont très décisives aussi. Ils disent que les mots ne sont point des «choses», mais des êtres qui vivent et dont la loi est d'évoluer, de s'améliorer sans cesse comme tout ce qui vit. Ils rappellent que les formes des mots n'ont cessé de se modifier au cours des âges et que, ce que nous n'osons point, nos ancêtres à maintes reprises l'ont osé. Pourquoi le droit de simplifier l'orthographe, de la faire plus claire, plus raisonnable, plus accessible à l'esprit des enfants et des étrangers, serait-il refusé aux hommes d'aujourd'hui,--quand celui de la compliquer et de l'obscurcir fut reconnu aux hommes d'autrefois?
Peut-être pourrait-on s'entendre, au moyen de concessions mutuelles, et j'imagine assez volontiers ceci: une orthographe infiniment respectée, traitée avec toutes les précautions que justifie son grand âge, mais qu'il serait permis pourtant d'améliorer, de corriger, de consolider à petits coups, au moyen de retouches délicates dont l'esprit et l'oeil auraient le temps de prendre l'habitude, et qui se succéderaient doucement, d'année en année, de génération en génération, sans bousculade, une par une... La solution n'est pas brillante, je le sens bien, et cependant n'est-ce pas à peu près de cette façon-là que s'y prend la nature pour faire grandir les petits enfants et pousser les arbres?
...Une heure charmante passée hier au rez-de-chaussée du Petit Palais, dans les salles basses où la Ville a ouvert, cette semaine, son exposition annuelle de «photographie documentaire»--le vilain nom pour une chose si jolie! On avait, il y a un an, proposé aux amateurs que tentent ces exercices un thème amusant; on leur avait dit: «Explorez le vieux Montmartre, la Bièvre et les jardins particuliers de la Ville, et vous nous montrerez l'hiver prochain comment vous avez su voir ces choses et les traduire.» Ils viennent d'apporter au Petit Palais les produits de leur chasse, et cela est délicieux. C'est, pour les Parisiens et les Parisiennes qui naîtront dans très longtemps une suite d'images précieuses où s'évoquera la vie de pittoresques coins qu'aujourd'hui déjà la mort menace et que les plus vieux, en ce temps-là, n'auront pas connus. Et il m'est très agréable de penser que c'est à de simples amateurs que la gloire de ces utiles restitutions sera due. J'ai, comme beaucoup de touristes amoureux de paysage, la manie de ne jamais voyager sans mon kodak, et souvent cette passion de l'«instantané» m'a été reprochée par des compagnes de voyage, qui s'impatientaient de me voir m'attarder le long des chemins, guettant le coin de prairie ou la masure bien «éclairés», l'amusante silhouette d'un chemineau, le profil d'une barque sur la rivière. Elles me disaient en riant: «Laissez-en pour les photographes...» Voyageuses naïves! Elles ne comprenaient pas que les professionnels sont des gens trop occupés pour courir le monde à la recherche des «sujets» que ne réclame point le commerce et que les photographies les plus amusantes ne sont pas celles qu'on trouve dans les magasins. Ce sont celles où l'amateur, habitué désormais devant la nature à se servir lui-même, a su fixer égoïstement le souvenir de ses joies à lui, de ses surprises à lui, de ses trouvailles... A ce jeu-là, il est devenu très fort, l'amateur; si fort qu'on l'invite, à cette heure, à vouloir bien honorer de sa collaboration les futurs historiens de la grand'ville. C'est un succès, cela, je pense?
Mes amies ne se moqueront plus de mon kodak.
Sonia.
10 janvier.--Après avoir élu M. Doumer à la présidence par 265 voix contre 240 données à M. Brisson, la Chambre procède aux divers scrutins pour le renouvellement des autres membres du bureau. Sont élus vice présidents: MM. Lockroy, Etienne, Guillain, Gerville Réache; questeurs: MM. Lechevallier, Pajot, Chapuis.
12.--Renouvellement du bureau du Sénat: M. Fallières est maintenu à la présidence. Sont élus vice-présidents: MM. Eugène Guérin, Loydet, Poirrier, Desmons; questeurs: MM. Dusolier, Gayot, Bonnefoy-Sibour.
13.--A la Chambre, discussion d'une interpellation sur la politique générale du cabinet; discours de MM. Lhôpiteau, Paul Deschanel, Zévaès et Vaillant.--Le Sénat inscrit en tête de son ordre du jour le projet de loi sur le service militaire de deux ans.
14.--Suite du débat engagé sur la politique générale du cabinet et nouvelles protestations contre la délation dans l'armée: interventions de M. Krantz, ancien ministre de la guerre, de M. Berteaux, ministre actuel, de M. Ribot et de M. Jaurès; discours de M. Combes, président du conseil, qui pose la question de confiance. Après une suspension nécessitée par des incidents tumultueux, prolongation de la séance jusqu'à minuit et demi. Vote d'un ordre du jour des gauches ainsi motivé: «La Chambre, approuvant les déclarations et le programme du gouvernement, et décidée à écarter toute obstruction...» Pour l'approbation des déclarations, 287 voix contre 281, soit 6 voix de majorité; pour l'approbation du programme (impôt sur le revenu, service de deux ans, retraites ouvrières, séparation des Eglises et de l'État), 380 contre 55 (nombreuses abstentions au centre); pour l'ensemble, 289 voix contre 279, soit 10 voix de majorité.--A la suite de ce vote, M. Combes manifeste l'intention de démissionner.
15.--Mort, à Marsanne (Drôme), de Mme Loubet, mère du président de la République.--Election de trois sénateurs: Seine, M. Mascuraud, radical socialiste; Eure-et-Loir, M. Fessard, progressiste; Aisne, M. Touron, progressiste.
8 janvier.--Elections complémentaires en Italie pour la Chambre des députés: sont élus 5 ministériels, 1 socialiste, 2 candidats de l'opposition.
9.--La grève de Bakou (Transcaucasie) s'étend; une soixantaine de stations de forage ont été incendiées.
10.--L'empereur allemand confère la décoration de l'ordre Pour le Mérite aux généraux Stoessel et Nogi.
11.--Démission du cabinet Deuntzer en Danemark.--Le mouvement de grève des mineurs dans le bassin de la Ruhr (Allemagne occidentale) prend de l'extension.
12--L'ambassade française, envoyée à Fez, quitte Tanger.--Le gouvernement russe adresse à toutes les puissances une note relative à la neutralité de la Chine; il y expose ses griefs.
13--Mort du prince Charles-Alexandre de Lippe-Detmold. Le régent actuel de la principauté est le prince Léopold de Lippe-Biesterfeld, dont les droits, on le sait, ont été contestés récemment.--Signature d'une convention d'arbitrage entre la Grande-Bretagne et l'Autriche-Hongrie.--M. Christenson, ministre de l'instruction publique dans le cabinet Deuntzer, devient président du nouveau ministère danois.
14--Le grand-duc Serge quitte le poste de gouverneur général de Moscou et le prince Galitzine le poste de gouverneur général du Caucase.--Les grévistes, dans le bassin de la Ruhr, sont au nombre de plus de 100,000.
Le 13, des détachements de tous les régiments de l'armée de siège ont fait une entrée triomphale dans Port-Arthur. La reddition des forts russes s'était terminée la veille.
Les amiraux Outchtomsky, Gregorovilch et Roshtiliski ont, avec le général Stoessel, donné leur parole de ne plus servir au cours de cette guerre; ils vont retourner en Russie, par Nagasaki (Japon). Les généraux Fock, Smirnov, Gorlatovsky, les amiraux Wiren et Willmann accompagnent leurs hommes en captivité.
En Mandchourie, le 11, une colonne volante russe, composée de 8 escadrons et de 2 batteries à cheval, a exécuté un raid audacieux sur les derrières de l'armée japonaise; son gros est parvenu jusqu'à Niou-Tchouang, dont la faible garnison n'a pu l'empêcher de détruire un certain nombre des approvisionnements en magasins, mais il s'est retiré devant des renforts japonais.
En Corée, les Russes ont également fait leur réapparition. Des cosaques sibériens ont poussé jusque près de Honé-Ouan, sur la côte orientale, au nord de Gensan. On signale, dans ce pays, l'activité du génie japonais; la ligne Fousan-Séoul est en exploitation depuis le commencement de décembre; elle met Séoul à 50 heures de Tokio; des voies ferrées de campagne ont été construites entre Séoul et Wi-Jou. Séoul et Gensan.
L'amiral Skrydlov a été rappelé à Saint-Pétersbourg.
La division complémentaire (3e échelon) de la 2e escadre du Pacifique, composée de 7 croiseurs et contre-torpilleurs, a quitté le port de la Sude (Crète) le 8; elle est entrée dans le canal de Suez le 11.
Au Japon, le département de la marine annonce, le 14, la formation d'une flottille de sous-marins.--Des navires de guerre japonais auraient établi une base navale à Labouan, au nord-ouest de Bornéo (archipel malais).
La mère du président de la République vient de mourir, emportée rapidement par une congestion pulmonaire dont la gravité permettait peu d'espoir, en raison surtout du grand âge de Mme Loubet: quatre-vingt-douze ans. C'est à Marsanne, dans sa métairie, entre les bras de ses deux petits-fils, MM. Paul Loubet et Barbier, de sa bru, Mme Auguste Loubet, accourus à son chevet, qu'elle s'est éteinte, le 15 janvier.
