Title : Insurrections et guerre des barricades dans les grandes villes
Author : comte Christophe-Michel Roguet
Release date : August 12, 2011 [eBook #37053]
Language : French
Credits : Produced by Mireille Harmelin, Eric Vautier and the Online Distributed Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica)
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Quand un prince d'une ville est chassé de sa ville, le procès est fini; s'il a plusieurs villes, le procès n'est que commencé.
( Esprit des lois , liv. VIII, chap. 16.)
À la guerre, les circonstances morales exercent la plus grande influence sur les événements: elles sont tout dans une guerre civile.
1850
CHAPITRE Ier.—HISTORIQUE.
§ 1er.— Temps anciens et moyen-âge.
Temps anciens et derniers Carlovingiens.
Républiques italiennes du moyen-âge.
Guerre civile de 33 ans dans Florence, 1215.
Émeute de Venise, 1310.
Bourgeoisie des communes.
Révolte de Bruges, 1302.
Émeute de Paris, 1306.
Révolte des Pastoureaux, 1320.
§ 2.— Valois.
Révolte du prévôt des marchands Marcel, 1358.
Émeute de Londres, 1381.
Id. de Paris, 1382.
Les rois de Paris et de Bourges, 1420.
Révolte de Gênes, 1461.
Id. de Bruges, 1488.
Id. de Naples, 1547.
Id. de Bordeaux, 1548.
Émeute de Toulouse, 1562.
Journée des barricades à Paris, 1588.
§ 3.— Bourbons.
Guerre de la ligue, 1589.
Fronde, 13 septembre 1647 et 5 janvier 1648.
Fronde, 1649.
Dispositions de sûreté contre la population d'Utreck, 1672.
Lutte dans Crémone, 1702.
§ 4.— Révolution, Empire, Restauration .
Émeute de Varsovie, 1794.
Journée de vendémiaire, 1795.
Émeute de Madrid du 2 mai, 1808.
Journée de juillet, 1830.
§ 5.— Depuis 1830.
Révolution de Bruxelles, 1830.
Émeute de Lyon, 1831.
Émeutes des 5 et 6 juin 1832 et suivante, jusqu'à 1839.
Émeute de Clermont-Ferrand, 1841.
Révolution de février, 1848.
Émeute du 23 juin, 1848.
Émeute du 13 juin, 1849.
Problème désormais important, non pour la France, mais pour l'Europe.
§ Ier.— Réprimer la révolte dans toute la ville.
§ 2.— Occuper un grand quartier militaire.
Avantages de ce parti.
Choix du quartier militaire et des positions extérieures.
§ 3.— Occuper une position contiguë.
Cas où il faut prendre ce parti.
Opinion de quelques hommes d'état.
Opinion de quelques militaires.
Opinion probable de Napoléon.
§ 4.— Position extérieure de ralliement.
Cas où il faut la prendre.
Dispositions permanentes nécessaires pour ce cas.
Campagnes de Henri IV contre la ligue, de 1590 à 1596.
Campagne de Turenne, en 1652.
Ce qu'on aurait peut-être pu faire, le 24 février 1848.
§ 5.— Éloignement de la capitale.
Il y a deux partis également dangereux.
Projet de retraite formé par la Cour, le 5 juillet 1652, à Saint Denis.
Projet de défense de Louis XVIII, dans le département du Nord, en 1815.
§ 1er.— Principes généraux.
Emploi de la force année dans les troubles civils.
Conservation de l'élément du combat.
Commandement en chef.
Légions de gardes nationales, mairies, commandements militaires et casernements ont les mêmes circonscriptions.
Pronostics et commencements de l'émeute.
§ 2.— Principes particuliers.
Conséquence de l'élévation des barricades relativement à la répression.
Ce qu'il faut de force dans chaque circonstance.
Force et composition des colonnes actives.
Comment la troupe doit être employée.
Principes généraux sur les détachements, établissement sur les positions de combat.
Données diverses.
§ 3.— Moyens matériels nécessaires.
Opinion du chevalier de Ville.
Émeute de Toulouse, du 11 au 17 mai 1562.
Journée du faubourg Saint-Antoine, le 2 juillet 1652.—Opinion de
Turenne.
Services administratifs, approvisionnements de vivres et de combat.
Matériel nécessaire.
Sage maxime du chancelier de l'Hôpital.
§ 1er.— Dispositions permanentes.
Garde nationale.
Troupe de ligne, ses positions de casernement et de combat.
Militaires sans troupe ou de passage.
Système de mairies et casernes-magasins juxta-posées.
§ 2.— Divisions et subdivisions militaires.
Quartier général central.
Quartiers généraux divisionnaires et quartier militaire.
Subdivisions intrà muros et positions accessoires.
Subdivisions extrà muros .
Il faut également centraliser la direction générale et multiplier l'action.
Répartition générale des forces.
Donnée diverses.
§ 3.— Observations.
Ce que doit être la direction générale.
Entraves habituelles de la direction militaire.
Se mettre en rapport avec tous.
Il faut pouvoir toujours modifier le plan adopté.
Epreuve pour les pouvoirs.
§ 4.— Applications.
1° Ville de 10,000 âmes.
2° de 50,000 âmes.
3° de 80,000 âmes.
4° d'un million d'âmes.
§ 1er.— Etablissement sur les positions de combat.
Marche et établissement de la troupe, ralliement de la garde nationale.
Etablissement de chaque bataillon.
Réseaux de bataillons.
Positions avancées ou extérieures.
Approvisionnements de chaque détachement.
§ 2.— Opérations ultérieures.
Marcher de 2 à 3 centres d'action au foyer de l'insurrection.
Émeute dans une grande rue, dans un quartier rétréci, au delà de défilés.
Avancer dans une rue occupée.
Positions successives à prendre.
§ 3.— Marche plus régulière.
Forcer une enceinte de positions et s'établir au delà.
Déboucher sur une place.
Attaque des barricades.
Cheminer, dans les longues rues, de maisons en maisons.
Réduit de l'insurrection.
§ 1er.— Divers cas d'émeute.
Suivant l'état moral et politique.
— l'esprit des populations au dedans et au dehors.
—la force publique.
—la nature de la ville.
—la résidence du chef de l'État au moment de l'émeute.
§ 2.— Émeute à l'occasion des grains ou des impôts.
Etablissement de la troupe dans les cantonnements.
Service de la troupe pour la police des marchés.
Règles de conduite légale.
Principes militaires.
Recouvrement des impôts.
§ 3.— Révoltes des populations ennemies contre leurs garnisons.
La bonne politique et la vigilance administrative préviennent souvent les révoltes.
Maréchal Suchet en Aragon.
Napoléon en Italie.
Autres menées de l'anarchie.
Etablissement judicieux des troupes.
Direction générale des attaques en cas de révolte.
Importance de l'artillerie.
Parallèles successives.
Détail des cheminements.
Attaque des maisons.
Supériorité incontestable des armées.
§ 1er.— Dispositions permanentes.
Concentration des principaux moyens d'action dans un quartier militaire.
Plan de défense.
Armées européennes.
Communications, obstacles.
Pénalité spéciale.
Police spéciale.
Limites imposées aux industries de même nature, dans chaque localité.
Agents de sûreté.
§ 2.— Dispositions pendant l'émeute.
Signe d'ordre, arrestations.
Surveillance pour la circulation, les cabarets, armuriers, pharmaciens et maisons.
Devoirs et responsabilité des chefs d'établissements industriels.
Rapports fréquents avec les populations.
Commissaires généraux éventuels; état de siége.
§ 3.— Causes générales d'anarchie.
Grands talents déréglés.
Excès de la centralisation.
Il vaut mieux la guerre entre nations qu'entre classes.
Une nation anarchique est le jouet de ses rivales.
La concorde et le respect du pouvoir peuvent seuls sauver.
Conclusion.
Le sujet de ce livre est la répression des émeutes dans les grandes capitales de l'Europe.
Une table analytique fait connaître la nature, l'ordre et la division des matières traitées.
Il n'y a point d'officier, en Europe, qui n'ait eu l'occasion d'étudier et même de pratiquer plusieurs fois, sur une échelle plus ou moins restreinte, ce triste genre de guerre: ce que tous ont fait ou vu, chacun a pu le méditer et en composer une théorie.
On ne dira, dans ce livre, rien de particulier à la France, quant aux mesures à prendre; non que cela eût offert quelqu'inconvénient: mais c'eût été inutile et en dehors du sujet exclusivement européen que nous nous proposions de traiter: tout projet, à l'égard de Paris, serait au-dessous des mesures actuellement prises dans cette capitale; toute préoccupation paraîtrait plus qu'exagérée, vu la surabondance et la solidité des moyens de répression; d'ailleurs, nous trouvons, à l'abri d'un pouvoir sage, la solution des difficultés actuelles: et la France, désormais fatiguée de révolutions, n'aspire qu'au repos.
La question se présente bien autrement générale et importante: une de ces périodes de bonheur, rarement accordées à l'humanité, va peut-être finir; et le monde paraît vouloir rentrer dans cet état normal d'excès qui assombrit l'histoire de siècles entiers.
Sur quelques points, il se livre une lutte désespérée à l'anarchie.
Des nationalités et des gouvernements européens sont plus ou moins en péril: peu de pays pourront rester tranquilles, tant qu'on n'y aura pas vu les drames les plus sanglants: trop de ruines ou d'anxiétés n'éclaireront peut-être pas: c'est exclusivement, en vue de ces déplorables parodies, que le lugubre problème de ce livre doit offrir quelque intérêt.
Si, par exception, on parlera quelquefois de la France, ce sera pour citer son passé, pour rappeler les redoutables écueils qu'elle a plus ou moins heureusement évités; ou pour mieux constater, à l'aide d'un pays plus connu de nous, mais désormais moins intéressé dans la question, la facile application des mesures proposées.
Aucun des principes de ce livre n'est absolu ou indispensable, aucun ne peut convenir à tous les cas et dans sa généralité: mais il pourra être avantageux de les appliquer le mieux possible, dans un grand nombre de circonstances, avec les modifications que celles-ci rendent toujours nécessaires; modifications qu'il serait également difficile de prévoir et d'énumérer.
Il est peu de préceptes théoriques qui, dans un cas donné, ne deviennent plus ou moins utiles; qu'on ne s'étonne pas de leur nombre, de leur généralité absolue, de la puissance des moyens représentés: il fallait tenir compte de la diversité infinie des situations possibles; il fallait surtout avoir constamment en vue l'émeute la plus sérieuse, l'attaque la plus formidable contre la société, celle qui aurait d'autres chances de succès qu'une surprise ou un malentendu.
Heureuse la répression toutes les fois qu'elle pourra modérer la rigueur de ses moyens vis-à-vis d'une révolte moins redoutable.
La théorie n'indique que les axes des directions les plus générales, et à côté desquelles, presque toujours, le praticien doit savoir marcher ainsi que le veulent les circonstances: à mesure qu'elle descend aux détails, ses indications deviennent plus vagues, plus rares, moins complètes: elle ne donne même alors, quelquefois, que des moyennes grossières, utiles pour fixer les idées, un moment, non pour servir, en quoique ce soit, dans l'action.
Un chef utilise d'autant mieux les règles de l'art, qu'il possède à un degré plus éminent le jugement et l'énergie: ces deux qualités innées, exclusivement constitutives de l'homme d'action, échapperont toujours à toute théorie.
La science militaire peut néanmoins rappeler, avec utilité, d'habiles dispositions tant de fois recommandées, à des époques ou dans des pays divers, et par le succès, et par les hommes éminents qui les ont prises.
Ces dispositions convenablement imitées rendraient, dans le plus grand nombre de cas, toute tentative de lutte impossible à l'anarchie; elles préserveraient l'humanité de calamités publiques et privées également irréparables: à ce titre, elles doivent vivement intéresser les hommes de bien.
Telle est désormais la noble et difficile tâche de quelques armées étrangères: car, on l'a dit, longtemps encore, gouverner les sociétés ce sera monter la garde et la faction; car la vie et l'activité des empires, la richesse, le bonheur des peuples, les labeurs de l'artisan, la petite et si respectable aisance des classes pauvres, l'existence même des nationalités deviendraient impossibles, au milieu des scènes sanglantes, des terreurs ou des excès journaliers; et alors que chaque famille pourrait, à tous moments, se dire avec une douloureuse anxiété:
_Pauperis et tuguri congestum cespite culmen, Post aliquot, mea regna, videns mirabor aristas?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Barbarus has segetes! en quo discordia cives
Perduxit miseros! en queis consevimus agros!_
Août 1849.
ou le
Historiques.
1. Les luttes qui ont ensanglanté les grandes villes donnent de nombreux enseignements à recueillir; ce tableau rétrospectif sera une première exposition de règles qu'il est utile, vu leur importance, de reproduire plusieurs fois de manières diverses; au besoin, il prémunirait contre des préceptes erronés, excessifs ou incomplets.
La théorie devrait même se composer de principes assez nombreux, assez généraux, assez variés pour convenir au grand nombre de cas qui ont déjà eu lieu, et, s'il était possible, au nombre plus grand de ceux qui peuvent se présenter, surtout à une époque où l'insurrection semble être devenue une maladie européenne: maladie toujours fatale aux nationalités chez lesquelles ne met point fin à l'anarchie, un pouvoir assez absolu pour employer au dehors, dans l'intérêt de leur grandeur et de leur prospérité, l'excédant de forces vives qui les tourmente.
* * * * *
Notre époque n'est pas la première où il soit venu à l'idée du peuple des villes d'élever des barricades, de transformer les places et les principaux édifices en autant de redoutes: mais jamais cette manie n'avait été aussi peu motivée et barbare, aussi fatale aux nationalités.
§ 1er.
2. Chez les anciens, plusieurs grandes villes, entre autres Thèbes, Syracuse, Rome et plus tard Constantinople, ont été, nonobstant des armes de jet moins puissantes, le théâtre d'émeutes sérieuses.
Le moyen âge offre des enseignements divers et nombreux: nous voyons l'évacuation des capitales ne pas toujours décider immédiatement la chute des dynasties; l'exemple suivant, nonobstant la différence des temps, a encore quelqu'intérêt, quoiqu'il soit difficile d'en tirer aucune conséquence utile pour l'époque actuelle.
Débordés par la féodalité, obligés de reconnaître, après de vaines résistances, l'hérédité des fiefs et offices royaux, de permettre aux seigneurs d'hérisser la France de châteaux, les derniers Carlovingiens luttèrent, de 843 à 991, pour obtenir une ombre de l'autorité que Charlemagne leur avait transmise: partout s'étaient élevés de petits États ayant une existence distincte, des intérêts séparés et une indépendance de fait.
Obligés de donner en fiefs leurs dernières provinces pour s'attacher des hommes vaillants, ils finirent par être réduits au rocher de Laon: ce fut là, mais seulement après soixante années de luttes, qu'expira la royauté Carlovingienne.
Ne possédant que Laon et son territoire, sans autre appui que des alliances dans le midi et l'influence du pape, ils résistèrent de 936 à 987, pendant trois règnes, avec des fortunes très-diverses, aux puissants seigneurs du nord, les ducs de France et de Normandie, le comte de Vermandois, qui n'avaient pas craint de faire hommage à un souverain étranger.
À la mort de Louis V, il ne restait qu'un Carlovingien, Charles, haï des
Français comme vassal germain.
Hugues-Capet fut proclamé roi par l'assemblée de Noyon, composée de ses vassaux et de ceux des ducs de Bourgogne et de Normandie ses proches.
Mais les comtes de Vermandois, de Flandres, de Troyes, de Blois, le duc d'Aquitaine, et presque tout le midi, ne tardent pas à lui opposer Charles.
En 988, celui-ci s'empare de Laon et s'y fait couronner; son oncle, l'archevêque de Rheims, lui livre cette dernière ville.
Hugues commence par isoler Charles de ses alliés, puis il assiége Laon deux fois sans succès: Charles s'empare de Soissons; mais, en 991, l'évêque de Laon ouvre les portes de la ville à Hugues.
Charles, prisonnier, fut enfermé à Orléans où il mourut.
* * * * *
3. L'émeute a ensanglanté les Républiques italiennes du moyen âge; les Guelfes et les Gibelins, ces deux factions qui s'y disputèrent longtemps le pouvoir, avaient leurs maisons fortifiées même à l'intérieur des villes. À chaque émeute, leurs partisans prenaient position autour de ces espèces de citadelles constamment approvisionnées de vivres, d'armes et de munitions; ils attaquaient les postes environnants ou les défendaient, en élevant des barricades, tendant des chaînes préparées à l'avance.
Chaque chef de faction était établi dans un solide bâtiment commandant les communications voisines, ainsi que la barricade, chaîne ou cheval de frise qu'il faisait, au besoin, placer contre, à l'aide d'anneaux fixés aux murs.
En cas d'émeute, les uns défendaient ainsi les places et carrefours, d'autres gardaient les grandes communications, d'autres bloquaient, attaquaient les chefs et les administrations opposées.
Ces combats, souvent renouvelés et pour lesquels, quoique les armes à feu n'aient été en usage que vers le milieu du 14e siècle, on prenait déjà des dispositions qui égalent la science militaire moderne, finissaient ordinairement par l'expulsion et la ruine de l'un des deux partis; ils ont formé la plupart des hommes de guerre de l'Italie; ce beau pays, subissant depuis les conséquences fatales d'un trop funeste genre de gloire, n'a pu encore, après tant de siècles écoulés, reconstituer une nationalité profondément atteinte par ces luttes fratricides. Citons deux exemples entre tant d'autres.
* * * * *
4. En 1215, la guerre civile éclata dans Florence à l'occasion d'une alliance manquée entre deux familles puissantes; des combats fréquents s'engagèrent entre quarante-deux familles Guelfes et vingt-quatre familles Gibelines: chacun éleva des tours et fortifia ses palais; les deux partis demeurèrent ensemble, dans l'enceinte des mêmes murs, pendant trente-trois ans; ils vécurent dans et pour la guerre civile jusqu'à l'expulsion de l'un d'eux par l'étranger.
Cette guerre continue, au sein de Florence, n'eut pas seulement pour effet d'accoutumer la nation aux luttes domestiques: elle imprima aussi un caractère particulier à son architecture, dont la force fait le principal et triste ornement; ce sont d'épaisses murailles embossées, des portes élevées au dessus du sol, de larges anneaux où l'on plaçait les drapeaux et les chaînes; enfin, tout l'appareil lourd et sévère de la guerre civile en permanence, de rue à rue, de maison à maison.
Les familles nobles des deux factions se combattaient fréquemment, soit devant les tours que chaque maison puissante avait élevées, soit dans quatre à cinq places principales, où les nobles de tout un quartier avaient placé des fortifications mobiles appelées serragli ; c'étaient des barricades ou chevaux de frises pour barrer, en partie, une rue et se défendre derrière.
Les familles, près du palais desquelles les barricades étaient pratiquées, en conservaient le commandement, et elles se bâtaient de les fermer dès qu'il y avait une émeute: ainsi les Uberti, qui occupaient l'espace où est aujourd'hui le Palais vieux, commandaient la rue qui aboutit par cet endroit à la grande place; les Tedallini défendaient la porte Saint-Pierre; les Cattani la tour du Dôme.
En 1248, l'empereur Frédéric II, moyennant la promesse d'un secours de 1600 chevaux, engagea les Uberti à prendre les armes pour chasser les Guelfes; l'un et l'autre parti courut, avec fureur, à ses barricades accoutumées; les Gibelins, négligeant leurs autres retranchements, se concentrèrent tous à la maison des Uberti et obtinrent aisément la victoire sur les Guelfes d'un seul quartier; ils suivirent ainsi leurs adversaires de barricade en barricade, battant toujours des ennemis non encore réunis.
Tous les Guelfes échappés aux combats précédents se trouvèrent resserrés aux barricades des Guidollolli et des Bagnesi, en face de la porte San-Pier Scheraggio. Pour la première fois, les deux partis entiers furent en présence; pendant qu'ils combattaient, le secours promis par Frédéric arriva par une porte dont les Gibelins étaient les maîtres; les Guelfes soutinrent quelque temps l'effort des Gibelins et de la cavalerie allemande; mais, au bout de quatre jours, la nuit de la Chandeleur, ils se retirèrent tous dans leurs possessions de la campagne où ils se fortifièrent de nouveau. Jusqu'alors l'autorité publique avait cru pouvoir maintenir les deux factions d'une main impartiale. Mais, comme toujours, l'étranger était venu dire son mot décisif.
* * * * *
5. Le 15 juin 1310, dans la soirée, le doge de Venise fut instruit de l'existence d'une conspiration: on lui rapporta qu'il se formait un grand rassemblement chez Boemond Liepalo et un autre devant la maison Quirini; aussitôt il fit réunir son monde, envoya sommer les séditieux de se disperser et fortifia toutes les avenues de la place Saint-Marc.
Pendant ce temps, les conjurés s'étaient rendus maîtres de la chambre des officiers de paix au Rialto et de celle des blés.
Au point du jour, ils marchèrent vers la place; la bataille fut sanglante: mais le doge, qui avait eu plusieurs heures pour se préparer, profita de l'avantage des lieux, avantage grand pour celui qui se défend.
Les rues qui aboutissaient à la place Saint-Marc étaient étroites et tortueuses; la multitude des assaillants y devenait inutile: ils tombaient sans avoir combattu, sous les coups de ceux qui défendaient les barricades, ou qui des maisons lançaient des pierres.
Après une attaque obstinée, les rebelles, découragés par l'inutilité de leurs efforts, se retirèrent vers le pont de Rialto et se fortifièrent dans le quartier de la ville, au delà du canal.
Si le doge les y avait poursuivis, il aurait éprouvé à son tour le même désavantage qui, dans Venise, est le partage des assaillants; mais il traita avec eux, profitant du découragement où ils étaient, par suite du combat de Saint-Marc.
* * * * *
6. À la même époque, nos rois posaient les fondements de leur puissance en protégeant les bourgeois des communes contre les nobles et le clergé.
Il n'est pas de ville de France où cette émancipation n'ait donné lieu à des combats pareils à ceux dont il vient d'être question: mais livrés sur des théâtres moins importants, ils n'ont point toujours été signalés par l'histoire qui, cette fois, aurait pu constater le résultat heureux pour les peuples et pour la civilisation qu'en obtint quelquefois un pouvoir de plus en plus fort. Là se résume la politique intérieure des rois de France, de Louis-le-Gros à saint Louis.
* * * * *
7. Plus tard, lorsque saint Louis n'est plus, que les croisades ont cessé, l'esprit du moyen âge expire avec son plus beau représentant: des faits d'un caractère nouveau, d'épouvantables excès assombrissent la fin de cette période et forment le prélude sanglant du mouvement social du 14e siècle et de la première moitié du 15e, qui, à deux reprises différentes, désolera les Flandres, Paris et les campagnes, l'Angleterre et l'Allemagne.
À la nouvelle du soulèvement des artisans de Bruges et de leurs désordres dans la campagne, en 1302, Jacques de Châtillon entra dans cette cité avec 1500 cavaliers et 2500 sergents à pied français.
Mais les chefs des tisserands et des bouchers introduisirent leurs bandes dans la ville pendant la nuit du 21 mars.
Les corps de métiers prirent les armes en silence, tendirent des chaînes dans les rues pour arrêter la cavalerie: chaque bourgeois s'était chargé de dérober au cavalier logé chez lui sa selle et sa bride; les soldats furent réveillés par le cri: Vive la commune; Mort aux Français . Ils furent attaqués en détail dans les rues et dans l'intérieur des maisons. Le massacre continua pendant trois jours; les prisonniers conduits devant la communauté, y étaient mis à mort: les femmes plus féroces précipitaient les soldats des fenêtres.
1200 cavaliers et 2000 sergents périrent. Jacques de Châtillon, qui n'avait pas su préserver la garnison de telles horreurs, se déroba par une prompte fuite.
* * * * *
8. En 1306, le rétablissement du tarif des monnaies de saint Louis, par la réduction au tiers, exaspéra les Parisiens dont un grand nombre dut, par suite, payer le triple des loyers réellement convenus.
La populace se précipita vers le palais du Temple, où logeait alors Philippe IV, et n'ayant pu lui exposer ses plaintes, résolut de le forcer par la famine, en interceptant toutes les communications du palais.
La foule, informée qu'un riche propriétaire de maisons, nommé Barbet, avait suggéré par intérêt cette ordonnance, quitta le Temple pour se porter à sa maison, près Saint-Martin-des-Champs, et la piller.
Philippe IV profita de ce moment pour réunir et faire agir ses archers: les principaux agitateurs furent arrêtés et exécutés.
Néanmoins, dès le mois d'octobre, le roi modifia ce qu'il y avait de plus criant dans les ordonnances.
* * * * *
9. En 1320, un prêtre et un moine déserteurs des autels entraînèrent, en procession mendiante, les gens des campagnes, sous le nom de pastoureaux.
Une de ces troupes arriva à Paris, délivra les prisonniers de Saint-Martin-des-Champs, força le Châtelet, Saint-Germain-des-Prés, et se retrancha au Pré-aux-Clercs, d'où le gouvernement effrayé la laissa s'échapper.
Cette bande se dirigea sur le Languedoc, qu'elle traversa en juin: 40,000 hommes entrèrent en même temps par différents côtés.
Ces malheureux, dont les magistrats et les prêtres demandaient l'extermination, étaient eux-mêmes animés d'une égale férocité: le massacre des juifs était leur mission; partout ils les livrèrent à d'affreux supplices.
Les juifs du diocèse de Toulouse s'étalent réfugiés, au nombre de 600, dans le château royal de Verdun-sur-Garonne: ils y furent bientôt assiégés, les officiers royaux ne pouvant engager aucun chrétien à prendre leur défense. Les pastoureaux les poursuivent dans la plus haute tour, mettent le feu aux étages inférieurs et les réduisent, avant de s'entregorger, à jeter leurs enfants aux assaillants, dans l'espoir, bientôt trompé, qu'on prendrait pitié de leur innocence.
Le pape, lui-même, effrayé dans Avignon, prononça l'anathème contre ces forcenés; il somma les sénéchaux de Beaucaire et de Carcassonne de résister: les pastoureaux se rejetèrent sur Aigues-Mortes, pour s'y embarquer: ils furent cernés et moissonnés dans ces plaines pestilentielles, faute de vivres et d'abris: ceux qui essayaient de s'échapper étaient exécutés.
Il y a des époques ou l'histoire des nations semble être celle de tous les excès.
10. Le 22 février 1358, pondant la captivité du roi Jean, le prévôt des marchands, Marcel, d'accord avec la municipalité turbulente de Paris, massacre les maréchaux de Champagne et de Normandie aux pieds du dauphin et intimide ce prince.
D'abord, il gouverne Paris au moyen des Trente-Six, presque tous bourgeois ou clercs, la province, par de semblables conseils démagogiques.
Le 14 mars, les États-Généraux et les Trente-Six, las de la commune, limitent son pouvoir et nomment le dauphin régent du royaume.
Ce prince se retire à Meaux; il transfère les États-Généraux de Paris à Compiègne, le 4 mai; une partie des députés refuse de le suivre, l'autre se montre très-ardente pour les réformes: il y eut deux assemblées nationales et deux gouvernements en guerre ouverte.
Marcel s'empare du Louvre, fortifie Paris, prend à sa solde des compagnies de gens de guerre.
Le dauphin, avec 30,000 hommes, intercepte les avenues de la capitale, principalement sur la Seine et la Marne.
Du 21 mai aux première jours du juin, cent mille paysans de Champagne et de Picardie font la guerre il la noblesse; les campagnes rentrent enfin dans l'ordre, mais restent incultes et dépeuplées.
Dès ce moment, les bourgeois de Paris et une partie des États qui siégent dans la capitale travaillent ouvertement à la Restauration; le dauphin reprend le blocus, interrompu par la jacquerie des paysans.
Le 30 juillet, Marcel embarrassé, sans vivres, sans argent, allait livrer Paris au roi de Navarre, et par suite, aux Anglais ses alliés: les royalistes l'assassinent; ils parcourent la ville, excitent le peuple contre cette trahison, arrêtent soixante chefs de la sédition et avertissent le dauphin qui arrive le 2 août avec son armée: les réactions commencèrent, et le pouvoir royal fut bientôt plus absolu qu'avant le mouvement.
* * * * *
11. En 1381, Jean Wiclef, membre de l'université d'Oxford, prêchait les doctrines suivantes:
«Haine du peuple contre les riches.
«Les pauvres affranchis de toutes les puissances terrestres et seuls libres; entre eux, tout est commun, les femmes, l'argent, tous les biens et tous les maux de la terre.
«Tout ce qui est naturel est agréable à Dieu.
«Le vicieux doit être dépouillé; le droit de propriété est fondé sur la grâce, et les pécheurs ne peuvent réclamer aucun service des autres.
«Le peuple peut corriger à discrétion le souverain qui pèche.
«Les distinctions sociales ne sont que des tyrannies.»
Un prétexte rassemble, à Blackbeath, 60,000 paysans excités par ces doctrines; ils se portent sur Londres en chantant:
«Quand Adam labourait et Ève filait, qui était alors gentilhomme? Nous sommes tous égaux; plus de prélats, plus de seigneurs.»
Le bas peuple de Londres se déclara pour eux: les bourgeois n'osèrent pas résister et fermer leurs portes; beaucoup de nobles furent forcés de suivre. Le 12 juin, les insurgés étaient maîtres de la capitale, de Cantorbéry, de Rochester. Le roi Richard II, sur le point d'être assiégé à la Tour de Londres, où il s'était retiré avec peu de vivres et de moyens de défense, consentit à l'évacuer et à traiter; la tour fut prise, l'archevêque de Cantorbéry, chancelier d'Angleterre, avec trois autres personnages, y eurent la tête tranchée.
Le 15 juin, le roi se rendit à Smithfield pour conférer de nouveau avec les chefs de l'insurrection. Provoqué arrogamment par eux, Richard fit en vain preuve de courage, de modération et de présence d'esprit. Bientôt 8,000 soldats d'élite entourèrent Smithfield: alors Richard changea de langage, les insurgés prirent la fuite et trois des leurs furent exécutés; cette insurrection dura huit jours.
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12. Le 1er mars 1382, après la proclamation pour les perceptions, en France, du douzième denier sur les vivres, un collecteur fut battu aux halles; le cri: Aux armes pour la liberté se fit entendre dans Paris.
L'évêque, le prévôt, plusieurs conseillers du roi, divers riches bourgeois et Hugues Aubriot, ancien prévôt, tiré du cachot par les rebelles pour être élu capitaine, se dérobèrent afin de n'être pas confondus avec les séditieux. D'autres suivirent au contraire ceux-ci pour les modérer.
Les révoltés forcèrent l'Arsenal, l'Hôtel-de-Ville, l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, le Châtelet, l'Évêché, s'armèrent de maillets de plomb, seule arme non saisie par le duc d'Anjou; ils délivrèrent les prisonniers et assommèrent les collecteurs.
Le jeune roi était à Meaux ainsi que le duc d'Anjou et ses oncles. Il se dirigea d'abord sur Rouen, avec sa maison, pour punir cette ville moins difficile à réduire; l'émeute n'y avait duré qu'un jour; le roi y entra, avec sa petite armée, par un pan de mur abattu exprès; la bourgeoisie tremblante fut désarmée, les chefs de la révolte exécutés et les impôts rétablis.
Ensuite le roi se rapprocha de Paris; l'Université et l'avocat-général Desmarets lui demandèrent grâce à Vincennes. Le pardon fut accordé et les impôts les plus odieux supprimés, à condition que les chefs des métiers seraient punis.
À la vue des apprêts du supplice, les maillotins exaspérés s'emparèrent de la place et demandèrent grâce; l'exécution eut lieu la nuit.
Dans le midi, les paysans abandonnent leurs champs, leurs villages, et se forment en bandes sous le nom de truchins , secondés, dit-on, par l'ordre inférieur de la bourgeoisie, dans toutes les villes, ils firent une guerre impitoyable aux hautes classes. On correspondait, à cet effet, d'Angleterre, d'Allemagne et de France, avec Gand, centre de tous ces mouvements.
«Rien ne montre mieux la vie anarchique des cités communales que l'existence continuellement tumultueuse des villes de Flandres. Comme le commerce y était très-abondant, les ouvriers, surtout les tisserands et les foulons, y faisaient de grands gains, et on les voyait presque toujours dans les tavernes, sur les places publiques, en querelles perpétuelles. Dans une seule année on compte 1,400 meurtres à Gand.»
( Hist. des Français. )
Pendant les expéditions que le roi entreprit ensuite contre les villes flamandes révoltées, les Parisiens attendaient chaque jour la nouvelle d'un succès des Gantois pour exécuter leur projet de raser le Château-Beauté, le Louvre, Vincennes, et toutes les fortes maisons autour de Paris. À Reims, Châlons, Orléans, Blois, Beauvais, et même dans toute la France, la bourgeoisie ne demandait qu'un signal pour massacrer la noblesse; elle se tenait en rapport, avec les Flandres, pour les succès desquelles étaient tous ses vœux, considérant la guerre comme allumée, non point de nation à nation, mais partout entre la noblesse et le peuple.
Charles VI licencia les compagnies des provinces éloignées; et, avec celles de Bretagne, de l'Île-de-France, de Normandie, de Picardie, s'achemina de Flandre sur Saint-Denis, en janvier, 1383, par Arras et Compiègne. Ses coureurs eurent ordre de préparer les logements dans Paris.
Le 10 février, le prévôt des marchands, assurant au roi que la capitale est entièrement soumise, obtient qu'il n'ajournerait pas davantage son entrée. La ville, effrayée, espérait soit flatter, soit intimider le roi, par le spectacle d'une grande réception militaire.
Toute la milice, prête à livrer bataille, et parmi laquelle étaient plus de 20,000 maillotins, se rangea, le 11, du côté de Montmartre, entre Paris et Saint-Ladre; elle fit au connétable, qui précédait le roi, des protestations d'obéissance: celui-ci déclara que la première preuve de soumission était de rentrer chez eux et de désarmer immédiatement: on obéit sans murmurer.
Aussitôt le roi entra dans Paris, à la tête d'une partie de son armée, l'autre restant campée dehors; l'ordre avait été donné d’abattre les portes et toutes les chaînes que les bourgeois tendaient le soir aux coins des rues; de faire partout des patrouilles, la nuit comme le jour.
Le roi vint déposer, sur l'autel de Notre-Dame, un étendard semé de fleurs de lis d'or, et fut loger au Louvre. Les seigneurs s'établirent dans leurs hôtels; les soldats furent mis en quartier chez les bourgeois, avec ordre, sous peine de la vie, de les respecter ainsi que leurs propriétés.
Le 16, 300 bourgeois les plus remuants, avocats au parlement de Paris ou négociants, étaient arrêtés.
Le 21, toutes les chaînes avaient été arrachées et transportées à
Vincennes. On procéda, par visites domiciliaires, au désarmement.
Dans les quinze derniers jours de février, l'avocat-général Desmarets, qui s'était souvent interposé entre le peuple et le roi, et cent bourgeois des plus influents, la plupart anciens compagnons de Marcel, furent exécutés.
Les principaux bourgeois, qui avaient exercé des charges pendant les séditions, furent successivement appelés devant la chambre du conseil, qui les taxa à des amendes, selon leur fortune. Les impôts furent maintenus.
Le roi fit récapituler, devant le peuple assemblé au Louvre, toutes les séditions des Parisiens, depuis les trente dernières années; il déclara, néanmoins, que grâce était accordée au reste de la population.
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13. Dans la première moitié du XVe siècle, la France, théâtre sanglant de guerres civiles et étrangères, n'appartint, à proprement parler, ni aux Valois, ni à l'Angleterre.
On vit les factions de Bourgogne et d'Armagnac, abusant de la démence de Charles VI, troubler l'État, déjà trop affaibli par les malheurs d'Azincourt et les progrès des Anglais.
Le meurtre du duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, à Montereau, jeta, dans les bras de ceux-ci, son successeur aveuglé par la vengeance.
On vit la reine soutenir successivement les deux factions qui désolaient la France quelquefois contre le roi, toujours contre son propre fils; en 1420, par le traité de Troyes, elle fait déshériter le dauphin, en faveur de sa fille promise au roi d'Angleterre, Henri V.
Les deux rois Charles VI et Henri V font leur entrée à Paris: les États-Généraux ratifient le traité; la capitale, qui partageait ces sentiments éhontés, fêta les succès des Anglais et du malheureux Charles VI contre le dauphin. Plus tard, lors de la mort presque simultanée des deux monarques lignés, elle proclama Henri VI roi de France et d'Angleterre.
Charles VII en appela à Dieu et à son épée: il se fit couronner roi de France dans la même ville de Poitiers où, avant la mort de son père, il avait déjà pris le titre de régent et organisé des universités, des parlements en opposition à ceux de Paris: les simulacres d'États-Généraux, assemblés à Bourges et à Carcassonne, lui donnèrent quelques subsides.
La noblesse, en Aquitaine, en Dauphiné, en Champagne et en Lorraine, qui ne lui aurait peut-être pas obéi s'il eût été puissant, lutte, par amour du pillage, sous sa bannière, contre les Anglais. Le Midi, animé de sa vieille haine envers le Nord, sauve la nationalité française.
Après des armées de fortunes diverses, de constance et d'efforts, les ducs de Bourgogne et de Bretagne se détachent successivement des Anglais.
En 1429, Jeanne d'Arc fait lever miraculeusement le siège d'Orléans et sacrer le roi à Reims.
En 1436, Charles VII redevient maître de Paris, où il ne se hâte pas de rentrer, par éloignement pour sa bourgeoisie turbulente; de Bourges, il réorganise l'administration de la capitale, il rétablit le parlement et règle les monnaies.
En 1437, il visite Paris sans rien faire pour cette ville ruinée, paraissant encore décidé à transporter la capitale au delà de la Loire; l'année suivante, les États d'Orléans créent une armée royale permanente de 9,000 cavaliers.
Malgré la révolte du nouveau dauphin et des seigneurs Français que Charles VII dut aller soumettre, dans cette même Aquitaine, d'où la monarchie s'était relevée, toutes les provinces furent successivement enlevées aux Anglais: dès 1450, ceux-ci ne possédèrent plus, en France, que Calais.
Le souvenir de Jeanne d'Arc, de cette longue et mémorable lutte de trente années, où le roi et les peuples du midi sauvèrent la nationalité française, restera un des plus populaires de notre histoire: à plus d'un titre, il est encore digne d'être médité; les positions ou contrées suivantes jouèrent alors un rôle important:
1° Les places de la moyenne Loire, de l'Yonne, de l'Oise, de l'Aisne, de la Basse-Marne, pivots des opérations, autour de Paris, pour le couvrir ou le bloquer;
2° La Normandie, la Picardie, comme bases des opérations des étrangers auxiliaires de l'insurrection contre la nationalité;
3° Le pays entre l'Oise et l'Aisne, grande voie stratégique des divers ennemis du roi;
4° La Champagne, la Lorraine, les rives de la Loire, le Dauphiné, sont les éléments de la résistance nationale contre Paris et l'étranger: en dernier lieu, la Bretagne, devient l'auxiliaire de cette résistance.
5° Bourges et Poitiers servirent de capitales éventuelles.
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14. En 1461, après la bataille de Northampton, Charles VII pressa les Gênois d'envoyer une flotte contre celle des Anglais; cette demande irrita une ville, dont le commerce aurait eu des valeurs considérables compromises à Londres; les conseillers refusèrent, en disant que le trésor était vide.
Louis de la Vallée, gouverneur français, chercha à le remplir par de nouvelles taxes; les nobles lui conseillèrent d'augmenter les droits de consommation dont ils étaient exempts; la querelle s'engagea entre les diverses classes, sur les priviléges de la noblesse.
Les officiers français, tous gentilshommes, oublièrent alors le rôle de neutralité qui leur convenait; ils se prononcèrent vivement pour la noblesse gênoise et excitèrent ainsi, dans le peuple, une haine qui fut fatale à la France.
Le 9 mars, un homme obscur sortit de l'un des conseils en criant: aux armes! Les plébéiens répondirent à son appel; Louis de la Vallée fut contraint de se retirer, avec tous les Français, dans la forteresse du Castello, abandonnant la ville aux partis du clergé et du peuple, momentanément réunis.
Le 17 juillet, une nouvelle armée de six mille Français débarqua à Savonne: elle attaqua Gênes, par les hauteurs, de concert avec la noblesse du pays, tandis que la flotte se présentait devant le port; repoussés avec grande perte, les Français se rembarquèrent; le Castello fut évacué; la flotte regagna la Provence et Louis de la Vallée tint garnison à Savonne.
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15. En 1488, les soldats allemands de Maximilien pillaient la campagne; ses courtisans étaient logés chez les bourgeois de Bruges, et en exigeaient une table splendide; ils cherchaient à séduire leurs femmes et leurs filles; souvent ils les maltraitaient; les menaçait-on de porter plainte au roi des Romains, ils répondaient: Maximilien nous permettra de baigner nos bras dans le sang bourgeois.
Le 1er février, après la révolte de Gand, Maximilien crut intimider le peuple par une grande revue de ses troupes sur la place: le comte de Sornes commanda: abaissez les piques ; les soldats répondirent par le cri de vive le roi ; les bourgeois croyant qu'on allait les charger, coururent aux armes. Tout à coup 52 bannières furent déployées, la place du marché occupée, et 49 canons dirigés contra l'hôtel de Maximilien; celui-ci, bloqué avec sa garde, s'estima heureux d'éviter les hostilités qu'il avait voulu provoquer; il signa, le 16 mai, avec la révolte, un traité, mal exécuté depuis, par suite duquel il devait évacuer la Flandre en huit jours, renonçant à ses droits et se contentant d'une pension de 6,000 livres: la jactance, les exactions, les provocations n'ont jamais réussi.
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16. En mai 1547, une insurrection éclata à Naples, par suite des intrigues des Français et de l'inquisition que don Pedro de Toledo, gouverneur espagnol, voulait introduire.
Aucune des promesses de secours de la France ne se réalisa; les députés de la noblesse napolitaine n'obtinrent de Charles-Quint que l'ordre d'obéir; des troupes espagnoles arrivèrent de toutes parts, contre Naples, qui dut se soumettre.
Le 12 août, après l'exécution des principaux chefs de la révolte, et une amende de 100,000 ducats d'or imposée à la ville, une amnistie fut publiée.
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17. En 1548, lors des ordonnances de François Ier pour rendre le prix du sel uniforme, Tristan de Monneins, lieutenant du roi de Navarre, s'était rendu odieux dans la Guienne par sa sévérité. Il eut la malheureuse idée de venir de Bayonne à Bordeaux pour intimider, par la menace des châtiments réservés aux révoltés, ce peuple jusque-là tranquille.
La multitude, rassemblée par lui, vit ses forces et s'unit pour se venger de proclamations impolitiques. Elle se porta à l'arsenal, y prit des armes, et vint assiéger Monneins dans Château-Trompette.
Le président au Parlement de Bordeaux, La Chassagne, obtient du peuple une capitulation pour Monneins: mais, voyant ce dernier assassiné, et tant d'excès commis, il se réfugie dans un couvent.
