Title : Nouveau manuel complet de marine, seconde partie: manoeuvres
Author : Phocion-Aristide-Paulin Verdier
Release date : October 13, 2012 [eBook #41039]
Language : French
Credits
: Produced by Laurent Vogel, Bibimbop and the Online
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Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Une note plus détaillée se trouve à la fin de ce volume.
SECONDE PARTIE.
MANŒUVRES.
NOUVEAU MANUEL
COMPLET
DE MARINE.
SECONDE PARTIE.
MANŒUVRES DU NAVIRE
ET DE L'ARTILLERIE.
Par M.
Verdier
,
Capitaine de Corvette.
PARIS,
A LA LIBRAIRIE ENCYCLOPÉDIQUE DE RORET,
Rue Hautefeuille, nº 10 bis.
1837.
Les ouvrages qui traitent de la manœuvre du navire s'appuient sur des vérités mathématiques trop élevées pour être à la portée de toutes les classes des navigateurs.
Nous avons pensé qu'il pouvait être utile d'offrir un Manuel pour la Manœuvre, dépouillé de toute démonstration théorique, qui ne repose que sur la seule pratique, et qui, par conséquent, peut être lu par le marin le plus illettré.
Il est plus facile, et surtout plus utile en marine, d'aller du simple au composé que du composé au simple. Le marin instruit, qui connaîtra pratiquement la manœuvre, lira ensuite avec bien plus de fruit les ouvrages de théorie.
Si nous pouvons rendre plus facile à quelques jeunes navigateurs l'étude de la manœuvre, notre but sera atteint.
SECONDE PARTIE.
Le navire est un corps flottant, il doit, par conséquent, occuper dans le fluide un espace tel que son poids soit égal à celui du volume d'eau qu'il déplace. C'est la partie submergée qui éprouve la force de résistance du fluide dans le cas du mouvement, et la puissance destinée à lui donner ce mouvement doit donc être en proportion avec la résistance éprouvée.
Les voiles sont des surfaces planes autant que possible, qui, étant exposées à l'impulsion du vent, en sont frappées, et communiquent ainsi du mouvement au navire auquel elles sont assujetties.
Elles agissent dans le sens latéral et dans le sens direct.
Le centre de gravité d'un corps est le point par lequel ce corps étant suspendu, reste en équilibre et ne change pas de position.
Ce point sera au milieu du corps, si le corps est régulier; et s'il est irrégulier, il sera dans la partie qui a le plus de pesanteur, par rapport au point qui marque le milieu de la longueur du solide.
Si un corps étant ainsi suspendu en équilibre, on veut lui imprimer un mouvement de rotation, il est évident qu'il faut lui appliquer une force déterminée à un point quelconque; que cette force, supposée la même, agira d'autant plus qu'elle sera plus éloignée du centre de gravité, et qu'elle imprimera au corps un mouvement contraire à son application.
Le centre de gravité d'un navire est toujours sur l'avant du milieu de sa longueur absolue, parce que l'avant a plus de capacité, et par conséquent plus de pesanteur que l'arrière.
Si nous considérons le navire comme un corps en suspension par son centre de 9 gravité, nous pouvons imaginer, sans grande erreur pour la pratique, que son point de rotation sera sur l'axe vertical qui passe par le centre de gravité; et que la force appliquée sur l'arrière ou l'avant de ce point lui fera éprouver un mouvement de rotation de l'avant sur l'arrière ou de l'arrière sur l'avant; c'est-à-dire que si la force est appliquée sur l'arrière, l'angle que l'avant fait avec la direction de la force diminuera, et que si elle est appliquée sur l'avant, ce sera l'angle formé par la direction de cette force et l'arrière qui diminuera.
Le mouvement est communiqué au navire par le moyen des voiles qui y sont assujetties, et qui reçoivent l'impulsion du vent. La direction de la force appliquée sera donc la ligne suivant laquelle souffle le vent.
Il est évident, d'après ce que nous avons dit du corps en suspension, que si nous l'appliquons au navire, le vent soufflant dans les voiles de l'arrière, rapprochera l'avant de sa direction: c'est ce qu'on appelle venir au vent ou lofer; et le vent soufflant dans les voiles de l'avant, rapprochera 10 l'arrière de sa direction; ce qu'on appelle arriver.
Les voiles de l'avant tendent donc à faire arriver le navire; celles de l'arrière à le faire lofer. C'est en combinant ces deux effets et en les tenant en équilibre, qu'on imprime au navire une vitesse sur une ligne donnée, qu'on appelle route. Ce sera donc en augmentant aussi ou détruisant un de ces deux effets, qu'on fera arriver ou lofer le navire, en un mot qu'on le fera évoluer.
On voit donc que si les voiles étaient exposées d'une manière convenable, et que la force et la direction du vent restassent les mêmes, le navire conserverait une vitesse égale, et suivrait une route donnée.
Mais cet équilibre, qu'il est si important de conserver, est fréquemment troublé, et on a inventé le gouvernail pour le rétablir et forcer le navire à suivre une ligne déterminée.
Les lames sont une cause de la perturbation de l'équilibre, en frappant le navire et lui imprimant un mouvement de rotation sur l'axe vertical de son centre de gravité, suivant le point sur lequel elles le frappent, et leur direction, qui n'est pas 11 toujours celle du vent. A chaque lame le navire fait deux oscillations: l'une de chute, vers la partie opposée à celle que choque la lame, et l'autre de réaction à l'instant où elle se sépare du navire.
Outre les effets de la lame, il est encore des actions qui agissent pour faire tourner le navire sur l'axe vertical qui passe par son centre de gravité. C'est en premier lieu l'action produite par la résistance de l'eau, dans le sens latéral, ou perpendiculaire à la quille, sur les différens points de la carène qui y sont exposés; secondement l'action que le vent exerce sur les voiles dans le sens latéral; et troisièmement, enfin, l'action que le vent exerce sur les voiles dans le sens direct. Quoique cette action paraisse coïncider avec le plan vertical qui passe par le centre de gravité, et ne devoir pas produire un mouvement de rotation, cependant lorsque le vaisseau incline, il n'en est pas ainsi.
Si ces trois actions pouvaient être en équilibre, le navire n'aurait pas de mouvement de rotation, et obéirait à l'impulsion dans le sens de sa quille; mais ces actions varient à chaque instant par l'état de la mer ou du vent.
Ce défaut d'équilibre se corrige par un changement de voilure, et enfin par le gouvernail.
Nous ne décrirons pas le gouvernail que tout le monde connaît, nous dirons seulement que par sa position à peu près verticale à la poupe, et par le moyen de sa barre, il peut se porter d'un côté ou de l'autre du navire, et que s'opposant au courant du fluide de ce côté, il fait naître une nouvelle force qui oblige le navire à tourner, ou dont l'effet est de faire équilibre aux forces contraires dont nous avons parlé, et qui tendraient à faire tourner le navire dans un sens opposé.
Si le fluide, coulant le long des flancs du navire, rencontre le gouvernail faisant un angle avec la quille, il le choquera, et poussera la poupe dans le sens opposé au choc; alors l'avant obéissant à ce mouvement se rangera nécessairement du côté où le choc a eu lieu, c'est-à-dire vers celui où a été mis le gouvernail, ou enfin du bord opposé à celui où l'on a placé la barre.
Mais si le fluide, au lieu de couler de l'avant à l'arrière, coulait de l'arrière à l'avant, l'effet 13 serait évidemment contraire; car le fluide qui vient alors de l'arrière, rencontrant le gouvernail faisant un angle avec la quille, le choquera en poussant la poupe dans la direction de ce choc; l'avant tournera donc dans le sens opposé, c'est-à-dire dans le sens opposé au côté où le gouvernail aura été mis, ou enfin du côté où sera la barre.
Il n'entre pas dans le plan que nous nous sommes tracé, de démontrer mathématiquement les effets et la puissance du gouvernail. Nous dirons seulement que son effet est d'autant plus grand que la vitesse augmente, et qu'à même angle il suit la progression du carré des vitesses.
Si le gouvernail fait avec la quille un angle de 45 degrés, il est dans la position la plus favorable pour opérer les mouvemens de rotation; mais on ne peut obtenir cette position, et il est rare que l'angle soit de plus de 35°.
Le gouvernail agissant en s'opposant au fluide qui coule le long des flancs du navire, doit nécessairement diminuer sa vitesse; il faut donc balancer sa voilure de telle manière, qu'on soit obligé de le mettre en mouvement le moins possible. Et règle générale, 14 toutes les fois que pour conserver le navire en route, on sera obligé de faire un usage fréquent du gouvernail, ce sera une preuve que la voilure sera mal établie, ou mal balancée.
Nous observerons à cette occasion, que souvent étant au plus près, et la brise fraîchissant, le navire a une grande tendance à venir au vent, et qu'on est obligé d'y avoir une partie de la barre. Il suffirait, à notre avis, de diminuer de voiles, en se débarrassant des voiles hautes, pour rendre le navire bien gouvernant, et loin de diminuer le sillage, il est fort possible qu'il augmente.
L'inclinaison diminuant, la submersion de la carène sera moins considérable, et sa résistance moins forte; le navire moins chargé gouvernera avec la barre droite, et le gouvernail ne sera plus un obstacle au sillage; n'est-il pas possible que ces deux causes qui tendent à augmenter la vitesse, compensent, et au-delà, la diminution produite par la suppression des perroquets?
Le temps que deux navires semblables emploient à évoluer, est en raison de leur longueur.
Lorsqu'un navire a reçu tout ce dont il a besoin pour prendre la mer, on le mouille sur rade sur une ancre, s'il doit profiter du premier moment favorable; mais s'il peut y prolonger son séjour, on le mouille sur deux.
Amarré de la première manière, il est dit sur un pied; mais on concevra facilement qu'il ne peut rester long-temps dans cette position, puisque à chaque changement de vent et surtout de marée il doit courir sur son ancre et peut la surjoaler.
Cependant, depuis l'adoption presque générale des câbles-chaînes, sur les rades qui n'ont que peu ou point de marée, on peut, en filant une grande quantité de chaîne, rester sur un pied. Car, par son poids, la chaîne portant sur le fond, bien de l'arrière de l'ancre, offre au navire un point d'appui sur lequel il peut tourner sans passer sur son ancre. Mais il ne faut pas être mouillé près d'autres navires, 16 qu'on pourrait aborder en décrivant ainsi un cercle autour de son ancre.
Il est donc plus prudent de mouiller deux ancres, ce qu'on appelle affourcher.
On affourche en mettant deux ancres sur une ligne perpendiculaire à celle des vents les plus dangereux. Ainsi, sur une rade où les vents les plus dangereux sont le N. E. et le S. O., les ancres doivent être mouillées sur une ligne N. O. et S. E. Il faut aussi avoir l'attention d'affourcher de manière que les câbles ne soient pas croisés pour le vent du large, qui est celui qui amène la plus grosse mer, parce qu'alors ils fatigueraient davantage et ragueraient les sous-barbes. Ainsi, si on affourche N. O. et S. E., c'est-à-dire pour les vents de N. E. et de S. O., ou que les vents du large soient ceux du S. O., les câbles doivent être croisés lorsqu'on évitera au N. E.
On affourche, soit avec le navire, soit avec la chaloupe; mais dans le premier cas, il faut avoir un point d'appui pour touer le navire jusqu'au point où il doit laisser tomber la deuxième ancre.
Pour cela, après que le navire a mouillé sa première ancre et qu'il a filé une quantité 17 de câble suffisante, on embarque dans la chaloupe une ancre à jet, garnie de son orin et de sa bouée, à laquelle on étalingue un grelin et plus s'il est nécessaire, qu'on embarque dans la chaloupe et dont on garde le bout à bord, ou dont on lui donne le bout qu'elle rapportera à bord après avoir mouillé l'ancre à jet, si, ayant à remonter contre le vent ou le courant, on craint que le poids du grelin resté à bord ne la charge trop et ne la fasse dériver sous le vent du point où l'ancre à jet doit être mouillée.
La chaloupe convenablement remorquée, se dirige dans le rhumb de vent où l'ancre doit être placée, et lorsqu'elle est parvenue un peu au-delà du point qu'elle doit occuper, elle mouille l'ancre à jet. Elle porte le bout du grelin à bord, où on le raidit aussitôt.
On garnit ensuite ce grelin au cabestan, et on vire en filant à la demande du câble de l'ancre mouillée. Lorsqu'on a dehors une quantité de ce câble égale à deux fois la longueur qu'on veut donner à chaque amarre d'affourche, on cesse de virer, on laisse perdre l'aire du navire, et on mouille en choquant le 18 grelin afin que le navire puisse culer et ne pas surjoaler.
Pendant que la chaloupe va lever l'ancre à jet, on vire sur le premier câble mouillé en filant du second. Lorsqu'on a filé de ce dernier la quantité qu'on veut avoir dehors, on prend le tour de bitte, et on vire jusqu'à ce qu'ils soient également raides, et qu'il n'y ait que peu de mou. On dégarnit et on prend le tour de bitte du câble sur lequel on virait, on les garnit l'un et l'autre de paillets, et l'on est affourché.
Si on fait porter l'ancre d'affourche par la chaloupe, il faut aussi lui ménager un point d'appui sur lequel elle pourra se tenir lorsqu'elle sera chargée. Car si en théorie on peut envoyer une chaloupe ainsi, en la faisant remorquer, il n'en est pas de même en pratique. Une chaloupe portant une ancre de bossoir en cravate, son orin et sa bouée, ayant sur son avant la moitié de son câble lové pour contre-balancer le poids de l'ancre, est déjà privée de l'usage de plus de la moitié de ses avirons; il faut qu'elle supporte encore le poids du câble qu'on file du bord, et que des canots placés de distance en distance le soutiennent, pour qu'il ne touche pas au 19 fond avant que l'ancre ne soit mouillée. Quel est le navire qui a une assez grande quantité de canots pour pouvoir remorquer convenablement une chaloupe ainsi chargée, et la diriger à un point fixe, s'il y a surtout de la mer et du courant.
Il faut donc, pendant que l'ancre de bossoir est suspendue en cravate, de l'arrière de la chaloupe, et qu'on y embarque le câble, faire élonger par un canot une petite ancre à jet dans la direction où l'ancre d'affourche doit être mouillée. Le bout de l'aussière de cette ancre à jet étant à bord, la chaloupe le place sur le rouleau de son étrave et se hale dessus. Elle est suivie d'embarcations qui portent le restant du câble dont le bout est à bord.
Lorsque le canot qui porte les premiers plis du câble, les a filés à mesure que la chaloupe à laquelle il tient par une remorque se hale, il le saisit en dehors du bord par une bosse qui fait dormant à son grand banc, et qui s'y amarre après avoir embrassé le câble; un homme tient à la main le bout de la bosse pour la larguer au signal de la chaloupe.
Les canots ayant ainsi filé et soutenu le câble, la chaloupe file celui qu'elle a à bord, 20 et lorsqu'enfin elle l'a raidi autant que possible en se halant, elle fait un signal aux canots qui larguent les bosses lorsqu'elle mouille.
On dérape l'ancre à jet, on raidit le câble, on prend le tour de bitte, et on fait les paillets.
Depuis l'usage à peu près général des câbles-chaînes, il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, d'élonger une ancre amarrée sur un câble-chaîne. La difficulté de ne le filer qu'au fur et à mesure que la chaloupe s'éloigne du bord, son poids qui augmente la résistance qu'elle doit vaincre pour se haler, l'impossibilité par conséquent de le raidir suffisamment avant de mouiller, doivent faire abandonner cette manière d'amarrer, et il faut affourcher avec le navire lui-même.
Mais comme il est une foule de circonstances qui obligent à envoyer une grosse ancre au large par le moyen de la chaloupe, surtout dans les échouages, tout navire doit, outre ses câbles-chaînes des ancres de bossoir, avoir un ou deux câbles en chanvre pour élonger dans les circonstances imprévues.
On désaffourche avec le navire ou la chaloupe. Avec le navire, on vire sur une ancre en filant du câble de celle sur laquelle on 21 veut appareiller. Parvenu à pic, on cesse de filer, on dérape, et aussitôt l'ancre à l'écubier, pendant qu'on la caponne et la traverse, on garnit le câble de l'autre ancre, et on abraque dessus jusqu'à ce qu'il n'en reste plus à la mer que la quantité suffisante pour tenir le navire.
Si on désaffourche avec la chaloupe, on la munit de deux caliornes de braguets, de poulies de retour et des amarrages nécessaires à l'opération; on lui donne aussi un bon cordage de la grosseur de l'orin pour faire un maillon. Car il ne serait pas prudent de lever une ancre de bossoir par son orin, sans avoir coulé un maillon, car si l'orin casse et que le navire ne puisse venir chercher son ancre, on est obligé de la draguer, ce qui est souvent bien long et oblige à faire le sacrifice de l'ancre si on n'a pas le temps nécessaire à cette opération.
La chaloupe parvenue à l'ancre qu'elle doit déraper, saisit la bosse, place l'orin sur le davier et le raidit. On coule le long de l'orin un maillon à nœud coulant, destiné à saisir la patte de l'ancre en dessous de ses ailerons, et à soulager et renforcer l'orin. Lorsque, par la hauteur du fond, on s'aperçoit que le maillon est rendu à sa patte, on s'assure si 22 elle a été saisie en pesant dessus; s'il résiste, elle est prise; dans le cas contraire, il remonte le long de l'orin et on le coule de nouveau.
Lorsqu'il est en place on le raidit, et si on ne compte pas sur l'orin, on les réunit et on frappe dessus la caliorne de braguet, dont une poulie est crochée à un piton d'étrave et dont le garant revient sur l'arrière dans une poulie de retour, afin de pouvoir élonger dessus la plus grande quantité possible de matelots.
L'ancre détachée du fond, on vire sur son câble à bord, ce qui amène sous l'écubier la chaloupe qui la tient suspendue. Rendue là, on la met à poste comme nous l'avons dit, et on vire sur le câble de l'ancre qui doit servir à l'appareillage.
Le navire désaffourché, on embarque sa chaloupe avec un appareil composé de deux caliornes frappées l'une sur la grande vergue, et la seconde sur la vergue de misaine, et deux caliornes servant de palans d'étai. Les basses vergues portent, pendant cette opération, un poids considérable, et fatiguent beaucoup, quoiqu'on les renforce par une fausse balancine.
Pour les soulager, on fait les caliornes à 23 pendeur. Ce pendeur passe sur le chouc du bas mât et se marie, par le moyen d'un burin, à une estrope qui embrasse deux ou trois haubans du côté opposé à celui où l'on hisse. Ce pendeur se frappe sur la vergue au moyen d'une estrope à burin. La vergue alors ne fait plus que l'office d'arc-boutant, et la plus grande partie de l'effort a lieu sur le chouc du bas mât.
On vire à long pic; on largue les voiles carrées, le grand foc et la brigantine, on borde et hisse les huniers. Si on veut abattre sur tribord, on brasse bâbord devant tribord derrière, en effaçant bien le petit hunier par sa bouline de revers; on pèse le gui et on le porte sur tribord. On ferait le contraire si on devait abattre sur bâbord.
On dérape. Le navire étant évité le bout au vent, ayant son petit hunier brassé bâbord et bien effacé par sa bouline, faisant avec la quille l'angle le plus aigu qu'il puisse faire, l'avant du navire tombera sur tribord. Mais pendant ce mouvement il cule, puisque le vent est sur les voiles, on met alors la barre à tribord pour 24 accélérer le mouvement d'abattée, qu'on peut encore augmenter en hissant le grand foc aussitôt que le mouvement est prononcé.
Lorsque le vent commence à prendre dans les voiles de l'arrière, on dresse la barre et on change le phare de l'avant qu'on oriente. Si l'abattée continue encore, ce qui arrive ordinairement, parce que le navire n'ayant pas d'aire ne pourra ranger au vent que lorsqu'il en aura pris, que du reste la barre a été dressée en changeant devant, on choque l'écoute de foc et on borde la brigantine.
Si les circonstances le permettent, on laisse le petit hunier masqué pendant le temps qu'on travaille à mettre l'ancre à poste. Si les abattées sont trop grandes, on borde la brigantine. Si le foc était dehors, son écoute a dû être filée aussitôt que le vent a pris dans les voiles de l'arrière.
L'ancre à poste, on dresse la barre, on borde le foc, on cargue la brigantine, et on change le phare de l'avant qu'on oriente.
Si la position du navire a exigé qu'il fît de la route aussitôt que l'ancre a quitté le fond, pour éviter un danger, ou un bâtiment mouillé à petite distance, il ne faut faire que la voile absolument nécessaire pour assurer la 25 promptitude des mouvemens; car, avec un sillage rapide, il est bien difficile, surtout s'il y a un peu de mer, de mettre l'ancre à poste, et il peut en résulter de graves inconvéniens.
Lorsque le vent est frais, qu'on juge qu'après l'appareillage on ne pourra porter les huniers qu'avec un ou plusieurs ris, il faut le prendre en larguant les voiles, avant de le border. Il est même plus prudent de le prendre avant de virer, pour ne pas s'exposer à chasser étant à long pic.
Si le vent est assez fort pour ne pas permettre d'établir les huniers, même avec des ris, lorsqu'on est à long pic, alors il faut se contenter de contre-brasser les voiles de l'avant et de larguer les fonds du petit hunier; on doit aussi larguer le petit foc pour pouvoir le hisser aussitôt que le phare de l'avant contre-brassé a fait prononcer l'abattée. Les vergues du grand mât et du mât d'artimon sont orientées et leurs huniers prêts à être largués et établis; lorsque l'abattée n'est plus incertaine, l'artimon est largué pour être bordé afin de la modérer.
Quelque simple que soit un appareillage 26 de temps maniable, il est une foule de précautions préparatoires et à prendre après cette manœuvre, dont il est peut-être utile de parler.
Si on est amarré avec des câbles et mouillé sur un fond de vase, il faut les laver avec soin à mesure qu'on vire, ou après que les ancres sont dérapées, les frotter avec des brosses à pont ou des balais pour en détacher la vase, les élonger autant que possible dans la batterie ou sur le pont, en faire autant pour les garcettes et la tournevire, et ne les envoyer dans la cale que lorsqu'ils sont parfaitement secs. Si on est amarré avec des câbles-chaînes, il faut aussi les laver, car étant mis immédiatement dans leurs puits, la vase qui y est attachée ne tarderait pas, sans cela, à répandre une odeur fétide et malsaine.
Aussitôt qu'une ancre est dérapée, elle doit être mise en mouillage, un navire ne devant jamais appareiller sans être disposé à mouiller, si les circonstances l'y obligent.
Lorsqu'on est hors de vue de terre, on soulage les pattes des ancres à hauteur du plat bord, on double les bosses de bout et les serres-bosses, et à cinquante lieues au large on détalingue les câbles et câbles-chaînes [27] pour les envoyer dans la cale et soulager l'avant du navire.
En appareillant, les canots des porte-manteaux doivent être disposés de manière à être immédiatement amenés pour remorquer le navire en cas de calme, et défier un abordage. A la mer, on les établit sur bosses, et on décroche les palans, afin de pouvoir les amener avec leur équipage, pour porter secours à un homme tombé à la mer. Ils seront donc toujours munis du gouvernail et de la barre, des avirons et d'une gaffe.
Avant d'appareiller, une visite générale doit avoir lieu. La barre et sa drosse doivent être visitées, celles de rechange dégagées, les palans qui, en cas de rupture de la drosse, les remplacent momentanément, disposés à leurs pitons.
On s'assure que les mâts de hune et de perroquet sont coïncés dans leurs choucs; que les objets amovibles, tels que coffres, cuisines, etc., sont saisis; que la chaloupe et les drômes ont leurs saisines raidies; que l'artillerie est amarrée à garans doubles [1] . 28
Les gabiers dégenopent les manœuvres et les lovent auprès de leurs poulies de retour. Ils visitent les écoutes, drisses et itagues. Les paillets de brasséiage et d'étais sont mis en place; les arcs-boutans, pour pousser les galhaubans volans, disposés dans les hunes.
Un navire, devant toujours être disposé à faire toute la voile que les circonstances exigent, doit appareiller avec les perroquets croisés et garnis, lorsque le temps le permet. S'il porte des catacois, les drisses seront passées, le gréement des bonnettes sera en place, les drisses frappées au point des huniers, et les amures lovées aux bouts des vergues.
Les étais des mâts de hune et de perroquet sont bossés; les bosses des amures et écoutes des basses voiles, celles des drisses des huniers et des focs, sont mises en place.
Enfin, suivant la saison et la traversée, et s'ils n'ont pas été gréés en rade, on place et on raidit les pataras, l'étai de tangage du mât de misaine, les haubans de beaupré et sa fausse sous-barbe.
Le navire, évité le bout au courant, peut l'être en même temps au vent; alors l'appareillage est celui que nous venons de décrire, avec cette différence que le courant agissant sur le gouvernail, comme si le navire allait de l'avant, il faut mettre la barre du bord opposé à celui sur lequel on veut abattre.
Si cependant le mouvement d'aculée était plus fort que celui du courant, la différence de ces deux mouvemens, agissant alors dans le sens du plus fort, qui est celui de l'aculée, on mettrait la barre du bord où on veut abattre.
Le navire, évité le bout au courant, peut recevoir le vent sur ses voiles, ou dans ses voiles. Il le recevra sur ses voiles, si l'angle qu'il fait avec la quille est moindre que l'angle du plus près. Dans ce cas il est impossible, par la seule manœuvre des voiles, de faire passer son avant dans le lit du vent. On ne peut donc que prendre les amures du bord où vient le vent. Il suffit pour cela de le faire abattre d'une 30 quantité assez grande pour que le vent prenne dans les voiles.
Supposons que le vent venant de bâbord fasse avec la quille un angle moindre que celui du plus près. Etant à long pic, on établit les huniers, on largue le grand foc et la brigantine, on met la barre à bâbord, et on brasse bâbord devant et tribord derrière. Au moment où l'ancre dérape, on hisse et borde le grand foc; l'avant du navire doit nécessairement tomber sur tribord par l'action du foc, du petit hunier masqué et du gouvernail qui, par l'effet du courant, porte l'arrière sur bâbord, puisqu'on y a mis la barre. Lorsque par suite de l'abattée le grand hunier et le perroquet de fougue reçoivent le vent, on change le petit hunier, on dresse la barre, et s'il est utile de modérer l'abattée, on borde la brigantine en filant l'écoute du grand foc.
Si la route exigeait qu'on changeât d'amures, on le ferait comme nous le dirons en parlant des viremens de bord vent arrière.
Mais si les localités étaient telles qu'on ne pût prendre les amures du bord du vent, ou qu'on n'eût pas l'espace nécessaire pour en changer après avoir dérapé, il faudrait trouver 31 un point fixe, soit à terre, soit sur un navire, soit en élongeant une ancre à jet, de manière qu'en virant sur ce point, sur lequel on aurait porté un grelin qu'on passerait à tribord derrière, on pût porter l'arrière sur tribord, et par conséquent l'avant sur bâbord.
Le navire étant à pic, on hale sur le grelin jusqu'à ce que l'avant du navire ait dépassé le lit du vent, c'est-à-dire que le vent qui était de bâbord soit maintenant à tribord. On tourne le grelin, on établit les huniers qu'on brasse tribord devant et bâbord derrière, on largue le grand foc et la brigantine; on dérape, on met la barre à tribord, et lorsque l'avant du navire tombe sur bâbord, on largue le grelin, et on continue les manœuvres comme nous l'avons indiqué déjà.
Si le navire n'était que le bout au vent, il faudrait, au moment de déraper, haler sur le grelin pour assurer l'abattée.