La métairie de la Terrasse, à Marsanne, près Montélimar,
où est morte Mme Loubet.
Cette métairie, «la Terrasse», comme l'appellent les gens du pays, elle ne l'avait jamais quittée. Longtemps, jusqu'à son veuvage, elle y partagea les travaux de son mari, cultivateur aisé faisant valoir lui-même; ses trois enfants, deux fils et une fille, y naquirent; naguère, octogénaire extraordinairement valide et alerte, elle la dirigeait encore.
Il y a près de six ans déjà, lors de l'élection présidentielle du 18
février 1899,
l'Illustration
a publié, dans ce cadre rustique si bien
adapté à sa physionomie, le portrait de la bonne «dame de campagne».
Telle elle était
Mme Loubet, mère du président de la République.
restée, fidèle à ses vieilles habitudes, offrant par la
simplicité de sa vie un exemple à souhait pour l'antithèse classique
chère au poète.
Certes, l'élévation de M. Emile Loubet au faîte du pouvoir ne la trouvait pas indifférente; elle en éprouvait une légitime fierté. Mais ce sentiment si naturel se voilait parfois, dit-on, de quelque regret, de quelque mélancolie; son bon sourire s'effaçait à la pensée que «son fils» là-bas, dans «ce Paris», parmi les honneurs, devait avoir bien du tracas.
Le président, qui affectionnait beaucoup sa mère, allait la voir aussi souvent que les obligations de sa charge lui en laissaient le loisir. Sa dernière visite à Marsanne, toute récente, date du commencement de janvier; une semaine s'était à peine écoulée depuis cette réunion familiale du nouvel an, lorsqu'il lui a fallu retourner vers la maison en deuil pour accomplir les suprêmes devoirs de la piété filiale.
E. F.
LES FUNÉRAILLES DE Mme LOUBET MÈRE.--Le cortège se
rendant de la maison mortuaire à l'église de Marsanne.
Photographie de
notre envoyé spécial
.
La décoration prussienne "Pour le Mérite"
décernée par l'empereur Guillaume II aux
généraux Stoessel et Nogi.
Au lendemain de la reddition de Port-Arthur, l'empereur Guillaume II, à qui ne déplaisent pas les gestes à effet, faisait annoncer qu'il décernait aux généraux Stoessel et Nogi, pour rendre hommage à la bravoure dont ils avaient fait preuve, eux et leurs troupes, pendant le siège, la croix de l'ordre Pour le Mérite, le plus élevé et le plus envié des ordres militaires prussiens, le pendant du Saint-Georges russe.
L'ordre Pour le Mérite--dont il a été créé, plus tard, une branche réservée aux civils--fut fondé, en 1740, par le grand Frédéric, pour récompenser les faits d'armes et les actions d'éclat. Il remplaçait l'ordre de la Générosité, établi cent ans plus tôt par le prince électeur de Brandebourg. L'insigne, porté en sautoir, suspendu à un ruban noir à deux lisérés blancs, est formé par une croix à huit pointes, en émail bleu, anglée d'aigles. Sur les branches, on lit en français: Pour le Mérite .
La décision de l'empereur allemand a été immédiatement notifiée aux deux généraux en deux longs télégrammes qui soulignaient la valeur de la distinction.
La réponse du général Stoessel, parvenue à Berlin presque en même temps que celle de son adversaire, est assez mélancolique:
Le télégramme de Votre Majesté, dit-il, m'est parvenu dans un des moments les plus pénibles de ma vie. Je suis, ainsi que la garnison de la forteresse, profondément touché et honoré par cette nomination dans le haut ordre de la Prusse, qui m'honorera jusqu'aux dernières heures de ma vie. Puisse Votre Majesté être convaincue de ma reconnaissance pour la grâce qu'elle m'a faite!
J'ai l'honneur de saluer Votre Majesté en mon nom et au nom de mes soldats.
Il est à croire, en effet, qu'en ces jours douloureux le vaillant défenseur ne devait guère rêver de rubans et de chamarres. Mais l'étiquette est là, devant laquelle il faut bien s'incliner, quoiqu'on en ait.
Mme la marquise de Mac-Mahon.
Phot. Pirou, rue Royale.
Une grande dame française dotée de la faveur d'ajouter à son titre nobiliaire celui de «boucher honoraire», voilà certes qui est pour provoquer la surprise et piquer la curiosité si l'on n'est point suffisamment initié à nos vieilles coutumes locales. Le fait est pourtant authentique, et voici comment cette singulière fortune vient d'échoir à une femme éminente, portant un nom illustre:
Il y a quelques jours. Mme la marquise de Mac-Mahon allait, en sa qualité de présidente des Dames royalistes, donner une conférence à Limoges. Profitant de son séjour dans le chef-lieu de la Haute-Vienne, elle voulut visiter la célèbre rue de la Boucherie, dont une gravure de l' Illustration (n° du 19 mars 1898) a si fidèlement reproduit la physionomie d'un archaïsme pittoresque, en publiant une intéressante étude de M. Henri de Noussanne sur la Corporation des bouchers de Limoges. Cette corporation ne compte pas moins d'un millier d'années d'existence; elle s'est attribué de longue date et continue de revendiquer le privilège de recevoir aux portes de la ville les souverains ou les chefs d'État; en outre, ses traditions séculaires comportent des témoignages de particulière déférence à l'égard de tout personnage de marque.
Il en fut ainsi pour la marquise de Mac-Mahon. Non seulement les membres de la corporation la reçurent avec beaucoup de courtoisie; mais le syndic, M. Malinvaud-Mantour, lui rendit sa visite et lui remit solennellement, avec un diplôme sur parchemin, les insignes de «Boucher honoraire de la ville de Limoges»: une cocarde de soie mi-partie verte et blanche dont les rubans pendants portent, brodée en or, les lettres S. A.. initiales du patron, saint Aurélien. La bénéficiaire, cela va sans dire, se montra très flattée et aussi très touchée de cet honneur inattendu et peu banal.
Rappelons que la marquise de Mac-Mahon est la fille du marquis de Vogué, membre de l'Académie française, président de la Croix-Rouge et de la Société d'agriculture, ancien ambassadeur à Constantinople. Mariée en 1881 au marquis de Mac-Mahon, lieutenant de dragons, neveu du maréchal et petit-fils du duc des Cars, elle est devenue veuve de bonne heure. Elle partage son temps entre les oeuvres de charité et la propagande des idées qui lui sont chères.
Photographies instantanées prises sur les positions japonaises par M. Lorenzo d'Adda, correspondant de guerre.
Le drapeau de la batterie navale sur les hauteurs de
Hachimaki-Yama.
Nous recevons d'un correspondant de guerre accrédité du côté japonais, M. Lorenzo d'Adda, toute une série de documents relatifs à la dernière période du siège de Port-Arthur. Leur intérêt est tel, qu'il n'est pas entamé par la reddition même de la place forte. Ces photographies, les renseignements qui les accompagnent nous donnent une vision particulièrement caractéristique de ce que fut l'agonie de Port-Arthur et de l'âpreté de la lutte où les Russes devaient succomber.
Le fort russe de Kekausan-Nord, écrit M. d'Adda, fut l'un de ceux que les Japonais attaquèrent le plus furieusement. Du 26 au 30 octobre ils dirigèrent contre lui, avec des obus de 28 et de 12 centimètres, une canonnade terrible, afin d'en démolir la caponière qui formait, à l'avant, contrescarpe et de préparer ainsi l'attaque d'infanterie qu'ils projetaient.
Dans l'après-midi du 30; les parallèles japonaises étaient arrivées à 150 mètres environ de cette caponière. Alors, deux bataillons nippons se ruèrent à l'assaut de la position russe. Mais un feu meurtrier les accueillit. En un clin d'oeil, ils furent comme fauchés. Sur la pente rougie de leur sang les cadavres demeuraient accroupis, la plupart tenant toujours, dans leurs mains crispées, leurs fusils, dont les baïonnettes scintillaient au soleil.
Ils attendirent là une dizaine de jours, dans cette suprême attitude héroïque. L'odeur qu'ils dégageaient était telle, que les combattants, des deux côtés, en étaient par moments suffoqués. La position, pour les soldats russes dans leur fort comme pour les Japonais dans leurs tranchées, devint intenable.
Un jour, on vit sortir de l'une des parallèles un médecin japonais parlant russe. Il agitait un drapeau de la Croix-Rouge. Contrairement à leur habitude (qui, d'ailleurs, est aussi celle des Japonais), les Russes ne firent pas feu. Le médecin avança, très calme, vers l'ouvrage et, à 50 mètres environ, s'arrêta.
--Holà! braves camarades du fort! cria-t-il.
Un officier russe de taille herculéenne se dressa sur le parapet:
--Que demandez-vous? interrogea-t-il.
--Voulez-vous bien nous permettre de venir chercher nos morts?
--Mais oui... Seulement ne venez pas plus qu'une dizaine d'hommes et, bien entendu, sans armes...
--Très bien, c'est convenu! Merci, camarade.
--Adieu, camarade.
Et les Japonais purent enlever ces cadavres à demi décomposés.
A la date du 26 novembre les parallèles japonaises n'étaient plus qu'à quelques mètres de la caponière. On fit exploser la mine; puis on attendit encore quatre jours, comme si l'on avait hésité à donner l'assaut décisif à cette fortification éventrée. Enfin, le 30, après une lutte désespérée à la baïonnette, les petits hommes jaunes s'emparèrent de la caponière. Mais aujourd'hui encore (2 décembre) le fossé et l'escarpe sont aux mains des soldats du tsar.