La Chassagne pressé par le peuple de prendre l'autorité, adopta immédiatement les mesures suivantes, dans l’intérêt de l'ordre et du gouvernement dès ce moment menacés:
1° Fermeture des portes de la ville, après renvoi des paysans accourus pour prêter main-forte à la révolte;
2° Milice bourgeoise armée et organisée, pour fournir des corps du garde et des patrouilles dans toutes les rues;
3° Réouverture des tribunaux; arrestation, jugement et exécution des principaux chefs de la révolte, à commencer par celui qui avait appelé aux armes en sonnant le tocsin.
Le connétable, venu à Toulouse pour y réunir les troupes et marcher sur Bordeaux, repoussa une députation de cette ville, demandant que les landsknechts n'y entrassent pas. Nonobstant la soumission d'une cité qui aurait pu se défendre, il y pénétra par une large brèche qu'il fit ouvrir à travers les murailles, cantonna militairement ses troupes dans les principaux quartiers de la ville, procéda au désarmement des habitants et fit transporter les armes au château.
Une information sévère eut lieu; 140 chefs furent successivement exécutés; la ville elle-même perdit tous ses priviléges; la maison de ville dut être rasée, et toutes les cloches transportées dans des châteaux fortifiés exprès; deux galères seraient équipées pour défendre les gouverneurs de la province contre une nouvelle révolte: toutes les dépenses nécessitées par ces mesures furent à la charge de la ville.
Le 9 novembre, le connétable quitta Bordeaux, en y tenant le comte de
Lude, avec une forte garnison devenue désormais nécessaire.
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18. Pendant les journées du 11 au 17 mai 1562, les réformés, quoique maîtres de l'hôtel de ville, dès le 11, échouèrent dans leur projet de s'emparer de l'intérieur de Toulouse.
25,000 protestants, ayant pour eux les huit capitouls, devaient célébrer la Cène le 17 mai; le parlement leur défend de s'assembler et ordonne aux étrangers de sortir de la ville.
Un cordelier défroqué, chef des calvinistes, les excite à s'emparer du Capitole, ce qui est exécuté, par surprise, dans la nuit du 11 au 12 mai.
Le parlement remplace les capitouls, demande des secours à Montluc et aux capitaines à proximité, fait sonner le tocsin, et, en robe rouge, il conduit le peuple à l'assaut de l'hôtel de ville, des librairies ou des maisons de réformés: celles-ci sont incendiées ou pillées.
Les protestants, retranchés dans un tiers de la ville, défendaient l'hôtel de ville avec du canon, en attendant les secours promis par Montauban et autres villes du parti.
Mais Montluc, à la tête d'un corps nombreux de cavalerie, donna de suite, du dehors, des ordres qui plus tard n'auraient pas été efficaces; il arrêta les secours de l'insurrection, fit sonner le tocsin, à huit lieues à la ronde, pour appeler aux armes les paysans catholiques; il introduisit successivement, et à propos, des renforts dans la ville, dont les principales portes étaient gardées.
En vain, pour réduire le Capitole, la populace mit le feu au quartier environnant, l'incendie fut arrêté. Les deux partis firent usage de mantelets roulants.
Le 17 mai, les protestants, affaiblis par la désertion, privés de munitions et de vivres, cernés de toutes parts dans l'hôtel de ville et les positions conservées par eux, furent heureux qu'on leur permît de se retirer sans armes ni bagages.
À huit heures du soir, après avoir célébré la Cène, ils sortirent par la porte Villeneuve; mais à peine éparpillés dans la campagne, le tocsin rassembla contre eux les paysans: 3,000 périrent.
Au long tems que j'ai porté les armes , disait à ce sujet le maréchal de Montluc, le 18, au parlement de Toulouse, j'ai appris qu'en telles affaires, il vaut mieux se tenir dehors, pour y faire acheminer les secours, sachant que cette canaille n'étoit pas pour forcer si tôt la ville; que, s'ils m'eussent attendu, jamais entrepreneurs n'eussent été mieux accommodés .
Ces paroles résument, il est vrai, d'une manière un peu rude, la théorie de la répression des émeutes dans une ville de province: elles ne doivent même pas être oubliées contre une capitale, dans certains cas. Il serait à désirer que les anarchistes les comprissent: ils y verraient quelle peut être leur impuissance contre un pouvoir habile, et renonceraient, sans doute, à leurs projets.
Quoi qu'il en soit, Montluc fit poursuivre les instigateurs de la révolte. Le parlement de Toulouse, refusant trois fois d'enregistrer l'amnistie accordée aux protestants par le roi, fit juger et exécuter 200 personnes; 440 furent condamnées par contumace. La guerre civile ne développe que les mauvais penchants.
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La journée du 12 mai 1588, dite des barricades, est, pour le sujet qui nous occupe, une des plus fécondes en enseignements.
En avril et en mai, le roi négligea deux occasions de faire arrêter, en flagrant délit de conspiration, Jean Leclerc et Lachapelle-Marteau, chefs du conseil secret des Seize, ces aventuriers perdus de dettes, qui excitaient le due de Guise et les révoltes futures, pour arriver à la ruine du pays.
Pressé, à Soissons, par les Seize, de venir se mettre à la tête des 30,000 milices bourgeoises de Paris, Guise les invite à s'organiser d'abord militairement; il fait déployer sous leurs yeux, par Lachapelle, un grand plan de Paris, qui fut aussitôt divisé en cinq quartiers au lieu de seize; dans chacun de ces arrondissements, l'action militaire fut centralisée sous un des cinq colonels, que Guise envoya avec un gros état-major. 500 chevaux vinrent occuper la banlieue, au nord de la capitale.
Le désordre fut principalement excité, dans Paris, par 15,000 étrangers turbulents qui trompèrent la population. Henri III négligea l'occasion de comprimer la révolte, en faisant arrêter ou expulser les hommes les plus dangereux, et surtout le duc de Guise, qu'il avait eu, un moment, en son pouvoir au Louvre.
Le 12 mai, Guise excite la bourgeoisie de Paris, en annonçant l'entrée dans la capitale des 4,000 suisses venus d'abord de Lagny à Saint-Denis, et de 2,000 soldais d'élite. À cette nouvelle vraie, il ajoute celle d'un prétendu projet d'exécution des seize et de cent principaux Parisiens dont il fait circuler la liste.
La modération, à l'égard des factieux, fut sans succès. Après l'invitation faite par Henri III au duc de Guise de prêter son concours pour l'expulsion des étrangers, celui-ci annonce que le roi a peur, qu'on obtiendra de lui les États-Généraux et, par ceux-ci, tout ce qu'on voudra.
Le maréchal de Biron ne comprit pas les ordres du roi, qui étaient d'occuper, extérieurement au quartier militaire du Louvre, trois positions avancées, dans les faubourgs Saint-Denis, Saint-Antoine et Saint-Marceau.
Les places Saint-Antoine et Maubert, l'hôtel de Guise, furent les centres d'insurrection. À neuf heures du matin, leurs environs; à midi, le reste de la ville, et jusqu'aux approches du Louvre, étaient déjà barricadés de cent pas en cent pas. Des petits groupes, en tête de chacun desquels étaient des officiers du duc de Guise, péroraient, faisaient tendre les chaînes au coin des rues, et élevaient derrière des barricades de poutres ou de tonneaux remplis de terre.
Les suisses et les gardes françaises, accablés de pierres du haut des maisons, sans communications avec leurs chefs, sans vivres et tombant sons les coups d'hommes invisibles, se replièrent sur le Louvre, où les 6,000 hommes de troupes royales furent bientôt resserrés, sans positions extérieures.
Dans la nuit du 12 au 13, un corps de 15,000 hommes, envoyé par le duc de Guise à travers la Chaussée-d'Antin, acheva de bloquer la Cour, sur toute la rive droite, dans son quartier militaire trop rétréci.
La reine-mère et Villequier exhortèrent Henri III à sortir du Louvre pour se montrer au peuple; ils assuraient qu'éblouis de l'éclat de la majesté royale, les mutins le respecteraient et rentreraient dans le devoir.
Le roi, qui ne manquait pas de courage, trouva ce conseil trop téméraire; il ne jugea pas à propos d'exposer sa réputation, sa dignité, et peut-être sa vie, à la discrétion de cette multitude déchaînée.
Faute d'approvisionnements de vivres et de munitions, dans le Louvre, la défense y était impossible.
Le 13 mai, au matin, tandis que la reine-mère était venue écouter les arrogantes propositions du duc de Guise, Henri III sortit par la porte neuve du pont Royal, jurant de ne rentrer dans sa capitale que par la brèche, et de la mettre hors d'état de se révolter désormais. Le duc de Guise ne put déguiser son dépit et ses craintes, en apprenant que le roi s'était soustrait à la révolte pour mieux la combattre. Cette nouvelle inattendue, modifiant tout à coup ses projets, frappa un moment d'indécision et de découragement ce chef, jusque-là toujours maître de lui-même.
Henri III, bientôt suivi des gardes françaises et des suisses, coucha à Rambouillet; il fut le lendemain rallier, à Chartres, son gouvernement et ses moyens de répression.
Cette victoire inespérée des milices urbaines sur des troupes aguerries surprend les deux partis dans l'incertitude; la reine-mère et la régente restent au Louvre pour tenter encore de profiter de ce moment de stupeur; néanmoins, la capitale, compromise plus qu'elle ne l'avait voulu, rejette l'autorité royale et délègue tous pouvoirs au conseil secret des Seize. Guise, peu confiant dans la masse des émeutiers, organise aussi bien que possible ses partisans les plus éprouvés en deux régiments; il se hâte de prendre Saint-Cloud, Lagny, Charenton, Pontoise, d'occuper Corbeil et Troyes, pour prévenir le blocus de la capitale dans la lutte longue et sérieuse à laquelle, dès ce moment, il croit devoir s'attendre. Il ne partage aucune des illusions de l'anarchie, et, pour ne pas échouer, s'efforce d'organiser, en dehors d'elle, des ressources de guerre plus réelles et moins ingouvernables.
En juin, le roi s'établit à Rouen, en septembre à Blois, où les États-Généraux furent convoqués. Le 14 août, à l'instigation des deux reines restées à Paris, le duc de Guise fut nommé lieutenant-général du royaume, mesures de conciliation qui restèrent sans résultat.
En juillet 1589, les rois de France et de Navarre, après avoir pris Gergeau, Pithiviers, Étampes, Pontoise, réunirent, à Saint-Cloud, 42,000 hommes dont 15,000 suisses amenés par Sancy.
Henri III s'établit au nord de la Seine, le roi de Navarre au midi, pour attaquer, le 2 août, Paris et les 8,000 hommes de Mayenne, également découragés; mais le 1er août, au matin, le roi était assassiné.
La détermination prise par Henri III, le 13 mai 1588, retarda la chute des Valois et sauva la monarchie française; bien que sérieusement menacée par l'esprit de trahison, la couronne devait cependant avoir encore de nombreux et éclatants jours de gloire.
La reine-mère pensait que le trône n'aurait jamais pu, au milieu du débordement révolutionnaire, et sous sa pression, se rétablir dans la splendeur qu'il eut depuis; mieux valait aborder de suite les plus redoutables difficultés que de rester dans une voie qui, éternisant la crise, conduirait tôt ou tard à une position plus désastreuse encore.
La transmission de la couronne au roi de Navarre devint possible. Nous verrons Henri, après l'assassinat du dernier Valois, combattre pendant six années, avec des succès très-divers, mais toujours en intrépide soldat et en politique consommé, le parti révolté le plus souvent maître de la capitale et appuyé par l'Espagne; il soutint cette lutte difficile jusqu'au jour où les peuples, guéris de tant d'excès anarchiques, revinrent au pouvoir légitime, en délaissant les factieux qui les exploitaient de concert avec l'étranger.
20. En 1589, Henri IV, devenu l'héritier légitime du trône, se retire des environs de Paris au camp retranché d'Arques. Il y résiste à Mayenne et rallie quelques-uns de ses partisans ainsi qu'un renfort anglais.
Le 19 octobre, il marche sur Paris, se rend maître des faubourgs qu'il dévaste pendant quatre jours; il disperse son armée près d'Étampes, s'établit à Tours, réduit Vendôme, le Mans, Falaise et la Basse-Normandie, ayant contre lui les prêtres, les bourgeois et les paysans.
Pendant ces guerres de religion, la capitale, dévouée à la cause catholique, avait privé les huguenots d'un centre de puissance, où les autorités de la monarchie habituellement réunies obtenaient pour elle l'apparence du commandement et de l'obéissance.
Tant que les deux partis s'étaient balancés, Condé et Coligny avaient tenté en vain de se rendre maîtres de Paris; après la mort de ces chefs, les huguenots, confinés au midi de la Loire, ne durent songer qu'à se défendre.
Henri IV, dans la même position militaire, mais plus fort par son droit héréditaire, eut des chances de s'emparer de la capitale, dont la possession seule pouvait le faire roi: en dehors de celle-ci il n'était qu'un prétendant, tandis que la ligue et Mayenne y prenaient les apparences de la légitimité. C'était dans Paris, et reconnu par le Parlement, la Chambre des Comptes, la Sorbonne, que Mayenne pouvait oser se dire lieutenant-général du royaume.
La capitale n'était pas encore sérieusement menacée: mais les royalistes avaient conservé dans le voisinage, surtout le long des rivières et des principales routes, des places circonvallantes; la famine menaçait une population trop accoutumée à toutes les douceurs; la victoire devait rester à celui des deux partis qui occuperait le plus longtemps ces positions d'investissement ou de communication avec le reste de la France et l'étranger, tout en commettant le moins possible de fautes politiques.
En 1590, avec le secours d'argent du cardinal légat, Mayenne put s'emparer de Pontoise et assiéger Meulan qu'Henri IV délivra bientôt.
Mayenne, après avoir rallié en Flandres 5,000 hommes du duc de Parme, revint contre Henri alors occupé au siége de Dreux; il fut battu, le 14 mars, à Ivry, et alla de nouveau s'humilier en demandant des secours à Farnèse.
Le 29 mars, Henri IV s'approche de Paris, occupe Chevreuse, Montlhéry,
Lagny, Corbeil, Melun, Cressy, Moret, Provins, Nangis, Montereau,
Brie-Comte-Robert, Nogent-sur-Seine, pour achever de resserrer la
capitale; il échoue devant Sens.
Le 8 mai, il canonne les murs de Paris; mais il évite une attaque de vive force, soit par défaut de moyens, soit pour épargner à la capitale les suites d'une prise d'assaut; il assiége Saint-Denis.
Le 5 juin, Mayenne, renforcé de 5,000 auxiliaires, réunit 10,000 hommes à Laon, sa place de sûreté et de jonction avec les secours étrangers. Henri IV marche à sa rencontre, le force à s'enfermer dans la ville; mais, pendant ce temps, Saint-Paul, détaché par Mayenne avec 800 chevaux et un gros convoi de vivres, gagnait Meaux, filait derrière la Marne et rendait, le 17 à Paris, avec l'abondance, l'esprit de confiance et de sédition.
Le 24 juillet, tous les faubourgs de la capitale sont pris par Henri
IV; et la famine reparaît dans cette ville hermétiquement bloquée.
Le duc de Parme, venu de Valenciennes avec 16,000 hommes, rejoint les 12,000 hommes de Mayenne à Meaux, le 23 août.
Le 30, Henri IV lève le siége de Paris qui est aussitôt ravitaillé; avec ses 33,000 hommes réunis à Chelles, il offre la bataille à Farnèse qui la refuse; ce dernier se retranche et continue de faciliter l'approvisionnement de la capitale.
Le duc de Parme, après avoir pris Lagny, entre à Paris le 8 septembre, tandis que le roi, qui a échoué dans une nouvelle surprise contre la capitale, disperse en Touraine, Normandie, Champagne, Bourgogne et Brie, le gros de son armée impatiente de repos. Henri prend position de sa personne à Senlis, à Compiègne et sur l'Oise, de manière à intercepter les secours étrangers et les communications de ceux-ci.
La ville de Lagny contenait de grands approvisionnements; elle assurait à la Ligue la navigation de la Marne: de riches et nombreux convois descendirent à Paris.
À la fin de novembre, Farnèse rentre en Flandre, après avoir pris
Corbeil.
En janvier 1591, Henri IV recommence le même système de guerre, affamant
Paris, essayant de le surprendre; il s'empare de Chartres et de Noyon.
À la fin de novembre, Mayenne apprend, à Laon, que les Seize et le parti violent offrent la couronne à l'Espagne; il confie son armée à Guise; ramassant, avec 700 chevaux d'élite, les garnisons de Soissons et de Meaux, il arrive à Paris où, à l'aide de la bourgeoisie, il donne la victoire à un parti plus modéré et moins anti-national.
En décembre, Henri IV assiége Rouen; forcé de lever le siége, en avril 1592, par le duc de Parme, il soutient une campagne glorieuse, difficile, et indécise.
Le 31 juillet 1593, après l'abjuration d'Henri IV, une trêve est signée à La Villette pour trois mois: de tous côtés les passions politiques s'apaisent.
Le 21 mars 1594, le gouverneur Brissac livre Paris à Henri IV; la Bastille et Vincennes sont ensuite remis; les Espagnols se retirent sur Soissons. Il semble que la soumission de la capitale confère seule au roi la légitimité. Dès ce moment il n'y a plus qu'à rallier les factions vaincues, résister aux prétentions des vainqueurs, cicatriser les plaies de l'anarchie, et forcer le chef de la Ligue dans son dernier réduit, en le séparant des plus exaltés ligueurs et de l'étranger.
Le 25 mai, après avoir soumis Rouen, Abbeville, Montreuil, Troyes, Sens, Riom, Agen, Poitiers, Honfleur, Henri IV assiége, avec 14,000 hommes, Laon, ancienne place de dépôt devenue la capitale des derniers ligueurs; il doit se garder contre les 8,000 Espagnols de Mansfeld retranchés à la Capelle, et contre les garnisons de Lafère, Soissons et Reims, entre lesquelles manœuvre Mayenne.
Le 22 juillet, après la retraite de l'armée espagnole, la ville capitule; ensuite Péronne, Roye, Montdidier, La Châtre, Orléans, Bourges, se rendent.
Les principaux ligueurs font défection en 1595; le roi déclare ouvertement la guerre à l'Espagne, ce qu'il n'avait osé faire jusqu'alors: sa nationalité lui créait ainsi plus de forces que d'obstacles. Le pape lui accorde l'absolution; nonobstant les revers partiels éprouvés par Henri IV dans cette campagne Mayenne se soumet le 24 janvier 1596 à Folembray.
De 1596 à 1598, le roi prend Lafère, perd et reprend Amiens, et signe à
Vervins la paix avec l'Espagne.
Ainsi le pouvoir royal fut définitivement rétabli en faveur de la maison de Bourbon, à qui de grandes et diverses destinées étaient encore promises; ces six années de guerre, pendant lesquelles les deux partis prirent tour à tour, près de Paris, des positions militaires importantes; qui virent constamment le roi, habile politique, intrépide soldat, bon frère d'armes dans toute l'acception militaire du mot, monarque et général persévérant, sont dignes de méditation, principalement les campagnes de 1590 et de 1594.
Jamais trône, dans aucun pays, à aucune époque, ne s'était trouvé aussi bas; un siècle plus tard, avec la même dynastie, il devait frapper l'univers d'un éclat inouï: mais il lui restait encore des jours difficiles.
Ce n'est pas sans raison que la mémoire du bon roi, sauveur de la nationalité française, est restée populaire; sa noble image, qui domine la vieille cité, a dû souvent gémir de tant de folies, de tant d'attentats, de tant de revers également funestes à la gloire et à la puissance de notre malheureuse patrie.
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21. Le 13 septembre 1647 et le 6 janvier 1648, après les émeutes des 26 et 27 août, la régente Anne d'Autriche sauva également la monarchie, mais dans des circonstances bien moins graves, en se retirant à Saint-Germain, avec son gouvernement, pour cerner Paris, qui se soumit six semaines après.
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22. Mais, en 1649, Mazarin compromit la royauté dans sa propre cause, en prolongeant un pouvoir devenu presque impossible; il brava l'opposition des hommes les plus considérables et une guerre civile qui pouvait avoir de graves conséquences; il avait fait sortir de Paris, sans une urgente nécessité, la cour et le gouvernement royal. Une minorité augmente les difficultés; mais celles-ci ne justifient pas la révolte.
Turenne cherche à excuser ainsi, dans ses mémoires, et longtemps après, la grande faute où il se laissa alors entraîner: «Il lui répugna d'autoriser, une entreprise, le départ de la cour, qu'il ne croyait pas légitime en aucuns temps, et principalement dans une minorité, d'autant plus que personne encore n'avait pris les armes contre le roi, ni témoigné aucune désobéissance ouverte; il y avait, à la vérité, des compagnies qui avaient montré trop d'animation, mais c'était plutôt par des intérêts particuliers que par un dessein formé de se révolter contre la cour.»
«Dieu, dit Fléchier, dont les jugements sont des abîmes, voulut affliger et punir la France par elle-même, et l'abandonna à tous les déréglements que causent dans un état les dissensions civiles. Souvenez-vous de ce temps de désordre et de trouble, où l'esprit ténébreux, l'esprit de discorde confondait le devoir avec la passion, le droit avec l'intérêt, la bonne cause avec la mauvaise; où les astres les plus brillants souffrirent presque tous quelque éclipse, et les plus fidèles sujets se virent entraînés, malgré eux, par le torrent des partis, comme ces pilotes qui, se trouvant surpris de l'orage en pleine mer, sont contraints de quitter la route qu'ils veulent tenir, et de s'abandonner pour un temps au gré des vents et de la tempête. Telle est la justice de Dieu: telle est l'infirmité naturelle des hommes. Mais le sage revient aisément à soi, et il y a dans la politique, comme dans la religion, une espèce de pénitence plus glorieuse que l'innocence même, qui répare avantageusement un peu de fragilité par des vertus extraordinaires et par une fermeté continuelle.
«Mais où m’arrêtai-je? votre esprit vous représente déjà, sans doute, M. de Turenne à la tête des armées du roi. Vous le voyez combattre et dissiper la rébellion, ramener ceux que le mensonge avait séduits, rassurer ceux que la crainte avait ébranlés, et crier, comme un autre Moïse, à toutes les portes d'Israël: Que ceux qui sont au seigneur se joignent à moi. Tantôt sur les rives de la Loire, suivi d'un petit nombre d'officiers et de domestiques, il court à la défense d'un pont, et tient ferme contre une armée; et soit la hardiesse de l'entreprise, soit la seule présence de ce grand homme, soit la protection visible du ciel, qui rendait les ennemis immobiles, il étonna par sa résolution ceux qu'il ne pouvait arrêter par la force, et releva par cette prudente et heureuse témérité l'État penchant vers sa ruine. Tantôt se servant de tous les avantages des temps et des lieux, il arrête avec peu de troupes une armée qui venait de vaincre, et mérite les louanges mêmes d'un ennemi qui, dans les siècles idolâtres, aurait passé pour le dieu des batailles. Tantôt, vers les bords de la Seine, il oblige, par un traité un prince étranger, dont il avait pénétré les plus secrètes intentions, de sortir de France, et d'abandonner les espérances qu'il avait conçues de profiter de nos désordres.»
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23. Au commencement de septembre 1672, le duc de Luxembourg cantonna ses 50,000 fantassins et 8,000 chevaux dans la province de Gueldre et la tête de bêteau: 15,000 fantassins, 4,000 chevaux occupèrent la province d'Utrecht et les parties avancées; 9,000 fantassins et 2,600 chevaux de ce corps, c'est-à-dire 16 bataillons et 20 escadrons, furent cantonnés de la manière suivante, dans et autour de la ville d'Utrecht, grand quartier-général de l'armée.
Il y aurait eu impossibilité de rassembler, à temps, dans cette grande ville hostile, les soldats logés par deux chez l'habitant; d'avoir la nuit les officiers, à qui les portes des maisons seraient peut-être barricadées.
Deux bataillons furent casernés dans les maisons bourgeoises, à droite et à gauche de chacune des quatre portes principales, en s'étendant dans la rue ou le long des remparts, sans solution de continuité.
À défaut de place centrale, où il aurait été convenable de caserner deux bataillons, huit petites places intérieures ou bâtiments principaux furent occupés, à l'aide de bons corps de garde défensifs, par autant de postes de 100 fantassins et de 50 chevaux.
Au besoin, le surplus des troupes aurait été caserné le long des remparts, de manière à ne pas s'étendre sur plus du tiers de la ville, dont on embrassait ainsi toute la circonférence.
À chacune des portes principales, il y avait 120 fantassins de garde.
Les quatre faubourgs étaient tous retranchés à leur tête; au faubourg de la Porte-Blanche, un bataillon et une brigade de cavalerie formaient l'aile droite. Au faubourg Vyanem, aile gauche, il y avait autant de troupes. Ces deux annexes embrassaient la ville et communiquaient le plus facilement avec les deux autres. Dans les faubourgs d'Amsterdam et de Woorden, on mit 6 bataillons, les dragons et 7 escadrons.
Les bourgeois furent désarmés, on leur fit prêter le serment de fidélité, des exemples sévères les retinrent dans le devoir.
En cas du révolte dans la ville, autour de laquelle toutes les troupes étaient constamment concentrées ou casernées sur leurs positions de combat, 6 bataillons et 7 escadrons des faubourgs pouvaient arriver par les quatre portes, le surplus des forces extérieures restait sous les armes.
Il est curieux de lire, dans la correspondance de Louvois et de Luxembourg, les motifs et les détails de ces mesures de prévoyance longuement et habilement préparées.
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24. La surprise de Crémone, par le prince Eugène, en 1702, donne lieu aux remarques suivantes:
Celui des deux partis qui compte sur un secours, doit occuper, approvisionner, organiser en réduit une position communiquant avec la campagne, ainsi que les bâtiments, clochers ou postes voisins.
Il partira de là pour s'emparer: 1° des portes ou poternes de l'enceinte de la ville; 2° des coupures, passages et ponts existant au travers des vieilles fortifications, murs de terrasse, rivières à l'intérieur, afin de resserrer davantage l'autre parti, d'intercepter ses communications avec le dehors et diviser ses forces au dedans.
Si on ne peut garder ces passages, on les coupe, ou au moins on les barricade.
On marche à ces défilés, la cavalerie soutenant l'infanterie, les flancs éclairés; on laisse, entre soi et le réduit, une réserve; et sur les flancs, des petits corps de garde pour n'être pas pris de côté ou par derrière.
Si l'on peut se glisser le long d'un obstacle on n'aura qu'un flanc à couvrir.
On attaque ces positions sur plusieurs têtes de colonnes, par différentes rues, en flanc, en tête, en queue, la cavalerie échelonnée sur les côtés pour protéger; des tirailleurs, aussi bien abrités que possible, visent continuellement aux créneaux les plus dangereux; on incendie, on menace d'incendier les bâtiments les plus résistants; et, si on ne le peut, on occupe autour des points dominants.
Les positions enlevées sont immédiatement fortifiées; on garnit de fusiliers les clochers et maisons extérieures qui complètent ces réduits.
Des piquets de cavalerie parcourent sans cesse les environs, interceptent les nouvelles et les secours, gardent les défilés extérieurs et rapprochés par lesquels on arriverait à la ville.
On avance ensuite, par l'intérieur des maisons, aux arsenaux, magasins et places ou positions voisines; ou marche également au réduit du parti opposé pour le bloquer, du côté de la ville, et, s'il est possible aussi, du côté de la campagne.
Une position attaquée se défend toujours par des contre-attaques en tête, en queue, sur les flancs.
Si le parti opposé doit être secouru de deux côtés, il faut fortement occuper l'obstacle qui les sépare; ce parti, au contraire, organise de l'un à l'autre une communication assurée.
On empêche de cerner, dans leurs quartiers, les troupes et surtout la cavalerie, en garnissant les clochers et lieux dominants, en face ou à proximité.
Ne pas s'aventurer, en trop grand nombre, dans une enceinte battue de feux croisés, sans être appuyé par quelques tirailleurs qui les contrebattront.
Gagner le pied des murailles et des maisons pour se soustraire à l'effet du tir.
Les communications les plus importantes, dans un même édifice, ou entre plusieurs bâtiments faisant système de défense, doivent avoir lieu à couvert ou sous blindage.
25. L'émeute de Varsovie, contre les troupes russes, le 6 et le 7 avril 1794, doit être mentionnée.
La garnison russe comptait 9 bataillons, 8 escadrons, 36 canons, 5 à 6,000 hommes.
1,000 prussiens auxiliaires étaient cantonnés, à une et à deux lieues, au nord de la ville.
2,000 polonais hostiles, à la disposition de généraux et d'un gouvernement également hostiles, étaient établis en ville, au nord, au sud et à l'ouest, dans quatre casernes; ils avaient des magasins d'armes, de munitions et d'artillerie.
La ville de Varsovie, figurait une demi-circonférence de 2.500 mètres de rayon, sur la rive gauche et à l'ouest de la Vistule; elle communiquait, par un pont, avec Praga, sur la rive droite et à l'est; elle renfermait, dans une enceinte fortifiée, 900 hectares et 125,000 habitants.
Par des affiches, des pièces de théâtre politiques, de fréquentes alarmes et incendies, par des rumeurs contre les Russes, par des clubs, on excitait le peuple, on l'attroupait.
Les bourgeois restèrent chez eux, leurs portes fermées, sans prendre part à la révolte, où figurèrent, sous la direction de quelques mécontents, des ouvriers, domestiques et paysans, ainsi que des soldats congédiés venus du dehors; en tout, il y eut 1,000 à 1,200 émeutiers agissant par bandes de 150.
Plus on approchait du jour de l'émeute, moins on pouvait prévoir qu'elle dût éclater; cependant, dans la journée du 5, plus de 50,000 cartouches furent distribuées de main en main.
Le plan de défense était connu des polonais avec qui il avait fallu le concerter.
4 brigades, espacées de 800 mètres les unes des autres et du quartier général, fortes chacunes de 2 à 3 bataillons et escadrons, 6 à 10 pièces, devaient occuper au sud, à l'ouest, au centre, au nord de la ville, mais de trop loin et sans communications suffisamment assurées, les avenues du quartier général; surveiller et contenir les troupes polonaises, le pont et le faubourg de Praga.
Le 6, à quatre heures du matin, les polonais commencèrent les hostilités, ayant pour principal but de parvenir au quartier général.
Les 2 bataillons, 2 escadrons, 9 pièces de la brigade Milaschewicz occupaient, au sud, le carrefour des Trois-Croix et les grandes rues en arrière, vers le centre de la ville, pour contenir le régiment polonais Dzialinsky dans ses casernes.
La tête de cette brigade et ses postes de flancs laissèrent passer ce régiment: le reste de la brigade l'arrêta et parlementa avec lui pendant 3 heures, sans se mettre en mesure d'agir; lorsque les hostilités commencèrent, les compagnies contre lesquelles les Polonais s'étaient présentés, se battirent seules pendant plusieurs heures, sans être soutenues par le reste de la brigade: cette dernière troupe, qui eût décidé le succès contre le régiment polonais, ne donna plus signe de vie pendant les journées du 6 et du 7.
Les deux bataillons de grenadiers, deux compagnies, trois escadrons et dix pièces de la brigade Van Suchteln, placés depuis le palais de Saxe jusqu'aux barrières de Wola et de Jérusalem, de l'est à l'ouest de la ville, dans la partie centrale la plus importante et la plus facile à tenir, près de laquelle le corps prussien et le parc auraient dû être réunis, restèrent inactifs, sans se garder, sans voir d'ennemis sérieux, sans marcher au secours du quartier général, faute des ordres et de la présence du général de brigade.
Le général Nowiczky vint prendre ce commandement abandonné; et s'exagérant la position de la 1re brigade, fit sortir la 2e brigade de la ville, à 11 heures du matin, par une porte ouest; il prit position en carré, à 500 mètres de l'enceinte, avec le parc d'artillerie laissé à Wola, sous la garde de deux compagnies et d'un escadron; en ce moment, Nowiczky disposait de 4 bataillons, 5 escadrons et 24 canons.
De ces troupes, sorties si mal à propos de Varsovie, il en rentra 3 bataillons, 4 escadrons et 16 pièces, en une colonne profonde, à 2 heures et demie du soir; la tête parvint jusqu'au palais de Saxe, à 500 mètres du général en chef, dans un quartier tranquille et ouvert.
Mais, après trois heures de station, alors que l'insurrection se croyait perdue à la vue d'une pareille colonne, contre laquelle aucun coup de fusil n'avait été tiré des fenêtres, on fut étonné de voir cette troupe, à 6 heures du soir, rétrograder jusqu'au dehors de la ville, devant 50 émeutiers qui faisaient mine de lui disputer le passage avec un canon. Des compagnies entières de ce corps s'étaient débandées pour piller: elles furent plus tard massacrées ou prises.
La colonne rejoignit, sans être nullement inquiétée, le général Nowiczky qui l'avait détachée; le corps entier fit halte jusqu'à minuit, puis se retira à deux lieues de la ville; le lendemain, à midi, le général Nowiczky se mit en marche, avec tout son monde, vers les grands équipages, vis-à-vis Karczew, sans s'occuper de ce qui se passait en ville. Le 19 avril, à Sgersche, le général en chef eut seulement des nouvelles de ce corps.
Les trois bataillons et deux escadrons de la brigade du comte de Zouboff devaient garder le centre de la ville, plus au nord, direction ouest-est, ainsi que le passage de la Vistule.
Un bataillon suivit le mouvement de retraite de la précédente brigade; un autre fut massacré dans une église où il communiait sans armes. Le 7, au soir, le 3e bataillon et l'hôpital évacuèrent tranquillement Praga, sur transports fournis par l'autorité municipale; ils rejoignirent, le 13 avril, le général en chef à Modlack.
Pendant l'émeute, toutes les attaques furent dirigées contre le quartier du général en chef Igelstrom, rue Podwal, par quatre bandes de 150 hommes, occupant du côté de la Vieille ville et de l'arsenal, à 300 mètres de distance, les maisons de seigneurs et les carrefours environnants, pour bloquer et fusiller les troupes du quartier général.
Ce quartier général, dans une partie de ville rétrécie et hostile, non centrale par rapport aux autorités ou troupes polonaises et à la ville de Varsovie elle-même, aurait dû être placé rue Krolewska, près du palais de Saxe.
Le matin du 6, l'ennemi fut partout repoussé autour de cette position, avec perte en hommes et en canons. À 2 heures après midi, il renouvela ses attaques; dans l'intervalle il s'était borné à tirer des fenêtres et des coins de rues contre les postes russes qui répondaient à ce feu.
Ceux-ci résistèrent espérant être rejoints par les autres brigades: mais les tiraillements de l'état-major général, l'irrésolution des chefs détachés, les corps entiers débandés, le passage subit d'un excès de confiance au découragement; et, pardessus tout, le quartier général bloqué de près, sans possibilité de communiquer avec les autres brigades, ne permirent aucune bonne résolution.
Les troupes du quartier général auraient pu marcher aux détachements et les réunir: mais on craignit d'abandonner les archives non encore brûlées.
Le soir, on ne fut plus assailli que par le quart des rassemblements du matin; la nuit fut tranquille et aurait permis une retraite facile.
Au commencement, le quartier général avait été défendu par un bataillon et deux escadrons; ces troupes furent successivement renforcées le 6, avant 7 heures du soir, par les deux bataillons de la 4e brigade.
Celle-ci, chargée de défendre la partie nord de la ville, très-hostile, et en face de trois quartiers de troupes polonaises, se retira d'abord en dehors de Varsovie sur les Prussiens; puis, au bruit de la fusillade, elle revint assez facilement sur le quartier général.
Au jour, les Polonais informés de la retraite définitive et inespérée de la 2e brigade, moitié de la garnison, reprirent avec la plus grande vivacité toutes leurs attaques, jusque-là successivement ralenties ou abandonnées; ils cernèrent le quartier général, de plus près, et au point de le rendre inhabitable: le moral des troupes était abattu.
700 hommes, 50 chevaux et 4 canons restaient au quartier général ou dans une cour voisine.
Le 7, vers 8 heures du matin, le général en chef se retira avec 350 hommes, sur les Prussiens, par le nord de la ville, à travers une suite d'enclos où l'on ouvrit des passages; on évita ainsi les positions investissantes, le feu des maisons occupées et l'artillerie des insurgés. À 10 heures, on rejoignit, dans un assez grand désordre, mais avec perte seulement de 30 hommes, la cavalerie prussienne à la barrière de Powonsck: on fut camper avec les Prussiens à Babice.
Pendant la nuit, un demi-escadron du quartier général avait porté, à ce corps auxiliaire, l'ordre de se joindre, vers Wola, à la brigade Nowiczky, pour rentrer en ville au secours du général en chef: lorsque les Prussiens rencontrèrent celui-ci, en retraite, ils exécutaient cette marche.
Le colonel Parfentiew et les 400 hommes du quartier-général ne suivirent pas le mouvement de retraite; ils furent forcés, dans la soirée, par l'insurrection.
Les Russes perdirent, à Varsovie, plus du tiers de leur garnison et 11 pièces de canon.
Le 7, à quatre heures du soir, le corps russo-prussien vint camper à
Modzin, à trois quarts de lieue de Varsovie.
Le 8 avril, il coucha à Sakroczin.
Le 19, à Sgersche.
L'arrivée, près de Varsovie, des troupes prussiennes, dont le général Igelstrom ne voulut pas profiter; les imprudentes propositions d'accommodement; la retraite intempestive d'une brigade russe, furent autant de causes d'exaltation pour les insurgés.
Ainsi que dans plusieurs affaires de ce genre, l'honneur militaire fut ici compromis, devant des forces très-intérieures, par le défaut de vigilance et de bonnes dispositions; par l'irrésolution des chefs détachés; par de longs pourparlers toujours dangereux; par des tiraillements dans l'état-major-général; il en résulta des revers inattendus; ceux-ci abattirent entièrement le moral d'une troupe qui, mieux dirigée, eût glorieusement fait son devoir, et éprouvé beaucoup moins de perte.
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26. Dans la soirée du 12 vendémiaire an 3, les pourparlers, les hésitations et la retraite intempestive du général chargé d'arrêter les sectionnaires Lepelletier, au couvent des filles Saint-Thomas, à Paris, enhardirent ces réactionnaires, augmentèrent le nombre de leurs partisans; aussi, le lendemain, osèrent-ils attaquer la Convention, aux Tuileries, avec 40,000 hommes armés.
Le 13, Bonaparte adopta pour ligne de défense, autour de la Convention, la Seine, depuis le pont Louis XV jusqu'au Pont-Neuf, le Louvre, les débouchés de la rue Saint-Honoré depuis la rue de Rohan jusqu'à la place de la Concorde; il repoussa, il foudroya, avec l'artillerie et les 5,000 hommes de l'armée conventionnelle, cette émeute qui attaquait imprudemment par colonnes compactes de 4.000 hommes.
Pendant la nuit, il empêcha, par quelques volées de coups de canons, l'élévation des barricades que tentèrent de construire les moins découragés; le peuple, ouvrier ordinaire des barricades, n'appuyait pas ce mouvement contre-révolutionnaire.
Le 14, la section Lepelletier fut désarmée.
Dans ces journées, Bonaparte n'hésita pas à prendre parti pour la Convention, malgré ses odieux excès antérieurs. Il comprit, qu'entre un pouvoir existant, qui avait traversé les plus redoutables crises, et une masse agitée sans union, sans influence dans le pays, le salut de la France ne permettait pas d'hésiter.
Le commandement de l'armée d'Italie fut la récompense de cette haute pensée d'ordre à laquelle il demeura toujours fidèle, même aux dépens de son pouvoir, dans les phases les plus diverses d'une prodigieuse existence; de tous ses lauriers, celui de vendémiaire ne fut pas un des moins utiles. La postérité remarquera qu'il le cueillit au commencement de sa carrière, à l'aide d'un coup d'œil et d'une énergie également exceptionnels. Ce début résume tout ce qui, dans cette grande nature, restera le plus cher à la France et à la civilisation.
La gloire militaire de Napoléon sera sans égale, et cependant la postérité admirera encore plus son génie politique: il révèla à un siècle égaré les éternelles conditions du pouvoir et des sociétés; et rien ne marche encore que par ce qui reste de sa vigoureuse impulsion.
Jamais chef d'État n'eut, contre l'anarchie, une soudaineté, une vigueur de résolution, des colères, des antipathies égales aux siennes: son exceptionnelle nature repoussait énergiquement toutes les impuretés des aberrations humaines, attirait, élevait à elle ce qui était vrai, utile, grand et beau.
Les rois l'ont abattu et persécuté: mais sa mémoire restera le dieu Lare du foyer populaire; tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit y sera, de génération en génération, admiré et cru. Le peuple, dérouté par les mauvais exemples et les mauvaises leçons du siècle, n'ayant plus de foi que pour Napoléon, ne connaîtra d'idées nobles et sensées que celles de son héroïque légende. Sophistes qui conduisîtes l'Europe à l'anarchie et à la ruine, expliquez le double mystère de cette mission et de cette popularité également providentielles.
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27. Le 1er mai 1808, les gens de la campagne, accourus dans Madrid, se joignirent aux groupes nombreux de mécontents, surtout à la Puerta del Sol, grande place centrale qui lie les rues principales de Mayor, d'Alcala, de Montera, de Las Carretas; quelques escadrons de dragons maintinrent cette multitude.
Le 2 mai, malgré les dispositions de la junte, Murat persista à faire partir le reste de la famille royale; la vue d'un aide-de-camp français, envoyé pour la complimenter, fut le signal d'une rixe qui bientôt excita un soulèvement universel.
Les révoltés firent main basse sur les militaires isolés, qui, nonobstant les ordres de l'Empereur, étaient dispersés, soit dans les maisons de la ville, soit en corvée.
Murat monte à cheval, se place, avec la cavalerie de la garde, en dehors des quartiers populeux, derrière le palais, près de la porte par laquelle devait arriver une des divisions extérieures, sur une position dominante, d'où il sera libre de déboucher dans toutes les directions.
Il fait entrer en ville et marcher sur la Puerta del Sol, par les principales communications, les différents camps extérieurs ou corps cantonnés à la circonférence.
Ces colonnes, venant à la rencontre l'une de l'autre, avaient rejeté sur la place centrale la multitude furieuse, n'ayant même plus la liberté de fuir. La cavalerie de la garde la dispersa.
La foule repoussée se réfugia dans les maisons et tira par les fenêtres; les troupes firent des exécutions. La lutte la plus opiniâtre eut lieu à l'arsenal; une partie de la garnison espagnole y était renfermée avec ordre de ne pas combattre. Des insurgés s'y portèrent, firent feu sur nos troupes, et le corps des artilleurs espagnols se trouva malgré lui engagé.
L'attaque, à découvert, d'un édifice d'où partait un feu vif de mousqueterie, nous coûta quelques hommes; nos soldats débusquèrent les défenseurs, et l'arsenal fut pris, avant que le peuple pût s'emparer des armes et des munitions.
En deux heures, cette redoutable émeute fut ainsi réprimée, mais non sans carnage; d'abord, à l'hôtel des Postes, une commission militaire faisait fusiller les paysans pris les armes à la main; la cavalerie, dans la campagne, n'accordait aucun quartier aux fuyards, les ministres espagnols et le chef d'état-major français firent cesser le combat partout, et les premiers obtinrent la fin des exécutions.
