Title : L'Illustration, No. 3254, 8 Juillet 1905
Author : Various
Release date : March 1, 2011 [eBook #35446]
Language : French
Credits : Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque
L'Illustration, No. 3254, 8 Juillet 1905
Ce numéro contient quatre pages supplémentaires sur la Coupe Gordon-Bennett.
ELISÉE RECLUS
Auteur de la "Géographie universelle" et de "l'Homme et la Terre", mort
le 4 juillet.
Photographie P. Kadar.--Voir l'article, page 32.
A la première nouvelle des graves événements d'Odessa, un envoyé spécial de L'Illustration , M. Gustave Babin, est parti pour cette ville où il est arrivé lundi après soixante-douze heures consécutives de chemin de fer. Outre les photographies qu'il pourra prendre lui-même, il nous enverra, par les voies les plus rapides et les plus sûres, de nombreux documents graphiques (clichés et croquis) préparés et réunis pour L'Illustration aux heures mêmes où le Kniaz-Potemkine menaçait la ville, mais qui n'avaient pu encore nous parvenir.
Notre prochain numéro contiendra les premiers envois de M. Gustave Babin, qui se rendra, en quittant Odessa, dans les autres régions les plus troublées de la Russie.
Hier, en sortant du musée de Cluny où j'étais allée faire mon pèlerinage hebdomadaire d'amoureuse de vieilles reliures et de vieux bijoux, j'ai gagné la rue Saint-Jacques et suis descendue de là vers la rue Dante,--incurable badaude que je suis! Au milieu de cette rue s'élève une maison neuve, qui n'est point habitée encore et dont la porte d'entrée, surmontée d'épaisses cariatides, s'encadre de deux rideaux de tôle derrière lesquels il y a deux boutiques à louer. Les journaux nous ont appris qu'un des appartements de cet immeuble venait d'être loué par M. le président de la République et que c'est là, entre deux étalages de petits marchands, qu'au mois de février prochain M. Loubet viendra goûter la joie d'être redevenu simple citoyen--de n'avoir plus ni fêtes à présider, ni rois à recevoir, ni ministres à choisir... ou à congédier.
Et nous étions bien, devant cette façade blanche, une cinquantaine de curieux attroupés, qui regardions. Des gens entraient, sortaient, posaient des questions à un concierge visiblement exaspéré. Dans la matinée, une voiture de Cook, chargée de touristes, était venue s'arrêter devant la maison (c'est une voisine qui m'a conté cela); et voilà un immeuble qui aura eu l'exceptionnelle fortune d'être «historique» avant même qu'aucun locataire y ait mis le pied.
Les vrais Parisiens (ils sont rares) sauront gré à M. Loubet d'un choix où s'attestent à la fois l'extrême simplicité de ses goûts et un certain amour de Paris qu'on ne lui connaissait pas; car, si ce coin de notre «rive gauche» est tout à fait dénué d'élégance, il en est aussi l'un des plus intéressants et des plus pittoresques morceaux. Logé près de la Seine, à quelques pas de l'antique Cité, M. Loubet pourra consacrer les loisirs de ses matinées à d'amusantes flâneries parmi des ruelles où s'évoque l'histoire d'un Paris très démodé, très oublié et que les habitants du quartier de l'Elysée ne connaissent guère. C'est la rue Galande; c'est la rue du Fouarre; c'est, bornée par les masures lamentables de l'ancien Hôtel-Dieu, la rue Saint-Julien-le-Pauvre, avec sa petite église où, depuis huit cents ans, des Parisiens ont prié; c'est la rue de la Bûcherie, de la Huchette, de la Parcheminerie... Aussi, l'on s'étonne; et j'entends autour de moi des réflexions gentilles. Il est évident que l'on ne s'attendait point à ce que M. Loubet fixât son domicile de demain à une distance si grande des quartiers où ses amis d'aujourd'hui résident de préférence,--et qu'on en est flatté. «C'est un homme qui n'est pas fier.» Voilà ce qui plaît.
Aussi bien cette qualité-là, chez un chef d'État, semble-t-elle la plus rare de toutes. Et l'opinion populaire ne s'y trompe point. Il lui est tout à fait indifférent que le nommé Cincinnatus, consul et dictateur, ait--il y a vingt-trois siècles--rétabli l'ordre dans Rome, sauvé l'armée, conquis des territoires et rasé la maison d'un certain Spurius Malius qui se mêlait d'aspirer à la royauté. La seule chose qui intéresse la foule et qu'elle veuille retenir de cette histoire, c'est que Cincinnatus fut un homme puissant qui, sa tâche finie, ne redouta point la pauvreté et «laboura son champ lui-même». Ce petit trait n'a l'air de rien; cependant, il a contribué bien plus à la gloire de Cincinnatus qu'un demi-siècle de services éclatants rendus à l'État.
Il se pourrait que la même fortune fût réservée à M. Loubet et que, bien longtemps après que les écoliers de France auront oublié ce que fut ce «septennat», à quels événements historiques le nom de M. Loubet s'associe et quels rois firent visite à ce républicain, ce seul souvenir demeure: «M. Loubet fut un président de République (1899-1906) qui, son mandat étant expiré, quitta l'Elysée pour aller habiter, dans une petite maison de la rue Dante possédée par un négociant en vins, un appartement dont le loyer n'excédait pas cinq mille cinq cents francs.»
En attendant, de toutes les parties du monde, les visiteurs de marque continuent d'affluer, souriants et cordiaux, vers l'Elysée. Ce seront, la semaine prochaine, les marins anglais; ce sont, cette semaine, les marins d'Amérique,--les compatriotes de cet amiral Jones dont on vient chez nous, très solennellement, quérir la dépouille.
Je vois qu'on a beaucoup discuté sur l'authenticité de cette dépouille et qu'il n'est pas tout à fait sûr que ce soient les restes de l'amiral Jones qu'emportent chez eux les Américains. Mais ils affirment, eux, qu'il n'y a point d'erreur, et je trouve infiniment noble l'empressement de ces hommes à vouloir honorer un mort dont il ne semble pas que l'identité soit irréprochablement établie.
Les Français, les Anglais, les Allemands, se fussent montrés, je crois, dans une circonstance pareille, plus difficiles à satisfaire. Les Américains sont, eux, un peuple jeune et dont l'histoire ne remonte pas très loin dans l'infini des temps. Les Américains n'ont ni vieux monuments ni vieux livres; les Américains manquent d'ancêtres... De là un penchant très excusable à ne point examiner de trop près les «pièces» du mort qu'on leur présente. Est-ce bien lui? Peut-être... mais il n'importe. L'essentiel et l'urgent, c'est d'offrir à la piété populaire des monuments à saluer.
Et comme cela est significatif! Nous nous étions habitués à considérer ce peuple américain comme uniquement avide de bien-être; nous pensions qu'il n'avait d'autre orgueil que celui d'être riche et fort; et longtemps il n'eut, en effet, que cet orgueil-là. Un autre lui vient: celui de se composer une belle histoire et d'orner son passé. Il a d'énormes usines, de vastes banques et des bibliothèques somptueuses; et il souffre de n'avoir pas assez de glorieuses sépultures où s'inscrivent des dates un peu vieilles. Il y a un an, le poète Mistral avait fait remettre, au président Roosevelt, un exemplaire de sa Mireille en provençal et je me souviens d'avoir lu dans les journaux la traduction d'une jolie et très touchante lettre qu'à cette occasion le président fit remettre au poète. Il avouait, le président--un peu mélancoliquement, me sembla-t-il--que les trusts ne sont pas l'unique moyen qu'aient découvert les hommes d'être forts et qu'il y a d'autres joies dans la vie que celles de bien fabriquer et de bien vendre...
Ne dénigrons donc point notre idéalisme; il fait des jaloux parmi ceux dont nous sommes jaloux; et saluons très bas les braves gens qui ont fait huit jours de mer pour venir chercher à Paris un vieux cercueil où il est probable que gît la dépouille d'un de leurs grands hommes. Il y a là l'indice d'un sentiment neuf que les Yankees d'il y a cinquante ans ne connaissaient pas.
Mais ne méprisons pas trop non plus les joies que donne l'argent, ni surtout les délicieux rêves que suscite en nous la possibilité de conquérir la fortune tout d'un coup!
Cette Loterie de la Presse a mis, autour de moi, toutes les têtes à l'envers. «Trois lots d'un millions! Que feriez-vous si vous gagniez un million demain?» Et l'on discute, on fait ses comptes. Les moins gourmands déclarent qu'un lot de cent mille francs les contenterait. «Cent mille francs? dit ma modiste; j'en demande la moitié pour être heureuse.» On se promet des cadeaux les uns aux autres; on bâtit mille projets puérils et charmants. Et cela déjà est un bonheur qui vaut bien la pièce d'or dont on l'aura payé.
Car, si gagner à la loterie est une joie, c'en est une aussi, même si l'on n'y gagne rien, de penser que, peut-être, on y gagnera quelque chose; c'est une joie, en somme, et très réelle, que d' espérer ; que de vivre un mois ou deux dans l'attente du coup de hasard qui vous fera riche. Certains philosophes trouvent immoral cet espoir-là. En quoi l'est-il?
J'ai connu un homme de lettres très illustre (mort aujourd'hui) qui était joueur. Il m'avouait un jour sa passion. Et, comme elle lui avait coûté très cher, cette passion-là, je lui demandais:
--Ne vous corrigerez-vous jamais?
Il sourit:
--Non, dit-il; car, pour celui qu'amusent vraiment les caprices du hasard, il y a, au jeu, deux émotions et, par conséquent, deux joies: la première, c'est de gagner; la seconde, c'est de perdre.