Ce que les soldats japonais du 7e régiment (9e div.) ont
trouvé dans une tranchée prise aux Russes: une mitrailleuse Maxim, une
torpille marine (dont les Russes se sont souvent servis comme mines), un
tambour, etc. L'obus couché est un obus de 30 centimètres lancé par le
«Sevastopol», le 30 octobre, et qui n'a pas explosé.
A une casemate de la 1ère division où j'étais, et d'où l'on voit, à l'oeil nu, distinctement, les maisons des nouveaux quartiers de Port-Arthur, la caserne des cosaques, le cimetière, des arbres, de-ci de là, des cheminées hérissant les toits, hier, des soldats japonais ont apporté, sur leurs épaules, un caporal de chasseurs sibériens, un déserteur venu se livrer à eux.
Il était gai, le misérable, on lui avait donné à boire, promis de l'argent et il a fourni aux officiers des indications précieuses. Par exemple, il a fait connaître aux Japonais dans quelles maisons de Port-Arthur on fabriquait les cartouches et dans quelles autres maisons il y avait des dépôts de munitions. Les Russes ont multiplié ces ateliers et ces dépôts en différentes places, précisément pour éviter les dangers et les conséquences d'une explosion qui eût été désastreuse si l'on avait réuni tous ces établissements.
Or, il y avait tout près du cimetière un édifice que les Japonais croyaient abandonné et sur lequel ils ne tiraient jamais.
Ils apprirent par le déserteur russe que cet édifice était un des dépôts de munitions les mieux fournis de la place et à l'aide du périscope relevèrent exactement sa situation.
Immédiatement, le téléphone fonctionna, transmit des ordres aux batteries de la 1ère et de la 6e division, et quelques minutes après une trombe de fer s'abattait sur le dépôt de munitions. Il croula comme un château de cartes, pendant qu'une grande fumée blanche se dégageait des débris. Des détonations suivies et formidables attestèrent qu'il y avait encore à cette place des munitions d'artillerie.
J'ai vu le traître dans la casemate où on l'avait relégué. Quand il m'aperçut, qu'il découvrit cet Européen parmi les Jaunes, il devint stupide, terrifié. Et un officier japonais qui était là me dit: «A présent nous fusillerions bien volontiers cette canaille.»
Batterie des obusiers de 28 centimètres de la 1re
division.
Cinquante obusiers de ce calibre (28cm.) bombardaient
Port-Arthur. C'est l'un de ces engins (appartenant à la 9° division)
qui, à 7,400 m. de distance, après 45 coups d'essai de pointage, incendia
et coula en cinq coups consécutifs le croiseur russe «Baya», réfugié
dans le port.
Le dépôt des obus de 28 centimètres.
Ce sont ces
projectiles qui ont détruit la flotte enfermée dans le port et ont causé
dans la ville et dans les casemates le plus de ravages.
Le transport des obus du dépôt général aux batteries.
Un
service de wagonnets sur rails avait été reconnu nécessaire pour le
déplacement de ces énormes projectiles.
Un chef de coolies chinois.
Cinq mille coolies étaient affectés à l'enlèvement des malades et des blessés autour de Port-Arthur et ne suffisaient pas à la besogne. |
Une tranchée parallèle japonaise dirigée vers une
position russe du groupe des forts de Bandjusan.
Vue le 17 novembre des positions de Hachimaki-Yama. |
Hakaghinsan en haut. Plus bas
les deux forts de Kekausan et Kekausan S.-E. |
Montagne d'Or.
Sur la ligne noire inférieure, dans la fumée, sont les forts: Kekausan Nord et Bandjusan. |
Dans la fumée, les deux forts
de Shojusan et Nirjusan (dits: forts Erlongshan). Au-dessus, les trois forts de Itzushan et Autzushan I et II, et la colline de 203 mètres. |
Au loin: presqu'île
de Laotishan. |
Ce qu'on voyait tous les jours des positions japonaises, pendant le
bombardement de Port-Arthur.--Photographie prise de Hachimaki-Yama.
Un tube lance-fusées dans une tranchée avancée (1re
division). Les Japonais lançaient des fusées lumineuses sur les
positions russes pour découvrir les mouvements nocturnes des assiégés.
Un vieux canon qui a coopéré à la chute de Port-Arthur, Des pièces de
ce modèle ancien avaient été placées en grand nombre sur toutes les
positions japonaises et utilisées au lancement de nouveaux obus de 7cm
1/2 à grande puissance explosive.
Le lieutenant-colonel Terada (1er régiment d'inf.), qui a
enlevé la position de Hachimaki-Yama.
Lancés à l'assaut de cette forte position, le 1er et le 2e régiment furent décimés; le général qui était à leur tête et le colonel du 1er régiment furent tués. Le 2e régiment se replia. Le lieutenant-colonel Terada, avec les débris du 1er régiment s'entêta et conquit la position.
Soldats du 7e régiment portant des blessés aux ambulances.
Les coolies chinois ne vont pas aux postes avancés où pleuvent les obus et les balles, achevant parfois les blessés et tuant les brancardiers.
Le quartier du général Nogi.
Le commandant en chef des troupes de siège avait fixé son quartier général dans le village de Tobo-Chan et lui-même s'était installé dans une de ces modestes cases chinoises.
Le quartier général de la 1ère division.
De ce campement, au pied de la colline de Takasaki-Yama, à l'extrême droite de l'armée japonaise, on devine, tout à l'arrière-plan, la baie des Pigeons. |
Une jeune Chinoise aux champs.
En dépit du duel d'artillerie incessant, les femmes de Mandchourie travaillent dans les champs, se garant seulement, d'un geste instinctif, au sifflement des obus. |
Clichés de M. Lorenzo d'Adda.
Maisons de Dalny incendiées par les Russes avant
l'évacuation.
Les maisons incendiées ne représentent que 25% des constructions. Toutes celles qui sont en bon état sont bondées de blessés ou de malades. Dalny n'est qu'un immense hôpital. |
Arrivée de blessés et de malades à Dalny.
Tous les jours arrivent à Dalny, des camps japonais, un ou deux trains chargés de blessés et de malades. De la gare, ils sont portés par les coolies dans un des innombrables hôpitaux improvisés partout. |
[Illustration: Dans une tranchée avancée de la 9e division.
«Le jour où j'ai visité cette tranchée, écrit M. d'Adda, les soldats avaient été informés qu'ils sortiraient pendant la nuit pour un assaut. De petits mortiers en bois étaient préparés pour lancer des grenades. Un silence tragique régnait. Les officiers parlaient à voix basse. Parfois on échangeait des appels ou des coups de fusil avec la position russe, distante de moins de 250 mètres.» |
Les blessés.
Les obus et les shrapnells russes tombaient jour et nuit sur le terrain occupé par les Japonais. Des centaines de soldats étaient atteints chaque jour et de nombreux coolies chinois étaient occupés sans relâche à recueillir morts et blessés. |
Les morts.
De grands espaces sont couverts de petits piquets de bambou qui marquent la place où sont ensevelis les soldats morts. Pour les officiers, les tombes sont un peu moins rudimentaires; sur un tertre entouré de pierres se dressent des pieux portant des épitaphes. «Cette photographie, écrit M. d'Adda, représente un soldat pensif devant deux tombes d'officiers.» |
LA MEILLEURE CARTE DES DÉFENSES DE PORT-ARTHUR PUBLIÉE AU
JAPON.
En nous envoyant cette carte, M. Lorenzo d'Adda nous écrit: «C'est la plus exacte de toutes celles qui ont été publiées tant au Japon qu'en Europe. Elle mentionne tous les points intéressants pour l'intelligence de mes photographies. La ligne pointillée indique l'avance japonaise à la fin de novembre.»
LE VOYAGE DE LA MISSION DIPLOMATIQUE FRANÇAISE DE TANGER
A FEZ.--L'embarquement à Tanger.
L'incident qui avait un moment retardé le départ de l'ambassade que le ministre de France, M. Saint-René-Taillandier, était chargé de conduire, à Fez, vers le sultan du Maroc, cet incident est heureusement aplani. Au moment où les pessimistes commençaient à redouter de graves complications, une lettre écrite au nom du sultan par Ben Sliman était adressée directement à notre représentant et apportée en hâte, à Tanger, par un courrier spécial.
Le sultan y disait, en substance, qu'il avait appris avec une profonde douleur et une grande surprise l'ajournement du départ de l'ambassade et les autres mesures annoncées par le ministre de France, qu'il n'avait jamais pensé se priver des services de la mission militaire française et que son représentant à Tanger avait mal interprété sa pensée en annonçant le renvoi de cette mission.
Il suppliait donc M. Saint-René-Taillandier de ne pas laisser partir de Fez le consul de France, ni la mission militaire, et il demandait en même temps à notre ministre de se rendre le plus rapidement possible à Fez pour resserrer les liens d'amitié entre les deux pays et prendre, de concert avec le gouvernement chérifien, toutes les mesures qui seraient utiles pour arriver à ce résultat.
Nous ne pouvions demander davantage. M. Saint-René-Taillandier fut aussitôt autorisé par le quai d'Orsay à se mettre en route pour Fez et le croiseur Du-Chayla , mis à la disposition de la mission pour la conduire au port de Larache, vint mouiller en rade de Tanger.
Le 11 janvier, à 2 heures de l'après-midi, la mission s'embarquait.