Cette journée ôta à la populace de Madrid tout espoir de résister, même à nos jeunes soldats dirigés par de vieux cadres. L'un des infants dit le soir à Murat: « Enfin on ne nous répétera plus que des paysans armés de couteaux peuvent venir à bout de troupes régulières. » Les insurgés avaient perdu 400 hommes, les Français 100 soldats; mais une exagération salutaire donnait à cette journée plus d'importance; dès cet instant Murat aurait pu tout oser. Le lendemain, il fit partir sans difficulté le reste de la famille royale.
Le 4 décembre 1808, Napoléon reprit Madrid que le roi Joseph avait évacué le 2 août.
Mais, se bornant à cantonner militairement son armée dans les principaux quartiers de la ville et surtout dans les couvents; à faire opérer un désarmement général, il resta, lui et son frère, à deux lieues au dehors. Son intention était de réduire cette capitale, sous un long régime d'état de siége, avant d'y laisser rentrer le roi Joseph, dont le gouvernement n'aurait pu s'établir convenablement au milieu de l'anarchie.
Il organisa, comme noyau d'armée espagnole, 16,000 soldats d'élite presque tous étrangers.
La hauteur du Buen-Retiro fut entourée d'une enceinte, dont le parc et la fabrique de la China formaient le réduit fortifié. Celui-ci renfermait un hôpital, des magasins de matériel et de vivres considérables; le tout devait exiger une attaque régulière.
Le 22 janvier 1809, mais après les succès de la Corogne et d'Uclès, alors que l'insurrection paraissait définitivement abandonnée et vaincue, Joseph fit son entrée dans Madrid à la tête des plus belles divisions françaises.
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28. En juillet 1830, le gouvernement avait un excès de confiance; l'apparition de la troupe, jusqu'alors, avait suffi pour dissiper les plus forts rassemblements; il ne prit pas toutes les dispositions indispensables pour pouvoir tenir pendant plusieurs jours, contre une rébellion armée, au milieu d'une population généralement mal disposée; position dont personne, pour ainsi dire, n'avait encore vu d'exemple, et que l'histoire seule pouvait faire supposer possible.
Le 26 juillet 1830, des piquets commandés à la hâte par les premiers officiers qui se trouvèrent dans les casernes, furent s'établir dans les différents quartiers de Paris; ils y passèrent la nuit, sur le qui-vive et sans provisions; pendant ce temps, les curieux et mécontents s'assemblèrent et s'excitèrent autour d'eux; on brisa les réverbères et les insignes de la royauté.
Le lendemain, l'autorité, ne voyant encore qu'une émeute et non une révolution, fit soutenir ces différents piquets par des détachements d'autres corps, au fur et à mesura des progrès de la révolte et des demandes de la police.
Les mécontents élevèrent, dans tout Paris, un nombre infini de barricades; ils séparèrent, ainsi, ces différents petits détachements, entre eux, de l'état-major général, des vivres, des munitions, des casernes ou des mairies, et les annulèrent entièrement.
Le 28, le pouvoir, au lieu de rallier ses débris dans le grand quartier militaire formé par le Louvre, les Tuileries, le Palais-Royal, les casernes du quai d'Orsay, Babylone, les Invalides, l'École militaire et le Trocadéro, pour y attendre les autres troupes de la 1re division, ainsi que le camp de Saint-Omer, et pour profiter plus tard des embarras de l'insurrection, battit en retraite sur Versailles et Rambouillet.
Le roi Charles X pouvait prendre une bonne position autour de Paris; soit sur la basse Seine à Saint-Denis, Courbevoie et Saint-Cloud; soit au-dessus de la capitale; suit sous le canon de Vincennes; il pouvait également se retirer sur la Loire, comme le fit Henri III en 1588, en une circonstance pareille. Sa position, au dehors de la capitale, au moment de la révolte, lui assurait de grands avantages.
Dans l'un ou l'autre cas, il eût causé de sérieux embarras au nouveau gouvernement, ou plutôt à la révolte que celui-ci allait avoir à combattre; la province suivit le mouvement de la capitale, et l'armée bientôt s'affaiblit. L'affaire de Rambouillet précipita une conclusion dès lors inévitable.
Des quatre fautes qui amenèrent cette catastrophe, deux, le manque d'approvisionnements et de prévoyance; l'inaction du roi Charles X pendant, ou plutôt, après l'émeute, sont le fait du gouvernement.
Les deux autres sont militaires; mais la première ne pourrait être reprochée au maréchal Marmont sans injustice. Ce chef, après le dévouement dont il fit preuve, fut blâmé; il se serait bien autrement exposé à cette disgrâce, si renonçant, comme l’expérience le conseillerait aujourd'hui, en pareille circonstance, à maintenir la tranquillité, à assurer la vie et les propriétés des citoyens, ainsi que l'exercice de l'autorité royale dans tout Paris à la fois, il s'était borné, en attendant l'arrivée des renforts, à occuper militairement la partie la plus importante de la capitale, et, selon les circonstances, à offrir, pour les autres quartiers, son appui aux détachements de gardes nationaux disposés à faire leur devoir en maintenant l'ordre.
Cette dernière tactique sauve également des inconvénients dans lesquels tombèrent Henri III en 1588, qui, en défendant le centre du gouvernement, s'y laissa bloquer; et Marmont en 1830, qui, voulant tout contenir, ne fut assez fort nulle part; justifiée par les événements de Lyon, en 1831, elle doit être suivie, dans un grand nombre de cas avec les précautions qui seront indiquées.
Quoi qu'il en soit, cette révolution allait être, pour elle-même, le plus dangereux précédent, si elle ne pouvait pas réduire à l'impuissance les idées anarchiques.
29. L'émeute qui eut lieu à Bruxelles, du 22 au 26 septembre 1830, donne lieu aux observations suivantes:
Le 22, une division hollandaise de 12,000 hommes, arrivée en vue de la ville, ne profita pas de l'imprudence que commirent les révoltés d'aller au-devant d'elle: cette division pouvait attirer les insurgés à une affaire décisive et les envelopper.
On négligea de s'emparer des portes ou de les masquer; l'arrivée des secours entretint le moral des rebelles, et décida, le 27, l'évacuation de la ville.
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30. En novembre 1831, le lieutenant général Roguet, ayant à combattre, à Lyon, avec peu de troupes, à la suite des journées de juillet, une première et sérieuse insurrection, rallia ses forces, par une sortie vigoureuse à travers le faubourg Saint-Clair, sur la position de Montessuy.
Il maintint l'honneur du drapeau, prit sur lui de donner des ordres aux troupes et gardes nationales des divisions voisines, les fit converger sur Lyon en poste ou en bateau à vapeur, et réunit du grands moyens contre l'insurrection bientôt effrayée de son isolement.
Peu de jours après, le duc d'Orléans put rentrer, avec une véritable armée, dans la ville déjà soumise.
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31. Lors des émeutes des 5 et 6 juin, les premières qui, à Paris, menacèrent le Gouvernement de juillet, un ministre exprimait au conseil ses inquiétudes; quelqu'un proposa de signer l'ordre suivant: « Le maréchal Lobeau, investi du commandement supérieur de toutes les forces réunies dans et autour de la capitale, est chargé, sur sa responsabilité, d'y rétablir l'ordre. » La signature apposée, on dit: Maintenant il n'y a plus rien à faire .
L'émeute fut vigoureusement comprimée, nonobstant des fautes de détail et l'apparition inquiétante de quelques groupes hostiles de gardes nationaux, vrais ou supposés. Le roi saisit habilement le moment de sa rentrée dans Paris et la rendit décisive.
Dans ces journées et celles qui successivement menacèrent l'existence du Gouvernement de juillet, celui-ci fut chaque fois sauvé grâces aux circonstances suivantes:
1° Unité de commandement militaire dans la 1re division;
2° Concours de la majeure partie de la garde nationale;
3° Lassitude dans la bourgeoisie de tous genres de troubles, par suite de la révolution de juillet, encore trop récente, et aux périls de laquelle on avait miraculeusement échappé;
4° Défaut de prétexte plausible pour l'émeute qui voulait évidemment une révolution et ne savait pas neutraliser, égarer la population, en masquant ses projets;
5° Intervention utile, au moment décisif, du roi et des princes;
6° Enfin, l'ascendant de la vieille expérience du maréchal Soult et de toutes les traditions militaires qu'il représentait.
«Le gouvernement ne doit pas dédaigner des troubles qui ont déjà plusieurs fois eu lieu sans danger; quoique tout nuage n'excite pas une tempête, il en viendra, s'il en passe beaucoup, enfin un qui crèvera et donnera le vent.
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32. L'émeute de Clermont-Ferrand, dans les journées des 9, 10 et 11 septembre 1841, donne lieu aux remarques suivantes:
Le 9, à 6 heures et demie du soir, une compagnie du 16e léger, chargée de protéger l'opération du recensement contre 200 factieux, reçoit prématurément l'ordre du faire feu; des gardes nationaux, mêlés aux groupes pour les calmer, sont atteints. La population exaspérée se prépare au combat, qui commence le lendemain matin.
Le 10, à midi, les 1,200 hommes du 16e léger et les dragons se concentrent et se barricadent autour de la préfecture, de la mairie, sur les places de la Poterne et d'Espagne. L'absence de postes aux barrières, de patrouiller dans et autour de la ville, permet l'entrée des paysans des environs; une barricade est élevée de la maison Uscale, à la Petite-Fontaine.
Pendant le combat, de 6 heures du soir à minuit, la troupe ne perd que la position de la poudrière.
Les insurgés établissent des postes chez les boulangers de la ville basse, et songent à couper l'eau à la ville haute. Dans leurs attaques infructueuses, ils ont 50 tués et 100 blessés.
Le 11, après quarante-huit heures de pillage, les insurges abandonnent la ville et se retirent dans deux villages voisin. Le lendemain, la troupe reprend toutes les positions évacuées.
De l'infanterie et de l'artillerie furent envoyées de Lyon et de Bourges; les troubles de Moulins, Mâcon et Châlons, empêchèrent les garnisons de ces villes d'arriver.
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33. Pendant la lutte, plus politique que militaire, mais si sérieuse de février 1848, on remarque un concours de circonstances fatalement décisives.
Une revue étrangère, bien informée, a traité ce sujet de manière à ne plus laisser rien à dire de nouveau après elle. Nonobstant son point de vue particulier, nous la prendrons pour guide, chaque fois que nous aurons il parler des mêmes événements.
Elle a signalé, avant tout, une prospérité inouïe qui, exaltant les ambitions et poussant chacune au delà des limites de la prudence, avait amené un véritable malaise dans les affaires.
Un nombre d'ennemis, et parmi lesquels de très-redoutables, successivement grossi d'année en année, par tant d'ambitions non satisfaites.
Peu pour défendre résolument le présent, quelque riche d'avenir qu'il fût; beaucoup trop pour l'attaquer. Chez tous, un vague et inexplicable désir d'innovation.
Ensuite, on a remarqué le défaut d'unité dans le commandement de toutes les forces militaires réunies à Paris.
La moins bonne partie de la garde nationale s'assembla d'abord et devint maîtresse des plus importantes positions; le reste, abandonné aux menées des partis, passa successivement de l'inquiétude à l'indifférence, de celle-ci à la turbulence ou à l'hostilité.
De graves changements dans les commandements militaires les plus importants, intempestivement faits, au moment le plus critique, quant au personnel et aux circonscriptions.
Une succession rapidement fatale de ministres et de commandants de la garde nationale, qui n'eurent même pas le temps d'agir et de se faire connaître.
Un moment, le Roi veut rallier son gouvernement, son armée autour de
Vincennes: heureuse pensée qui n'est pas suivie.
Un changement de règne, dans une pareille crise, devait immédiatement briser, disperser tous les pouvoirs, décourager les plus fermes dévouements; la prépondérance, que le roi exerçait autour de lui, ne pouvait alors être ni déléguée, ni suppléée, ni supprimée.
On sait comment fut accueillie la courageuse démarche de la duchesse d'Orléans, du duc de Nemours et des deux jeunes princes: dans cette heure solennelle, un groupe d'inconnus, d'étrangers peut-être, dispose de la société surprise.
La chambre, cornue tous les pouvoirs légaux, devait être méconnue tant qu'elle resterait sous la pression de l'émeute; il était urgent de s'y dérober; il fallait suivre cette autre pensée de rallier l'armée à Saint-Cloud; un fatal et généreux espoir entraîna la monarchie.
Au milieu de si graves événements, on ne fut pas assez en rapport avec les populations.
On a aussi constaté le défaut d'approvisionnements nécessaires; le long stationnement des troupes au milieu des rassemblements; leur emploi en fortes colonnes isolées, sans les points d'appui indispensables.
Enfin, ajoute-t-on, une pensée générale d'opposition, dans le but d'arracher quelques réformes à un Gouvernement qu'on ne voulait pas renverser, mais d'autant plus violemment attaqué qu'on le croyait inébranlable; pas assez de croyance au droit, ou plutôt au devoir de résister à l'anarchie; beaucoup trop de confiance dans la force de la légalité et dans la raison du pays.
«Le prince ne doit pas mesurer le danger sur la justice des motifs qui ont aliéné les esprits, ce serait supposer au peuple plus de raison qu'il n'en a: souvent il regimbe contre ce qui peut lui être le plus utile.»
Ce Gouvernement s'est manqué à lui-même, par trop de confiance dans ses bonnes intentions et dans l'évidente nécessité de son existence; il eut, d'ailleurs, le tort grave de prendre au sérieux le régime constitutionnel dans un pays où, à de certains jours, rien ne paraît être sérieux.
Mais, a-t-on dit, pourquoi chercher les causes d'une catastrophe qui restera inexplicable?
Une royauté paraissait forte par sa tête, par ses rejetons, par son avenir, par les principes divers qu'elle représentait, par sa nécessité, par une armée, des ministres, des généraux également éprouvés; cette royauté, dont l'origine remontait aux premiers âges de notre monarchie, et qui rappelait à la France ses plus grandes splendeurs, avait fait trôner auprès d'elle, pendant 18 années de prospérité inouïe, les principes les plus sages de la bourgeoisie: en trois jours elle fut jetée aux abîmes.
La postérité aura peine à le comprendre; les contemporains, pour qui l'instabilité était devenue habitude ou besoin, en sont eux-mêmes encore étonnés.
Les chefs des peuplades sauvages ont d'autant plus d'inquiétude et de vigilance que leurs tribus sont plus prospères; que les récoltes, que les troupeaux sont plus riches; ils disent alors: Méfie-toi, la prospérité, c'est l'ivresse : On s'est demandé s'il devait en être de même des peuples civilisés?…
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34. Lors de l'émeute de juin 1848, toutes les forces avaient d'abord été concentrées près des Invalides, à l'extrémité du quartier militaire de la capitale, sans détachements dans les faubourgs Saint-Antoine, Saint-Marceau et Saint-Denis, comme centres extérieurs de résistance; les approvisionnements de combat étaient insuffisants; la lutte fut sanglante.
Grâce au pouvoir unique et respecté de l'Assemblée, au péril évident qui menaçait la société, à de nobles dévouements dans l'armée et la garde nationale, à la précision, à la vigueur des opérations, à l'élan des provinces, le succès définitif resta assuré.
L'arrivée d'un grand convoi de munitions fut décisive.
Pour ces divers motifs, vu les circonstances et le faible effectif des troupes au premier moment, cette concentration, sur l'opportunité de laquelle les militaires et les hommes d'état seront souvent partagés, fut peut-être utile; ces journées eurent, d'ailleurs, après celles de février une immense portée. Honneur aux généraux et aux soldats! Honneur à tant de victimes du plus noble devoir!
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35. L'émeute du 13 juin 1849, si heureusement comprimée, prouve que le plus souvent ces sortes de mouvements commencent par une grande démonstration; une colonne se porte, avec un drapeau ou à un certain cri de ralliement, à un lieu convenable pour faire éclater la révolte.
Attendre cette colonne à l'endroit choisi pour couronner la manifestation; chercher à résister de front à une masse qui se grossit en avançant de toute la foule des curieux, et dont la force morale peut devenir irrésistible au terme, serait une faute.
Il faut charger transversalement sur ses flancs allongés; une double masse, composée de cavalerie en tête et d'infanterie, débouche d'une rue latérale; chaque colonne rabat sur l'un des deux côtés, et refoule la moitié séparée jusqu'à une bonne position, dont on occupe toutes les avenues; La cavalerie charge au milieu; l'infanterie l'appuie à droite et à gauche.
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36. Ces luttes, quelquefois usitées chez les anciens, très-souvent au moyen-âge, sont devenues plus sérieuses aujourd'hui, par suite de l'usage des armes à feu; du grand nombre de grosses voitures, barricades roulantes en circulation dans les grandes villes; de la nature du pavage des rues et des constructions qui les bordent; du système de recrutement qui jette chaque année, en dehors des armées, la partie la plus militaire de la population dès-lors déclassée; de l'extension exagérée de l'industrie; de la misère accidentelle qu'elle occasionne, dans des masses agglomérées d'ouvriers de même état; d'un luxe surabondant d'aspirants aux fonctions publiques de tous les degrés; mais, surtout, d'une centralisation imprudente et de l'affaiblissement graduel de tous les pouvoirs.
De l'examen de chacun des faits précédents résultent des principes généraux et la nécessité de les modifier selon les circonstances.
Nous essaierons de tenir compte de ces graves enseignements. Problème difficile, important, digne des méditations des hommes d'état, des militaires et des amis de l'humanité, non dans l'intérêt de la France mais de l'Europe: la première a eu trop à souffrir des révolutions pour désormais s'y exposer.
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Heureuse la nouvelle génération européenne, si le hideux tableau des luttes intestines, des excès barbares des âges passés; si le souvenir plus saisissant des jours néfastes qui l'ont vu grandir, pouvait la dégoûter, pour longtemps, de l'anarchie, et rendre oiseuse toute préoccupation à l'égard des moyens de prévenir ou de réprimer les désordres de la guerre civile.
Différents partis à prendre en cas d'émeute.
§ 1er.
37. Selon l'état moral de la troupe, de la garde nationale, de la population, des provinces, des insurgés; selon les desseins avoués ou secrets des factions, les forces respectives de tous, la nature du théâtre de la lutte, la position du Gouvernement vis-à-vis les pouvoirs légaux et l'étranger, il y a quatre partis différents à prendre, de prime-abord, en cas de révolte.
1° N'évacuer aucun quartier, réprimer partout l'émeute;
2° Occuper un quartier militaire, sauf à agir ultérieurement au dehors de ce grand réduit;
3° Concentrer toutes ses forces dans une position extérieure, contiguë, dominante;
4° Se replier sur une place voisine pour revenir, avec toutes les forces réunies, contre la capitale.
38. Le premier parti est ordinairement suivi; c'est le plus naturel: celui que conseillent à la fois l'humanité, la politique et les devoirs imposés à un Gouvernement dans sa capitale.
Le plus souvent, il restreint l'insurrection et ses ravages; il permet d'éviter, dans tout le pays, une commotion sanglante; il empêche les dévouements de faiblir, les moyens répressifs d'échapper; il couvre mieux le Gouvernement menacé, en s'opposant directement à l'installation des pouvoirs révolutionnaires: nous nous en occuperons spécialement dans ce mémoire.
Avant de s'arrêter à ce premier parti, il faut bien examiner la situation, peser toutes choses et leurs conséquences; les émeutes deviennent chaque jour plus fréquentes, redoutables et décisives.
Il faut savoir si l'on peut, si l'on veut livrer bataille à l'intérieur, partout ou se présentera la révolte; si l'on est sûr de rester toujours calme au milieu du dédale immense des différents quartiers hostiles; en présence des vagues frémissantes d'une population follement impressionnable, qui sera, dans de certaines circonstances, à la suite, à la discrétion apparente ou réelle des partis les plus audacieux; si l'on doit compter sur l'inébranlable solidité de la troupe, même au delà de l'heure suprême; si la nature de la ville, les communications et obstacles qui la traversent, les positions qui y existent, facilitent la lutte; si une trop grande concentration ne donnerait pas plus de force et d'audace à l'insurrection que de chances à la répression; si le pouvoir sera certain de rester toujours un et fort; si, au milieu des surprises, des péripéties qui vont augmenter ses embarras, il ne sera pas exposé à laisser échapper ses moyens d'action les plus essentiels et jusqu'à l'autorité suprême.
Dans une ville de province, où l'existence du Gouvernement ne peut être mise en question, et plus encore dans toute ville étrangère, différentes circonstances pourraient faire rejeter ce parti comme anti-militaire, si la question d'humanité ne devait pas le plus souvent dominer.
39. Le second parti, c'est-à-dire la concentration dans et autour d'un grand quartier militaire, est plus conforme aux règles spéciales de la guerre; différentes circonstances, détaillées précédemment, peuvent le faire préférer, même au point de vue politique; il est moins exclusif, moins absolu; il n'abandonne pas entièrement la population à tous les écarts et à toutes les influences.
Ce parti se prête d'ailleurs merveilleusement, pendant la lutte même, aux modifications devenues désirables, soit pour passer au premier plan, soit pour adopter successivement les deux derniers; il permet de tenir compte de toutes les éventualités et circonstances ultérieures, si variables, si imprévues.
Il serait dangereux, inhumain et souvent inutile d'en venir de suite, sans une impérieuse nécessité évidemment démontrée par l'insuccès des premiers plans successivement et sérieusement essayés, au parti extrême de l'évacuation complète, du blocus et du bombardement; il faut se résoudre à combattre énergiquement, dans la ville même, et s'organiser de longue main en conséquence.
40. Ce système de défense doit être adopté par une garnison inférieure, chargée de maintenir une population nombreuse, en s'appuyant à une position intérieure fortifiée, d'où elle peut donner la main aux amis de l'ordre.
Si elle abandonnait la ville, ses forces affaiblies, en s'éloignant de la citadelle et de ses partisans, éprouveraient de grandes pertes au milieu d'une masse d'insurgés rapidement accrue sur la ligne de retraite: les plus graves désordres seraient commis dans la ville évacuée.
41. Ce parti et le précédent sont les seuls à prendre, à l'égard de toute ville amie ou ennemie fortifiée d'une enceinte continue, derrière laquelle l'insurrection pourrait longtemps se défendre, avec des approvisionnements et moyens suffisants.
Ils sont encore les plus convenables, malgré l'existence et la possession des forts dominants les rares issues de cette enceinte et toutes les avenues du la ville.
42. Dès que les attroupements menacent d'une émeute, la garde nationale a dû faire d'abord ses efforts pour éloigner cette triste éventualité; elle tient bon, et se replie, en cas de nécessité, sur les casernes et mairies.
Pendant ce temps, la troupe de ligne disposée, dès le premier bruit, à prendre les armes, et restée jusque-là au repos, sort de ses casernes pour occuper militairement le quartier de la ville le plus favorable.
Elle prend position à l'intérieur des principaux établissements qui s'y trouvent, et où ont été rassemblés des approvisionnements de vivres, de munitions et de tout ce qui est indispensable pour faciliter la défense ou l'attaque dans ce genre de guerre.
* * * * *
43. Le quartier militaire de défense choisi doit, autant que possible, dominer le reste de la ville et le dehors; communiquer facilement avec eux sans défilés intermédiaires; être à cheval sur les obstacles qui traversent la cité; renfermer le centre du gouvernement, les grandes administrations, les principaux magasins de vivres et de munitions ou, au moins, les couvrir; isoler les uns des autres les différents arrondissements insurgés; communiquer directement avec la capitale ou avec les villes et contrées principales d'où l'on peut être secouru.
Il serait à désirer qu'il fût séparé de la partie de cité non occupée par une enceinte d'obstacles ou de grandes communications faciles à garder; et qu'il isolât, d'avec le dehors, les arrondissements abandonnes ou révoltés.
La surface du quartier militaire doit être le tiers ou le quart, au moins, de celle de la ville.
Les flancs de l'enceinte de séparation, difficiles à tourner, seront convenablement appuyés à de fortes positions extérieures dominantes, le tout afin de pouvoir agir dans les diverses directions, et d'éviter d'être bloqué ou refoulé.
44. Dans le même but, et suivant que la ville a 100,000 âmes ou 1,000,000 d'âmes de population, 500 ou 5,000 hectares de superficie, il est presque toujours nécessaire d'occuper, au milieu de la partie non gardée, à 800 ou 1500 mètres en avant, par des détachements de 1/2 bataillon à 2 bataillons de ligne, renforcés, s'il y a lieu, à l'aide des gardes nationaux de l'arrondissement, trois positions importantes, fortes et approvisionnées: ces avancées devront, autant que possible, dominer les principaux défilés que forment les obstacles transversaux.
S'il existe un quartier populeux et hostile plus en dehors de cette ligne avancée, il est même utile d'y occuper, au centre, par un détachement pareil, un poste dominant, fort et approvisionné, où peuvent se rallier également les gardes nationales des environs.
Ces trois ou quatre positions extérieures au quartier militaire forment, dans la partie de ville non entièrement occupée, un réseau de centres d'action pour les retours offensifs, espacés de 500 à 1500 mètres l'un de l'autre, suivant que la ville a 100,000 âmes ou 1,000,000 d'âmes de population; elles sont surtout utiles contre une insurrection qui fait usage des barricades: elles retardent l'établissement de celles-ci, ou donnent le moyen de les tourner toutes lorsque l'on reprendra l'offensive.
Les défilés existants, sur les communications de ces établissements avec le gros de la garnison, seront également gardés.
Les mairies, la manutention, les télégraphes, l'arsenal, la poudrière, la poste, et même les messageries, pourraient être ainsi occupés comme postes extérieurs. On choisira, parmi ces édifices, les plus importants par eux-mêmes et par l'avantage de leur situation.
Si, nonobstant le concours des gardes nationaux, la conservation de quelques-uns de ces établissements principaux, affaiblissait la troupe en exigeant un trop grand fractionnement de forces, on réduirait ces postes extérieurs au strict nécessaire.
Mais il faudrait, autant que possible, avant d'évacuer les édifices les moins utiles à la défense, rallier la garde nationale de l'arrondissement; transporter dans le quartier militaire, ou au moins détruire tout ce dont les révoltés pourraient profiter, voitures, bateaux, moyens de transport, de correspondance ou de combat.
La majeure partie des gardes nationales seront successivement dirigées, par détachements suffisants, sur des positions à occuper en arrière de la troupe de ligne.
45. Si G représente le chiffre de la garnison qui était nécessaire dans la ville, pour y combattre partout l'émeute, conformément au premier plan, l'effectif de la troupe indispensable dans cette seconde hypothèse sera 1/8 G plus 2 à 8 bataillons, en général, la moitié de la garnison précédente.
L'effectif de la troupe détachée au dehors du quartier militaire variera du tiers à la moitié au plus des forces totales.
46. Le troisième parti, la concentration dans une position dominante, extérieure et contiguë, tient à la fois du second et du quatrième.
Par les motifs précédemment exposés, on ne peut soutenir la lutte à l'intérieur: la garde nationale est momentanément indifférente; l'évacuation complète offre plus d'avantages que d'inconvénients sous les rapports politiques et militaires. Une fois ce parti pris, la position de la garnison doit chaque jour s'améliorer, et celle de l'insurrection devenir plus difficile: cette révolte, restreinte dans la ville à une faction, n'a pas de racines au dehors; elle a été le résultat passager, imprévu, d'une excitation, d'une surprise, d'une erreur accidentellement partagée par une population entière, faible ou aveuglée, mais que ses véritables intérêts doivent bientôt ramener. De quelque manière que ce soit, cette insurrection renferme des germes de faiblesse et de dissolution: le parti de la révolte veut et peut empêcher la violation des personnes et des propriétés; c'est alors le cas, pour le Pouvoir, d'abandonner momentanément la capitale aux habitants; de rallier les forces militaires, avec tous les moyens d'action, dans une position extérieure, contiguë et dominante.
Là, il fait appel à la raison du pays entier bientôt éclairé par l'audace et les excès de la faction un instant victorieuse: celle-ci, promptement réduite à ses faibles ressources, effrayée de son isolement, laissera la population rappeler le Gouvernement.
47. On ne doit prendre ce parti extrême, dans sa propre capitale, qu'en cas de nécessité absolue et bien évidente pour tous.
À l'égard d'une ville de province, et surtout d'une ville ennemie, ce parti est plus souvent admissible.
Si, en février 1848, le dernier Gouvernement s'était retiré, avant l'abdication du roi, à Chaillot, dans l'anse de la Seine limitée par la route de Neuilly, en conservant le Champ de Mars, l'École militaire et les Invalides, comme tête de pont offensive, sur la rive gauche du fleuve, il eût peut-être sauvé la monarchie, sans avoir même besoin d'occuper d'autre position extérieure et voisine que Vincennes.
* * * * *
Des hommes d'état, dont nous allons résumer ci-dessous les idées, avaient pensé que ce parti extrême de l'évacuation, tout décisif qu'il est contre une émeute, ne doit être pris, même dans une ville de province, qu'en cas d'une absolue nécessité et dans les circonstances exceptionnelles suivantes:
1° Alors que la collision, n'ayant pas de couleur politique, doit naturellement cesser après l'exaspération passagère qui y a donné lieu.
2° Quand la révolte, abandonnée à elle-même, pourra mieux juger les difficultés de sa position et les conséquences de ses excès.
3° La faiblesse numérique d'une garnison cernée au milieu d'une population nombreuse, moitié exaspérée et hostile, moitié indifférente ou terrifiée.
4° La chance, soit de périr faute de vivres, de munitions et de communications avec le pouvoir central ou les secours; soit de compromettre l'honneur du drapeau; soit de faiblir ou de succomber, au milieu d'un débordement de flot révolutionnaire, à l'influence duquel il est urgent de se soustraire, sont aussi des motifs pour évacuer le théâtre de la lutte.
49. Ce parti, bien hasardeux dans une capitale, doit être pris vigoureusement et non comme une fuite, présage d'une chute définitive par l'affaiblissement de tous les dévouements, la dispersion de tous les pouvoirs, l'abandon de tous les moyens d'action.
On l'adoptera comme le meilleur dans la circonstance et pour mieux vaincre par des moyens extrêmes, imprévus, décisifs, la rébellion à laquelle il sera utile de montrer ses forces et son énergie, même en se retirant. Il ne sera pas alors sans compensation que des raisons politiques et militaires engagent à prendre une direction difficile, sur laquelle le drapeau aura l'occasion de se déployer intact.
50. Cette condition fut remplie lors de la retraite de la petite garnison de Lyon, en novembre 1831, sur l'importante position de Montessuy, à travers le faubourg Saint-Clair, position principale d'une émeute redoutable.
Alors on fut étonné que le général Roguet, au lieu de passer sur la rive gauche du Rhône, ait préféré traverser le plus fort de l'insurrection pour établir de suite son camp au sortir de la ville. Cette position menaçante avait, dans la situation des choses, quelques inconvénients: mais elle imposa de suite aux rebelles, dès ce moment affaiblis par la crainte, l'indécision et la division; elle releva immédiatement le moral des troupes convaincues, dès lors, qu'on ne s'était ainsi placé que pour mieux dominer l'insurrection et la combattre, à l'aide des secours que l'on pourrait appeler à soi, des instructions que l'on serait en mesure de recevoir du Gouvernement: en pareille circonstance, le défaut de communications est toujours embarrassant et souvent décisif.
51. Il était nécessaire d'insister sur le très-petit nombre de cas exceptionnels où, d'après cette autre manière de voir, le parti extrême de l'évacuation peut être approuvé; et nous continuons à développer cette opinion.
Dans des cas différents, et même dans ceux où ce parti peut avoir les plus graves conséquences, on aurait cependant failli le prendre mal à propos.
Ainsi le principe émis par le maréchal de Montluc, au sujet de l'affaire de Toulouse en 1562, qu'en fait d'émeute il vaut mieux être dehors que dedans, pour y faire acheminer les secours , souffrirait des exceptions, selon les circonstances morales et politiques, surtout à l'égard des capitales des états complètement centralisés, où le principe du pouvoir a perdu des appuis essentiels.
52. En résumé, toute émeute de province peut souvent être ainsi comprimée.
Victorieuse ou vaincue, elle tendra les bras au pouvoir après quelques jours: le sang et l'honneur militaires auront été épargnés, si la troupe s'est bornée à cerner la position et à l'observer du dehors: les propriétés seules seront violées.
53. Une capitale ne doit être jamais abandonnée devant une émeute; on l'évacuera quelquefois en présence d'une révolution imminente.
Il ne faut quitter qu'à la dernière extrémité le bras de levier avec lequel on ébranle les provinces, encore moins le céder aux factions: un mouvement rétrograde donne aux révoltés 50,000 auxiliaires, un gouvernement et de puissantes ressources; il expose aux plus grands désastres.
54. En principe, chaque garnison ou fraction de troupe doit défendre, jusqu'à la dernière extrémité, la position qu'elle occupe et sauver à la fois, même au prix des plus grands sacrifices, la société et l'honneur militaire en péril.
Il faut surtout ne pas songer à une retraite avec une garnison nombreuse et bien établie, vis-à-vis de factieux mal armés, mal commandés, sans sympathie dans la population.
Enfants perdus d'un parti politique lui-même isolé, quelques hommes remuants deviendraient, au premier pas en arrière, le noyau de rassemblement d'une armée entière, bientôt grossie par la peur ou par un entraînement coupable. L'effet de cette reculade serait irréparable, surtout à l'égard d'une capitale où un gouvernement improvisé s'imposerait de suite.
Telles étaient les appréhensions, les vues différentes qui faisaient généralement préférer, aux hommes d'état dont nous avons parlé, le premier et le deuxième parti; le troisième n'était adopté par eux que pour le cas le plus extrême.
* * * * *
55. Mais la marche générale et toute exceptionnelle des choses, en Europe, la puissance destructive des partis hostiles à la société, l'insouciance, les divisions des hommes d'ordre, peuvent donner lieu, il est vrai accidentellement, à une tout autre série de considérations.
Les grandes capitales ont toujours été les places fortes de l'esprit révolutionnaire: aujourd'hui, par suite d'une centralisation chaque jour progressive, et du rendez-vous que s'y donnent successivement les plus mauvaises passions de tous les pays, on les regarde comme un péril incessant pour les gouvernements, les nationalités et les principes sociaux.
«Un grand empire suppose une influence despotique dans celui qui gouverne (prince, ville ou province); il faut que la promptitude des résolutions supplée à la distance des lieux où elles sont envoyées; que la crainte empêche la négligence du gouverneur ou du magistrat éloigné; que la loi soit dans une seule tête; et qu'elle change sans cesse, comme les accidents, qui se multiplient toujours, dans l'État, à proportion de sa grandeur.
56. Jusqu'à quel point convient-il désormais, et tant que cet état de choses durera, de s'y engager obstinément pour remporter une victoire, qui, certaine dans le plus grand nombre de cas, si peu prévoyant que l'on soit, laisse toujours néanmoins sous la pression plus ou moins funeste d'une démagogie audacieuse, aveuglée et qu'il est impossible d'arrêter dans ses dévastations progressives?
À quoi bon un système de défense malheureusement quelquefois stérile ou compromettant contre un ennemi qui n'a rien à perdre et est décidé à ne rien respecter; qui met habilement à profit le moindre succès; qui s'arrête, sans reculer, le jour d'une défaite, pour recommencer le lendemain; telles sont les questions que, dans toutes les armées de l'Europe, se posent aujourd'hui les militaires les plus distingués.
Les événements de Paris, de Vienne, de Berlin, de Milan, de Rome, en 1848; la pression déplorable exercée sur les corps constitués, sur les hommes les plus considérables et sur les provinces, par une minorité de factieux accourus successivement de tous les coins de l'Europe dans ces capitales; les périls auxquels des États rapidement déchus ont été exposés, ainsi que la société entière, font penser qu'il pourrait y avoir, alors, un quatrième parti à prendre pour sauver la civilisation en péril.
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57. On est même arrivé à se demander si, dans une certaine situation anormale de la société, le siège du gouvernement doit rester au milieu d'une grande capitale, foyer incessant d'agitations, place d'armes redoutable des factions antisociales.
Plusieurs de nos rois, et surtout Louis XIV, n'avaient pas hésité à résoudre négativement cette question, à l'époque où une décentralisation complète la rendait moins grave.
Napoléon fut souvent préoccupé de ces tristes idées, à diverses époques d'un règne glorieux, qui cependant avait comprimé les factions avec habileté et rétabli miraculeusement la société sur ses éternelles bases.
D'abord il pensa, pour les temps plus difficiles que ses successeurs pourraient avoir à traverser, à l'établissement solide du château du roi de Rome; projet que reprit la Restauration sous le prétexte de la caserne du Trocadéro.
En 1815, il ordonna d'importants travaux sur la butte Montmartre, travaux qui, dans une autre circonstance, disait-il, auraient une autre utilité.
En 1807, il conseillait à son frère, le roi de Naples, de ne pas trop s'abuser sur les dispositions changeantes du peuple de sa capitale, et sur l'efficacité de la répression à l'aide d'une armée non cimentée par la guerre et la victoire.
En attendant que la gloire et le temps eussent donné à celle-ci les sentiments d'honneur, de fidélité et de devoir, il conseillait d'appeler des corps suisses; de créer un grand réduit de sûreté à Castellamare, pour pouvoir au besoin s'y retirer et y dominer les événements, plus encore dans l'intérêt du peuple que dans celui de la couronne.
Il suffisait alors de faire observer Naples par un corps de troupes légères, qu'appuyait un échelon également chargé de maintenir les Abruzes.
Cette préoccupation a paru significative, chez un souverain, à qui on ne peut refuser l'énergie, la capacité, le jugement et la prévoyance éclairés par une connaissance profonde de toutes les conditions actuelles du pouvoir.
58. Lord Liverpool entendant, en 1822, Chateaubriand faire l'éloge de la solidité de la monarchie anglaise pondérée par le balancement égal de la liberté et du pouvoir, dit, en montrant la cité de Londres: « Qu'y a-t-il de solide avec ces villes énormes? Une insurrection sérieuse à Londres et tout est perdu. »
Si l'on récapitule, en effet, les dangers que telle capitale aurait fait courir à son empire depuis qu'il existe; l'appui ouvertement prêté à l'étranger et aux ennemis de l'état; les abîmes où elle aurait failli précipiter; la tyrannique pression exercée, par elle, sur les pouvoirs les plus élevés, on la considérera comme une des fatalités qui entraînent vers la décadence.
59. On fait aussi observer, qu'en même temps que la position morale des populations et celle des gouvernements ont graduellement varié, les moyens de sécurité ont décru.
Ainsi, par exemple, Vincennes et même le Louvre étaient déjà d'insuffisants réduits intérieurs ou rapprochés, eu égard au Paris du XVIe siècle; et cependant, la Bastille dominait alors le faubourg le plus populeux.
Il faudra bien un jour aborder cette redoutable question des chefs-lieux de gouvernement; on décidera, enfin, si l'existence des États devient possible avec une seule ville exclusivement prépondérante.
La chute des pouvoirs ne serait qu'une révolution, si, dans un certain état des sociétés, les pouvoirs n'entraînaient, avec eux, les empires et les nationalités à une ruine commune.
60. Ainsi, supposons qu'une grande effervescence politique règne uniquement dans la capitale; l'on est assuré des provinces irritées contre une tyrannique oppression; la garde nationale est décidément aveuglée ou hostile; les moyens de répression suffisants n'ont point été réunis à propos; les dévouements sont sur le point de flotter incertains; alors des militaires compétents recommandent l'adoption du quatrième parti.
Ils regardent la lutte comme très-chanceuse, non-seulement à l'intérieur de toute la ville, mais même à une de ses extrémités, vu les graves conséquences qu'elle peut entraîner, conséquences à redouter, la garnison eût-elle de forts points d'appui dans les principaux quartiers; car il peut y avoir contre l'autorité, disent-ils, et au moment le plus critique, une influence morale rapidement croissante.
61. Dans ce cas, le Gouvernement exprime le désir qu'une méprise, qu'une surexcitation passagère et sans fondement ne finisse pas par une boucherie regrettable; il livre la capitale à la garde nationale sommée de la préserver du pillage.
Il rallie son armée avant qu'elle ne soit paralysée par les manifestations, les hésitations, les insuccès; il la rallie, ainsi que les assemblées et les principales administrations, en dehors de ce foyer de révolte; soit sur une place forte ou position voisine; soit sur une ligne de places frontières, communiquant avec la majeure partie du pays ou appuyée à une puissance amie, et convenablement approvisionnée.
Son but doit être d'aviser, selon les événements; il pourra, au moins, dans l'intérêt de la société, exiger que l'autorité soit transmise régulièrement, du pouvoir tombant à un autre élevé selon le vœu du pays, qui ne tardera pas à se faire connaître.
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62. À cet effet, toute grande capitale doit être dominée, à moins d'une journée de marche, par un réduit fortifié du 1/10e de son développement, du 1/25e de sa surface; 20 fronts seraient quelquefois nécessaires; cette citadelle est, ou peut devenir accidentellement, le siége du Gouvernement.
Des dispositions sont prises pour que ce cas échéant:
1° Les principaux services administratifs y trouvent réunis leurs moyens d'action les plus indispensables, en personnel et en matériel de tout genre;
2° L'armée ait un considérable approvisionnement de vivres, de munitions, de matériel, avec les moyens de transports nécessaires.
Une centralisation administrative exagérée rend indispensable l'adoption la plus complète de ces mesures difficiles.
À une marche autour de la capitale, sur la circonférence des lignes d'invasion, sont trois ou quatre places semblables écartées, entre elles, d'une journée de marche, et dominant les lignes transversales ou parallèles de défense.
Ces places et le réduit paraissent également nécessaires contre l'ennemi du dehors et celui du dedans. En temps de paix, on y entretient de fortes garnisons, auxquelles les troupes des divisions militaires voisines viennent se rallier, en cas d'évacuation de la capitale.
Ces grands dépôts de sûreté contiennent, en tous temps, les approvisionnements, le matériel, les vivres et les moyens de transports nécessaires.
Des règlements de police et de servitude militaires s'opposeraient à l'extension exagérée de la population, et surtout d'une population remuante, soit à l'intérieur, soit aux environs.
63. La capitale cernée, menacée d'un blocus ou d'un siége, ayant contre elle le pays tout entier, serait bientôt obligée de rentrer dans le devoir; sa révolte la plus obstinée ne pourrait se prolonger au delà de quelques jours, ainsi que l'ont démontré les derniers événements de Vienne, en octobre 1848.
Presque toujours, et ce n'est pas la moindre compensation des inconvénients de ce plan, car on est obligé de lui en reconnaître, l'emploi des moyens de rigueur serait moins nécessaire.
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64. Nous avons vu Henri IV dominer ainsi, de 1590 au commencement de 1596, la capitale révoltée; la ligue était secourue par l'armée espagnole de Flandres, à l'aide de la position intermédiaire de Laon, son dernier réduit.
Le roi, pour resserrer Paris, l'affamer et l'isoler, occupa simultanément plusieurs des positions suivantes: Meulan, Chartres, Chevreuse, Montlhéry, Corbeil, Melun, Moret, Montereau, Nogent-sur-Seine, Provins, Nangis, Brie-Comte-Robert, Lagny, Cressy et les places de l'Oise.
Plus habile politique et officier de combat que général dirigeant, Henri IV sut néanmoins, par la persévérance de ses efforts intelligents, arriver enfin à un succès définitif, qui d'abord avait paru impossible aux plus capables.