Je crois que, tout de même, celui-là exagérait.
Sonia.
Rien ne marque tant le jugement solide d'un homme que de savoir choisir
entre les grands inconvénients.
Cardinal de Retz.
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Notre étrange Paris, dans ses populations et ses aspects, est comme une
carte d'échantillons du monde.
Alphonse Daudet.
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Un homme un peu malin devient plus facilement ministre que chef de
bureau.
Guy de Maupassant.
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Les déclassés deviennent si nombreux qu'ils commencent à former une
classe.
A. Capus.
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Ce n'est point le vin, c'est la parole qui fait l'ivresse sobre du Midi. Etienne Lamy.
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On voit tout à coup surgir, des couches profondes de l'histoire, des problèmes nouveaux, comme, de celles du globe, des volcans inconnus.
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* *
Dans toutes les luttes de la vie, c'est l'imprévu qu'il faudrait s'attacher à prévoir. G.-M. Valtour.
La semaine dernière, M. Chaumié, garde des sceaux, a saisi le Sénat d'un projet de loi d'amnistie, précédé d'un exposé des motifs concluant en ces termes: «La République est assez forte pour n'avoir plus à redouter les entreprises qu'on voudrait diriger contre elle et qu'elle saurait déjouer. Elle peut être clémente et jeter maintenant l'oubli sur des fautes dont quelques-unes ont été payées par leurs auteurs de plusieurs années d'exil.»
La
Villa Alta
, résidence de M. Paul Déroulède, à
Saint-Sébastien.
Le gouvernement estime enfin que le moment est venu de réaliser une idée généreuse, depuis assez longtemps déjà «dans l'air», et, tenu d'en référer au Parlement, c'est l'assemblée du Luxembourg qui, constituée en haute cour de justice pour juger un procès politique, prononça la condamnation, qu'il invite la première à décréter la mesure de clémence. Le plus notoire des condamnés de 1899, M. Paul Déroulède, va bénéficier de cette amnistie. Accusé --et il ne s'en défendit pas--d'avoir, le 23 février, lors des funérailles du président Félix Faure, tenté d'entraîner les troupes dans un mouvement insurrectionnel afin de substituer au régime existant une république plébiscitaire, il fut frappé d'un bannissement de dix ans; voilà donc la sixième année que le chef de la Ligue des patriotes passe sur la terre étrangère. Il a, on le sait, fixé sa résidence en Espagne, le moins loin possible de son pays, à Saint-Sébastien, où il habite une demeure baptisée d'un nom significatif, la Villa Alta . M. Déroulède a mené là une existence de repos forcé, particulièrement pénible à l'ardeur active de son tempérament, supportant, d'ailleurs, la pesante monotonie des jours d'épreuves et les affres obsédantes de la nostalgie avec la dignité inhérente à son caractère; recevant la visite de quelques amis, rompant rarement le silence de sa retraite par une lettre ou un télégramme plus ou moins sensationnels, destinés à montrer son constant souci des événements politiques.
On n'a pas oublié le duel du 6 décembre dernier, où M. Jaurès et lui échangèrent deux balles et comment, interdite sur le territoire espagnol, la rencontre, grâce à la tolérance de notre gouvernement, eut lieu sur le territoire français, près de la frontière. Le 17 du même mois, M. Déroulède conduisait jusqu'à la même frontière, mais sans qu'il lui fût permis de la franchir, cette fois, M. Marcel Habert, son fidèle Achate, dont la peine de bannissement arrivait à, expiration.
Souvent le poète proscrit aimait aller méditer dans la solitude d'un site romantique, aux environs de Saint-Sébastien, à la pointe d'un promontoire de Pasages, tel, sur son rocher de Guernesey, Victor Hugo, qui a dit:
Oh! n'exilons personne! Oh! l'exil est impie!
Le front soucieux, il contemplait l'immensité de la mer changeante; mais, certainement, toute sa pensée se portait vers la France, où il aura bientôt le droit de rentrer.
FIN D'EXIL.--M. Paul Déroulède aux rochers d'Hugo, à
San-Juan de Pasages.
Galveston. Brooklyn , vaisseau-amiral. Tacoma. Chattanooga Dessin de Johanson.
On trouvera plus loin (p. 30) des détails sur l'amiral américain John-Paul Jones, dont une mission extraordinaire, envoyée par les États-Unis, est venue cette semaine chercher les restes, récemment exhumés à Paris. L'escadre américaine, qui doit escorter ces glorieuses reliques et qui est commandée par l'amiral Sigsbee, est arrivée le 30 juin à Cherbourg, où elle a échangé avec la terre et les navires sur rade les saluts d'usage.
Magnificent. Illustrious. King-Edward-VII. Jupiter. Majestic.
Commonwealth
.
--Dessin de Wilkinson.
C'est le 10 juillet que commenceront les fêtes franco-anglaises de Brest. A 1 h. 30 de l'après-midi, l'escadre anglaise arrivera en rade. Après les réceptions, un grand dîner aura lieu le soir même à bord du Masséna , bâtiment-amiral français. Les bals, banquets, revues se succéderont pendant toute la semaine. L'Illustration sera représentée à ces fêtes par plusieurs de ses dessinateurs et photographes.
ATTENDANT L'ARRIVÉE DES JAPONAIS, APRÈS L'ÉVACUATION DE
MOUKDEN.
La retraite de l'armée russe après la défaite de Moukden, nous écrit le Dr Van Haut, auteur de cette photographie, se fit avec tant de hâte que beaucoup de morts ne purent être enterrés. On voit ici environ 600 cadavres rassemblés, en attendant les Japonais, sous la surveillance de quelques membres du personnel de la Croix-Rouge.
LA RETRAITE DE L'ARMÉE RUSSE, ABANDONNANT MOUKDEN EN
FLAMMES, LE MATIN DU 10 MARS.
Cette photographie, qui nous parvient tardivement est, à coup sûr, une des plus impressionnantes qui aient été prises en Mandchourie. Nous la publions telle que nous l'avons reçue: elle fut prise à l'aube naissante d'un lendemain de défaite, dans la fumée de l'incendie.
Fêtes d'inauguration de l'église Pierre et Paul, à
Péterhof, résidence actuelle de l'empereur Nicolas II.
La situation de la Russie est de jour en jour plus tragique. Comme les désastres de Mandchourie, les désordres intérieurs forment une série ininterrompue et qui va s'aggravant. Peut-être la paix est-elle maintenant prochaine en Extrême-Orient; mais quand se fera-t-elle dans le pays russe?
Les événements d'Odessa, la révolte de l'équipage du Kniaz-Potemkine , ont causé dans le monde entier une émotion profonde. Jamais, dans leur lutte contre toutes les puissances gouvernementales, les forces révolutionnaires n'avaient obtenu un résultat aussi retentissant; et elles l'ont obtenu à la fois dans le pays de l'autocratie absolue et contre l'autorité qui paraissait la plus intangible de toutes: celle qu'exercent à leur bord les officiers d'un navire de guerre.
En présence de ce désarroi formidable, les pensées vont irrésistiblement à celui que tous les coups visent et frappent: le tsar. La France, qui l'a acclamé et fêté deux fois, le plaint, mais l'observe aussi. Que fait-il? Que va-t-il faire?
Nous avons annoncé la semaine dernière qu'il avait quitté Tsarskoïé-Sélo, sa résidence depuis le mois de janvier, pour Péterhof, au bord du golfe de Finlande. Là, il a accompli aussitôt un acte politique important en recevant officiellement les délégués du Congrès des zemstvos, en écoutant le discours respectueux mais ferme du prince Troubetzkoï, en promettant que les élus de la nation russe seraient bientôt appelés à participer aux affaires de l'État. Maintenant, tandis qu'en Pologne, au Caucase, sur les rivages de la mer Noire et de la mer Baltique, les grèves, les pillages, les révoltes et les massacres attestent combien seraient urgentes les réformes qui s'élaborent si lentement, la vie de Cour se poursuit à Péterhof, sans fêtes assurément, mais avec toutes ses autres obligations monotones: parades militaires, cérémonies religieuses.
A l'heure même où le Kniaz-Potemkine , avec son équipage de mutins, bravait Sébastopol et menaçait Odessa, le tsar et l'impératrice, les officiers de leur palais, les chambellans et les dames d'honneur, inauguraient solennellement une nouvelle église, dédiée aux saints Pierre et Paul.
Le photographe de L'Illustration n'a pas voulu laisser passer cette occasion de prendre, avec quelques épisodes de la cérémonie, un nouveau portrait du souverain russe, à l'heure la plus critiqué de son règne. Il nous semble que ce portrait sera beaucoup et longuement regardé. On interrogera la physionomie, la démarche de l'empereur; on cherchera son regard; on voudra deviner l'énigme de ses pensées et de sa volonté.
Au même titre que les plus tragiques clichés pris sur les champs de bataille de Mandchourie, une telle photographie est un précieux document pour les historiens futurs.
Officiers et dames de la Cour.
Le tsar.
La tsarine.
L'EMPEREUR NICOLAS II INAUGURE, A PÉTERHOF, UNE NOUVELLE ÉGLISE
La flotte de la mer Noire à l'ancre dans le port de Sébastopol, où s'est produite la mutinerie du Kniaz-Potemkine. | Le port d'Odessa: vue du môle où fut exposé le corps du matelot Omeltchouk, dont la mort a causé la mutinerie du Kniaz-Potemkine. |
Les quais à Odessa: à droite, la voie ferrée suspendue,
dont la charpente a été incendiée pendant l'émeute du 28 juin.
A ODESSA.