Elle se compose, sous la haute direction de M. Saint-René-Taillandier, de M. de Saint-Aulaire, premier secrétaire d'ambassade, du capitaine Jouinot-Gambetta, attaché militaire, de M. Pelletier, troisième secrétaire, et des drogmans et interprètes de la légation.
Les autorités marocaines de Tanger, le gouverneur en tête, et plusieurs représentants des autres puissances étaient venus saluer les membres de la mission française avant leur départ et les ont accompagnés jusqu'au quai où les attendait la chaloupe qui devait les amener à bord du Du-Chayla.
Le voyage se passa sans incident et la traversée fut superbe. Le soir même, à 6 h. 30, le croiseur jetait l'ancre devant Larache, salué par le canon de la vieille forteresse. Mais en raison de l'heure avancée et de l'état de la barre qui défend l'entrée du port, on dut remettre le débarquement au lendemain.
Dès le matin, des barcasses appartenant au sultan conduisaient tout le monde à terre, où une réception grandiose était faite à la mission par le pacha. Des ordres avaient été donnés évidemment par le Maghzen pour qu'on fit l'impossible afin d'effacer la mauvaise impression causée par l'incident.
M. Saint-René-Taillandier, ministre de France, accompagné à son départ par les autorités marocaines de Tanger. | Larache, sur la côte occidentale du Maroc, où la mission a débarqué pour prendre la route de Fez. |
(Agrandissement)
UNE FANTASIA AU MAROC: APRÈS LE COUP DE FEU.
Photographie instantanée de M. Veyre.
L'entente cordiale avec l'Angleterre a amené, comme conséquence directe, l'entente cordiale avec le Piani. La semaine dernière, un fait s'est passé, presque inaperçu dans le brouhaha politique, et cependant d'importance. Le Siam nous a rendu une partie de ces provinces du Grand Lac, qui appartinrent au Cambodge, notre protégé, et qui lui avaient été ravies par la conquête. Dans le même temps, nous lui rendions Chantaboun, que nous occupions comme gage temporaire. Le lendemain, on annonçait que le roi de Siam avait manifesté le désir d'envoyer un de ses frères, le prince Damrong, ministre de l'intérieur, saluer le gouverneur général de l'Indo Chine. M. Beau a adressé une invitation au prince, qui se rendra prochainement à Hanoï. Ainsi se manifeste par des actes la fin d'une trop longue période de suspicions, d'hostilités plus ou moins ouvertes et de colères.
Dans l'intérêt de notre empire indo-chinois, nous devons nous féliciter de ce changement de politique. Aujourd'hui, notre Indo-Chine, de la frontière chinoise au pays de Kratt, a ses frontières tracées; ses populations sont pacifiées; son organisation, achevée. Ce qu'il lui faut, désormais, mais nécessairement, c'est la paix qui lui permettra d'achever ses canaux, ses routes, ses chemins de fer, de mettre en exploitation ses richesses agricoles et bientôt, nous l'espérons, industrielles, et enfin, s'il faut tout dire, de se fortifier contre des agressions toujours possibles. La conquête est achevée, la mise en valeur commence. Pour l'exécution de ce nouveau et difficile programme, nous nous trouverons bien de l'amitié du Siam.
Et, par surcroît, nous nous donnerons ainsi l'occasion de mieux étudier cette civilisation si curieuse, aujourd'hui en contact avec la nôtre.
Les photographies qui illustrent cet article nous révèlent précisément un Siam que nous ne faisions que soupçonner.
Descendant, sur le front des troupes, d'un magnifique landau aux grandes glaces, la reine Sowaya Pongsi met pied à terre dans un costume inattendu et qui paraît des plus seyants. Et c'est dans ce même costume, blouses blanches, culottes noires, souliers à boucles, que s'avance, dans une cour du palais, l'alerte troupe des princesses, filles du roi. On admirera leur corps souple et bien proportionné. Selon l'expression d'un ancien voyageur, Mouhot, ces jeunes femmes n'ont rien à envier «aux modèles convenus de notre statuaire». Le teint est olivâtre, les pommettes des joues saillantes, les yeux noirs, taillés en amande et légèrement bridés.
La reine de Siam descendant de voiture.
Défilé des princesses de la famille royale.
LA COUR DE SIAM.--S. M. le roi Chulalongkorn et son
état-major.
La reine, les princesses, toute la famille royale et toute la La cour se rendaient, le jour où ces photographies ont été prises, à une des plus significatives cérémonies religieuses du Siam.
Les Siamois sont des bouddhistes orthodoxes, et ils le sont avec ferveur. Leur ardeur religieuse s'atteste de la manière la plus manifeste par le grand nombre de bonzes qu'ils nourrissent et entretiennent. Elle s'affirme encore par la multiplicité des pagodes et des sanctuaires. Les riches, non contents de faire des donations, construisent un temple qu'ils se plaisent à enrichir et où doivent être déposées leurs cendres: les pauvres donnent au moins une idole du bouddha. Enfin, la profondeur du sentiment religieux de ce peuple éclate dans la vénération dont est entouré le roi.
Les titres les plus pompeux lui sont prodigués. Il est par excellence le Phrah , vieille expression cambodgienne qui peut se traduire par «saint, divin, dieu, sacré, auguste», et qui s'applique, en effet, au bouddha, aux dieux, au roi, aux princes, aux bonzes. Il est encore le Brah Pad Samtac , «seigneur aux pieds sacrés», le Chao Jivit , «maître des vies», le Chao Phen Ti , «maître de la surface de la terre», le Brah Maha Krasat , «le saint et grand roi». Tels sont les titres qui appartiennent à ce souverain, qu'un de nos instantanés représente cependant sous une tenue sans faste, avec des allures simples, modestes et qui a bien un peu l'air, s'il est permis de dire, d'un de nos officiers coloniaux. Dès que le nouveau roi a reçu la douche, l'ondoiement symbolique de la grande «purification» qui lui vaut un de ses titres, celui de Pavitra , il est tenu d'aller vénérer les cendres de ses ancêtres et prédécesseurs dans le temple «de la grande tour», Maha Prasat, qui s'élève dans l'enceinte même du palais royal. Chaque année, à peu près vers la même époque,--octobre ou novembre,--il se rend solennellement dans les grands temples de Bangkok, pour faire ses dévotions au bouddha et offrir aux bonzes ses présents, les «Phra Kabhin». Les cendres de ses ancêtres sont portées devant lui et entrent avant lui dans le temple. C'est ce pèlerinage que représentent les dernières de nos photographies. Le roi se rend aux grands temples soit en voiture, soit parfois à pied, soit, le plus souvent, en barque. Selon Gervaise, le roi de Siam, dans ses sorties en bateau, était assis sur un trône couvert de beaux tapis et enrichi de pierres précieuses; il était entouré de six pages prosternés. Cent vingt rameurs, appelés «bras peints» parce que telle était leur coutume, manoeuvraient en cadence leurs rames dorées, en chantant à voix basse des airs qui devaient être anciens et traditionnels. A l'arrière, un petit étendard, fait d'une feuille d'or, distinguait la pirogue, le balon royal, dont le timonier était frappé s'il se laissait emporter par le courant et décapité s'il tombait à l'eau sans que son timon fût cassé dans ses mains. Deux balons d'honneur flanquaient celui que montait le roi: d'autres, en grand nombre, le suivaient ou le précédaient. Le lecteur pourra s'assurer par nos illustrations photographiques de l'exactitude de ces descriptions. G. R.
Les princes, frères du roi, photographiant le cortège. | S. M. le roi Chulalongkorn en palanquin. |
LE DÉFILÉ SUR LE MENAM DES BARQUES ROYALES ET
PRINCIÈRES.--La grande barque-pagode est celle qui précède toujours la
barque royale; elle porte les cendres des ancêtres de la dynastie.
UNE LOCOMOTIVE SANS CHARBON NI EAU.
Une locomotive est actuellement en construction pour le Southern Pacific railroad, aux Etats-Unis, qui, si l'on en croit certains experts, est destinée à révolutionner les transports par voie ferrée. Ne nous hâtons toutefois pas trop de nous émouvoir; ce n'est pas la première fois qu'on nous annonce des révolutions de ce genre. La nouvelle locomotive marche électriquement, mais elle produit elle-même son électricité; elle consiste en un moteur à combustion interne du type non explosif qui actionne une dynamo. Aussi cette locomotive n'a-t-elle ni charbon ni eau; elle ne fait point de poussière ni de fumée. Elle marchera à 160 et 180 kilomètres à l'heure, sans difficulté, et porterait sans peine avec elle le combustible nécessaire à un trajet de près de 5,000 kilomètres. Ce qui caractérise la nouvelle locomotive, c'est qu'au lieu d'envoyer dans l'atmosphère 90% de l'énergie disponible dans la houille, en n'en conservant que 4% dans les chaudières, ce qui fait qu'à la roue on n'en a que 2 1/2%, son coefficient d'utilisation est de 38% au point de vue thermique, l'utilisation aux axes étant de 28.35: onze fois ce que donne la locomotive. Le moteur est à quatre temps. Un réservoir à air comprimé actionne un piston qui aspire de l'air; au second temps, l'air est comprimé à haute pression et à haute température; au troisième temps, du pétrole est injecté dans cet air incandescent; au quatrième, a lieu l'expulsion du gaz. C'est au troisième temps que se fait le travail: la combustion du pétrole se fait pendant une partie du temps seulement.