Lorsque le navire, évité au courant, reçoit le vent dans les voiles, l'appareillage est bien simple; il suffit d'établir assez de voiles pour que, au moment où l'ancre dérape, le navire puisse refouler le courant, car sans cela il risquerait de masquer, si dans un élan le 32 courant venait à prendre par la joue sous le vent.
Pour parer à cet inconvénient, non-seulement il faut avoir une assez grande quantité de voiles dehors, mais il faut augmenter celles du phare de l'avant pour être certain que le navire ne viendra pas au vent.
Le navire ayant pris de l'aire, on manœuvre suivant les localités, pour mettre l'ancre à poste le plus lestement possible.
Il arrive quelquefois qu'un navire est obligé d'appareiller, sans pouvoir lever son ancre, lorsqu'il a été obligé de mouiller sur une côte, sur laquelle il était affalé. La violence du vent ne lui permet pas de virer sur l'ancre, car en chassant il s'approcherait encore de la côte qu'il doit éviter, et s'y perdrait.
S'il peut indifféremment abattre sur un bord ou sur l'autre, après avoir pris dans les huniers les ris que la force du vent exige, et les avoir serrés, il faut brasser bâbord devant et tribord derrière, si on doit abattre sur tribord et larguer l'artimon, le foc d'artimon 33 et le petit foc, dont on abraque l'écoute à tribord.
On se dispose à couper le câble sur la bitte, ou à filer le câble-chaîne qu'on démaillone sur l'arrière de la bitte. On largue le fond du petit hunier, on met la barre à tribord, et au moment où on s'aperçoit que l'avant tombe sur tribord par l'effet du petit hunier masqué, on coupe le câble et on accélère l'abattée en hissant le petit foc. L'aculée étant très forte, aussitôt que le câble est coupé, le gouvernail dont la barre est à tribord agit alors avec une grande puissance, et assure le mouvement d'abattée, qu'on modérera en bordant l'artimon et le foc d'artimon, pour soutenir le navire, puis on établit toutes les voiles carrées que le temps permet de porter.
Si la configuration de la côte exige qu'on abatte impérieusement d'un bord, on ne peut se hasarder à manœuvrer comme nous venons de le dire; car quoique tout ait été disposé pour abattre sur un bord plutôt que sur l'autre, il peut arriver telle circonstance imprévue qui fasse manquer la manœuvre, et alors le salut du navire est compromis.
Dans ce cas il faut manœuvrer avec certitude. 34 Pour cela, on fait embossure sur le câble du bord opposé à celui où l'on veut abattre, et on garnit l'embossure au cabestan après l'avoir fait passer par le sabord ou le chaumard le plus arrière.
Le câble et les voiles étant disposés comme nous l'avons dit plus haut, on brasse la misaine et le petit hunier du bord de l'embossure, et les vergues du grand mât et du mât d'artimon au sens contraire, on largue le petit foc, l'artimon et le foc d'artimon, on déferle les fonds du petit hunier.
On vire sur l'embossure, ce qui approche l'arrière du lit du vent et en éloigne l'avant de la même quantité; on hisse le petit foc en continuant à virer; lorsque l'abattée est assez prononcée, on coupe le câble, et on file l'embossure immédiatement après. Car aussitôt que le câble est coupé, l'arrivée est considérable, et si on ne filait pas l'embossure, le navire viendrait vent arrière, ce qu'il faut empêcher.
L'embossure filée, on borde l'artimon et le foc d'artimon, et on établit toute la voile que le temps permet pour s'éloigner de la terre.
Manœuvrer les voiles de mauvais temps.
Rien n'est plus simple et plus facile que de prendre des ris sur rade ou de beau temps à la mer; mais il n'en est pas de même par une grosse mer et un vent violent, une foule de circonstances non prévues par la théorie rendent cette opération longue et difficile.
Le premier ris, désigné vulgairement par le nom de ris de chasse, n'est qu'un ris de précaution qu'on prend tous les soirs au coucher du soleil, à bord des navires de guerre, et généralement à bord de tous les navires de grande dimension lorsqu'ils naviguent au plus près. Les garcettes sont moins fortes et plus espacées que celles des autres ris; il a aussi moins de hauteur.
Le second ris se prend ordinairement après avoir serré les perroquets; cependant les vaisseaux et frégates peuvent porter leur grand et leur petit perroquet avec le deuxième ris. Si la mer est forte lorsqu'on prend le deuxième ris, on rentre le grand foc 36 à mi-bâton, et on remplace la brigantine par l'artimon [2] .
Le troisième ris est un ris de mauvais temps. Le grand foc est remplacé par le petit foc, et souvent le foc d'artimon remplace la grande voile. Si la mer est grosse on dégrée les perroquets.
Si la violence du vent oblige de prendre le quatrième ris, le perroquet de fougue est serré.
Pour prendre un ris aux huniers, on les brasse au vent en larguant les boulines, et on les amène lorsqu'ils sont en ralingue. Quand les vergues reposent sur les paillets des choucs des bas mâts, on s'assure que les balancines sont raides, on abraque fortement les bras des deux bords et les palans de roulis pour que la vergue n'ait aucun mouvement. On pèse le palanquin et le faux-palanquin du vent, ensuite ceux sous le vent. Le palanquin doit être assez pesé pour que la ralingue entre lui et la vergue soit molle, et que le faux-palanquin puisse ainsi facilement rendre la cosse d'empointure au taquet de la vergue.
Nous dirons à ce sujet que le faux-palanquin ne doit pas être frappé à demeure comme cela a lieu sur plusieurs navires, mais amovible, afin qu'on puisse toujours le crocher au ris à prendre, lorsque le supérieur vient de l'être. Il nous paraît aussi simple que facile de faire servir à cet usage les drisses de bonnettes de hune qu'on doit établir à croc.
Les hommes élongés sur les vergues saisissent les garcettes et portent la toile au vent, afin que son empointure soit mise à joindre. Lorsqu'elle y est, ils portent la toile sous le vent pour faire prendre celle sous le vent. Les empointures prises, ils laissent tomber la toile, la reprennent pli par pli pour la porter sur la vergue, puis ils saisissent les garcettes, les souquent sur l'arrière de manière que le ris couvre et soit sur l'arrière de ceux pris antérieurement. Pendant qu'on amarre les garcettes on double les empointures.
On affale les palanquins, faux-palanquins et cargues, on choque les palans de roulis, les bras sous le vent, et on hisse les huniers, en ne filant les bras du vent qu'au fur et à mesure que la vergue monte, car sans cela elle raguerait les haubans de hune sous le 38 vent, et le vent prenant dans la voile et l'effaçant, augmenterait l'effort qu'on est obligé de faire sur la drisse. Quand le hunier est rendu, on fait descendre au-dessus de son racage le racage du galhauban volant, pour pouvoir le raidir et pousser l'arc-boutant avant que le hunier ne soit orienté.
Lorsqu'on prend le troisième ris, on est obligé quelquefois de choquer les écoutes; sans cela, non-seulement les palanquins ne pourraient être convenablement pesés, mais ils fatigueraient trop la voile qu'ils déchireraient peut-être; avarie bien dangereuse, si sur une côte elle obligeait à changer un hunier. Les écoutes ne doivent être choquées qu'à retour sur leurs bittes, et amarrées lorsque les palanquins sont à poste.
Il est évident que si en prenant le troisième ou quatrième ris, les basses voiles ne sont pas appareillées, on peut se dispenser de choquer les écoutes en brassant les basses vergues au vent d'une quantité suffisante pour donner du mou dans les ralingues.
Lorsqu'on prend le troisième et le quatrième ris d'un temps forcé au plus près, on peut tenir les huniers en ralingue pour faciliter cette opération; mais il n'en est pas 39 ainsi lorsqu'on court grand largue et vent arrière. Les huniers, sous ces allures, ne peuvent être déventés, à moins qu'on ne range le navire au vent, et comme, vu l'état de la mer, cette manœuvre peut être dangereuse, il est quelquefois préférable de ne pas déranger le navire de sa route, et de carguer les huniers pour y prendre le dernier ris.
On a discuté long-temps, et on discute encore pour savoir s'il est plus convenable de carguer, dans un mauvais temps, les huniers au vent ou sous le vent.
Quant à nous, nous avouerons avec franchise que non-seulement nous n'avons jamais trouvé une bonne raison pour les carguer au vent, mais que même nous ne nous sommes jamais trouvé dans une circonstance où cette manœuvre n'eût été une faute.
Nous accordons que lorsqu'on se débarrasse d'un hunier par précaution, on peut le carguer au vent, en ne mollissant la bouline et l'écoute du vent qu'à retour, à la demande de la cargue-point et de la cargue-fond. Que ces cargues rendues et amarrées, on choque l'écoute 40 sous le vent à retour, pour rendre les cargues sous le vent à joindre, et que le hunier peut être ainsi cargué sans avaries. Mais même dans ce cas, qui est le plus favorable puisque toutes les dispositions ont été prises à l'avance, peut-on nier que lorsqu'on carguera la portion sous le vent de la voile, il y aura une plus grande quantité de toile dans laquelle le vent s'engouffrera, et qui pourra se capeler et se déchirer sur le bout de la vergue, que si on avait commencé par la partie sous le vent, car alors celle du vent retenue par l'écoute et la bouline ne pourrait se porter en partie sous le vent, quoique retenue par ses cargues?
Le plus souvent lorsqu'on se débarrasse d'un hunier, c'est parce que le vent augmente de fureur, et qu'on a été surpris par une pesante rafale, ou qu'un grain violent charge le navire qu'il faut soulager immédiatement. Peut-on alors carguer au vent? Non, et si dans les circonstances les plus défavorables on parvient à sauver la voile, n'est-on pas en droit de conclure qu'il faut toujours agir ainsi?
On doit donc, pour carguer un hunier de mauvais temps, peser fortement sur le bras du vent et la cargue-point du même bord 41 pour le faire amener, mais sans le déventer, car il pourrait masquer, et pour cela ne pas larguer la bouline; choquer l'écoute sous le vent en abraquant la cargue-point et la cargue-fond; lorsque ces cargues sont rendues, filer à retour l'écoute du vent et la bouline, en pesant les cargues et brassant seulement alors en ralingue.
Il arrive quelquefois que naviguant au plus près, l'écoute du vent d'un hunier casse, alors, malgré son bras, la vergue s'efface, poussée par la voile qui se porte sous le vent, et on ne peut la brasser et par conséquent l'amener, quelque effort qu'on fasse sur le bras, parce qu'alors l'angle sous lequel il agit est trop aigu. Dans cette circonstance il faut choquer l'écoute sous le vent, ce qui fait ralinguer la voile et permet de la brasser et de l'amener.
Les basses voiles n'ont pas de palanquins de ris, on les remplace par des cartahus qu'on frappe avant l'opération. Simples, ils font dormant à la patte de la ralingue, en dessous de celle de l'empointure, passent dans une 42 poulie au bout de la vergue, dans une seconde aiguilletée au ton, et se manœuvrent au pied du mât. Doubles, ils font dormant au bout de la vergue, passent dans une poulie crochée à la patte et continuent comme nous venons de le dire.
Pour prendre le ris aux basses voiles, on les cargue, on pèse les cartahus; les hommes élongés sur la vergue saisissent les garcettes, et portent la toile au vent pour faire prendre l'empointure, puis ils la portent sous le vent, pour prendre celle sous le vent; ils larguent les garcettes, prennent la toile pli par pli pour l'élonger sur la vergue, souquent les garcettes sur l'arrière et les amarrent. On double les empointures.
Comme il est difficile, à bord des grands navires, aux hommes qui prennent le ris, de saisir d'une main la garcette sur l'avant de la voile, et de la prendre avec l'autre main sous la vergue et sur son arrière, on a imaginé de prendre le ris sur filière, ce qui est plus facile et diminue considérablement le poids inutile des garcettes, réduites alors à 12 ou 15 pouces.
Cette filière est placée comme celle d'envergure, mais sur son arrière. Les garcettes 43 sont sur l'avant de la voile, et sont fixées sur son arrière par un menu filin qui passe dans leurs œillets et fait dormant sur les deux ralingues; un quarantenier est disposé de la même manière sur l'avant. Lorsque les empointures sont prises, on saisit les garcettes, on porte la bande du ris à toucher la filière, en laissant tomber la toile du ris entre la vergue et la voile; on passe les garcettes sous la filière de dessous en dessus, et on les amarre deux à deux sur l'arrière.
Lorsque le temps est mauvais, les basses voiles se carguent sous le vent comme les huniers.
On dispose les hommes sur les cargues sous le vent, et on ne file l'écoute sur son taquet qu'à la demande des cargues; quand elles sont à joindre, on passe au vent et on cargue en ne filant aussi l'amure qu'à retour, car si elle était larguée en bande, la toile portée et collée sur le grand étai par la violence du vent, n'en serait retirée qu'en lambeaux.
Pour l'établir, on commence par l'amure, en ne filant les cargues qu'à sa demande. La 44 voile, dans cet instant, doit être tenue en ralingue, sans cependant trop battre, ce qui pourrait la masquer ou la déchirer. Le point du vent rendu, on borde l'écoute d'après les mêmes principes.
En amurant une basse voile, il faut larguer la balancine du vent de la basse vergue, la cargue-point et la bouline du hunier, afin qu'elles ne s'opposent pas à l'effet de l'amure; et aussitôt qu'elle est établie, appuyer fortement le bras du vent en larguant celui sous le vent.
Car si les deux bras étaient amarrés, dans le coup de tangage, la mâture tombant sur l'avant, la vergue ne pourrait suivre ce mouvement, et l'effort que supporterait alors le milieu de la vergue pourrait la faire casser; tandis que si le bras sous le vent est largue, la vergue, par son mouvement de rotation, échappe à l'effort du mât.
Les huniers s'établissent de mauvais temps, comme les basses voiles, c'est-à-dire qu'on commence par l'écoute du vent, en ne filant les cargues qu'autant qu'il est nécessaire pour faire agir l'écoute, on borde ensuite sous le vent de la même manière.
Des Viremens de bord.
Un navire vire de bord ou change d'amure, en faisant passer son avant, ou son arrière, dans le lit du vent, de là les viremens de bord vent devant, et vent arrière, ou lof pour lof.
Mais chacune de ces manières de virer se modifie quelquefois par les circonstances, soit qu'il faille accélérer l'évolution, soit qu'un espace limité oblige de la circonscrire.
Si le navire n'est pas au plus près, il faut l'y ranger, et bien faire attention qu'au moment où on commence l'évolution il ne soit ni arrivé, ni lancé au vent.
On met la barre dessous sans précipitation, et pour augmenter le mouvement d'aulofée qu'elle communique au navire, on borde la brigantine et on file l'écoute des focs.
Aussitôt que le navire est assez rangé au 46 vent pour faire ralinguer les basses voiles, on lève les lofs, et quand il est presque vent devant, on change vivement les voiles de l'arrière en les orientant de l'autre bord; on change le gui, et on dresse la barre.
Lorsque les voiles de l'arrière commencent à porter, c'est-à-dire lorsque le navire a fait une abattée de quatre quarts, on change lestement les voiles de l'avant, on borde les focs et on oriente au plus près.
Si, avant l'instant de changer le phare de l'arrière, le navire a perdu son aire, on dresse la barre, mais s'il cule on la change, puisqu'elle produit un effet contraire.
Le navire, au moment où on veut le faire virer vent devant, ne doit être ni au vent ni arrivé. Dans le premier cas, son aire diminué ralentira et pourra faire manquer la manœuvre; dans le second, le mouvement d'aulofée devant être plus long, le navire y perdra le surcroît de vitesse qu'on lui a fait acquérir en arrivant, et l'évolution sera prolongée, sans pour cela être plus certaine.
Il faut donc éviter avec le plus grand soin les mouvemens d'arrivée avant de virer, surtout si la brise est faible; car, dans cette position, la petite augmentation de vitesse qu'on procure est bien promptement annulée par celle de l'angle d'aulofée, et l'aire est perdu avant que les voiles soient assez masquées pour assurer l'évolution. Le navire incertain n'est plus maîtrisé par son gouvernail; ses voiles en ralingue ne lui impriment pas un mouvement d'aculée assez fort pour que la barre, quoique changée, puisse le faire obéir, et au lieu de venir au vent, il arrive et manque son évolution.
Pour assurer, autant que possible, la manœuvre lorsque la brise est faible, on doit tenir le navire au plus près et haler bas les focs en mettant la barre sous le vent, et bordant la brigantine. De cette manière, en détruisant l'effet des voiles qui s'opposent le plus à l'aulofée, on peut plus facilement parvenir à masquer, et par conséquent à virer.
Si la brise est fraîche et la mer belle, une arrivée, avant de virer, n'aurait d'autre inconvénient que de prolonger l'évolution, 48 parce qu'alors le navire, quoique ayant un plus grand angle à parcourir pour masquer, le franchira à l'aide de son gouvernail; mais comme on doit se piquer de manœuvrer avec le plus de précision possible, il faut éviter ce mouvement qui n'est qu'une fausse manœuvre.
Si la mer est forte, il faut choisir pour envoyer un moment favorable, c'est-à-dire celui où l'aire du navire n'a pas été cassé par un coup de tangage, et où il possède toute sa vitesse.
Si, lorsque la brise est faible, il est prudent, pour assurer l'évolution, de haler bas les focs, on peut, lorsqu'elle est fraîche, ne filer leurs écoutes que lorsque les basses voiles commencent à ralinguer, parce que, jusqu'à ce moment, ils concourent à augmenter la vitesse, et que le gouvernail suffit pour ranger au vent. Il est quelques navires qui, en filant les écoutes des focs, choquent aussi l'écoute de misaine. Cette méthode, qui accélère l'évolution, empêche nécessairement de gagner au vent puisqu'elle diminue l'aire, et c'est en général ce qu'on se propose en virant vent devant.
Quand on lève le lof des basses voiles, on doit abraquer les écoutes et amures de revers, afin qu'elles ne s'engagent pas dans les porte-haubans, et que le changement des phares puisse se faire avec la plus grande promptitude. En même temps on largue les galhaubans du vent, et on les affale pour pouvoir les passer sur l'arrière des hunes quand on orientera. A mesure que les phares sont orientés on raidit leurs galhaubans, et on pousse les arcs-boutans.
Si le vent est frais, le phare de l'arrière reste long-temps sur le mât avant d'être changé, fait culer le navire, et lui fait ainsi perdre du chemin au vent; on augmenterait peut-être la célérité de l'évolution, et on perdrait moins en carguant la grande voile en levant ses lofs. On l'établit dans ce cas après avoir changé d'arrière ou d'avant.
Le moment de changer d'arrière, qui n'est pas toujours indiqué d'une manière convenable par la girouette, l'est positivement par la brigantine. Lorsqu'elle est entièrement déventée, c'est une preuve que le vent est entre les vergues de l'avant et le beaupré; que le phare de l'avant 50 fait ranger le navire au vent, et que les voiles de l'arrière, inutiles à cette partie de l'évolution, peuvent être disposées à l'autre bord.
Lorsque, par suite de la force de la brise, les phares de l'arrière ont été changés avec lenteur, il arrive souvent qu'on se croit obligé de changer devant lorsque l'abattée est suffisamment prononcée et qu'on se trouve à l'autre bord sans avoir une seule voile orientée, si ce n'est la brigantine. Dans cette position, le navire tombe sous le vent, ne peut sentir l'effet de son gouvernail, puisque ses voiles en ralingue ne lui communiquent aucune vitesse, il peut masquer, ou du moins il est très-lent à arriver, est obligé de gouverner largue pour faire porter ses voiles, et ne peut ranger au plus près que lorsqu'elles sont orientées, ce qui lui fait perdre beaucoup au vent.
Dans ce cas il nous semble bien préférable d'orienter parfaitement les phares de l'arrière, ou au moins d'en brasser les vergues convenablement, d'amurer et border la grande voile avant de toucher aux voiles de l'avant, en mettant la barre dessous 51 pour modérer l'abattée; puis changer les voiles de l'avant, qui seront bientôt démasquées, le navire étant plus arrivé qu'il ne le serait si on avait fait le mouvement comme ci-dessus; dresser la barre et border les focs. On sent que le navire prenant immédiatement de l'aire, rangera au plus près bien plus immédiatement, et perdra moins au vent.
Le gouvernail étant un des principaux agens de cette évolution, sa manœuvre doit être surveillée avec le plus grand soin.
La barre ayant été mise sous le vent aussitôt qu'on a voulu lancer au vent, est dressée lorsque le navire a entièrement perdu son aire. S'il cule, on la change, parce qu'alors le gouvernail agit en sens contraire, ou comme si on l'imaginait placé de l'avant. Si la barre n'a pas été dressée avant le moment où l'on change les phares de l'arrière, on la dresse alors, parce que celui de l'avant suffit pour achever l'évolution. Mais si l'abattée est trop forte, on la met dessous pour la modérer pendant qu'on change les voiles de l'avant.
Si après avoir pris l'autre bord, on ne peut pas orienter tout à la fois, on commencera 52 par l'arrière ou l'avant, suivant que le navire aura besoin de lofer ou d'arriver pour être au plus près.
Si, ayant changé les voiles de l'avant, le navire venait au vent malgré que les focs fussent bordés, ce qui peut arriver parce qu'on a changé trop tôt, ou parce que la mer houleuse d'un vent qui a régné, une lame a pris le navire par la joue sous le vent, il faut remasquer devant, carguer la brigantine pour faire prononcer l'abattée.
Dans le virement de bord vent devant, nous n'avons pas parlé des voiles d'étai, parce que dans notre opinion ces voiles ne peuvent être que nuisibles sous cette allure, à bord des bâtimens à voiles carrées.
Dans le virement de bord que nous venons de décrire, nous avons supposé que rien ne gênait l'évolution, et que son but était de changer d'amure en gagnant au vent le plus qu'il est possible.
Mais il peut se faire que le navire, arrêté par un obstacle imprévu, soit obligé 53 de virer immédiatement sans s'en approcher et sans tomber sous le vent.
Il faut alors amortir brusquement l'aire du navire, en mettant en même temps et très-vivement la barre dessous, bordant le gui, filant les écoutes des focs et de la misaine. Si la vitesse était considérable avant la manœuvre, il est probable que le navire prendra vent devant, et alors on terminera l'évolution comme nous l'avons dit plus haut.
Mais s'il ne pouvait prendre, on masquerait partout en larguant les boulines, carguant la brigantine et la grande voile, afin de culer, puis on change d'amures, comme nous le dirons en parlant des viremens de bord vent arrière.
On cargue la brigantine et la grande voile, on largue les boulines d'arrière, et on en brasse les voiles en ralingue. Aussitôt qu'elles y sont, on met la barre au vent. L'effet des voiles de l'arrière étant détruit, l'arrivée est prompte, et pour qu'elle ne se ralentisse pas, on continue à brasser en ralingue à mesure que le bâtiment arrive.
Lorsque le vent est de la hanche, on lève les lofs de la misaine, et on brasse son phare de manière qu'il soit carré lorsque le vent est de l'arrière.
Les vergues du grand mât et du mât d'artimon ont été aussi brassées de la même manière. Mais comme il faut faire venir le navire sur l'autre bord avec promptitude, ce à quoi il est déjà porté par sa barre, qui ayant été mise au vent se trouve sous le vent et du bord opposé à celui où on veut prendre les amures, on file les écoutes des focs, on continue à brasser derrière. Dès que le vent est de la hanche, on borde la brigantine à mesure que le navire range au vent, on amure la grande voile. Lorsque le vent est du travers, on doit être orienté derrière, alors on oriente devant en bordant les focs et dressant la barre pour modérer l'aulofée qui doit être vive si la brise est fraîche.
Le virement de bord vent arrière ne s'exécute à bord d'un navire naviguant isolément, que lorsque l'état du vent et de la mer ne lui permet pas de virer vent devant; 55 c'est donc le plus souvent avec un vent violent et une grosse mer que cette manœuvre a lieu. Il faut y apporter le plus grand soin pour ne pas faire d'avaries.
Si la grande voile est remplacée par le foc d'artimon, on le hale bas en carguant l'artimon, et on passe immédiatement son écoute de l'autre bord pour l'empêcher de battre lorsqu'on le hissera.
A mesure qu'on brasse, on doit abraquer les drosses et les palans de roulis, de manière qu'ils soient raides lorsque le navire est vent arrière, car c'est alors le moment des plus violens roulis. Par la même raison, on ne largue pas les galhaubans du vent; ceux sous le vent sont raidis aussitôt que le mouvement des vergues le permet, en sorte qu'ils le sont des deux bords lorsque le vent souffle de l'arrière.
Il faut haler bas le petit foc et non filer son écoute, car il serait probablement emporté si on le laissait battre pendant que le navire vient au vent; il faut même le border avant de le hisser, pour l'établir à l'autre bord.
Lorsque le vent est violent, le navire a acquis une grande vitesse au moment où il 56 est vent arrière, et il serait imprudent de ranger immédiatement au vent. On doit dresser la barre et choisir le moment favorable en donnant le temps nécessaire pour établir les voiles convenablement.
Cette manœuvre doit être exécutée avec la plus grande promptitude, puisqu'elle ne se fait que dans des circonstances imprévues, lorsqu'il faut instantanément s'éloigner d'un objet.
Il faut, en même temps, s'il est possible, mettre la barre dessous, carguer la brigantine et la grande voile, filer les écoutes des focs et de la misaine, larguer toutes les boulines et contre-brasser devant en levant les lofs de misaine et orientant son phare à l'autre bord.
Le navire dont l'aire a été promptement amorti, puisque l'effet de toutes ses voiles a été détruit et que l'aire acquis a été brisé en venant au vent, cule avec rapidité en abattant; son phare de l'avant étant contre-brassé, et ceux de l'arrière en ralingue, on continue à les tenir ainsi pendant l'arrivée; et s'il est nécessaire de rendre l'aculée plus vive, on les 57 masque, mais en ne les brassant que carrément pour qu'ils ne s'opposent pas à l'abattée. Lorsqu'elle sera de 90°, c'est-à-dire lorsque le vent sera du travers, les voiles de l'arrière se trouveront en ralingue, et malgré cela, si la brise est fraîche, le gouvernail suffira pour faire dépasser ce point au navire qui prendra le vent dans ses voiles de l'arrière, et acquerra de la vitesse, alors on bordera les focs en changeant la barre. Le vent étant de l'arrière, on filera les écoutes des focs et de la misaine, on suivra le vent en brassant convenablement les voiles de l'arrière, puis on bordera la brigantine, on amurera la grande voile, et les vents étant du travers, on bordera les focs et la misaine en dressant la barre et rangeant au plus près.
Si l'abattée étant de 90°, le mouvement d'aculée n'est pas assez fort pour que le gouvernail fasse franchir le point où les voiles de l'arrière sont en ralingue, il faut border les focs et éventer derrière pour donner de l'aire au navire en dressant la barre, puis en la mettant au vent dès qu'il en a acquis pour terminer l'évolution.
De la Panne.
Un navire est en panne, lorsque ses voiles sont disposées de telle sorte que se contrariant mutuellement dans leurs effets, leur résultat est nul. Alors le navire est presque immobile, et n'obéit plus qu'au mouvement de la lame et du courant.
On réduit ordinairement la voilure aux huniers, à la brigantine et au grand foc, lorsqu'on veut mettre en panne, quoique dans quelques circonstances on puisse, comme nous le dirons, garder toutes les voiles du plus près.
On réduit la voilure aux huniers, grand foc et brigantine, on serre le vent au plus près, puis on masque le grand hunier en mettant la barre dessous en douceur, et filant l'écoute du foc, quand l'aulofée commence à se ralentir.