-- Sur les quais: les ouvriers chargeurs actuellement en grève. Les vues que nous publions ici ont été prises avant les émeutes de ces jours derniers: elles permettent simplement de «situer» les événements que les dépêches ont racontés en détail. Mais notre prochain numéro contiendra d'importants documents photographiques d'actualité dont notre collaborateur, M. Gustave Babin, arrivé lundi soir à Odessa, nous annonce l'envoi par télégramme.
Le "Kniaz-Potemkine", le plus neuf des cuirassés de la mer Noire, dont l'équipage s'est révolté le 27 juin, massacrant une partie des officiers, et qui s'est présenté le même jour devant Odessa, surexcitant par sa présence et son exemple les ouvriers du port, déjà en grève générale, et provoquant de sanglants désordres. | Le "Georgi-Pobiedonostzef", qui s'était joint au "Potemkine", à Odessa, mais qui a fait sa reddition le 2 juillet. |
Panorama d'Odessa, vu de la mer. | Stationnaire "Élisabeth", qui a tiré sur les mutins russes. Le port roumain de Constantza, où le "Kniaz-Potemkine" a séjourné les 2 et 3 juillet. |
Le Kniaz-Potemkine, cuirassé d'escadre de 12.500 tonneaux, a été lancé à Nicolaïef en 1900 et achevé en 1903; il est armé de 48 canons et de 5 tubes lance-torpilles; il peut marcher à 16 noeuds: c'est une arme formidable aux mains des révolutionnaires russes.
Peint par A. Normann | Phot. Braun, Clément et Cie. |
Sur les côtes de Norvège.
«Nous voici embarqués...»
Nous voici embarqués sur l'Ile-de-France , bateau touriste qui va emmener au cap Nord cent soixante Français. Nous n'avons à nous occuper de rien. Nous n'avons pas besoin d'initiative. On nous assurera nos repas, soit à bord, soit à terre, le gîte dans la cabine, ou dans les hôtels, et l'on nous conduira devant les beautés à admirer.
C'est une manière de voyager. Ce n'est peut-être pas la meilleure, mais c'en est une qui a ses avantages lorsqu'on veut faire beaucoup de chemin en peu de temps... et qu'on aime la société. Le premier jour, on s'installe et l'on s'observe mutuellement. Nous avons à bord tout un petit monde: savants, médecins, prêtres, généraux, un amiral, des commerçants, des industriels, des notaires et des avocats; des agriculteurs, gens du monde et un acteur. «C'est un bateau d'échantillons», dit quelqu'un.
A première vue, il semble que tous ces passagers soient des heureux de ce monde. Pourtant il y a bien des solitaires. Comment ceux-là se sont-ils décidés à ce long voyage au milieu d'inconnus? Peut-être veulent-ils fuir des proches, et se fuir eux-mêmes?...
Beaucoup de ménages, cependant... Pendant qu'on embarque, nous pouvons chercher à deviner comment ils se sont décidés; nous pouvons nous amuser à évoquer l'arrivée du prospectus Une croisière en Norvège dans un foyer paisible, le soir, au moment où monsieur et madame, confortablement installés, prennent leur café, en pensant au prochain départ pour la mer ou la campagne.
On a ouvert d'une main distraite l'enveloppe qui contenait le papier fatal, on l'a déplié avec indifférence... Un des deux époux s'est intéressé aux descriptions enthousiastes...
Puis, le lendemain, à déjeuner:
Madame. --Enfin, qu'est-ce qu'on risque?... Tu verses vingt francs d'arrhes. Cela ne nous engage à rien. Si, dans huit jours, après avoir pris des renseignements, nous ne nous décidons pas, nous perdrons un louis et voilà tout...
Monsieur. --C'est vrai...
Madame. --Alors, tu vas aller nous inscrire?
Monsieur. --J'irai un de ces jours.
Madame. --Il faudrait y aller aujourd'hui.
Monsieur. --Il est trop tard.
Madame. --Mais non.
Monsieur. --Je suis pris, cet après-midi...
Madame. --Ne te dérange pas, je puis très bien y passer moi-même.
Le soir, en rentrant, monsieur trouve la grande table du salon couverte par un plan immense sur lequel madame est penchée:
Monsieur. --Qu'est-ce que c'est que ça?
Madame, sans lever la tête .--C'est le plan du bateau.
Monsieur. --Quel bateau?
Madame. --De notre bateau... Voilà notre cabine... C'est la meilleure. Je l'ai vue. Pas notre cabine, bien entendu... Une petite réduction, grande comme ça... C'est gentil. On dirait une maison de poupée.
Monsieur. --Ibsen, déjà!
Madame. --Et j'ai acheté tous les récits de voyage que j'ai pu trouver.
Le lendemain soir:
Madame, qui a lu depuis la veille.--Je commence à être documentée.
Monsieur, de même.--Moi aussi.
Madame. --J'ai fait la tournée de nos amis les plus intimes. Nous sommes les premiers de notre petit clan qui allons en Norvège.
Monsieur. --C'est quelque chose.
Madame. --Tout le monde nous envie, c'est un voyage admirable.
Monsieur. --Peuh!
Madame. --Tu n'as qu'à lire...
Monsieur. --Si tu t'en rapportes aux livres!...
Trois jours après, monsieur a mis bas les armes parce qu'un soir madame a répondu à ses objections par des larmes et par cette phrase:
--Maintenant que j'ai dit partout que nous allions en Norvège, si nous n'y allons pas, de quoi aurons-nous l'air?
On fait les emplettes nécessaires: imperméables, couvertures de voyage supplémentaires, vérascope Richard, etc.. et, un matin, on part...
... Depuis quelques jours madame a comme un remords. Elle songe que c'est, en somme, un long voyage; qu'il faut s'éloigner de mille lieues de ceux qu'on aime, de ses parents, de ses amis, de son château tranquille, de Paris où l'on est si bien; elle pense qu'en somme un naufrage est toujours possible. Son imagination bat la campagne, il lui semble qu'elle a des pressentiments de malheur et elle se reproche son insistance; elle se dit qu'on aurait été si bien chez soi, avec toutes ses aises et ses habitudes, et elle pense qu'on est un peu fou d'aller troquer tout cela contre la cabine étroite d'un bateau. Elle a envie de pleurer.
Monsieur a des pensées analogues. Il se rappelle le soir où, dans leur paix, est arrivé ce prospectus, fatalement, sournoisement, avec l'impassibilité féroce d'une lettre anonyme... entre deux réclames d'un marchand de vin et celle d'un tailleur pour dames...
La tristesse grave des départs les étreint et c'est d'une voix dolente que l'employé de la gare du Nord a entendu, un matin, une phrase définitive: «Deux premières pour Dunkerque.»
En route, chacun se répète cette phrase du livre de mon aimable confrère Emile Berr:
«J'admire Cook de plus en plus. Cet homme a su organiser jusqu'à la mélancolie des âmes; il a prévu et il a tracé l'itinéraire triste qu'il est «esthétique» d'avoir suivi.»
Ils se demandent encore ce qu'ils vont faire là-bas, eux qui n'ont pas l'âme mélancolique et qui ne sont pas des esthètes... Si l'on allait apprendre, à Dunkerque, que le bateau l'Ile-de-France a eu une avarie et que la croisière n'aura pas lieu, qu'on serait content!... sans trop le laisser voir!...
Dans le train, changement d'humeur. Une fois cassé le petit fil qui vous retient aux choses, une fois acceptée l'idée du départ, une fois le voyage inévitable, la bonne humeur réapparaît.
On regarde le billet délivré par la Compagnie de navigation, et c'est avec des rires qu'on lit ces articles:
La Société n'est pas responsable des pertes ou dommages pouvant provenir d'avaries au navire ou aux machines, abordages, incendies, échouements, ruptures d'apparaux, cordages, échelles ou autres parties de la coque, des accessoires ou du grément, ni des cas de fortune de mer; elle ne répond pas de la baraterie, des fautes ou négligences du capitaine, du pilote, des mécaniciens, des hommes de l'équipage ou de toutes autres personnes. Elle décline toutes responsabilités quant aux accidents pouvant survenir aux passagers, soit à bord, soit dans les embarcations, ou embarquation du débarquant, soit en quelque lieu que ce soit au cours du voyage... Dans le cas où le paquebot viendrait à se perdre...
Voici qui n'est pas rassurant. Mais qu'importe!... On est parti.
Le marché aux poissons.
Mercredi, deux heures. --On voit le soleil briller à travers les hublots.
«Navrant, dit quelqu'un.--Comment? navrant?--Certes, nous ne connaîtrons pas la Norvège. Regardez cette mer, elle est bleue; ce ciel, il est bleu. Nous allons rapporter en France des idées fausses.»
Les côtes apparaissent, bien semblables aux nôtres: ici, c'est la Méditerranée; puis nous entrons dans un golfe interminable au fond duquel se trouve Bergen: c'est le lac des Quatre-Cantons.
On a ouvert une malle énorme contenant des cartes postales. Tout le monde se les arrache et passe son temps à écrire des adresses. Hélas! j'en achète aussi. Avant le départ, combien de fois n'avons-nous pas entendu la phrase:
--Vous nous adresserez des cartes postales? Ce n'est pas pour moi; mais, vous savez, ma fille en fait collection.
«Première impression: que les places sont grandes à
Bergen!»
On dit la messe tous les matins, dans le salon. L'après-midi, une dame qui, certes, chante fort bien, fait entendre dans le même salon des cris d'amour très profane. Les prêtres, qui ont revêtu l'habit civil, fument des cigarettes au milieu d'une cour de dames âgées.