Attendons maintenant de savoir ce que donnera la nouvelle locomotive. En tout cas, il est permis d'exprimer cette opinion que la locomotive ordinaire actuelle est un outil barbare, qui est la cause d'un gaspillage effroyable.
Le Lion de Chéronée reconstitué.
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Phot. Comm. par M.
Caclamanos.
LE LION DE CHÉRONÉE.
Il y a deux ans (7 avril 1903) nous publiions une photographie des ruines du Lion de Chéronée, élevé par la piété des Thébains à la mémoire de leurs trois cents compatriotes du «Bataillon sacré» tombés en défendant la patrie contre l'assaut de Philippe de Macédoine, en 300 avant Jésus-Christ. Ces débris avaient grande allure, et la tête du lion, toute fruste et mutilée qu'elle fût, conservait une noblesse de style, une fierté d'expression très impressionnantes.
On a, comme nous le disions alors, entrepris de restaurer ce monument vénérable. M. L. Sokhos, l'artiste qu'on a chargé de cette tâche, y a apporté tout le soin pieux dont il était capable, y a mis toute son âme. Le monument, réédifié, sur son socle, domine maintenant le champ sacré de Chéronée et va être de nouveau inauguré au printemps, en une fête qui n'aura certes pas, quoi qu'on fasse, le caractère de celle dont il put être le témoin le premier jour où il se dressa à cette place. D'aucuns trouveront que les morceaux en étaient plus augustes et plus émouvants que ne paraît être la restitution. Les ennemis des «restaurateurs» n'ont pas toujours si grand tort qu'on le pense. Mais les «restaurateurs» sont tenaces!
Les étudiants du Cercle français de l'université
d'Harvard se préparant à une représentation des
«Folies amoureuses» de Regnard.
LE THÉÂTRE FRANÇAIS EN AMÉRIQUE.
La nouvelle d'un curieux événement théâtral nous arrive de Cambridge (Etats-Unis): pour sa dix-huitième représentation annuelle, le Cercle français de l'université d'Harvard a donné les Folies amoureuses , de Regnard, avec le prologue et le ballet de la Folie, c'est à-dire la pièce dans toute son intégrité, telle que l'auteur l'offrit au public parisien il y a deux siècles. Les organisateurs de ce spectacle ont même poussé plus loin l'esprit d'initiative dont ils sont coutumiers: déjà, en 1899, ils avaient eu la bonne fortune de «monter» la «première» du Pédant joué de Cyrano de Bergerac; cette fois, ils ont réussi à découvrir le manuscrit original de la partition composée par Gilliet pour accompagner l'oeuvre de Regnard en 1704, partition qui ne fut jamais imprimée et a disparu du répertoire de la Comédie-Française.
Malgré les difficultés techniques d'interprétation, la partie musicale n'a pas obtenu un succès moins vif que la pièce elle-même, où la sûreté et la finesse de leur jeu ont valu aux acteurs les applaudissements enthousiastes d'une nombreuse assistance. Notons que, la troupe étant exclusivement formée d'étudiants, sous la direction du professeur Bernard, les rôles de femmes étaient tenus par des hommes qui, sans compter l'habile simulation de la voix et du geste féminins, surent tirer le meilleur parti des artifices du maquillage, des postiches et du costume.
Cette représentation méritait d'être signalée, ne fût-ce qu'à cause de la très intéressante reconstitution des Folies amoureuses ; mais il convient de remarquer en outre que le Cercle français de l'université d'Harvard n'en est pas à son coup d'essai. Voilà dix-huit ans, en effet, qu'il est fondé et qu'il s'efforce de faire connaître au public américain les chefs-d'oeuvre de notre art dramatique, interprétant en français Molière, Racine, Corneille, Beaumarchais, voire Labiche; ainsi, avec ses conférences inaugurées en 1898, il apporte une intelligente contribution à l'oeuvre de la Fédération de l'Alliance française aux Etats-Unis pour la propagation de notre langue et de notre littérature.
LE «BOUCLAGE» DU GYROSCOPE.
Les champions du looping semblent avoir adopté la proverbiale devise de Nicolet: «De plus fort en plus fort»! Après le «bouclage» de la boucle, le «cercle de la mort», la «flèche humaine» et tant d'autres prouesses prodigieuses, ce genre d'acrobatie vient de s'enrichir d'une nouvelle création récemment inaugurée dans un de nos music-halls parisiens: le «bouclage» du gyroscope.
Le gyroscope acrobatique.
L'ingénieux appareil construit par M. Roquejoffre consiste essentiellement en une énorme roue métallique de 4 mètres de diamètre qui, semblable à une roue de cycle, est adaptée à une solide colonne de support en fonte; grâce aux roulements à billes, elle peut aisément à la fois tourner dans le plan vertical et pivoter dans le plan horizontal; enfin, un contrepoids d'environ 250 kilogrammes assure l'équilibre du système. Quant à la piste, dont les lamelles de bois légèrement espacées augmentent l'adhérence, elle est établie en porte-à-faux sur la face extérieure de la jante.
Ceci posé, voici comment s'exécute l'exercice. L'homme se met en piste sur une bicyclette un peu plus lourde qu'une machine ordinaire; il pédale d'abord rapidement et, par l'intermédiaire des roues adhérant aux lamelles, tel un écureuil faisant tourner sa cage, il imprime un mouvement inverse au gyroscope; puis, il se cale, s'arrête brusquement et le gyroscope l'entraîne en arrière. A une certaine hauteur, la force ascensionnelle devenant nulle, le cycliste se lance de nouveau en pédalant; alors son poids, la rapidité de la descente le projettent en avant et, en répétant le même effort, il parvient, au bout de plusieurs reprises à la partie supérieure du gyroscope, qu'il boucle six ou huit fois de suite.
L'ÉPAISSEUR DES CHEVEUX CHEZ L'HOMME SAIN ET CHEZ L'HOMME MALADE.
Un médecin japonais, le docteur Matsuura, de Kioto, a fait de curieuses observations sur les variations d'épaisseur des cheveux et sur les conditions dans lesquelles ces variations se produisent.
L'auteur est parti de cette idée que la nutrition du cheveu doit, comme celle de l'ongle, dépendre de l'état de la nutrition générale et que, si la consistance, le volume et la coloration de l'ongle subissent des altérations dans les parties qui croissent dans le cours d'une maladie, il doit en être de même de la consistance, du volume et de la coloration du cheveu.
L'observation a confirmé ces prévisions théoriques, et M. Matsuura a constaté que, dans le cours de presque toutes les maladies aiguës ou chroniques, la partie des cheveux qui avait poussé durant la période morbide avait une épaisseur inférieure à l'épaisseur normale. Cette diminution d'épaisseur variait d'un dixième à un quart, alors que les inégalités normales n'atteignaient jamais un dixième.
Comme on pouvait s'y attendre, c'est dans les maladies de longue durée, la fièvre typhoïde, et surtout la phtisie, que cette altération était le plus accentuée. Les seuls cas où l'auteur n'ait pu constater aucune trace de ce phénomène sont ceux où la mort était arrivée soit subitement, soit dans un temps très court, comme dans les ruptures d'anévrisme, les embolies, les fractures du crâne ou autres accidents mortels.
En même temps que la diminution de l'épaisseur des cheveux, l'auteur a observé l'interruption de leur couche médullaire et leur friabilité. Les cheveux des malades s'épilent aussi plus facilement.
Ces observations ne constituent pas une simple curiosité médicale. Pratiquement, elles peuvent servir à rétablir l'histoire des maladies d'un individu et, en médecine légale, à contrôler certaines affirmations et à vérifier des identités douteuses.
COMMENT S'APPELLE LA PLUS HAUTE MONTAGNE DU GLOBE?
Jusqu'ici, quand on demandait quelle est la plus haute montagne du globe, les gens bien informés répondaient sans hésitation: «Le mont Everest ou Gaurisankar, dans l'Himalaya; 8,840 mètres.» Il va falloir changer cela, en conséquence des récentes investigations qui ont mis fin à des discussions qui duraient depuis longtemps déjà. Quand le pic de 8,840 mètres fut découvert, la science géographique lui donna un numéro d'ordre, en l'absence de toute dénomination indigène. Ce fut le pic XV. En 1856, L' Indian Surrey proposa de donner au pic XV le nom de son ancien chef, Everest. Ce qui fut fait. Mais en 1857, Schlagintweit vint tout troubler. Il avait vu, de Kaulia, un sommet très élevé que les indigènes de la région nommaient Gaurisankar, et il ajoutait que ce Gaurisankar n'était autre que le pic XV ou Everest du gouvernement indien. Le nom indigène devait prévaloir, disait le voyageur allemand qui n'était peut-être pas fâché de vexer un peu les Anglais. Mais ceux-ci répondaient qu'il devait y avoir erreur. Ils ne niaient pas l'existence du Gaurisankar, mais contestaient que cette montagne fût la même que l'Everest. Il devait y avoir deux pics. De nombreux mémoires furent écrits pour et contre; mais on fit mieux: on explora, et, pour achever de faire la lumière, une expédition fut envoyée au Népaul en 1903. Cette expédition a réglé le différend.
Elle a fait voir qu'effectivement, l'Everest et le Gaurisankar sont deux pics bien distincts. Ils sont même à 57 kilomètres de distance et appartiennent à deux massifs différents.