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65. En 1652, Turenne contint, de la même manière, avec une armée de 8 à 11,000 hommes, en s'appuyant sur les principales positions, à une journée de marche autour de Paris, depuis l'Oise jusqu'à la Loire, la capitale révoltée et les 15,000 hommes de l'armée des princes.
Ceux-ci étaient successivement secourus, de Cambrai, par les 12,000
Espagnols détachés sous les ordres de Fuenseldange; des rives de la
Marne, par les 8,000 hommes du duc de Lorraine.
Les forces de Turenne ne s'élevaient pas au tiers de celles de l'insurrection trop favorisée par le pays; le roi ne pouvait être reçu dans la plupart des villes. On avait à combattre le grand Condé.
Du 30 janvier au 15 octobre, pendant huit mois d'angoisses journalières, Turenne sauva plusieurs fois par son activité, son habileté et sa prudence, la royauté chaque jour au moment de périr; il finit par la ramener triomphante dans la capitale.
Les positions circonvallantes autour de Paris, occupées successivement par ce grand capitaine, dans cette immortelle campagne, furent:
Sur l'Eure, Chartres;
Sur la Loire, Jargeau, Briare et Bleneau;
Sur la Haute-Seine, Melun, Corbeil, Ablon et Villeneuve-Saint-Georges;
Sur la Marne, Meaux et Lagny;
Entre la Marne et l'Oise, Dammartin et le Thillay près Gonesse, la
Nonette de Borrestz à Senlis;
Sur l'Oise, Compiègne, Creil et Beaumont;
Sur la Basse-Seine, Épinay.
Le 24 juillet, le roi ayant eu connaissance que les princes marchaient vers la Brie et avaient des intelligences sur l'Yonne, que les espagnols ne pénétreraient pas plus avant dans le royaume, avait prescrit d'occuper simultanément, sur les principales lignes transversales, à quatre et dix lieues de Paris, Étampes, Melun, Corbeil, Meaux, Lagny, Beaumont et Creil, dont on venait d'apprécier l'importance.
Pendant cette campagne, la cour, pour laquelle les Parisiens conservèrent l'apparence de quelques ménagements, erra successivement de la rive gauche de la Loire, à Chartres, Saint-Cloud, Saint-Germain, Poissy et Saint-Denis.
Laon, comme point de jonction des armées d'Espagne et de Lorraine, ou de refuge de l'armée des princes; Villeneuve-Saint-Georges, comme lieu de réunion de celle ci à l'armée de Lorraine, jouèrent un rôle important.
C'est à Turenne, à la promptitude, à la sûreté de son jugement, à une activité et à un dévouement de tous les jours, de toutes les heures, que la France doit, pour ainsi dire, le beau siècle de Louis XIV. Jamais général ou homme d'état ne rendit à son pays, mis sur le bord de l'abîme par la félonie et l'esprit de faction, des services aussi signalés; de telles campagnes sont de celles qui laissent après elles autre chose que des morts et des dépenses ruineuses. L'exemple de Turenne a inspiré généreusement les hommes de guerre appelés, par les événements, à jouer le rôle si grand de défenseurs du principe d'autorité, au milieu de la société en ruine; pour honorer convenablement de tels génies, de tels services rendus, les plus éclatantes voix de la renommée seraient encore impuissantes.
«Les princes doivent avoir toujours auprès d'eux, à tout événement, plusieurs hommes d'épée d'une fidélité et d'une capacité éprouvées pour étouffer les séditions dès le commencement.
À la même époque, Condé, autrefois et plus tard digne émule de Turenne, persévérait dans l'erreur avec les criminels agitateurs de la France; il devait un jour réparer aussi noblement, et par son repentir, et par de glorieux services, ces écarts regrettables.
«Et puisqu'il faut une fois parler de ces choses, dont je voudrais pouvoir me taire éternellement, jusqu'à cette fatale prison, il n'avait seulement pas songé qu'on pût rien attenter contre l'État; et, dans son plus grand crédit, s'il souhaitait d'obtenir des grâces, il souhaitait encore plus de les mériter; c'est ce qui lui faisait dire qu'il était entré en prison le plus innocent des hommes, et qu'il en était sorti le plus coupable: Hélas , poursuivait-il, je ne respirais que le service du roi et la grandeur de l'État . On ressentait dans ses paroles un regret sincère d'avoir été poussé si loin dans ses malheurs.
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66. À défaut des dispositions de prévoyance militaire et politique détaillées au n° 62, le dernier Gouvernement, placé dans des circonstances peut-être équivalentes, n'avait-il pas encore, en Février 1848, plusieurs partis à prendre; le succès était d'autant plus probable que telle était l'attente de la France?
On pouvait se retirer, avec les forces de la 1re division militaire, entre les places de l'Aisne et de l'Oise, et rallier en quelques jours, de cette position importante, plusieurs armées sur les avenues de la capitale.
1° Sur la ligne de la Somme, les nombreuses troupes de la 16e division.
2° Sur Châlons et la Marne, celles des 2e, 3e et 5e divisions.
3° Sur Troyes et la Haute-Seine, celles des 6e et 18e divisions.
4° Sur Blois et la Loire, celles des 4e et 15e divisions.
5° Sur la Basse-Seine, celles de la 14e division.
Dans cette position, adossé au royaume ami de Belgique, en rapport avec l'Europe, le Gouvernement de 1830 eût intercepté, à son avantage, les communications du reste de la France.
Parmi tant de capacités et d'illustrations, dont le dévouement ne pouvait être mis en doute, l'homme d'État pour conseiller et organiser l'exécution d'un tel plan, aurait-il été impuissant?
Dans la société actuelle, sans hiérarchie, affaiblie, usée, dissoute par tant de révolutions successives et contraires, tous les liens, tous les dévouements, toutes les énergies, toutes les croyances, tous les pouvoirs sont-ils relâchés ou altérés au point de rendre impossible un effort sérieux à l'heure suprême de la vie des Gouvernements?
67. Cependant, on a cru que le pouvoir de juillet s'était préparé, même avec préoccupation, à une telle lutte et à toutes ses conséquences.
C'est peu présumable: car, de toutes les dispositions de prévoyance, ce pouvoir intelligent aurait donc, alors, pris la moins heureuse: celle de préparer, par l'enceinte continue et ses 14 forts détachés, une place forte à la révolte.
Ces forts sont trop nombreux pour qu'on puisse espérer qu'ils seraient, dans de pareilles circonstances, convenablement garnis de troupes et utilisés.
Ils augmentent la nécessité déjà si fâcheuse des détachements, et déplacent avec désavantage le casernement de Paris, en dehors des quartiers à dominer.
Ils sont trop rapprochés de la capitale, trop inquiétants pour elle, et chacun pas assez importants, pour résister longtemps à l'influence révolutionnaire qui y surgirait.
Tout au plus les positions principales, et cependant encore trop rapprochées, de Vincennes, de Saint-Denis, du Mont-Valérien, du haut Clamart, auraient pu être fortifiées, dans ce but et avec quelque avantage, sur une plus grande échelle: elles auraient été occupées et conservées par quatre détachements d'élite.
Eu cas d'invasion étrangère, toujours malheureusement appuyée par un simulacre de parti, ces fortifications, colossales par leur étendue et les détachements qu'elles nécessiteraient, auraient une utilité toute spéciale: elles serviraient surtout contre une armée qui n'oserait pas ou ne pourrait pas réunir les immenses moyens nécessaires pour les aborder. Elles auraient toute leur incontestable valeur dans une certaine situation morale des populations. Comme ouvrages d'art, et surtout pour la rapide exécution, ces immenses travaux resteront un des monuments du dernier règne.
68. Un fait a, d'ailleurs, été constaté: c'est la répugnance du roi Louis-Philippe pour l'emploi des moyens sanglants; c'est sa persévérance à résoudre la crise, par des voies de conciliation et de légalité, même aux dépens de sa dynastie.
Si l'on ne craignait pas de paraître injuste pour de grandes infortunes, et de ne pas tenir assez de compte des impossibilités qui, vu l'étal actuel de notre société démantelée, peuvent, à une heure critique, arrêter, annihiler les plus beaux caractères, les plus nobles résolutions, ne serait-ce même pas le cas de dire: «semblables au pilote qui, environné d'écueils et assailli par la tempête, lutte, succombe ou se sauve avec l'équipage recueilli sur une mer agitée, les princes ont toujours mission de diriger, d'exciter leurs peuples, de les entraîner de force au milieu des grandes crises, et non de les abandonner à cet esprit de vertige ou de découragement qui les saisit alors: plus élevés vers la région des orages politiques ou sociaux, eux seuls peuvent leur faire tête et en triompher.»
Trop d'esprits puissants ont échoué devant le mystère d'événements si grands, si imprévus, pour que longtemps encore le vulgaire soit excusable de revenir ainsi sur ce que l'on pouvait attendre de princes tant de fois éprouvés, partout où il y avait de nobles exemples à donner, et qui avaient si bien compris les exigences, les nécessités, les rudes devoirs de leur époque.
Le 15 mars 1815, après le débarquement de Napoléon à Cannes, le duc d'Orléans conseillait au duc de Feltre, ministre de la guerre, de faire rallier la cour et le gouvernement à Lille.
«Votre Altesse ne sait pas, lui avait répondu le ministre, ce qu'est une translation semblable: nous l'avons vu, l'an dernier, lorsque nous voulûmes transférer le gouvernement impérial à Blois. La queue de nos voitures s'étendait de Paris à Vendôme. Cela est impraticable; il faut tenir à Paris, car il est impossible d'aller ailleurs.»
Le souvenir de cette conversation et des entraînements de 1815 a-t-il fatalement influé sur la conduite du roi, en février 1848?
La difficulté vraiment grande du déplacement des principaux services administratifs, des autorités, des moyens de défense ou de subsistance, au milieu d'une pareille crise, à chaque instant plus compliquée, alors que les dévouements sont déconcertés ou ébranlés, s'est-elle alors manifestée trop insurmontable?
Cependant les circonstances étaient peut-être différentes, quant à ce que l'on pouvait attendre ou craindre de Paris, des provinces, de l'armée, de l'étranger: le roi, mieux que personne, pouvait les apprécier.
Son abdication, alors que le trône était si ouvertement menacé, fut, en définitive, l'obstacle à l'adoption de tout bon parti et la cause de la chute de la Monarchie.
À propos des journées de juin 1848, on aurait dit: Il n'y a qu'un gouvernement anonyme qui puisse se défendre ainsi. Ce mot présenterait, sous un nouveau jour, l'événement de février.
69. Il serait presque inutile de parler de deux autres partis bien chanceux, et qui ne peuvent être approuvés que dans les circonstances les plus désespérées.
1° S'éloigner de la capitale, des provinces mécontentes, des forces ennemies qui s'y appuient.
2° Évacuer entièrement le territoire.
Le premier parti conduit trop souvent au second, à une chute définitive et quelquefois au partage du pays.
Le second n'est admissible que dans un cas encore plus désespéré, quand une faction tout à fait dominante ne laisse d'autre chance de rétablissement que l'appui dangereux de l'étranger.
Alors, le mieux est de rester le plus près possible de la frontière, en communication directe et facile avec les partisans que l'on conserve à l'intérieur, et la protection sur laquelle on compte, ne serait-ce que pour la surveiller.
Deux exemples, empruntés à notre histoire, malheureusement si féconde en catastrophes de ce genre, développeront suffisamment ces principes:
* * * * *
70. Vers le 15 juillet 1652, la cour alarmée, à Saint-Denis, de la marche de l'archiduc avec les 20,000 soldats d'Espagne et de Lorraine, au secours des princes et de Paris révolté, décida que, le 17, elle se retirerait, sous l'escorte de 2,000 hommes, sur Lyon.
Les motifs du conseil du roi, pour prendre cette résolution, étaient d'éviter que la cour et sa petite armée de 8,000 hommes fussent enfermées entre les 20.000 Espagnols de l'archiduc, Paris révolté et les 8,000 soldats de l'armée des princes.
L'essentiel paraissait être de mettre la personne du roi en sûreté. La Normandie avait refusé de le recevoir; il y avait partout tant d'étonnement ou de rébellion que peu de villes n'eussent ouvert leurs portes aux ennemis: Lyon et ses environs étaient seuls dévoués.
M. de Turenne, arrivé le même jour à Saint-Denis, apprit ce projet et fut aussitôt le combattre, auprès du cardinal Mazarin, par les raisons suivantes:
La retraite de la cour, au midi de Paris, entraînerait infailliblement la perte des places du roi en Picardie, Champagne et Lorraine; les Espagnols s'avanceraient vers Laon, Soissons et Compiègne, positions décisives en cas de toute révolte de la capitale appuyée de l'étranger.
Ces provinces abandonnées s'accorderaient avec les Espagnols ou avec la Fronde. Les princes, ainsi établis, verraient leur force, leur réputation, leurs ressources augmenter aux dépens de celles de la couronne; le roi serait à la veille d'être entièrement chassé du royaume, et une pareille situation inspirerait la pensée de diviser la France.
Turenne conclut que le parti le plus prudent, pour le roi, était de se retirer avec sa garde à Pontoise, où il serait respecté des Parisiens, encore bienséants, quoique hostiles; au pis aller, il pouvait se réfugier dans une des places de la Somme.
En se portant à Compiègne, l'armée arrêterait ou retarderait au moins les progrès des Espagnols, à l'aide des rivières qui environnent cette position de flanc. Les Espagnols, naturellement soupçonneux et prudents à l'excès, craindraient, voyant Turenne venir à eux, de trop se fier aux princes et à l'inconstance ordinaire de la nation.
L'archiduc n'oserait marcher sur Paris avec toutes ses forces, de peur de laisser l'armée du roi entre lui et la Flandre, sa base d'opérations alors entièrement dégarnie. S'il envoyait un secours considérable aux princes, il serait obligé de se retirer sur la frontière, ne pouvant rester en présence de l'armée du roi qu'avec des forces très-supérieures.
La cour, mais surtout la reine, qui n'avait jamais trouvé aucun parti trop hasardeux, adoptèrent le projet de Turenne; et trois mois après, à la suite d'une admirable campagne qui mérite d'être méditée, dont l'idée et l'exécution appartiennent exclusivement à Turenne, le roi rentrait dans Paris soumis.
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71. Le 17 mars 1815, à la suite des progrès rapides de Napoléon sur Paris, le duc d'Orléans, ayant sous ses ordres le duc de Trévise, avait été envoyé à Péronne pour former dans le Nord un corps de réserve.
Dans la nuit du 19 au 20 mars, Louis XVIII partit de Paris, arriva le 20 à Abbeville; le maréchal Macdonald le détermina, au lieu d'y attendre sa maison, à se rendre à Lille, où il rallierait mieux ses forces, ainsi que son gouvernement.
Arrivé le 22 à Lille, Louis XVIII apprit la déclaration du 15 mars du congrès de Vienne. D'abord il voulut se retirer à Dunkerque, où il aurait plus de liberté de communications avec la France et l'étranger, d'où il serait plus en dehors des mouvements ultérieurs des armées alliées; l'ordre fut même expédié à sa maison de s'y rendre. Il différa de répondre à une offre de secours du prince d'Orange.
Dans la nuit, le roi changea de projet; il parut vouloir rester à Lille et craindre le trajet de cette ville à Dunkerque.
Pendant ce temps, Napoléon ordonnait d'arrêter Louis XVIII et les princes, ou, au moins, de les rejeter sur le littoral, de manière à forcer la cour à s'embarquer pour l'Angleterre: la présence du Roi, à Londres, serait moins à craindre; il aurait moins d'influence sur les généraux et les conseils de la coalition.
Le 23 mars, Louis XVIII ne pouvant plus rester à Lille, n'osant pas se rendre directement à Dunkerque, partit pour Ostende et Gand, où il se mit bientôt en communication avec la France, un des ministres de l'Empereur et la coalition.
Ainsi échoua le projet de Napoléon, par suite d'une circonstance que
Louis XVIII avait d'abord jugée regrettable.
Napoléon et le duc de Guise, entre lesquels du reste aucune autre comparaison n'est possible, furent également inquiets d'apprendre, l'un, que Henri III venait de se dérober à l'émeute de Paris; l'autre, que Louis XVIII était à Gand en rapport avec la France et la coalition: en présence d'une révolution imminente, le pouvoir menacé doit être, au centre de ses points d'appuis réels, en dehors de la masse de ses ennemis.
* * * * *
Avant d'aborder, dans sa généralité et avec toutes ses difficultés, l'important problème de la répression des émeutes à l'intérieur des capitales de l'Europe, il était nécessaire d'énumérer les autres principaux plans de défense, proposés ou suivis jusqu'à ce jour, contre une tentative de révolution: ici, encore, les enseignements de l'histoire n'ont point fait défaut: il est malheureusement peu de sujets militaires sur lesquels on puisse recueillir autant de faits et de déplorables, mais utiles leçons.
Principes fondamentaux.
§ 1er.
72. Commençons par l'exposé des principes généraux qui ont rapport à la force morale de la troupe et à son maintien en toutes circonstances.
Il est d'abord nécessaire de rappeler huit assertions relatives à l'emploi de l'armée dans les troubles civils; on avait donné beaucoup trop d'importance aux trois premières; les militaires et les hommes d'État ne peuvent les admettre, même très-exceptionnellement et avec les plus grandes restrictions. Les trois dernières sont moins contestables.
1° Le lendemain même d'une révolution, a-t-on dit, la troupe serait moins apte à faire cette guerre, sans aucune préoccupation.
2° Il y aurait même, dans ce premier moment, lieu de ne pas trop s'exagérer ce service, qui, peu de jours après, serait décisif.
3° La troupe obtiendra immédiatement un succès complet, si la garde nationale marche avec elle; dans le cas contraire, il faudra moins espérer de la prompte efficacité de son action.
4° Un gouvernement régulier et national peut être forcé d'avoir, quelquefois, recours à ce moyen extrême.
5° Dans ce genre de guerre, le tort et la défaite sont presque toujours pour le parti qui donne lieu à la lutte; le succès et le droit pour le Pouvoir qui se défend et sait se laisser attaquer.
6° Les forces morales sont incommensurables par rapport aux forces matérielles: 10,000 hommes de secours que l'autorité peut recevoir sont plus, pour elle, que 20,000 hommes à la présence desquels les partis sont habitués.
7° Si, dans la guerre ordinaire, le moral joue le plus grand rôle, il a une autre importance dans une guerre d'émeutes, au milieu des hésitations ou du délire des partis, et des embarras du Pouvoir.
8° Les troupes doivent donc, en général, être tenues à proximité des villes où la tranquillité peut être compromise, plutôt que dans ces villes mêmes où elles pourraient, quelquefois, être disséminées dans une lutte mal engagée.
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73. Ajoutons que les armées n'ont pas une valeur égale et constante, surtout aux époques critiques de la vie des nationalités; il y a, pour cela, une infinité de raisons dont le sujet de ce livre ne comporte pas le développement: quatre principales doivent cependant être rappelées: la discipline, l'administration, le maintien de l'effectif des disponibles, la bonne composition des cadres.
L'administration et la discipline font les armées patientes, durables, laborieuses, invincibles: avec elles le soldat est heureux, puisqu'il est pourvu aussi bien que possible, et qu'il sait ce qu'exige de lui une volonté intelligente, non capricieuse au gré des instants.
Le militaire qui, tous les jours, et jusque dans les moindres choses, aura contracté l'habitude impérieuse de la règle et du devoir, n'y échappera jamais dans les circonstances les plus grandes, les plus difficiles, et même à l'heure suprême des Gouvernements où la mollesse et le scepticisme ont quelquefois plus de latitude.
74. L'effectif, ou plutôt le maintien de l'effectif des disponibles, est une des premières causes d'ordre et de force morale: un corps qui, au jour d'une action, d'une opération militaire importante, a moitié moins de l'effectif disponible qu'il pourrait déployer, n'est capable que de la moitié de ce qu'il doit au pays; bien plus, le découragement qui résulte de cette situation fâcheuse, les vices dont elle provient, réduisent réellement sa force morale au quart de celle d'un autre régiment qui se serait mieux maintenu: souvent même, l'effet si rapidement progressif du désordre rend cette troupe d'un secours douteux ou négatif.
Le maintien de l'effectif résulte de l'observation constante et intelligente de l'administration, de la discipline et des règles militaires: le soldat qui n'a pas ce qu'on peut lui procurer, qui n'est pas commandé comme il doit l'être et par qui il le faut, qui n'est pas utilisé comme le veulent les règlements, ce soldat, ailleurs précieux et inépuisable élément de gloire, prend l'habitude du désordre; il s'use au milieu des difficultés et du vice incessant d'une position rendue impossible; il végète dans les hôpitaux, échappe à ses chefs et au service de mille manières, ou succombe écrasé par un surcroît de devoirs devenus d'autant plus grands pour ceux qui restent auprès du drapeau: cent soldats ne sont pas égaux à cent soldats; ils valent d'autant plus que tous les éléments précédents se sont mieux maintenus autour et au-dessus d'eux; d'autant moins qu'ils ont été davantage négligés ou méprisés.
L'art si difficile du commandement se compose de deux parties bien distinctes: créer et entretenir l'élément de combat; le mettre en action. Aucuns succès durables ne peuvent être obtenus sans le concours de toutes deux.
75. Les cadres font aussi les armées qu'ils fortifient, qu'ils dominent, qu'ils entraînent aux plus grandes choses, s'ils sont vigoureux, riches de capacité, d'avenir, d'audace et de dévouement; ils forment, autour du chef, au-dessus des soldats, une atmosphère entraînante qui, bonne ou mauvaise, rend tout facile ou impossible: ils méritent la plus active, la plus constante sollicitude.
Turenne, qu'il ne faut pas se lasser de citer, exécuta de grandes choses dans ces temps d'anarchie où tout marche vers l'impossible; il les exécuta avec de petits corps de troupes admirablement administrés et dont il soignait lui-même l'éducation militaire par un sollicitude de tous les jours, préparant chaque fois, dans d'immortelles conférences où s'échappaient les secrets de la victoire, ses officiers aux efforts surhumains que les circonstances exigeaient.
Napoléon doubla la force des légions impériales par l'admirable composition de ses cadres. Ne se fiant même pas il sa prodigieuse activité d'investigation, à sa profonde connaissance des hommes dont il ne perdait aucun de vue, il aimait à reproduire, sous ce rapport, toute sa volonté, toute sa persévérance, au milieu de nombreuses et de lointaines armées, par des généraux de confiance longtemps éprouvés, sous ses yeux, comme créateurs et conservateurs de l'élément de combat.
Il doubla surtout ses forces par d'inimitables proclamations, dont l'héroïque poésie fera battre le cœur des soldats jusqu'aux derniers âges du monde.
Ainsi il put longtemps soutenir une lutte prodigieuse, et contre l'Europe, et contre les éléments, et contre des désastres successivement accumulés, par ceux-ci, comme pour lui rappeler les limites dont aucun génie humain n'avait jamais eu, encore, ni la force, ni l'audace d'approcher.
Au dernier jour d'action et de gloire impériales, le monde étonné voit Napoléon impassible, seul avec une poignée de soldats privés de tout, au milieu des masses d'armées ennemies, étreindre, entraîner encore d'un bras vigoureux, sous ses aigles toujours redoutées, la victoire expirante de lassitude et d'efforts.
D'immortels cadres, qui ne croyaient rien d'impossible parce qu'ils avaient déjà tant de fois fait ou vu faire tout ce qui est humainement exécutable, et quelques jeunes paysans apprenant la charge en douze temps dans les combats de chaque jour, partageront, avec le génie des temps modernes, la gloire de cette grande lutte et de ces grands revers.
Mais c'est trop insister sur ces quatre principaux éléments de la force des armées; il eût été mieux, surtout pour les temps d'anarchie, de n'en compter qu'un seul: le respect et l'habitude constante de la règle , d'où découlent nécessairement tous les autres, même la force morale.
* * * * *
76. Une capitale soulevée est un champ de bataille des plus difficiles par son étendue, les péripéties morales qui le compliquent, l'imprévu qui y règne, les masses rapidement impressionnables au milieu desquelles on agit, le terrain inextricable, le danger, quelquefois même la nécessité de beaucoup de détachements; les positions, qui peuvent les compromettre; l'importance, la diversité des résultats; le nombre des partis, entre lesquels il faut choisir de suite, et sans perdre les instants précieux aussi fugitifs que décisifs qui les conseillent; les influences, les impressions, les exigences au milieu desquelles le chef militaire est obligé de se débattre; les émotions progressives et rapides qui aggravent tout autour de lui; la difficulté de savoir juger, dans chaque circonstance, l'état dominant des esprits; ce qu'il permet d'employer de rigueur et d'énergie, de manière à faire constamment progresser la répression, sans accroître imprudemment l'excitation.
77. Pour une pareille lutte, le chef ne peut avoir trop de supériorité, de fermeté, de calme, de jugement, de prudence ou de prévoyance habile. Cette lutte devient tout-à-coup des plus graves; elle menace l'existence du Pouvoir et de la société entière un moment après celui où elle paraissait sans importance.
Le Gouvernement lui-même, presque toujours alors directement attaqué, et par conséquent affaibli, doit avoir toutes ces qualités, en conserver l'usage, et cependant les mettre entièrement à la disposition d'un chef militaire, en qui il ait pleine confiance.
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78. En face de l'insurrection qui ne cesse pas d'être unie et vigoureuse, en vue du renversement qu'elle se propose, les changements de commandants militaires, de ministres, et à plus forte raison de chef de l'État, sont toujours dangereux et décisifs.
79. Les divisions et sous-divisions, dans le commandement militaire, doivent être assez nombreuses pour que partout la répression soit prompte, énergique et éclairée; sans qu'il y ait lieu d'attendre une direction qui ne peut partir de loin, quant aux détails d'exécution.
Un arrondissement de 400 à 800 hectares d'étendue, de 50 à 100,000 âmes de population, est une unité de résistance partielle des plus convenables; la répression y sera forte du concours de tous les moyens d'action, de l'influence d'une autorité municipale et de la légion de garde nationale directement intéressées au maintien de l'ordre.
La répression se multiplie autant qu'il est nécessaire, mais partout sous une direction unique; les gardes nationales, l'armée, l'administration, la police, le pouvoir judiciaire, la gendarmerie, doivent réunir leurs forces et centraliser leur impulsion, avec les services administratifs, dans des quartiers généraux-magasins établis aux mairies, ou aux chefs-lieux de circonscriptions civiles, sous les ordres de commandants militaires investis des pouvoirs de l'état de siége.
80. Trop souvent une faible insurrection semble tenir en échec le double et quelquefois même le triple de ses forces réelles, à l'aide du concours apparent des curieux et indécis trois ou quatre fois plus nombreux.
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81. L'émeute se porte habituellement:
1° Sur les grandes communications ou places et dans les lieux de réunion ordinaires de la population.
2° Dans les quartiers populeux, mécontents ou mal percés.
3° Accidentellement, près des édifices, autorités ou demeures des individus qui sont le motif ou le prétexte du désordre.
82. Les révolutionnaires ont toujours le même jeu: ils excitent le peuple, ils l'appellent dans la rue par la presse incendiaire, les agitations des clubs, les menées des sociétés secrètes, dont certains mots d'ordre répétés à la fois par toutes les bouches accusent la puissance et l'activité.
Puis, l'on affecte de donner des conseils de prudence, de modération, qu'on sait bien ne pas devoir être suivis; des meneurs, au besoin désavoués, achèvent d'irriter, en attendant l'occasion d'apparaître dans la rue avec les éternels éléments de l'émeute.
Il y a, dans toute capitale, une bande de vagabonds que toute émotion publique fait instantanément surgir à la disposition des agitateurs: cette troupe, audacieuse si la résistance est incertaine, disparaît devant un pouvoir résolu.
Les rassemblements publics sont précédés de réunions occultes et précèdent, eux-mêmes, l'établissement des barricades. Celui-ci est d'abord timide, lent, décousu; mais bientôt, si l'on montre de la faiblesse ou de l'indécision, si la répression reste inactive, il s'étend avec audace, ensemble et activité progressive, chaque barricade poussant, pour ainsi dire, la suivante avec une vitesse de plus en plus accélérée.
Un mouvement marqué de la province, et même de l'étranger; les routes couvertes de piétons voyageant par troupes vers la capitale, sont, plusieurs jours d'avance, des indices certains de l'émeute.
83. La police, informée, avertit le gouvernement, qui a dû prendre les mesures nécessaires, parmi lesquelles il faut surtout compter:
1° L'arrestation prompte et secrète des chefs principaux de l'insurrection, et quelquefois du parti hostile le plus en mesure d'en profiter.
Les véritables instigateurs des révolutions sont presque toujours des hommes hauts placés dans le pays, souvent même auprès des diverses fonctions ou pouvoirs de l'État; il faut savoir remonter jusqu'à eux, par les chefs plus ostensibles et de confiance qui les représentent au plus bas de la masse des anarchistes.
Le langage des journaux et bien des indiscrétions donnent, à ce sujet, des indices aussi certains que les rapports de police.
2° La réunion, dans les centres de défense et surtout dans le quartier militaire, de considérables approvisionnements de vivres, de munitions et de matériel.
3° La concentration des principaux pouvoirs et moyens d'action autour du chef du gouvernement.
Le défaut de ces trois prévisions a fait réussir la plupart des émeutes.
84. 300 à 600 hommes suffisent, en quelques heures, pour barricader, à l'aide d'une première traverse provisoire couvrante et plus avancée, tout un quartier, de cent pas en cent pas; ils travaillent par groupes de 10 à 20 hommes; une fois l'opération exécutée, ils peuvent défendre la tête de leur travail, si profond qu'il soit.
85. 150 à 200 hommes de troupes de ligne suffisent d'abord, dans un quartier de 15 à 25,000 âmes de population, de cent hectares d'étendue, pour empêcher, au premier moment, avec les quelques gardes nationaux déjà accourus, l'élévation des barricades.
86. Une fois les insurgés groupés, fortifiés, et excités par l'inertie de la répression, 1,500 soldats deviendront insuffisants devant la série de barricades accumulées, les unes derrière les autres, le long d'une rue et sur ses flancs; ces véritables citadelles intercepteront toutes les communications, bloqueront chez eux les gardes nationaux; elles seront défendues, avec un entraînement inexplicable, par ceux-là mêmes qui d'abord seraient restés tranquilles, ou auraient aidé à les attaquer; une population ainsi agitée n'est que trop disposée à suivre moutonnement ceux qui savent l'entraîner; ses dispositions varient du tout au tout en un instant.
Ces 1,500 hommes, vu leur nombre et la manière dont l'absence de la garde nationale aura été expliquée, seront insuffisants, quoique convenablement engagés par leurs chefs; mais si, ce qui arrive quelquefois dans des circonstances aussi critiques, la direction laisse à désirer, un échec partiel peut devenir bientôt imminent.
87. L'élévation de ces barricades constitue, au milieu de la ville, un grand obstacle qui intercepte les communications, les mouvements de troupes, la transmission des ordres et des rapports, l'arrivée des vivres et de la grande quantité de munitions nécessaires, qu'il faut, dès lors, faire venir par de longs détours et avec de grosses escortes, si ces moyens de défense indispensables n'ont pas été, à l'avance, réunis sur les positions principales.
88. Dès ce moment, la cavalerie ne peut être employée dans la partie barricadée que par petites troupes, sur les places et carrefours, en arrière des barricades, et avec beaucoup de prudence ou d'à-propos; elle est d'autant moins utile qu'on a laissé élever plus de retranchements.
89. Lors même qu'elle fait peu de mal réel, l'artillerie produit un grand effet moral sur la population, soit avant l'élévation des barricades qu'elle empêche, à l'aide de quelques volées de coups de canon, dans les rues longues et droites.
Soit, après leur construction, pour faire évacuer ces retranchements ainsi que les bâtiments qui les dominent.
Soit contre les colonnes profondes d'insurgés qui se présentent imprudemment à ses coups. Avec son concours, la troupe les disperse sans courir risque de s'éparpiller elle-même en les poursuivant.
Son action est plus avantageuse partout où elle peut atteindre de loin, sans se découvrir à la fusillade des insurgés, soit en se masquant pendant une partie de la manœuvre derrière un retour de rue, ou en faisant occuper, en avant d'elle, par l'infanterie, les maisons d'où celle-ci pourra la protéger.
Le nouveau tir des obus à balles de plein fouet aurait une puissance telle, qu'il est à désirer qu'on n'ait pas lieu d'en faire usage dans une lutte aussi funeste.
L'artillerie ne peut plus circuler à travers un quartier déjà barricadé, elle doit éviter, soit de laisser couper ses communications en arrière et de côté, par des traverses; soit de traîner, à sa suite, en tête des colonnes d'attaque, le nombre de chevaux et de caissons excédant ses besoins les plus indispensables dans une pareille lutte; des pièces prises, ou que l'on ne pourrait facilement dégager, exalteraient le moral des insurgés; la place de cette arme est principalement aux réserves divisionnaires ou générales.
90. Le feu de l'infanterie produit le plus d'effet dans des rues étroites, et du haut de positions dominantes, sur les groupes arrêtés par des obstacles.
L'impulsion donnée par le duc d'Aumale, à l'aide d'écoles spéciales, aux exercices du tir et au perfectionnement de l'arme, ont fait acquérir, sous ce rapport, à l'infanterie, une puissance et des propriétés nouvelles, dont les premières guerres démontreront toute l'importance sur l'art désormais profondément modifié.
Chaque arme attire les insurgés sur le terrain qui lui est favorable et évite de se laisser entraîner, là où elle perd une partie de ses avantages.
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91. 200 soldats de ligne, approvisionnés et bien commandés, résistent dans un bâtiment de facile défense cerné par l'insurrection.
92. Deux bataillons de ligne, approvisionnés dans un centre d'action, ralliant au besoin les gardes nationales du quartier, commandent, autour d'eux, un espace militaire d'environ 500 mètres de rayon.
93. Pour enlever une barricade, ordinairement faite par 10 à 20 hommes, défendue tout au plus par 50 à 100 hommes, deux patrouilles jumelées de 100 hommes chaque, dont une agissant sur les flancs, par les rues latérales ou l'intérieur des maisons, suffisent en une demi-heure.
L'attaque, uniquement faite de front, et par le bas de la rue même, exigerait dix fois plus de monde, de temps et de pertes.
94. Entre deux centres d'action espacés de 500 mètres, des patrouilles mixtes de 100 hommes de garde nationale et de troupes de ligne, chacune, cheminant en deux pelotons distants de 50 mètres, suffisent, surtout si elles sont appuyées par une patrouille semblable, suivant, à même hauteur, une direction parallèle.
95. Par arrondissement de 50 à 100,000 âmes de population, de 400 à 800 hectares de superficie, il faut, selon que le quartier est plus ou moins populeux, hostile ou révolté, 200, 2,000, 4,000 ou 6,000 hommes, au plus, de troupes de ligne, c'est-à-dire moins de 10 soldats par hectare, et 200 hommes par rayon de 250 mètres environ.
96. Dans chaque arrondissement, les troupes en patrouille doivent être le tiers de celles en réserve, au centre d'action; les deux tiers de l'effectif total des disponibles.
97. Entre deux grands quartiers généraux, disposant d'une réserve mobile de troupes, et espacés de 1,500 mètres, aucune insurrection sérieuse ne pourra solidement s'établir.
98. Entre deux centres d'action espacés de 500 mètres, convenablement occupés et approvisionnés, aucune barricade ne pourra être élevée bien solidement, même dans le quartier le plus hostile; il sera difficile, pour des attroupements considérables, d'y stationner et même de s'y former.
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99. Un faible détachement d'une ou deux compagnies peut lutter avantageusement, dans le dédale des rues, contre un corps considérable d'insurgés, si celui-ci n'agit que de front, et si, au contraire, les flancs et derrière du détachement sont assurés.
La profondeur des colonnes mobiles ou d'attaque n'est qu'un embarras et une cause de pertes ou d'étonnement; le chef ne peut répondre de ce qui se passe loin derrière lui; les subdivisions doivent marcher à une distance telle les unes des autres, qu'elles puissent se protéger réciproquement contre les entreprises tentées des maisons et rues transversales intermédiaires; deux ou trois subdivisions de garde nationale et de ligne entremêlées et flanquées de semblables colonnes jumelées suffisent.
Plus une position à enlever est formidable, plus un quartier à battre est hostile et populeux, plus l'emploi de colonnes parallèles jumelées, cheminant à la fois de front et sur les flancs des rassemblements ou barricades, est indispensable.
100. La concentration de la troupe par corps et fractions constituées de corps, sous les ordres de ses chefs naturels, fait sa force morale et assure plus facilement, plus complètement tous les besoins.
Trop souvent cette troupe avait été fatalement fractionnée sur des étendues de 2 à 4,000m, sous des commandements supérieurs différents, en détachements de 2 à 4 compagnies, et chaque position se trouvait être occupée par des fractions ainsi affaiblies de plusieurs corps.
Dans de pareilles circonstances, où tout moment peut amener des événements qui changent totalement la position des partis, les détachements sont toujours difficiles; ils deviennent fâcheux s'ils ne sont indispensables; tous ne sont pas également capables, au milieu de pareilles préoccupations, de prendre conseil des circonstances; un seul qui se trompe peut causer un échec partiel.
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101. Le soldat qui stationne, sans agir, plusieurs jours de suite sur les places ou rues, au milieu de la population agitée, se fatigue et s'inquiète: la troupe qui n'est pas active doit rester, au repos, à l'intérieur d'établissements et positions convenables.
102. La force armée, obligée de se rassembler, d'attendre les officiers, de se munir de tout ce qui est nécessaire, et souvent de relever ses postes journaliers, occupe d'autant plus tard les positions de combat que celles-ci sont plus éloignées de ses quartiers.
L'arrivé des ordres de mouvement exige une heure à une heure et demie de temps; le départ du quartier a lieu une demi-heure après; la troupe emploie une heure ou deux pour se rendre sur les points de concentration; elle n'entre en action que deux ou trois heures ensuite, obligée souvent de rebrousser chemin; ainsi, presque toujours, il y a quatre à six heures de retard, habilement mis à profit par l'émeute pour s'établir.
103. Les divers corps doivent se concentrer sur les points d'une circonférence de positions les plus rapprochées de leurs casernes; cette circonférence menace les quartiers suspects et couvre, à proximité, le centre de défense ou quartier militaire.
104. La réunion des gardes nationales est d'autant plus lente et plus difficile, leur action sera d'autant moins efficace, leur service d'autant plus pénible, qu'elles iront opérer sur des positions plus éloignées de leur quartier.
Les légions de garde nationale, les pelotons à cheval, les arrondissements, les subdivisions militaires de défense, organisées d'une manière permanente, doivent avoir les mêmes circonscriptions, et pour centre unique d'action, la mairie convenablement établie dans un lieu central dominant à débouchés faciles; une caserne, pour 2 à 3 bataillons, est en face ou à côté.
105. Il faut se hâter d'occuper le réseau de toutes les positions principales; et successivement, au fur et à mesure du développement de l'insurrection et de l'arrivée des forces dont on dispose, occuper également, dans les plus mauvais quartiers, les positions secondaires et tertiaires autour des grands centres d'action, afin d'obliger la révolte, désunie et débordée de toutes parts, à les attaquer avec désavantage.
Il serait regrettable de lui avoir laissé le temps de se réunir, de choisir, de prendre ces positions, de s'y fortifier et de réduire ensuite la troupe à en faire le siége long et sanglant.
Dans ce genre de guerre, l'avantage est pour celui qui part de positions défensives judicieusement établies; les pertes, les difficultés, pour celui qui les attaque sans les bases d'appui nécessaires.
Il y a d'autant moins de danger à occuper un plus grand nombre de postes que la position de l'armée et les dispositions de la garde nationale sont meilleures; mais toujours ces détachements doivent être convenablement appuyés d'une réserve centrale présentant une force double de l'effectif total des diverses fractions qui en dépendent.
106. Les méprises, les engagements pris en apparence avec les révoltés, sont leur principal moyen de succès; l'insurrection les obtient à l'aide de pourparlers toujours compromettants et dangereux. Dans aucun cas, la troupe et ses chefs ne doivent entrer en rapport avec les insurgés, si habiles à profiter des hésitations et des malentendus, et décidés à pousser tout à l'extrême, tant que l'on reste sur la voie des concessions. Toute hésitation est funeste, même au seul point de vue de l'humanité.
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107. Les gros détachements doivent se lier entre eux et au quartier général par des postes intermédiaires ou, au moins, par des signaux de correspondance.
108. Quelques grandes cours seront occupées comme places d'armes avec des réserves de toutes armes.
Elles sont d'autant plus avantageuses qu'elles dominent mieux un plus grand nombre de débouchés et qu'elles assurent les communications entre les principaux détachements.
109. Les divers postes, et même les plus considérables, doivent toujours pouvoir se soutenir et, au besoin, réunir toutes leurs forces contre un gros rassemblement qui se formerait dans leur rayon d'activité.
110. Chaque poste ou détachement a son but, son centre d'action, sans y être immobilisé.
Il doit marcher, soit au secours des corps voisins, soit au secours du quartier général lui-même, selon les circonstances.
La première règle, pour tous, est de ne pas cesser d'être utiles et de prendre conseil des événements.
111. Le temps de l'établissement des troupes sur leurs positions de combat est le plus critique de toute la lutte.
Il faut l'abréger autant que possible, et éviter de modifier, pendant ce mouvement, les ordres donnés, ce qui le rendrait plus long, plus difficile, plus dangereux.
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112. Les dégâts résultant de la lutte donnent lieu à une dépense de 100 à 200,000 fr., par journée, et pour un arrondissement de 100,000 âmes.
113. La perte en tués et en blessés, pour les deux partis, s'élève de 1 à 15/10,000 de la population, par journée de combat: la force armée supporte les 2 à 5/10 de ces pertes. Dans les deux partis, les hommes tués font les 3 à 4/12 de tous ceux frappés.
114. Par heure, un parc d'artillerie organisé à raison de 50 bouches à feu, dont 1/2 à 2/3 mortiers, pour 100,000 âmes de population hostile, jettera dans un quartier de ville de cette importance 100 projectiles, dont 2/3 bombes, 1/3 boulets rouges. Il détruira 100 maisons et fera pour 250,000 fr. à 500,000 fr. de dégâts. Ce genre d'attaque, employé contre Bruxelles en 1695, peut se prolonger pendant 2 et 3 jours: l'humanité le réprouve, même contre une population étrangère.
115. Dans la moitié ou les deux tiers d'une ville en émeute, et pendant deux à quatre jours, on élève ordinairement 8 à 12 barricades par hectare.
On distribue le plus souvent 4 à 8 cartouches, par journée de lutte, à chaque soldat ou garde national; les 2/3 de ces munitions sont consommées. On peut tirer 400 à 800 coups de canon pur jour, dans la plus grande capitale; les approvisionnements seront faits d'avance à chaque quartier général, en conséquence, ainsi que pour les vivres. C'est surtout le quartier militaire qui doit être abondamment pourvu, non-seulement de tous moyens de résistance, mais encore des transports nécessaires.
116. Si la ville a une surface en hectares de S hect. le chiffre P de la population sera 250 S y compris une population flottante de 50 S
Le nombre d'individus gênés en temps difficile 2/3 P
Les individus secourus P/3
parmi lesquels sont indigents P/10
Chiffre de la classe ouvrière P/36
dont sans ouvrage en temps difficile P/160
L'effectif de la garde nationale est 2P/25
dont un quart se présentera au rappel P/50
L'effectif des gardes journalières fournies
par la troupe sera P/250
La troupe disponible fera les 2/3 de son effectif total.