On peut aussi, au lieu de masquer le grand hunier, masquer le petit hunier et le perroquet de fougue, ou seulement le petit hunier.
L'habitude du bâtiment doit indiquer quelle est la panne sous laquelle il se comporte le mieux, c'est-à-dire celle où il fait les moins grandes abattées, et où il dérive par conséquent le moins. Car, quoique la théorie soit la même pour tous les navires, il n'en est nullement ainsi pour la pratique, quoiqu'on en puisse dire.
Tel navire fait de grandes embardées, ayant son grand hunier masqué, et ne revient au vent que lorsqu'il ralingue, tandis qu'un autre, parfaitement semblable, ne fait dans cette position que des embardées de deux quarts.
Le petit hunier masqué oblige tel navire à faire des arrivées, à prendre le vent par la hanche, tandis que tel autre, non-seulement ne fait que de faibles abattées, mais même peut ne pas mettre toute sa barre dessous, ainsi que nous l'avons vu nous-même.
Quoique la connaissance parfaite du navire 60 indique suffisamment la panne qui lui est la plus favorable, il est des données générales que nous devons faire connaître.
Si on met en panne au vent d'un objet qu'on ne veut pas approcher, il faut disposer sa voilure de manière à pouvoir prendre de l'aire et lofer le plus promptement possible. Pour cela, il faut masquer le petit hunier, et laisser éventer le grand hunier et le perroquet de fougue.
Il est évident que si dans cette position il est nécessaire de prendre de l'aire pour lofer et doubler l'objet sous le vent, les voiles de l'arrière étant orientées, il n'y aura qu'à dresser la barre en brassant devant, et aussitôt que le petit hunier sera démasqué on pourra lofer avec la barre et border le foc. Tandis que si le grand hunier avait été masqué, le navire aurait été plus lent à ranger au vent, n'ayant pas son phare du grand mât orienté aussi promptement, et aurait décrit sous le vent un arc plus grand, qui l'aurait rapproché de l'objet qu'on doit éviter.
Si, au contraire, on met en panne sous le vent d'un navire, et qu'on veuille être prêt à arriver s'il venait à vous approcher, on doit masquer le grand hunier et le perroquet 61 de fougue, en ne les brassant que carrément.
Dans cette position, l'arrivée sera bien prompte, puisqu'il suffira de carguer la brigantine et de border le foc en dressant la barre. Le grand hunier et le perroquet de fougue n'étant brassés que carrément, seront mis en ralingue par le seul mouvement imprimé au navire en carguant la brigantine et bordant le foc; d'ailleurs on les brassera, mais on est sûr que l'arrivée sera déjà prononcée.
Lorsqu'on mettra en panne, il est inutile d'arrêter tout à fait le navire. On peut se contenter de brasser carrément un des deux huniers; comme alors il conserve un peu d'aire, un tour de barre dessous suffit pour le maintenir au vent, et on peut manœuvrer dans toutes les circonstances avec plus de célérité.
Si on n'a pas long-temps à rester en panne, si la brise est maniable et la mer belle, on peut se dispenser de réduire la voilure aux huniers.
On cargue la brigantine, on file en bande l'écoute de grande voile, on largue la bouline du perroquet de fougue, et on met la 62 barre dessous en douceur; on amarre les bras sous le vent.
Une partie de l'effet des voiles de l'arrière étant détruite, la vitesse diminue, et d'autant mieux que la barre étant mise sous le vent peu à peu, le navire perd son aire en rangeant au vent, et ne peut masquer puisqu'il a ses focs et le phare de l'avant orientés, qui par conséquent s'opposent à ce mouvement. Toutes les voiles se trouveront en ralingue, et l'aire étant perdu, le navire arrivera, jusqu'au moment où le vent reprenant dans les voiles, lui donnera de la vitesse, qui, par la disposition du gouvernail, le fera de nouveau ranger au vent.
On se sert du perroquet de fougue pour accélérer ou modérer les abattées, en abraquant sa bouline, ou en le masquant.
On amarre les bras sous le vent en commençant l'évolution, afin que les voiles étant en ralingue, leurs vergues ne se portent pas au vent, ce qui arriverait si elles n'étaient tenues que par leurs boulines, et pourrait faire masquer.
Si malgré toutes ces précautions le navire masquait, il faudrait aussitôt contre-brasser le phare de l'avant pour le faire arriver; mais 63 on n'aura jamais cette crainte à avoir si la barre n'est mise dessous qu'en douceur, car alors l'aire sera cassé avant qu'on puisse masquer.
Cette manœuvre, ainsi que nous le verrons plus bas, est souvent employée pour sonder de beau temps par un petit fond.
Le petit hunier étant masqué pour mettre en route, on cargue la brigantine, on borde le petit foc et on dresse la barre. Si l'abattée se prononce, ainsi que cela arrive souvent, on attend que les vents soient à peu près de travers, et alors on change le petit hunier qu'on oriente; lorsqu'il l'est et que la vitesse augmente on borde la brigantine.
Si l'abattée ne se prononce pas, après avoir cargué la brigantine, bordé le foc et dressé la barre, on ralingue le perroquet de fougue et même le grand hunier si cela est nécessaire; puis on les oriente en démasquant le petit hunier, comme nous venons de le dire.
Si on devait courir largue, on ralinguerait 64 le grand hunier et le perroquet de fougue en dressant la barre, parce que non-seulement ils accéléreraient l'arrivée, mais encore parce qu'ils se trouveraient plus promptement disposés pour la route qu'on doit suivre.
Pour mettre en route, le grand hunier étant masqué, on cargue la brigantine, on borde le foc, on dresse la barre et on ralingue le grand hunier. Lorsque le navire prend de l'aire, on l'oriente en bordant la brigantine, si on doit serrer le vent.
Dans le cas contraire, on continue à tenir le grand hunier en ralingue, jusqu'à ce que le navire soit arrivé au rhumb où l'on veut gouverner, puis on l'établit suivant cette allure.
Si on choisit le moment d'une abattée pour border le foc et dresser la barre, il est inutile de carguer la brigantine, si on doit continuer à tenir le plus près, parce que dans ce moment le navire a de l'aire, qu'on augmente promptement en démasquant et orientant le grand hunier.
Il faut profiter d'un mouvement d'abattée pour dresser la barre. Dans cette position, le navire doit prendre de l'aire, et aussitôt qu'il en a, on met un peu de barre au vent pour l'augmenter, sans lui faire faire une grande arrivée; puis on rétablit successivement la voilure en bordant la grande voile, la brigantine en halant la bouline du perroquet de fougue.
Si le mouvement d'arrivée ne se prononce pas, on ralingue le perroquet de fougue, et s'il ne suffit pas, on masque devant.
Nous avons entendu parler d'une manière de mettre en panne le vent sur toutes les voiles, qui consiste à haler bas les focs, contre-brassant partout à la fois en orientant à l'autre bord, bordant la brigantine et mettant la barre au vent.
Non-seulement nous n'avons jamais vu employer cette manœuvre, mais en y réfléchissant, 66 il nous a été impossible de nous rendre raison de son utilité, de trouver des cas dans lesquels on peut l'employer avec succès, et d'imaginer comment une évolution, qui nécessitait un changement total de disposition dans toute la voilure, et qui en nécessitait un second aussi ou presque aussi total pour revenir en route, a pu être employée.
Sonder.
Pour sonder, il faut arrêter le navire afin qu'il puisse connaître la profondeur du fond; il ne s'agit que de mettre en panne, suivant l'état du vent et de la mer.
Si on court au plus près, on cargue la brigantine, on file l'écoute de la grande voile en bande, on largue la bouline de perroquet de fougue, et on met sa barre 67 dessous en douceur. Le plomb ayant été porté au vent de l'avant et la ligne élongée, on le mouille aussitôt que le navire a perdu son aire, puis on le retire après avoir eu le fond, et on met en route.
Cette manœuvre n'étant que la panne sous toutes les voiles du plus près, nous n'en parlerons pas plus longuement.
Si on court largue, on rentre les bonnettes, on abraque les écoutes des focs et de la misaine, on cargue la brigantine et on met la barre dessous, en amarrant les bras sous le vent.
Le navire rangera avec assez de rapidité au vent, mais ses voiles étant orientées pour le largue ne tarderont pas à ralinguer; et comme la brigantine est carguée et les focs établis, il n'est pas possible qu'il prenne vent devant. Si cependant on pouvait concevoir quelque crainte, il faudrait mettre la barre dessous, peu à peu, de manière à rompre l'aire.
Si on est grand largue ou vent arrière, on rentre les bonnettes, on borde plat les focs, on met la barre dessous ou du bord opposé à celui où on veut venir. Si le fond était considérable, il serait mieux d'ouvrir 68 le phare de l'avant, afin que l'aculée ne fût pas aussi forte.
Si on est au plus près, on se débarrasse de la misaine et de la grande voile, si elle est établie; mais si elle est remplacée par le foc d'artimon, on n'y touche pas. Puis on met en panne, comme nous l'avons dit plus haut, en halant bas le foc, car si on filait son écoute, il se déchirerait, et on mouille le plomb aussitôt que le navire a perdu son aire. Lorsqu'il a été retiré, on met en route comme nous l'avons dit en parlant de la panne.
Mais si on court largue ou vent arrière, les huniers ayant moins de ris que si on était au plus près, il faudrait les prendre avant de mettre en panne, pour ne pas compromettre la mâture.
Si le vent est trop violent pour porter les huniers, on les serre et on vient au vent sous le petit foc, le foc d'artimon et l'artimon.
On a imaginé plusieurs instrumens pour avoir le fond lorsque le navire conserve son sillage.
Le meilleur, sans contredit, est la bouée à stopeur, connue de tous les marins, mais que beaucoup ont abandonnée, parce que la ligne, fortement souquée entre le montant de la bouée et le stopeur en fer, était fréquemment coupée.
Lorsqu'on navigue par de petits fonds qu'il est important de connaître pour diriger la route du navire, on place un sondeur dans chacun des porte-haubans du grand mât, qui lancent à la main le plomb sur l'avant, et annoncent successivement le fond. Mais on conçoit qu'ils ne peuvent le faire avec exactitude que si le plomb a pu toucher le fond dans le temps qui s'écoule entre le moment où le plomb tombe à l'eau et celui où le grand porte-hauban arrive par le travers, ou à peu près de ce point. La vitesse du sillage doit donc être réglée en conséquence.
DE LA CAPE.
Un navire est à la cape, lorsque la violence du vent et sa direction l'empêchant de faire route, il présente une petite quantité de voiles, en gardant sa barre dessous, pour perdre le moins possible.
Nous disons la direction du vent, parce que, quel que soit sa violence, si le navire fait route, fût-il à sec de voiles, il n'est pas à la cape, il fuit devant le temps.
La voilure à conserver pendant la cape dépend autant des qualités du navire que des circonstances dans lesquelles on se trouve, et le manœuvrier doit observer son navire avec soin, pour connaître quelle est celle qui lui convient le mieux.
Les capes les plus usitées sont:
La première, celle du grand hunier et de la misaine, est une cape de beau temps. Le navire a de la vitesse, il sent par conséquent sa barre, on ne la met pas entièrement dessous, il suffit, dans les arrivées un peu grandes, de l'y mettre en partie. On peut ainsi défier la lame, puisque le navire gouverne, et les coups de mer sont moins dangereux.
Avant d'aller plus loin, nous ferons observer que, quoique nous ayons dit en commençant ce chapitre, que la cape était l'état du navire présentant une petite quantité de voiles à la violence du vent en gardant sa barre dessous, notre opinion n'est pas qu'on doive toujours en agir ainsi, bien au contraire; le navire doit être tenu autant que possible gouvernant, et nous ne voyons que la cape à sec où la barre puisse être amarrée sous le vent.
Dans toutes les autres circonstances, il faut gouverner, afin de pouvoir dresser la barre à l'encontre d'une lame qui vient briser 72 avec violence. Si on gouverne, le navire est moins bridé, ses mouvemens sont moins violens, le gouvernail ne fatigue pas autant et risque moins de s'avarier, soit dans ses ferrures, dans sa barre ou dans sa drosse.
La cape sous le grand hunier et la misaine, est celle qu'on prend lorsque le vent a augmenté graduellement. On doit la garder autant que possible, puisqu'elle tient le navire gouvernant, et qu'elle permet par conséquent de le faire obéir aux mouvemens qu'on peut avoir besoin de lui imprimer. Mais si le temps est à violentes rafales, et surtout s'il y a de fréquentes sautes de vent, il faut y renoncer, parce qu'en masquant on compromettrait la mâture.
Si, étant sous cette voilure, le vent augmente encore, on serre le grand hunier, si le navire est ardent, c'est-à-dire si ses mouvemens d'arrivée sont lents et difficiles; et on serre la misaine s'il est mou, c'est-à-dire s'il présente difficilement au vent. En serrant le grand hunier, on le remplace par le foc d'artimon de cape.
Sous la misaine, le navire sera mieux disposé pour arriver, ce qui peut être d'une grande utilité; mais ses abattées sont plus 73 grandes, il acquiert plus de vitesse dans ce moment, et revenant au vent par l'effet du gouvernail, choque la lame avec plus de force et peut recevoir des coups de mer dangereux, quelque soin qu'on mette à les défier en mollissant la barre. D'ailleurs cette voile, placée sur l'avant du navire, le fait plonger et augmente le tangage.
Avec le grand hunier, les abattées sont moins grandes, le navire a donc moins de vitesse, il choque la lame avec moins de force, et rend les coups de mer moins dangereux. Il ne charge pas l'avant, diminue les tangages et modère les roulis en appuyant mieux le navire que la misaine. Mais l'arrivée est plus difficile, et sa vergue, bien moins appuyée que la misaine, peut occasionner des avaries plus fréquentes.
Entre les tropiques, dans la saison des ouragans, des tornados et des typhons, où les sautes de vent sont violentes et instantanées, il faut prendre la cape sous les voiles latines, parce que les sautes de vent sont alors sans danger, ne compromettant ni la mâture ni le navire, et qu'il n'en peut résulter que la perte de voiles de peu d'importance.
Sous cette voilure, le navire est mal appuyé, surtout si la mer est grosse, parce que ces voiles sont souvent déventées dans les mouvemens de roulis. Il reste alors sans vitesse, ne sent plus son gouvernail, et peut recevoir des coups de mer dangereux. Les arrivées sont promptes, puisque la plus grande partie du système de voilure est de l'avant du centre de gravité, et qu'il est toujours facile de se débarrasser du foc d'artimon de cape et de l'artimon.
Au sujet de cette dernière voile, nous ferons observer que, dans de pareilles circonstances, il faut éviter de se servir de l'artimon envergué sur la corne, très-difficile à carguer, et dont la toile se collant sous le vent sur les haubans d'artimon, peut rendre l'arrivée impossible, que la corne fatigue le mât et qu'elle amène difficilement. On doit le remplacer par un artimon triangulaire ou à petite corne de deux ou trois pieds, qui n'est retenu que par une seule drisse simple, dont la voile n'est pas lacée au mât, et qui par conséquent s'amène et se hisse avec la plus grande facilité.
Cette cape, sous les voiles latines, se compose du petit foc ou du tourmentin, de la 75 pouillouse, du foc d'artimon de cape et de l'artimon. Mais la pouillouse, si elle offre une partie des avantages de la misaine en rendant les arrivées plus promptes, a aussi une partie de ses inconvéniens. Elle occasionne de fortes abattées, charge l'avant qu'elle fait plonger, et fait embarquer beaucoup d'eau. Aussi est-elle souvent supprimée, et on reste alors sous le petit foc, le foc d'artimon et l'artimon.
Les navires se comportent en général bien sous cette voilure, et nous en avons vu un qui, dans cette position, perdit son foc, continua à capeyer sous son foc d'artimon de cape, et se comporta encore mieux qu'il ne le faisait son petit foc dehors. C'était cependant un bâtiment à fonds très-fins, et qui était ordinairement ardent.
La cape à sec ne se prend que rarement, et le plus souvent que lorsqu'on a perdu les voiles latines qu'on avait appareillées. Il faut toujours avoir un foc prêt à être hissé si on a besoin d'arriver.
Avant de mettre à la cape, il est une foule de précautions à prendre, qui importent à la 76 sûreté du navire; nous indiquerons les principales.
Si les bâtimens portent de l'artillerie, on doit s'assurer que toutes les pièces sont bien amarrées, que les sabords des batteries sont hermétiquement fermés.
Il faut visiter les amarrages des coffres, cuisines, etc.; assurer les drômes en les liant entr'elles par de forts palans; doubler les saisines de la chaloupe et la consolider par des palans qu'on frappe sur son avant et son arrière, en les crochant sur les serre-gouttière; renforcer les bosses de bout et serre-bosses des ancres, tant de celles des bossoirs que de celles qui sont dans les porte-haubans; soulager les canots de porte-manteaux.
Saisir le gui sur son support; si la corne est amenée, la brider sur le gui en bien paquetant la voile, pour qu'elle ne puisse se déferler.
Débarrasser les haubans de tout ce qu'on y place dans les temps ordinaires, tels que vergues de perroquets, de catacois, bonnettes; les élonger sur les drômes et les y saisir; soulager les hunes des poids inutiles, comme bonnettes de perroquets, gréement des bonnettes, etc.
Les faux bras, les fausses amures et écoutes de misaine, l'étai de tangage, ont dû être mis en place dans les premiers momens du mauvais temps.
On condamne les panneaux, qu'on recouvre d'un prélart cloué sur l'hiloire, et on n'en laisse qu'un de libre, ouvert sous le vent, pour communiquer dans l'intérieur du navire.
On dégage la barre de rechange, et on met en place les palans qui doivent remplacer la drosse si elle cassait. Mais cette précaution doit toujours être prise en appareillant.
Lorsque le coup de vent mollit, il faut faire de la voile pour appuyer le navire, car la mer ne tombe pas en même temps, surtout lorsque la tempête est arrivée subitement, parce qu'alors elle comprime la mer par sa violence, et la lame n'acquiert tout son développement que lorsque le vent diminue de force.
C'est en général dans ces circonstances qu'on fait les plus grandes avaries dans la mâture, si on n'a pas le soin de faire toute la voile convenable.
Si on est sous la misaine, on profite d'une abattée pour dresser promptement la barre, on hâle-bas le foc d'artimon et l'artimon, et on met la barre vivement au vent.
Le navire doit nécessairement arriver, car en profitant d'une abattée, il avait déjà une vitesse acquise; en dressant la barre dans ce moment, on l'a augmentée; en détruisant l'effet des voiles derrière et mettant la barre au vent, on a concouru aussi à l'augmenter, et par suite l'arrivée a dû se prononcer.
Si on veut virer, lorsque le vent est de l'arrière du travers, on choque à retour l'écoute de misaine, et on largue sa bouline; on brasse au vent de manière qu'étant vent arrière elle soit carrément; mais en levant ses lofs, il faut avoir bien soin de ne filer l'amure qu'à retour, de manière que la voile soit tenue sur l'arrière par ses écoutes, sans cela elle se collerait sur les étais, et il serait impossible de s'en rendre maître. On la perdrait probablement.
Lorsqu'on est vent arrière, on hâle-bas le petit foc et on le borde sur l'autre bord. 79 Si on filait son écoute, il serait emporté en venant au vent. On dispose aussi le foc d'artimon qu'on borde.
Si on craint de ranger trop vite au vent, ce qui pourrait arriver puisque le navire a une grande vitesse, on dresse la barre et on gouverne largue pour établir la misaine et choisir le moment favorable pour ranger au vent. Dès qu'on l'a trouvé, on hisse le foc d'artimon et l'artimon, et on met la barre dessous.
Si on est sous le grand hunier, il faut profiter d'un mouvement d'abattée, dresser la barre, carguer l'artimon, larguer la bouline du grand hunier, appuyer les bras du vent, et mettre la barre au vent.
L'abattée déjà commencée se continuera, puisqu'on dresse la barre et qu'en même temps on détruit l'effet de l'artimon et celui du grand hunier, en larguant sa bouline et le brassant au vent. On continue de le brasser à mesure que le navire arrive. Lorsqu'il est vent arrière, on hâle-bas le petit foc, on borde son écoute à l'autre bord, et on ouvre le grand hunier. On modère l'aulofée en dressant la barre, si on ne juge pas le moment favorable pour venir au 80 vent; dans le cas contraire, lorsqu'il est de la hanche, on établit l'artimon en orientant le grand hunier, puis on hisse le petit foc.
Il faut avoir le plus grand soin, en manœuvrant le grand hunier, de ne filer les bras qu'à retour, d'abraquer à mesure les balancines, les drosses et les palans de roulis, et d'avoir les galhaubans volans raides des deux bords, lorsqu'on est vent arrière.
Sous les voiles latines, la voilure étant mieux distribuée, l'arrivée sera prompte en dressant la barre, se débarrassant du foc d'artimon, de l'artimon, puis mettant la barre au vent. Lorsqu'on est à peu près vent arrière, on hâle-bas la pouillouse et le petit foc, qu'on dispose pour être hissés sur l'autre bord. Le bâtiment est alors sans voiles, mais la violence du vent lui communique assez de vitesse pour se présenter à l'autre bord au moyen de sa barre, alors on établit l'artimon et le foc d'artimon, et quand l'aulofée devient rapide, le petit foc et la pouillouse.
A sec de voiles, si le navire n'arrive pas avec sa barre, on hisse un petit foc et on manœuvre les vergues comme si elles avaient leurs voiles. Si l'arrivée ne se prononce 81 pas, il faut faire déferler, s'il est possible, une voile ou un prélart dans les haubans de misaine, y faire monter les hommes qui se trouvent sur le pont, afin d'offrir une surface sur laquelle le vent puisse agir. S'il n'arrive pas, il faut quelquefois sacrifier le mât d'artimon ou le grand mât de hune, pour soulager l'arrière, diminuer la quantité de vent qui le frappe et qui s'oppose par conséquent à l'arrivée.
Mais cette question si terrible et qui peut entraîner la perte du navire, n'a lieu que lorsqu'il est chargé subitement par une augmentation instantanée dans la violence du vent, qui le couche, le prive de vitesse et annule l'effet du gouvernail. Elle peut arriver lorsqu'il capeye sous une des voilures dont nous avons parlé, et peut avoir des résultats moins funestes, puisqu'en sacrifiant les voiles qui sont appareillées on peut faire redresser le navire et le faire arriver.
Si le grand hunier est dehors, on file ses écoutes en bande, et comme il ne tardera pas à être emporté, le navire peut se relever, sentir alors l'effet du gouvernail, et arriver d'autant mieux que l'artimon a dû être hâlé-bas, ou éventré si on ne peut le hâler-bas.
Si on est sous la misaine, on choque son écoute en se débarrassant du foc d'artimon et de l'artimon. En choquant l'écoute de misaine, on décharge le navire qui se redresse et sent alors l'effet du gouvernail. Mais si tous ces moyens étaient insuffisans, il faudrait couper le mât d'artimon.
Il faut toujours avoir des haches sur le pont lorsqu'on est à la cape.
Mouillages.
La manière dont on vient au mouillage dépend non-seulement du temps et des localités, mais encore de l'emploi des câbles ou des câbles-chaînes. Pour s'amarrer avec les câbles, il faut mouiller en culant pour ne pas surjoualer l'ancre; avec les câbles-chaînes il faut au contraire mouiller avec de l'aire, sans cela la chaîne filant avec rapidité pourrait tomber sur l'ancre et la casser, ce que nous avons vu arriver plusieurs fois. 83 Si on mouillait en culant, il faudrait culer avec une grande rapidité.
Si l'on est au plus près, après avoir choisi le point où l'on veut mouiller, on met le navire sous une voilure maniable, ordinairement les huniers, les perroquets, le grand foc et la brigantine. On fait route un peu sous le vent de ce point, lorsqu'on en est à une ou deux encâblures, suivant les qualités qu'on connaît à son navire, on hâle-bas le foc, on cargue les huniers et les perroquets, on court ainsi un instant, puis on met la barre dessous pour venir amortir l'aire au point où on veut laisser tomber l'ancre, et on mouille aussitôt que le navire cule. La bitture file, le navire fait tête, et on cargue la brigantine.
Si on se sert de câbles-chaînes, on passe avec de l'aire sur le point où l'ancre doit tomber, on la mouille et on ne revient au vent que lorsque la chaîne en filant sur la bitte casse l'aire et force le navire à faire tête. Le mouvement est assez vif pour qu'il soit inutile de l'augmenter en conservant la 84 brigantine. On peut la carguer en même temps que les autres voiles.
Si on vient largue, après s'être mis sous une voilure maniable, on se dirige sous le vent du point où on veut mouiller, mais de manière à laisser assez d'espace au navire pour ranger au vent sur son aire. Parvenu à une distance convenable, on hâle-bas les focs, on cargue les voiles moins la brigantine, qu'on met dehors si on ne l'a pas, et on met la barre dessous. Le navire range au vent, et vient s'amortir sur le point désigné, où on laisse tomber l'ancre aussitôt qu'il cule. Si on a rangé au vent trop tôt, on coupe l'aire en brassant sur le mât les voiles carguées.
On voit qu'il est impossible de fixer le moment où on doit carguer et lancer au vent, puisqu'il dépend de la force du vent, de la vitesse ou de la dimension des navires qui conservent leur aire d'autant plus que leur masse est plus considérable.
Pour mouiller avec les câbles-chaînes, comme il est inutile de culer, il ne s'agit plus que de venir sur le point où on veut mouiller avec une vitesse convenable, et à moins d'une faible brise, il faut carguer les voiles avant de laisser tomber l'ancre, 85 ou on pourrait fatiguer la chaîne et les bittes outre mesure.
Si après avoir mouillé on devait éviter au courant et non au vent, il faudrait mouiller de manière à ne pas passer sur son ancre en évitant au courant, dont on connaît la direction, ou garder assez de voiles, après avoir mouillé, pour faire passer le navire sous le vent de son ancre en les masquant.
La manœuvre à faire pour mouiller de mauvais temps ne diffère en rien de celle qu'on exécute pour mouiller d'un temps maniable; il est seulement quelques précautions que nécessitent l'état du vent et de la mer.
Avec des chaînes, la manœuvre est absolument semblable, puisque tout consiste à venir sur le lieu où on veut laisser tomber l'ancre avec une vitesse convenable, et à se débarrasser promptement des voiles pour ne pas fatiguer les chaînes. On doit serrer immédiatement après avoir cargué.
Si on mouille vent arrière, il faut, en laissant tomber l'ancre, mettre un peu de 86 barre du côté opposé à l'ancre, pour détacher la chaîne de la joue du navire, qui sans cela raguerait le cuivre du doublage.
En mouillant avec des câbles, l'aulofée sera bientôt limitée, surtout si la mer est forte, et le navire, au lieu de ranger au vent et de culer, dérivera par le travers et tombera sous le vent; c'est alors qu'il faudra mouiller, en serrant s'il est possible les voiles, afin que le navire ne traîne pas son ancre après lui.
Si on vient grand largue ou vent arrière d'un temps forcé, on cargue et on serre les voiles avant d'arriver au point où l'on veut mouiller. Quand on est à petite distance, on met la barre dessous, ou du bord opposé à celui du lieu où on veut mouiller si on est vent arrière, et on borde l'artimon. Le navire prendra le vent par le travers, perdra sa vitesse et dérivera, alors on mouillera, en ayant eu le soin de placer des bosses cassantes sur le câble, pour modérer l'aculée du navire et diminuer la secousse qu'il imprimera à son câble en faisant tête.
On mouille en faisant embossure, lorsqu'on veut présenter le travers à un point déterminé, ce qu'on ne pourrait faire en évitant au vent régnant ou au courant.