Le plus élevé est le pic XV ou Everest; le Gaurisankar (pic XX de l' Indian Surrey ), de l'autre côté de la vallée du Dudh Kosi, n'a que 7,143 mètres. L'Everest est considéré comme en ayant 8,840: la récente exploration a obtenu trois chiffres, par trois visées différentes: 8,767, 8,817 et 8,840 mètres; elle a retenu la plus forte, déjà obtenue par d'autres géographes. Il faut donc, à la question posée plus haut, répondre désormais: «Mont Everest, 8,840 mètres.» Il paraîtrait aussi que le nom de Gaurisankar serait une erreur; il n'y aurait pas de Gaurisankar. Il y aurait une cime très élevée, voisine de l'Everest, présentant deux sommets. Ces sommets auraient chacun leur nom: le plus élevé serait le Sankar et l'autre le Gauri.
Il ne faut plus parler du Gaurisankar, mais seulement du Gauri et du Sankar.
C'est le Sankar qui aurait 7,143 mètres.
LE NOUVEAU TRAITEMENT DES NÉPHRITES.
Depuis peu de temps une nouvelle méthode s'est introduite dans la thérapeutique des néphrites: c'est la méthode opothérapique, préconisée par le professeur Renaut, de Lyon, et qui consiste à traiter ces affections si redoutables et si pénibles par la macération de rein de porc.
MM. M. Page et Dardelin, qui ont utilisé cette méthode, ont communiqué à la Presse médicale leurs impressions sur les résultats obtenus par eux. Celles-ci sont très satisfaisantes. Ils ont soigné 18 cas par la méthode lyonnaise et, dans 16 cas, l'albumine a totalement disparu. Voici quelques renseignements sur la méthode. Le remède se prépare en coupant un rein de porc en menus morceaux qu'on lave avec de l'eau fraîche pour enlever ce qui pourrait rester d'urine. Après quoi on fait un hachis de ces morceaux de rein et on le pile jusqu'à ce qu'il forme une bouillie qu'on met dans 300 grammes d'eau fraîche additionnée de sel (à la dose de 7 gr. 50 0/00). On laisse macérer trois heures, au frais, en remuant de temps en temps. C'est le liquide de macération qui constitue le remède: on le boit en trois fois dans la journée, additionné de julienne froide, par exemple, pour masquer le goût qui d'ailleurs n'est pas trop mauvais. Le traitement doit se prolonger pendant dix jours consécutifs. La macération doit être faite chaque jour, car elle ne se conserve pas du jour au lendemain; il faut la conserver à la glace pour éviter un commencement de fermentation.
Même dans des cas d'artériosclérose avancée, la méthode expérimentée par MM. Page et Dardelin leur a donné d'excellents résultats: plusieurs mois après le traitement, l'albumine n'avait pas reparu. Aussi faut-il espérer que les médecins mettront à l'épreuve le procédé inauguré par M. Renaut et que leurs malades s'en trouveront aussi bien que ceux de MM. Page et Dardelin.
L'Indo-Chine française , par Paul Doumer (Nony, 10 fr.).-- Péking pendant l'occupation étrangère en 1900-1901 , par le lieutenant-colonel Guillot (Lavauzelle, 3 fr. 50).
L'Indo-Chine française.
Pendant cinq ans, de 1897 à 1902, M. Doumer a gouverné l'Indo-Chine, où il succédait à M. Rousseau. Ce sont ses souvenirs de là-bas et son administration que le nouveau président de la Chambre expose dans son livre. Pas de phrases inutiles en ces pages. L'auteur est avant tout un homme d'action qui s'amuse peu aux bagatelles littéraires et aux redondances oratoires. Il écrit comme il parle et comme il agit. Quelquefois cependant sa concision se pare, comme lorsqu'il rend sa vision des ruines kmères de Watpou, au Cambodge, et d'Angkor, au royaume de Siam. «Tout est grand ici, tout est colossal: la végétation, les ruines, les souvenirs. On ne peut s'empêcher d'admirer les arbres, dont les fûts, que vingt bras n'entoureraient pas, s'élèvent vers le ciel, droits, vigoureux, altiers, comme s'ils s'étaient nourris de la chair des morts qui dorment à leur ombre.» Mais peut-être n'est-ce pas quand il monte jusqu'à la poésie que M. Doumer nous semble supérieur. Il excelle dans le récit tout nu, dans l'élégante et sobre manière dont il use pour narrer ce qu'il a vu et les réformes qu'il a accomplies.
Débarqué à Saigon, le 13 février 1897, il commence par étudier la Cochinchine, dont il nous dit le climat et les ressources. Là règne une chaleur humide et accablante, et beaucoup d'insalubrité; mais de cette terre molle, fertile, sort en abondance le riz dont l'exportation annuelle s'élève de 80 à 100 millions de francs. Les habitants logent dans des cases en bambou, aussi peu confortables que possible; ils ont, par commune, une maison des notables et un marché couvert.
Sans s'attarder dans ce coin sud de la colonie, M. Doumer gagne par mer le Tonkin, où il trouve une température moins supportable encore que celle de la Cochinchine, mais en revanche des villes comme Hanoï, le riche delta du fleuve Rouge, une population plus forte, plus laborieuse, des artistes, des fondeurs de cuivre, des orfèvres, des nielleurs, d'habiles brodeurs de soie. La Cochinchine nous appartient: le Tonkin, dépendant de l'Annam, est un protectorat, en ce sens que les mandarins nous servent d'intermédiaires pour administrer la population indigène: les intérêts de chaque commune sont gérés par un conseil de notables qui répartissent l'impôt, lequel est perçu en bloc par les mandarins et livré au résident français. A Hué, M. Doumer est allé visiter le roi d'Annam et s'est aperçu des exactions commises par l'administration locale du pays. Après le roi Thanh-Thaï, ce fut au tour de Norodom de recevoir le nouveau gouverneur général qui le trouva dans sa résidence de Pnom-Penh, la capitale du Cambodge.
M. Doumer établit, dans cette région surtout indienne de la colonie, un conseil de six ministres indigènes, sous la présidence du représentant de la France. Les décisions de cet aréopage sont soumises à la signature du roi et contre-signées pour être exécutoires par le résident supérieur (juillet 1897).
Mais quelle résistance de Norodom quand, deux ans après, on supprima les jeux publics si fructueux pour sa cassette personnelle! Avec la nouvelle organisation du Cambodge, le trésor public augmenta, sans créer de nouvelles charges, et la richesse de cette contrée prit des développements que note M. Doumer. Les dernières excursions du gouverneur général eurent pour théâtre le Laos, une des cinq fractions de notre empire indo-chinois.
Nous avons, dans ces voyages multipliés, la première preuve de l'activité de M. Doumer. Maintenant quelles modifications apporta-t-il dans le gouvernement de la grande colonie, quelles améliorations dans ses produits et dans son budget? Il demanda pour lui-même tous les pouvoirs qu'un ministre peut avoir en France, dans son département. Jusqu'à sa venue, dit-il, le gouvernement général étant trop faible, les efforts manquaient de coordination et d'unité. Pour arrêter les budgets annuels, il créa un Conseil supérieur de l'Indo-Chine et, en même temps, pour l'épanouissement de la fortune publique, des chambres de commerce et des chambres d'agriculture, un service des douanes et des régies financières. A son arrivée, la Cochinchine était obérée, le Tonkin et l'Annam en déficit. Grâce à une surveillance attentive et à des impôts sur le sel, sur l'alcool, sur l'opium, les recettes furent bientôt supérieures aux dépenses. Un budget général (31 juillet 1898) fut établi, avec le souci toutefois d'employer sur place les contributions directes et de faire entrer les indirectes dans le budget commun de l'empire. Grâce aux excédents et à un emprunt amortissable, on put entreprendre de grands travaux, tracer un réseau ferré de 2,400 kilomètres, des canaux d'irrigation et de dessèchement, des voies navigables, des ports.
Ne demandant plus rien à la métropole, l'Indo-Chine lui est-elle profitable? En 1896, la France importait dans la colonie pour 50,547,037 francs; en 1901, le chiffre des importations fut de 100,067,696 francs. L'Indo-Chine, en 1896, exportait en France pour 10,143,905 francs; en 1901 ses exportations ont monté à 39,549,995 francs.
Avant de quitter son poste, M. Doumer, inquiet, avait signalé le prochain péril japonais. Je ne me permets, dans ces articles purement littéraires, d'émettre aucune opinion en dehors des lettres pures. Quand un livre intéressant se présente, je le signale au public et me contente d'en donner la substance et d'en juger la composition. C'est ce que j'ai fait pour les souvenirs de M. Doumer.
Péking pendant l'occupation étrangère.
M. le lieutenant-colonel Guillot était commandant du génie, lors de l'occupation de Péking par l'armée internationale. Dans un savant travail, il nous donne le plan détaillé de la ville. En pleine liberté, avec la curiosité d'un amateur et d'un militaire des armes savantes, il s'est promené dans les deux parties de la grande cité: dans la ville tartare où se dressent le Palais impérial, le palais des Ancêtres, celui de la Statue, avec la cathédrale française et le couvent des soeurs de Saint-Vincent-de-Paul, et dans la ville chinoise qui possède le temple du Ciel et le temple de l'Agriculture.