Le chiffre des gardes nationaux de province, accourus 2 ou 3 jours après au secours de l'autorité, s'élèvera peut-être à P/20
La garnison nécessaire pour avoir de suite, et sans compter sur ce dernier secours tardif ou incertain, moitié en sus des plus gros rassemblements hostiles possibles, sera P/20
Le chiffre maximum des hommes sur lesquels l'émeute pourrait compter, hommes la plupart accourus à cet effet du dehors, s'élèverait peut-être, dans les circonstances les plus critiques, à P/30
Chiffre plus probable des anarchistes P/250
Parmi lesquels sont véritablement résolus P/5000
Détenus de toute espèce P/100
Telles sont les moyennes qui peuvent servir à fixer très-approximativement les idées. Telle est la triste statistique de la plus horrible de toutes les guerres civiles.
117. Dès que l'émeute est solidement retranchée dans ses positions, l'attaque ne peut réussir, à moins d'une lutte longue et sanglante, qu'à l'aide des précautions et moyens accessoires ordinairement employés dans la guerre des retranchements.
«Aux affaires de villages retranchés, de barricades, de maisons, dit Antoine de Ville, il y a des préparatifs sans lesquels je ne crois pas qu'on pusse réussir, si ce n'est par hasard, ou que la peur gagne ceux qui sont dedans, ce qui n'arrive jamais souvent.
«Au contraire j'ai vu la plupart des attaques de ce genre échouer, les assaillants être repoussés avec perte et honte, l'assurance des ennemis augmenter, celle des nôtres diminuer lorsqu'il s'agissait de retourner à de nouvelles attaques, soit contre les mêmes positions, soit contre de nouvelles.
«Cela est arrivé faute de s'être présenté muni de ce qui se peut préparer et conduire partout facilement, de ce qui assure la vie des soldats et diminue les obstacles à franchir.
«Ces obstacles sont un fossé avec parapet derrière, une muraille, une barricade, palissade, barrière ou porte.
«Si on n'emploie aucune invention pour les forcer, que celle des hommes, on en viendra difficilement à bout, et on n'en recevra que de la perte.
«On a à faire à des gens assurés derrière leurs parapets; ceux qui attaquent viennent de loin et à découvert; on les canarde sans qu'ils puissent répondre efficacement; le remède est d'employer les moyens accessoires suivants:
«Je voudrais premièrement avoir des chariots légers, tant des roues que du reste, qui puissent être facilement tirés par un cheval et marcher aussi vite que la cavalerie.
«Il faudrait quelques pétards bien chargés, en état d'être appliqués avec leurs madriers, des fourchettes, des marteaux et autres choses nécessaires à cet effet. Cet instrument est indispensable dans toute entreprise où il peut y avoir quelque chose à rompre.
«Les pièces de bois, en guise de béliers pour faire tomber les clôtures des jardins, sont aussi très-utiles: on passera, par ce moyen, en des endroits dont les défenseurs ne se doutent pas.
«Les serpes, haches, hoyaux, pics et pelles sont également nécessaires pour abattre ou ouvrir les retranchements.
«On rompt les portes à l'aide de gros marteaux ou en arrachant la serrure et le verrou avec de fortes tenailles longues de 3 pieds; d'autres tenailles plus petites et quelques scies seraient aussi utiles.
«Qu'on ne dise pas que cet attirail serait embarrassant à porter; d'ailleurs, si on a bien reconnu la position, on ne traînera avec soi que les outils nécessaires à l'entreprise.
«Les mantelets sont indispensables; je voudrais les faire avec 2 ou 3 petites roues, 2 manches et des montants pour les tenir debout; ils auraient 5 pieds de hauteur par-dessus la partie à 1'épreuve du mousquet; j'y joindrais 5 pieds d'exhaussement en planches légères avec canonnières de 3 pieds de large pour tirer.
«Il faudra avoir plusieurs mantelets; un chariot en portera 3. Lors de l'attaque, plusieurs avanceront de front poussés par les soldats abrités: lorsque ceux-ci seront aux barricades, ils abattront le mantelet contre, en haussant les manches, de manière à se couvrir des endroits où les ennemis seront; on montera par-dessus pour entrer dans le retranchement. Ce moyen est bon là où il n'y a pas de fossés.
«J'ai vu quelquefois les paysans se retirer dans des églises où ils résistent tant qu'ils peuvent; puis ils montent au haut de la voûte et tirent l'échelle après eux; la voûte est percée en plusieurs endroits, d'où ils fusillent ceux qui veulent entrer pour prendre le butin qu'ils y ont retiré.
«Pour ce cas, on aura des mantelets élevés et portés sur l'essieu de deux roues, à l'aide de pieds droits; ils seront soutenus debout par des soldats marchant au-dessous.
«Avec ces mantelets, on avancera à couvert sans être exposé.
«En marchant à travers la campagne, on les laisse porter sur l'essieu pour les élever quand cela est nécessaire.»
118. Dans l'émeute de Toulouse, du 11 au 17 mai 1562, on fit avantageusement usage de mantelets analogues à ceux que recommande le chevalier de Ville.
* * * * *
119. L'attaque de l'armée de Condé retranchée derrière les barricades du faubourg Saint-Antoine, le 2 juillet 1652, ne fut aussi sanglante qu'à cause du mépris de ces règles.
Le roi, le cardinal et la cour, aussitôt qu'ils virent l'infanterie arrivée, envoyèrent ordre au vicomte de Turenne d'attaquer, sans attendre le maréchal de La Ferté, le canon et toutes les choses nécessaires pour rompre les murailles, combler les retranchements, enfoncer les barricades.
M. de Turenne les fit inutilement prier de prendre patience; il représenta que l'ennemi ne pouvait échapper, si les Parisiens, dont on croyait être assuré, ne lui ouvraient les portes; le temps qu'il fallait pour avoir le canon n'en donnerait pas assez à Condé pour se fortifier davantage; il était dangereux de s'exposer ainsi, sans les précautions nécessaires, à un échec qui ferait manquer une entreprise, au contraire assurée si l'on attendait que le canon et les outils de pionniers fussent arrivés.
L'impatience de la cour l'emporta sur toutes ces bonnes raisons; M. de Bouillon pressa plus que personne son frère de suivre aveuglément des ordres imprudents, mais formels, plutôt que de s'exposer à la censure des courtisans capables de persuader au roi qu'il voulait épargner le prince de Condé.
M. de Turenne n'était pas encore assez bien dans l'esprit du roi; il n'avait pas alors cette réputation de probité acquise depuis; pour oser désobéir à des ordres contraires au bien du service, il ne se fiait pas, à cette époque, sur sa capacité et son expérience, autant qu'il le fit dans la suite en plusieurs occasions; après avoir opposé la résistance qui lui était alors permise, il crut qu'il était sage d'obéir à des volontés que son autorité, toute grande qu'elle était déjà, ne pouvait cependant pas encore éclairer.
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120. Mais de tous les moyens matériels d'action, ceux dont il faut constamment se préoccuper de la manière la plus sérieuse, et dont le défaut a fait triompher la plupart des émeutes, ce sont les approvisionnements de vivres et de combat, sur la plus grande échelle, et pour les diverses éventualités.
Cette prévoyance des services administratifs, si importante dans toutes les guerres, devient encore plus décisive en celle-ci; le moral est alors plus impressionnable; tant de péripéties diverses peuvent tout à coup surprendre, et si peu de moments sont accordés, au milieu de la tourmente révolutionnaire, pour pourvoir aux nécessités nouvelles de chacun de ces instants, où se décident irrévocablement les plus grandes destinées.
En pareille circonstance, la victoire sera presque toujours pour celui qui, le dernier, pourra subsister et combattre.
Les magasins de vivres et de munitions des divers quartiers généraux, ceux du quartier militaire ou de la position extérieure de ralliement, les approvisionnements de vivres particuliers des fournisseurs protégés par ces centres d'action, les moyens de transports suffisants et de toute nature, des services administratifs actifs et mobiles avec l'armée, assureront, ainsi qu'il sera expliqué ultérieurement, ces grands et impérieux besoins.
* * * * *
Nous venons de voir l'opinion de Turenne sur l'utilité de l'artillerie dans une semblable lutte.
À propos du deuxième siége de Sarragosse, en 1808, Napoléon répète plusieurs fois: La prise de cette ville est une affaire de canon, que ne pourraient avancer de nouveaux renforts de troupes .
Ainsi, plus la lutte sera sérieuse, plus la répression aura dû employer les voies lentes et régulières, plus il faudra de matériel: nécessité moins regrettable, si l'abondance des moyens prévient l'effusion du sang, en rendant toute lutte impossible.
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Après avoir résumé les principaux faits observés ou les principes qui s'en déduisent pour ce triste genre de guerre, et avant d'exposer le système général de répression qu'il convient d'adopter, rappelons une maxime du chancelier de L'Hospital, qui doit être toujours présente à l'esprit:
«Toute sédition est mauvaise et pernicieuse en royaume et république; encore qu'elle eust bonne et honnête cause, il vaut mieux souffrir toutes pertes et injures qu'être cause d'un si grand mal, que d'amener guerre civile en son pays.»
Mesures générales de défense.
§ Ier.
En conséquence des principes qui viennent d'être exposés, les dispositions suivantes doivent être prises dans le cas où l'on veut soutenir la lutte à l'intérieur de la ville, partout où éclatera la révolte.
121. Les légions, bataillons et compagnies de gardes nationales à pied ou à cheval sont établies par arrondissement, quartier et rue, pour les garder sans avoir à se déplacer.
Des bataillons, demi-bataillons ou compagnies désignés d'avance occupent les positions importantes à proximité.
D'autres détachements, tirés des arrondissements hostiles à l'émeute qui n'a pu s'y développer, vont de suite suppléer les gardes nationales moins bien disposées des plus mauvais arrondissements.
122. L'artillerie de la garde nationale reste concentrée à la réserve générale; sa dissémination dans les divers arrondissements aurait peu d'utilité, elle pourrait donner lieu à la perte de quelques pièces.
123. Les fractions de garde nationale ne laissent pas stationner dans les rues, dissipent les groupes, empêchent la formation des barricades, en font au besoin de défensives là où celles-ci ne peuvent être nuisibles à la répression, fouillent ou arrêtent les personnes suspectes, accompagnent les autres à l'aller et au retour.
124. Dans chaque compagnie, on tient, pendant la lutte, un état des hommes hostiles du quartier ou des gardes nationaux qui manquent à l'appel.
125. Sitôt que l'insurrection s'est complètement démasquée, des bataillons ou légions des arrondissements restés tranquilles, la moitié ou le tiers des troupes de ligne primitivement affectées à leur défense, viennent renforcer les réserves des divisions et subdivisions militaires engagées.
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126. Les troupes de ligne fournissent habituellement le service dans ou près de leur arrondissement de casernement ou de combat, de manière à ce que les gardes puissent être plus facilement appuyées, rappelées ou relevées s'il y a lieu.
127. Les troupes agissent, autant que possible, dans la subdivision militaire où elles sont casernées, concurremment avec la garde nationale du quartier, à l'aide de l'assistance des autorités municipales et des agents de police dudit arrondissement.
Ainsi, elles sont constamment sur leurs positions de combat, et convenablement approvisionnées de vivres, de munitions; elles n'ont même pas besoin d'ordres et de temps pour les occuper et les défendre.
128. Les troupes casernées extrà muros ou sur les lignes de chemin de fer composent la majeure partie de la réserve générale, des réserves divisionnaires et des subdivisions extrà muros le plus à leur proximité.
129. Les commandements militaires de division et de subdivision sont permanents quant à la troupe, aux quartiers et positions que celle-ci doit défendre, aux gardes nationales et aux agents municipaux ou de police avec lesquels elle doit opérer constamment.
130. Les sections hors rang, les malades, les officiers et sous-officiers comptables, les caporaux d'ordinaire et les cuisiniers laissés dans les casernes; les postes journaliers, les patrouilles pour aller aux vivres sont, ainsi, autant de détachements inutiles aux corps casernés sur leurs positions de combat.
Ceux-ci restent d'autant plus compacts et forts; il y a moins de chances d'échecs partiels, et pour la révolte plus d'impossibilités.
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131. Les officiers, sous-officiers et soldats de passage, en congé, en non-activité ou en retraite, dont l'état nominatif ou numérique doit constamment être tenu dans chaque arrondissement, se réunissent au premier rappel, à la mairie de leur quartier; on prend note de leur présence, on les embrigade, on les utilise.
Les autres militaires, employés à des services spéciaux dans la capitale, se rendent, avec leur chef, au quartier général divisionnaire ou principal.
Tous peuvent être employés utilement; aucuns ne doivent être, en apparence, livrés à de mauvaises excitations.
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132. Les meilleures dispositions pour l'établissement des mairies et casernes juxta-posées, au point de jonction de plusieurs rues, de manière à en faire des centres d'action complets et des magasins d'approvisionnements de tous genres, pour la lutte la plus sérieuse, sont:
1° Une place uniquement formée par la mairie, une caserne et des établissements publics, de telle sorte que ceux-ci se trouveraient naturellement protégés sans qu'il soit besoin d'y faire des détachements et qu'aucun bâtiment de la place ne puisse tomber à la disposition des émeutiers.
2° Un carrefour au centre duquel est une mairie isolée; à l'un des coins de rue en face est la caserne; toutes les fenêtres extérieures du rez-de-chaussée sont grillées.
3° Une cour commune de communication pour la mairie et la caserne; chacun de ces établissements fait façade sur l'une des deux rues parallèles ou concourantes.
4° La caserne et la mairie aux deux côtés opposés d'une rue; un de ces établissements possède un second débouché, derrière, sur une rue parallèle.
133. Dans ces centres, il y a une réserve de munitions et d'approvisionnement en vivres de campagne, pour quatre jours, et pour chaque soldat.
En outre, des mesures sont prises avec des bouchers, marchands de vins, boulangers et grènetiers voisins, pour la fourniture, pendant la lutte, des rations de viande, de vin, de pain et de fourrages journellement nécessaires.
Dans le quartier militaire, et en sus des approvisionnements d'arrondissement, des mesures analogues sont prises, à l'effet de pourvoir aux besoins journaliers de toute l'armée, en vivres et en munitions, au cas où celle-ci viendrait à s'y concentrer.
Des moyens de transport suffisants y sont rassemblés. Il y a, dans les magasins, une autre réserve d'approvisionnement de quatre jours en vivres de campagne et en munitions de combat.
Ainsi le pouvoir, la force armée et chacune de ses subdivisions ou spécialités sont constamment mobiles et en mesure pour toutes circonstances.
134. Le ministre de la guerre, ou un général en chef délégué, commande directement toutes les forces, sans être gêné ou retardé dans son action par les commandements parallèles ou spéciaux de la division ou subdivision territoriale, de la garde nationale ou urbaine.
Il a, sous ses ordres, les commandants des divisions et subdivisions militaires de la capitale intrà et extrà muros .
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135. Des généraux de division commandent chacun l'un des grands quartiers de la capitale, de 600 à 1800 hectares d'étendue, de 150 à 400,000 âmes de population, ainsi que les subdivisions extrà muros attenantes.
Leurs quartiers généraux, espacés entre eux de 1500m, à 1000 ou 1500m au plus de distance du centre, à proximité des grandes communications intérieures de la capitale, à 6000m des centres extérieurs d'action extrà muros , sont éloignés de 1000m au plus des quartiers généraux subdivisionnaires intrà muros et des mairies qui en dépendent.
136. Il y a, à l'avance, dans chaque centre tertiaire, si un établissement public convenable le permet, une réserve d'approvisionnement de vivres, de munitions et de matériel.
137. Ces généraux ont avec eux, comme réserve, des troupes de ligne de toutes armes en grande partie casernées extrà muros .
138. La circonscription du commandement des généraux de division a une grande étendue et une haute importance:
Ces chefs ne peuvent que coordonner, d'un quartier général, les opérations secondaires des généraux de brigade dans leurs arrondissements, et les appuyer à propos, à l'aide d'une partie de la réserve dont ils disposent.
139. Un de ces généraux de division commande exclusivement le quartier militaire centre de défense, d'approvisionnement de toutes espèces et des moyens administratifs ou de gouvernement sur la plus vaste échelle.
Il dispose de transports considérables pour toutes les éventualités.
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140. Chaque subdivision intérieure ou arrondissement municipal de 200 à 600 hectares d'étendue, de 60 à 120,000 âmes de population, d'une défense indépendante ou au moins limitée par de grandes lignes de communication, est sous les ordres permanents d'un général de brigade.
Le quartier général est à la mairie, où se trouvent, en tous temps, les approvisionnements nécessaires de vivres et de munitions de réserve.
141. Ce général, outre la légion et le peloton de cavalerie du quartier, dispose d'une réserve de 2 à 3 bataillons de ligne casernés en face de la mairie ou, au moins, à proximité.
142. Les généraux de subdivision intérieure doivent comprimer l'émeute dans l'étendue ordinaire d'une grande ville de province.
Leur commandement est encore très important: ils ont une responsabilité qui exige une certaine initiative ou latitude.
143. Dans chaque subdivision intérieure, les centres offensifs ont, pour l'action et le logement des troupes, des débouchés, des enceintes, des locaux convenables.
Ils sont près d'établissements publics à préserver, de carrefours ou de défilés importants, sur des lignes de communications ou de séparations principales.
144. Les passages sur les rivières, canaux, vieilles enceintes, escarpements, seront défendus, de manière à maintenir constamment séparées les diverses insurrections; à empêcher les transports d'armes, de poudre de l'une à l'autre, et à conserver cependant, pour la troupe, tous ces avantages décisifs.
Suivant la force de la garnison, et le concours plus ou moins efficace de la garde nationale, l'on occupera également, dans les quartiers importants, les dépôts de grains et de farines, les maisons de boulangers, d'armuriers, d'artificiers, les imprimeries, les caisses publiques et particulières, les églises et clochers où l'on pourrait sonner le tocsin, ainsi que les maisons, qui protégent le débouché sur les places.
Tous les petits postes ordinaires, autres que ceux ci-dessus mentionnés, se replieront promptement sur les corps-de-garde les plus rapprochés non abandonnés.
145. Ces dispositions résultent d'ailleurs de l'exécution intelligente du principe général suivant.
Les arrondissements militaires en pleine insurrection, bientôt et successivement renforcés par une portion des réserves de la division dont ils font partie, et au besoin par une fraction de la réserve générale, font occuper, à 600m autour de leur quartier général, cinq à six centres d'action tertiaires, espacés de 600m les uns des autres, et gardés, chacun, par un demi-bataillon de garde nationale avec 2 à 4 compagnies de ligne.
Ces points d'appui offensifs sont principalement établis au nœud des communications, aux défilés importants, sur les principales artères; là où se rend ordinairement la foule des promeneurs, des curieux, des émeutiers; au centre des quartiers populeux ou mécontents.
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146. Les subdivisions extrà muros , avec les gardes nationales des faubourgs et de la banlieue, avec de l'infanterie, de l'artillerie et la majeure partie de la cavalerie, successivement appelées dans la capitale, sont chacune sous les ordres d'un général de brigade.
Elles surveillent, interceptent les avenues de la ville, la banlieue, les barrières, les chemins de fer, les passages des malles, diligences et courriers.
147. S'il y a un mur d'octroi, les petites barrières sont fermées.
Les barrières principales, espacées de 1500m en 1500m, sont gardées par des détachements de ligne qu'appuient les gardes nationales des faubourgs et des provinces.
148. Les quartiers généraux des subdivisions militaires extrà muros , au nombre de trois ou de quatre, sont à une distance de l'enceinte au moins égale à la moitié du rayon de celle-ci; leur écartement entre eux peut être quatre fois plus grand: chacun est le chef-lieu d'un arrondissement administratif, où existent les réserves d'approvisionnements de vivres et de munitions nécessaires.
Ces quartiers généraux commandent les avenues et les cours d'eau principaux, ainsi que toutes les positions intermédiaires; au besoin, ils assurent les mouvements, convois et communications par la banlieue; ils arrêtent les insurgés, rallient les secours qui viennent du dehors.
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149. On se récriera contre ce nombre de divisions et de subdivisions militaires; contre les intermédiaires, les lenteurs qui peuvent en résulter pour l'exécution des ordres. On dira que c'est créer, pour une capitale, à l'intérieur, en pleine paix apparente, une véritable armée.
Cependant l'effectif des forces, l'étendue, la complication du théâtre des opérations, les péripéties imprévues que chaque heure y fait succéder, la difficulté des communications, la durée probable de la lutte, son acharnement, ses conséquences peuvent exiger désormais, quelque part en Europe, tout ce surcroît de sous-divisions dans les hauts commandements, cette hiérarchie de responsabilité pour des mesures ou des événements la plupart hors de la portée du général en chef.
Ne faut-il pas une véritable armée organisée en permanence, d'une manière complète, avec les accessoires les plus puissants, pour une lutte qui durerait plusieurs jours, dans laquelle cent mille gardes nationaux ou soldats, répartis sur un dédale immense, au milieu de l'ouragan des révolutions, consommeraient des millions de cartouches et des milliers de coups de canon; perdraient plusieurs milliers d'hommes et autant de généraux que les plus grandes, les plus meurtrières journées de l'époque impériale en ont vus périr?
Outre ces pertes cruelles et les quelques millions engloutis pour dévastations; outre la capitale transformée pendant plusieurs mois en un hôpital de blessés et de mourants, la société peut enfin y voir ses dernières journées.
Certes, voilà des motifs suffisants pour prendre, à l'avance, de sérieuses dispositions.
150. Aucun champ de bataille n'est plus vaste, plus difficile, plus voilé, plus mystérieux, plus inquiétant pour une seule responsabilité; aucun n'exige, pour chaque grade, fraction de troupe ou position occupée, autant de latitude et de spontanéité d'action dans de certaines limites.
Napoléon lui-même, avec toutes ses puissantes facultés, y réclamerait encore le concours complet des admirables agents de combat qui le suppléèrent si heureusement, dans les opérations secondaires de ces champs de bataille immortels, dont l'immensité ne pouvait néanmoins rien dérober à son génie.
151. Telles sont désormais les nécessités malheureuses de pareilles luttes: chaque général divisionnaire ou sous-divisionnaire doit irrévocablement s'attacher à son centre d'action pour y défendre les dernières murailles avec le dernier soldat. Ce centre a, dans le plan général adopté, une latitude en rapport avec l'importance des forces dont on y dispose et du grade élevé qui les dirige; lié au quartier militaire et aux centres voisins dans de certaines limites, il reste indépendant au-dessous de ces limites.
Mieux vaut, sous quelques rapports et dans une juste mesure, plusieurs grandes défenses individuelles efficaces par leur responsabilité et leur influence réelles sur les événements; mieux vaut toute l'action du général en chef exclusivement consacrée à coordonner, soutenir, rallier ces défenses individuelles, selon le plan général de défense adopté, qu'une direction unique et impossible si elle doit dominer jusqu'aux détails des opérations secondaires.
Un instant critique, qu'il faut prévoir, pourrait tout à coup étonner, déconcerter, jeter dans l'isolement et l'impuissance le commandement le plus actif ainsi compromis.
152. D'ailleurs, ce nombre de divisions et de subdivisions militaires, tant intérieures qu'extérieures, résulte de la nécessité désormais évidente de coordonner partout, d'une manière intime et complète, en vue d'une répression énergique, l'action des troupes de ligne, des légions de garde nationale, des autorités municipales d'arrondissement et des agents de sûreté, de telle sorte que, dans chaque centre de résistance, il y ait unité forte de tous les concours, de tous les moyens répressifs et approvisionnements indispensables.
Ce nombre résulte aussi de la nécessité également évidente d'utiliser les légions de garde nationale dans leur arrondissement, avec le chiffre des bataillons de ligne, qui seuls peuvent leur donner la consistance et la valeur désirables.
Il résulte enfin de l'étendue même du champ de bataille, du nombre des positions capitales qui, à différents degrés d'importance, le subdivisent inévitablement; celles-ci exigent, dans de certaines limites, des forces ou des approvisionnements de toute nature, indépendants et assurés.
Voilà bien des motifs, et cependant nous avons encore à donner le plus important, celui qui seul dominerait dans une pareille question: la nécessité de préserver l'humanité de jours sanglants et néfastes, en rendant, par un surcroît de moyens répressifs ou préventifs, toute tentative de lutte impossible à l'anarchie.
En définitive, il faut également centraliser et élever la direction générale, multiplier et localiser l'action.
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153. Le chiffre relatif des réserves divisionnaires est réglé d'après l'étendue, l'importance de leurs circonscriptions, des craintes qu'elles donnent; les différentes armes y entrent dans la proportion présumée utile, en raison de la nature des localités.
Ensuite, on fait ultérieurement, au fur et à mesure des nouvelles nécessités, à l'aide de la réserve générale et des troupes disponibles dans les arrondissements restés tranquilles, les modifications exigées par les événements.
154. La répartition des forces entre les subdivisions intérieures, celles extrà muros , les quartiers généraux divisionnaires et la réserve centrale, a lieu, autant que possible, conformément au tableau ci-contre.
+—————————————————————————————————+ | LIGNE. | +———————————+—————+—————+——————+————+ | |Infanterie| Cavalerie| Artillerie | Génie | +———————————+—————+—————+——————+————+ | Subdivisions intrà | | | | | | muros. | 10/20 | » | » | » | +———————————+—————+—————+——————+————+ | Subdivisions extrà | | | | | | muros. | 3/20 |8 à 10/20 | 8 à 10/20 | 2/20 | +———————————+—————+—————+——————+————+ | Quartiers généraux | | | | | | divisionnaires. | 5/20 |10 à 8/20 | 10/20 | 10/20 | +———————————+—————+—————+——————+————+ | Quartier général | | | | | | central. | 2/20 | 2 à 3/20 | 2 à 4/20 | 8/20 | |__________________________________________________________________|
+—————————————————————————————————+ | GARDES. | +—————————————————+———————————————-+ | Nationale. | Urbaine. | +—————————————————+———————————————-+ | 8/12 des légions. | » | +—————————————————+———————————————-+ | Toute la banlieue. | » | +—————————————————+———————————————-+ | 3/12 des légions. | » | +—————————————————+———————————————-+ | 1/12 des légions. | tout le corps. | |__________________________________|_______________________________|
155. Les autorités civiles et militaires sont responsables du maintien de l'ordre dans l'étendue de leur circonscription.
Elles y logent, ainsi que les officiers des corps de ligne casernés dans ledit quartier.
156. Chaque centre d'action principal ou secondaire lance incessamment des patrouilles mixtes de garde nationale et de troupe de ligne vers les centres voisins, les grands carrefours environnants, les défilés au travers des rivières, canaux, escarpements, vieilles enceintes; vers les noyaux de rassemblement ou établissements à surveiller.
On ne détache, en permanence, des fractions de ces centres qu'aux points les plus importants, non assurés convenablement par les patrouilles, et cependant indispensables comme postes intermédiaires.
Ainsi, l'on conserve le plus possible de forces réunies autour de chaque centre d'action.
Partout la garde nationale assiste la troupe de ligne de sa force morale, de la connaissance qu'elle a des localités, des individus et de la situation.
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157. La proportion la plus avantageuse des différentes armes paraît être, à l'intérieur d'une grande ville, 1 escadron, 3 bataillons, 1 pièce 1/2 et 25 sapeurs du génie: c'est-à-dire, infanterie 177/200, cavalerie 12/200, artillerie 8/200, sapeurs du génie 3/200.
Dans les arrondissements extrà muros , on peut adopter la proportion, 1 bataillon, un escadron, 1 pièce et une escouade de sapeurs.
La proportion moyenne, pour toute la garnison, paraît être celle établie par les chiffres suivants: 10 bataillons, 6 escadrons, 6 pièces et 1 compagnie de sapeurs.
158. Le calcul moyen des troupes de ligne nécessaires pour un pareil système de défense, dans une ville dont P représenterait le chiffre de population, est détaillé dans les deux tableaux ci-dessous.
Ces chiffres, ceux que nous avons déjà donnés ou que nous établirons ultérieurement, ne sont que des moyennes approximatives; selon les circonstances morales ou politiques, ils peuvent beaucoup différer des chiffres véritables.
Nombre de bataillons nécessaires.
|———————————————————|——————————-| | Désignation des commandements. | Bataillons. | |———————————————————|——————————-| | P/100,000 arrondissements intérieurs | 30 P/1,000,000 | | ou mairies à 3 bataillons | | | ou P/66,000 à 2 bat. | | | | | | 1/3 du chiffre précédent pour les | 10 P/1,000,000 | | arrondissements extrà muros . | | | | | | 1/2 du même chiffre pour les | 15 P/1,000,000 | | quartiers généraux divisionnaires. | | | | | | 1/5 pour le quartier général | 6 P/1,000,000 | | principal. |_____________________| | | | | Total des bataillons de ligne | P/10,000 | | nécessaires. | | |———————————————————|——————————-|
Troupes de lignes nécessaires.
|—————————————————————————————————| | Désignation des armes. | Nombre | | | d'hommes. | |———————————————————————-|—————————| | P/16,000 bataillons de ligne à 700 h. | 700 P/16,000 | | | | | 1/10 de l'effectif précédent pour les | 70 P/16,000 | | escadr. | | | | | | 1/60 id. pour les pièces. | 11 P/10,000 | | | | | 8 sapeurs du génie par bataillon d'infanterie.| 8 P/16,000 | | | | | Garde urbaine, pompiers. | 56 P/16,000 | | |__________________| | | | | Total général de la garnison nécessaire. | P/20 hommes. | |———————————————————————-|—————————|
159. Une direction unique, ferme et modérée, non exclusivement militaire, mais telle que le concours complet de tous soit assuré, part du centre même du gouvernement, autour duquel sont réunis le commandant en chef et tous les agents ou principaux moyens d'action nécessaires.
Le chef de l'administration civile, celui de la police, le commandant des gardes nationales, une imprimerie, des courriers, une réserve générale, composée de partie des gardes nationales des provinces, des milices urbaines et des troupes de ligne, appelées successivement dans la capitale, restent disponibles.
160. Les ordres généraux pour la prise d'armes, indiquant les positions principales, secondaires et tertiaires à occuper, sont concertés d'avance entre les autorités militaires ou civiles et le chef de la garde nationale.
Ils sont rédigés, pour chaque fraction de corps logée ou devant prendre position séparément, de manière à pouvoir être expédiés et exécutés de suite.
161. Mais le mieux est qu'un établissement judicieux des casernes et mairies, dans la position principale de chaque arrondissement, y fixe en permanence les troupes de ligne et de garde nationale qui y seraient indispensables au commencement de la lutte, pour rendre celle-ci difficile ou même impossible, en s'opposant à la formation des rassemblements et à leur établissement sérieux.
Ainsi, même à défaut d'ordres généraux, la répression agirait partout, immédiatement et d'une manière convenable, avec des approvisionnements assurés.
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162. La direction militaire est trop souvent entravée, pendant l'émeute, par des influences diverses:
1° Les solliciteurs de détachements ne demandent, le plus souvent, qu'à mettre leur responsabilité à couvert, dans l'intérêt particulier de leur service ou de leurs établissements, sans s'inquiéter de la situation générale et des considérations qui doivent dominer;
2° Les incessants porteurs de nouvelles alarmantes prétendent avoir vu toutes les choses absurdes qu'une imagination timorée leur suggère;
3° Les donneurs de conseils sont toujours nombreux, un faux et ridicule zèle les excite;
4° Quelquefois des citoyens intéressés, passionnés, enveniment, prolongent, ensanglantent la lutte par leur intervention inopportune;
5° Les entremêleurs officieux et suspects sont d'autant plus dangereux qu'ils ont presque toujours un pied dans la révolte: on profite du concours loyal ou perfide de ceux-ci, de manière à les compromettre et à désorganiser l'émeute; mais on ne leur permet pas de s'initier au secret des mesures de répression; on saisit le premier prétexte pour arrêter les plus dangereux.
163. Les rapports régulièrement fréquents des chefs de patrouille aux commandants de centres d'action, de ceux-ci aux chefs de subdivisions et de divisions, de ces derniers au centre du gouvernement et au quartier général principal; des commissaires et agents de sûreté au commissaire central de police; des officiers de place ou de l'état major de ronde; dans chaque arrondissement, ceux de la milice urbaine; les signaux établis entre les différents quartiers généraux, mairies, positions militaires et casernes, permettent toujours d'apprécier, au juste, ces demandes de secours, ces avis, ces rapports exagérés, et d'agir avec connaissance de cause; ils assureront la prompte et complète exécution des ordres.
Ces avantages, ces facilités résultent de la juxta-position permanente si utile des autorités civiles et militaires correspondantes, dans chaque arrondissement et quartier.
On fait parler à chaque fraction de troupe ou de garde nationale; on trace une ligne de conduite, ferme, modérée, qui inspire la confiance; on explique le système de répression adopté, son efficacité; ainsi l'on doit triompher des principaux obstacles.
* * * * *
164. Des proclamations fermes, modérées, sans jactance, sans provocation, sont adressées à la population pour l'éclairer et la soustraire à l'influence des partis.
On invite les citoyens paisibles à rentrer chez eux de bonne heure et à ne pas renforcer l'émeute, en apparence, par leur présence curieuse.
165. Le gouvernement indique aux populations un but et une idée de ralliement qui puissent convenir au plus grand nombre et permettre à chacun d'espérer.
Il leur dévoile l'insurrection, ses projets véritables, ses progrès menaçants, leurs conséquences, de manière à lui retirer le plus possible de partisans; à satisfaire, à mettre à profit ce génie, cette fougue d'initiative qui distingue les nations turbulentes dans la politique comme du combat.
Il conserve plutôt, ainsi, la bonne position du protecteur de la société que celle de principal ou unique intéressé à la répression.
166. Il faut éloigner, de suite, les autorités ou les citoyens dont l'imprudence aurait fourni un juste sujet d'excitation à l'émeute; quelquefois même on sévit contre eux.
En temps de malaise ou de mécontentement, les plus grands ménagements sont nécessaires; on évite ce qui peut surexciter.
* * * * *
167. Les dispositions de ce chapitre sont prises en vue d'une lutte énergique à l'intérieur de la ville; mais le Pouvoir et le chef militaire doivent toujours se réserver, pour un cas extrême, la possibilité, suivant les circonstances, d'adopter, soit le plan de défense dans le quartier militaire, soit une concentration en dehors de la capitale.
L'un ou l'autre de ces deux plans peut encore sauver, quoique pris éventuellement et après qu'un aura échoué dans celui dont il vient d'être question; car les mesures prescrites, en vue de ce dernier système de défense, ne sont nullement incompatibles avec celles que les autres partis exigent.
168. Ce moment sera une épreuve pour les autorités diverses; il n'est pas au-dessus des forces vitales des nations européennes; et il faut bien que le grand problème des sociétés modernes puisse être résolu dans sa plus désespérante difficulté.
Le soldat obéit toujours; il aime qu'on lui commande avec confiance et énergie des actes utiles au pays; le désordre lui est antipathique.
Toute armée fera son devoir; on n'hésitera pas sur le chef à lui donner et sur les mesures à prendre: chefs et mesures, également désignés d'avance par l'anarchie, dans ses efforts pour les rendre impossibles.
Les officiers savent jusqu'où s'élève l'importance de leur mission en de semblables circonstances; ils savent le sort qui les attendrait.
Les grades, les honneurs qu'ils ont obtenus sont le prix d'un dévouement absolu aux intérêts de la société; en les acceptant, ils ont contracté de sérieux et glorieux engagements.
Pendant une longue carrière, dont la presque totalité se passe souvent dans la tranquillité et les honneurs, il peut y avoir, pour chacun, quelques jours, quelques moments difficiles, où l'occasion glorieuse se présentera enfin de remplir cet engagement sacré pour tout homme de cœur.
Le sang de l'officier ne peut être plus utilement versé qu'en préservant le pays de longs et irréparables malheurs; qu'en sauvant, par quelques moments d'énergie, les intérêts les plus chers des familles; l'honneur est son élément.
Si les services rendus dans toutes les guerres contre l'étranger, la plupart également stériles et ruineuses, ont toujours été si justement honorés, de quelle considération les gouvernements et les peuples, aujourd'hui menacés dans leur existence, ne doivent-ils pas récompenser les défenseurs de la société en décadence.
169. D'un autre côté, aucun pouvoir, ou fonctionnaire ne s'arrête, dans de pareilles circonstances, devant les fautes ou le découragement des autres: chacun a sa responsabilité dont le succès et le noble but à atteindre fixent seuls les limites.
Si les gouvernements chancèlent, c'est, quelquefois, quand, par un fatal mal entendu, on paraît disposé à se préoccuper de l'apparence trompeuse d'un défaut de lumières, de dévouement et de résolution, pouvant ou sachant toujours se rendre utiles.
En 1652, pendant une année d'angoisses et de folles rebellions, Turenne raffermit plusieurs fois le trône, soit par les résolutions prudentes et fermes qu'il inspira ou les projets désastreux qu'il put écarter; soit par un dévouement militaire de tous les instants, qui ne laissa échapper aucunes occasions, si peu importantes, si fréquentes qu'elles fussent, de prendre un avantage ou d'éviter un insuccès.
Grâce à cette héroïque persévérance, payant aussi bien chaque jour, et de sa personne et de son génie, le fils d'Anne d'Autriche put devenir Louis XIV.
Turenne replaça ainsi, sur la tête du jeune roi, cette couronne qu'il eut le bonheur de voir si belle, et qui, par un éclat inouï restera, pour la gloire de la France, pour l'admiration de la postérité, le symbole de la plus puissante nationalité.
Les pleurs que le peuple versa à la mort de ce grand homme, le mot de Montecuculli, le respect de l'histoire, et d'âge en âge, l'estime, la reconnaissance des hommes d'état, sont la juste récompense d'une persévérance de dévouement, d'une probité politique, et d'une capacité également providentiels.
Que cette grande renommée inspire les soldats appelés à rendre de tels services aux sociétés menacées!
Justum et tenacem propositi virum Non civium ardor prava jubentium, Mente quatit solidâ.
(HORACE, Ode 3, liv. 3.)
Appliquons ces considérations générales à quatre cas particuliers.
170. La ville a 10,000 âmes de population; elle est entourée d'une enceinte.
Une place centrale et l'hôtel-de-ville séparent les deux parties égales de la cité, aux extrémités desquelles sont des casernes.
Un piquet de plusieurs compagnies de ligne et de garde nationale, renouvelé plusieurs fois dans les 24 heures, lance incessamment, de l'hôtel-de-ville, des patrouilles au-devant de celles envoyées par l'une et par l'autre caserne.
Les faubourgs veillent chez eux et fournissent les gardes des portes; ils interceptent aux émeutiers toute communication.
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171. Supposons une ville de 50,000 âmes de population, de 3 bataillons de ligne de garnison; la garde nationale compte trois bataillons; il existe un mur d'octroi avec barrières: la troupe et la milice citoyenne, quoique résolues, manquent de consistance, et le pays s'attend aux plus graves événements.
Les autorités réunies en permanence à la mairie ont, sous leur main, toute la garde nationale dans l'hôtel-de-ville et, en face, à l'autre extrémité d'une grande place, toute la garnison dans une caserne.
Pendant deux heures consécutives, deux patrouilles mixtes, composées chacune de 50 à 100 hommes de ligne et d'autant de gardes nationaux, opèrent simultanément de manière à dégager un quartier.
Ces doubles patrouilles mixtes sont relevées, à leur rentrée, par des patrouilles semblables pour opérer, selon les circonstances, ailleurs ou dans le même quartier.
Les gardes nationaux des faubourgs gardent les barrières et interceptent la communication aux émeutiers.
Les positions, qu'il devient utile d'occuper accidentellement, le sont, pendant tout le temps nécessaire, par des postes mixtes relevés de deux heures en deux heures.
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172. Supposons une ville fortifiée, avec château, de 80,000 âmes, de 250 hectares de surface: elle a 7 bataillons et un escadron de garde nationale, 4 bataillons de ligne, un régiment de cavalerie et une section d'artillerie attelée; total: 3,000 hommes de garnison. Cette ville représente à peu près, par son étendue, l'un des arrondissements pris pour unité de résistance militaire dans une capitale. La mairie, à l'extrémité opposée de la citadelle, n'est pas centrale.
La section d'artillerie, la compagnie hors rang, les malingres, les cuisiniers et une compagnie du centre du régiment caserné au château garderont ce réduit.
Un bataillon de ligne, le bataillon de garde nationale du quartier et l'escadron de garde nationale formeront réserve générale, dans un établissement central, le plus rapproché de l'hôtel-de-ville.
Plusieurs détachements composés d'un demi-bataillon de ligne et du bataillon de garde nationale du quartier, s'établiront, chacun, dans un bâtiment convenable, de manière à former, autour du quartier général, une circonférence de 5 à 6 centres d'action espacés entre eux de 300 à 400m et d'autant du quartier général. La mairie sera un de ces centres d'action.
Le régiment de cavalerie, les chevaux sellés, restera dans sa caserne: il enverra des patrouilles, dans les quartiers environnants les plus ouverts, et jusqu'aux centres voisins; des piquets extérieurs d'observation surveilleront les populations urbaines remuantes.
Un demi-bataillon de ligne et un demi-bataillon de garde nationale occuperont une position intermédiaire de nature à assurer la communication avec le château.
Chaque centre d'action fait garder les portes ou le débarcadère du chemin de fer, à sa proximité, par des détachements convenables.
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173. Supposons une grande capitale d'un million d'âmes et de 3,300 hectares de superficie: elle a une garde urbaine, 42 bataillons de garde nationale et 14 pelotons à cheval; 80 bataillons, 32 escadrons, 7 batteries, 8 compagnies du génie peuvent y être réunis facilement.
Il y aura 4 divisions militaires, dont une au quartier général; 18 subdivisions militaires, dont 14 intrà muros , correspondantes aux 14 mairies.
Sauf l'artillerie, en majeure partie réunie au quartier militaire, celui-ci aura à peu près le double de troupes des autres divisions.
Sur les 80 positions tertiaires à occuper autour des quartiers généraux divisionnaires, 50 au plus, seraient simultanément nécessaires, l'émeute ne s'étendant jamais partout également: parmi ces dernières, les deux tiers, mairies ou casernes, seront déjà suffisamment gardés par les rassemblements obligés des gardes nationaux ou par les petits dépôts des corps: tout au plus peuvent-elles compter pour moitié, quant aux garnisons nécessaires.
Il n'y aurait donc réellement que quarante détachements à fournir simultanément, par un peu plus du quart des forces subdivisionnaires.
Les troupes seraient rendues sur leur position de combat: savoir, celles des subdivisions intrà muros , deux heures après le départ des ordres; celles des subdivisions extrà muros et des réserves divisionnaires trois heures après ce départ des ordres; la majeure partie de la réserve générale trois à six heures en suite des ordres donnés.
6 à 18 heures après l'expédition dus ordres, il pourrait arriver, par les voies de fer, de terre ou d'eau, des garnisons voisines, un renfort d'un septième de troupes, surtout en cavalerie.
24 à 36 heures après l'expédition des ordres, il arriverait peut-être des divisions voisines, par la voie de fer ou en poste, principalement en infanterie et en artillerie ou en sapeurs, un renfort aussi important.