Avant d'aller au mouillage, on étalingue à l'organeau de l'ancre qu'on doit mouiller, un grelin qu'on dispose de manière à pouvoir filer en mouillant l'ancre.
Après avoir manœuvré comme nous l'avons dit et filé la quantité de câble ou de chaîne nécessaire, on passe le grelin par-dehors dans une poulie de retour placée dans le sabord de l'arrière ou dans le chaumar d'embossage du bord qu'on veut présenter au vent ou au courant, et on le vire au cabestan, où on le tourne lorsque le travers est bien effacé au point désigné.
Il est inutile de dire que lors même que le vent ou le courant permettrait de présenter le travers au point désigné, il n'en faudrait pas moins venir au mouillage avec une embossure pour s'en servir en cas de changement de vent.
L'adoption à peu près générale des câbles-chaînes a singulièrement simplifié la manœuvre à faire pour mouiller avec précision dans un espace resserré par des dangers ou des navires. L'habitude et la connaissance parfaite des qualités du navire, l'appréciation exacte de l'influence que telle ou telle circonstance avait sur la vitesse et la rapidité de ses mouvemens, pouvaient seules donner au manœuvrier la certitude de venir porter son ancre à un point désigné. On en jugera facilement si on réfléchit à la difficulté qu'on éprouve souvent à prendre des corps morts sur une rade, sans être obligé de laisser tomber une ancre.
Les câbles-chaînes qu'on peut mouiller sans se déranger de sa route et qui n'exigent ainsi pour la manœuvre qu'un bien moins grand espace, évitent, dans les rades resserrées et encombrées de navires, des avaries autrefois très-fréquentes.
On doit toujours venir au mouillage avec les deux ancres des bossoirs disposées, c'est-à-dire qu'elles sont garnies de leurs bouées 89 et de leurs orins; que les bittures des câbles sont prises et élongées, ou que les puits sont ouverts et que les chaînes ont été tournées aux bittes, après avoir laissé de l'avant un mou de trois à quatre brasses.
Si on mouille de gros temps, l'ancre de veille des porte-haubans de misaine doit être étalinguée.
En approchant de terre, aussitôt que la profondeur de l'eau rend le mouillage possible, on débouche les écubiers.
Dès que la sonde à la main peut donner le fond, on place des sondeurs dans les grands porte-haubans, qui donnent alternativement la profondeur et la nature.
Cette manœuvre ne peut s'exécuter que lorsque le vent permet de courir avec au moins un quart de largue sur la ligne où on doit laisser tomber les ancres. Elle exige de grandes précautions, car si le câble ou la 90 chaîne était retenu en filant, le navire rappellerait et manquerait sa manœuvre.
Supposons qu'on veuille affourcher S. E. et N. O., et qu'on vienne du sud, la première ancre qu'on laissera tomber sera celle du S. E. On se met sous une voilure convenable, mais il vaut mieux avoir trop que trop peu de voiles, car si on n'a pas assez de vitesse, le câble et surtout la chaîne seront mal élongés; leur poids fera dériver le navire, il tombera sous le vent, et la deuxième ancre ne sera pas dans le relèvement voulu.
Venant donc avec une vitesse suffisante, on gouverne au vent de N. O., on laisse tomber l'ancre du vent qui sera celle du S. E., puis on arrive promptement un peu sous le vent du N. O.; on court ainsi jusqu'à ce que la touée de S. E. soit presque filée, et on lance au vent en carguant vivement les voiles et mouillant la deuxième ancre.
On vire sur l'amarre du S. E. en filant celle du N. O., jusqu'à ce qu'il y ait dehors une égale quantité de chacune d'elles.
Après avoir mouillé l'ancre du S. E., on gouverne un peu sous le vent du N. O., parce que si on gouvernait au N. O., en lançant au vent pour mouiller la deuxième ancre, on dépasserait la ligne du relèvement.
Le câble de la touée de la première ancre doit être entièrement élongé sur le pont par plis dans toute la longueur, afin de pouvoir filer avec la plus grande facilité.
Si on affourche avec des chaînes, on ouvre leurs puits et on met sur l'avant de la bitte de la première ancre, une quantité de chaînes plus considérable que dans les mouillages ordinaires, afin que le choc occasionné par la chute de l'ancre imprime une assez grande force pour faire filer avec rapidité la chaîne sur sa bitte.
Si la brise était faible, on pourrait décapeler le tour de bitte et laisser filer la chaîne sur son rouleau, ayant bien soin de l'étrangler à temps pour qu'elle ne file pas jusqu'à l'étalingure de la cale, afin d'éviter de se servir de la tournevire pour se haler dessus.
Si on avait le vent de l'arrière pour affourcher, 92 on mouillerait sa première ancre, puis, rappelant au vent, on culerait en mettant les voiles sur le mât, et on irait ainsi laisser tomber la seconde.
On ne peut affourcher à la voile qu'avec une brise maniable et une belle mer; il serait dangereux de le tenter avec un vent frais et une grosse mer, car alors on est moins sûr de la précision des mouvemens du navire, qui sont dans cette manœuvre de la plus grande importance, pour ne pas la manquer.
Il faut aussi se bien rendre compte de l'action des courans, parce que s'ils sont violens, ils auront une grande influence sur le navire dans le moment où il ira porter sa deuxième ancre, puisque, bridé par le câble, il ne sent plus aussi bien l'effet de la voilure et de son gouvernail.
Si les courans sont sur la perpendiculaire de la ligne du relèvement, on les neutralise facilement en gouvernant pour mouiller la deuxième ancre au vent ou sous le vent de la ligne. S'ils suivent la ligne du relèvement, ils accélèrent ou retardent le mouvement, il n'y a donc qu'à diminuer ou augmenter de voiles. Enfin s'ils sont sur une ligne oblique, il faut faire entrer leur appréciation dans la 93 route qu'il faut faire suivre au navire pour parvenir exactement au point désigné.
Des Abordages.
L'abordage est la manœuvre qui joint d'assez près deux navires ennemis, pour que, liés entr'eux par les grappins jetés par l'abordeur, son équipage puisse passer sur le navire abordé, afin de l'enlever.
Celui des deux navires qui juge que l'abordage peut lui être favorable, doit avoir une marche supérieure à son ennemi; sans cela, celui-ci sera toujours le maître d'éviter l'abordage, à moins que des avaries dans sa mâture ne lui aient donné une infériorité de vitesse.
Quelle que soit la supériorité de marche de l'abordeur, si l'abordé est manœuvré par un capitaine de sang-froid et expérimenté, il lui sera souvent facile non-seulement d'éviter l'abordage, mais encore de mettre son ennemi dans une position dangereuse.
L'abordeur doit veiller non-seulement à 94 sa manœuvre, mais encore prévoir, s'il est possible, celle de son ennemi, ou au moins l'imiter promptement pour paralyser ses tentatives et parer aux inconvéniens et aux dangers qu'il pourrait courir par une manœuvre habile du navire abordé.
L'abordeur ayant une supériorité de marche, se place dans la hanche du vent de son ennemi; lorsqu'il juge le moment favorable, il fait une petite arrivée sur la hanche du vent, et le prolonge en revenant vivement à la même route que lui en lui lançant ses grappins.
Mais si aussitôt que les grappins sont jetés, l'abordé contre-brasse devant, brasse carré derrière, cargue la brigantine et met la barre dessous, il culera avec rapidité, fera casser les cartahus des grappins, et se trouvera bientôt de l'arrière de son ennemi, qu'il pourra inquiéter en virant lof pour lof sous sa poupe.
L'abordeur sera obligé d'imiter cette manœuvre, et s'il la fait en temps opportun, il virera en même temps que son ennemi, et ils se trouveront encore abordés quoique ayant changé d'amures.
Mais comme l'abordé a primé de manœuvre, qu'il entraîne avec lui son adversaire, que ses voiles seront plutôt orientées à l'autre bord, il lui sera facile, en forçant de voiles, d'acquérir une vitesse plus grande, de faire casser les cartahus des grappins, et de se détacher.
L'abordeur se place dans les eaux de son ennemi, et même un peu au vent; à une demi-encâblure environ, il arrive de manière à raser sa bouteille avec la civadière, puis redresse sa route et élonge sous le vent en jetant les grappins.
Mais cette manœuvre dont la réussite est assurée par l'avantage de marche, peut avoir les conséquences les plus terribles pour l'abordeur.
Si l'abordé a bien jugé la manœuvre de son adversaire, il a tout disposé pour évoluer avec célérité, et au moment où il voit son ennemi faire une arrivée pour le prolonger sous le vent, il contre-brasse devant, brasse à culer derrière, cargue la brigantine et met la barre dessous. Amortissant son aire ainsi 96 promptement, et arrivant avec célérité par l'effet de ses voiles de l'avant contre-brassées, il tombe en travers sur le beaupré de son ennemi, l'engage dans ses haubans, et dans cette position l'enfile avec toute son artillerie.
Les rôles peuvent alors changer, et l'abordé devenir abordeur, s'il manœuvre avec habileté et sang-froid. Protégé par son artillerie, il peut lancer son équipage sur le pont de son ennemi, que cette manœuvre a dû étonner, et peut-être décourager. Il profite du moment où le beaupré est engagé pour en hacher toutes les manœuvres, surtout les sous-barbes et les étais, et s'il y a réussi et que son équipage soit numériquement trop faible pour lutter avec avantage, il évente force de voiles pour se dégager et se fait chasser au plus près, en virant fréquemment de bord vent devant, manœuvre que son ennemi ne pourra imiter si ses étais ont été coupés.
Si cette manœuvre est bien exécutée, elle mettra toujours l'abordeur dans une position critique, ou au moins le fera renoncer à son projet; car quelle que soit sa promptitude à imiter les mouvemens de son ennemi, il sera dans cette circonstance trop primé de manœuvre 97 pour pouvoir en paralyser les résultats par une évolution semblable. Le seul parti à prendre, peut-être, serait, s'il en était temps encore, de lancer au vent pour prendre à l'autre bord.
L'abordeur passe au vent de son ennemi, à petite distance, et parvenu à une ou deux longueurs de sa joue du vent, il arrête son aire en brassant carré derrière; contre-brasse de vent et cargue la brigantine pour abattre; met la barre dessous aussitôt que l'aire est amorti, et tombe ainsi en travers sur le beaupré de son adversaire, qui ne peut trouver d'autres moyens de l'éviter qu'en imitant sa manœuvre, mais qui étant primé dans le mouvement, pourra difficilement se soustraire à un abordage dangereux.
Cependant, s'il a prévu le mouvement à temps, il peut mettre tout à culer, hâler-bas les focs; mettre la barre dessous, puis la dresser, et la changer lorsque le navire cule. Il est possible que si l'aculée se prononce promptement, l'abordeur dépasse le beaupré et soit alors obligé de manœuvrer pour prolonger sous le vent.
Cet abordage est sans contredit le plus terrible pour l'abordé, celui auquel il se soustrait le plus difficilement, et dont la non-réussite offre le moins de désavantage à l'abordeur.
Si on veut aborder en courant largue, la manœuvre ne diffère pas essentiellement de celles que nous avons décrites pour aborder au vent ou sous le vent, courant au plus près.
Pour aborder au vent, l'abordeur se placera dans la hanche du vent, et par sa supériorité de marche prolongera son adversaire d'aussi près qu'il voudra pour lui lancer ses grappins. Mais celui-ci qui court largue, peut en rangeant vivement au vent, ce à quoi il doit être préparé, ou dépasser l'abordeur, ou mieux encore engager son beaupré.
Cette manœuvre oblige l'abordeur à lofer pour prolonger l'ennemi sous le vent, ou à mettre tout à culer pour dégager son beaupré.
Pour aborder sous le vent, l'abordeur se place dans les eaux, range à toucher la hanche 99 sous le vent, et lofant le prolonge en jetant les grappins. L'abordé, par une arrivée prompte, peut parvenir à lui engager son beaupré comme nous l'avons dit en parlant du plus près.
Si on veut aborder en engageant le beaupré de son ennemi, on le prolonge au vent, et parvenu à petite distance de sa joue, on arrive promptement en ralinguant derrière et mettant la barre au vent. Mais ce mouvement doit se faire très-près de l'ennemi, sans quoi on pourrait le dépasser, si on ne le serrait pas pour l'empêcher de lofer et le mettre dans la nécessité d'accepter l'abordage, ou d'imiter le mouvement en arrivant lui-même, et alors, quelle que soit la vivacité de sa manœuvre, on parviendra au moins à l'aborder par le travers.
Il est inutile de parler de la différence qui existera dans la manœuvre, si les deux navires couraient vent arrière. Elle sera facilement saisie.
On peut vouloir aborder un navire à l'ancre, mouillé dans une rade non défendue, 100 car s'il en était autrement, on aurait à essuyer le feu des batteries de côte, qui pourraient occasionner de graves avaries dans la mâture, et qui compromettraient la sortie.
Il ne faudrait dans ce cas tenter l'attaque qu'avec un vent fait, qui permît d'entrer et de sortir de la bordée.
Mais si la rade n'est pas défendue, ne vaut-il pas mieux réduire l'ennemi par le canon, surtout si le navire surpris par l'attaque n'a pas d'embossure pour se traverser, car alors on peut prendre une position telle, que son artillerie lui soit inutile.
Si on veut aborder, on peut le faire soit en élongeant le navire au vent, ou sous le vent, comme nous l'avons déjà dit; ou mieux encore lui passer de l'avant et engager son beaupré dans les haubans du grand mât, manœuvre qui alors n'offre aucune difficulté. L'abordé, s'il est affourché, filera une de ses amarres pour rappeler sur l'autre, au moment où la manœuvre de son ennemi sera marquée, et la fera manquer, s'il peut parvenir à embarder avec célérité. Mais si ce moyen ne lui suffit pas, il ne reste plus qu'à couper ses câbles et se jeter à la côte en tâchant d'y entraîner son ennemi, qui doit toujours 101 être prêt, pour l'éviter, à laisser tomber une ancre.
L'abordeur peut aussi venir mouiller son ancre sur la bouée de son adversaire, et laissant culer, il l'élongera en jetant à bord ses grappins et arrêtant son câble. Mais il faut mouiller avec une bien grande précision pour être sûr de sa manœuvre.
De la Chasse.
On ne peut chasser un navire avec avantage que si on a sur lui une supériorité de marche, ce dont on s'assure facilement en se mettant aux mêmes amures, et le relevant au compas. Si l'angle de relèvement augmente, c'est une preuve qu'on marche mieux, et on sera sûr alors de le joindre si on manœuvre avec précision et habileté.
Le bâtiment chassé doit profiter avec le plus grand soin de toutes les chances favorables que lui offrent ses qualités et les changemens de temps et de vent. Etant plus faible, et par conséquent moins long que 102 son adversaire, il peut le fatiguer et lui faire perdre du temps, en virant fréquemment de bord vent devant s'il est au vent, puisque le temps des évolutions est en rapport de la longueur des navires. Il peut prendre l'allure qui lui est la plus favorable, changer souvent de route avec promptitude pour primer de manœuvre sur son adversaire, qui est obligé de l'imiter, et qui ne pouvant toujours prévoir ces changemens, perdra ainsi beaucoup de temps.
Si la mer est forte, il ne doit pas balancer à compromettre sa mâture, en virant vent devant pour forcer son ennemi à courir les mêmes risques, ou à virer vent arrière, ce qui lui fera perdre du temps et du chemin.
S'il a reconnu que sa vitesse augmentait par tels ou tels changemens opérés à bord dans la distribution des poids de l'arrimage, il doit les exécuter, s'alléger s'il le faut pour prolonger la chasse, afin de pouvoir atteindre la nuit, car alors une fausse route peut le sauver.
Le chasseur doit relever le bâtiment qu'il veut chasser, et aussitôt qu'il le trouve sur 103 la perpendiculaire à sa route, il vire et continue l'autre bord jusqu'à ce qu'il ait encore ramené le navire chassé sur la perpendiculaire à sa nouvelle route.
Il continue ainsi et doit infailliblement l'atteindre, puisqu'il a un avantage de marche et qu'il vire pour s'en rapprocher dans la position la plus convenable.
La raison de cette manœuvre est bien facile à saisir. Le chasseur virant, lorsqu'il relève le chassé dans la perpendiculaire à sa route, est alors à la plus petite distance possible de son adversaire; virant alors, il gagne sur cette distance la quantité dont il gagne au vent, jusqu'au moment où il le relève encore dans la perpendiculaire de sa nouvelle route. Là, il a encore atteint la plus petite distance qui le sépare, et gagne de nouveau en virant la quantité dont il va s'élever au vent dans cette nouvelle bordée. Cette différence qui, comme on le voit, est l'excédant de marche, finira par les faire trouver bord à bord si les circonstances ne changent pas.
Si le chasseur dépassait la perpendiculaire à sa route, il s'éloignerait et perdrait du chemin nécessairement. S'il commettait la 104 faute grave de chasser dans les eaux et d'y virer à grande distance, le chassé, en virant immédiatement, se retrouverait alors au vent du chasseur de toute la distance qui les sépare, puisque les routes sont parallèles.
C'est dans cette position que le navire chassé doit user de tous les moyens pour gagner au vent; et quoiqu'il paraisse, à la première vue, plus prudent pour lui de conserver toujours le même bord, il peut arriver telle circonstance, comme nous l'avons dit, où il lui soit avantageux de virer fréquemment si ses mouvemens sont plus prompts que ceux de son adversaire, et surtout s'il peut le forcer, en l'imitant, à compromettre sa mâture, car quant à lui il n'a rien à perdre et doit tout tenter pour s'échapper.
Si le chasseur est au vent, il relève son adversaire avec un compas, et gouverne de manière à le tenir toujours au même aire de vent, en ne se dérangeant pas de sa route; car il est évident qu'en continuant ainsi ils viendront se rencontrer au même point. Si le chasseur s'aperçoit que l'angle de relèvement 105 augmente ou diminue, c'est une preuve qu'il est trop au vent ou trop arrivé, et il rectifie sa route, sans quoi il passerait de l'avant ou de l'arrière du vaisseau chassé.
Dans cette position, le navire chassé doit prendre l'allure qui lui est la plus favorable; faire toute la voile possible; s'il a un équipage nombreux, changer souvent d'amures, car il prime de manœuvre et oblige ainsi son adversaire à l'imiter, et lui fait perdre du temps, son évolution étant plus longue et non prévue.
Si le temps est à grains, il ne doit diminuer de voile qu'à la dernière extrémité, et même compromettre sa mâture, s'il peut forcer ainsi son adversaire à l'imiter.
On ne doit pas balancer à se débarrasser de tous les objets qui gênent la manœuvre et qui peuvent retarder la rapidité des évolutions.
Une mâture trop fortement tenue nuit souvent à la marche; et si la brise n'est pas violente, il peut y avoir de l'avantage à donner du mou dans les haubans et les galhaubans. Au plus près, il faudrait se débarrasser de tous les objets qui augmentent l'élévation des œuvres mortes.
De la Tactique Navale.
Il ne peut entrer dans le plan que nous nous sommes tracé, de donner un traité complet de tactique navale, qui ne pourrait être que la copie du traité publié par le gouvernement pour les navires de l'état. Nous nous contenterons d'y prendre quelques définitions et l'indication des ordres.
La tactique navale est l'art de faire mouvoir des vaisseaux réunis en corps d'armée.
On entend par évolutions les mouvemens d'une armée, ou partie d'une armée, pour s'établir dans un arrangement ou un ordre convenu. On comprend sous la classification générale d'évolutions, la formation des ordres; le passage de l'un à l'autre; enfin, leur rétablissement lorsqu'ils viennent à être troublés.
La ligne du plus près est celle que tiennent des vaisseaux qui s'approchent le plus possible du lit du vent. En tactique, cette ligne est réputée faire avec la direction du vent un angle de 67° 30', ou de six des trente-deux divisions de la boussole.
On distingue deux lignes du plus près: un vaisseau court sur la ligne du plus près bâbord, s'il est au plus près, les amures à bâbord; il court sur la ligne du plus près tribord, s'il est au plus près, les amures à tribord.
Des vaisseaux rangés dans les eaux les uns des autres, et faisant la même route, sont en ligne de file . Dans ce cas le relèvement et la route sont représentés par le même rhumb de vent.
Si des vaisseaux en ligne de file gouvernent au plus près, cette ligne de file prend alors le nom de ligne de bataille .
Si des vaisseaux en ligne de file courent, non au plus près, mais deux quarts largue seulement, cette disposition particulière de la ligne de file, qui convient souvent pour combattre, s'appelle ligne de file sur la perpendiculaire du vent .
Mais si des vaisseaux déployés sur une ligne se relèvent les uns les autres sur une aire de vent donnée, et gouvernent sur une autre, ils sont établis sur une ligne de relèvement .
L' ordre en général est la manière déterminée dont les vaisseaux d'une armée doivent 108 être rangés. Il y a différens ordres, selon les circonstances dans lesquelles une armée doit naviguer et peut se trouver.
L'ordre est appelé naturel toutes les fois que chaque vaisseau suit le matelot d'avant qui lui a été assigné par l'ordre de bataille de l'amiral.
L'ordre est dit renversé toutes les fois que les matelots d'avant deviennent matelots d'arrière ; ce qui arrive lorsque les queues deviennent têtes par des changemens de position ou par inversion d'ordre.
La transposition des escadres dans une ligne de bataille ne change pas la dénomination de l'ordre, qui sera appelé naturel si dans chaque escadre les têtes mènent les queues; et il sera renversé, si au contraire dans chaque escadre, les queues mènent les têtes, quand même les escadres seraient à leur poste naturel, c'est-à-dire la seconde escadre à l'avant-garde, la première au corps de bataille, et la troisième à l'arrière-garde.
Les ordres sont: les ordres de marche et les ordres de bataille, que l'on est convenu de distribuer de la manière suivante:
Ordres de marche,
Les ordres ou ligne de bataille,
L'ordre de marche sur trois colonnes réunit le mieux les bâtimens sans les exposer aux abordages; il facilite la prompte formation de la ligne de bataille aussi bien que la surveillance de l'amiral et la transmission des signaux.
Cet ordre suppose que les trois escadres de l'armée se placent sur trois lignes égales et parallèles, dans les conditions ci-après:
On peut appliquer à l'ordre de marche sur deux colonnes ce qui vient d'être dit sur les trois colonnes, les conditions de formation et d'évolution étant, par analogie, les mêmes pour ces deux ordres.
L'ordre de marche sur une ligne de file, grand largue ou vent arrière, s'appelle généralement ordre ou ligne de convoi . C'est la condition de la route vent arrière ou grand largue qui constitue la différence entre cet ordre et la ligne de bataille.
L'ordre de marche sur une des lignes du plus près , est celui dans lequel les vaisseaux courant largue ou vent arrière se relèvent sur une des lignes du plus près.
Ainsi l'on distingue cet ordre en ordre de marche sur la ligne du plus près tribord , et ordre de marche sur la ligne du plus près 111 bâbord, selon que les vaisseaux se relèvent sur l'une ou l'autre de ces deux lignes.
Dans l'ordre de marche sur la perpendiculaire du vent , les vaisseaux courant grand largue, ou vent arrière, se relèvent sur la perpendiculaire du vent.
Des vaisseaux faisant une route quelconque, s'ils se relèvent sur la perpendiculaire de cette route, sont dits en ordre de marche sur cette perpendiculaire, ou en ordre de front .
Des vaisseaux qui tiennent l'amure d'une des lignes du plus près, et qui se relèvent sur l'autre, sont dits en échiquier sur cette ligne.
C'est le relèvement et non pas l'amure qui donne le nom à l'échiquier; ainsi on dit échiquier sur la ligne du plus près tribord , pour exprimer la position des vaisseaux qui se relèvent sous cette ligne et ont les amures à bâbord; et échiquier sur la ligne du plus près bâbord , si les vaisseaux se relèvent sur cette ligne et courent les amures à tribord.
Des vaisseaux rangés en ligne de file au plus près du vent , ou sur la perpendiculaire du vent , sont en ligne de bataille. Cette ligne peut être formée tribord ou bâbord amures, ordre naturel ou ordre renversé.
Mais on entend plus particulièrement par 112 ligne de bataille , la ligne de file dont les vaisseaux courent au plus près du vent. S'il s'agit d'exprimer la ligne de bataille deux quarts largue, on doit dire ligne de file sur la perpendiculaire du vent .
Dans toute formation d'ordre, le vaisseau amiral, ou celui qui est au centre de l'armée, est le régulateur , c'est-à-dire le point sur lequel se règle le mouvement.
Chaque vaisseau doit connaître son relèvement et sa distance par rapport au régulateur.
Si l'armée est en ligne et que l'amiral fasse le signal de forcer ou d'augmenter de voiles , c'est au chef de file à exécuter l'ordre le premier; et s'il s'agit au contraire de diminuer de voiles , le mouvement doit commencer par le serre-file.
Il est établi en tactique, que tout mouvement tout à la fois commence, en ligne de file, par le serre-file, c'est-à-dire que, lorsqu'une armée en bataille ou en ordre de convoi devra virer de bord, arriver ou tenir le vent tout à la fois, aucun vaisseau ne virera, n'arrivera, ou ne tiendra le vent, qu'après que son matelot d'arrière aura commencé le mouvement; ce qu'on exprime en disant qu'il aura marqué sa manœuvre .
S'il s'agit au contraire d'un mouvement successif , c'est au chef de file à commencer.
On dit tenir le vent, arriver par un mouvement successif, lorsque des vaisseaux viennent au vent ou arrivent l'un après l'autre, en suivant le chef de file qui règle la route; s'il est question d'un virement de bord opéré successivement, l'usage le plus général est alors de virer par la contre-marche .
Le principe général est qu'en ligne de bataille, ou dans un ordre de marche quelconque, le mouvement, quel qu'il soit, doit commencer par le vaisseau qui n'en voit pas d'autre du côté où l'on va mettre le cap .
La contre-marche est le mouvement d'une ligne dont les vaisseaux virent successivement de bord, vent devant ou vent arrière, pour prendre les eaux du chef de file. Ainsi l'on dit, pour exprimer cette double évolution, virer de bord vent devant par la contre-marche; virer de bord lof pour lof par la contre-marche.
Les pièces d'artillerie dont on se sert dans la marine sont les canons, les caronades, les pierriers et les espingoles. Ces deux dernières armes ne s'emploient guère que sur les hunes et les embarcations.
Les canons et les caronades sont en fer coulé; les caronades ne sont autre chose que des canons courts, légers, modifiés en quelques parties accessoires, installés différemment, et qui, dans certains cas, ont plusieurs avantages sur les canons.
Elles se manœuvrent plus facilement et avec moins de monde; elles se chargent plus vite; elles laissent plus d'espace libre dans 115 les batteries, et elles fatiguent moins les ponts.
De leur côté, les canons ont leurs avantages particuliers. Ainsi, ils portent plus loin dans les mêmes circonstances; à distance égale, ils percent les vaisseaux ennemis plus facilement que les caronades, mais font moins d'éclats lorsqu'on se bat de près, et sont par conséquent moins dangereux. Ils sont plus longs, par conséquent d'un pointage plus sûr et d'un danger moindre sous le rapport de l'incendie; la rupture de la brague n'est ni aussi fréquente ni aussi grave, enfin leur recul adoucit davantage les secousses communiquées à la muraille des vaisseaux.
On désigne les canons et les caronades par le nombre de livres que pèsent les boulets ou projectiles ronds qu'ils sont destinés à lancer; le diamètre de ces boulets détermine celui du creux du cylindre de la pièce; et ce poids, ou indifféremment ce dernier diamètre, est ce qu'on appelle le calibre de la bouche à feu.