Péking n'a guère qu'une population de 600,000 à 700,000 habitants, bien que son étendue égale presque celle de Paris. C'est qu'il y a là des parcs, des palais avec des entours spacieux, beaucoup d'arbres. La sécurité la plus absolue reprit bientôt possession de la ville, après l'entrée des troupes alliées; les boutiques s'ouvrirent de tous côtés; on circulait doucement dans ces rues naguère agitées par les Boxers. Instructif et pittoresque, même pour les profanes, le volume de M. Guillot se distingue peut-être par un optimisme trop marqué à l'endroit de la Chine et de ses desseins pacifiques. E. Ledrain.
ONT PARU:
HISTOIRE.-- Marly-le-Roi, son histoire (697-1904) , par Camille Piton. In-8º, illustré, Joanin, 15 fr.-- La Reine Margot et la Fin des Valois (1553-1615) , par Charles Merki. In-8º, avec portrait, Plon, 7 fr. 50.-- Les Rupelmonde à Versailles (1686-1784) , par le comte Charles de Villermont. In-18, Perrin, 3 fr. 50.-- Jadis , par Frédéric Masson. In-18, Calmann-Lévy, 3 fr. 50.-- Le Maroc d'aujourd'hui, d'hier et de demain , par Arthur de Gauniers. In-8º, Fume, 2 fr. 50.-- L'Empire de la Méditerranée , par René Pinon. In-8º, Perrin, 5 fr.
ROMANS.-- L'Amant et le Médecin , par Gabriel de la Rochefoucauld. In-18, Calmann-Lévy, 3 fr. 50.-- La Maison de la petite Lima , par Pierre de Querlon. In-18, Mercure de France, 3 fr. 50.-- Le Péché de la morte , par Maxime Formont. In-18, Lemerre, 3 fr. 50.-- Au-dessus de l'abîme , par Th. Bentzon. In-18, Calmann-Lévy, 3 fr. 50.-- La Cité ardente , par Henry Carton de Wiart. In-18, Perrin, 3 fr. 50.-- La Guerre universelle , par Auguste Niemann, traduit de l'allemand par J. Schroeder et P. Bruck-Gilbert. In-18, Flammarion, 3 fr. 50.-- La Valise diplomatique , par Léon de Tinseau. In-18, Calmann-Lévy, 3 fr. 50.-- L'Election sentimentale , par le comte de Comminges. In-18, Juven, 3 fr. 50.-- Le Droit au bonheur , par Camille Lemonnier. In-18, Ollendorff, 3 fr. 50;-- Mon papa , par Julien Berr de Turique. In-18, d°, 3 fr. 50.
POÉSIES.-- La Sonate des heures , par Albert Reggio. In-18, Perrin, 3 fr. 50.-- Le Secret de la vie , par Fernand Richard. In-18, Plon, 3 fr. 50.-- Oiseaux , par Louis Mandai. In-18, Lemerre, 3 fr. 50.-- Primevères , par Henri Dorange. In-18, dº, 3 fr.-- La Jeunesse du saint roi Louis , pièce en 5 actes, en vers, par Joseph Ducos. In-18, dº, 3 fr. Armide et Gildis , drame en vers en 5 actes, par Camille de Sainte-Croix. In-18, Librairie générale, 3 fr. 50.-- Les Flammes de la vie , par Jeanne Sienkiewicz. In-18, Vernier, 3 fr.-- Les Voix de la terre , par Emile Peyromaure. In-18, Victor Havard, 3 fr.
Malgré ses qualités d'esprit et de bonne humeur, le Patrimoine , de M. Ambroise Janvier, à l'Odéon, n'a obtenu qu'un demi-succès; l'auteur avait trouvé un excellent sujet de comédie, il l'a traité en vaudeville; cette confusion des genres n'a jamais porté bonheur à une oeuvre de théâtre. Il n'en est pas moins fort plaisant d'assister aux déboires de cet excellent notaire qui, pour sauver le patrimoine d'une famille, dilapidé par son chef, imagine de canaliser les fugues amoureuses de celui-ci dans la direction des femmes du monde, sous prétexte qu'elles coûtent moins cher, et ne s'aperçoit pas que sa propre femme a entrepris déjà le sauvetage du débauché qu'elle aime follement. A signaler, parmi les acteurs, M. Gémier et Mlle Mégard, particulièrement remarquables.
Au Vaudeville, après Son Excellence Dominique , amusante comédie politico-bureaucratique de M. J. Thorel, d'après une nouvelle de M. Bergeret, M. Romain Coolus nous a donné, dans Petite Peste , quelques épisodes d'un «Roman comique» moderne, à coup sûr plus gai que l'ancien, et qui cependant nous le ferait regretter, tant est lamentable l'immoralité de ces nouveaux hôtes du Chariot de Thespis. La «petite peste», c'est une «enfant de la balle», vertueuse peut-être, mais viciée jusqu'aux moelles par son entourage de cabotins et d'oisifs aguichés par la liberté de ses allures. Cela finit cependant par un mariage, comme une honnête comédie, mais la «petite peste» n'est pour rien dans ce dénouement bourgeois: un mariage libre lui eût souri davantage,--elle le dit, du moins. La pièce est excellemment jouée par Mlle Marthe Régnier et Thomassin, MM. Lérand, Dubosc, Gauthier et Colombey.
Spectacle plus reposant à la Renaissance, où M. Jules Lemaître a donné deux pièces d'une haute saveur littéraire: d'abord la Bonne Hélène , l'exquise fantaisie en vers, inspirée des infortunes conjugales du roi Ménélas, que l'on avait déjà applaudie au Vaudeville; puis, la Massière , étude de moeurs contemporaines, où, par une exception rare, ne s'agitent que des braves gens, mus par des passions honnêtes. L'Illustration va publier cette pièce; nos lecteurs trouveront à la lire le même plaisir délicat qu'on éprouve à la voir représentée. Bornons-nous à signaler l'interprétation supérieure qu'en donne la Renaissance avec Mmes Brandès et Judic, MM. Guitry, Boisselot et Maury.
M. Coquelin n'a pas cessé d'être le maître comédien de notre époque; il suffit pour s'en convaincre d'aller l'entendre, à la Gaîté, dans les grands rôles comiques de Molière, dans Tartufe et aussi dans cette aimable pièce de l'Abbé Constantin que l'on a fort heureusement remise à la scène.
La Comédie-Française vient de célébrer le 283e anniversaire de Molière par une excellente représentation d' Amphitryon , précédée d'une exquise fantaisie en vers de M. G. Courteline, la Conversion d'Alceste , que nous publierons prochainement; nos lecteurs jugeront eux-mêmes à quel point M. Courteline a su s'approprier la langue et l'esprit de son illustre modèle, dans cet ouvrage qui dépasse de beaucoup la portée d'un simple pastiche. A noter le grand succès obtenu, dans le rôle d'Oronte, par M. Brunot, le plus jeune des pensionnaires de la Comédie Française.
Nous publions dans notre Supplément musical de ce jour un fragment de la 3e partie de la Croisade des enfants , légende musicale en quatre parties adaptée du poème de Marcel Schwob, musique de notre collaborateur Gabriel Pierné.
Dessin de M. G. Picard pour
le programme de la "Croisade
des Enfants".
Cette oeuvre, couronnée au dernier concours musical de la Ville de Paris, a été exécutée par les soins de la municipalité le 18 janvier; une deuxième audition publique en sera donnée le 22 janvier aux concerts du Châtelet, sous la direction de M. Ed. Colonne.
Cette oeuvre offre ceci de particulier que les enfants y tiennent une place importante et que c'est la première fois, croyons-nous, que s'unissent d'une façon presque constante la voix des enfants, la voix des choeurs, hommes et femmes, et l'orchestre.
Les enfants ont été choisis dans les écoles de la Ville et après un mois de travail ils sont arrivés à un résultat admirable de précision, de justesse et de charme.
Le sujet de la Croisade des enfants est emprunté au remarquable poème de Marcel Schwob; il tient tout entier dans ces quelques lignes extraites des chroniques d'Albert de Stade, de Jacques de Voragine et d'Albéric des Trois Fontaines (année 1212):
«Vers ce temps là beaucoup d'enfants sans chef et sans guide s'enfuirent ardemment de nos villes et cités vers les pays d'outre-mer. Et, quand on leur demandait où ils allaient, ils répondaient: «A Jérusalem pour quérir la Terre sainte»... Ils portaient escarcelles, bourdons et la croix sur l'esclavine... Et certains venaient depuis Cologne. Ils arrivèrent jusqu'à Gênes et montèrent sur sept grandes nefs pour traverser la mer. Et une tempête s'éleva et deux nefs périrent; et tous les enfants d'icelles deux nefs furent engloutis... Et lorsqu'on interrogea ceux qui revinrent pour connaître la cause de leur départ, ils répondirent; «Nous ne savons point...»
La Croisade des Enfants, légende musicale de MM. Gabriel Pierné Marcel Schwob, vient d'être interprétée, sous la direction de M. Ed. Colonne, au Châtelet.
Le général Peigné.--
Phot. Pierre Petit.
Dans la série des «fiches» relatives aux officiers, publiées depuis quelque temps par les journaux, figurait, ces jours derniers, une lettre du général Peigné à M. Vadécard, secrétaire général du Grand Orient, qui a produit une vive émotion.
Ancien chef de cabinet du général Boulanger, le général Peigné est actuellement commandant du 9e corps d'armée, à Tours, et membre du conseil supérieur de la guerre. A la suite de la publication de sa lettre, il a été mandé, pour fournir des explications, au ministère de la guerre et a été reçu par M. Berteaux. Mais on ne sait rien d'officiel sur ce qui s'est passé au cours de l'entrevue, et l'incident n'a eu, jusqu'à présent, aucune sanction. Le ministère étant démissionnaire, il ne peut être pris, à l'égard du général Peigné, aucune décision, car c'est seulement en conseil des ministres que son cas peut être examiné. La tâche reviendra au nouveau cabinet..