Il y a eu une joie, ce soir, à bord. La petite humanité que nous constituons a cru trouver, dans l'un des siens, un jouet, une tête de Turc, un naïf, dont on allait s'amuser pendant tout le voyage. Nous venions d'arriver en vue de Bergen. Au fait, je vais manquer à mon devoir si je ne décris pas Bergen. Ne manquons pas à notre devoir. Comme je n'aime pas plus faire des descriptions que vous n'aimez à les lire, vous pouvez ne pas avoir peur. Je serai bref. Voici:
A travers les fines rayures d'une pluie qui paraît être ici l'état normal, tant elle tombe avec régularité, on voit, au fond d'un golfe, un amas de maisons en tas, serrées les unes contre les autres et coiffées de toits rouges avec de grosses enseignes en lettres blanches, des enseignes où les voyelles sont rares... («Les consonnes ne doivent pas coûter cher en Norvège», dit quelqu'un.)
Au-dessus de la ville, un clocher pointu, noir et rouge; au-dessus du clocher, la montagne verte; au-dessus de la montagne, des nuages gris. Et tout cela baigné de pluie, mais baigné de pluie de façon constante, persistante; non pas violente, mais habituelle, nécessaire, inévitable, perpétuelle, définitive... Quand il ne pleut pas ici, les gens se demandent si ce dérangement de l'atmosphère ne présage pas un cataclysme.
A BERGEN.-Les réservoirs à poissons vivants.
Malgré cela, un grand nombre de passagers se préparent à descendre à terre. Ils forment un groupe compact devant la coupée. Tout à coup un grand éclat de rire. On ne sait d'où vient de surgir un petit homme vêtu du suroit des marins du Nord, et d'un suroit dont la couleur jaune-serin éclate au milieu des imperméables gris. On ne voit que lui. Il resplendit. Et l'esprit français ruisselle:
«Bravo! bravo!--Les Bergenois vont vous prendre pour un phoque.--Un loup-phoque.--Mais, monsieur, vous avez un parapluie, il gâte votre joli costume...--Il détonne...--Donnez votre parapluie, par grâce!--Pour l'amour du beau!--Pour nous faire plaisir!--Eh! quoi, vous avez gardé votre casquette de voyage?--Vous n'avez donc pas le casque? le casque en cuir, le casque en toile huilée?
--Mais si, répond le héros, qui fait bonne contenance sous l'averse des quolibets, il est dans ma cabine.
--Allez le chercher.--Allez chercher le capuchon.
--Ca-pu-chon!... ca-pu-chon!...»
Un prêtre se montre plus excité que les autres dans cette réclamation du capuchon. Le phoque lui répond:
--L'abbé, mettez le vôtre. Par ce temps-là, vous devriez marquer la pluie... vous n'êtes qu'un baromètre dérangé.
L'abbé se tait, car les rires s'égarent sur sa tête sacrée.
Et la caravane s'écoule lentement par l'escalier de la coupée.
Une heure après, ceux qui la composent reviennent, trempés, naturellement. Ils ont pris, au débarcadère, un tramway, sont allés jusqu'au bout de sa course et ne l'ont pas quitté.
Il est dix heures et demie du soir et il fait encore clair. Quand je dis qu'il fait encore clair, c'est une manière de parler. Ce n'est pas le jour qui dure, c'est le crépuscule, c'est l'heure douteuse, l'heure triste du soir, et cela fait comprendre la couleur des idées norvégiennes. La brume enveloppe tout, ne laissant en valeur que les premiers plans, mais avec une netteté pas encore vue.
«On dirait de la mauvaise peinture», dit quelqu'un assez justement.
Jeudi. --Réveil. A travers le hublot: la pluie... Si vous le permettez, désormais je vous parlerai du temps lorsqu'il ne pleuvra pas, ce sera plus simple. Tout de même, il ne faut pas oublier que nous sommes venus ici pour voir Bergen, et que nous ne pouvons rester à l'abri, puisque nous voyageons pour notre plaisir.
Embarquons!
... Que se passe-t-il?... Il ne pleut plus!... Rassurez-vous, ça ne durera pas. Et voici la description obligée de l'intérieur de la ville... Première impression: que les places sont grandes!... Une, deux, trois places aussi spacieuses que celle de la Concorde. Pourquoi ce terrain perdu?... C'est qu'on espère ainsi circonscrire les incendies qui trouvent, dans cet amas de maisons en bois, je dirais un «aliment facile» si cette façon de s'exprimer pouvait être admise.
Les tramways électriques sous les trolleys et avec leurs incessants coups de cloche donnent à toutes les villes une uniformité dont on peut se plaindre, puisque nous sommes venus chercher d'autres choses que les nôtres.
Il faut passer au marché, parce que les poissons qu'on y voit tout vivants, dans les bassins d'eau de mer, sont vraiment différents des nôtres. Il en est de rouges et de bleus, de jaunes et de verts, énormes. Le marchand les pêche d'une puisette sur le choix de sa cliente et, en un tour de main, avec deux ou trois coups de couteau jetés ça et là sur la tête et sur la queue, la jolie bête luisante et colorée disparaît dans le panier ou le filet à provisions.
Ici, des coins pittoresques. Noir et rouge, toujours. Mais vous entendez bien qu'il s'agit d'un rouge de Norvège, lavé, déteint, éteint, détrempé... Un quai long, long, est bordé de hautes maisons blanches, à pignons très pointus. C'est l'ancien quai de la Hanse.
«Il y a, non loin de Bergen, une petite église de bois
qui ressemble à une pagode.»
Photographies Meys.
On a conservé ou plutôt reconstitué le logis d'un de ces marchands de la Hanse. Cela donne l'idée de la tyrannie dans le commerce. Et la maison se divise très nettement en deux parties: ce qu'on laissait voir au public et ce qu'on l'empêchait de regarder. Ici, le bureau vitré; mais vous connaissez la maison Plantin, à Anvers?... C'est la même chose en moins bien. Imaginez cependant, dans la partie publique, les livres de commerce, les balances, les faux poids; dans l'autre, le coffre-fort, des nerfs de boeuf pour donner du zèle aux employés, des lavabos de cuivre, des armes et des lits dans des niches comme les lits bretons.
Le quai des Hanséates à Bergen.--
Copyright Underwood and Underwood.
Les touristes, à Bergen, à terre, reçoivent une leçon de choses. S'il leur arrive, à la fin du repas, de demander un petit verre de fine Champagne, on le leur refuse d'un air scandalisé; puis, après un moment, le garçon, avec un geste qu'ont nos sympathiques camelots du boulevard (ils deviennent sympathiques à cette distance), leur dit en anglais ou en allemand:
--Maintenant, si vous voulez que je vous rende un grand service, je vous dirai que, personnellement, je possède un peu de bénédictine, mais elle sera marquée «eau de Seltz» sur la carte...
... Est-ce que ces Septentrionaux vertueux n'auraient, par hasard, de plus que nous, que l'hypocrisie?
Il y a, non loin de Bergen, une toute petite église de bois qui ressemble à une pagode, mais qui y ressemble à un tel point qu'il est impossible de croire qu'à cette distance deux peuples aussi différents aient pu concevoir sans entente une architecture aussi identique... Alors, il faudrait donc accepter que ces diables de Norvégiens soient allés dans l'Inde, en Chine? Par où alors?
--Par le détroit de Behring, dit un savant de la croisière...
Qui donc l'aurait cru! Comme on s'instruit en voyageant!
Retour sous une pluie battante... oui, je sais bien, j'avais dit que je ne vous en parlerais plus, mais c'est irrésistible.
Stalheim.
On dîne, à bord, par petites tables de dix couverts. On agite quelques questions. A une table de millionnaires, on vient de trouver le moyen d'éteindre le paupérisme. Après dîner, dans la cordialité qui commence à régner entre les sauvages que nous sommes plus ou moins, on nous annonce pour demain l'arrivée de l'empereur d'Allemagne. Tous les cours français battent à cette nouvelle et les femmes lancent des regards mécontents à un intrus qui prétend que c'est seulement un bateau de touristes allemands qui est attendu.
Vendredi. --Il pl... Non... Toute l'eau du ciel mise en réserve depuis le déluge s'est précipitée sur nous pendant la nuit et continuera à nous inonder pendant toute la journée; j'aime mieux vous le dire tout de suite.
On cause. On s'émeut, non sans raison, de la façon dont notre littérature est représentée aux devantures des librairies. Rien que des livres pornographiques ou des ouvrages inconnus aux titres prometteurs. On comprend l'indignation du pasteur Malders en trouvant sur la table de Mme Alving des «romans français».
(A suivre.)
Le palais de l'Elysée, résidence du président de la
République. Façade sur le jardin.
La salle des fêtes de l'Elysée, où l'on danse les soirs
de bal.
La salle à manger: le couvert mis pour un grand dîner.
Salon de réception à l'Elysée.
Où LE PRÉSIDENT LOUBET
REÇOIT LES SOUVERAINS
Maison neuve, 5, rue Dante (Ve arrondissement).--Rue nouvelle de 16 mètres de large, en vue du boulevard Saint-Germain, à proximité de la Sorbonne, la Faculté de Droit, l'École de Médecine, le Sénat...
|
A louer: Grands appartements (hauteur de plafond: 3m,40) comprenant: Antichambre-galerie, grand et petit salon, 4 à 5 chambres à coucher à volonté, etc. Confort moderne... Ainsi s'exprime l'alléchant prospectus qu'il est loisible à tout un chacun de cueillir, en passant, chez le concierge dudit n° 5. Le document est parfaitement véridique: une des plus récemment percées à travers cet îlot du vieux Paris de la rive gauche, la rue offre un curieux contraste avec les vestiges moyenâgeux de ses voisines immédiates. Quant à la maison, elle est on ne peut plus neuve, en effet, comme l'atteste le millésime 1905, gravé sur la façade; son architecture extérieure a bien la physionomie typique du «bel immeuble de rapport» moderne. Pénètre-t-on à l'intérieur, on constate, dès le vestibule, qu'il a fort bon air et, en poussant plus avant la visite, que les principaux appartements sont vastes et confortables.