Les canons en usage à bord sont ceux des calibres de 36, 30, 24, 18, 12 et 8, c'est-à-dire dont les boulets pèsent à très-peu près ce même nombre de livres; les caronades ont les mêmes calibres, à l'exception de celui de 8.
Pour diminuer la confusion et les inconvéniens 116 d'avoir plusieurs calibres à un même bord, on tend à généraliser celui de 30.
Pour chaque calibre de canons il y a deux sortes de pièces, savoir: les longues et les courtes, et celles-ci n'ont d'autre différence avec les premières, que d'avoir moins de longueur et plus de légèreté.
On trouve dans le tableau ci-dessous la longueur totale, le poids de ces diverses pièces, et le diamètre de leurs boulets.
Calibre. | Longueur du Canon long. | Longueur du Canon court. | Longueur de la Caronade. | Poids du Canon long. | Poids du Canon court. | Diamètre du Boulet réglementaire. | |||||||
p. | p. | p. | p. | p. | p. | liv. | liv. | p. | lig. | ||||
36 | 10 | 1 | 9 | 7 | ½ | 5 | 7 | 7.174 | 6.187 | 6 | 3 | ||
30 | 9 | 8 | ¾ | 9 | 1 | ½ | 5 | 6 | 6.200 | 5.318 | 5 | 10 | 5 ⁄ 4 |
24 | 9 | 5 | ½ | 8 | 9 | 4 | 10 | 5.120 | 4.321 | 5 | 5 | ⅕ | |
18 | 8 | 10 | ½ | 8 | 3 | 4 | 5 | 4.214 | 3.506 | 4 | 11 | ½ | |
12 | 8 | 3 | 7 | 6 | ¾ | 3 | 10 | 2.997 | 2.398 | 4 | 4 | ||
8 | 8 | 7 | 5 ⁄ 4 | 7 | 5 | 5 ⁄ 4 | » | » | 2.388 | 2.062 | 3 | 9 | ½ |
Les caronades pèsent environ le tiers du canon long du même calibre.
Les canons et les caronades sont les bouches à feu dont on munit les batteries et les gaillards des bâtimens de guerre; la nomenclature et les explications suivantes compléteront cette définition. 117
L'âme ( fig. 1.) | a | reçoit la charge. |
La bouche | b | entrée de l'âme. |
* Les tourillons | c | sorte d'essieux qui maintiennent la pièce sur son chariot ou affût. |
* Les embases | d | épaulement de tourillons. |
La volée | e | commence à la gorge qui est en avant des tourillons et finit à la bouche. (On appelle l'avant de la pièce le côté de la bouche, et l'arrière le côté opposé.) |
La tranche | f | surface plane percée par la bouche, et qui termine la volée en avant. |
Le bourrelet | g | renflement près de la bouche. |
* La tulipe | h | partie creuse en arrière du bourrelet. |
* La plate-bande de volée | i | cordon à la naissance de la tulipe. |
La lumière et le champ de lumière | j | tronc et creux où se placent la capsule, l'étoupille, ou la poudre d'amorce. |
Le support de la platine | k | ex-croissance près de la lumière pour placer le ressort, appelé platine, qui doit mettre le feu. |
* L'astragale de la lumière | l | cordon en avant de la lumière. (Les canons courts n'en ont pas.) 118 |
La plate-bande de culasse | m | renflement en arrière de la lumière. |
La culasse | n | partie de la pièce en arrière de la plate-bande de culasse. |
Le renfort | o | partie de la pièce qui commence à la gorge de la plate-bande la plus en arrière et qui finit à la volée. |
Le cul-de-lampe | p | façon de la culasse de l'arrière. |
Le bouton | q | extrémité de la pièce du côté de la culasse et en forme de boule. |
Le collier du bouton | r | partie étranglée par laquelle le bouton tient à la culasse. |
L'anneau de brague | s | anneau qui tient à la culasse et au bouton. (Quelques canons n'en ayant pas encore, la brague passe alors dans une cosse estropée au collet.) |
Pour la Caronade.
La caronade a les mêmes parties que le canon, moins celles marquées d'un astérisque (*), et il faut y ajouter les suivantes:
L'encampanement ( fig. 2) | t | entrée évasée de l'âme pour appuyer le boulet en l'introduisant lors de la charge. 119 |
Le trou de vis de pointage | u | percé dans le bouton de culasse. |
Le support à tourillons | v | maintient la pièce sur l'affût au moyen d'un boulon, dit boulon-tourillon. |
Ces pièces sont portées sur des espèces de chariots nommés affûts qui servent à les manœuvrer, et dont suivent également les parties en bois ou en fer dont ils se composent.
Affût du Canon. (Parties en bois.)
2 flasques ( fig. 3) | a | pièces principales où sont les encastremens de tourillons. |
Le croissant | b | placé en travers des flasques en avant pour faciliter le pointage, et composé de deux pièces dont une à charnière. |
L'entretoise | c | joint et maintient les deux flasques dans le sens de la hauteur, et sert d'appui au croissant. |
2 essieux | d | supportent les flasques. |
4 roues | e | sur lesquelles reposent les essieux. |
La sole | f | est située entre les flasques et joint les essieux entre eux. 120 |
Affût de Canon . (Parties en fer.)
Le boulon d'assemblage et son écrou | g | réunissent les flasques et l'entretoise. |
2 charnières du croissant | h | pour rendre une partie du croissant mobile. |
2 clous à rivet de tête de flasques | i | pour empêcher les flasques de se fendre. |
2 sus-bandes et clavettes | j | maintiennent les tourillons en dessus. |
2 chevilles à mentonnet avec écrou et rosettes | k | retiennent les sus-bandes et fixent l'essieu d'en avant aux flasques. |
2 chevilles à tête ronde | l | contiennent le bois des flasques (près du premier adent). |
2 chevilles à tête carrée | m | fixent l'essieu d'en arrière aux flasques. |
2 pitons de manœuvre | n | sur le dernier adent pour la manœuvre de la pièce et pour la mettre à la serre, ou l'assujettir de mauvais temps. |
2 pitons de côté | o | contre les flasques pour amarrer la pièce à garans doublés. |
121 2 anneaux de brague | p | pour servir de conduite à la brague. |
4 esses et leurs viroles | q | pour retenir les roues dans leurs essieux. |
2 fourrures d'anspect | r | sous les flasques en arrière de l'essieu pour le garantir de l'action des leviers appelés pince et anspect. |
Piton carré de manœuvre
Piton rond de manœuvre |
pour le pointage à l'aide de l'anspect et de la pince. | |
Piton de retraite | contre l'essieu de derrière pour crocher le palan de retraite. |
Affût de la Caronade. (Parties en bois.)
La semelle ( fig. 4.) | a | reçoit et supporte la caronade. |
Le châssis | b | porte la semelle qui se meut dans sa coulisse. |
Les supports de châssis | c | taquets qui supportent le châssis. |
Parties en fer de la Semelle.
Le boulon-tourillon | d | est passé dans le support pour servir de tourillon. |
2 crapaudines | e | placées en avant et reçoivent le boulon-tourillon. 122 |
4 boulons d'assemblage | f | deux placés en avant, et deux fixant les anneaux de la brague; tous les quatre maintiennent la semelle. |
2 boucles de brague avec plaque | g | aux deux tiers de la longueur; elles servent à passer la brague et diminuer l'effort qui fait basculer la pièce lors du tir; elles peuvent servir à palanquer la semelle. |
Plaques de levier et de vis de pointage avec leurs rivets | k | placées contre le derrière, le dessus et le dessous de l'affût, pour prévenir les dégradations des leviers et vis de pointage. |
Le pivot | l | traverse le châssis et facilite son mouvement de rotation. |
Parties en fer du Châssis.
La cheville ouvrière, sa plaque, etc | j | pour mouvoir obliquement la tête du châssis, tout en la maintenant contre le bord. |
Le piton de cheville ouvrière | sa tête reçoit la cheville ouvrière, et sa tige traverse le bord; il maintient le châssis au moyen de la cheville ouvrière. 123 | |
Le boulon d'assemblage | pour maintenir le bois du châssis et le manœuvrer. | |
4 boulons de support | fixent le châssis sur le support. | |
Le briquet avec rivets | Plaque de fer qui reçoit le choc du pivot et de la rondelle, et qui empêche l'écartement des deux côtés opposés. | |
La plaque du levier de pointage | comme celle de la semelle. (Dans les grandes obliquités on peut pointer par le châssis, ce qui diminue l'obliquité de la semelle, et par conséquent l'effort qui en résulte sur le châssis lors du tir.) |
Les canons, les caronades et leurs affûts sont manœuvrés ou retenus à bord au moyen de divers cordages et palans, dont l'ensemble constitue le gréement de la pièce. Outre ce gréement, chaque pièce nécessite encore l'usage de divers ustensiles qui servent à son service et à son pointage, et qui sont connus sous le nom d'armement.
Gréement du Canon.
La brague | fort cordage qui retient la pièce après l'effet du recul. | |
2 palans de côté | pour manœuvrer le canon et le contenir au roulis. | |
Le palan de retraite | pour tenir le canon au recul après le tir, le mettre hors de batterie et à la serre. | |
La croupière | pour accrocher le palan de retraite. | |
L'estrope de culasse | pour accrocher le palan de retraite quand le canon est à la serre. | |
Le raban de volée | pour assujettir la volée au fronteau de volée, quand on met le canon à la serre. | |
L'aiguillette | pour brider la brague avec les palans de côté, quand on met les canons à la serre. | |
L'itague, le palanquin et deux rabans | pour ouvrir et tenir fermé le mantelet de sabord. |
Gréement de la Caronade.
La brague | fort cordage qui maintient la pièce contre le sabord et l'empêche de reculer. (C'est ce qu'on appelle brague fixe; l'installation de la brague du canon s'appelle à brague courante.) |
Armement du Canon.
Le coussin, 2 coins de mire | sur la sole de l'affût pour élever le canon au pointage. | |
L'anspect ou levier | sert au servant de gauche pour pointer. | |
La pince | sert au servant de droite pour pointer. | |
Le tire-bourre et la cuillère | pour décharger la pièce. | |
La platine ou batterie | ressort à l'instar de celui du fusil pour mettre le feu à la pièce. | |
La boîte à capsules et les capsules | la capsule est un petit tuyau fait d'une légère feuille de cuivre, contenant de la poudre fulminante pour mettre le feu à la charge au moyen de platines à piston ou à percussion. | |
La corne d'amorce | étui qui contient la poudre d'amorce pour les platines à pierre, ou pour les cas où l'on n'a plus de platines. | |
Le dégorgeoir | pour dégager la lumière et crever la gargousse. | |
L'épinglette | pour diriger la poudre dans la lumière. 126 | |
La boîte à étoupille et les étoupilles | l'étoupille est un tuyau de plume plein d'artifice, destiné à mettre le feu à la charge. | |
Le doigtier | forte peau que le chef de pièce met à son doigt pour pouvoir boucher la lumière quand la pièce est très-chaude. | |
Le couvre-lumière et ses rabans | pour couvrir la lumière quand la pièce est au repos. (La lumière est en outre fermée par un bouchon d'étoupe garni de suif, nommé étoupillon.) | |
La tape | pour fermer la bouche de la pièce. | |
Le gargoussier | boîte dans laquelle on apporte de la soute, la gargousse ou le sac contenant la charge de poudre. | |
Le boute-feu avec sa tresse | pour mettre le feu à la pièce si on amorce avec de la poudre. | |
Les valets | pelotes en fil de carret pour assujettir le boulet dans la pièce. | |
L'écouvillon | pour nettoyer l'intérieur de la pièce quand elle a fait feu. 127 | |
Le refouloir | pour enfoncer la charge. (Pour les calibres de 12 et au-dessous, l'écouvillon et le refouloir, la cuillère et le tire-bourre, sont sur la même hampe; alors la tête de l'écouvillon est tournée du côté de la culasse pendant le service de la pièce.) | |
La baille (contenant de l'eau) | pour mouiller la poudre qui peut tomber sur le pont, et pour rafraîchir la pièce au besoin. | |
Le faubert | pour le service de la baille ci-dessus. |
Armement de la Caronade .
La vis de pointage | pour élever et abaisser la pièce au pointage. (Des coins de mire sont alloués pour suppléer la vis au besoin.) | |
Le levier en fer | tient à la semelle par une goupille pour lui donner la direction convenable. (Des anspects et des pinces sont allouées afin de suppléer le levier au besoin.) | |
Le tire-bourre, la cuillère, etc. | comme pour l'armement du canon. 128 |
En outre des objets d'armement ci-dessus, le dernier servant de droite pour les canons, et le servant de gauche pour les caronades, ont devant eux un petit tablier contenant des pierres à feu de rechange (si les platines sont à pierres), et du vieux linge pour nettoyer la platine: une corne d'amorce garnie est allouée en cas de besoin pour chaque pièce, et elle est suspendue dans les batteries le long du bord, entre les baux, ou disposée à la sainte-barbe.
Enfin, dans les grands bâtimens, deux canonniers par batterie ont un grand sac contenant un vilebrequin, quatre vrilles, un tournevis, quatre platines, des capsules, des étoupilles s'il y a lieu, de la ligne pour platine, et du vieux linge pour obvier aux accidens. Sur les bricks et bâtimens au-dessous il n'y a qu'un grand sac.
On donne le nom de projectiles à tous les corps lancés dans l'espace, mais plus particulièrement à ceux qui le sont par l'explosion de la poudre.
Dans la marine, les projectiles sont les boulets ronds, ou simplement les boulets; les boulets ramés, les grappes de raisin ou la grosse mitraille, et les boîtes ou paquets de mitraille; ces derniers, connus aussi sous le nom de petite mitraille, ne s'emploient plus guère que dans les pierriers.
Les boulets ronds sont en fer fondu, et autant que possible sans aspérités ou cavités; leur destination principale est de percer la muraille des vaisseaux et d'abattre les mâts.
Le diamètre d'un boulet et en général de tout projectile, est un peu plus petit que celui de la pièce, afin d'y pouvoir entrer librement; la petite différence qui existe entre ces deux diamètres s'appelle le vent du boulet.
Le vent ne doit pas dépasser certaines limites qui sont fixées pour chaque calibre; il faut donc que chaque projectile ait le diamètre prescrit; et l'on appelle calibrer, l'opération par laquelle on s'en assure: elle se fait au moyen de deux lunettes en métal, dont l'une a trois points de plus, et l'autre six points de moins que le boulet réglementaire.
On rejette tout boulet qui ne passe pas en tous sens par la première, ou qui passe dans un sens quelconque dans la seconde. Le boulet de 36 a 2 lignes 6 points de vent, ceux de 30 et de 24 2 lignes 3 points, et ensuite en diminuant de trois points par calibre; le vent est d'une ligne 6 points pour les boulets de toutes les caronades; plus un boulet a de vent, plus la poudre perd de son action, et moins la pièce a de portée et de justesse dans le tir.
Les boulets ramés sont deux lentilles de fonte réunies par une tige en fer dont la longueur a deux diamètres du boulet; leur forme s'oppose à ce qu'ils portent aussi loin que les boulets ronds, et à ce qu'ils pénètrent la muraille des gros vaisseaux; mais ils peuvent produire de grands effets sur la mâture et 131 le gréement de l'ennemi, et quand le peu d'éloignement du bâtiment ennemi, ou la faiblesse de ses murailles, permettent qu'ils entrent à bord, ils y occasionnent des éclats considérables.
Les grappes de raisin sont un assemblage de balles de fontes assujetties autour d'une tige de fer qui tient à une plaque ronde de même métal; celle-ci, qui sert de base au projectile, est du diamètre du boulet, et ces balles sont retenues par une espèce de coiffe en grosse toile peinte, liée en plusieurs sens: il en résulte une grappe à-peu-près cylindrique, dont le poids et la longueur sont réglés par un tarif. La portée des grappes de raisin est environ les deux tiers de celle des boulets ramés; leurs balles ou biscaïens rompent leur enveloppe au sortir de la pièce; elles divergent et elles sont très-propres de près (à deux encâblures par exemple) à couper des manœuvres ou à détruire des hommes au sabord, et sur les ponts quand on se bat sous le vent, ou que ces hommes sont faiblement abrités.
Les boîtes de mitraille se composent d'une boîte cylindrique de fer-blanc dont la base a le diamètre du boulet et qui contient de 132 petites balles; la longueur de la boîte est déterminée par un tarif. La portée de cette mitraille est à-peu-près celle des grappes de raisin; mais ces petites balles, après leur échappement, ont encore moins d'action que les biscaïens; elles ne peuvent être efficaces que contre des embarcations ou contre des hommes entièrement à découvert.
La charge se compose d'une gargousse, d'un ou de deux projectiles, et d'un valet.
La gargousse est un sac du calibre de la pièce, et dans lequel est contenu la poudre destinée à faire l'explosion; cette quantité de poudre est réglée ainsi qu'il suit: pour éprouver un canon, la moitié du poids du boulet de même calibre; pour le combat, le tiers dudit poids; pour salut ou pour signaux, le quart. Quand les pièces doivent rester chargées, on met sur la gargousse un valet qui est attaché à cette gargousse, pour pouvoir la retirer facilement, s'il y a lieu. La charge de la caronade pour le combat est de 1 ⁄ 9 du poids du boulet, et pour salut le 1 ⁄ 12 ; celle du pierrier est le ⅕, et celle de l'espingole le 1 ⁄ 10 .
Les gargousses aujourd'hui ne sont plus ordinairement préparées à bord des bâtimens; ceux-ci les reçoivent du magasin, conformément 133 au réglement, et la poudre qui est ainsi préparée et délivrée par les magasins, s'appelle l'apprêtée.
Lorsqu'une pièce a tiré plusieurs fois de suite, elle s'échauffe, la presque totalité de la poudre s'embrase, et l'on en diminue alors par précaution la quantité; c'est ce qu'on appelle saigner la gargousse; ainsi l'on conserve à-peu-près la même portée qu'auparavant, l'on préserve la pièce du danger d'éclater, et les affûts ainsi que les bâtimens sont moins fatigués.
On met dans les canons, un, deux ou trois projectiles. Ce dernier cas doit être fort rare et peu répété tout de suite, car il y aurait danger que le canon n'éclatât; d'ailleurs la portée se trouvant par là très-diminuée, on ne doit l'employer que de fort près et sur un ordre supérieur.
Il y a toujours inconvénient à charger un canon avec deux projectiles de différente espèce, à cause de l'inégalité des portées; mais alors en se réglant sur la différence des vitesses de ces projectiles, on introduit le boulet ramé avant le boulet rond, et de même la boîte de mitraille, ou la grappe de raisin avant le boulet ramé. La brague des caronades 134 devant être très-ménagée, on ne doit charger ces pièces avec deux projectiles que rarement, et pour ainsi dire jamais avec trois.
Au surplus, quand on traitera de l'exercice, on indiquera plus particulièrement quelle est exactement la manière de procéder pour charger une pièce.
Ceux qui ont écrit sur la portée des charges à plusieurs projectiles ne sont nullement d'accord sur leur résultat et leur emploi. Nous allons rapporter quelques expériences.
Dans les épreuves exécutées en France en 1783, deux boulets ronds de 36 lancés à la fois par 12 livres de poudre, sous un angle de projection de 17°, ont porté à 1,200 toises; et dans les mêmes circonstances la portée d'un boulet de même calibre, tiré seul, fut de 1,450 toises.
La portée de deux boulets ronds de 24, lancés par 8 livres de poudre sous le même angle de 17°, a été de 1,090 toises, et celle d'un seul boulet de 24, de 1,360 toises. Les canons des autres calibres en usage dans la 135 marine, tirés alternativement aussi avec un et deux boulets, ont offert des résultats analogues, et confirmés d'ailleurs par des épreuves de même nature, qui furent exécutées en Angleterre en 1793.
La divergence des boulets tirés ensemble paraît très-fondée lorsque le but est éloigné; ainsi on ne doit pas les permettre au-delà de 300 toises. Mais de très-près, et lorsqu'on tire sur des navires offrant par leur gréement et leur voilure une grande surface, il est assurément très-avantageux de tirer deux boulets au lieu d'un, surtout s'ils sont de gros calibre; car non-seulement ils auront la force de traverser les murailles les plus épaisses, et ils feront deux trous au lieu d'un, mais encore chacun d'eux enlèvera plus d'éclats.
En outre, lorsqu'on est à bout portant, comme dans certains passages à poupe, ou dans l'instant d'un abordage, il convient extrêmement de charger tous les canons avec trois projectiles, dirigeant ceux du petit calibre contre les bastingages, et les autres contre la partie du navire ennemi dont l'élévation correspond à la leur [3] .
Des expériences faites à Brest prouvent que les balles de nos fusils de munition, avec leur charge de poudre accoutumée, et tirées de 20 à 50 toises de distance, possèdent plus que la force nécessaire pour traverser les bastingages les plus épais qui se trouvent généralement à bord des bâtimens [4] . Or trois boulets d'une livre lancés par 6 onces de poudre, étant animés chacun d'une plus grande quantité de mouvement que les balles susdites, et pouvant s'enfoncer davantage dans un corps solide, traverseront, à plus forte raison, avec une extrême facilité toute espèce de bastingage usité. Les boulets d'une livre sont au reste les plus petits qu'on emploie à bord des navires français; ce sont ceux de pierriers. Donc aussi les boulets des autres bouches à feu peuvent être tirés avec succès trois à la fois contre les bastingages, et même contre la muraille des gaillards, qui a rarement plus de 8 à 10 pouces d'épaisseur [4] .
Si la divergence des boulets ronds tirés ensemble est considérable, elle l'est encore bien davantage si la charge se compose d'un boulet rond et d'un boulet ramé. Voici ce que 137 dit à ce sujet M. Cornibert: «J'assurerai que pendant deux ans que j'ai été inspecteur de la fonderie de Nevers, il a été tiré plus de deux mille coups de canon à plusieurs boulets ronds et ramés pour épreuves ordinaires et extraordinaires des bouches à feu fabriquées dans cet établissement. Les canons et caronades placés sur des traîneaux et plateaux très-solides, reposant sur la terre, quelquefois molle, dans toute leur longueur, étaient pointés, avec tout le soin possible, contre une butte distante de 150 toises au plus du lieu de départ des boulets, et d'ailleurs assez large pour n'être jamais manquée dans le tir ordinaire. Malgré toutes les précautions prises et la régularité du pointage, que quelquefois j'ai fait rectifier avec un cordeau, la moitié et plus des boulets manquait la butte; un boulet frappait au pied, tandis que l'autre allait frapper plus loin, en passant par-dessus. Ces irrégularités ne pouvaient certainement être occasionnées que par le choc de projectiles l'un contre l'autre dans la pièce en en sortant. Aux épreuves à outrance, on s'est servi de boulets ramés, bien justes dans leurs dimensions, fabriqués soigneusement et avec du bon fer aux forges 138 de Guérigny; presque tous se sont cassés sortant des pièces; rarement ils ont atteint la butte, et des morceaux ont été trouvés très-écartés à droite et à gauche de la direction du tir.»
Au reste, l'emploi du boulet ramé doit être peu fréquent; mis dans la pièce avec un boulet rond, comme il s'abaisse davantage que celui-ci, à distances égales, il arrivera que si l'on veut endommager le gréement, le boulet rond passera par-dessus ou n'y fera que peu d'avaries en ne rencontrant que des manœuvres élevées; que si au contraire le boulet rond rencontre les bas mâts et les basses vergues, le boulet ramé rencontrera la coque qu'il est incapable de traverser.
La charge composée d'un boulet et d'un paquet de mitraille est sujette aux mêmes inconvéniens et ne doit être employée que de très-près.
La charge à double projectile avec boulets ronds ne doit pas être employée au-delà de 300 toises; et celles composées d'un boulet rond et d'une mitraille, ou un boulet ramé, au-delà d'une encâblure.
Ce n'est qu'à très-petites distances qu'on peut espérer de tirer un parti avantageux de 139 doubles charges des caronades, et on ne peut continuer long-temps à s'en servir sans craindre la rupture presque certaine de la brague.
On ne doit jamais commencer le feu avec des caronades sans avoir préalablement passé la fausse brague.
C'est au sabord des bâtimens que les canons sont placés, amarrés et manœuvrés. Une décision du 18 septembre 1828 en a réglé le nombre par batterie, ainsi qu'il suit:
RANG des BATIMENS. | 1 re BATTERIE. | 2 e BATTERIE. | 3 e BATTERIE. | GAILLARDS. | Total des bouches à feu. | Et plus pour dunettes, hunes et embarcations. |
Vaisseau de 1 er rang. | 32 canons de 30 longs. | 34 canons de 30 courts. | 34 caron. de 30. |
16 caronades de 30.
4 canons 18 longs. |
120 |
1 caronade de 18.
1 id. de 12. 4 pierriers. 8 espingoles. |
Vaisseau de 2 e rang. | 32 canons de 30 longs. | 34 canons de 30 courts. | » |
30 caronades de 30.
4 canons 18 longs. |
100 | id. |
Vaisseau de 3 e rang. | 30 canons de 30 longs. | 32 canons de 30 courts. | » |
24 caronades de 30.
4 canons 18 longs. |
90 | id. 141 |
Vaisseau de 4 e rang. | 28 canons de 20 longs. | 30 canons de 30 courts. | » |
20 caronades de 30.
4 canons 18 longs. |
82 | id. |
Frégate de 1 er rang. | 30 canons de 30 longs. | » | » |
28 caronades de 30.
2 canons de 18 longs. |
60 | id. |
Frégate de 2 e rang. | 28 canons de 24 longs. | » | » |
22 caronades de 24.
2 canons de 18 courts. |
52 |
2 caronades de 12.
4 pierriers. 8 espingoles. |
Frégate de 3 e rang. | 28 canons de 18 longs. | » | » | 16 caronades de 30. 2 canons de 18 courts. | 46 | id. |
Corvette à gaillards. |
20c. de 30 l.
4c. de 18 l. |
» | » | 8 caronades de 30. | 32 |
1 caronade de 12.
4 pierriers. 6 espingoles. |
Corvette sans gaillards. | id. | » | » | » | 24 | id. |
Chaque canon s'installe au sabord, de manière que les flasques ou le croissant de l'affût touchent la muraille; alors la volée sort au dehors de tout ce dont elle excède l'épaisseur de la muraille. Tenu en cette position par les palans de côté, dont les courans sont fixés par un simple tour au bouton de culasse, le canon est dit être au sabord ou en batterie, et amarré à garans simples. C'est l'amarrage de beau temps, mais il en est de plus solides pour d'autres circonstances dont nous parlerons plus loin.
L'ouverture du sabord permet de pointer ou de diriger l'axe du canon à 18 ou 20°, à droite ou à gauche de la ligne du travers. Sans coussin ni coin de mire, cet axe peut s'élever d'environ 14° au-dessus de l'horizon, et avec coussin et coin de mire s'abaisser d'à-peu-près 6 à 7°.
Quant aux caronades, elles sont présentées au sabord comme les canons; mais, ainsi que nous l'avons dit, elles y sont en ce moment retenues à bragues fixes; mais dans les mauvais temps on y ajoute quelques aiguillettes. Leur pointage peut aller de 28° à droite ou à gauche de la ligne du travers; leur axe peut s'élever au-dessus de l'horizon de 13° 143 avec la vis et de 16° sans la vis; il peut s'abaisser au-dessous de 5° avec la vis, et de 14 avec le coin de mire.
Il y a confusion et perte de temps à tenir dans les soutes les objets nécessaires pour la manœuvre et le service des pièces; il est aujourd'hui reconnu que les objets doivent être en grande partie dans les batteries ou près des canons: prescrire à cet égard des dispositions uniformes pour tous les temps et tous les bâtimens, serait cependant d'une exécution presque impossible; mais le principe étant adopté, il suffit d'indiquer celles que l'on croit bonnes, ou qui sont le plus en usage.