Ces secours non indispensables rendraient le succès encore plus assuré.
174. Beaucoup de cas peuvent être ramenés aux quatre suppositions qui viennent d'être faites: et le système général de défense, précédemment exposé, se plie également à chacun d'eux.
Dispositions de détail.
§ Ier.
175. Ce chapitre est le développement indispensable de celui qui précède: on y expose les détails pratiques d'exécution.
À l'aide de quelques répétitions nécessaires, puisqu'elles ne portent que sur les principes les plus incontestables, les plus importants, on a pu présenter l'ensemble de toutes les mesures pratiques de répression, indépendamment du plan général de défense précédemment exposé et comme une autre solution moins générale, moins théorique, moins absolue du problème qui nous occupe.
Mais, cette fois encore, ne l'oublions pas, la principale condition du problème sera de rendre toute lutte impossible à la révolte, afin du mieux éviter l'effusion du sang et les autres calamités qui en résultent pour tous.
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176. Contre une émeute sérieuse, qui veut faire une révolution, il faut occuper plus d'un point; les rebelles libres, ou soutenus de tous les indifférents et peureux, y bloqueraient la garnison.
Si, au contraire, on occupe toute la ville uniformément, on n'est fort nulle part; les troupes disséminées agissent sans ensemble, leurs communications sont interceptées; chaque corps bloqué est livré à ses propres forces et impressions; la situation est moins bonne.
Il faut choisir un quartier militaire renfermant le centre du Gouvernement, les ministères, la poste, les télégraphes, les chambres, les messageries, la manutention, l'arsenal et les principales administrations: de cette position, on doit pouvoir dominer le reste de la cité, séparer les unes des autres les différentes parties de ville en insurrection, communiquer directement avec l'extérieur, isoler les quartiers extérieurs abandonnés ou révoltés.
177. Le rassemblement des gardes nationaux se fera aux mairies: les premiers réunis, ou un peloton d'élite, envoyé par la troupe dès qu'elle sera arrivée, parcourra tambour battant les rues deux fois de suite: une première fois pour appeler aux armes, une seconde pour rallier.
Aussitôt, un signe général, jusque-là inconnu, sera délivré ou assigné à chaque garde national: le peloton de la ligne retournera à son bataillon.
178. Chaque corps, avant départir, laissera dans sa caserne, sous les ordres d'un officier, 25 à 30 hommes renforcés par autant de gardes nationaux du quartier, pour défendre l'édifice, empêcher le pillage des armes: celles-ci seront démontées et incomplètes.
On occupera un bâtiment en face de la porte de la caserne, surtout si celle-ci n'a pas de cour.
170. Les bataillons, formés sur deux rangs, seront divisés en pelotons de 40 à 50 hommes, sous les ordres de deux officiers, de manière à ce que les soldats restent, autant que possible, avec leurs chefs habituels: ordinairement il y aura 10 pelotons, dont 4 d'élite par bataillon.
180. Dès que les troupes arriveront dans un quartier en pleine révolte, on y prendra position.
Elles seront précédées et suivies, à 50 pas, de deux files de 7 à 8 tirailleurs sur un rang, sous les ordres d'un officier.
Les divisions, en colonne par section, prendront entre elles 50 pas de distance, tambours et clairons dans les intervalles.
181. Lorsqu'une compagnie marchera isolément, la première section en tirailleurs à droite et à gauche, pour faire fermer les fenêtres et tirer à tout ce qui s'y montre armé, éclairera la 2e suivant à 60 pas en arrière.
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182. Parvenu au premier embranchement de rue voisin de la position, le bataillon sera arrêté à l'abri du feu des insurgés; chaque division surveillant provisoirement le carrefour près duquel elle se trouve et assurant les derrières de la précédente.
Le premier peloton de fusiliers occupera les maisons d'angle du premier carrefour.
L'embranchement suivant à 50 ou 80 pas de distance, plus ou moins, de manière à ne laisser aucune partie de rue non observée, recevra le 2e peloton, protégé s'il est nécessaire, pendant sa marche, par le feu du 1er.
On placera de la même manière le 3e et, s'il y a lieu, le 4e peloton de fusiliers.
183. L'état-major et les 4 pelotons d'élite de réserve occuperont, au centre des pelotons déjà placés, un ou deux bâtiments contigus ou vis-à-vis l'un de l'autre, spacieux, susceptibles d'une bonne défense et à débouchés faciles.
184. Les compagnies du centre, non encore employées, prendront position aux carrefours de droite et de gauche, dans les rues littorales, vis-à-vis de cette position centrale.
185. Chaque poste particulier aura, au plus, deux factionnaires dans la rue: une des fenêtres, par maison occupée, sera constamment ouverte la nuit, sans lumière dans la chambre, et garnie de deux factionnaires.
De jour, les hommes se montreront aux fenêtres.
La grande porte du bâtiment occupé par la réserve sera ouverte, afin que les forces de celle-ci soient vues et qu'elles puissent déboucher immédiatement.
Les boutiques des maisons occupées resteront fermées.
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186. Chaque détachement s'établira d'abord militairement.
1° Des feux de flancs plongeants, et des feux de revers renforceront l'enceinte occupée, au point de la rendre inexpugnable, même par des forces considérables, et de manière à ce que la majeure partie du détachement puisse agir au dehors, selon les circonstances.
2° Des positions extérieures seront prises pour laisser, entre elles et le poste principal de chaque détachement, les défilés d'où celui-ci pourrait être plus facilement bloqué.
3° Les maisons, qui battent ou commandent la communication du poste principal avec les avancées, seront occupées ainsi que celles qui domineraient la porte.
4° Celui de ces détachements, qui sera au milieu d'un quartier populeux et resserré, établira le gros de ses forces aussi à proximité que possible d'un arrondissement ouvert et tranquille, se bornant à soutenir, par des échelons plus ou moins forts, une avancée au centre même de l'insurrection.
187. Un peloton de la réserve du bataillon, allant se faire reconnaître aux différents postes occupés, ou lier communication avec les bataillons voisins, sera constamment dehors; il arrêtera, désarmera les insurgés et ralliera les gardes nationaux en retard.
La patrouille faite sera recommencée immédiatement par le même peloton qui, après la seconde, tournée, devra être remplacé par un autre. Tous les soldats au repos conserveront la giberne et le sabre.
188. De cette manière, et tant qu'il n'y aura pas de lutte sérieuse, chaque homme pourra se reposer trois et quatre heures de suite; moins du quart du bataillon veillera sous les armes.
La troupe, abritée et bien nourrie, résistera facilement à une émeute de plusieurs jours; elle occupera, à portée des chefs, les positions dominantes, sous la protection de la réserve; le bataillon entier pourra être réuni facilement pour un mouvement quelconque.
189. Les 5 et 6 juin 1832, un bataillon occupa, conformément à ces principes, la grande poste et le quartier environnant.
Les rebelles avaient intérêt à bloquer cet établissement, afin de tromper la province par l'absence des courriers ou l'envoi de fausses nouvelles; il leur suffisait, pour parvenir à ce but, de faire des barricades tout autour, sans même qu'il fût nécessaire de les défendre.
De ce centre d'action, d'incessantes patrouilles rayonnèrent au delà des petits postes extérieurs, jusqu'au Carrousel, les Halles, la Banque, les Petits-Pères; elles rallièrent les gardes nationaux et empêchèrent l'insurrection de s'établir dans ce quartier; elles assurèrent l'approvisionnement régulier du bataillon en vivres pris chez les fournisseurs voisins et en munitions: la soupe fut régulièrement faite dans l'hôtel même de la poste.
190. Un bataillon, posté connue il a été dit plus haut, tiendra un espace circulaire de 2 à 300m de diamètre, dans les lieux importants duquel aucun homme armé ne pourra se montrer sans être fusillé de plusieurs points.
Un second bataillon, dont la réserve sera à 5, ou 600m de celle du précédent, maintiendra un autre quartier hostile; il sera impossible aux insurgés de faire un établissement sérieux, et même de se grouper, entre eus deux centres d'action constamment liés par des patrouilles.
191. Le 11 et le 12 mai 1839, deux bataillons occupèrent ainsi les quartiers Saint-Méry, du marché des Innocents, du Châtelet et du Quai-aux-Fleurs, de manière à y rendre impossible tout désordre, nonobstant le nombre et la nature des masses de curieux ou autres individus venus de tous les points de Paris.
Un bataillon eut sa réserve dans l'église Saint-Méry, l'autre sur la place du Châtelet, à la chambre des notaires.
192. La partie de la ville à occuper sera maintenue par des bataillons ainsi postés, dans les quartiers les plus difficiles et les plus rétrécis, mais à portée des grandes communications et des lieux ouverts.
Ces bataillons feront réseau en avant de l'espace militaire qui renferme le centre du Gouvernement, les Chambres, les ministères, les principales administrations, la manutention des vivres, les télégraphes.
Liés entre eux et avec l'état-major général, ils agiront sur un rayon proportionné à leur force, et offriront aux gardes nationaux ou aux autorités, dans ces espèces de citadelles, des centres d'action et de réunion. On triomphera bientôt, ainsi, d'une insurrection débordée de toutes parts.
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193. Les îles qui commandent les divers ponts, les débouchés des places, les étranglements et passages, rampes, escaliers, en travers des vieilles enceintes ou escarpements, seront gardés et défendus comme postes détachés, de manière à ce qu'on puisse couper les communications aux insurgés et conserver celles-ci pour la troupe.
D'autres bataillons, espacés comme il vient d'être dit, rattacheront les faubourgs et quartiers à maintenir, les citadelles ou postes extérieurs à conserver.
194. Les troupes de ligne seront à peu près réparties de la manière suivante:
1° 6/10 de l'infanterie, 4/10 des autres armes pour former le réseau;
2° 2/10 de l'infanterie, 4/10 des autres armes à l'extérieur;
3° 2/10 de toutes les armes comme réserve générale au centre du quartier militaire.
195. La garde nationale s'établira dans les mairies et places environnantes; elle pourra garder des carrefours voisins de ceux occupés par la ligne, détacher des compagnies auprès des réserves des bataillons, et des bataillons entiers auprès de la réserve générale.
196. On interceptera, à l'aide des 2/10 de l'infanterie et des 4/10 des autres armes, les communications de l'insurrection avec le dehors:
1° En occupant ou bouchant les différentes portes, si la ville a une enceinte;
2° En plaçant des bataillons ou demi-bataillons dans trois ou quatre positions extérieures commandant les principaux obstacles ou issues, chemins, ponts, rivières, canaux, et communiquant directement avec le quartier militaire;
3° Des piquets de cavalerie battent les environs, interceptent les nouvelles, dispersent les rassemblements, gardent les défilés extérieurs et rapprochés par lesquels on arriverait à la ville.
197. Les gardes de la manutention, des télégraphes, de l'arsenal, de la banque, des postes et même des messageries ou autres administrations rentreront, sur l'avis des agents de police, dans ces établissements; elles s'y barricaderont et s'y défendront; la porte du corps-de-garde sera fermée s'il est extérieur.
Si, nonobstant les concours de la garde nationale, la conservation de ces postes exigeait un trop grand déploiement de forces, il faudrait, autant que possible, avant de les évacuer, transporter dans le quartier militaire, ou, au moins détruire, tout ce qui pourrait favoriser la révolte: bateaux, voitures, poudres, moyens de transport et de correspondance.
Les gardes qui, par leur faiblesse, ne pourraient résister, se replieraient, à l'avertissement des agents de sûreté, sur d'autres postes indiqués.
198. Suivant la force de la garnison et les dispositions de la milice citoyenne, l'on occupera, sur quelques points, les dépôts de grains et de farines, les maisons de boulangers, d'armuriers, d'artificiers, les imprimeries, les caisses publiques et particulières, les églises ou clochers d'où l'on pourrait sonner le tocsin ou faire des signaux, ainsi que les bâtiments qui protégent le débouché sur les places et en dehors des casernes.
Mais on évitera toujours de disséminer la troupe, de l'engager légèrement sans les appuis et moyens nécessaires, sur des points trop éloignés communiquant difficilement entre eux ou avec la réserve.
199. On fera provision, dans le réduit de chaque bataillon et dans les mairies, de vivres, munitions, cordes, haches, leviers, échelles, petits pétards de 5 à 6 livres de poudre, mantelets, pompes à incendie, chariots légers à un cheval, béliers en bois, serpes, scies, pelles, pioches, gros marteaux et tenailles de trois pieds de long.
200. Dans les principaux centres de résistance, existent des tonneaux à lancer, soit des grenades jusqu'à 200m de distance; soit des carcasses enflammées ou de mitraille.
Ces tonneaux portatifs sont traînés et établis sur de petits traîneaux roulants: deux hommes suffisent pour les servir, soit contre une barricade, soit contre un rassemblement à disperser.
201. Les mantelets avec canonnières auront deux ou trois petites roues, deux manches et des montants de 4 à 5 pieds de haut, 3 à 4 de large: ils seront surmontés d'une pareille construction en planches légères, à l'épreuve de la balle.
Plusieurs soldats, marchant de front, en poussent chacun un devant eux; ils le renversent contre la barricade et escaladent celle-ci.
202. Chaque bataillon fera cuire du pain chez les boulangers voisins; on fera la soupe dans plusieurs des locaux occupés.
Des escortes régulières iront chercher les vivres, soit à la manutention, soit au quartier, si ceux-ci sont peu éloignés.
Dans le dernier cas, chaque compagnie, avec armes et bagages, pourra, à son tour, aller prendre ses repas à la caserne: elle servira de patrouille à l'aller et au retour.
On profitera des patrouilles, dirigées vers les dépôts les plus voisins, pour augmenter l'approvisionnement en cartouches.
203. Toutes ces dispositions prises, et autant que possible de manière à ce que les commandements militaires, le casernement des troupes, qui en dépendent, aient les mêmes circonscriptions que les mairies et que les légions de garde nationale, ainsi que nous l'avons expliqué dans le chapitre 3, les opérations ultérieures auront lieu conformément aux principes suivants.
204. De deux on trois centres de bataillon, on marche au foyer même de l'insurrection, s'il est extérieur, avec des troupes de la réserve; on le cerne, on s'emparant au fur et à mesure des bâtiments convenables, surtout des édifices publics; on y rallie la garde nationale des environs.
On avance toujours ainsi, en resserrant et isolant les rebelles de l'intérieur et de l'extérieur, mais de manière à pouvoir se rapprocher du gros de la garnison, en cas d'échec.
205. Si, au centre même de l'insurrection, est un bâtiment ou groupe de bâtiments important, facile à défendre, et bien approvisionné, il faut y jeter quelques compagnies, même un bataillon bien commandé.
Ce détachement facilitera les attaques, en tournant une partie des barricades et positions ennemies; il contiendra le quartier et en ralliera les gardes nationales; on communiquera, avec ce centre d'action, par quelques positions intermédiaires, par des patrouilles, ou, au moins, par des signaux.
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206. Si une grande rue, promenade ou place, est au milieu des parties insurgées, on fera tous ses efforts pour y arriver par plusieurs directions.
On occupera fortement tous les bâtiments qui les flanquent, et ceux aux angles des rues aboutissantes; on délogera les rebelles de toutes les maisons qui y ont vue, afin que l'artillerie soit libre d'agir.
Plusieurs attaques tentées de cette place d'armes et de ces rues aboutissantes, dont deux fausses sur les ailes et les flancs de l'ennemi, une ou deux véritables sur le centre, doivent, si elles ont été bien préparées, forcer les positions des insurgés.
207. S'il y a difficulté de pénétrer dans les lieux rétrécis qu'occupent les rebelles, on les attire par une retraite simulée sur un terrain ouvert, battu de feux croisés d'artillerie et d'infanterie; on les cerne, on les attaque.
208. Partout où l'on s’étend, il faut s'emparer des défiles qui divisent l'insurrection ou qui l'isolent de l'extérieur et des autres quartiers.
Si on ne peut garder ces passages, et s'ils sont inutiles à l'attaque, on les coupe, on les barricade.
Il faut aussi s'assurer des défilés ou positions qui commandent les communications des différentes colonnes entre elles, ou avec les points occupés en arrière.
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209. On marche, dans toutes ces opérations, par divisions à grandes distances, comme nous l'avons déjà expliqué, un peu de cavalerie soutenant l'infanterie, les flancs éclairés.
Une réserve intermédiaire est laissée entre le réduit ou point de départ.
Sur les flancs, des petits corps de garde bien établis empêchent qu'on ne soit tourné.
Si l'on peut se glisser le long d'un obstacle, canal, rivière, muraille, on n'aura qu'un flanc à couvrir.
210. Vu la difficulté du feu oblique à droite, surtout par une fenêtre élevée et sans se découvrir, une colonne suivant une rue non tortueuse, n'a guère à craindre que les feux à droite: elle évitera le plus souvent la fusillade des maisons en longeant le pied des bâtiments du côté droit de la rue.
Pour le même motif elle peut, en faisant occuper, par les derrières, les maisons du rang gauche de la rue, ordinairement peu garnies, assurer sa marche.
Ces principes résultent des observations faites, en juin 1848, par le génie militaire, à l'attaque au delà du canal Saint-Martin.
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211. On s'étend le plus possible aux environs des rues par lesquelles ou près desquelles on a pénétré; ou occupe de distance en distance, principalement aux carrefours, deux bâtiments solides, élevés et vis-à-vis l'un de l'autre.
À mesure qu'on avance, il faut laisser à chaque attaque, de cent pas en cent pas, dans des jardins, sur les places, en arrière des clôtures ou barricades, des petites réserves de cavalerie, autant que possible abritées contre le feu des positions non forcées, et ayant des communications libres.
En dehors ou dans les parties enlevées, les lieux et bâtiments, d'où l'on peut plonger à revers sur les défenseurs des enclos ou sur les positions non encore prises, sont occupées.
212. On attaque chaque poste, sur plusieurs têtes de colonnes, par différente rues, de côté, de front, en queue; la cavalerie est échelonnée sur les flancs pour protéger ou pour prévenir les contre-attaques en tête, en queue, de côté.
Les positions enlevées et utiles sont fortifiées; les autres démolies, si elles peuvent favoriser les rebelles; on occupe les clochers, maisons et points extérieurs dominants.
Les postes que l'on ne peut forcer sont bloqués, en garnissant les bâtiments extérieurs qui les commandent.
213. Ce genre d'attaque suppose qu'il y ait peu d'obstacles matériels à franchir; ou que l'on veuille finir vite, coûte que coûte, soit pour disperser une insurrection naissante qui peut grossir; soit pour joindre un corps bloqué et sur le point de faiblir.
Il est en effet des circonstances où, vu la fatigue et l'affaiblissement des insurgés, la faiblesse de leurs positions, la nécessité de hâter la conclusion ou, au moins de nettoyer un quartier, et de parvenir, soit à une troupe bloquée qui n'a plus ni vivres, ni munitions, soit à une position importante, où l'émeute, avec le temps, pourrait solidement s'établir, il faut lancer une colonne d'attaque, à travers le dédale des rues, et enlever plusieurs positions successives de vive force.
214. Ces cas exceptés, il vaut mieux avancer pied à pied, ne faire un pas qu'autant que l'on s'est bien établi en arrière; gagner le long des murailles et maisons pour se soustraire à l'effet des feux; au besoin cheminer par l'intérieur des bâtiments, et même par les toits.
Rassurée par le nombre surabondant des regrettables moyens de défense qui vont être extraits de l' Officier d'infanterie en campagne , la répression n'oubliera pas un seul instant quels sont les hommes égarés à combattre; elle règlera, avec le calme et toute la modération possible, l'énergie de son action sur l'impérieuse nécessité ou sur le plus ou moins de violence de la révolte; choisissant toujours, de préférence, les voies les moins calamiteuses, elle n'adoptera les mesures extrêmes que dans les cas les plus désespérés.
215. Ne pas marcher à une enceinte ultérieure que tous les postes voisins de droite et de gauche, en avant, à hauteur, et en arrière de la précédente, ne soient enlevés, occupés; les passages en travers élargis; on ouvre des communications latérales; les coupures dominées sont enlevées ou masquées à l'aide de troupes et de contre-barricades; les masses d'ennemis éloignées à coups du fusil.
On établit de larges communications en arrière, et entre les attaques, à mesure que l'on avance on s'assure des voies transversales, pour que les colonnes constamment liées puissent s'entre-secourir dans les grandes rues.
La cavalerie ne doit dépasser l'infanterie, et poursuivre les ennemis en retraite, qu'autant que cette infanterie s'est emparée de toutes les maisons dominantes ou occupées par l'émeute.
216. Chaque attaque, précédée à 50 pas de deux rangs de 5 à 6 tirailleurs, marchera par petites colonnes du front d'une section ou d'une demi-section, de la force d'une à deux compagnies espacées de 50 à 100 mètres, les tambours dans les intervalles.
Cette formation a plusieurs avantages;
La troupe n'est pas entassée inutilement; ses diverses fractions peuvent agir, selon les circonstances, sous la direction d'officiers vigoureux.
On augmente ainsi les réserves, qui ne sont pas toutes sous le feu de l'ennemi; ces petites colonnes se protègent les unes les autres, empêchant que, des croisées ou des rues en arrière, on ne puisse prendre à dos les subdivisions les plus avancées.
Les dernières colonnes soutiennent les premières, prennent à droite ou à gauche pour tourner les obstacles qui arrêtent la tête.
Cette tactique fut employée par le général de division Roguet, d'après les ordres de Napoléon, pour enlever le village de Ligny, le 16 juin 1815, avec 2 bataillons de vieille garde, marchant par division à 100 mètres de distance.
Elle convient d'autant plus, quand la solidité déjà éprouvée d'une troupe permet de multiplier ainsi les commandements particuliers, et les détachements si important, si délicats en pareilles circonstances.
217. On borde, aussi près et aussi à couvert que possible, un obstacle intérieur défendu; on occupe surtout les maisons extérieures qui le dominent; on le fait évacuer à coups de fusil, avant d'essayer de le franchir; et toujours on passe sur plusieurs points à la fois.
On s'établit solidement au delà; on y ouvre des brèches larges et nombreuses, sous le commandement des positions occupées.
Si l'obstacle n'est pas défendu, il faut le franchir et s'établir lestement de l'autre côté.
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218. Se pas s'aventurer en trop grand nombre dans une place ou enceinte battue de feux; établir des tirailleurs dans les premières maisons ou lieux élevés voisins; occuper les deux bâtiments d'angle de la place.
S'étendre successivement pour protéger le débouché de la colonne, sous leur appui, soit par l'intérieur des maisons; soit extérieurement, en faisant contre-battre les tirailleurs opposés.
La tête de la colonne s'établit dans les bâtiments qui enfilent, barrent ou commandent les défilés voisins.
219. Il sera possible quelquefois d'exciter la présomption d'ennemis peu habiles, de les engager par une fuite simulée, mais lente, à déboucher en force de la place: on fera volte-face, auprès d'obstacles à l'abri desquels des réserves masquées déboucheront.
L'infanterie chargera dans le milieu, la cavalerie coupera la retraite sur les flancs; n'ayant plus à craindre le feu des maisons, on y entrera pêle mêle avec l'ennemi, avant qu'il puisse s'y mettre en état de défense.
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220. Les barricades et maisons attenantes sont les clefs de toutes les positions:
Leur attaque sera d'autant plus lente et meurtrière qu'on négligera davantage les moyens tournants.
Il faut éviter de trop disséminer, sous le feu de ces positions, des troupes fatiguées.
221. Si la coupure est mal établie ou mal défendue, un seul peloton précédé de la 1re section de tirailleurs, l'enlèvera sans aucune opération préliminaire.
222. Deux divisions suffisent pour prendre la plus forte barricade; l'attaque est conduite pied à pied sur les flancs de la position, de manière à assurer le succès sans effusion inutile de sang.
Elles arriveront par une rue latérale et s'arrêteront, en arrière du retour de rue le plus voisin, à l'abri des feux de la coupure.
Une compagnie prendra position dans les maisons du 1er carrefour; elle dirigera son feu, des étages élevés, contre la barricade et les bâtiments qui la protègent; au besoin, une section, sous l'appui de ce feu, occupera un bâtiment plus rapproché, d'où elle remplira mieux ce but.
Deux autres compagnies ou sections s'établiront de même, aux deux carrefours voisins, dans les rues latérales de droite et de gauche pour menacer par des feux, ou par une attaque, soit le long des maisons, soit dans la rue, les flancs ou les derrières du la coupure.
Il suffira, dès-lors, de marcher à celle-ci, avec quelques hommes, pour l'enlever.
223. Si l'on ne peut tourner ainsi la traverse, les deux sections d'une même compagnie, munies de pétards, de mantelets, de leviers ou de haches, s'en rapprocheront alternativement de 50 à 100 mètres; chaque section, sous la protection de celle restée en position dans un étage supérieur en arrière, avancera pour occuper chaque fois un bâtiment plus rapproché.
Après un ou deux mouvements pareils, on plongera de près sur la barricade et sur les fenêtres qui la flanquent: l'attaque sera facile; deux pelotons suffiront pour cette opération.
Les colonnes latérales détachent quelques hommes résolus vers celle du centre, et celle-ci vers les autres, par les jardins ou maisons, pour prendre ou plonger à dos les barricades.
224. Huit à dix coups de canon suffisent pour renverser une barricade.
Souvent on tire, contre une pareille position, 400 à 800 coups de fusil.
1/20 des insurgés qui la défendent sont frappés; ils ont 4 à 8 morts; 15 à 30 blessés.
225. Si l'on préférait atteindre le but moins vite, sans grande effusion de sang, on arriverait par l'intérieur des cours ou des maisons, en escaladant les murs de clôture, en perçant ceux de refend au-dessus et derrière la position à enlever: on occuperait les toits.
226. On ne doit pas dépasser une barricade avant de s'être rendu maître des maisons attenantes; il faut exécuter avec prudence le passage du défilé en avant, et faire élargir aussitôt le chemin pour la cavalerie qui ne viendra qu'ensuite.
227. Alors cette arme, soit contre les retours offensifs mal appuyés, soit contre les groupes qui tentent de se reformer, agit par petites troupes dans les rues, sous la protection de l'infanterie logée aux fenêtres: Elle se replie au besoin en arrière de ces maisons occupées; elle charge, en tête et en flanc, les ennemis déjà repoussés par le feu des bâtiments garnis de fusiliers: mais elle doit éviter de gêner l'action de ces derniers comme le fit, le 13 mai 1839, un escadron de cavalerie qui obstrua longtemps la rue Saint-Merry dont les fenêtres étaient garnies de fantassins.
* * * * *
228. Les longues rues seront déblayées à coups de canon, en s'établissant toujours un peu en arrière de leurs coudes, si tout autre moyen est insuffisant; les maisons qui flanquent les barricades seront battues en brèche ou incendiées avec des obus, ce qui ne les fera peut-être pas évacuer.
229. On attaque ces maisons à dos, en se glissant derrière, et les enveloppant si elles sont isolées.
On occupera les bâtiments les plus voisins dans le cas contraire, afin de l'emporter par un plus grand feu.
Les meilleurs tireurs seront embusqués dans les greniers, sur les toits, derrière les cheminées; ils tireront à tout homme armé qui se montrera, et contraindront l'ennemi à laisser le champ libre.
230. On pénètre, d'une maison dans une autre attenante, par tous les étages à la fois, par la cave, le grenier, le toit ou la terrasse.
À chacun de ces étages, on perce des créneaux dans le mur de refend, on les garnit de fusiliers; sous la protection de ceux-ci, on fait ensuite des trous plus gros pour le passage des hommes.
231. Si l'on ne peut ainsi s'emparer d'une maison contiguë, et si l'importance de la position, les circonstances les plus impérieuses, les plus désespérées, l'exigent, on y met le feu, ou on brûle le bâtiment qui est à côté.
Dos soldats délogent les tireurs qui sont aux fenêtres ou sur les toits, et ceux qui veulent éteindre un incendie, dernier et regrettable moyen de salut.
232. Chaque bâtiment principal enlevé sera gardé et fortifié sans perdre de temps.
On occupera, par autant d'escouades, une maison en face de chacune de ses portes.
Si la position est nuisible à la troupe, elle sera ouverte et démolie du côté opposé.
233. Le pétard, pour faire sauter les portes, est une boîte en tôle, ou un sac goudronné, rempli de 4 à 5 livres de poudre; au marteau de la porte il y a un œil à mèche.
L'homme qui a mis le feu, sous la protection de quelques tirailleurs, ou en se glissant de nuit et le long des maisons, s'abrite dans une allée voisine, du même côté, pendant l'explosion.
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234. L'attaque du réduit, ordinairement la dernière et la plus sérieuse des opérations successives contre une cité étrangère, a beaucoup moins d'importance et présente peu de difficultés dans le cas qui doit plus nous occuper.
Car une insurrection cernée et resserrée dans son dernier réduit, à l'intérieur d'une ville, se disperse bientôt, lors même que l'on voudrait l'en empêcher, ce que l'on se garde bien de faire; alors chaque insurgé s'échappe le plus souvent inconnu et insaisissable, à travers les positions de la troupe dont le cercle, nonobstant toutes les précautions prises, a toujours quelques solutions de continuité.
Bienheureux la ville et le Gouvernement qui voient ainsi, après de lugubres journées, l'ordre renaître et l'effusion du sang s'arrêter.
En récapitulant toutes les cruelles nécessités de la répression, les malheurs, les victimes, les ruines que cause immédiatement l'émeute, alors même qu'elle est réprimée, on ne saurait trop flétrir les coupables excès d'une anarchie fratricide, et désirer la prompte guérison de cette monomanie furieuse du temps actuel.
L'humanité lasse d'une civilisation si féconde en chefs-d'œuvres divers, en inventions puissantes et utiles, en hommes illustres, voudrait-t-elle rétrograder vers des époques d'une barbarie telle, qu'à peine les annales des temps les plus calamiteux en donnent l'idée.
Quelle époque que celle où il faut s'occuper de pareilles théories: où la défense sanglante du foyer domestique, lui-même, par les moyens les plus désespérés, peut devenir le sujet d'étude journalier et trop souvent applicable du citoyen, menacé dans le produit de ses labeurs, dans sa sûreté, et dans ses affections les plus douces, les plus sacrées.
Félicitons-nous d'avoir pu échapper à de tels malheurs, et plaignons les peuples qui auraient encore à traverser d'aussi dures épreuves; plaignons-les surtout de n'avoir pas su les conjurer.
Cas particuliers.
§ Ier.
235. Les principes précédemment exposés doivent subir d'importantes modifications, selon le caractère de l'émeute à comprimer et les circonstances au milieu desquelles celle-ci éclate.
Ces circonstances dépendent de cinq éléments principaux:
1° État moral et politique;
2° Esprit des populations intérieures et extérieures;
3° La force publique;
4° Nature de la ville;
5° Résidence du chef de l’État au moment de l'émeute.
* * * * *
236. L'état moral et la politique dominent tout: si les esprits sont agités et mécontents; si l'opposition est dans toutes les têtes, la patience nulle part; si les affaires souffrent; si les ambitions depuis longtemps sont surexcitées et les esprits habitués aux changements; si des puissances voisines, gênées dans leur politique ambitieuse, désirent la chute du Gouvernement; si une classe importante est hostile à ce Pouvoir, une seule étincelle déterminera l'explosion pour laquelle tout est préparé.
Peu d'hommes décidés à tout, et depuis longtemps unis dans les mêmes desseins, seraient en effet une force redoutable, vis à vis d'une société divisée ou sans énergie, sans confiance en elle-même, et qui, n'ayant qu'indifférence, doute ou esprit d'opposition, ne présenterait nulle part, au milieu d'une tourmente sérieuse, un point d'appui réel à l'autorité depuis longtemps affaiblie.
Le pouvoir le plus nécessaire au pays, le plus régulier, et en apparence le plus fort, pourra s'affaisser tout à coup, au milieu de l'abandon général.
Heureux si, alors, une résolution vigoureuse, prise à propos, lui permet d'attendre, à la tête de l'armée, que cette surexcitation, que ces erreurs aient fait leur temps.
237. Si le Gouvernement, disposant d'une troupe suffisante, a pour lui l'opinion, tant dans la capitale qu'au dehors; si, rassuré contre une révolution, il ne peut redouter qu'une simple émeute excitée par un parti sans racines, il protégera l'ordre et les propriétés partout où ils seront menacés.
Il pourra, alors, disséminer ses forces et les laisser à la disposition des agents civils que cette affaire regardera particulièrement.
Mais il faut éviter que ces sortes de troubles se renouvellent et laissent descendre l'agitation jusque dans les dernières profondeurs de la société; éviter aussi que la troupe y soit employée d'une manière indécise et compromettante, et que l'anarchie y fasse parade de ses moyens: ce qui affaiblirait, à la longue, le moral du parti de l'ordre et élèverait celui des factieux, pour des circonstances plus graves.
L'anarchie aveuglée n'apprécie jamais bien ses forces et ses ressources relatives: elle compte tous les mécontents, tous les curieux pour ses adhérents: au premier coup de fusil ceux-ci se retirent: il ne reste plus que quelques groupes compromis dont les chefs prennent leurs sûretés, et alors une moitié se défie de l'autre: il ne faut croire ni à toutes ses espérances, ni à la sécurité que le défaut de ses forces réelles inspirerait.
238. Si l'insurrection préparée, soit dans un faubourg, soit à la campagne, est tout a fait étrangère et extérieure à la ville, où elle veut agir dans une circonstance donnée, le mieux sera de lui barrer le chemin, de l'isoler, soit en gardant les issues de l'enceinte; soit en occupant le débouché des principaux faubourgs et une forte position centrale intérieure, sur laquelle on convergera, en cas de trouble; soit en prenant une position intermédiaire extérieure d'observation avec de la cavalerie, sur la direction des populations agitées.
À l'entrée ou à l'intérieur de la ville, et même dans les communes environnantes suspectes, on arrête les meneurs, mais de manière à ne pas déterminer une explosion.
Dans ce cas, il faut se borner à repousser le désordre, éviter d'aller le chercher dans son centre; de l'exciter, de lui fournir un prétexte; d'appeler aux armes et de forcer, pour ainsi dire, à s'ameuter tous les habitants des communes mécontentes, soit par des dispositions militaires qui ne seraient pas indispensables, soit par des motifs de mécontentement donnés aux approches des jours de fête, de marché ou de réunion; on a soin de ne pas rallumer d'anciens dissentiments, par l'emploi de gardes nationales étrangères à la localité.
239. Éviter, surtout, d'attaquer ouvertement, de retenir dans une lutte des insurgés arrivés de l'extérieur sans but bien déterminé; faciliter, sous main, leurs projets pour une autre direction, sauf à pourvoir: ou aura plus facilement raison de cette insurrection bientôt réduite, au dehors, au dixième, par la dispersion. Dans tous les cas, elle sera moins redoutable que dans une capitale, où existent tant d'éléments inflammables.
* * * * *
240. Si l'insurrection est dans le quartier militaire qu'occupe la garnison, celle-ci, non affaiblie par des détachements, l'isolera d'abord du reste de la ville et de l'extérieur.
Sans grande effusion de sang, on pourra compter sur un succès avant le second ou le troisième jour, suivant les forces et les approvisionnements des rebelles.
Mais, si l'on veut hâter la conclusion, les différents corps postés dans les établissements publics les plus importants, bien approvisionnés de vivres et de tous les moyens indispensables dans la guerre de maisons, logés à l'écart de la population et des agitateurs, se lieront entre eux et avec l'état-major général, comme il a été expliqué: agissant sur un rayon proportionné à leurs forces, ils offriront ainsi aux gardes nationaux et autorités civiles, dans des espèces de citadelles actives, des centres de réunion et de défense.
Engagées de cette manière, les troupes n'éprouveront nulle part ni perte, ni grande résistance, et triompheront bientôt d'une insurrection débordée de toutes parts.
241. Dans le cas d'une émeute intérieure et sérieuse, les insurgés veulent agir à la fois sur tous les points et se disséminent; alors, on enlève la position la plus importante par un grand effort, et l'on marche ensuite aux autres jusque-là contenues par de fausses attaques.
Ou les réduit successivement, on menace, on avance, avec toutes les troupes réunies, en tête, en queue et par les flancs.
242. Si les insurgés n'occupent réellement qu'un seul point en forces, il faut les y amuser par peu d'hommes éprouvés et, en même temps, les cerner en occupant tous les débouchés environnants.
On agit vigoureusement et simultanément en plusieurs endroits, là où les colonnes d'attaque pourraient être soutenues par une réserve commune.
243. Dans le cas d'une rébellion ouverte, l'émeute se développe à l'extérieur du quartier militaire occupé; des secours attendus, des causes de division ou de lassitude qui peuvent survenir parmi les insurgés engagent à gagner du temps; alors, on se fera une enceinte, en profitant des rues, jardins, vieux murs, canaux, rivières, le long de laquelle on occupera de bons bâtiments, surtout aux embranchements de rues et de carrefours, de 200 en 200 pas, afin du mieux se flanquer, d'enfiler les principales communications parallèles et transversales.
Les édifices, faisant tête de pont au delà de cette enceinte, seront également occupés, pour prendre des revers utiles sur le pourtour, et permettre d'agir au dehors dès que cela sera possible ou nécessaire.
Ce parti serait chanceux, en cas de révolution imminente, dans la capitale d'un gouvernement centralisé: il ne faut le prendre que comme un pis aller, ou un des derniers moyens de ne pas abandonner tout à fait un théâtre si important, et alors seulement que la garde nationale refuse son concours; ainsi l'on reste près des factions, on profite de leurs divisions, hésitations ou découragements.
Dans ce cas, on abandonne à la garde nationale la majeure partie de la ville qu'elle sera obligée de préserver du pillage.
L'émeute de Clermont, en septembre 1841, est, sous certains rapports, un exemple de l'application de ce principe.
244. L'agitation excitée dans la ville, parmi une classe de citoyens, veut agir au dehors, contre quelques localités ou établissements, soit par le pillage, soit par l'incendie.
Des troupes d'infanterie et de cavalerie sont cantonnées, dans des positions intermédiaires d'observation, de manière à intercepter les communications aux mal intentionnés; à les arrêter au départ ou au retour; à se porter rapidement, soit au secours des établissements menacés avec des pompes à incendie; soit aux quartiers de la ville où les rassemblements s'organiseraient, en attaquant ceux-ci, partout où on pourrait les atteindre, avant qu'ils ne deviennent dangereux par leur nombre et leur position.
* * * * *
245. Si la force armée se compose d'éléments vigoureux et dévoués, tous éprouvés dans des guerres longues et glorieuses, si les chefs sont des hommes d'expérience, si les grands principes d'autorité et de fidélité sont intacts; si de récentes catastrophes n'ont donné ni le goût ni l'habitude des révolutions, le pouvoir ne peut redouter d'émeute que celle qui aurait les motifs les plus graves, les plus irritants, pour l'honneur et les intérêts de la nation: alors, la plus faible garnison agissant, avec un ensemble majestueux, donnera facilement force à la loi. Mais il faut que l'autorité veuille se défendre, et ne se laisse pas égarer, de concessions en concessions, par l'espoir trompeur d'une conciliation quelquefois impossible.
On ne doit pas oublier qu'au commencement de sa victoire, l'émeute n'est en mesure nulle part, même sur les positions les plus importantes: partout elle ne présente qu'une foule ivre de son succès; une compagnie balayerait tout en un instant, si le pouvoir attaqué gardait son sang-froid pour ce moment décisif.
246. Dans les mêmes circonstances, l'effectif du la troupe est si peu nombreux qu'il lui est impossible de conserver ses postes au milieu de l'insurrection. Des forces extérieures peuvent être ralliées: alors on se concentre de plus en plus, se jetant, s'il le faut, au dehors de la ville, ou à une de ses extrémités, de manière à pouvoir, soit rentrer au besoin; soit couper extérieurement les communications de la révolte, conserver les siennes et appeler les secours nécessaires.
Le caractère du chef pourra encore triompher d'une émeute bientôt effrayée de sa propre victoire, et qui, à l'aspect des troupes qui vont fondre sur elle de toutes parts et des difficultés intérieures qui l'attendent, viendra elle-même prier qu'on reçoive sa soumission.
Les autorités civiles resteront, autant que possible, à leur poste, pour profiter des premières bonnes dispositions des rebelles, et empêcher l'élévation d'autorités nouvelles qui, une fois compromises, s'opposent à tout accommodement.
La conduite ferme et habile de la reine-mère, dans l'émeute de 1588, est un exemple de l'observation de ce principe.
247. Dans un état des pouvoirs publics, où ceux-ci auraient besoin d'être fortifiés, encouragés, rassurés par le concours de l'opinion, il faudrait agir avec prudence et résoudre le plus de difficultés possibles sans rien compromettre.
248. Si, à proximité de la ville, existe un corps auxiliaire que l'on ne peut immédiatement y faire entrer, pour quelque motif que soit, le camp provisoirement occupé par ce corps et les positions de combat de la garnison seront tels que leurs communications restent constamment faciles et assurées.
249. Dans les états où il n'existe pas de garde nationale, le plan général de défense exposé, chapitre 4, devra être grandement modifié; il ne sera plus, alors, aussi indispensable d'organiser à l'avance, comme centres d'action et magasins d'approvisionnements, toutes les mairies; les règles pratiques du chapitre 5 resteront utiles.
Dans ce cas nouveau, il ne faudrait pas désespérer de réprimer le désordre; un principe militaire plus fort, vis-à-vis de l'anarchie entièrement désarmée, pourrait encore suppléer au défaut de cet utile auxiliaire.
* * * * *
250. La topographie de la ville permet à la garnison d'occuper, comme base d'opérations, un quartier militaire à cheval sur toutes les rives, communiquant avec toutes les directions, renfermant les principales administrations et s'étendant de la circonférence vers le centre: c'est le cas le plus avantageux qui puisse se présenter.
251. Le nombre et l'importance des obstacles qui divisent la ville sont à l'avantage de la troupe ou de l'insurrection, selon que la première peut, d'un petit nombre de positions à sa portée, dominer ces obstacles, ou que ceux-ci ne couvrent pas directement l'insurrection.
252. Un quartier militaire central est d'autant moins convenable que les approvisionnements de toute nature y sont moins assurés, que la force publique est moins puissante et que ses communications avec l'extérieur peuvent être plus facilement interceptées. Il a souvent l'avantage d'isoler les différents arrondissements insurrectionnels.
Le plus heureusement placé du tous ces quartiers est celui qui se trouve dans un arrondissement peu habité et ouvert, au point de concours de plusieurs obstacles transversaux, et au centre de diverses parties de ville hostiles, populeuses, rétrécies et éloignées les unes des autres.
253. Si un quartier ennemi, très-habité, mal percé, domine toute la ville, si la troupe ne peut y parvenir, en cas d'émeute, qu'en forçant de redoutables positions, il faut nécessairement y avoir un établissement militaire permanent.
À défaut du celui-ci, et si l'on veut éviter une affaire vive et sanglante, l'attaque par le dehors de la cité ou le blocus peuvent réussir.
254. Une enceinte de ville facilite la répression toutes les fois qu'on peut faire garder ses rares issues, sans se trop diviser; mais elle rend encore plus critique le parti déjà si hasardeux de l'évacuation; dans ce cas, l'émeute, à qui on aurait abandonné la ville, s'y trouverait fortifiée; avec des approvisionnements de vivres et du combat, elle aurait peut-être les moyens de s'y défendre quelque temps.