Or, un de ces appartements, celui du premier étage (cinq mille cinq cents francs de loyer), aura l'insigne fortune d'abriter un locataire de marque, qui l'a retenu tout de suite, quoiqu'il ne doive l'occuper que dans sept mois. Ce locataire, éminent entre tous, n'est autre que M. Emile Loubet, président de la République française, dont le septennat expire le 18 février 1906. Son intention, maintes fois exprimée, de ne pas solliciter le renouvellement de son bail présidentiel, M. Loubet vient de l'affirmer en signant un bail en bonne et due forme avec le propriétaire du n° 5 de la rue Dante. |
C'est donc là que, l'an prochain, aussitôt libéré de la charge du pouvoir, il s'installera, en compagnie de Mme Loubet et de ses deux fils, heureux de se retrouver au milieu de ce quartier latin qu'il habita longtemps, non loin de ce palais du Luxembourg qu'il quitta pour le palais de l'Elysée. Cette résidence du chef de l'État, les salons somptueux où il reçut des souverains et donna des fêtes splendides, le parc ombreux où naguère encore une garden-party réunissait une brillante assemblée, s'imposeront certes à son souvenir, mais sans lui laisser de regrets. Au faste, à l'apparat officiels, il préférera certainement l'intimité familiale de son home , relativement modeste; honoré, conscient de la tâche terminée, du devoir accompli, goûtant un repos bien gagné, il y mènera, selon ses goûts simples, la vie bourgeoise d'un «brave homme» dont les grandeurs n'ont pas altéré la sagesse.
Un livre nouveau de M. Jules Lemaître: En marge des vieux livres 1
En matière de critique, le formulaire de l'éloge, médiocrement pourvu, est condamné à la banalité par l'inévitable abus des mêmes expressions. Ainsi, le qualificatif «régal littéraire», appliqué à une oeuvre de M. Jules Lemaître, est une sorte d'épithète de nature, on pourrait presque dire un «cliché». Comment l'éviter? Comment trouver mieux? Le plus sage est, je crois, de n'y point prétendre et de recommander tout uniment aux gourmets ce nouveau régal d'une essence rare.
J'ignore ce que l'élève Jules Lemaître griffonnait en marge de ses cahiers et de ses livres d'écolier: probablement, comme les camarades, des bonshommes, la charge du pion ou du professeur, des épigrammes plus ou moins classiques, où peut-être se révélait déjà la précoce virtuosité de sa plume; ce qu'il importe davantage de savoir, c'est ce que l'académicien d'aujourd'hui a écrit «en marge des vieux livres».
Ceci, vous entendez bien, est manière de parler, et il ne faut pas prendre les mots au pied de la lettre. Les vieux livres dont il s'agit sont: l'Odyssée, l'Iliade, l'Énéide, les Evangiles, la Légende dorée , vénérables monuments sur lesquels M. Jules Lemaître était incapable de porter une main sacrilège. Mais il les a beaucoup fréquentés, il les connaît à fond, et ils lui ont suggéré les sujets d'une série de contes philosophiques, tout ensemble concis, substantiels et savoureux. La Sirène, le Mariage de Télémaque, Thersite, le Premier Mouvement, Anna Soror, les Idées de Liette, le Salut des bêtes, le Voyage du petit Hozaël, la Onze-millième vierge --pour ne citer que la moitié du volume--autant de pages absolument exquises.
Le conteur subtil et disert en a emprunté la matière première à ses lectures favorites, elles lui ont fourni le canevas sur quoi il a dessiné de délicates broderies. Il s'est inspiré directement de ses auteurs; mais il s'est bien gardé de les trahir, de les travestir, tel un parodiste irrévérencieux. Son procédé, si j'ose employer ce terme, consiste en une sorte d'adaptation fort habile, part où sa touche personnelle, sa fine ironie, se glissent discrètement parmi des pastiches imitant à merveille le caractère et la couleur propres des modèles. A peine va-t-il parfois jusqu'à risquer la note franchement moderne; par exemple, au dénouement de l'aventure de sainte Cordula, la onze-millième vierge, récit tout imprégné d'un poétique parfum de légende, il conclura: «Certes, elle l'avait bien gagné, cette patronne ingénue des ratés, des malchanceux, des retardataires, de tous ceux qui «manquent le train».
Ce sont là, en somme, fantaisies de lettré, que seul peut se permettre sans témérité un écrivain de la valeur de M. Jules Lemaître, un esprit sagace nourri du suc de l'antiquité.
Tout cela est vif, alerte, pimpant, amusant même, encore bien qu'il s'en dégage toujours une idée de haute moralité. Il est impossible d'exprimer de façon plus ingénieuse de très vieilles vérités, de façon plus aimable des choses très graves, en un mot de pratiquer avec plus de maîtrise l'art difficile de charmer le lecteur en lui donnant à penser.
Edmond Frank.
Ont paru
Les Demi-Fous , roman par Michel Corday. Basquelle, 3 fr. 50.-- L'Isolée , roman par René Bazin. Calmann-Lévy, 3 fr. 50.-- L'Impossible Pardon , par Antoine Albulat. E. Petit, 3 fr. 50.-- L'Art de vivre , par le docteur Toulouse. 1 vol., Fasquelle, 3 fr. 50. Cambrioleurs et Cambriolés , par E. Bailly. 1 vol., Lahure, 3 fr. 50.-- Brimborion , par Jean Rameau. 1 vol., Ollendorff, 3 fr. 50.-- La Halle des âmes , par Frédéric-Arthur Chassériau. 1 vol., Fasquelle, 3 fr. 50.-- La Vie belge , par Camille Bemonnier. 1 vol., Fasquelle, 3 fr. 50.-- Zigzags en France , par Henri Boland. 1 vol. in-16, Hachette, 4 fr.-- En zigzag de Singapour à Moscou , par Jean de Nettancourt-Vaubecourt. 1 vol. in-16, Plon-Nourrit et Cie, 3 fr. 50.-- Waldech-Rousseau , par Gaston Deschamps. 1 vol., Basquelle, 3 fr. 50.-- Femme de lettres , par Mary Bloran. 1 vol. in-16, Hachette, 3 fr. 50.-- L'Idéalisme contemporain , par Brunschvigg. 1 vol. in-16, Alcan, 2 fr. 50.
L'amiral John-Paul Jones.
L'amiral John-Paul Jones, d'après une médaille et des
gravures de l'époque (1775-1779).
Il dormait, depuis plus d'un siècle, au fond d'un cimetière abandonné de Paris, dans un cercueil de chêne et de plomb, cet impétueux marin, qu'on aurait pu appeler «cette tempête» comme Charles XII, ce hardi corsaire qui fit trembler la flotte britannique et qu'on appelait Paul Jones.
Écossais d'origine, il avait pris du service en Amérique en 1775 et s'était signalé pendant la guerre de l'Indépendance par des exploits légendaires. Ainsi, en 1779, il lança, avec une témérité folle, la légère frégate qu'il montait contre un des plus formidables vaisseaux de la marine britannique, s'accrocha à ses flancs et le força à amener son pavillon. Voici encore son portrait à bord du vaisseau qu'il commande: le Bonhomme-Richard , au moment où il vient d'enlever la frégate la Sérapis . A la suite de cette expédition, il vint en France où on lui fit un accueil enthousiaste. Louis XV lui fit don d'une épée, ornée d'une dédicace flatteuse et pompeuse. En 1781, le Congrès de Philadelphie lui décerna une médaille d'or frappée à son effigie, que nous reproduisons ci-dessus.
Mais là devait s'arrêter sa fortune. Après un séjour à l'étranger, il revint à Paris, mais il passa inaperçu: la tourmente révolutionnaire battait son plein. Il mourut pauvre, dans une petite chambre de la rue de Tournon, en 1792.
M. Loomis, envoyé spécial en France pour
ramener aux États-Unis les restes de
l'amiral Jones.
Quant à l'Amérique, elle n'avait point oublié son fameux «commodore»; aussi l'ambassadeur des États-Unis s'intéressa-t-il fort aux fouilles qui ont été récemment pratiquées sur l'emplacement du cimetière situé non loin du canal Saint-Martin, emplacement occupé aujourd'hui par les maisons 41, 43, 45 et 47.
Dans la cour du n° 43, on a creusé un puits et, ensuite, une galerie qui a permis de dégager le cercueil qui contenait la dépouille du célèbre corsaire. Ses restes seront transportés aux États-Unis où l'on rendra au héros de l'Indépendance tous les honneurs qui sont dus à une telle mémoire. Le 30 juin, l'escadre de l'amiral Sigsbee, venue pour chercher ces glorieuses cendres, a mouillé devant Cherbourg. L'amiral est arrivé lundi à Paris, accompagné de son état-major. Reçu sur le quai de la gare Saint-Lazare par le colonel Bailly-Blanchard, deuxième secrétaire de l'ambassade des États-Unis, il s'est rendu à l'hôtel Brighton.
A bord du vaisseau-amiral se trouvait M. Loomis, envoyé spécial du gouvernement des États-Unis. Lundi et mardi, des fêtes ont eu lieu à Cherbourg en l'honneur des envoyés de la grande République. La ville était illuminée. La division de l'escadre française du Nord, qui était sur rade, a pris part à ces fêtes.