Chaque pièce est numérotée par batterie et en commençant par l'avant; chaque objet principal l'est aussi comme la pièce à laquelle il appartient. Dans les batteries couvertes, la boîte à capsules ou à étoupilles est placée au milieu du dessus du sabord. Le gargoussier est maintenu à gauche et près du sabord. La baille de combat (et son faubert) est accrochée, l'ouverture contre la muraille, à gauche de sa pièce, à mi-distance des deux sabords. L'écouvillon et le refouloir sont élongés de chaque côté du barrot placé au-dessus 144 de la pièce. Le fanal de combat est mis comme en un étui dans un seau à incendie dont chaque pièce est pourvue; l'un et l'autre sont ainsi accrochés au pont supérieur contre la muraille, dans l'intervalle de deux canons voisins; quand ces fanaux servent, on les suspend au pont, dans l'intérieur, par rapport à l'alignement des affûts en les faisant correspondre au milieu de l'espace qui existe entre deux pièces. Dans toutes les batteries la pince est à droite de l'affût et l'anspect à gauche, sur des supports en fer en dehors des flasques; on peut aussi les engager sur les essieux entre les flasques et les roues, ou même les mettre sur l'entretoise. Le coussin et le coin de mire sont entre les flasques et sous la culasse. Les platines restent toujours adaptées aux pièces; elles sont garnies de leurs couvre-platines. Enfin les tire-bourre et cuillères sont disposés comme les écouvillons et refouloirs; mais il n'y en a qu'un de chaque espèce pour une division de quatre pièces.
Une partie des projectiles et valets est dans la cale, et l'autre sur le pont. Un certain nombre de boulets ronds sont à gauche de chaque pièce, sur le pont, et retenus par 145 un cercle de gros cordage garni de pommes; on peut y ajouter quelques crampes pour maintenir ce cercle sur le pont au roulis. D'autres boulets ronds sont placés autour des hiloires, panneaux, ou en d'autres lieux pareils, en tel nombre qu'il y ait toujours, en tout, un approvisionnement de vingt de ces projectiles par pièce, dans la batterie.
Les boulets ramés au nombre de cinq, et les grappes de raisins au même nombre, dont chaque pièce est pourvue dans la batterie, sont accrochés régulièrement le long de la muraille, à quelques pouces au-dessus du pont. S'il y a des caisses de boîtes de mitraille à bord, elles restent dans la cale, et, en cas de combat, on monte une de ces caisses pour chaque pièce.
Les valets, au nombre de huit à douze par pièce, sont liés ensemble en forme de plateau rond que l'on place quelquefois dans la baille, quelquefois contre le bord, ou même en forme de chapelet autour de la naissance de la volée.
Les armes d'abordage destinées aux chefs et servans peuvent encore être pareillement disposées avec symétrie et goût, près des pièces ou aux environs.
Non-seulement les objets nécessaires au service des pièces doivent être autant que possible dans les batteries, afin que les branle-bas de combat se fassent avec plus de promptitude; mais il faut y déposer encore les objets de rechange dont on peut avoir besoin pendant le combat, afin de ne pas être obligé de distraire des servans pour aller les chercher à la sainte-barbe pendant l'action.
Les bragues de rechange pour canons peuvent, dans les batteries, se placer sur la face avant ou arrière des baux où on les retient par des bouts de tresse cloués. Pour les caronades on doit en avoir de disposées dans la tuque d'arrière ou dans les coffres d'armes.
Les affûts de rechange ne doivent pas être exposés aux boulets de l'ennemi, comme cela arrive quelquefois, mais placés de manière qu'on puisse les transporter avec la plus grande célérité lorsque le besoin s'en fait sentir.
Les parcs à boulets pratiqués contre le bord, et autour des hiloires des panneaux, ne suffisant pas pour contenir les 20 boulets que 147 chaque pièce doit avoir dans sa batterie, on y supplée par des parcs en corde; mais comme il est difficile de les maintenir au roulis et que les crampes qui les fixent endommagent les ponts, on pratique plus ordinairement deux parcs volans situés dans les batteries basses, le premier entre le cabestan et le panneau de la cale au vin, le second en arrière du panneau de l'avant. Dans les batteries hautes, le premier entre le cabestan et le panneau de la cale au vin, et le second sur l'arrière des cuisines. Pour les gaillards on peut placer une grande quantité de projectiles entre les drômes.
Comme il est désirable d'avoir un même nombre de valets que de projectiles, et que les sacs à valets disposés contre le bord n'en contiennent pas une assez grande quantité, on peut, sans encombrement, y suppléer en se servant de valets en herseaux, dont deux ou trois douzaines, passés dans un bout de filin, sont suspendus contre le bord.
L'appareil nécessaire pour changer un affût brisé doit être disposé dans l'entre-pont, auprès du grand panneau; ce panneau étant le seul qui reste ouvert pendant le combat pour le passage des blessés.
L'exercice du canon est supposé précédé du commandement de branle-bas de combat.
A ce commandement, les derniers servans de droite vont chercher les objets qui ne sont pas habituellement dans les batteries, comme sacs, tabliers, platines de rechange, etc.
Les pourvoyeurs vont chercher (et allumer si c'est l'exercice à feu que l'on va faire) le boute-feu destiné à être mis dans la baille de combat, ainsi que les cornes d'amorces qui doivent être suspendues à portée.
Le chef de pièce et les servans se rendent à leurs canons. Le chef s'équipe de la boîte à capsules qu'il attache devant lui, du doigtier destiné pour le pouce gauche, de l'épinglette et du dégorgeoir qu'il suspend à sa ceinture; le dernier servant de droite arrive avec son tablier, et il prend place ainsi que le pourvoyeur. Enfin chacun se met à son poste ainsi qu'il est prescrit par le rôle de 149 combat, et suivant les dispositions et l'ordre établis à bord.
Les deux derniers servans de gauche élongent le palan de retraite; le dernier l'accroche à la boucle du pont en arrière de la pièce, et l'autre à la croupière de l'affût. Les autres servans disposent pour l'exercice le canon, qui est supposé chargé et amarré à garans simples.
Le chargeur qui est le premier servant de droite, place l'écouvillon et le refouloir sur le pont, la tête tournée du côté de la culasse; les troisièmes servans de droite et de gauche élongent la pince et l'anspect dans le sens de la pièce, en dehors des roues et le gros bout tourné du côté de la muraille.
Le premier servant de gauche met la baille de combat également sur le pont, ainsi que le seau à incendie, qui sont munis d'eau par les autres servans, si l'ordre en est donné, et ils disposent le fanal s'il y a lieu. Enfin le pourvoyeur se saisit du gargoussier.
Le but qu'on se propose en faisant l'exercice est d'enseigner la manière de procéder avec uniformité pour démarrer, pointer, tirer, recharger le canon pour le remettre en batterie; et il ne sera question ici que des 150 moyens mécaniques par lesquels on y parvient. Les règles du pointage sont fondées sur des considérations trop élevées pour trouver place dans cette section, qui est principalement destinée à l'instruction des servans.
La description de l'exercice se divise par commandemens, et chaque article contient 1º le commandement, 2º l'explication par temps, qui est donnée par celui qui commande l'exercice et qui est suivie de l'exécution, laquelle ne commence qu'après le nouveau commandement d'action; 3º les observations qui indiquent ce qu'il peut être nécessaire d'ajouter ou de modifier, suivant les circonstances.
ÉTAT des hommes nécessaires pour le service d'un canon.
EMPLOIS. | Calibre de 36. | Calibre de 30. | Calibre de 24. | Calibre de 18. | Calibre de 12. | Calibre de 8. |
Chef de pièce | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 |
Servans | 12 | 10 | 10 | 8 | 8 | 4 |
Pourvoyeurs | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 |
―― | ―― | ―― | ―― | ―― | ―― | |
TOTAUX | 14 | 12 | 12 | 10 | 10 | 6 |
Le roulement indique qu'on va commencer l'exercice et qu'il faut observer le plus grand silence. Toute parole inutile est sévèrement interdite, soit pendant l'exercice, soit devant l'ennemi. Les chefs de pièces font face au sabord; les servans font face à leurs pièces, et s'alignent sur les deux premiers servans; tous se serrent à bord, de manière que les coudes s'affleurent, la tête haute, l'œil dirigé du côté du chef, les pieds sur le même alignement, le corps d'aplomb, les bras pendans, les mains dans les rangs, ouvertes et à 152 plat sur les cuisses. A la fin du roulement, chacun reste immobile.
A défaut de tambour, on y supplée par le commandement de roulement, et l'on termine le mouvement par celui-ci: fin de roulement.
Détapez, démarrez vos canons!
Un temps.
Explication. Le premier servant de droite détape le canon et place la tape contre le bord derrière lui. Le chef de pièce, aidé des servans placés près de lui, démarre le canon et l'assujettit contre le bord, en passant au collet du bouton de culasse un tour de chaque garant qu'il fait tenir par les deuxièmes servans de droite et de gauche; puis il ôte le couvre-lumière et le passe au troisième servant de droite, qui le met près du bord en arrière des servans.
Action!
Observations. Si le roulis ou l'inclinaison du bâtiment n'est pas assez considérable pour déranger l'affût lorsqu'il est au sabord, il est inutile de le maintenir par les palans de côté; alors les garans restent élongés sur le pont, hors de la direction des roues. Dans tous les cas, les bouts sont cueillis par les avant-derniers servans de droite et de gauche, en dehors des files de servans et par le travers de la culasse; ils sont ainsi bien parés à se filer d'eux-mêmes au recul.
S'il y a du roulis, ou si l'on est à la bande sur l'autre bord, le chef fait maintenir la pièce jusqu'au commandement de feu; mais auparavant il doit avoir l'attention de faire mettre, en dessous, le garant du côté où il prévoit que la culasse devra être jetée pour pointer.
Dégorgez, amorcez!
Un temps.
Explication. Le chef de pièce prend le dégorgeoir de la main droite; il perce la gargousse, et s'assure au mouvement du poignet et à la longueur de la sonde, que la gargousse est percée; il arme [5] la platine, ouvre ensuite la boîte à capsules (ou à étoupilles si la platine est à pierre), en prend une, referme la boîte, et il introduit cette capsule dans la lumière en la pressant fortement avec le pouce.
Action!
Observations. Si l'on manque de capsules (ou d'étoupilles), ou si la platine est démontée et qu'elle ne puisse être remplacée, le chef se fait donner la corne d'amorce 155 par le servant le plus à portée qu'il désigne, et il amorce la pièce en introduisant de la poudre dans la lumière avec l'épinglette qu'il tient de la main gauche, ayant soin de ne pas laisser engorger la lumière; il remplit de poudre le champ de lumière, et en prolonge une traînée, autant qu'il le peut, du côté où on doit mettre le feu. Il s'assure ensuite que la corne d'amorce est bien fermée, et il la prend à deux mains pour écraser la partie de la poudre qui doit être allumée par le boute-feu; puis il ôte avec le plat de la main gauche le pulverin (ou poussière de poudre) qui peut s'être attaché à la corne; il la capelle par-dessus l'épaule gauche, il la place derrière lui, le petit bout du côté gauche, et il met le couvre-lumière qu'il se fait donner par le troisième servant de droite.
Si la platine était à pierre, il agirait de même, mais il ne devrait pas oublier de remplir le bassinet de poudre et de le refermer ensuite [6] . 156
Pointez!
Trois temps.
Explication. Premier temps. Le chef de pièce se place à droite du palan de retraite, le pied gauche en avant et à plat, le genou plié, la jambe droite allongée; la main gauche sur la plate-bande de culasse, et la main droite à la poignée du coin de mire; les troisièmes servans, aidés par les quatrièmes pour les gros calibres (ceux de 24 et au-dessus), prennent les pinces et anspects, les placent sur les adents de l'affût, et ils élèvent ou abaissent la culasse au commandement du chef de pièce, jusqu'à ce que le canon soit au point convenable, c'est-à-dire que la ligne de mire soit, autant que possible, dirigée sur le point où l'on doit viser lorsque le bâtiment est dans une position moyenne à ses balancemens de roulis.
Action!
Deuxième temps. Les mêmes servans embarrent aux flasques pour diriger la pièce à 157 droite ou à gauche; le chef décapelle les garans, il en charge les derniers servans aidés par ceux qui ne sont pas occupés au pointage, pour que tous contiennent la pièce au sabord; puis il prend de la main droite le cordon de la platine, et il se porte vivement en arrière au-delà du recul du canon. Il vise en s'inclinant et en mettant dans le même alignement son œil, le point le plus élevé de la culasse, et le point le plus élevé de la volée.
Action!
Troisième temps. Le chef fait le commandement à postes! auquel les servans, chargés de pinces et anspects, les retirent de dessous les flasques, viennent reprendre leur alignement, et les tiennent le bout posé sur le pont, de manière que les roues de l'affût ne puissent passer dessus en cas de recul de la pièce.
Action!
Observations. Lorsque celui qui commande l'exercice commande de pointer en belle, le chef de pièce fait endenter la pince 158 et l'anspect entre les adents de l'affût et la culasse, et il les fait ensuite embarrer sous l'affût jusqu'à ce que la pièce soit horizontale et perpendiculaire au seuillet du sabord.
Pour le commandement d'en plein bois, il faut, par les mêmes moyens, que la pièce soit pointée de telle sorte que le boulet frappe au milieu de la hauteur de ce qui paraît de la coque de l'ennemi, et le plus possible dans le voisinage du grand mât.
De même, pour pointer en arrière, il faut porter la culasse en avant; pour pointer en avant, il faut porter la culasse en arrière; à démâter, il faut diriger la ligne de mire de manière que le boulet frappe la mâture, particulièrement celle de misaine, mais pas plus haut que le trelingage. A couler bas, il faut diriger la ligne de mire de telle sorte que le boulet frappe la ligne de flottaison. Enfin s'il n'y a pas d'ordre, les chefs de pièces pointeront tous de manière à frapper à la position présumée de la roue, ou en cas d'impossibilité, vers le point qui en est le plus rapproché; il peut en résulter un feu concentré qui peut être fort efficace.
Si la bande est trop forte pour que le chef puisse pointer assez haut, on a la ressource 159 d'ôter les roues de l'arrière, mais ce ne peut être sans que le chef de la batterie en ait été averti: lui seul peut en donner l'ordre, après avoir pris ceux du commandant du bâtiment, qui pourrait préférer de prendre une autre position.
Feu!
Deux temps.
Explication. Premier temps. Le chef de pièce attend que les mouvemens du navire amènent la ligne de mire dans la direction du point où l'on doit viser; et quand il le voit près d'arriver, il l'indique par un signal, puis il fait feu en donnant un coup de poignet sec au cordon de la platine.
A ce signal du chef de pièce, les servans chargés des garans de palans, les laissent tomber hors de la direction des roues; ceux qui ont en main la pince et l'anspect, les posent sur le pont; tous les servans, à l'exception des premiers de droite et de gauche, se portent vivement au palan de retraite pour l'embraquer au recul, et même le palanquer si le canon n'est pas assez rentré. Le premier 160 servant de droite prend la pince par le gros bout pour caler les roues, dès que l'affût n'est plus au sabord; il doit aussi parer les palans et la brague avec le premier servant de gauche; et le dernier servant de gauche fait une demi-clef sur le palan de retraite.
Action!
Deuxième temps. Les troisièmes servans de droite et de gauche, aidés par les quatrièmes pour les gros calibres, prennent la pince et l'anspect, embarrent sous la culasse qu'ils élèvent pour que le chef place le coussin et le coin de mire, de manière à mettre la pièce à même d'être chargée; les autres servans rouent les garans des palans de retraite et de côté; l'anspect est remis à sa place, la pince en travers des roues, et chacun reprend son poste.
Action!
Observations. Si la capsule ne prend pas, le chef la retire et en met une nouvelle. Si l'on se sert d'une étoupille et que le coup ne parte pas, il faut laisser éteindre le feu de 161 l'étoupille avant de s'approcher de la pièce pour la remplacer; il en est de même quand on a amorcé avec de la poudre. Lorsque la lumière ne fume plus, le chef de pièce et le servant chargé du vieux linge s'avancent vers la pièce; le premier pour dégorger, amorcer s'il y a lieu, et l'autre pour nettoyer la platine. Le chef rectifie toujours son pointage avant de remettre le feu à sa pièce, et il agit ensuite comme il a été dit au 4 me commandement .
S'il est tombé quelque parcelle d'étoupille, capsule allumée, ou poudre, sur le pont, il faut les mouiller avec le faubert.
Quand, par la position du vaisseau lors du tir, on craint que la violence du recul n'aille jusqu'à briser la poulie du palan de retraite, il faut décrocher ce palan et le parer de manière qu'on puisse le recrocher aussitôt que le coup est parti.
Lorsque les platines seront démontées et qu'elles ne pourront pas être remplacées, on mettra le feu à la pièce à l'aide du boute-feu. Alors le dernier servant de gauche saisit le pied du boute-feu de la main droite, il en prend la tête de la main gauche, il se place vis-à-vis de la lumière faisant face au sabord, 162 il se baisse pour souffler la mèche, bien au-dessous de la hauteur de la lumière; il la porte ensuite à quatre doigts de la plate-bande de culasse, pour faire feu au commandement du chef; ce qu'il exécute en portant la mèche à l'amorce, de manière que le boute-feu ne soit pas au-dessus de la lumière.
Bouchez la lumière; écouvillonnez!
Deux temps.
Explication. Premier temps. Le chef de pièce prend le dégorgeoir de la main droite et l'enfonce dans la lumière pour voir si elle est dégagée; il la bouche bien ensuite avec le pouce de la main gauche, jusqu'à ce que la pièce soit chargée, ne l'ôtant que pendant les momens où il se sert de son dégorgeoir; le premier servant de droite se porte en même temps à la volée, en passant par-dessus les palans et brague; le deuxième servant lui remet l'écouvillon, qu'il enfonce dans la pièce.
Action!
Deuxième temps. Le premier servant de droite tourne plusieurs fois l'écouvillon dans le sens convenable pour faire prendre le tire-bourre, et il le retire en le tournant du même côté; il le pose sur la volée de la pièce, et il le secoue trois ou quatre fois en dévirant pour faire tomber les culots de gargousses et la crasse.
Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer qu'elle est parée; si elle ne l'est pas, il fait écouvillonner de nouveau jusqu'à ce qu'elle soit dégagée, et il rebouche la lumière. En même temps, le servant chargé du tablier nettoie la platine, puis il reprend son poste.
Action!
Observations. Si le chef de pièce ne peut parvenir à parer la lumière, il en prévient l'officier ou le maître le plus à portée, qui la fait dégager par les canonniers porteurs des vrilles et vilebrequins.
Il faut écouvillonner avec beaucoup de soin pour décrasser la pièce et pour en retirer 164 tout ce qui peut s'y trouver d'étranger; il en résulte encore l'avantage que la lumière ne se trouve pas obstruée, et qu'aucun culot n'empêche la gargousse de se rendre au fond de l'âme.
Il est bon de rafraîchir une pièce de temps en temps, par exemple quand elle a tiré huit ou dix coups. C'est à ce commandement qu'on le fait, en aspergeant l'écouvillon avec la main, avant de l'introduire dans l'âme, et en frottant en même temps la pièce avec un faubert mouillé.
Au refouloir!
Un temps.
Explication. Le premier servant remet l'écouvillon au second; il reçoit de lui le refouloir, dont il place le bouton sur la tête de l'affût, et tient la hampe des deux mains. Si c'est du calibre de 12 et au-dessous, il change l'écouvillon en refouloir, lequel se trouve sur la même hampe.
Action!
Observation. Pour changer l'écouvillon en refouloir, et réciproquement, il faut appuyer le milieu de la hampe sur la volée, et diriger le côté de l'écouvillon de manière à passer en dessus.
La gargousse dans le canon; à la poudre!
Un temps.
Explication. Le premier servant de gauche fait un demi à gauche, reçoit du pourvoyeur la gargousse, qu'il place dans le canon, le culot le premier, la couture en dessous; le premier servant de droite l'enfonce jusqu'au fond du canon avec le refouloir. Il allonge le bras droit de toute sa longueur, en tenant la main gauche sur la volée du canon et le corps un peu incliné en avant, prêt à refouler. Dès que le pourvoyeur a remis la gargousse, il va en chercher une autre, ayant le gargoussier sous le bras gauche et la main droite sur son couvercle.
Action!
Observations. Quand les pièces sont échauffées, ou que les distances sont très-rapprochées, il peut arriver que l'on donne l'ordre de saigner les gargousses; mais cette besogne ne regarde nullement ni le chef de pièce, ni les servans, ni le pourvoyeur, qui doivent employer la gargousse telle qu'elle leur est donnée. Cet ordre ne peut venir que du commandant du bâtiment, et alors il s'exécute, soit dans la soute, soit dans tout autre lieu désigné, mais toujours par les soins de personnes également désignées, et qui ne font pas partie de l'équipage des pièces. Si le chargeur s'aperçoit que la gargousse se soit crevée en l'introduisant, il doit mettre alors un valet après la gargousse pour ramasser la charge au fond de la pièce.
Le pourvoyeur doit éviter, en allant chercher la gargousse, de mettre dans ses mouvemens une précipitation qui pourrait le faire trébucher ou tomber. Quand il remet la gargousse au premier servant de gauche, il ne tient le gargoussier ouvert que le moins de temps possible, et à l'abri, s'il y a lieu, du 167 feu de la pièce voisine; en ce moment il doit visiter son gargoussier, et s'il contient de la poudre échappée de la gargousse, il la renverse sur la baille.
Si la pièce devait rester long-temps chargée, on mettrait en outre un valet entre la gargousse et le boulet. Sans cette précaution, si le boulet prenait du jeu, il pourrait, au roulis, comprimer trop fortement la poudre de la gargousse.
Refoulez!
Un temps.
Explication. Le premier servant de droite refoule trois coups et abandonne la hampe du refouloir en effaçant le corps.
Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer que la gargousse est rendue; si elle ne l'est pas, il fait refouler de nouveau; si elle l'est, il fait un signal de la main, auquel le premier servant retire le refouloir, et en place le bouton sur la tête de l'affût; en même temps, le second servant de gauche se baisse vivement et prend un boulet 168 qu'il remet au premier; il prend ensuite un valet.
Action!
Observations. Il est très-important que le chef de pièce ne débouche jamais la lumière sans s'être positivement assuré que le chargeur s'est effacé, et qu'il n'est plus devant la pièce, afin d'éviter, pendant ce temps, que l'explosion possible de la charge n'enlève le chargeur.
Lorsque la mer est assez grosse pour obliger de fermer les sabords de la première batterie, aussitôt que le coup de canon est tiré, on doit mettre la volée à hauteur du hublot, afin de pouvoir y passer les hampes d'écouvillon et de refouloir, et charger par ce moyen.
Si l'on est abordé par un vaisseau, de manière que les mouvemens des hampes de bois ne puissent avoir lieu, il faut y substituer des écouvillons et refouloirs à hampes de corde, lesquels sont réunis pour tous les calibres.
On ne doit pas refouler plus de trois coups, parce que la gargousse doit être confectionnée de manière à se rendre assez facilement; 169 que la poudre trop refoulée donnerait moins de portée au projectile, et qu'on pourrait faire adhérer au fond de l'âme le culot, qui, en y séjournant, nuirait à la charge suivante. Si la gargousse éprouvait d'ailleurs quelque difficulté à entrer, il faudrait, soit la retirer avec le tire-bourre, et la faire changer par le pourvoyeur dans le cas où elle serait défectueuse, soit écouvillonner et nettoyer de nouveau le canon, si l'obstacle provenait de son intérieur. La hampe du refouloir doit avoir une marque qui indique quand la gargousse est rendue.
Le boulet et le valet dans le canon!
Explication. Le premier servant de gauche met le boulet dans le canon, et l'empêche de tomber en plaçant la main droite devant la bouche de la pièce; il reçoit du second servant le valet, qu'il prend de la main gauche et qu'il place sur le boulet.
Le premier servant de droite enfonce aussitôt le valet sur le boulet avec le refouloir; il s'assure qu'il est rendu par la longueur de la hampe, et il en rend compte au chef, par 170 ces mots: rendu, chef! Il allonge le bras droit de toute sa longueur, il tient la main gauche sur la volée et le corps incliné en avant prêt à refouler; le premier et second servant de gauche reprennent leur poste.
Action!
Observations. On ne met qu'un projectile dans le canon, à moins que le commandant n'en ordonne autrement; il donne l'ordre en même temps de saigner la gargousse ou d'employer celles qui sont préparées à l'avance et qui ne contiennent de poudre que le quart du poids du boulet. Les chefs de la batterie font bien connaître alors quel est l'ordre dans lequel les projectiles seront placés. Le valet ne se met qu'après le dernier de ces projectiles.
Le premier servant de droite est spécialement chargé de veiller à ce que le boulet qui doit être introduit par le premier servant de gauche, ne tombe pas à la mer; ce n'est qu'autant qu'il en est sûr qu'il doit lui-même introduire le valet.
Si le boulet ne peut pas entrer dans la pièce, il doit être remplacé et mis de côté pour être 171 nettoyé par la suite; s'il s'arrête dans l'intérieur avant d'être rendu, on ne doit pas le forcer, mais le retirer, ce qui s'effectue en levant la culasse et lui donnant quelques secousses contre le seuillet du sabord, ou au moyen de la cuiller. On enlève ensuite avec l'écouvillon les culots ou débris qui s'opposent à son introduction. Si le valet éprouve trop de difficulté à entrer dans la pièce, on le remplace aussitôt, et le premier est donné aux autres servans pour qu'ils l'amoindrissent en le roulant sous les pieds, ou en le battant avec l'anspect en le roulant de nouveau pour l'arrondir. Les marques des hampes doivent être susceptibles d'être reconnues la nuit comme le jour.
Refoulez!
Un temps.
Explication. Le premier servant de droite refoule deux coups; il retire le refouloir et le passe au second, qui le pose sur le pont; le premier et second servant de droite reprennent leur poste.
Action!
En batterie!
Deux temps.
Explication. Premier temps. Le premier servant de droite décale les roues et pose la pince à sa première place; puis avec le premier servant de gauche ils soutiennent les bragues, pour empêcher qu'elles ne s'engagent pendant le mouvement. Le dernier servant de gauche défait la demi-clef du palan de retraite et tient le garant pour filer à mesure que la pièce ira en batterie. Tous les autres servans se rangent sur les palans de côté.
Action!
Deuxième temps. Le chef de pièce commande palanquez! Tous les servans agissent ensemble pour mette la pièce en batterie droit au milieu du sabord, et aussitôt qu'elle y est, le chef a soin de l'assujettir, en passant un tour de chaque garant au collet du bouton. 173 Les garans sont tenus par les deuxièmes servans de chaque côté.
Action!
Nota. Si l'on continue l'exercice, on reprendra au 2 me commandement . Si on ne le continue pas, on le termine par le 12 me commandement , dans lequel on suppose que l'amarrage est simple. S'il devait être d'un autre genre, il faudrait l'énoncer et le faire exécuter.
Observations. Le dernier servant de gauche doit particulièrement veiller le roulis, afin de contretenir, quand il y a lieu, pour empêcher la pièce d'aller heurter le bord trop vivement, ce qui serait susceptible de déranger la charge.