Un nouveau duel vient de mettre en émoi le monde de l'épée. Cette fois comme le 31 décembre dernier, c'étaient encore deux escrimeurs de marque qu'une querelle d'ordre pour ainsi dire professionnel mettait aux prises: MM. Thomeguex et Henry de Pierrebourg, le premier assisté de MM. Rouzior-Dorcières et Destez, le second de MM. le comte de Rochefort et Dumas-Descombes.
Le duel Thomeguex de Pierrebourg au Champ de Mars.
La rencontre eut lieu, lundi matin, dans l'enceinte de la Grande Roue, qui, décidément, est devenue un très moderne Pré-aux-Clercs. Bien que la durée de chaque reprise eût été fixée à une minute seulement, la séance fut fort longue, en raison de la fréquence des interruptions; à la douzième reprise, M. de Pierrebourg était légèrement atteint au biceps, et, après quelques minutes d'observation, les médecins ayant constaté l'état d'évidente infériorité causé par l'engourdissement du bras, les témoins mettaient fin au combat. Ajoutons que, suivant l'usage qui prévaut de plus en plus, un public nombreux, quoique trié sur le volet, avait été admis au spectacle de cette mémorable passe d'armes; deux cordes tendues le maintenaient à distance respectueuse. Pendant plus d'une heure, curieux battant la semelle, curieuses emmitouflées de fourrures restèrent patiemment parqués derrière ce double rempart. Or il faisait un froid de loup: sol glacé, chute de neige fondue, bise cinglante transformaient le champ clos en une petite Sibérie. Et l'on se demande ce qu'il faut admirer le plus, de la maîtrise et de la vaillance des combattants ou de l'endurance des spectateurs bénévoles, prêts à braver toutes les intempéries pour affirmer leur passion des sports en général et de l'escrime en particulier.
Il nous faut encore revenir sur le duel Breittmayer-Lusciez. M. Breittmayer nous demande, en effet, d'insérer le passage suivant, certifié exact , du texte du procès-verbal: «...A la cinquième reprise, l'épée de M. Breittmayer produit sur la face interne du bras droit de M. Lu sciez, près de l'aisselle, une légère piqûre. A la fin de la même reprise, M. Lusciez déclare ne pouvoir continuer immédiatement, étant atteint de contracture musculaire de l'avant-bras. Après un temps d'observation d'un quart d'heure, il déclara se trouver dans la même impossibilité. En conséquence le combat est terminé.»
Le nouveau pont de Saint-Sébastien.--
Phot. Maigné, comm.
par M. Du Chambon.
La municipalité de Saint-Sébastien vient d'inaugurer le nouveau pont jeté sur l'Urumca et auquel a été donné le nom de Marie-Christine, en l'honneur de la reine mère du roi Alphonse XIII. Ce pont, construit en ciment armé, est l'oeuvre de M. Ribeira, ingénieur, et de M. Zapata, architecte; il se trouve en face de la station du chemin de fer d'Iran à Madrid.
L'inauguration a eu lieu le 20 janvier, jour de la fête patronale de Saint-Sébastien, en présence des autorités civiles, militaires et religieuses. L'évêque de Vitoria présidait la cérémonie religieuse. Cette fête avait attiré à Saint-Sébastien un grand nombre de personnes, venues de tous les points de la province de Guipuzcoa. A. C.
Nous publierons dans notre prochain numéro: LA CONVERSION D'ALCESTE, de M. Georges Courteline, cette suite du MISANTHROPE, que la Comédie-Française a représentée avec un si grand succès, et L'INSTINCT, de M. Henry Kistemaeckers, qui vient de réussir brillamment au théâtre Molière, avec une interprétation de choit, aux premiers rangs de laquelle il faut citer Mme Cora Laparcerie et M. Candé.
(Tous les articles publiés sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)
La question de l'assainissement des villes et campagnes n'est qu'imparfaitement résolue par le tout-à-l'égout qui déplace simplement les matières insolubles sans les détruire. Mieux vaut une stérilisation sur place, résultat possible, mais au prix de traitements chimiques ou d'un filtrage onéreux et compliqué. La Société sanitaire du Transformateur aseptique a résolu économiquement et simplement le problème avec son appareil nouveau, doué des qualités suivantes:
Destruction complète et régulière des immondices;
Purification et innocuité absolues du liquide expulsé;
Suppression de toutes charges, de tout entretien, de toute vidange.
Cet appareil, fonctionnant sans addition de produits chimiques, permet à tout propriétaire d'avoir chez lui, sans crainte d'infection, tous les avantages d'installations modernes et hygiéniques, et donne aux municipalités le moyen de satisfaire aux exigences de l'hygiène publique, sans grever les budgets municipaux.
Le Transformateur aseptique réalise la destruction complète des eaux vannes et des matières fécales, en les transformant en un liquide inoffensif qui, s'écoulant dans un drain ou dans un égout, ne présente aucun danger de contamination. L'analyse de ce liquide faite à l'institut Pasteur a démontré qu'il contenait 1,500 fois moins de microbes que les eaux d'égout.
Le Transformateur aseptique est une application très intéressante des procédés bactériologiques dont Pasteur a posé le principe, en établissant que les microbes sont les seuls agents de la putréfaction et de la décomposition des matières organiques. C'est en effet par le travail en quelque sorte mécanique de certains de ces micro organismes que s'effectue la décomposition des matières, transformées en un liquide dont l'innocuité est parfaitement établie.
Très solidement construit en ciment comprimé spécial, avec armature extérieure en fer, le Transformateur aseptique peut être placé au-dessus ou en contre-bas du sol, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'habitation.
LE TRANSFORMATEUR
ASEPTIQUE
A, B, tuyau et chambre d'arrivée;
C, D, appareil et chambre de
purification; E, F, tuyau d'évacuation
et chambre de filtration.
Il se compose d'une série de quatre chambres:
La chambre d'arrivée;
Deux chambres de purification et la chambre de filtration.
La chambre d'arrivée reçoit les matières qui, séparées du liquide à évacuer par une paroi suspendue, se trouvent accumulées dans un très petit espace, condition favorable pour leur fermentation. Celle-ci s'accomplit d'une manière intense et détermine une surproduction d'ammoniaque qui a pour effet d'activer la destruction des corps organiques, papiers, chiffons, etc.
Cette destruction est immédiate et le liquide encore chargé de détritus provenant de la putréfaction des matières passe dans les chambres de culture, où s'opère la réaction qui doit le purifier.
Pour prévenir l'obstruction de l'appareil on a soin de placer avant la chambre d'arrivée un regard d'inspection, ou petit réceptacle en forme de siphon, où les matières minérales, vaisselle, terre, pierres, etc., que l'on peut jeter dans les cabinets, se trouvent retenues par leur propre poids. Les chambres de culture sont divisées par des chicanes, en plusieurs compartiments, sur les parois desquels les bactéries s'accumulent en couches gélatineuses, dont le contact exerce sur le liquide l'effet purificateur.
Le liquide purifié s'écoule alors facilement à travers les interstices existant entre les pierres qui garnissent la chambre de filtration, interstices sur lesquels se forment encore de nouvelles couches gélatineuses ne pouvant causer d'obstruction, car elles sont uniquement formées de bactéries qui se détruisent fatalement d'elles-mêmes après un séjour dans l'appareil.
Telle est la réaction qui s'opère dans le Transformateur aseptique et qui est l'oeuvre exclusive du Travail mécanique des bactéries, sans aucune intervention chimique.
Pour son bon fonctionnement, l'appareil réclame un apport d'eau à chaque usage, dont la quantité varie de 6 à 8 litres suivant l'importance de l'immeuble et le nombre de personnes pouvant y séjourner.
La parfaite étanchéité de l'appareil est assurée par une construction des plus soignées et par un enduit hydrofuge spécial dont les parois sont recouvertes intérieurement et extérieurement.
Le prix des appareils pour l'usage journalier de 30 à 75 personnes varie de 450 à 600 francs.
Pour tous renseignements, s'adresser à la Société sanitaire du Transformateur aseptique, 44, boulevard Beaumarchais, Paris.
Les épingles de cravate étant très sujettes à se détacher et à tomber, nous croyons intéresser nos lecteurs en leur signalant un nouvel et ingénieux fixe-épingle capable de remédier à ce petit accident.
Cet instrument se compose d'un simple petit tube de métal doré que l'on glisse sous la pointe de l'épingle après l'avoir piquée dans la cravate; il reste d'ailleurs invisible, étant placé sous la cravate.
Grâce à une adroite disposition, ce fixe-épingle s'adapte à toutes les grosseurs d'épingles; une fois qu'il est en place, l'épingle ne peut se détacher accidentellement. On peut voir sur la figure de droite l'instrument posé sur l'épingle, la figure de gauche montrant la manière de l'enlever.
Cet ingénieux fixe-épingle que nos gravures représentent grandeur nature se trouve en vente au prix de 2 fr. 50, chez MM. Kirby, Beard et Cie, rue Auber, Paris.
Pour toutes insertions concernant les nouvelles inventions, écrire au service des Nouvelles Inventions, l' Illustration, 13, rue Saint-Georges, Paris.