La forêt de France.
S'il faut en croire Jules César, la Gaule, il y a vingt siècles, était, au moins dans sa moitié septentrionale, couverte d'une vaste forêt coupée de quelques marais. Ceci est évidemment une exagération qui ne peut se concilier avec cette assertion du même César et de Strabon que la population était très dense. Même en admettant que les vainqueurs aient exagéré le chiffre de la population vaincue pour accroître leur mérite, il fallait qu'une partie du sol eût été défrichée pour nourrir la population. Celle-ci a été évaluée à cinq millions environ pour la Gaule entière, d'après les contingents qui, au témoignage de César, furent levés en l'an 52, lors de l'investissement d'Alésia. Pour que la Gaule pût nourrir une telle population, il faut que la moitié au moins du territoire fût déboisée. La forêt pourtant était utilisée: on y faisait paître les troupeaux et nous savons, par Pline et César, que les essences principales consistaient en sapins, chênes, érables, ormes, bouleaux, hêtres, etc.
La conquête romaine fut très nuisible à la forêt: les vainqueurs, dans un but stratégique, firent défricher de vastes étendues. Et, peu après, la destruction fut accrue du fait de l'immigration de nombreux Germains qui vinrent s'établir en Gaule et furent les fondateurs des royaumes primitifs des Wisigoths, des Burgundes et des Francs. Ces immigrants défrichèrent le sol pour en prendre possession. Mais, avec le développement du pouvoir royal, l'étendue des forêts fut plutôt accrue: il fallait laisser au gibier des retraites et ne point mettre en péril les chasses.
Les moines, par contre, la réduisirent. Et la chose était désirable: c'est à l'excès de forêts et à l'insuffisance de terres labourables que sont dues les famines si fréquentes au moyen âge. Des moines donc accrurent la superficie défrichée et, à la fin du moyen âge, la forêt occupait encore à peu près le tiers du sol. Après ce moment, elle a rapidement décliné, d'après M. Huffel, à l'Économie forestière duquel nous empruntons ces détails. A la fin du dix-huitième siècle, grâce au progrès de l'agriculture, on put constater, par la carte de Cassini, qu'il ne restait que 7.026.000 hectares de bois: un septième de la superficie du sol, la moitié du chiffre obtenu cinq cents ans auparavant. A la veille de la Révolution, donc, le taux de boisement était de 15 ou 16%. Actuellement, il est de 18%. La forêt n'a donc pas diminué au cours des cent dernières années, elle aurait plutôt augmenté. Lavoisier donnait, en 1789, une superficie de 9 millions d'hectares à la forêt: en 1892, il faut lui en donner 9.608.635. La répartition de la forêt dans les différents départements est très inégale, allant de 3,5% dans la Manche, à 56% dans les Landes.
Les progrès de la peste aux Indes.
Depuis le commencement de l'année, la mortalité par la peste a fait, aux Indes, de tels progrès que le gouvernement anglais a décidé d'en supprimer les statistiques hebdomadaires.
Au surplus, pour donner une idée de cette aggravation, voici quelques chiffres caractéristiques:
Années. Nombre de victimes.
1901............... 275.000
1902............... 580.000
1903............... 850.000
1904............ 1.025.000
Le nombre de l'année 1905 sera encore plus effrayant, car, pour les quatre premiers mois, il atteint déjà 690.000. A ce taux, pour l'année entière, il sera supérieur à deux millions .
Il est admis, paraît-il, que la population indigène est trop nombreuse et que ce sont là de petites saignées insignifiantes, ne représentant aucune valeur économique.
Soit: mais il ne faudrait pas fermer les yeux aux inévitables conséquences de la solidarité.
Bien que les Indes soient très éloignées de nous, le foyer pestilentiel des Indes finira par devenir tellement actif, qu'à un moment donné, il ne nous sera plus possible d'en éviter les atteintes.
L'Angleterre a le devoir de travailler avec énergie à éteindre ce foyer; car, toute considération d'humanité mise de côté, elle prend la responsabilité des désastres qui se préparent peut-être.
Que veut-on faire, d'ailleurs, avec les 700 médecins du service médical indien, pour une population de 260 millions d'habitants?
A propos d'une photographie.
C'est à la bonne grâce et à la bonne volonté de ses lecteurs et de ses abonnés, qui lui communiquent tous les sujets intéressants qui parviennent à leur connaissance, c'est au zèle de ses correspondants attitrés que L'Illustration doit, en grande partie, la multitude et la variété de ses documents illustrés et de ses informations de toutes sortes.
Mais L'Illustration , qui remercie chaque fois en particulier ses correspondants, occasionnels ou permanents, tient à leur rendre aussi publiquement justice. C'est ainsi que la jolie photographie de la statue de Méhémet-Ali illuminée, à Alexandrie, que nous avons publiée dans notre numéro du 3 juin dernier, était de MM. Reiser et Binder, photographes. M. Damadian, dont nous avons cité le nom, avait été simplement l'obligeant intermédiaire qui nous l'avait fait parvenir.
Le chemin de fer de la Jungfrau.
On sait que, depuis 1896, une ligne de chemin de fer, la plus audacieuse qui ait jamais été projetée, est en construction dans l'Oberland bernois. Partant du col de la Petite-Schneidegg (2.069 m.), station de faîte du chemin de fer de montagne de Lauterbrunnen à Grindelwald, elle gravit souterrainement les flancs de la Jungfrau. Une courte galerie latérale doit conduire de chaque station à une plate-forme extérieure permettant de jouir de la vue des Alpes. Or, le 17 juin dernier, a été ouverte, à 3.161 mètres d'altitude, la première fenêtre par laquelle on aperçoit la Mer de glace. Le panorama des glaciers, vu en pleine lumière dans l'encadrement de ces roches sombres, est d'une incomparable magnificence.
On aménage en ce moment la station proche; elle sera prête le 29 juillet. Il restera alors deux stations à établir: celle de «Jungfraujock», à 3.396 mètres, et celle des «Roches Jungfrau», à 4.093 mètres. De ce dernier point un ascenseur de 73 mètres conduira les voyageurs au sommet même de la Jungfrau.
La Mer de glace, vue d'une des "fenêtres" ouvertes au
flanc de la Jungfrau, pour le chemin de fer souterrain en
construction.
--
Phot. S. Herzog.
Perte d'un vaisseau-école danois.
Un vaisseau-école danois, le George-Stage , a sombré, la nuit du 25 au 26 juin, par suite d'une collision. Venant de Stockholm, il se rendait à Copenhague, lorsque, à une dizaine de kilomètres de ce port, dans le détroit du Sund, un vapeur anglais, l'Aucona , l'abordant brusquement de flanc, le fit chavirer: deux minutes après, il coulait et la mer ne laissait plus émerger que le haut de sa mâture. Au moment où la catastrophe se produisit, le capitaine, commandant Malte-Brun, neveu de l'amiral du même nom, occupait le banc de quart; les élèves, au nombre de quatre-vingts, étaient moitié dans les hamacs, moitié sur le pont; vingt-deux d'entre eux périrent, malgré la promptitude que l'Aucona mit à porter secours aux naufragés.
Le vaisseau-école danois
George-Stage
naufragé toutes
voiles dehors dans le détroit du Sund.
--
Phot. comm. par M. du
Chanton.
]
Le George-Stage était un trois-mâts à voiles à bord duquel des jeunes gens de quatorze à dix-sept ans, se destinant à la marine militaire ou marchande, naviguaient durant une année et recevaient gratuitement leur première instruction spéciale. Un riche armateur l'avait affecté à ce service en 1882, à la suite d'un sinistre maritime où il perdit son fils.
L'exploration de la haute atmosphère par les ballons jumeaux.
Jusqu'à présent, pour l'exploration des hautes régions de l'atmosphère, on avait employé soit les ballons libres, soit les cerfs-volants.
Se proposant de faire ces recherches en mer, le prince de Monaco a dû adopter, pour surmonter des difficultés spéciales, des systèmes de ballons jumeaux, imaginés par M. Hergesell.
Ces systèmes sont de deux sortes:
Dans un de ces systèmes, on lance deux ballons, réunis au moyen d'une ligne en cordage de 10 mètres de long. L'un des ballons est gonflé plus que l'autre et disposé pour éclater quand l'altitude désirée est atteinte. Une fois l'explosion produite, le système commence à descendre, le ballon déchiré formant parachute.
L'autre système consiste à se débarrasser du second ballon en le faisant détacher du premier à l'aide d'un électro-aimant actionné par une petite pile, agissant elle-même sous la poussée de l'aiguille du baromètre, quand celui-ci indique l'altitude à laquelle on veut recueillir les observations.
Le ballon porteur des appareils n'ayant plus, comme dans le cas précédent, la force ascensionnelle suffisante, effectue alors doucement sa descente.
En suivant du navire les phases de l'opération, on peut régler sa vitesse de façon à recueillir les ballons peu après leur chute.
A bord de la Princesse-Alice , six ballons jumeaux ont été ainsi lancés entre Monaco et la Corse.
L'automobile du D'Henri de Rothschild.
Le baron Henri de Rothschild,
gagnant du concours de
tourisme d'Aix-les-Bains.
Phot. Fortin.
Après s'être classé premier au concours de tourisme d'Aix-les-Bains avec une automobile de 60 chevaux, le baron Henri de Rothschild avait confié cette voiture à l'un de ses mécaniciens, M. Louis Tournier, qui devait la lui conduire à Clermont-Ferrand, en compagnie d'un cuisinier de la famille de Rothschild, M. Joseph Siegfried.