Dans un combat vergue à vergue, pour accélérer le tir dans le fort d'une action décisive, ou lorsque les servans sont fatigués ou réduits en nombre, on est quelquefois obligé de tirer la pièce sans la mettre en batterie; c'est ce qu'on appelle à longueur de brague . Il faut alors saupoudrer un faubert mouillé, ou tout autre corps pareil, de sable ou de cendre, et le faire servir à caler les roues de 174 derrière pour soulager la brague dans l'effort qu'elle aura à supporter, et l'on y contribue encore en raidissant les palans de côtés. D'ailleurs le palan de retraite sera bien raidi, et même, au besoin, renforcé par son garant, que l'on fera passer plusieurs fois dans l'estrope de culasse, ainsi que dans la boucle du palan de retraite; la pince sera mise en travers des roues de l'avant pour contribuer avec ce palan à empêcher la pièce de se rendre au sabord. Il est alors plus essentiel que jamais de veiller aux accidens du feu.
Tapez, amarrez vos canons!
Deux temps.
Explication. Premier temps. Le troisième servant de droite remet le couvre-lumière au chef de pièce, qui l'amarre sur la culasse, et qui ensuite décapelle les palans et les fait tenir par les derniers servans; il fixe entre les flasques et les garans le mou de la brague qui est soutenue par le deuxième servant; il fait raidir les palans par tous les servans; il les arrête par un tour mort au collet 175 du bouton, et en passant le double de chaque garant entre ce garant et la plate-bande de culasse, en dessus et en dessous.
Action!
Deuxième temps. Le premier servant de droite met la tape au canon, les autres servans rouent les palans, les amarrent le long des flasques, et mettent les attirails nécessaires à la manœuvre, aux places où ils étaient auparavant. Le dernier servant de gauche décroche le palan de retraite et le place sur le canon. Les objets apportés des soutes, et qui ne sont pas susceptibles de rester dans les batteries, sont rapportés par les canonniers désignés pour ce service et par le pourvoyeur.
Action!
Observations. Si dans un combat il s'agissait d'amarrer les pièces momentanément pendant qu'on irait servir celles de l'autre bord, on les assujettirait, soit en batterie avec les palans de côté, soit au recul avec la pince mise en avant des roues et avec le palan de retraite amarré.
Quand le roulis exige un amarrage plus 176 solide, on laisse deux ou trois servans pour exécuter celui qui est prescrit, et ces servans retournent prendre poste de l'autre bord dès qu'il est fini.
Roulement!
Chacun prend son poste comme au commencement de l'exercice, et nul ne le quitte que lorsqu'on bat la breloque.
Le commandement de branle-bas de combat s'exécute comme il a été dit pour le canon, si ce n'est que les caronades étant en ce moment à brague fixe, il n'y a point lieu à élonger le palan de retraite. La caronade est également supposée chargée, et amarrée seulement par sa brague .
Pour une caronade d'un calibre quelconque, il ne faut que quatre hommes: un chef de pièce, un servant de droite chargeur, un servant de gauche fournisseur, et un pourvoyeur. Le chef se rend à sa pièce et s'équipe, ainsi qu'on l'a expliqué en parlant du canon; il visite les amarrages de brague, 177 et il met le levier de pointage en place. Les deux servans vont chercher et disposent sur le pont, près de la muraille, les coins de mire, la pince et l'anspect (ces deux derniers alloués par deux caronades). Ils disposent ensuite la baille de combat, le seau à incendie et le fanal, comme on l'a vu précédemment. Le fournisseur porte le tablier garni, et le pourvoyeur se saisit du gargoussier. Celui-ci se place à gauche de la pièce faisant face au sabord et affleurant le fournisseur avec le coude.
Roulement!
1 er COMMANDEMENT.
Détapez vos caronades; démarrez le couvre-lumière!
Un temps.
Explication. Le chargeur ôte la tape de la caronade et la place contre le bord derrière lui. Le chef de pièce démarre le couvre-lumière, et il le place près du bord, en arrière du servant de droite.
Action!
Dégorgez; amorcez!
Un temps.
Explication. (Comme au 2 me commandement pour le canon.)
Observations. (Comme au 2 me commandement pour le canon.)
3 me COMMANDEMENT.
Pointez!
Deux temps.
Explication. Premier temps. Le chef de pièce se place à droite du levier de pointage, le pied gauche en avant et à plat, le genou plié, la jambe droite allongée, la main gauche sur la plate-bande de culasse, et la main droite à la poignée du levier de pointage, de manière à élever ou à baisser la culasse, jusqu'à ce que la caronade soit au point convenable, c'est-à-dire que la ligne de mire soit, 179 autant que possible, dirigée sur le point où l'on doit virer, lorsque le bâtiment est dans une position moyenne à ses balancemens de roulis.
Action!
Deuxième temps. Le chef de pièce prend de la main droite le cordon de la platine, et il se porte vivement en arrière au-delà du bout du levier de pointage; en même temps les servans s'en approchent pour diriger la caronade d'après le signal du chef, qui s'incline et vise, en mettant dans le même alignement son œil, le point le plus élevé de la culasse et le point le plus élevé de la volée. Quand le pointage est fini, il fait le commandement à postes! auquel les servans reprennent leur première position.
Action!
Observations. Lorsque celui qui commande l'exercice ordonne de pointer en belle , le chef de pièce fait mouvoir le levier et la vis, de manière à ce que la pièce arrive à être droite au sabord.
Pour le commandement d'en plein bois (comme aux 2 me et 3 me paragraphes des observations au 3 me commandement pour le canon.)
Si la bande est trop forte pour que le chef puisse pointer sur l'ennemi, il a la ressource du coin de mire pour abaisser le pointage; et s'il veut l'élever, il démonte la vis.
4 me COMMANDEMENT.
Feu!
Un temps.
Explication. Le chef de pièce attend, etc. (Comme au 1 er paragraphe de l' explication du 4 e commandement pour le canon.)
Observations. (Comme aux 1 er , 2 me et 4 me paragraphes des observations du 4 me commandement pour le canon.)
5 me COMMANDEMENT.
Bouchez la lumière, écouvillonnez!
Deux temps.
Explication. Premier temps. Le chef de pièce prend le dégorgeoir de la main droite, et l'enfonce dans la lumière pour voir si elle est dégagée; il la bouche ensuite avec le 181 pouce de la main gauche, jusqu'à ce que la pièce soit chargée, ne l'ôtant que pendant les momens où il se sert du dégorgeoir.
Le servant de droite se porte vivement à la volée de la caronade, passe le corps et la jambe en dehors du seuillet du sabord, et pose le pied droit sur le taquet qui est disposé à cet effet; son pied gauche est appuyé en dedans.
Action!
Deuxième temps. Le servant de gauche prend l'écouvillon, et il le donne au servant de droite: celui-ci tourne plusieurs fois l'écouvillon, etc. (Comme aux 2 me et 3 me paragraphes des explications , et comme aux observations du 5 me commandement pour le canon.)
6 me COMMANDEMENT.
La gargousse dans la caronade; au refouloir; à la poudre!
Un temps.
Explication. Le servant de droite remet l'écouvillon au servant de gauche, qui le pose contre le bord et se tourne ensuite vivement 182 du côté du pourvoyeur pour en recevoir la gargousse; il la donne au chargeur qui la place dans la pièce, le culot le premier, la couture en dessous; le servant de gauche remet l'écouvillon en place, prend le refouloir, le passe à celui de droite qui s'en sert pour enfoncer la charge jusqu'au fond de la caronade; il allonge le bras droit de toute sa longueur, ayant la main gauche sur la volée et le corps un peu incliné en avant, prêt à refouler. Dès que le pourvoyeur a remis la gargousse, il va en chercher un autre, ayant le gargoussier sous le bras gauche, et la main droite sur le couvercle.
Action!
Observations. (Comme au 7 me commandement pour le canon.)
7 me COMMANDEMENT.
Refoulez!
Un temps.
Explication. Le servant de droite refoule trois coups et abandonne la hampe du refouloir en effaçant le corps.
Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer que la gargousse est rendue; si elle ne l'est pas, il fait refouler de nouveau; si elle l'est, il fait un signal de la main auquel le servant retire le refouloir et le passe au servant de gauche, qui le pose et prend vivement un boulet.
Action!
Observations. Il est très-important, etc. (Comme au 1 er paragraphe des observations du 8 me commandement pour le canon.)
On ne doit pas refouler plus de trois coups, etc. (Comme au 4 me paragraphe des observations du 8 me commandement pour le canon.)
8 me COMMANDEMENT.
Le boulet et le valet dans la caronade!
Un temps.
Explication. Le servant de gauche pose le boulet sur la caronade et le conduit avec les mains jusqu'à ce que le servant de droite puisse le prendre; alors celui-ci l'introduit dans la caronade et place sa main droite devant 184 la bouche de la pièce pour empêcher le boulet de tomber.
Le servant de gauche prend aussi un valet et le refouloir; il remet d'abord le valet à celui de droite qui le prend de la main gauche et le place sur le boulet; puis il lui donne le refouloir qu'il prend de la main droite, et avec lequel il enfonce la charge. Il s'assure qu'elle est rendue par la longueur de la hampe; il en rend compte par ces mots: rendu, chef! et il allonge le bras droit de toute sa longueur, la main gauche sur la volée et le corps incliné en avant.
Action!
Observations. On ne met qu'un projectile dans la caronade surtout, à moins que le commandant, etc. (Comme au 1 er paragraphe des observations du 9 me commandement pour le canon.)
Le chargeur doit avoir soin que le boulet ne tombe pas à la mer, et le valet ne doit être placé qu'autant qu'il est sûr que le boulet est dans la pièce; ce dont au surplus il s'apercevra toujours, après qu'il aura enfoncé la charge, par la marque qui est sur la hampe. 185 Si on découvrait alors que le boulet n'est pas dans la pièce, il faudrait ôter le valet avec le tire-bourre pour mettre un autre boulet.
Si le boulet n'entre pas dans la pièce, etc. (Comme au 3 me paragraphe des observations du 9 me commandement pour le canon.)
9 me COMMANDEMENT.
Refoulez!
Un temps.
Explication. Le servant de droite refoule deux coups; il retire le refouloir et le passe au servant de gauche qui le remet à sa place.
Action!
Nota. Si on continue l'exercice, on reprend au 2 me commandement . Si on ne continue pas, on le termine par le commandement qui suit:
10 me COMMANDEMENT.
Tapez vos caronades, amarrez le couvre-lumière!
Un temps.
Explication. Le servant de droite remet la tape à la caronade. Le chef de pièce va prendre le couvre-lumière et l'amarre; puis il ôte le levier de pointage qu'il fait remettre, ainsi que les autres attirails, où ils étaient avant la manœuvre. Les objets apportés des soutes et qui ne sont pas susceptibles de rester dans les batteries, sont reportés par les servans et par les pourvoyeurs.
Action!
Roulement.
Chacun reprend son poste comme au commandement de l'exercice, et nul ne le quitte que lorsqu'on bat la breloque.
Roulement.
1 er COMMANDEMENT.
Détapez, démarrez vos canons! (Un temps.)
2 me COMMANDEMENT.
Dégorgez, amorcez! (Un temps.)
3 me COMMANDEMENT.
Pointez! (Trois temps.)
4 me COMMANDEMENT.
Feu! (Deux temps.)
1 er temps. Comme pour le canon jusqu'à ces mots, si le canon n'est pas assez rentré.
Le chef de pièce dans ce cas facilite le mouvement de rentrée en prenant son levier-directeur, 188 dont il engage le bec dans le cran de la tige mobile, pour élever le derrière de l'affût. Les premiers servans de droite et de gauche restés à leur poste parent les palans et bragues. Le chef de pièce remet le levier-directeur à sa place, et le 2 e servant de gauche fait une demi-clef au palan de retraite.
2 e temps. Comme pour le canon .
5 me COMMANDEMENT.
Bouchez la lumière, écouvillonnez! (Deux temps.)
1 er temps. Comme pour le canon . Après ces mots, qu'il enfonce dans la pièce, ajoutez: à l'aide du premier servant de gauche qui se porte également à la volée de l'obusier par un mouvement semblable à celui de droite.
2 e temps. Les deux servans tournent plusieurs fois l'écouvillon au fond de la chambre et de l'âme dans le sens nécessaire pour faire prendre le tire-bourre, et ils le retirent en le tournant du même côté. (Le reste comme pour le canon .)
6 me COMMANDEMENT.
Au refouloir! (Un temps.)
7 me COMMANDEMENT.
La gargousse dans le canon; à la poudre; à l'obus! (Un temps.)
Le premier servant de gauche fait un demi à gauche et reçoit du pourvoyeur la gargousse qu'il place dans le canon, le culot le premier, la couture en dessous; puis il aide le premier servant de droite à l'enfoncer avec le refouloir jusqu'au fond de la chambre. Tous les deux prennent la position de refouler.
Dès que le pourvoyeur a remis la gargousse, il va en chercher une autre, ayant le gargoussier sous le bras gauche et la main droite sur son couvercle.
Le deuxième servant de gauche prend la boîte vide et se dirige avec le troisième servant du même côté, vers l'écoutille destinée au passage des projectiles chargés. Le deuxième servant affale la boîte par l'écoutille au moyen d'un cartahu à croc; puis tous les 190 deux hissent dans la batterie, par le même moyen, la boîte renfermant l'obus; lovent le cartahu sur la boîte; ils la saisissent ensuite par les anses, le deuxième de la main droite, et le troisième de la main gauche, et la transportent sur l'avant de l'affût, sous la volée de l'obusier, en passant par derrière la file des servans de gauche. Après l'avoir posée sur le pont, tous les deux reprennent leur poste.
Action!
8 me COMMANDEMENT.
Refoulez! (Un temps.)
Les premiers servans de droite et de gauche refoulent trois coups bien égaux et abandonnent la hampe du refouloir en effaçant le corps. Le chef de pièce passe le dégorgeoir dans la lumière pour s'assurer que la gargousse est rendue au fond de la chambre. Si elle ne l'est pas, il fait refouler de nouveau; si elle l'est, il fait un signal de la main, auquel le premier servant retire le refouloir qu'il passe au deuxième qui le pose sur le pont, et duquel il reçoit le gros refouloir qu'il pose sur le seuillet de sabord, la tête 191 sur le pont, appuyant contre le devant du flasque droit.
Action!
9 me COMMANDEMENT.
L'obus et le valet dans le canon! (Un temps.)
Les premiers servans de droite et de gauche enlèvent l'obus de la boîte et l'élèvent à la hauteur de la bouche de la pièce. Le deuxième servant de gauche retire aussitôt la boîte, à laquelle il remet le couvercle ôté précédemment, et la place contre le bord derrière lui.
Le premier servant de gauche introduit l'obus dans le canon après l'avoir préalablement décoiffé, il le maintient dans cette position avec la main gauche, ayant la main droite appuyée contre la masse de mire. Le premier servant de droite prend le refouloir, et aidé du premier servant de gauche qui abandonne l'obus, il l'enfonce au fond de l'âme et retire le refouloir.
Le premier servant de gauche reçoit du deuxième, du même côté, un valet qu'il place dans la pièce, et les deux premiers servans l'enfoncent sur l'obus avec le refouloir. Le 192 premier servant de droite s'assure que l'obus et le valet sont rendus au fond de la pièce par la longueur de la hampe, et en rend compte au chef. Ces deux servans prennent la position pour refouler.
10 me COMMANDEMENT.
Refoulez! (Un temps.)
11 me COMMANDEMENT.
En batterie! (Deux temps.)
1 er temps. Le chef de pièce prend le levier-directeur, et le tenant des deux mains par l'extrémité, il engage le bec sous la tige mobile. ( Comme pour le canon .)
2 e temps. Le chef de pièce placé parallèlement à l'affût, faisant effort sur le trou du levier-directeur, soulève le derrière de l'affût et commande palanquez! alors tous les servans agissent ensemble pour mettre la pièce en batterie droite au milieu du sabord; le chef facilite ce mouvement en continuant de peser sur son levier et poussant en avant jusqu'à ce que la pièce soit en batterie. Alors 193 il débarre, remet le levier-directeur à sa place, et ( comme pour le canon .)
12 me COMMANDEMENT.
Tapez, amarrez vos canons! (Deux temps.)
Nota. L'armement de ces bouches à feu est le même que pour le canon de 36, plus un levier-directeur et un petit refouloir à tête conique pour la gargousse. Mais le levier-directeur n'est utile que lorsque l'affût est privé de roues de derrière; dans le cas contraire, tout ce qui a rapport dans l'exercice au levier-directeur, doit être supprimé.
L'exercice des deux bords n'apporte aucune modification à la manière dont une pièce doit être pointée, tirée et chargée. Mais comme alors ce sont les canonniers d'un seul bord qui se partagent pour faire le service des deux bords, il a fallu adopter un ordre 194 de répartition qu'il importe de faire connaître.
Cet exercice se divise en quatre parties.
I.— Armement des pièces et changement de bord.
TROIS COMMANDEMENS.
1 er .— Armez les deux bords!
Explication. Les chefs des pièces paires si l'on est à tribord, et ceux des pièces impaires si l'on est à bâbord, disposent sur le boulon de culasse les boîtes à capsules, le doigtier, le dégorgeoir, l'épinglette et le tablier du servant.
Action!
Observation. Le numérotage des pièces commence par l'avant, et si le nombre des pièces d'une batterie est impair, l'équipage des deux dernières pièces de l'arrière les manœuvre ensemble comme s'il s'agissait de deux pièces voisines.
2 e .— Par le flanc gauche et par le flanc droit; à gauche, à droite!
Explication. Les servans de droite font à gauche , ceux de gauche font à droite , et les chefs de pièce demi-tour à droite ! tous se tiennent prêts à se porter à la pièce correspondante de l'autre bord.
Action!
Observation. Dans un combat, c'est le chef de pièce qui fait le commandement de par le flanc gauche! etc.
3 e .— Marche!
Explication. Les chefs de pièces qui ont fait demi-tour se rendent avec leurs servans aux pièces correspondantes de l'autre bord, et détachent, chemin faisant, à la pièce voisine à droite, les trois premiers servans de droite, savoir: le premier pour chef de pièce; le deuxième pour chargeur, et le troisième pour fournisseur. A cet effet, les servans de droite marquent le pas jusqu'à ce que le dernier homme de la file de gauche l'ait dépassé, 196 et tous se rendent à leur poste en se formant, les servans de gauche sur la droite, et ceux de droite sur la gauche, par file en bataille.
Les chefs de pièces qui n'ont pas quitté leurs pièces, s'équipent du tablier et envoient à celle qui est voisine à droite, devenue vacante, les trois premiers servans de droite; le premier pour chef de pièce, le deuxième pour chargeur, et le troisième pour fournisseur.
Les chargeurs envoyés pour chefs de pièces, sont nommés chefs provisoires , et les autres, chefs titulaires .
A chaque pièce des deux bords où se trouve le chef titulaire, le premier servant de gauche devient chargeur, et le second fournisseur.
Chaque chef, à son arrivée à la nouvelle pièce qu'il va servir, s'arme de la boîte à capsules, du doigtier, du dégorgeoir et de l'épinglette qui doivent s'y trouver; les écouvillons et les refouloirs sont passés à la gauche des pièces dans toutes les batteries; le chef de pièce démarre le couvre-lumière et fait détaper la pièce.
Action!
Observation. Pendant un combat, c'est le chef qui fait le commandement de marche! Le tablier est supposé avoir été apporté au commandement de branle-bas .
II.— Manœuvre de la pièce de chaque chef titulaire jusqu'à ce qu'elle ait fait feu, et passage des servans mobiles à la pièce de chaque chef provisoire. —Quatre commandemens.
1 er .— En batterie; dégorgez; amorcez!
Explication. Après avoir mis les pièces en batterie, si elles n'y sont pas, les chefs titulaires seulement dégorgent et amorcent.
Action!
2 e .— Pointez!
Explication. Les chefs titulaires seulement passent par tous les temps du pointage.
Action!
3 e .— Feu!
Explication. Les chefs de pièces attendent le moment favorable et ils exécutent le feu. Aidés par leurs servans, ils mettent les pièces hors de batterie, et le premier servant de gauche fait la demi-clef au palan de retraite. La pince est mise en travers des roues par le premier servant de droite.
Action!
Observation. S'il y a lieu de se servir du boute-feu, c'est le dernier servant de gauche qui s'en saisit.
4 e .— Servans mobiles, changez!
Explication. Les chefs de pièces qui viennent de tirer ne conservent que le premier servant de droite et de gauche; tous les autres, nommés servans mobiles , se portent à la pièce voisine à droite, où ils occupent les mêmes postes qu'à celle du chef titulaire.
Action!
III.— Manière de charger la pièce pendant que celle du chef provisoire est mise en batterie et fait feu, et réciproquement. —Cinq commandemens.
Observation. Chacun des cinq commandemens en comprend deux ou plusieurs, qui s'adressent tantôt aux chefs titulaires, tantôt aux chefs provisoires; comme ils ne pourraient être donnés à la voix sans confusion, on en marque l'exécution par un coup de baguette.
Chefs titulaires. | Chefs provisoires. |
1 er coup de baguette.—Bouchez la lumière, écouvillonnez au refouloir! |
1
er
coup de baguette.—En batterie; dégorgez,
amorcez!
(Le dernier servant de gauche défait la demi-clef du palan de retraite.) |
2 e La gargousse dans le canon; refoulez, à la poudre! | 2 e Pointez! |
Observation. Le pourvoyeur va chercher la poudre et la porte à la pièce qui va tirer; 200 il continue alternativement ce service pour les deux pièces de l'approvisionnement desquelles il est chargé.
3 e Le boulet et le valet dans le canon! | 3 e Au boute-feu! (S'il y a lieu.) |
4 e Refoulez! | 4 e Feu! |
Observation. Comme dorénavant on se servira très-rarement du boute-feu, le chef provisoire fera alors feu au troisième coup de baguette; et au quatrième, il fera mettre sa pièce hors de batterie; les deux commandemens des troisième et quatrième coups de baguette, pris simultanément, devant, dans tous les cas, commencer et finir à-peu-près en même temps.
5 e .— Servans mobiles, changez!
L'exercice continuant, les chefs provisoires exécutent à chaque coup de baguette les commandemens indiqués pour les titulaires, et réciproquement. Ensuite ils alternent encore.
Au roulement, le feu cesse, mais on continue de charger les pièces qui ne le sont pas. Un chef ne doit jamais quitter sa pièce 201 qu'elle ne soit chargée, mise en batterie et amarrée si c'est une pièce des batteries hautes, ou rentrée et fixée par la pince placée en avant des roues, si c'est une pièce de la batterie basse.
IV.— Désarmement d'un des deux bords. —Trois commandemens.
1 er .— Canonniers, tous à tribord; ou canonniers, tous à bâbord!
Explication. Les écouvillons et les refouloirs sont replacés à droite des pièces, et les couvre-lumières à leurs places; les chefs provisoires du bord qui restent armés, ainsi que les chefs titulaires et provisoires du bord qui doivent être désarmés, laissent leur équipement sur le bouton de culasse.
Action!
2 e .— Par le flanc gauche et par le flanc droit; à gauche, à droite!
Les servans font à droite et à gauche , et les chefs de pièces demi-tour à droite . Si l'on a fait le commandement d'armer à bâbord, 202 ce sont les chefs titulaires des pièces impaires, qui sont tous à tribord dans ce moment, qui exécutent ce mouvement.
Action!
3 e .— Marche!
Explication. Les chefs de pièces se rendent avec leurs servans aux pièces correspondantes du bord opposé; les servans de droite marquent le pas jusqu'à ce que ceux de gauche soient passés; alors ils se rendent tous à leurs postes, en se formant sur la droite et sur la gauche par file en bataille.
Les chefs de pièces qui ont changé de bord se munissent de la boîte à capsules, et les servans chargés du tablier le reprennent.
Action!
Si la batterie est armée de caronades ou de pièces de 8 et au-dessous, leur équipage n'est pas assez nombreux pour se diviser; on suit alors les mêmes principes pour leur destination de chaque bord, mais on ne peut y servir que la moitié des pièces. Dans ce cas, 203 lorsqu'il devient utile de rapprocher le feu de l'avant ou de l'arrière, on ordonne à chaque équipage de se serrer du côté où on veut le faire, de manière à ne laisser aucun intervalle. Si parmi les matelots de la manœuvre il s'en trouve de disponibles, comme tous doivent connaître l'exercice du canon, le commandant peut alors les envoyer servir les pièces qui sont sans équipage; on y met pour chef le chargeur titulaire de ladite pièce, qui est remplacé à la pièce qu'il quitte par le fournisseur, et celui-ci par un des matelots provenant de la manœuvre.
Outre ces passages d'une partie des hommes d'un bord pour armer tout l'autre bord, ou seulement une portion, il est encore un cas qui peut se présenter: c'est celui où se battant d'un seul bord, il y a lieu à cesser entièrement le feu de ce même bord et à se porter de l'autre, pour se battre sur cet autre bord. Alors on commande:
Armez l'autre bord!
Explication. Les pièces de la première batterie, chargées ou non, sont assujetties à la longueur du recul, afin de pouvoir fermer 204 les sabords, si c'est ordonné. Pour celles qui sont chargées, chaque chef passe aussitôt avec son équipage à la pièce du bord opposé; et pour les autres, il y laisse son chargeur et le second et troisième servans de droite pour la charger; à cet effet, le chef de pièce commande à gauche et à droite , lui-même fait demi-tour ; il prononce le mot marche! et il va avec les servans prendre pareil poste à la pièce opposée. Les servans qu'il a laissés, s'il y avait lieu à recharger, viennent le joindre dès qu'ils ont fini.
Dans les batteries hautes, les pièces sont amarrées au moyen de leurs palans de côté.
Action!
Exercice à volonté!
Explication. Chaque chef de pièce fait alors en particulier à ses servans les commandemens des divers temps; il doit leur en faire observer toutes les circonstances et ne jamais sacrifier l'exactitude à la vivacité des mouvemens.
Action!
Observations. Le feu à volonté est ordinairement celui d'un combat, et les canonniers doivent y être exercés. Il est pourtant d'autres feux qui peuvent être désignés par les dénominations suivantes:
Feu de file ou de salut. C'est celui où l'on commande à toutes les pièces de faire feu successivement, suivant un ordre et à intervalles indiqués. On peut employer ce feu contre un bâtiment plus faible que l'on chasse, ou à mesure qu'on découvre un navire dans une manœuvre; il a l'avantage de vous laisser libre de former et de favoriser le pointage.
Feu de section. C'est celui où l'on commande à un certain nombre de pièces de faire feu simultanément, suivant un ordre prescrit et à un intervalle indiqué. On peut employer ce feu quand on veut se ménager un certain nombre de coups toujours prêts à être envoyés.
Feu de division. C'est le feu de section lorsque chaque section est composée de la moitié des pièces consécutives d'un même 206 bord d'une batterie. On peut employer ce feu quand la fumée empêche de bien juger la position de l'ennemi, et qu'on veut se réserver des pièces prêtes pour l'instant où il paraîtra.
Feu de batterie. C'est celui que chaque batterie doit faire alternativement; les gaillards peuvent alors, suivant les ordres reçus, tirer à volonté ou à leur tour.
Feu par bordées. C'est celui où l'on fait des décharges générales de toute son artillerie; on l'emploie quand, pendant une manœuvre, on vient à découvrir son ennemi, et qu'on veut profiter de ce moment pour l'écraser.
Il y a cependant des inconvéniens dans chacune de ces manières de faire feu, tandis que le feu à volonté est celui qui en a le moins et qui réunit le plus d'avantages. Il reste à faire observer que les volées sont en général plus meurtrières ou plus efficaces, 1º quand elles sont tirées en enfilade , c'est-à-dire dans le sens de la longueur du bâtiment ennemi, surtout de l'arrière à l'avant; 2º en écharpe , c'est-à-dire obliquement sur sa batterie; les boulets peuvent alors faire des éclats considérables.