255. Dans une grande ville que commande une citadelle, et quoiqu'on ait peu de forces, il vaut mieux occuper cette bonne position militaire d'où l'on pourra surveiller, contenir et au moins résister à la révolte, que de laisser, en se retirant, celle-ci libre de soulever les plus indifférents, et de venir, au dehors, profiter des avantages du nombre ou de la position.
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256. La résidence du chef de l’État, ou plus généralement la position éventuelle du pouvoir et de ses principaux moyens d'action ou de défense, avant ou au moment de l'émeute, est souvent décisive.
La position la plus favorable est assurément au dehors; on apprécie, on domine mieux les événements, on est moins gêné par les hommes et les circonstances, on est plus libre d'esprit et d'action, on est obligé à moins de concessions; on peut enfin intervenir, avec autorité et un grand effet moral, au moment opportun, et de la manière la plus convenable; ces grands avantages, il ne faut pas se hâter légèrement de les perdre, d'autant plus qu'on ne les retrouverait pas tels, en se retirant ensuite après s'être avancé.
257. À la supériorité de cette position se joindront tous les moyens de la faire valoir, si le chef de l’État apprend les événements au milieu de forces réunies dans toute autre prévision, ou de populations vigoureuses et dévouées, qu'il serait alors également facile de rallier et de mettre en action.
258. La pire de toutes les positions est l'investissement complet du chef de l’État dans un réduit intérieur; quels que soient la force, la garnison et les approvisionnements de cette citadelle, il faut en sortir, même au prix des plus larges concessions, pour se soustraire aux enlacements de l'émeute ou à la discrétion des dangereux amis qui viendraient la combattre à leur manière; il faut, aussi tôt que possible, se mettre en rapport véritable avec les populations, les moyens de gouvernement et de résistance.
Un bruit vrai ou faux, de nature à servir d'autre aliment à la révolte, pourra la détourner tout à coup de la voie qu'elle suit; avant les conséquences de sa nouvelle direction, si dangereuses qu'elles soient, on aura le temps de prendre un parti et de tenter un effort décisif; ainsi, il y aura moyen d'échapper et de ressaisir la direction des événements.
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Parmi les mesures adoptées par Napoléon, le 13 vendémiaire, on doit remarquer la réunion aux Tuileries de tous les vivres et munitions ramassés dans Paris, et les dispositions prises pour se retirer, avec la Convention, sur la position de Meudon qu'il avait fait occuper, en vue des circonstances les plus extrêmes.
Il y a encore malheureusement lieu, quelquefois, de réprimer ou de prévenir d'autres troubles sérieux et peu motivés, mais plus excusables, soit pour la cherté des grains, soit au sujet du recouvrement des contributions; les uns et les autres exigent des mesures spéciales.
Un hiver rigoureux, une certaine situation politique des esprits, peuvent donner à ces désordres la plus grande gravité; ce sujet ne comporte que des détails assez simples et déjà connus; néanmoins il doit être traité ici.
Nous le ferons en résumant les usages et les règlements ou législations le plus généralement adoptés; nous emprunterons presque tout à la France, où, plus souvent menacée, l'autorité a dû s'occuper davantage de la question et fournir d'utiles documents pour les autres pays.
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259. Dans chaque circonscription, l'administration encourage le commerce à faire arriver, vers les ports ou grands dépôts limitrophes, des grains, et, à leur défaut, des denrées alimentaires qui puissent y suppléer; elle assure l'écoulement de ces denrées vers l'intérieur; partout elle oblige, ainsi, les accapareurs et gens timorés à ne pas cacher et retenir leurs approvisionnements, quelquefois considérables.
260. Dans une contrée, les troubles ont lieu à l'occasion de la cherté des grains, tantôt sur un marché, tantôt sur un autre ou à leurs abords; alors on prend les dispositions suivantes:
Une à deux compagnies d'infanterie sont cantonnées de 7 à 8 lieues en 7 à 8 lieues, généralement aux chefs-lieux administratifs, ou au centre des communications les plus importantes, de manière à couvrir le pays agité d'un réseau de détachements espacés d'une journée de marche.
261. Dans la position centrale la plus importante, sous le rapport de la population et des communications, il y aura, pour 4, 5, 6 détachements ou arrondissements pareils, une réserve d'un à un demi-bataillon et escadron.
262. Chaque détachement sera caserné dans un bâtiment loué par la commune; pendant les courses, les cuisiniers et les malades pourront y rester sans craindre d'être inquiétés.
À défaut de ce bâtiment, la troupe sera cantonnée sous la main du chef, autour d'un corps-de-garde central; elle fera ordinaire.
Les visites de santé seront régulièrement faites dans les cantonnements; on dirigera, à temps, les malades sur les hôpitaux voisins.
On évitera de faire voyager, soit des hommes isolés, soit des détachements sans chefs, sans armes, sans munitions; mais les évacuations seront faites, soit sous la protection des patrouilles journalières, soit à des époques fixées.
263. La troupe, ainsi cantonnée, recevra l'indemnité de rassemblement.
L'indemnité de route sera allouée aux troupes casernées dans les garnisons ordinaires, toutes les fois qu'elles feront 24 kilomètres, aller et retour, ou quand elles découcheront; la feuille de route prise au départ constatera le droit de percevoir.
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264. Le jour de marché dans une des communes, à moins d'une demi-journée de marche d'un détachement, celui-ci se transportera auprès de ladite commune, avec armes, munitions, bagages et vivres pour un repas.
Il s’arrêtera dans un local au dehors, et à proximité du marché, afin d'intervenir pour le rétablissement de l'ordre à la première demande des autorités.
Les soldats resteront réunis et prêts à prendre les armes: sur l'avis du maire, que leur présence n'est plus nécessaire, ils rentreront à leur cantonnement.
Les brigades de gendarmerie voisines se réuniront sur le marché pour y assurer la tranquillité; elles arrêteront les mutins et les accapareurs.
265. Les détachements, les piquets armés doivent se faire par fractions constituées.
Les premiers, lorsqu'il s'agira de réprimer ou de prévenir des troubles, à plus de deux lieues de distance, ne doivent jamais être moindres de 40 à 60 hommes.
266. Dans ses courses, la troupe rassurera les habitants, répandra les bonnes nouvelles des villes voisines, engagera à venir aux marchés et à les alimenter.
Partout les officiers verront les autorités, vivront bien avec elles et avec les principaux habitants; la troupe restera étrangère aux inimitiés locales, elle évitera les querelles de cabaret ou avec la population.
267. Les chefs de cantonnement adresseront régulièrement, au commandant territorial des 4 ou 6 arrondissements réunis, le rapport sur les événements de la journée.
Au besoin, ils correspondront entre eux ou avec les brigades de gendarmerie, soit pour combiner des courses dans un but commun, soit pour prévenir ou être prévenus de ce qui se passe.
268. Ainsi, une à deux compagnies d'infanterie assureront les marchés dans un arrondissement de 64 lieues carrées et de 100,000 âmes de population; 1 à 2 bataillons, et autant d'escadrons, en tout 700 à 1,400 hommes, garderont une circonscription de 320 lieues carrées et de 500,000 âmes; c'est-à-dire qu'il faudra moyennement 4 soldats par lieue carrée et par 1,000 âmes.
Le difficile hiver de 1846 à 1847 exigea, dans presque toute la France, l'application de mesures analogues; comme toujours alors l'armée rendit d'utiles services.
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269. En cas de troubles sérieux dans une localité, quatre principes serviront de règle.
1° Nulle troupe, même requise ne doit sortir de la ville où elle se trouve sans un ordre du général commandant la circonscription territoriale.
2° Nulle troupe ne doit être employée, même dans la ville où elle est établie, que d'après des réquisitions écrites par l'autorité civile à l'autorité militaire, indiquant clairement le but à atteindre et laissant au chef militaire le choix des moyens pour y arriver, quant au nombre d'hommes et à leur emploi.
3° Toute action des troupes doit être le résultat du concert préalable entre les autorités civiles et militaires.
En principe, la réquisition est faite par l'intermédiaire du chef supérieur de l'administration civile au général de brigade.
Il n'est fait exception aux deux premières règles que pour le cas de flagrant délit et d'urgence, c'est-à-dire pour ceux où le temps et les moyens d'avoir une réponse, à la réquisition de l'autorité civile, manqueraient absolument.
Mais alors, et bien que le chef de détachement doive toujours obtempérer immédiatement à la réquisition, les formalités prescrites, en cas ordinaire pour celle-ci, seront de suite remplies à son égard, en lieu et place du général; la réquisition écrite sera adressée dans la journée, à ce dernier, ainsi que le rapport sur l'événement, et les suites qu'il peut avoir.
4° En France, conformément à la loi du 3 août 1791, la troupe chargée, soit d'occuper un poste et de le défendre, soit de conserver intact un dépôt ou un convoi, n'a pas besoin, pour faire usage de la force, d'être requise par un magistrat civil, alors que les attroupements se disposent à la forcer dans ses positions, à la désarmer ou à violer la consigne.
Dans cette pénible circonstance, c'est à l'officier qui commande à éviter, autant que possible, l'effusion du sang, en prononçant lui-même à haute voix, si les autorités civiles sont absentes ou muettes, et si la nature de l'attaque le permet, les mots: obéissance à la loi ; on va faire usage de la force ; après quoi il agit suivant sa consigne.
Le concert le plus complet entre les diverses autorités, et la réserve de chacune d'elles dans ses attributions spéciales, sont désirables en de telles circonstances.
* * * * *
270. S'il n'y a qu'une seule compagnie dans la localité, et surtout si le casernement est étendu et ne peut être fermé, le chef juge le petit nombre d'hommes qu'il sera nécessaire de laisser au centre du cantonnement pour le garder pendant son absence.
Mais, lors même qu'il serait assuré de n'avoir pas à agir, il partira en mesure de le faire et restera toujours dans cette position; le détachement étant constamment réuni et chaque homme ayant ses cartouches: de cette manière il ne tentera pas les malintentionnés.
271. Pendant les marchés, on évitera de détacher des hommes au milieu de la foule, comme surveillants, ou comme auxiliaires de la police qu'ils ne peuvent suppléer.
Si des accapareurs occupent les avenues des marchés, achètent ou détournent les grains qui y arrivent, afin de pousser à la hausse, le chef se concertera à ce sujet, avec les autorités; mais il évitera toujours de disséminer son détachement et d'en exiger un service de surveillance individuelle ou fractionné qui n'est pas le sien.
272. Si la troupe ne peut paraître, à la fois, sur tous les nombreux marchés à sa portée, elle fera en sorte d'arriver inopinément, et alternativement, sur chacun d'eux où sa présence sera toujours ainsi attendue.
273. Des signaux, convenus entra tous les détachements, la brigade de gendarmerie et la réserve générale; à leur défaut, des estafettes ou cavaliers de correspondance avertiront de suite, de la nécessite d'être secouru.
Dans ce cas, tout ou partie de la réserve générale sera dirigée, par la voie la plus prompte, chemin de fer, bateau à vapeur, relais de voitures organisés d'avance, sur le lieu où sa présence devient momentanément nécessaire.
274. Partout où il y aura lieu d'intervenir, soit pour assister l'autorité dans les arrestations, soit pour stationner près des marchés et les surveiller, soit pour y paraître en cas de désordres, soit pour agir militairement de quelque manière que ce puisse être, le chef du détachement tiendra son monde prêt à prendre les armes, réuni en une seule masse, sauf les quelques hommes à détacher pour se garder, mais vers lesquels on devra toujours pouvoir se porter promptement en cas de besoin.
Avant tout, on conservera l'influence morale que l'on est appelé à produire: on se présentera toujours en forces et en mesure d'agir promptement, avec vigueur, prudence et calme, mais aussi sans hésitation, si nécessité survenait: on évitera les tirailleries.
Le chef sera accompagné en pareille circonstance, autant que possible, par des agents de l'autorité administrative ou judiciaire, ayant qualité pour faire les sommations, conformément à la loi du 10 juillet 1791, si l'emploi des armes devient indispensable: dans le cas contraire, il agira conformément aux dernières prescriptions du n° 269.
275. Il se rappellera que, même dans les émeutes sérieuses, la troupe a devant elle des hommes sans organisation, sans bonnes armes, avec peu de munitions, sans expérience et sans chefs; aussi prompts à menacer qu'à fuir, et d'autant moins résolus qu'ils se savent en faute ou que le soldat est plus ferme.
La supériorité de celui-ci est donc grande surtout s'il est bien commandé, si le chef lui donne de la confiance en lui en montrant: s'il maintient le moral sans lequel la force numérique n'est qu'un embarras.
Les soldats sont ce qu'on les fait par des soins journaliers: il faut s'en occuper constamment dans leur intérêt et dans celui du service, même au moment où il y a le moins lieu de prévoir qu'il deviendra nécessaire d'avoir recours à leur dévouement: on peut être assuré de retrouver toujours celui-ci, s'il devient nécessaire.
Dans les mêmes circonstances où un détachement bien tenu, bien commandé, ne rencontre que quelques mutins effrayés de leur isolement, une autre fraction mal administrée, mal dirigée, pourra hésiter devant des centaines de turbulents enhardis par sa médiocre contenance; des rigueurs, qu'un aurait évitées, deviendront, dans ce dernier cas, nécessaires.
Rappelons, en terminant, que la troupe ne vaut que par la manière dont elle est groupée et employée, dans un certain nombre de centres d'action en rapport avec son effectif, avec l'étendue et l'état du pays: les bonnes réserves agissent à de grandes distances, dans toutes les directions à la fois, et souvent sans se déplacer: les petits détachements ne sont qu'inquiétants pour le chef de qui ils dépendent: d'un autre côté, les devoirs du soldat sont d'autant plus faciles qu'il sera resté plus étranger aux populations agitées et aux passions qui les divisent.
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276. Le concours de la force publique, pour assurer le recouvrement des impôts, ne peut être refusé; d'anciennes instructions fixent les règles dont on ne doit point s'écarter.
La perception se poursuit par des porteurs de contrainte, par des saisies et par des garnisaires; ces derniers sont des agents commissionnés par le percepteur: ils s'établissent, pour deux jours au plus, chez le contribuable, lequel doit les nourrir ou leur payer la nourriture.
Les soldats ne sont jamais employés comme garnisaires, mais ils peuvent et doivent prêter appui et défense aux percepteurs, protéger les saisies et assurer les ventes, défendre au besoin la personne des garnisaires et de tout agent du fisc.
277. Lorsque l'autorité administrative, jugeant l'intervention de la force armée indispensable pour le recouvrement de l'impôt, adressera, à cet effet, une réquisition explicite et motivée, un bataillon ou un demi-bataillon, suivant le cas, sera dirigé sur le chef-lieu d'arrondissement de canton ou même de commune, habité ou entouré par les contribuables récalcitrants.
Des compagnies ou des demi-compagnies pourront être détachées, de ce centre, dans les communes environnantes, à une journée de marche au plus, afin d'être toujours à portée d'un appui respectable.
278. Ces détachements ne devront pas cesser un instant d'être sous les ordres du chef principal; c'est lui qui fixera leur force et réglera leur marche, sur les indications des autorités civiles; celles-ci pourront faire savoir aux populations quel est le motif de l'appel des troupes.
279. Les soldats seront logés chez l'habitant comme troupes en marche; les administrations municipales distribueront les billets de logement comme elles l'entendront; elles pourront faire principalement porter cette charge sur les contribuables volontairement en retard.
Mais l'autorité militaire, restée étrangère à ces considérations, ne doit faire valoir que celles qui auraient pour but un établissement des compagnies plus militaire et plus favorable au maintien de la discipline.
280. En France, nulle troupe, ainsi requise, ne reste dans le même lieu pendant plus de trois jours, après lesquels sa présence donnerait lieu à une indemnité payée par l’État.
Mais elle peut revenir après 24 heures d'intervalle, ou être remplacée par une autre; ce retour de la force publique se reproduit autant de fois qu'il est nécessaire.
281. Complétons ce chapitre en examinant le cas d'une population étrangère ennemie, révoltée contre sa garnison, et à l'égard de laquelle il n'y a plus lieu de garder les mêmes ménagements.
L'insurrection de Madrid contre l'armée française, le 2 mai 1808, est un événement qui peut se reproduire sur des échelles diverses.
Le fanatisme politique qui présida à la défense des Espagnols dans la guerre de la Péninsule; à celle des Russes, en 1812, donne lieu de penser que, malgré les progrès de la civilisation, nonobstant l'empire d'intérêts matériels énervants, les corps réguliers ne seront pas toujours les seuls qu'auront à combattre les armées d'invasion.
Les garnisons que celles-ci laisseront dans les places fortes conquises ou dans les villes de dépôt nécessaires pour assurer leurs opérations, et les troupes momentanément cantonnées, devront toujours s'établir en vue de luttes, sinon probables, du moins possibles, avec des populations hostiles.
Trop de sécurité exposerait des forces réellement irrésistibles à des échecs d'autant plus honteux qu'ils viendraient d'ennemis peu redoutables.
282. Les commandants territoriaux ne feront à la contrée que le tort rigoureusement inévitable dans l'état de guerre, et de la manière la moins blessante pour l'orgueil national.
Les précautions qu'ils prendront pour éviter le désordre, le gaspillage, les vexations, à l'aide d'une discipline sévère et d'une sage administration; leur sollicitude pour connaître ceux des intérêts des populations ennemies que l'on peut et que l'on doit respecter ou protéger; leurs rapports avec les citoyens les plus influents, les plus éclairés; la bonne administration des armées, des provinces, des villes, et principalement, une politique aussi sage que ferme, sont les vrais moyens préventifs contre de telles insurrections.
Ces mesures exerceront également une salutaire influence sur l'ensemble des opérations militaires, simplifiées et préservées des complications les plus graves. Un article spécial ne serait pas inutile sur ces éléments de succès si importants et néanmoins quelquefois négligés.
283. On évitera tout mouvement rétrograde, surtout dans une grande ville centre de province.
On n'évacuera jamais entièrement celle-ci, à moins d'un ordre formel, de peur de donner, dans la ville et ailleurs, aux révoltés, la masse toujours très-grande des indifférente pour auxiliaire; et que, par suite d'un événement aussi décisif sur l'esprit des populations, on soit obligé de suspendre l'exécution de projets d'ensemble déjà commencée, pour se livrer à toute une nouvelle série d'opérations accessoires, longues et chanceuses.
284. Des mesures de police auront pu prévenir ces luttes ou en limiter les suites.
On assurera les approvisionnements des populations.
On surveillera les quartiers les plus populeux et les grands établissements industriels où des masses d'ouvriers de même état sont réunis.
On fera concourir ces industries aux approvisionnements de l'armée; on emploiera à des travaux de défense, ou même à des ouvrages d'utilité publique, comme le fit le maréchal Suchet en Aragon, le peuple inoccupé, en évitant, toutefois, d'attirer les ouvriers de l'extérieur.
285. À moins d'une hostilité déclarée et irrévocable d'une partie de la population, les garnisons resteront entièrement étrangères aux passions qui divisent les cités; elles n'épouseront, elles ne persécuteront aucun parti. Les officiers, à cet égard, donneront l'exemple de la neutralité la plus complète.
L'étranger qui se mêle à des dissensions intérieures ne recueille que les haines les plus violentes des uns, l'indifférence, et quelquefois la jalousie secrète des autres, la défiance de tous.
286. Hâter l'explosion d'une révolte inévitable pour la combattre moins terrible, serait sage, si le public, toujours porté en pareilles circonstances à ne remarquer que le mauvais côté des choses, ne voyait alors que provocation et abus du droit de légitime défense contre une population ennemie égarée.
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287. L'administration des provinces de l'est du la péninsule espagnole, sous l'Empire, a été souvent citée comme modèle à étudier et à imiter.
Le duc d'Albuféra eut d'autant plus de ressources dans le pays pour entretenir son armée, ses forces purent d'autant plus être réduites, qu'il avait su habilement neutraliser les populations, les consoler par une politique sage, une administration régulière.
Dans la même guerre, d'autres maréchaux préparèrent un pareil état de choses; mais moins stables, moins isolés; constamment détournés ou déplacés par les grands mouvements des armées impériales et par des événements inattendus, ils ne purent recueillir le fruit de leurs sages dispositions.
Un jour d'aussi beaux exemples inspireront d'autres généraux français, utilisant, sur de glorieux théâtres pour la grandeur de leur patrie, un excédant de forces vives au moins embarrassant lorsqu'il n'est pas noblement employé.
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288. Napoléon, dont les actions donnent de si utiles renseignements, soit pour la politique, soit pour la guerre, parvint à étouffer, en 1796, sur les derrières de son armée, un moment retardée dans sa marche victorieuse, une insurrection qui menaçait de prendre les plus grandes proportions: il agit avec la célérité et la vigueur qui, presque toujours, suffisent pour arrêter le mal naissant.
La garnison autrichienne du château de Milan avait donné, aux campagnes environnantes, le signal d'une révolte générale, en attaquant la division française qui l'investissait; les moines et les nobles étaient à la tête de ce mouvement, qui fut immédiatement comprimé.
Aux environs de Pavie, les révoltés furent plus heureux; ils entrèrent en ville, et s'en emparèrent, malgré la résistance de 300 soldats français malades.
Le 23 mai, Bonaparte apprend, à Lodi, ces événements inquiétants; il rebrousse chemin avec un bataillon de grenadiers, 300 chevaux et 6 pièces: l'ordre était déjà rétabli dans Milan; il continue sa route sur Pavie, en se faisant précéder par l'archevêque de Milan.
Lannes disperse l'avant-garde des insurgés au bourg de Binasco, et incendie ce village pour effrayer Pavie: Bonaparte s'arrête devant cette ville de 30,000 âmes de population, défendue par 8,000 paysans révoltés, et entourée d'une enceinte: il fait afficher aux portes, pendant la nuit, la proclamation suivante:
«Une multitude égarée, et sans moyens réels de résistance, brave une armée triomphante des rois; elle veut perdre le peuple italien. La France, persistant dans son intention de ne pas faire la guerre aux peuples, veut bien pardonner à ce délire, et laisser une porte ouverte au repentir; mais ceux qui ne poseront pas les armes à l'instant seront traités comme rebelles. On brûlera leurs villages: les flammes de Binasco doivent servir de leçon.»
Le matin, les paysans aveuglés refusèrent encore de se rendre. Bonaparte fit balayer les murailles à coups de mitraille et d'obus; ses grenadiers enfoncèrent à la hache les portes et pénétrèrent dans la ville, dont ils restèrent les maîtres après quelques combats de rue.
Pour faire un exemple, Bonaparte accorda à ses 1000 soldats trois heures de pillage; ensuite, il fit sabrer, dans la campagne, par ses 300 chevaux, les paysans en fuite.
L'Italie, sur le point de se révolter sous l'influence des nobles et des moines, apprit en même temps cette insurrection et sa prompte répression. Le 28 mai, Bonaparte faisait franchir le Mincio à son armée toujours victorieuse et redoutée.
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289. Il y a quelquefois lieu aussi de contenir l'anarchie, se produisant sous un autre aspect, au milieu des populations envahies; de la réprimer alors que, pour se livrer aux plus coupables excès, elle tente de se faire l'auxiliaire dangereux du vainqueur lui-même, en exagérant, dénaturant ses principes politiques.
Rien n'ajoute davantage à la gloire de ce dernier, vis-à-vis des contrées conquises et de l'humanité en général, que de savoir deviner et flétrir de pareilles menées; leur impunité préparerait, au pays, des discordes et des calamités bien plus funestes que l'invasion elle-même; la discipline de l'armée victorieuse pourrait aussi être altérée. Un général qui se respecte se hâte de repousser de tels auxiliaires. Ici encore, nous retrouvons pour guide le génie de Napoléon.
En octobre 1796, Bonaparte, effrayé des progrès de la démagogie italienne, dut, en effet, rappeler au peuple de Bologne les éternels principes qui servent de fondement aux sociétés, paroles dignes des méditations de la génération européenne actuelle.
«J'ai vu avec plaisir, disait-il au peuple de Bologne, le 19 octobre 1796, en entrant dans votre ville, l'enthousiasme qui anime les citoyens et la ferme résolution où ils sont de conserver la liberté. La constitution et votre garde nationale seront promptement organisées. Mais j'ai été affligé de voir les excès auxquels se sont portés quelques mauvais sujets indignes d'être Bolonais.
«Un peuple qui se livre à des excès est indigne de la liberté. Un peuple libre est celui qui respecte les personnes et les propriétés; l'anarchie produit la guerre intestine et les calamités publiques. Je suis l'ennemi des tyrans; mais, avant tout, je suis l'ennemi des scélérats qui les rendent nécessaires lorsqu'ils pillent; je ferai fusiller ceux qui, renversant l'ordre social, sont nés pour l'opprobre et le malheur du monde.
«Peuple de Bologne, voulez-vous que la République française vous protège? Voulez-vous que l'armée française vous estime et s'honore de faire votre bonheur? Voulez-vous que je me vante quelquefois de l'amitié que vous me témoignez? Réprimez ce petit nombre de scélérats, faites que personne ne soit opprimé: quelles que soient ses opinions, nul ne peut être opprimé qu'en vertu de la loi… Faites surtout que les propriétés soient respectées.»
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290. Après la bonne administration du territoire, sous le rapport politique et financier, la meilleure mesure contre les révoltés est une judicieuse répartition des garnisons.
Les forces morales sont incommensurables par rapport aux forces matérielles; 1,000 hommes de secours qu'un commandant supérieur peut recevoir sont plus pour lui que 2,000 hommes à la présence desquels le peuple ennemi est habitué.
Les troupes qui occupent une province conquise et très-hostile doivent donc, en général, être tenues, soit dans les places fortes, soit à proximité des villes les plus remuantes, les plus populeuses, plutôt que dans ces villes mêmes où elles seraient souvent dispersées, neutralisées ou affaiblies par un service et des obligations toujours pénibles.
On fera surveiller la plupart de ces villes par des détachements établis, dans des réduits ou des quartiers militaires fortifiés d'une étendue en rapport avec l'importance politique et stratégique de ces cités; détachements qui concourent aussi au service de la ligne d'opérations.
En cas de révolte, ces garnisons se défendront, observeront ou cerneront la population, en attendant les secours qui leur seront immédiatement envoyés par les divisions actives ou garnisons plus importantes à proximité.
C'est ici le cas de répéter que toute révolte partielle dans une province peut être ainsi comprimée; victorieuse ou vaincue, elle tendra les bras au chef habile, après deux ou trois jours de lutte, et souvent même avant que celui-ci ne soit secouru.
291. Les garnisons plus importantes, là où les populations sont hostiles, s'installeront de la manière suivante:
La moitié de l'infanterie embrassera la circonférence entière de la ville en occupant, au plus, le tiers de sa surface.
Un, deux à trois bataillons de cette moitié seront casernés dans les grands établissements, à droite et à gauche de chacune des quatre ou cinq entrées principales du la ville, en s'étendant le long de l'enceinte, avec le moins possible de solutions de continuité, par ordre de compagnies et de bataillons, au besoin retranchés, de telle sorte que chaque issue principale fasse système de défense indépendant.
Un détachement d'égale importance occupera, de la même manière, les maisons dominantes d'une place centrale.
À défaut de celle-ci, on établira, dans cinq ou six petites places du centre de la ville, et, autant que possible, à des passages obligés, autant de corps-de-garde fortifiés pour 50 à 100 fantassins, 25 à 50 chevaux.
Chaque porte de la ville sera gardée par 80 à 160 fantassins.
L'autre moitié de l'infanterie, avec la presque totalité de la cavalerie, seront cantonnées et retranchées dans les faubourgs les plus voisins du la ville, ou qui la dominent le mieux.
Les communications de ces faubourgs aux grandes entrées de la ville seront réparées, élargies, assurées, raccourcies.
Si les soldats sont logés chez l'habitant, ils ne conserveront que leurs armes pour se défendre: les selles, brides et chevaux resteront réunis au parc ou dans de grands locaux gardés.
Les bourgeois, dont on pourra exiger des sûretés, seront désarmés; ils devront être rentrés chez eux, le soir, à une certaine heure; des exemples sévères les maintiendront.
On ne laissera circuler, en dehors des quartiers occupés, aucun homme isolé, aucune petite corvée, surtout sans armes; les officiers logeront auprès des soldats.
292. En cas de troubles, les camps nombreux des faubourgs et les corps retranchés ou casernés aux principales entrées, ou sur le pourtour de l'enceinte, convergeront, par les principales rues, sur le détachement établi à la place centrale ou sur les corps de garde qui en tiennent lieu.
Les gardes des portes principales continueront d'intercepter les communications avec le dehors; elles arrêteront les gens de la campagne qui voudraient venir prendre part à la révolte. Celle-ci, débordée de toutes parts, ne pourra ni se masser, ni agir, en présence d'une garnison convenablement établie pour appliquer, de suite, les principes de ce genre de guerre.
293. S'il existe dans la ville des troupes et des autorités indigènes, pouvant devenir hostiles, et que des raisons politiques ont empêché de supprimer, ces corps seront, autant que possible, disséminés dans des quartiers éloignés les uns des autres, du centre de leurs autorités et de leurs arsenaux.
Ces quartiers et locaux devront être facilement surveillés par des troupes à proximité, et, autant que possible, situés au delà de défilés ou obstacles derrière lesquels on les arrêterait.
Les positions de combat, assignées à la garnison, seront choisies de manière à intercepter toute communication entre ces établissements.
Le général s'attachera quelque sous-ordre de chaque corps en administration indigène à surveiller; ainsi il tiendra leurs chefs dans une salutaire défiance.
Les troupes indigènes, lors même qu'elles ne voudraient prendre part à aucun désordre, exigeraient encore une certaine surveillance, soit à cause des insurgés qui pourraient revêtir leur uniforme et abuser de son influence, soit pour les armes et munitions que la révolte en exigerait.
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294. Le 21 juillet 1808, Napoléon écrivait: «Sarragosse n'a pas été prise; elle est aujourd'hui cernée, et une ville de 40 à 50,000 âmes, défendue par un mouvement populaire, ne se prend qu'avec du temps et de la patience. Les histoires des guerres sont pleines de catastrophes des plus considérables pour avoir brusqué et s'être enfourné dans les rues étroites des villes. L'exemple de Buenos-Ayres et des 12,000 Anglais d'élite qui y ont péri, en est une preuve.»
Si donc, ce qui pourra quelquefois arriver, le nombre et l'acharnement des populations ennemies, la force de leurs positions, le défaut de dispositions antérieures prises, obligent à d'autres précautions, à plus d'efforts et de lenteur, s'ils rendent infructueuses les dispositions détaillées n°s 290 et suivants, ce sera le cas d'exécuter, à l'égard d'un ou plusieurs quartiers, les prescriptions suivantes de l'officier d'infanterie en campagne, pour l'attaque régulière des villes fortifiées passagèrement.
Deux ou trois attaques voisines, à distance de 600 mètres, et concourant l'une vers l'autre, se prêteront un mutuel appui; elles domineront tout le terrain intermédiaire; chacune d'elles suivra, autant que possible, les deux côtés d'une large rue perpendiculaire qui, en cas d'assaut, livrera passage aux colonnes. Ces attaques convergeront sur une place ou aboutiront à une grande communication.
Un régiment, à chaque attaque, fournit 1/10 de travailleurs; un autre régiment est en arrière en réserve; en tête du tout, 50 à 60 sapeurs, sous les ordres de 3 officiers du génie, cheminent en prenant les précautions nécessaires. Ils sont relevés tous les matins, à 6 heures, afin qu'ils puissent mieux connaître les positions à défendre ou à enlever.
Une attaque exige donc 2 à 3,000 hommes, et 10,000 si l'on compte les troupes au repos; sur ce chiffre, il y a 1/30 de militaires du génie, dont 1/15 d'officiers, 2/15 de mineurs, 11/15 de sapeurs. Chaque attaque s'étend à 100 mètres au moins, à droite et à gauche, pour assurer ses flancs.
295. On organisera, vis-à-vis les positions à aborder, une parallèle continue, les ailes bien appuyées, le centre renforcé par des maisons dominantes.
Il faut qu'on puisse en déboucher par des rues larges et droites, sur une grande communication, d'où l'on gagnera le réduit de la défense, et d'où l'on donnera la main aux autres attaques.
Tant qu'une aile d'attaque n'est pas bien appuyée, une réserve extérieure garde les défilés en arrière contre les sorties latérales.
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296. Deux espèces de batteries appuient les flancs, les unes pour les soutenir directement, les autres pour battre en brèche les positions latérales qui les contrarient.
Dans les cheminements, établir des batteries de mortier et de petit calibre pour battre, à faibles charges, les défenses les plus rapprochées et incommoder l'ennemi au delà des bâtiments qui le défilent.
Quelques pièces de campagne pourront être employées pour faire brèche aux maisons.
Des communications larges et faciles auront été ouvertes, à travers les obstacles franchis, pour le passage de cette artillerie et des différentes armes.
«Remarquons que, le 18 juillet 1808, Napoléon écrivait: Le 14e et le 44e arrivent demain: après demain ils partent pour Sarragosse: non pas que ces troupes puissent avancer la reddition qui est une affaire de canon .»
Cette importance de l'artillerie en pareille circonstance, sur laquelle les meilleurs esprits ont été partagés, dépend de la facilité des communications, de la légèreté, de la simplicité du matériel employé, de la profondeur des masses qui se présentent imprudemment à ses coups, et enfin de l'action inintelligente des tirailleurs ennemis, car désormais la lutte est entre ceux-ci et les pièces, et dans beaucoup de cas l'avantage peut rester aux premiers, s'ils sont instruits et bien armés.
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297. Dans une rue parallèle, filer le long des maisons qui forment le côté le plus rapproché, occuper les îlots en face, y communiquer à l'aide de doubles caponnières ou de caves, fortifier les bâtiments qui flanquent cette rue ou qui enfilent les voies transversales.
S'étendre, par l'intérieur des maisons, des deux côtés des rues perpendiculaires; occuper les édifices qui enfilent les voies transversales; franchir celles-ci de nuit, après avoir pris position du côté de bâtiments contigus aux positions; occuper vis-à-vis une maison d'où on avance, à droite et à gauche, en perçant des créneaux dans les murs de refend et en y prévenant l'ennemi.
Garnir de fusiliers les étages et les toits des maisons voisines attenantes à celles de l'ennemi; boucher les portes et les fenêtres qui lui font face, avec des sacs à terre; chercher à s'étendre sur les côtés.
Cheminer vers les bâtiments qui tournent les positons conservées par l'ennemi, sur les flancs en arrière; y faire brèche, s'en emparer, et de là menacer les communications.
298. Une ville, dont les rues étroites et tortueuses n'ont entre elles que de rares communications, offre un champ de bataille à l'avantage de celui qui s'y défend: il faut éviter de se laisser emporter par un succès obtenu, de peur d'avoir de suite une situation et une fortune contraires.
Chercher à s'étendre le plus possible aux environs des rues par lesquelles on veut pénétrer: occuper les bâtiments latéraux, tourner les barricades et ne jamais les attaquer de front; enfin, mettre en action au moins autant de monde que l'ennemi.
Si l'on est faible, il faut rester sur ce terrain; si l'on et plus fort, on attire, par une fuite simulée, l'ennemi dans un quartier où, établi d'avance, on prendra sur lui le même avantage.
Que l'attaque soit plus ou moins brusquée, plus ou moins régulière, elle offre d'autant plus de chances de succès qu'elle est mieux conduite conformément aux principes précédents.
Ainsi, il faut toujours pénétrer sur 3 ou 4 colonnes concourantes ou au moins parallèles, de 2 à 3 bataillons, autant d'escadrons et de pièces chacune, écartées de 500 mètres, et faisant des établissements à même hauteur, en avant des communications transversales, comme chaînons de parallèles générales, de 300m en 300m; les points forts d'une parallèle précédente, serviront du réduits, aux parties correspondantes de la parallèle nouvelle, sur laquelle on prend position; et les postes avancés du celle-ci deviendront plus tard les points forts d'une 3e parallèle ultérieure. La nécessité de ces précautions est également démontrée par la sanglante journée du faubourg Saint-Antoine, le 2 juillet 1652, et par les longues luttes de Sarragosse en 1808.
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299. Pour ce qui est du détail des cheminements, éviter toute échauffourée; à mesure qu'on s'empare d'une maison, s'y établir, la créneler, boucher les basses ouvertures sur la rue.
Élargir la communication avec le précédent bâtiment pris, avant d'en attaquer un autre plus éloigné.
300. Les mines peuvent avoir l'inconvénient d'arrêter plusieurs jours par les incendies qu'elles produisent, comme cela eut lieu dans la rue des Munitions, le 1er février, au deuxième siège de Sarragosse.
Le meilleur moyen est le fourneau peu chargé, de manière à percer et à ébranler les maisons sans les renverser, ni ouvrir de grands entonnoirs vus de toutes parts; il y reste encore des abris contre les feux plongeants des édifices voisins.
Dans l'espace de 24 heures, on avance ainsi de 80 à 100 mètres; on a par attaque 30 hommes tués ou blessés; on gagne, de chaque côté de rue, 4 ou 5 maisons.
À chaque attaque, il y a 50 sapeurs, 50 travailleurs et 100 soldats armés, dont une moitié en réserve.
On consomme, en 48 heures, pour une mine, 100 à 150 livres de poudre; on prend, par ce moyen, 4 à 5 maisons fortifiées.
Profiter des caves pour communiquer sous les rues; les employer comme entrées de rameaux; éviter autant que possible, ainsi que cela eut lieu au deuxième siége de Sarragosse, de coffrer et d'être en arrière de la sape.
Après chaque explosion, on s'empare d'une ou de plusieurs maisons; la réserve relève les troupes qui y sont logées; l'ordre est donné pour le travail de nuit.
301. La nuit, on ouvre les communications avec les maisons prises de jour; on traverse, à la sape, les rues transversales: 10 sapeurs et quelques travailleurs suffisent à chaque attaque.
Profiter du jour pour bien reconnaître les communications; dans les ordres être clair et précis, afin d'éviter des méprises fâcheuses, comme le fut celle d'un régiment qui, au premier siége de Sarragosse, vint dans un passage tortueux et étroit, où quelques hommes l'arrêtèrent.
302. Les communications seront établies le long des rues non enfilées par l'ennemi, ou sur le côté de celles qui sont battues; on les fera droites autant que possible; elles ne seront contournées que pour éviter un passage périlleux ou difficile.
On allumera, de distance en distance, des petits feux, en lieux couverts, pour y servir de repaires pendant la nuit.
Des draps ou des tapis, pendus à des cordes d'un côté de rue à l'autre, couvriront les communications que l'on ne pourra défiler autrement.
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303. Pour franchir d'une maison à une autre, on fera, à chaque étage, des créneaux, et ensuite quelques grosses ouvertures, dont une sur le toit pour le passage; d'autres trous et créneaux, s'il est possible, sont percés sur les flancs ou au-dessous, pour obliger l'ennemi à évacuer sans se défendre.
304. Si l'ennemi dispute une chambre, on ouvre des créneaux en face des siens, l'on tiraille des deux côtés; la chambre intermédiaire se remplit bientôt de fumée; le sapeur s'y glisse à plat-ventre jusque sous les canons de fusil des défenseurs; il se lève, frappe les fusils à coups redoublés, avec une barre à mine, oblige à les retirer; aussitôt des hommes déterminés embouchent les créneaux, y jettent des grenades et forcent l'ennemi à défendre un mur plus éloigné.
Si un gros mur arrête, les sapeurs réduisent son épaisseur avec la pioche avant d'y faire ouverture; puis ils le renversent d'un seul coup sur l'ennemi. Si le temps manque, ils le font sauter avec un sac de poudre.
305. Il est surtout nécessaire d'occuper en force les toits, pour y blottir, derrière les cheminées ou les lucarnes, d'adroits tirailleurs, qui feront évacuer les parties inférieures ou empêcheront les retours offensifs de l'ennemi sur les derrières et communications des attaques. Il ne faut s'aventurer, dans une cage d'escalier, qu'après s'être rendu maître des toits et étages supérieurs.
Si l'on pénètre plus avant dans les étages élevés, on déloge les défenseurs de l'étage inférieur, soit en menaçant leurs communications, soit en les fusillant par les ouvertures faites aux planchers. Dans cette position, on n'aura à craindre, ni la fusillade sans effet de bas en haut, ni l'incendie dont l'emploi est presque toujours dangereux pour celui qui se défend.
Les coupures d'une chambre ou d'un corps de logis à l'autre sont franchies à l'aide de madriers, également utiles pour se préserver des feux de flanc, en les appuyant contre les créneaux; on s'abrite des feux de l'étage supérieur, à l'aide de paniers mis sur la tête, et au-dessus du fond desquels sont fixées des rondelles en forts madriers.
306. Si l'on ne peut vaincre la résistance des défenseurs établis dans un étage supérieur, on se hâte de mettre le feu en dessous, ou d'y faire déposer, par une escouade d'élite, un sac de 100 à 150 livres du poudre; ce moyen est suffisant pour chasser l'ennemi et ouvrir le bâtiment sans le renverser; il restera encore, après l'explosion, des abris contre les feux plongeants des maisons voisines.
Si plusieurs assauts n'ont pu faciliter l'entrée dans le bâtiment, il faut l'incendier. On lance dessus les toits, contre les fenêtres et les portes, des flèches entortillées de mèches allumées, des tourteaux goudronnés; on tire sans relâche sur le feu à coups de fusil ou de canon, pour empêcher d'éteindre ou de jeter les parties enflammées dehors.
Ou peut aussi incendier les bâtiments voisins du côté du vent; approcher, de la partie de la maison la moins bien défendue, des matériaux combustibles, auxquels on met le feu; ou saper un mur et jeter, par l'ouverture, des grenades ou carcasses enflammées.
Ces diverses attaques se font simultanément à tous les étages d'une même maison, afin de n'être pas exposé, soit à la fusillade à travers les planchers supérieurs, soit aux grenades jetées par les cheminées ou les toits.
Il est surtout nécessaire d'occuper ceux-ci en force. Les Espagnols en profitèrent, à Sarragosse, pour faire des sorties sur nos derrières et pour couper nos communications.
307. De nuit, enduire de résine les portes faiblement barricadées, et ensuite y mettre le feu.
Battre à coups de bélier celles qu'on est obligé d'enfoncer de nuit.
308. Donner les assauts aux bâtiments et positions, dès le point du jour, afin d'éviter les méprises et de ne pas laisser le temps à l'assiégé de replacer ses postes pendant la nuit.
Si l'on marche vers une grande communication ou une place bien connue, ou si l'on veut donner le change et surprendre, on peut s'écarter de ce principe.
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309. Il est inutile de faire remarquer l'avantage incontestable des armées régulières ainsi engagées, avec entière liberté de déployer toute leur majestueuse et invincible puissance.
S'il n'y avait de plus grands malheurs à éviter, de tristes mais impérieux devoirs à remplir, et la perspective d'un ineffaçable outrage au drapeau, on n'éprouverait peut-être qu'une sorte d'intérêt pour des populations ennemies révoltées toujours follement compromises, en pareille circonstance, sans chefs expérimentés, sans organisation, sans discipline, sans armes, sans matériel et sans approvisionnements suffisants.