En route les deux voyageurs prirent deux jeunes femmes. A 10 kilomètres de Clermont-Ferrand et à 4 kilomètres de Laschamps, le conducteur engagea sa voiture dans une descente à une allure telle qu'elle dérapa et alla se fracasser contre un parapet.
Une des voyageuses, Marie Machenolle, qui s'était dressée au moment décisif, fut lancée à une assez grande distance dans une prairie où sa chute ne lui valut que des contusions. Son amie Gabrielle se fractura le crâne sur le parapet et mourut immédiatement. Joseph Siegfried se brisa le côté gauche de la mâchoire inférieure.
Enfin le conducteur, Louis Tournier, dont l'imprudence semble bien avoir causé ce terrible accident, fut jeté sur des tonneaux contenant le goudron qui devait assurer le westrumitage de la route du circuit, et détail vraiment dramatique, sa tête en défonça un et s'y défonça elle-même.
Une des victimes: Mlle Gabrielle X..., tuée sur le coup. | La voiture dont le conducteur, M. Louis Tournier, a succombé. |
UN ACCIDENT D'AUTOMOBILE PRÈS DE CLERMONT-FERRAND. -- Photographies Bliès.
Elisée Reclus, l'illustre géographe français, s'est éteint, mardi dernier, à Thourout, en Belgique, à l'âge de soixante-quinze ans.
D'une famille nombreuse, dont la plupart des membres se sont distingués à des titres divers, fils d'un pasteur protestant, il était né à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde). Dès sa jeunesse, entraîné par une irrésistible vocation, il avait beaucoup voyagé, parcourant l'Allemagne, la Hongrie, l'Angleterre, apprenant les langues des pays traversés, observant de près leur topographie, les moeurs de leurs habitants, et c'est ainsi qu'il recueillit tant de solides matériaux pour l'édification de ce monument considérable, la Nouvelle. Géographie universelle , qui devait lui valoir à bon droit la célébrité.
Chez ce travailleur infatigable, le temps n'avait affaibli ni la lucidité, ni l'activité intellectuelles; aux dix-neuf tomes de sa Géographie , il s'était proposé d'ajouter un ouvrage complémentaire, dont le titre: l'Homme et la Terre , indique à lui seul toute l'ampleur. Il aura eu la suprême satisfaction de l'achever avant que la mort vînt glacer sa main, et l'on peut dire de cette magistrale étude qu'elle est le digne couronnement de l'édifice.
Imbu d'idées très indépendantes et très avancées en philosophie et en politique, Elisée Reclus avait participé en 1871 à l'insurrection de la Commune; ayant été condamné à la déportation simple, puis au bannissement, il refusa de bénéficier de l'amnistie. On se demande comment l'incessant labeur du savant et de l'écrivain s'accommoda de l'instabilité d'une vie souvent heurtée, passée en majeure partie à l'étranger. En dernier lieu, il avait fixé sa résidence en Belgique et occupait une chaire de géographie comparée à l'Université libre de Bruxelles.
Quoi qu'on puisse penser des doctrines ultra-libertaires qu'il professait et pratiquait avec l'intransigeance d'une profonde conviction, il reste avant tout l'auteur d'une oeuvre impérissable, qui lui survivra, au grand honneur de sa mémoire et de la science française.
M. Aristide Briand, rapporteur
de la loi sur la séparation
des Églises et de l'État.
Phot. Manuel.
Avocat et journaliste, M. Aristide Briand s'était déjà signalé dans les rangs du socialisme militant lorsqu'en 1902 les électeurs de la Loire l'envoyèrent à la Chambre où il ne devait pas tarder à marquer parmi les meilleurs orateurs du groupe parlementaire représentant son parti. Le député de la Loire vient de conquérir la grande notoriété en attachant son nom à l'importante loi sur la séparation des Églises et de l'État, adoptée lundi dernier. En effet, en qualité de rapporteur, il a, pour une large part, soutenu sans fléchir le poids d'une longue et laborieuse discussion, au cours de laquelle il a montré autant d'habileté que d'éloquence. Ayant su, tout en soutenant avec fermeté ses principales conclusions, favorables au projet, faire d'opportunes concessions à l'esprit de tolérance et de libéralisme, il a, au terme de sa tâche, la rare fortune de rallier à la fois les suffrages de ses amis politiques et de ses adversaires.
M. Briand, originaire de Nantes, n'a que quarante-trois ans.
Le dirigeable
Lebaudy
atterrissant à Meaux, première
étape de son voyage de Moisson au camp de Châlons.
Afin d'étudier les ressources pratiques, et aussi les difficultés de la direction des ballons, MM. Lebaudy ont décidé de faire faire à leur aérostat dirigeable, construit par M. Julliot et piloté par M. Juchmès--nous en avons fait la description à plusieurs reprises--un long voyage par étapes à travers la France. Cette expérience de grande envergure présente un intérêt d'autant plus vif qu'elle est effectuée avec le concours actif du parc aérostatique militaire de Chalais.
Parti lundi matin de son aérodrome de Moisson, le dirigeable Lebaudy accomplissait en 2 h. 35 les 100 kilomètres de sa première étape et atterrissait heureusement à l'endroit désigné, près de Meaux. Il repartait mardi matin pour le camp de Châlons-sur-Marne; mais, obligé de lutter contre un vent anormal, il a atterri à mi-chemin et s'est garé provisoirement à la Ferté-sous-Jouarre d'où, après s'être réapprovisionné en hydrogène, il a continué jeudi sa route aérienne.
Nous attribuions, il y a quelques semaines (n° du 22 avril), à la ville de Milan, le mérite d'avoir, la première, en Europe, employé les tramways électriques à l'arrosage de ses rues. L'affirmation nous a valu diverses protestations: Bordeaux, depuis deux ans; Bâle, depuis plus de deux ans; une petite ville de Westphalie, Remscheid, voisine d'Elberfeld, celle-là depuis dix ans, utilisent, paraît-il, ce système. Dont acte.
Milan sera-t-elle plus heureuse avec les tramways funéraires qu'elle vient de créer?
Il y a beau temps, déjà, que l'hygiène recommande de ne plus tolérer l'établissement de nouveaux cimetières dans l'enceinte des villes. A Milan, on s'empressa, dès qu'on le put, de tenir compte de cette indication de la science et un nouveau cimetière fut créé en pleine campagne, à 13 kilomètres de la ville, à Musocco.
On ne fit à cette innovation qu'une objection: la difficulté d'accès que présentait une nécropole aussi éloignée. Mais l'édilité milanaise vient de répondre à cette critique en décidant la création d'une ligne de tramways funéraires desservant le cimetière nouveau.
La ligne part de la cour du vieux cimetière Monumental. A l'avant est placé un fourgon mortuaire où l'on dépose le cercueil; ce fourgon, d'ornementation sobre, contient à son arrière un compartiment pour le personnel de service; un wagon spécial est réservé aux parents et amis. Un train emporte le reste du cortège et ramène tout le monde, la cérémonie terminée. Tous les frais du transport sont compris dans la taxe municipale des pompes funèbres.
Quelques minutes suffisent à amener tout le convoi à la nécropole de Musocco, vaste champ de repos aménagé selon les prescriptions les plus rigoureuses de l'hygiène moderne.
Le Racing-Club de France, qui a organisé si souvent des épreuves sévères de courses à pied, de grand fond et de vitesse, en plat ou avec obstacles, offrait, la semaine dernière, sur sa pelouse, une garden-party qui fut brillante par la profusion des toilettes claires, des élégances discrètes--ou s'efforçant de l'être--des invitées, et fort pittoresque par les numéros qui constituaient le programme: entre autres une course de petites filles, et, pour jeunes gens, une course où les obstacles étaient figurés par des panneaux de papier que les concurrents devaient intrépidement traverser. Cette épreuve de sport amusant fut d'ailleurs gagnée, de haute lutte, par un athlète sérieusement entraîné à des courses moins fantaisistes: M. Moreau.
Course d'obstacles fantaisiste à la
garden-party du Racing-Club de France. |
La Cour d'amour félibréenne à Sceaux: entre
le maire de Sceaux et M. Pelletan, Mlle Marguerite Bouet, en costume arlésien, préside. |
Les Méridionaux de Paris ou, tout aussi exactement, les Parisiens du Midi--ceux d'entre eux du moins qui revendiquent le titre de cigaliers et de félibres--ont célébré, le dimanche 2 juillet, leur fête annuelle.
Reçus, à Sceaux, par la municipalité et la fanfare des pompiers, ils se formèrent en cortège et allèrent couronner de fleurs les bustes de Florian, d'Aubanel et de Paul Arène dont s'honore cette petite ville, amie des lettres et des arts. Puis, sous les ombrages de l'ancien parc de la duchesse du Maine, ils célébrèrent les jeux Floraux. M. Camille Pelletan, oublieux des soucis de la politique, en avait accepté la présidence; il exalta les beautés de la Provence et du Languedoc, leurs langues, leurs coutumes, leurs sites «où chante éternellement la cigale d'or». Et la Cour d'amour traditionnelle fut formée en cercle; la reine actuelle du félibrige, Mme Marguerite Bouet, fille de notre confrère Léon Bouet, directeur de l'Agence universelle de reportage photographique, qui avait, pour la circonstance, revêtu le costume arlésien--«seul costume royal devant lequel tous les républicains s'inclinent», venait de déclarer M. Pelletan--présidait gracieusement, assistée de Mme Camille Pelletan et de la reine de l'an dernier, Mlle Yvonne Bonnaud. On dit des vers, on chanta. On dîna ensuite. Et enfin, à la lueur de lanternes vénitiennes, une immense farandole, déroulée à travers les allées du parc, termina la fête.
(Tous tes articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)
Le tendeur de fils que nous décrivons à nos lecteurs possède de remarquables qualités de légèreté et de commodité; rien n'est d'ailleurs plus simple que son emploi et sa construction.
Ce raidisseur est formé d'un seul morceau de fil d'acier, plié de façon à présenter une boucle entre deux branches droites, perpendiculaires entre elles, l'extrémité de la grande branche formant une sorte de crochet.
Ce raidisseur existe en deux modèles différents:
Dans le modèle fermé , les deux branches se touchent, tandis que, dans le modèle ouvert , elles laissent entre elles un certain espace.
Pour utiliser ce raidisseur, on fait passer le fil à tendre dans la boucle. Pour cela, si le fil à tendre a un bout libre, on passe ce bout libre directement dans la boucle d'un raidisseur, fermé ou ouvert, et on l'attache ensuite au point qui doit le recevoir. Si, au contraire, le fil à tendre est déjà attaché à ses deux extrémités, on introduit ce fil dans la boucle d'un raidisseur ouvert en le faisant passer entre ses deux branches (fig. 1).
Saisissant ensuite la grande branche, en fait tourner le raidisseur, en ayant soin, si cela est nécessaire, de pousser un peu avec le doigt le fil à tendre, de manière que ses deux brins viennent s'enrouler sur la petite branche (fig. 2).
Lorsque la tension voulue est obtenue, on arrête le raidisseur en plaçant le crochet qui se trouve à l'extrémité de la grande branche à cheval sur l'un des brins du fil (fig. 3).
Ce raidisseur peut aussi être employé à l'établissement de ligatures, soit pour attacher un fil à une partie fixe, anneau, poteau, etc., soit simplement pour former une boucle au bout d'un fil. Pour cela, on passe le bout du fil dans la boucle d'un raidisseur et l'on fait tourner ce raidisseur autour du fil: le bout s'enroule régulièrement, formant une ligature régulière, courte et très solide (fig. 4).
Ce nouveau raidisseur est très bon marché; étant fabriqué d'une seule pièce et en fil d'acier extra résistant, il est très robuste et ne présente aucun risque de casse ou de détérioration quelconque.
Léger et peu volumineux, il est d'un transport facile.
Sa mise en place est des plus simples et n'exige l'emploi d'aucune clef.
Il n'y a aucune ligature à faire pour attacher le raidisseur, ni aucune broche à poser pour le maintenir en place.
Le fil à tendre s'enroule sur une partie cylindrique de diamètre assez faible; la tension s'opère régulièrement et d'une façon continue. On peut, sans grand effort, la pousser à la limite et arriver à rompre le fil. On peut l'arrêter juste au point voulu, puisque, à chaque demi-tour, on peut arrêter le raidisseur.
Lorsqu'un fil est tendu depuis un certain temps et que la dilatation ou la charge des fruits ont amené son allongement, on le retend avec la plus grande facilité, en faisant faire au raidisseur un demi-tour, ou un ou plusieurs tours.
Le raidisseur fermé ne peut pas être enlevé sans couper le fil qu'il tend.
Le raidisseur ouvert peut se poser sur un fil déjà en place, sans qu'il soit besoin ni de le couper ni de le détacher.
Il se pose sur la ronce artificielle aussi facilement que sur un fil simple et exactement de la même façon.
Lorsqu'on veut enlever un raidisseur posé, il est facile de le débarrasser du fil enroulé dessus, en faisant glisser ce fil sur la petite branche, après l'avoir coupé dans la partie qui passe dans la boucle.
La rouille n'influe pas sur le fonctionnement de cet appareil.
Le prix des raidisseurs variant de 7 à 80 francs le cent, suivant dimensions, prière, pour tous renseignements, de s'adresser à M. Aufort, ingénieur à Vierzon (Cher).
(La ronce artificielle se tend avec des raidisseurs n° 3 ou n° 4, valant 15 et 25 francs le cent.)
L'"IDÉAL"
L'«Idéal», tel est le nom donné par son inventeur à la nouvelle brosse à barbe que nous décrivons à nos lecteurs. L'«Idéal» est un blaireau fort commode, en ce sens qu'il empêche radicalement le savon de se répandre le long de la monture, inconvénient qui oblige la personne se servant des blaireaux ordinaires à s'essuyer constamment les mains, mouillées de savon. D'autre part, ce dispositif permet de poser le blaireau tout debout, au lieu de le placer dans un bol, d'où il peut s'échapper et se détériorer à terre, et dans lequel tout au moins il abîme son bouquet.
Ces résultats avantageux sont très simplement obtenus. Le manche ordinaire du blaireau est entouré d'une enveloppe tubulaire plus grande, formant un godet dont le blaireau occupe le centre. Ce godet reçoit, sans pouvoir le transmettre à l'enveloppe extérieure, le savon qui s'écoule le long des parois. Cette enveloppe se visse et se dévisse à volonté sur le manche pour permettre un nettoyage à grande eau, qui est des plus aisés.
Les deux types du blaireau l'«Idéal».
La figure ci-dessus permet de se rendre compte de la disposition de cet ustensile.
Pour se procurer «l'Idéal», dont le prix de vente est de 13 francs la douzaine, s'adresser à M. Mignonac-Dret, 9, rue des Trois-Bornes, Paris.
(Voir aux pages suivantes les photographies prises par les collaborateurs de L'ILLUSTRATION pendant la course.)
SUR LE CIRCUIT D'AUVERGNE: LA POURSUITE DANS UN VIRAGE
Vue générale des tribunes de Laschamps, quelques minutes
avant le départ.
Théry, le vainqueur, au départ.
Nazzari (2e) au départ. | Cagno (3e) en vitesse. |
Vendeuses de chocolat de Royat
aux tribunes de Laschamps. |
Caillois (4e) sur la route. |
LE CLASSEMENT DE LA COURSE GORDON-BENNETT REPORTÉ SUR LA
CARTE DU CIRCUIT. La position attribuée aux concurrents sur la carte
représente la distance à laquelle chacun d'eux se trouvait en arrière de
Théry, au moment où celui-ci achevait son 4e tour. Toutes les voitures
sont supposées ici être parties ensemble, et notre schéma montre de
quelle façon elles se sont égrenées sur le parcours, selon leur vitesse
moyenne, variant de 78 kilomètres à l'heure, pour Théry, à 57
kilomètres, pour Lytle. Dans la réalité, les coureurs étant partis à des
intervalles de 5 minutes, ceux qui n'ont pas regagné de rangs en étaient
encore au 3e tour quand le vainqueur finissait le 4e.
Les noms des coureurs sont écrits en capitales penchées et soulignés.
Le vainqueur Théry débouche du pont du chemin de fer
entre les 4-Routes et la Baraque.
Caillois (n° 7) dépassa Lytle (n° 6) en panne au tournant
du Gendarme.
Sur le parcours: l'heure du déjeuner.
Passage de Théry, vainqueur, devant les tribunes.
Lancia, qui fut longtemps le vainqueur probable. | Nazzari, qui a sauvé l'honneur italien en se classant 2e. |
Théry après sa victoire. | Le fils de M. Brasier, constructeur de la voiture gagnante, au volant de Théry. |
Le 1er prix du Corso fleuri: M. Battu, trésorier de l'Automobile-Club d'Auvergne. | Le 2e prix: M. Bergougnan. |
La grande épreuve automobile internationale de la Coupe Gordon-Bennett, qui s'est disputée pour la dernière fois peut-être en 1905, a été remportée une fois de plus par la France. C'est le populaire coureur Théry, déjà vainqueur, en 1904 au Taunus, qui a triomphé de nouveau sur le circuit d'Auvergne. Les conditions de la course exigent, on le sait, que les voitures mises en ligne par chaque pays pour disputer la Coupe soient, dans tous leurs détails de fabrication exclusivement nationale. Avec la construction Richard-Brasier, à laquelle appartiennent les voitures arrivées la première et la quatrième; avec les pneumatiques Michelin, dont leurs roues étaient munies et qu'il est de notre devoir de citer en une circonstance aussi mémorable, c'est l'industrie française qui a triomphé sur toute la ligne.
Le défilé de la maison Richard-Brasier: au centre, M.
Brasier; à sa droite, Théry; à sa gauche, Caillois, sur leurs voitures
de course.
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Photographies Bliès
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L'AVANT-VEILLE DE LA COURSE: UN CORSO
FLEURI A CLERMONT-FERRAND
La liste d'arrivée des concurrents, qui mentionne parmi les quatre premiers deux Français et deux Italiens, appelle une autre remarque: c'est que, dans cette lutte industrielle moderne, où l'ingéniosité doit s'ajouter à la science et l'audace au sang-froid, les deux pays latins se montrent supérieurs à la coalition germano-anglo-saxonne.
Voitures et conducteurs allemands, anglais, américains, autrichiens, n'ont pas «existé» un instant contre les Français et les Italiens qui, prenant le commandement au départ, l'ont conservé jusqu'à la fin, se disputant entre eux seulement les premières places.
LE CIRCUIT D'AUVERGNE--La veille de la course: la
bourrasque au pesage de Laschamps.
La veille de la Coupe Gordon-Bennett, pendant les opérations du pesage, un coup de vent subit et d'une violence irrésistible s'abattit sur le plateau de Laschamps, s'engouffrant dans les toiles, démembrant les charpentes, renversant, comme des châteaux de cartes, tous ces frêles édifices de tentes, de garages improvisés, de tribunes. Ce fut un moment de désarroi indescriptible. On se hâta d'éloigner les voitures de course; aucune n'avait la plus légère avarie et tout se réduisit, pour les spectateurs, à plus de peur que de mal.