La lutte pourra être lente et sanglante: mais, à une heure prévue, le succès est assuré. Ici et en tout, la disproportion est si grande, que la raison ne peut même s'expliquer une tentative sérieuse et réfléchie. D'un autre côté, l'honneur militaire a trop de prestige pour permettre, à cet égard, le moindre doute.
Les populations qui auront le courage de soutenir leurs garnisons assiégées et de défendre avec elles, non-seulement les remparts, mais encore l'intérieur des villes contre l'étranger, pourront aussi succomber dans une lutte inégale; mais ce sera après avoir noblement bravé toutes les horreurs d'un long siége, pour la défense de leurs foyers, l'indépendance et l'honneur de la patrie: les projets les plus importants de l'armée d'invasion auront été remis ou abandonnés: une inquiétude salutaire les rendra désormais plus timides, moins décisifs: le monde entier respectera une telle chute, désormais la gloire et la force du pays, et, pour toutes les nations, une nouvelle leçon de patriotisme.
Récapitulation.
§ Ier.
310. En France, on ne se soucie guère de voir trop répéter la même pièce: l'Empire nous a saturés de gloire, la Restauration et le Gouvernement de Juillet de liberté prospère, les premiers mois de 1848 de désordres sanglants; ceux-ci, pour longtemps, ne sont donc plus à craindre chez nous; mais l'étranger n'a ni les mêmes enseignements, ni la même satiété.
Les événements des dernières années renferment de grandes leçons pour les Gouvernements européens; ceux qui ne se mettraient pas sérieusement en mesure de résister à la violence des ouragans révolutionnaires manqueraient à leur mission.
Une sage prévoyance doit éviter aux bons citoyens ces luttes fratricides, et empêcher que les sources providentielles de l'aisance du peuple ne soient subitement taries.
Les nations, menacées de décadence subite, au milieu de leur plus grande prospérité, implorent aussi protection contre un danger si grand.
Ces habitudes de guerre civile, de plus en plus enracinées dans une partie des populations européennes, nécessitent pour les grandes capitales, à l'instar de ce qui a déjà lieu dans quelques-unes, l'adoption des dispositions suivantes:
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311. Installation successive de tous les ministères, des principales administrations, de la Poste, de l'Imprimerie nationale, des Messageries, dans un grand quartier militaire, autour du chef du Gouvernement et des pouvoirs législatifs: les mesures de défense précédemment prescrites deviendront plus faciles.
312. À l'avenir, les casernes seront construites dans des positions militaires, de manière à faciliter l'attaque comme la défense, à pouvoir être gardées par peu de monde, et contenir des forces considérables libres de déboucher dans plusieurs directions.
Elles seront, soit à la circonférence du quartier militaire, soit dans les arrondissements les plus éloignés du centre, pour commander les grandes avenues et les faubourgs remuants.
Chaque mairie, avec une caserne en face ou attenante, pour 1, 2 à 3 bataillons de ligne, dominera sa circonscription délimitée militairement; une place ou une cour intermédiaire liera ces deux établissements jumelés, qui formeront centre de défense et d'approvisionnements de tous genres à débouchés nombreux.
Ainsi le ralliement des gardes nationaux devient facile; et en revêtissant l'uniforme de ces derniers, les insurgés ne peuvent dominer, par surprise, dans les mairies ou légions.
313. De l'établissement de l'administration municipale dans un hôtel de ville central, d'où surgissent ordinairement les pouvoirs révolutionnaires, résultent, pendant la crise, l'isolement, l'antagonisme des autorités principales, la nécessité de la dispersion des forces.
On en finirait, avec chacun de ces forum de l'anarchie, en y établissant, soit une caserne, soit un hôpital civil: l'administration centrale serait placée dans le quartier militaire, sous la main du chef du Gouvernement.
Peut-être même, malgré tous les inconvénients d'un ordre différent qui pourraient en résulter, conviendrait-il de diviser chacun de ces pouvoirs uniques, dangereux et presque toujours si mal placés, en plusieurs grandes directions civiles établies au centre des divisions militaires de ces capitales, correspondant à ces divisions, et centralisant chacune trois ou quatre arrondissements avec les banlieues attenantes.
Avoir, dans chaque état, dans chaque grande capitale, plusieurs centres importants d'une administration unique, c'est fractionner et affaiblir la révolte; les réunir, tout en divisant les pouvoirs, séparant les attributions et multipliant les spécialités, c'est désarmer; il ne reste de centralité et de fort que l'anarchie.
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314. Un ordre pareil à ceux qui existent dans les places de guerre, pour les cas d'alerte, étudié et rédigé d'avance, d'après les principes précédents, serait connu de tous les chefs militaires, de manière à ce que chacun puisse s'y conformer, au premier avertissement.
Ainsi la concentration de tous les corps sur leurs positions de combat, s'ils n'y sont déjà établis en permanence, se fera militairement, par une agglomération progressive le long de communications faciles et assurées, dans le temps convenable et sans que ces corps cessent un moment d'être utiles à la répression, sur la voie stratégique qu'ils parcourent.
315. Ces principes, d'après lesquels la troupe doit être employée pour réprimer les émeutes, sont écrits dans l'histoire des guerres civiles qui, à diverses époques, ont désolé le monde; par les événements de Paris en 1830 et 1832, ceux de Lyon en 1831, ils avaient acquis un tel degré d'évidence qu'il eut été impardonnable de les méconnaître.
Disperser la troupe par pelotons, sur les places et rues, sans moyens d'attaque ou de défense, au fur et à mesure que les émeutiers s'y agglomèrent; la laisser ainsi stationner au milieu de ces derniers, sans repos ni abris, et quelquefois sans vivres; suivre le désordre partout où il lui convient d'agir et de prendre position, sans réserves ni bases fixes, ni points d'appui ou centres de commandement, ce serait ne pas agir militairement et compromettre le salut de l’État.
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316. Les armées, leurs nobles institutions, les principes salutaires et traditionnels d'où résultent la force, la discipline, la fidélité au drapeau, l'énergie du devoir sont les soutiens des États.
Par leurs institutions, par la nature du service habituel, par le maintien de la force militaire dans les meilleures conditions, les armées, restent mobiles et puissantes.
En temps de paix, les corps dont la spécialité, dont l'organisation fortifient la discipline, sont relativement plus nombreux.
Partout, le militaire demeure complètement étranger aux passions qui divisent le pays, et au milieu desquelles son intervention calme pourrait être réclamée.
Banni d'une société, l'ordre régnerait encore longtemps dans son armée.
317. L'état-major général est un des principaux éléments de force; il s'entretient actif et vigoureux, dans l'exercice le plus large du commandement et de l'initiative.
Le commandement est fortifié par une centralisation réelle des spécialités; c'est un principe salutaire de force pour la société européenne.
318. Des lois de recrutement, sans déclasser les populations tranquilles et laborieuses, attirent aux armées les hommes inoccupés et retiennent longtemps les vieux soldais au service; elles font partout de l'état militaire, à l'opposé de l'imprudent système de landwehr, une véritable profession spéciale; du telle sorte que la partie aguerrie de chaque nation soit dans l'armée et non en dehors.
Ces lois se prêtent à l'extension la plus complète, la plus rapide de la force armée pour le cas d'invasion du territoire ou d'une coalition, en vue desquelles elles ne sont cependant pas conçues exclusivement: car il y a d'autres éventualités.
319. Partout les milices bourgeoise sont constituées d'après ce principe, qu'en militarisant moins de monde, mais plus complètement, dans un but plus sérieux d'une réelle utilité, on augmente d'autant le prestige militaire.
Des armées passons au triste théâtre de leur action considérée du point de vue de ce livre. Tel est l'état des choses, qu'il faut désormais se dérober au spectacle admirable des plus rassurantes institutions, pour se préoccuper exclusivement de difficultés qui seraient désespérantes, si, après tant de dévastations, la société n'avait pas, pour les vaincre, une surabondance de moyens plus grands encore.
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320. Les principales communications intérieures, telles que les quais, les boulevards, les rues importantes, ne devraient point être pavées, ni plantées d'arbres: les progrès de la science des constructions permettent d'espérer, à cet égard, une solution qui satisfasse toutes les nécessités.
Il faudrait même que ces grandes voies fussent plutôt bordées par des maisons précédées de cours ou de jardins que par des bâtiments contigus et à un grand nombre d'étages: cette modification est plus désirable que facile à obtenir.
321. Un obstacle, rivière, canal, escarpement, pâté longitudinal de maisons sans passage, vieille enceinte ou muraille, dont les rares intervalles ou défilés, à 1200m les uns des autres, seraient commandés par autant de casernes, et des deux côtés duquel existerait une communication large et facile, diviserait ou arrêterait l'insurrection; il permettrait de porter successivement, contre ses différentes factions, des réserves importantes.
Chaque intervalle d'obstacle, créé ad hoc , coûterait plusieurs millions, y compris les expropriations.
On pourrait, à la rigueur, se servir d'un pareil obstacle, soit pour entourer et couvrir, en partie, le quartier militaire, soit pour diviser et maintenir un arrondissement difficile; soit enfin pour dominer toute une ville, à l'aide d'un tracé particulier.
322. Des sémaphores mettraient en rapide communication, pendant le jour et la nuit, les mairies avec le centre du Gouvernement, l'hôtel de ville, la police centrale, l'état-major de la garde nationale et les quartiers généraux des divisions ou subdivisions militaires, intrà ou extrà muros .
323. Des peines successivement plus fortes menaceraient:
1° Les individus non armés faisant partie des rassemblements;
2° Ceux qui commettraient des dévastations;
3° Les individus armés étrangers à la garde nationale;
4° Les étrangers à la garde nationale, qui revêtiraient son uniforme;
5° Ceux qui construiraient des barricades;
6° Les chefs d'attroupements, afficheurs de proclamation, péroreurs;
7° Les personnes chez qui se tiendraient des réunions séditieuses;
8° Ceux qui désarmeraient les gardes nationaux à domicile, dans les rues ou qui pilleraient des magasins d'armes;
9° Les meurtriers de gardes nationaux, soldats, ou autres citoyens;
10° Les provinciaux récemment arrivés dans la capitale et coupables de l'un des délits précédents;
11° Les étrangers, et successivement les individus suivants qui seraient dans le même cas;
12° Les employés des administrations;
13° Les réfugiés politiques et étrangers;
14° Les repris de justice;
15° Les hommes en rupture de ban.
324. 6 à 8,000 réfugiés de toutes les nations ont pris la part la plus active aux désordres européens; une réserve révolutionnaire de tous les pays se transporte successivement d'une capitale à l'autre et y impose l'anarchie.
Les étrangers, à qui un peuple accorde refuge, n'ont pas le droit de se mêler d'affaires qui le regardent seul; encore moins de décider de son avenir.
325. Les dépenses, pour dégradations commises pendant l'émeute, dans chaque quartier, seraient exclusivement à la charge de l'arrondissement.
Tout individu, dont une partie du mobilier aurait servi à élever une barricade, serait passible, à moins de cas de force majeure constatée, d'une amende égale au montant de ses contributions réunies.
Le locataire d'un appartement, duquel on aurait fait feu sur la troupe, serait, à moins de force majeure également constatée, passible d'une amende équivalente à une ou deux fois son loyer.
Des amendes plus importantes frapperaient les cabaretiers, logeurs et chefs d'établissements auteurs des mêmes délits, par négligence ou mauvaise intention.
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320. Les maisons garnies, les logeurs, les dépôts de remplaçants, ainsi que les arrivages des voitures publiques, exigent la surveillance la plus active.
Les propriétaires et maîtres d'hôtels doivent déclarer, dans les 24 heures, les noms, qualités, lieux de départ et de destination des personnes descendues chez eux, sous peine, en cas de condamnation desdits individus pour délits politiques, de payer une amende au plus égale au loyer de leur maison ou hôtel.
Le déplacement des ex-fonctionnaires ou des pensionnés est également surveillé.
327. Le séjour des grandes villes serait interdit aux personnes étrangères non munies d'un passeport ou d'un livret en règle. Toute famille ruinée tombe à la charge d'une capitale; le nombre des mécontents y augmente chaque jour.
Les repris de justice doivent être éloignés à 30 lieues des grandes villes et punis en cas d'arrestation dans celles-ci.
328. Il y a un ensemble de mesures à prendre à l'égard de quelques cabarets, quant à leurs emplacements plus ou moins favorables à la révolte comme dépôts d'armes, de munitions et comme centres d'action; quant aux intentions des personnes qui les tiennent, à leur responsabilité et à la surveillance dont ils devraient être l'objet.
Certains cabarets sont les clubs les plus dangereux, les véritables lieux de dépôt, d'organisation, de recrutement, d'excitation et les centres d'action de l'émeute; c'est là que les insurgés passent leurs revues, et sont entretenus sur le pied de la révolte: c'est de là que part le signal.
Dans les cabarets sont détournés les fruits du labeur journalier; les familles délaissées, oubliées, y voient une cause incessante de misère et de désordres intérieurs; beaucoup de délits, de crimes publics ou privés s'y préparent également: de toutes les prépondérances, la plus regrettable serait celle de l'estaminet.
329. Les armuriers et les débitants de poudre, commissionnés et constamment surveillés, seraient tenus d'inscrire sur leurs registres, à chaque vente, les noms, la demeure et la qualité de l'acquéreur assisté de témoins.
Leurs boutiques, autant que possible voisines des mairies, casernes ou postes, seraient solidement grillées et closes; pendant l'émeute, on ne pourrait pas les forcer facilement.
Les magasins ne contiendraient pas au delà d'une certaine quantité d'armes et de munitions; les premières seraient démontées et incomplètes. La fabrication de la poudre coton, sévèrement punie en tout temps, le serait plus encore pondant l'émeute.
En temps anormal, et dans une capitale complètement organisée en vue de périls journaliers, n'y aurait-il même pas lieu d'exagérer toutes ces précautions, pour quelques quartiers les plus importants?
Ainsi, les principaux magasins indispensables, pendant une insurrection, pour les approvisionnements de tous genres, pourraient être, soit à l'abri de toute attaque, par la solidité de leur clôture; soit groupés autour des mairies et de quelques positions tertiaires déterminées à l'avance.
Pendant la lutte, la vente s'y ferait à des heures déterminées, en présence des agents de l'autorité; l'action de la troupe et de la garde nationale, vis-à-vis d'une insurrection privée de moyens, serait d'autant mieux assurée.
330. Les clochers, d'où l'on pourrait tirer des coups de fusil et sonner le tocsin; les édifices publics, non susceptibles d'être gardés pendant la lutte, seraient bien clos dans le pourtour de leur rez-de-chaussée et fermés de portes assez solides pour qu'on ne puisse s'y introduire facilement; au besoin, les clefs de l'escalier de chaque clocher seraient de suite remises aux mairies.
On ne perd pas de vue les maisons particulières qui enfilent les rues, dominent les environs et les carrefours: on empêche qu'elles ne soient occupées par les rebelles; on les garnit, s'il le faut, de fusiliers.
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331. Imposer des limites à l'extension exagérée des industries de même nature; à l'agglomération en trop grands ateliers, dans et autour des capitales.
Faire peser une certaine responsabilité sur les chefs de ces établissements; l'avenir des sociétés ne peut dépendre du plus ou du moins de prévoyance des spéculateurs.
Pendant l'émeute, ou s'assure que les ouvriers restent à l'ouvrage; une prévision est nécessaire à cet égard.
332. L'administration doit combattre la misère, non en ouvrant simultanément un nombre de travaux considérables dans la capitale, ce qui augmenterait, au delà de tous les besoins normaux, la classe ouvrière et les petits établissements qu'elle fait prospérer.
Au moment tôt ou tard inévitable de la brusque clôture de ces entreprises extraordinaires dans une seule localité, surgiraient des misères impossibles à soulager.
Mais on entreprendrait successivement des travaux aux alentours, et de plus en plus loin, afin d'y retenir les ouvriers et de diminuer d'autant la masse de ceux qui ont peine à vivre dans les grandes villes. On éviterait ainsi à cette classe, trop souvent malheureuse, un déclassement qui la ruine.
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333. On a proposé d'établir, comme agents de sûreté, par quartier de 100,000 âmes de chaque capitale,
1 Commissaire de police central, dépense annuelle. 3,000 fr.
5 Id . de quartier. 10,000
25 Sergents de ville. 25,000
250 Agents de police. 125,000 ___
281 Agents de sûreté donnant lieu __________ à une dépense annuelle de 163,000 fr.
6 sergents de ville et 60 agents, c'est-à-dire six brigades de dix hommes se relevant toutes les six heures, suffisent pour parcourir constamment les divers quartiers d'un arrondissement.
Les sergents et agents de police ont, sur leur uniforme, un n° d'ordre et la lettre du quartier, dont ils connaissent les rues, les habitants et les gens suspects.
Chaque réunion de quatre brigades surveille 25 rues, places, quais, passages, boulevards ou ports.
334. On compte habituellement, en temps les plus tranquilles, dans une capitale et par arrondissement de 100,000 âmes, un régiment d'infanterie de 2,000 hommes, et près d'un million de dépenses annuelles, pour la garnison.
En réduisant dans les circonstances ordinaires, là où les précédents et les habitudes de la population le permettraient, cette garnison ainsi que cette dépense du tiers, on ferait, a-t-on dit, plus que l'économie nécessaire pour payer l'excédent d'agents de police, qui résulterait de ce projet.
La tranquillité journalière serait assurée; la troupe pourrait être utilement employée ailleurs, dans l'intérêt de l'état et du maintien des traditions militaires.
Si des troubles graves, si des circonstances anormales nécessitaient éventuellement la présence d'une force armée plus considérable et son intervention, la garnison serait bientôt secourue par une ou plusieurs divisions, survenant pour agir d'une manière militaire et avec d'autant plus de chances de succès.
À l'aide des communications par chemins de fer ou bateaux à vapeur, des camps convenablement placés pourraient ainsi exercer au loin leur puissante action.
Napoléon, alors qu'il était obligé de jouer chaque jour la fortune du monde aux extrémités de l'Europe, et à une époque où n'existait pas la même rapidité de communications, contenait ou défendait les contrées laissées au loin derrière lui, avec un petit nombre de camps successivement renforcés, au besoin, par des réserves d'élite agissant, sur une circonférence de 7 à 8 journées de marche, à l'aide de relais de postes habilement organisés.
335. Si la majeure partie de la population est contre l'émeute, l'autorité l'invite, dès les premiers rassemblements, à porter un signe qui la distingue des révoltés et constate leur isolement.
L'autorité municipale, les chefs de légions, les agents de sûreté empêchent également que les insurgés ne se glissent travestis dans les compagnies de la garde nationale, ou n'agissent au nom de celle-ci.
336. Par d'incessantes patrouilles jumelées, lancées de chacun des centres d'action sur des directions parallèles et voisines, on cerne, on dissipe les groupes; on y arrête les meneurs, serait-ce dans la proportion de un sur dix, de manière à intimider l'émeute, à dissoudre ses cadres.
Dans chaque mairie, une commission permanente met de suite en liberté la moitié ou le tiers des moins coupables, parmi les individus arrêtés: on interroge, on fait observer les autres.
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337. En cas d'émeute sérieuse, la circulation est interdite aux voitures et à toutes personnes étrangères à l'autorité ou non employées par elle.
Les messageries partent et reviennent toutes à une grande place, ou enclos du quartier militaire, surveillé et gardé.
338. Les boutiques des armuriers, marchands de vin, débitants de poudre et de plomb, pharmaciens, toutes à clôtures solides, et dans les plus importants quartiers à proximité des mairies ou des centres d'actions militaires, seront fermées et surveillées par la garde nationale de l'arrondissement.
339. La troupe, assistée d'un commissaire de police, d'un officier municipal ou de trois gardes nationaux du quartier, dont un officier, pourra pénétrer dans les maisons, jardins et cours, soit pour les visiter, soit pour les occuper ou empêcher que l'émeute ne les envahisse dans le but de les défendre.
S'il y avait refus de la part des propriétaires, on aurait le droit de s'y installer, en respectant, autant que possible, les personnes et les propriétés.
En cas de soumission de la part des habitants, la force armée ou l’État deviendrait responsable des dégâts, des pertes ou des accidents éprouvés.
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340. Les chefs d'établissements industriels, les administrations publiques et particulières tiendront réunis leurs employés étrangers à la garde nationale; ils adresseront chaque jour, aux mairies, l'état des individus présents ou absents, lequel pourra être vérifié.
341. Les bureaux de journaux et les imprimeries, dans ou à l'occasion desquels il y aurait des réunions hostiles, seraient momentanément fermés.
Un journal anarchique et les feuilles de province qui deviendraient bientôt ses succursales, dans chaque localité, pourraient constituer, en face de l’État, un véritable Gouvernement révolutionnaire avec toute une hiérarchie d'agents.
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342. Le télégraphe donne fréquemment des nouvelles sur les diverses lignes.
Chaque courrier, chaque messagerie, emporte et distribue, sur sa route, des bulletins imprimés où l'autorité résume la situation des choses.
Des bulletins plus fréquents, plus détaillés, sont affichés aux portes des mairies, casernes, centres d'action et postes conservés à l'intérieur de la capitale.
343. Dans les provinces, des mesures sont prises pour protéger le service des télégraphes, des chemins de fer et des relais de poste.
Ou assurera de deux manières les communications menacées:
1° Par la remise des dépêches à des voyageurs connus ou à des agents en mission.
2° Les directeurs de poste font parvenir, sans retard, aux fonctionnaires voisins, les nouvelles importantes; et ces derniers les communiquent aux autorités limitrophes qui peuvent ne pas les connaître.
344. Le télégraphe ou des estafettes portent immédiatement, à quelques-uns des généraux commandant les divisions militaires territoriales, l'ordre de faire usage, comme commissaires généraux extraordinaires, des pleins pouvoirs pour l'exercice desquels ils auraient d'avance les instructions nécessaires.
Ces gouvernements accidentels, délimités militairement et de manière à grouper des pays et des intérêts homogènes, auraient une étendue, une population, une importance et des ressources telles que la résistance y serait possible contre toute influence anti-nationale.
Chacun de ces gouvernements compterait: 2 à 4 mille lieues carrées de superficie; 2 à 4 millions d'habitants; 25 à 30,000 hommes de troupes de ligne de toutes armes avec les états-majors, les moyens administratifs et approvisionnements nécessaires.
Les chefs-lieux de ces gouvernement accidentels doivent également être importants sous les rapports militaire, administratif et commercial; ils commandent les grands cours d'eau et les communications principales: leur choix dépend aussi de l'esprit des populations, dont on peut attendre indifférence ou appui; des états étrangers circonvoisins amis ou ennemis; des postes ou cordons de places fortes à proximité; du chef-lieu éventuel de gouvernement central que l'on se propose de choisir, en cas d'évacuation de la capitale comme moyen extrême; il dépend enfin des rapports généraux de défense ou d'approvisionnements qu'il serait nécessaire d'établir pour une lutte sérieuse contre l'anarchie.
Chaque commissaire général, dans son importante circonscription, concentrerait accidentellement en ses mains et exercerait, sur sa responsabilité, tous les pouvoirs y compris celui de déclarer l'état de siége.
345. Ces commissaires généraux, à dix ou douze marches les uns des autres, réunissent autant d'armées, organisent autant de centres de résistance énergique à la révolte.
Ils communiquent, avec le Gouvernement, par les voies les plus promptes et les plus fréquentes.
Ils correspondent avec toutes les autorités de leur ressort, qu'ils suspendent, révoquent ou investissent de certaines attributions.
Ils peuvent réunir les conseils provinciaux, auprès d'eux, ou autour des chefs d'administration.
Ils maintiennent partout l'ordre, dans les limites de leur situation militaire et politique, et tiennent les populations au courant de la marche des événements.
Ils ont autorité pour mobiliser les gardes nationales, rappeler les réserves de l'armée et faire toutes réquisitions.
Partout, et principalement sur les grandes communications, les milices urbaines, les agents de sûreté, les garnisons veillent, font des patrouilles, arrêtent tous gens suspects revenant de la capitale ou s'y rendant sans papiers.
Les commissaires généraux peuvent, sur leur responsabilité, porter aux extrémités du commandement, vers la capitale ou les villes qui réclameraient ces secours, des troupes de ligne et de garde nationale, pour s'y tenir prêtes à franchir cette limite à la demande, soit du Gouvernement, soit du commissaire général limitrophe.
Toujours la garde nationale est mobilisée par fractions constituées; les hommes, dont l'indisponibilité est régulièrement constatée, sont seuls exempts de marcher.
Ainsi, au premier signe du télégraphe, les divers pouvoirs aussitôt centralisés par grandes circonscriptions constitueraient chacune de celles-ci, dans l'étendue de la nationalité menacée, et sous la direction du gouvernement central, sur un pied de résistance redoutable, contre toute tentative de guerre civile.
346. Terminons par des considérations qui, bien que diverses, sortent des entrailles même du sujet: car le seul moyen préventif réellement efficace serait la suppression de causes puissantes quoique d'un ordre différent; ne pas laisser produire le désordre vaut certes mieux que d'avoir périodiquement à le combattre sur une arène sanglante: sous ce rapport, et s'il était donné à l'humanité de ne pas s'égarer sans cesse, ou de pouvoir revenir facilement sur ses erreurs, le sombre sujet de ce livre pourrait heureusement perdre tout intérêt.
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347. «Repassez, dit Massillon, sur les grands talents qui rendent les hommes illustres; s'ils sont donnés aux impies, c'est toujours pour le malheur de leur nation et de leur siècle. Les vastes connaissances empoisonnées par l'orgueil ont enfanté ces chefs et ces docteurs célèbres de mensonge qui, dans tous les âges, ont levé l'étendard du schisme et de l'erreur, et formé, dans le sein même du christianisme, les sectes qui le déchirent.
«Ces beaux esprits si vantés, et qui par des talents heureux ont rapproché leur siècle du goût et de la politesse des anciens, dès que leur cœur s'est corrompu, ils n'ont laissé au monde que des ouvrages lascifs et pernicieux, où le poison, préparé par des mains habiles, infecte tous les jours les mœurs publiques, et où les siècles qui nous suivront viendront encore puiser la licence et la corruption du nôtre.
«Tournez-vous d'un autre côté, comment ont paru sur la terre ces génies supérieurs, mais ambitieux et inquiets, nés pour faire mouvoir les ressorts des états et des empires, et ébranler l'univers entier? Les peuples et les rois sont devenus le jouet de leur ambition et de leurs intrigues; les dissensions civiles et les malheurs domestiques ont été les théâtres lugubres où ont brillé leurs grands talents.
«Esprits vastes, mais inquiets et turbulents, capables de tout soutenir, hors le repos, qui tournent sans cesse autour du pivot même qui les fixe et qui les attache, et qui, semblables à Samson, sans être animés de son esprit, aiment encore mieux ébranler l'édifice et être écrasés sous ses ruines, que de ne pas s'agiter et faire usage de leurs talents et de leur force. Malheur au siècle qui produit de ces hommes rares et merveilleux! et chaque nation a eu là-dessus ses leçons et ses exemples domestiques.»
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348. La guerre civile ruine les nationalités sous des formes diverses: mais toujours le fléau résulte d'un état de civilisation anormal. De nos jours, cette idée a été développée avec le langage de la plus vive préoccupation.
Dans la Vendée, a-t-on dit, il y eut défaut d'activité et de centres de population, au milieu d'un dédale de borderies, échappant à toute influence réelle par leur isolement, leur petitesse et leur nombre.
Les grandes capitales offrent aujourd'hui des inconvénients contraires: et, après tant d'efforts de plusieurs siècles, l'homme, parvenu à une haute civilisation, retrouverait-il, à coté, l'ingouvernable rudesse des contrées primitives, surexcitée par le besoin des jouissances, l'excès des misères?
Dominé par de nouvelles préoccupations, il sonderait épouvanté les redoutables mystères d'une autre société longtemps ignorée: en présence de l'envie des uns, de la turbulence, de la légèreté des autres, quelle mission auraient ces hommes de diverses nations, invisibles, errants ou flétris par la justice, dans l'immense dédale de tant de quartiers, de rues, de maisons, d'étages, de réduits, ainsi pressés et superposés?
Chaque jour y condense plus imprudemment la vie, l'activité, les richesses, les passions, les mécontentements d'un grand pays, classe vis-à-vis classe, intérêts vis-à-vis intérêts, au risque d'explosions redoutables.
Si le progrès du mal continuait, on en viendrait peut-être à se demander: quelle administration possible pour tant de nécessités diverses; quelle police pour ce nombre de délits et de sinistres projets; quelle règle pour trop d'appétits échappant à toute censure réelle; quelle répression facile et non sanglante pour des forces imprévues, se produisant à l'appel des plus dangereuses passions, surexcitées par les paroles et les actions de chaque jour?
349. La centralisation ne souffre de vie que dans les capitales; décentraliser, ce serait diviser le territoire en éléments assez importants, conservant encore, dans de certaines limites, une existence administrative propre: de ces limites, que l'on ne choisit pas à volonté, peuvent résulter, soit l'anarchie, soit une salutaire pondération.
La centralisation une fois établie devient une nécessité chaque jour plus grande, par suite de l'affaiblissement graduel du pouvoir local; un peuple convaincu de ses inconvénients ne serait pas toujours maître de les atténuer, encore moins de s'en débarrasser.
Regrettons donc que les nations modernes n'aient pas été dirigées sur une voie de civilisation également éloignée de ces deux extrêmes: le défaut et l'excès de centralisation : et si partagés que puissent être les avis à cet égard, continuons d'examiner l'un des deux côtés d'une question que le temps, ou des circonstances au-dessus de toute volonté humaine, semblent exclusivement dominer.
350. Y-a-t-il nécessité que la capitale soit la ville la plus considérable de l'empire, pour la population ou pour le mouvement des esprits? la liberté d'action de l'autorité n'est-elle pas en raison inverse de l'agitation tumultueuse de son chef-lieu? À certains égards, il paraîtrait quelquefois plus avantageux, pour la durée des états, l'indépendance de leurs grands pouvoirs, que le centre du Gouvernement fût établi en dehors d'une telle ville, mais à proximité: et alors, on apprécierait l'utilité d'une capitale militaire fortifiée, comme contrepoids de celle à qui l'on aurait laissé prendre, sans retour possible, une importance excessive.
Plus la centralisation est complète, a-t-on dit, plus le gros de toutes les forces nationales se fixe exclusivement dans la métropole: ce séjour les altère à la longue; et l'influence peut s'étendre jusqu'aux provinces les plus éloignées.
En transportant le centre de son Gouvernement Lombardo-Vénitien, de Milan à Vérone, alors qu'il en était encore temps, l'Autriche n'a pas eu seulement pour but de prendre une ligne militaire contre toutes éventualités: elle place le pouvoir central en lieu sûr, d'où, libre des plus redoutables préoccupations, il dominera mieux Milan, que s'il y demeurait exposé à la contagion d'une atmosphère anarchique.
351. Au même point de vue, il n'y aurait pas toujours nécessité que les richesses, l'activité et la masse des forces vives d'un État fussent exclusivement concentrées dans une seule capitale, sous la pression des passions anarchiques qui y établissent leur empire: l'avantage de paraître tout diriger plus facilement ne devrait pas faire renoncer à celui, plus réel, de ne pas tout exposer à la fois? Un peuple sage se constitue également, quand il le peut, en vue de tous les périls extrêmes, sans prétendre éviter aussi les moindres.
À de certaines époques exceptionnelles, deux métropoles rivales, par une importance et des intérêts différents, assureraient peut-être quelque temps, la durée du pouvoir, les contenant l'une par l'autre; ainsi s'expliqueraient ces déplacements de capitales, ou ces centres multiples de gouvernement, dont le singulier spectacle étonne dans l'histoire de quelques nations.
L'État le moins imparfait ne serait-il pas celui dans lequel de sages limites assignées aux excès de chaque influence, déterminent une harmonie où tout se balance? cet équilibre ne peut résulter que de l'antagonisme constant mais régulier de forces à peu près égales, se contenant quelquefois l'une l'autre sans trop de violences, et conspirant presque toujours pour leur grandeur commune.
352. Tel pays se serait exposé à décheoir, au milieu de révolutions successives, par le fait d'une subdivision administrative et territoriale uniformément parcellaire, affaiblissant pouvoir et forces réelles partout ailleurs qu'au centre.
Quels auraient été, à chaque crise révolutionnaire, les moyens réguliers des autorités attendant du premier courrier, dans une petite circonscription, leur sort et celui de l'état.
Ailleurs, on aurait supprimé, à la fois, et à tous les points du vue, social, politique, religieux, territorial jusqu'aux dernières traces des influences, des antagonismes, des contre-poids, des fonctions rivales enfin sur lesquelles se fonde un équilibre véritable.
Une telle situation serait peu favorable aux libertés: il semble, quelquefois, que les empires ainsi uniformément découpés ne puissent aller que de l'anarchie au despotisme, à travers des convulsions et des ruines.
353. Tôt ou tard, des dangers sérieux résulteraient également d'une constitution d'état opposée; mais est-il donné de rester longtemps dans une situation raisonnable: l'essentiel, le possible est de ne pas trop s'écarter de cet équilibre instable où les passions humaines empêchent de séjourner.
Sitôt que l'on approche de la dernière limite des excès dans un sens, il ne faudrait pas craindre de pouvoir se retourner vers les maux opposés: si grands, si inévitables que soient ceux-ci, on ne les subirait pas de longtemps, et sans avoir traversé, pendant une courte période de bonheur, la position la plus convenable, mais où il est si difficile de se maintenir contre la tendance à de successives oscillations politiques.
Chaque époque a ses infirmités dont il faut d'abord se préoccuper: qui signalerait, aujourd'hui, le danger des écarts de la foi et du dévouement; des influences provinciales, de l'esprit de profession, de classe, de secte ou de nationalité trop exclusifs?
Sans prétendre résoudre, dans un mémoire militaire, un problème aussi complexe, aussi difficile, et qui, d'ailleurs, doit être pris de loin ou dans les circonstances les plus favorables, il convient d'insister sur son importance.
Cette grave question aurait pu être envisagée à un point de vue tout autre, mais trop étranger au sujet de ce livre pour qu'on doive en tenir compte ici.
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354. L'humanité réagit constamment sur elle-même; quand elle n'a pas la guerre de nation à nation, elle la fait de classe à classe, de gouverné à gouvernant: ainsi les sociétés se dissolvent.
Les forces vives des peuples paraissent d'autant plus dangereuses, pour leur bonheur et leur puissance, qu'elles sont plus accumulées par l'inaction.
Il faut que les nations, aussi bien que l'homme, soient sérieusement occupées, sinon elles emploient mal leurs puissantes facultés trop longtemps oisives.
355. Pendant la paix, chacun développe son énergie, son intelligence dans les affaires; on voit grandir des réputations, des moyens d'influence et d'action, dont aucuns ne sont à la disposition du Pouvoir; celui-ci reste privé, ainsi que ses principaux agents, de la force que donne une activité fécondante; alors les gouvernements désarment plus encore vis-à-vis les mauvaises passions que contre l'extérieur; ils perdent une partie de leur puissance; ils détendent leurs ressorts.
La guerre autorise, oblige même l'État à réunir, augmenter, entretenir, perfectionner, mettre en action tous ses moyens; alors lui et ses agents occupent presque seuls la scène; les réputations, les influences sont exclusivement son partage: la force morale et l'héroïsme deviennent sa base inébranlable.
La guerre emploie au dehors les forces matérielles d'une nation, donne une noble direction à ses forces morales.
Une lutte longue et désastreuse épuise un empire; la paix prolongée lui donne, en dehors du pouvoir, un excédent de vie, de célébrités ou d'influences qui pourraient le rendre ingouvernable.
356. On a fait observer que ces préoccupations extérieures seraient indispensables là où les révolutions auraient tout détruit, tout uniformisé: à défaut d'antagonisme de classes, de sectes, de professions, de corporations, de pouvoirs, de provinces, on verrait les passions d'autant plus violentes, qu'après avoir davantage renversé, elles seraient sans frein: ne sachant plus où se prendre, puisqu'il ne resterait rien d'humain à combattre ou à détruire, elles en viendraient, peut-être, à attaquer les éternelles et divines conditions de l'existence des sociétés, qui seules subsisteraient: la famille, la propriété, la religion.
Les vœux de paix universelle et de désarmement sont donc irréalisables.
Jusqu'à ce jour, l'humanité a vécu par la famille; par les nationalités et les religions diverses.
Vouloir abaisser toutes les barrières, détruire toutes les nuances qui différencient, qui classent, qui facilitent l'équilibre du monde par l'antagonisme de ses parties; qui assurent le progrès indéfini de l'humanité par la concurrence, par la division du travail dans l'acception la plus élevée, la plus générale de ces deux mots, ce serait préparer la barbarie.
De tous les antagonismes, le moins dangereux, le plus indispensable pour le bonheur de l'humanité, c'est celui qui résulte de l'esprit de patriotisme; loi divine du la famille appliquée à l'harmonie de l'univers.
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357. Les états, où des révolutions successives ont altéré le principe d'autorité, sont le jouet de leurs voisins habiles à ne leur point laisser rétablir les éléments de nationalité.
La grandeur passée d'un peuple et celle qu'il pourrait encore avoir excitent des états rivaux à le faire périr dans l'anarchie.
Telle puissance ne daigne même pas faire la guerre aux gouvernements qui gênent sa politique ambitieuse; elle soudoie la révolte et les ébranle en quelques journées.
Ainsi, au risque de compromettre sa propre existence dans la ruine commune, elle entretient depuis longues années de malheureux pays dans cet état normal d'anarchie qui les prive également d'institutions mûries par le temps et de la puissance des traditions.
À l'aspect des redoutables fléaux qui peuvent chaque fois lui être renvoyés de tant de nationalités ébranlées par elle, l'appel coupable aux passions révolutionnaires de tous les pays cessera peut-être; une politique moins machiavélique peut rendre le repos au monde.
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358. Trois partis sérieux, et non incompatibles avec toute pensée d'ordre ou d'avenir, affaiblissent plusieurs sociétés européennes: l'aristocratie, la bourgeoisie, la démocratie; leur désaccord pourrait seul faire triompher le génie de la destruction.
L'un de ces partis s'est-il établi au pouvoir…, on a vu les deux autres aveuglés préparer et décider sa chute, à l'aide de l'anarchie, qui seule en a profité.
Partout, à chaque révolution, la condition du principe d'autorité et de la société a également empiré; le nombre et l'influence des hommes ou des idées anarchiques ont crû, en même temps que celui des hommes ou des idées d'ordre a diminué; et toujours le flot révolutionnaire avance engloutissant de nouvelles ruines.
359. Deux de ces partis n'auraient pu, même réunis, lutter contre l'anarchie, accidentellement renforcée par le troisième; tous ensemble détourneraient les nations des abîmes où elles sont entraînées.
On fonderait peut-être ainsi quelque chose de solide; on assurerait, du moins, aux contemporains si agités quelques années de repos; et de nouvelles péripéties modifieraient la direction des esprits.
Dès qu'ils ne réunissent pas l'unanimité de vœux, sans lesquels ils ne triompheraient qu'accidentellement, et pour l'anarchie, tout parti, toute idée patriotique doivent renoncer à leur individualité et se rallier au drapeau qui compte le plus de forces; agir autrement serait un crime de lèse-humanité.
Le naufragé s'obstine-t-il à périr en refusant la main qui peut le sauver, pour une autre hors de portée?
Celui qui ne surnage pas doit-il s'efforcer d'entraîner tous les autres dans sa ruine?
Pourquoi se diviser par des préoccupations d'un autre temps?
Les partis impatients, quelque agitation qu'ils se donnent, ne parviendront pas à arracher de l'avenir un secret, qui, comme lui, est encore à naître.
À moins qu'un bienfait providentiel ne fasse surgir, du milieu des sociétés désunies, la force qui, étrangère à tant d'aberrations, mettrait fin à l'aveuglement, au désordre des esprits, ces sociétés sont condamnées à périr de marasme anarchique ou par la conquête.
Il ne s'agit même plus, pour des nationalités jadis prospères, d'intérêts de famille, de classe ou de dynastie; c'est la vieille Europe qui s'en va avec ses grandeurs, ses gloires, sa foi, ses idées d'avenir, ses éléments de progrès, fruits de longs et heureux efforts de la civilisation moderne; c'est le principe d'autorité successivement démoli par tous qu'il faut recréer; c'est la société qui est à relever en commençant par ses bases primordiales.
360. Ce grand labeur, on doit l'entreprendre, avec quelques rares et chétifs débris, sous l'ouragan déchaîné des idées de destruction, et en présence d'états rivaux qui préparent ou convoitent toutes les ruines.
Au-dessous d'aucune noble ambition, cette tâche sera, partout, l'œuvre providentielle de fortes volontés. Le monde a besoin de grands exemples.
Le 22 juin 1815, après sa seconde abdication, et alors qu'en butte aux factions qui déchiraient son pays, il devait s'expatrier pour toujours, Napoléon, plus que jamais nécessaire, disait-il au peuple français: Unissez-vous tous pour le salut public, et pour rester une nation indépendante. Ce solennel adieu, cette dernière et patriotique trace du génie des temps modernes, devrait aussi éclairer la génération européenne actuelle sur le plus grand de ses intérêts.
Si tant de sublimes esprits, hommes d'état, écrivains ou capitaines, la gloire et jadis la force des nationalités aujourd'hui menacées, si leur puissante raison pouvaient encore renaître et dominer au milieu d'elles, ils gémiraient sur leur œuvre follement compromise, sur trop de pénibles travaux et de généreux efforts devenus inutiles; ils conjureraient l'humanité égarée de revenir, en toute hâte, à la concorde et au respect du pouvoir qui peuvent seuls sauver.
O navis, referent in mare te novi
Fluctus! o quid agis? fortiter occupa
Portum …
tu, nisi ventis
debes ludibrium, cave!
(HORACE, Ode 12, liv. 1er.)
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361. Parvenu au terme de ce travail, il reste à choisir entre les deux parties principales qui le composent.
Si l'on admet la nécessité du système général de défense proposé dans les chapitres 3 et 4, on devra, pour compléter ceux-ci, extraire des chapitres suivants de nombreuses prescriptions pratiques et de détails nécessaires dans toute hypothèse.
Si l'on juge les considérations des chapitres 3 et 4 exagérées et trop théoriques, il suffira de s'en tenir aux chapitres 5 et 6, où se trouvent également résumés les principes les moins contestables de la première partie.
Dans l'une ou l'autre manière de voir, ce livre, rédigé à deux points de vue différents, mais dans un même but, paraîtra peut-être utile; en quelque pays, et, de quelque manière que l'émeute surgisse, un ou plusieurs des principes exposés deviendraient plus ou moins applicables.
Si nous avons pu contribuer à rendre encore plus évidente pour tous cette vérité: Vis-à-vis d'un pouvoir régulier pénétré de ses devoirs, et au milieu de nations éclairées par tant de désastres, l'anarchie ne peut désormais espérer que des succès trop éphémères pour exciter ses coupables projets ; alors le but de cet ouvrage sera rempli.
Dans un pareil sujet, plus que dans tout autre, un mot de Napoléon doit-être constamment rappelé: «À la guerre, les trois quarts sont des affaires morales; la balance des forces réelles n'est que pour un autre quart.»
Terminons enfin par cet adage de tous les temps: L'anarchie est le fléau du peuple, la ruine des nationalités .