Outre les devoirs imposés aux chefs de pièces et servans, au commandement de branle-bas de combat, il en est d'autres qui ont rapport au service de l'artillerie.
Le commandement de branle-bas de combat fait, ou la générale battue, pendant que les chefs et servans se rendent à leurs pièces pour les préparer à faire feu, les soutes à poudre sont ouvertes, et les hommes affectés à ce service s'y rendent. Les rondiers des batteries démontent les chandeliers des panneaux, enlèvent les échelles qu'ils font passer dans l'entre-pont pour éviter les éclats, la communication s'établissant pendant le combat par les échelles de cordes toujours en place.
Les hommes pour le passage des poudres dans les batteries, mettent en place les panneaux de combat [7] , les manches pour les 208 gargoussiers vides et les reposoirs pour les gargoussiers pleins [8] .
Les feux sont éteints, les pompes à incendie garnies et armées.
L'emploi des capsules rend inutile le mouvement du chef de pièce pour percer la gargousse, il doit s'assurer seulement si la lumière est dégagée.
Les gargousses délivrées ordinairement à bord des navires de l'état sont en papier, en serge, en parchemin, ou en papier-parchemin. Depuis quelque temps cependant les gargousses en serge paraissent abandonnées, et on ne donne plus que des gargousses en papier pour le salut et l'exercice, et en papier-parchemin pour le combat.
Les gargousses en papier-parchemin ont l'avantage de ne pas conserver long-temps le feu, mais elles forment de très-forts culots qui restent dans la pièce après l'explosion, et il faut écouvillonner avec le plus grand soin, pour que ces culots ne s'amoncellent pas au 209 fond de l'âme et n'empêchent pas la gargousse de s'y rendre.
L'apprêté ne se faisant plus à bord depuis l'adoption des caisses à poudre, on ne se trouve plus dans la nécessité de saigner la gargousse. On donne pour chaque calibre, un cinquième de gargousse au tiers et quatre cinquièmes de gargousse au quart; de sorte que lorsque le chef de la batterie trouve les pièces échauffées, il prend les ordres du commandant du bâtiment, pour qu'il soit prescrit dans les soutes d'approvisionner avec des gargousses au quart.
Les valets dont on se sert ordinairement sont cylindriques pour les canons, et ovoïdes pour les caronades; on commence cependant à les remplacer par des herseaux, qui, d'après les expériences faites à Toulon en 1834, ont donné les résultats semblables, sinon préférables aux valets cylindriques.
Ces derniers ont le grand inconvénient de pouvoir former un coin autour du boulet, ce qui nécessitant une plus grande force pour le chasser de l'âme, peut être préjudiciable à la pièce.
Non-seulement lorsqu'on est vergue à vergue, mais dans plusieurs autres circonstances, 210 il peut être très-utile de tirer à longueur de brague. Il résulte de plusieurs expériences faites en 1836 à Toulon, que non-seulement il ne faut pas raidir les palans de côté, comme le dit l'instruction, mais qu'il faut les décrocher si on ne veut que les poulies soient brisées aux premiers coups tirés. Après avoir calé les roues de derrière avec des fauberts mouillés et sablés, on décroche les palans de côté et on réunit, sans les forcer, par une aiguillette, les deux portions de la brague en avant de l'affût.
A bord des bâtimens armés de caronades, en désignant d'avance un homme par pièce pour remplir les fonctions de chargeur, on peut servir toutes les pièces lorsqu'on se bat des deux bords. Dans ce cas, les chefs titulaires détachent à la pièce voisine, à droite, leur chargeur pour chef de pièce, et prennent pour chargeur leur fournisseur. Les chefs provisoires ont pour chargeur un homme de la manœuvre désigné d'avance, et le pourvoyeur de la pièce du chef titulaire approvisionne également celle du chef provisoire.
Nœuds, Amarrages et divers Travaux de Garniture appliqués au Canonnage.
C'est à bord et dans les ateliers de garniture que l'instruction sur ces objets, tous de pure pratique, peut être le plus facilement donnée et le plus promptement acquise; on ne saurait donc entrer ici à cet égard dans de grands détails, et l'on se contentera de fixer l'attention sur les points suivans, qui sont distribués par ordre alphabétique pour faciliter les recherches.
Aiguilletage, aiguillette. L'aiguilletage est un amarrage qui sert à réunir deux cordages ou deux branches du même cordage; il s'exécute le plus souvent avec un petit filin flexible qu'on nomme aiguillette , qu'on fait passer en tours multipliés dans les anneaux, bagues ou œillets dont ces cordages peuvent être pourvus.
On se sert d'aiguillettes pour les amarrages des canons et des caronades, pour embarquer et débarquer les canons, pour saisir les chandeliers 212 de pierrier et d'espingole; pour fixer le bout des bragues des pièces, qu'au besoin on passe aux sabords de chasse ou de retraite, et pour raidir l'appareil des batteries quand les pièces sont au grelin par un mauvais temps.
Brague. Fort cordage fait de fil de première qualité, commis avec le plus grand soin et légèrement goudronné, et qui sert à borner le recul des bouches à feu. La brague est élongée et tendue de force avec des palans, ou même au cabestan, avant d'être mise en usage, pour qu'elle soit moins exposée ensuite à prendre du mou. Sa longueur pour les canons de calibre de 36, de 12 et intermédiaires, varie de 10½ mèt. à 7¾ mèt., et sa grosseur de 20 à 16 centimètres. La brague est fixée par ses deux bouts dans les boucles de la muraille du bâtiment par un amarrage avec étrive, c'est-à-dire avec changement de direction du cordage principal, après qu'il a été replié sur lui-même.
Bridure. Amarrage qui sert à rapprocher deux ou plusieurs cordages déjà tendus, ou les tours d'un même cordage, et à les étrangler en un point, afin qu'ils souquent davantage. Il s'exécute soit avec un cordage particulier, 213 soit avec le bout même du cordage bridé.
Brin. Un cordage est de premier brin quand il ne contient que les filamens les plus longs et les plus propres qui restent dans les mains du peigneur. Tous les cordages de l'artillerie sont du premier brin.
Civière. Moyen cordage qui sert comme une suspente et qu'on nomme herse ; c'est une sorte d'élingue. (Voyez ce mot.)
Coiffe d'écouvillon. Sac de toile pour envelopper et préserver la tête de l'écouvillon; il se fait avec un morceau de toile plié en deux, cousu sur le côté et adapté ensuite à un fond circulaire; on le termine par une coulisse au bord, pour y faire passer un lusin goudronné qui sert à serrer la coulisse sur la hampe; la coiffe est ensuite peinte sur la face extérieure.
Croupière. Bout de cordage fixé au corps de l'essieu de l'arrière et formant une boucle pour accrocher le palan de retraite; il y a souvent un piton dans cette partie qui rend la croupière inutile.
Elingue. Cordage dont on entoure un fardeau pour le soulever. Les deux bouts en sont réunis par une épissure. On s'en sert pour embarquer et débarquer les canons. 214 Longueur pour les calibres de 36, de 12 et intermédiaires, de 7 mètres 1 ⁄ 7 à 6 mètres ½; grosseur, de 20 à 16 centimètres.
Epissure. Réunions de deux bouts de cordages entés, en quelque sorte, par l'entrelacement réciproque de leurs torons; l'excédant des torons est coupé au ras du cordage, et la jonction a lieu solidement sans nœuds ni bourrelets.
Estrope. Cordage fourré, dont on entoure une poulie en le faisant passer dans les rainures pratiquées sur sa caisse; les deux bouts de cordage sont joints par une épissure. On y ajoute souvent une cosse pour pouvoir accrocher la poulie; on applique alors cette cosse dans un pli de l'estrope sur la tête de la poulie, et l'on approche les deux branches de l'estrope par un amarrage à plat, entre la poulie et la cosse, qui empêche l'estrope de se dégager de ses goujures.
Estrope de culasse. Cordage employé dans l'amarrage à la serre. Les deux bouts en sont réunis par une épissure. On y fixe une cosse en fer, de sorte que l'estrope est divisée en deux parties inégales. De semblables estropes, mais plus longues, sont employées pour l'embarquement et le débarquement 215 de l'artillerie, savoir: deux pour la culasse, et un pour la volée; celle-ci est plus courte que les autres.
Faubert. Faisceau de fil de carret lié par une de ses extrémités, et emmanché d'un petit bâton; les fils en se détordant par le bout forment une étoupe qui fait éponge.
Fourrer un cordage. C'est recouvrir un cordage en bitord; on l'étend horizontalement à la hauteur de ceinture, on prend une pelote de bitord dont le bout se fixe sur le cordage, on applique sur celui-ci le maillet à fourrer, on les saisit par deux ou trois tours de bitord tant sur le maillet que sur le manche; en faisant tourner le maillet, le bitord se range en tours serrés et en spirale sur le cordage, qui est ainsi à l'abri du frottement des corps étrangers. On fourre aussi en basane, en toile goudronnée. Les anneaux de brague des caronades et la partie des bragues qui y portent, sont fourrés.
Garant. Cordage d'un palan. L'une de ses extrémités se frappe sur le cul de la poulie simple; l'autre passe sur un des rouets de la double, de dessous en dessus; on le ramène sur le rouet de la simple, de dessus en dessous, et de là sur le second rouet de la double, 216 de dessous en dessus. C'est sur cette extrémité, appelée courant , que l'on agit. Dans les palans de côté, le courant doit se trouver dessus. Pour les canons de 36, de 12 et intermédiaires, la longueur des garans des palans de retraite et de côté (qui sont les mêmes) varie de 31 mètres à 24, et leur grosseur de 9 à 7 centimètres.
Garcette. Tresse plate en bitord. La poignée du coussin est une tresse semblable.
Garnir une brague. C'est entourer la partie exposée au frottement d'une toile goudronnée, maintenue par des tours serrés d'un cordage fin. On peut se servir encore d'un morceau de basane cousu, suivant la longueur de la brague.
Hampe de corde. Bout de filin de retour, fourré, de même longueur que la hampe de bois; il a 8 centimètres pour les calibres de 36, 30 et 24; et 7½ pour les calibres au-dessous.
Itague. Cordage tenant à un palan, et ordinairement en double pour en augmenter l'effet. On s'en sert quand on change un canon d'affût, ou qu'on l'amène sur le pont. Un bout est garni d'une cosse, l'autre est en queue de rat. Pour les canons des calibres de 217 36, 30, 24 et 18, la longueur de l'itague varie de 6 mètres ¼ à 5 mètres ⅔, et la grosseur de 12 à 10 centimètres.
On se sert aussi d'un itague pour fermer les mantelets des sabords; il porte à son milieu, et en dedans du bord, une cosse où passe le croc de la poulie double du palanquin; les deux bouts de l'itague traversent la muraille et vont s'amarrer sur le mantelet.
Ligne d'amarrage. Menu cordage goudronné, servant à faire certains amarrages, comme ceux des bouts de brague, ceux qui servent à rapprocher les côtés des élingues ou des estropes, etc.
Lusin. Petit cordage composé de deux fils de carret; il y a du lusin blanc et du lusin goudronné. Il est employé à serrer les coiffes d'écouvillon, et pour la confection des grappes de raisin.
Machine à démonter les canons. Elle se compose de deux estropes (garnies chacune de deux poulies simples), de deux civières (garnies de deux poulies simples), de quatre itagues, et de quatre palans (ceux de la pièce et de la voisine). On a proposé d'autres machines, mais les parties de celle-ci sont les plus faciles à se procurer.
Mèche. Corde lessivée servant, au besoin, à mettre le feu à une pièce. La mèche est fabriquée avec des étoupes de lin; elle doit être ferme, sans trop de dureté, bien pénétrée de lessive salpêtrée, mais sèche, sans moisissure, et sans être cornue à sa surface.
Merlin. Petit cordage de trois fils de carret commis ensemble au moyen de la roue du siége de commettage. Celui qui s'emploie pour l'artillerie est composé de fils goudronnés; une pièce de 60 brasses pèse environ 1 livre ½.
Nœuds. Les nœuds diffèrent suivant leur destination; c'est pour le marin une étude longue et importante, qui ne peut se graver dans l'esprit que par la pratique. On doit se borner à dire ici, en général, que les nœuds et amarrages sont disposés de manière que les frottemens des tours les uns contre les autres rendent l'enlacement solide, tout en permettant, au besoin, de pouvoir défaire le nœud.
Palans de côté et de retraite. Ils sont composés d'une poulie simple, d'une poulie double et d'un garant (voyez ce mot). Les poulies sont estropées et garnies chacune d'un croc. Il y en a pour d'autres objets, pour embarquer et débarquer les pièces, pour 219 descendre les barils à poudre dans les soutes, etc.; mais ils sont établis de la même manière, à peu près.
Palanquin. Petit palan croché dans la boucle de l'itague de mantelet par sa partie double; la poulie simple a une cosse fixée à un piton sur le pont supérieur, et vis-à-vis le milieu du sabord.
Quarantainier. Cordage composé de trois torons commis ensemble; il y en a de 6 à 9 fils, et de 12 à 15 fils; celui qu'on emploie pour l'artillerie est goudronné.
Queue de rat. Espèce de pointe que l'on fait à l'extrémité des cordages pour faciliter leur introduction dans une poulie. On l'exécute en liant le cordage au point où l'on veut commencer la queue de rat; on défait les torons jusqu'à la ligature; et renversant les fils extérieurs sur le cordage, on en amincit les intérieurs à l'aide d'un couteau, de manière que leur volume aille toujours en diminuant; on reprend alors les fils extérieurs, et on les rabat alternativement par pairs et par impairs, ayant soin, à chaque fois, de les lier fortement. Une ligature termine cette espèce de tissu.
Raban de sabord. Bout de quarantainier 220 de 4 à 5 mètres de longueur, et de 5 à 7 centimètres de grosseur, employé pour fermer solidement les mantelets. Il y en a deux par sabord.
Raban de retenue des caronades. Aiguillette de 20 à 24 mètres de longueur, et de 5 à 7 centimètres de grosseur, employée pour fortifier l'amarrage des caronades par un mauvais temps.
Raban de volée. Cordage de 11 à 15 mètres de longueur, et de 6 à 8 centimètres de grosseur, employé dans l'amarrage du canon à la serre, pour assujettir la volée contre la partie supérieure du sabord; ce cordage porte une ganse à l'une de ses extrémités. On en donne un par sabord de batterie basse.
Surliure. Amarrage fait sur les bouts d'un cordage pour empêcher les torons de se séparer; la surliure s'exécute avec du fil à voile, ou de la petite ligne qui sert à faire plusieurs tours bien serrés, et dont on engage les bouts sous les tours.
Valet. Bouchon de corde servant à maintenir la charge dans l'âme de la pièce, et à donner, par quelque résistance, le temps à la poudre de s'enflammer en plus grande partie. 221 L'influence du valet sur la charge, sur la portée du projectile, sur la pièce même, a été envisagée sous plusieurs faces, et diverses propositions ont été faites pour sa configuration, ou pour en altérer la composition. On doit ici se borner à dire comment se confectionnent ceux qui sont adoptés à bord de nos bâtimens.
Le valet est cylindrique, son diamètre doit passer avec frottement dans l'âme de la pièce, et sa hauteur a quelques lignes de plus que son diamètre. Il se fait avec du vieux fil de carret dont on forme un faisceau que l'on serre par le milieu avec du fil de carret neuf.
Dans les ateliers on se sert pour faire les valets, d'un banc garni d'une paille à bitte à un bout, et d'un morceau de filin à œillet de l'autre; on a une petite planche appelée moule , qui a pour longueur la hauteur du valet, mais un peu plus étroite à son extrémité. On charge le moule pour le placer sur le bout de filin à œillet, et en le retirant on fait faire au filin un tour complet autour des fils de carret, puis on amarre ce filin sur la paille à bitte; enfin on roule le valet et on le souque au moyen d'une gournable qu'on introduit dans l'œillet du filin, et sur laquelle 222 on trévire. Il ne reste plus qu'à amarrer le valet par le milieu.
Si on veut faire un valet ovoïde, ou en forme d'œuf, on enfonce une poignée de vieux fils de carret dans le trou de fusée d'une roue d'affût de calibre inférieur; on forme ainsi un noyau solide qu'on serre par le milieu; on le recouvre dans le sens de la longueur de plusieurs tours de fil de carret neuf, et l'on incline ensuite ces tours. On le serre enfin comme le valet cylindrique.
Dans les deux cas on fait une poignée ou deux au valet, en y introduisant pendant sa confection une ou deux petites bagues en fil de carret, qu'on a toujours soin de laisser déborder.
Différentes manières d'amarrer les canons à bord.
Les amarrages employés pour contenir les bouches à feu à bord, dépendent de la place qu'elles occupent et des craintes que peut donner le mauvais temps.
Amarrage à garans simples. Cet amarrage est usité dans les beaux temps.
La pièce étant en batterie, maintenue par un tour de chaque garant passé autour du collet du bouton, le troisième servant de droite remet le couvre-lumière au chef de pièce qui l'amarre sur la culasse, et qui ensuite décapelle les palans, et les fait tenir par les derniers servans; il fixe, entre les flasques et les garans le mou de la brague qui est soutenue par les deuxièmes servans; il les arrête par un tour mort au collet du bouton, en passant le double de chaque garant entre ce garant et la plate-bande de culasse de dessus en dessous. Le reste des garans se love et s'amarre le long des flasques; le dernier servant de gauche décroche le palan de retraite, le love et le place sur le canon.
Amarrage à garans doublés. Cet amarrage est usité pour les batteries hautes dans les mauvais temps.
La poulie double des palans de côté s'accroche à la boucle de la brague, et la simple au piton contre l'affût; on fait avec un garant deux tours du bouton de culasse aux crocs, et trois tours de bridure sur la culasse, d'abord du côté où est le garant, puis 224 de l'autre côté du canon; on passe ensuite son bout dans une boucle placée sur le pont, et il vient faire croupière en passant par-dessous la culasse, en dedans de la partie du garant qui s'y trouve; il est arrêté par une bridure sur la croupière.
L'autre palan s'amarre à l'ordinaire en faisant passer le garant par-dessus celui qui est doublé, afin de l'avoir toujours à sa disposition, si les circonstances exigeaient un amarrage plus solide. Les bragues sont repliées le long des flasques, et le palan de retraite est placé sur le canon.
Amarrage à la serre. Cet amarrage est usité pour les batteries basses dans les mauvais temps.
La culasse se pose sur la sole de l'affût; le tiers de la bouche environ est appuyé contre la serre au-dessus du sabord, les poulies doubles des palans de côté s'accrochent aux boucles de bragues contre le bord, la poulie simple aux pitons sur l'adent des flasques.
On passe le garant sur le collet du bouton, et de là au croc près du sabord de dedans en dehors; on fait ainsi deux ou trois tours au ras de la plate-bande de culasse, et un tour à la hauteur du troisième adent de l'affût, pour 225 venir ensuite faire une bridure sur le derrière de la poulie simple, où l'on emploie le reste du garant. Cette opération se fait des deux côtés du canon.
Les deux côtés de la brague passent par-dessous les fusées de l'essieu de l'avant; une aiguillette les embrasse par trois tours; elle repasse ensuite par-dessus les palans, qu'elle serre avec la brague par trois autres tours qu'elle réunit en passant ses bouts entre les palans et les bragues, puis elle embrasse et serre fortement tous les tours par le milieu au moyen d'une bridure, et on l'arrête.
La volée est soutenue par le raban de volée, qui fait plusieurs tours dessous et dans la boucle de raban placée au-dessus du sabord. La poulie double du palan de retraite est accrochée à la boucle du raban de sabord, et la simple à une estrope qu'on met autour du collet du bouton de culasse. On raidit bien le palan, et l'on fait avec le reste deux bridures, dont une sur la plate-bande de culasse, et l'autre sur la volée.
Lorsque les roulis sont considérables, on joint à ces précautions celle de clouer sur le pont, sous les roues de l'arrière de l'affût, un cabrion , qui est un morceau de bois taillé en 226 biseau. On pourrait même en clouer un autre sous les roues de l'avant.
Amarrage le long du bord, dit en vache. Cet amarrage est usité soit pour avoir plus de place à bord, soit pour adoucir les roulis du navire.
On place le canon contre le bord, dans le sens de la longueur du navire; on accroche les poulies simples des palans à des estropes qui embrassent les fusées extérieures des essieux de derrière, et les poulies doubles aux boucles de brague, de manière que les palans se croisent; on passe plusieurs tours de garant dans les crocs, ainsi que sous les fusées des essieux, et l'on finit l'amarrage par une bridure au ras de la fusée.
Amarrage au grelin. Cet amarrage est usité lorsque le canon étant à la serre, on craint que les amarrages précédens, ou les boucles et les crocs, ne puissent pas résister aux secousses du navire.
On passe un grelin tout autour de la batterie; on le raidit aux extrémités du vaisseau, en le faisant passer sur tous les boutons de culasse des canons; entre chaque couple de pièces, il y a des boucles placées contre le bord, dans chacune desquelles on passe le 227 palanquin du mantelet, ou une aiguillette que l'on fixe sur le grelin, et on les raidit à la fois.
Amarrage par la fausse brague. Cet amarrage est usité quand le bâtiment est vieux, ou lorsque l'on craint que la muraille n'éprouve trop de fatigue, par les secousses que pourraient donner les batteries à la serre, lorsque les cordages ont pris du jeu.
On prépare un cordage ayant à-peu-près la grosseur de la brague, et pour cet usage nommé fausse brague ; les deux bouts en sont repliés et épissés afin de pouvoir former des œillets susceptibles de recevoir la fusée de l'essieu; il doit être assez long pour que, ses œillets embrassant la fusée de l'essieu de devant, il puisse être aiguilleté sur la boucle de derrière, en passant par-dessus les derniers adents de l'affût.
On dispose la pièce comme pour l'amarrage à la serre; on recule l'affût de manière que la bouche de la pièce se trouve à 4 ou 5 pouces du bord; on place sur le pont, vers le derrière de l'affût, des boucles de fer goupillées solidement par-dessus; on passe les œillets de la fausse brague aux fusées de l'essieu de l'avant, et on l'aiguillette sur la boucle dont on vient de parler, en la faisant 228 venir par-dessus les derniers adents de l'affût. L'amarrage se fait d'ailleurs comme dans l'autre manière de mettre à la serre.
Amarrage aux chevrons de retraite. Cet amarrage a le même but que le précédent, et il fatigue moins le navire que la fausse brague.
Les chevrons de retraite sont deux pièces de bois de chêne assez longues pour tenir la tranche du canon à quatre ou cinq pouces de bord; elles sont entaillées de manière à recevoir d'un bout la tête de chaque flasque, l'autre bout s'appuie sur le bord; on place des cabrions devant et derrière, et l'on continue l'amarrage comme dans la méthode ordinaire.
Amarrage par la queue des flasques. Cet amarrage est préférable à l'amarrage à la serre, indiqué précédemment, lorsque les canons ont un anneau de brague sur la culasse.
Le canon étant rentré, on fait tomber la culasse sur la sole; on appuie le tiers de la tranche contre la partie supérieure du sabord; on dispose le raban de volée, l'aiguillette et le palan de retraite comme à l'ordinaire; on passe également les deux côtés de 229 la brague sous les fusées des essieux de l'avant, on accroche le croc de chaque poulie double à la boucle de brague, et le croc de la poulie simple au piton. On raidit chaque palan de côté, on passe ensuite un tour de garant sur la queue des flasques, et deux au croc. Quand le troisième tour est achevé sur la queue des flasques, on passe le bout du garant entre le tour du même garant, et le dessus de la queue des flasques de dessous en dessus; ensuite on fait trois tours de bridure, entre la cheville à piton et le dernier adent, puis trois autres tours en allongeant de manière à ramener le dernier à la queue de la poulie simple, où l'on emploie le reste du garant. Il faut éviter que les tours de garant passés à la queue des flasques, ne frottent contre les roues.
Observation générale. Si un canon de gros calibre se démarre et obéit au roulis, il ne faut pas briser les roues; on jette sur son passage quelque sacs à valets. Quatre hommes saisissent un levier chacun, et ils engagent le sifflet sous les roues, ce qui donne le temps de saisir le canon avec des cordages pour le ramener à bord.
Amarrage des caronades. On maintient 230 les caronades à brague fixe, en raidissant leurs bragues et en contenant leurs affûts par des aiguillettes passées dans les pitons de derrière du châssis, et dans les boucles fixées sur le pont.
La ligne qui joindrait le point le plus élevé de la plate-bande de culasse avec le point le plus élevé du bourrelet, et qu'on peut imaginer prolongée indéfiniment au-delà de la volée, est ce qu'on appelle la ligne de mire .
C'est celle par laquelle le canonnier vise pour pointer, c'est-à-dire pour donner à la pièce la direction qu'il juge convenable pour atteindre le but.
La ligne passant par le milieu de l'âme, c'est-à-dire son axe, qui est en même temps l'axe de la pièce, et qu'on peut imaginer prolongée indéfiniment au-delà de la bouche, est ce qu'on appelle la ligne de tir .
C'est celle que suit sensiblement le boulet 231 à son départ, et qu'il suivrait indéfiniment s'il pouvait se mouvoir en ligne droite.
Comme le canon a plus de grosseur ou de diamètre à la culasse qu'à la volée, il est clair que la ligne de mire et la ligne de tir sont plus rapprochées à la volée qu'à la culasse, et que leurs prolongemens doivent se rencontrer à une certaine distance de la bouche; de sorte que la ligne de mire, qui était d'abord au-dessus de la ligne de tir, est ensuite en dessous, et que l'écartement de l'une à l'autre devient d'autant plus grand qu'on les imagine prolongées davantage.
Ce qui précède doit faire concevoir comment il arrive que le boulet, qui était d'abord au-dessus de la ligne de mire, est bientôt au-dessous. C'est pour exprimer cette circonstance du tir, que le canonnier dit: qu'en partant, le coup relève . On voit donc que si le boulet allait en ligne droite, il faudrait diriger la ligne de mire au-dessous du but, toutes les fois que celui-ci se trouverait plus éloigné que la distance assez petite (de 15 à 25 pieds dans les canons) où la ligne de mire et la ligne de tir se rencontrent.
Chacun a pu remarquer qu'une pierre lancée dans l'espace ne se mouvait pas en ligne 232 droite, mais qu'elle décrivait une courbe très-sensible à l'œil. Toutefois on a dû observer que la courbure de la ligne suivie par la pierre était d'autant moins grande que la pierre avait été lancée avec plus de force ou de vitesse. Cette courbure est due à l'action de la pesanteur, qui tend à rapprocher tous les corps du centre de la terre, et qui les en rapproche effectivement quand ils ne sont pas supportés ou suspendus. Cette action de la pesanteur qui fait décrire une courbe à une pierre lancée à la main ou avec une fronde, fait aussi que le boulet lancé par le canon décrit une ligne dont la courbure, quoique moins sensible à l'œil, n'en est pas moins réelle, et le boulet s'écarte d'autant plus de la ligne de tir en dessous, qu'il s'éloigne davantage du canon.
Cette courbe décrite par le boulet se nomme trajectoire .
Puisque le boulet, après s'être élevé par-dessus la ligne de mire, se baisse ensuite en dessous la ligne de tir par l'action de la pesanteur qui le rapproche de la surface de la terre, il y aura un moment où il viendra couper une seconde fois la ligne de mire; de sorte que, pour atteindre un but placé à 233 la distance, soit du premier, soit du second point où le boulet coupe la ligne de mire, il faut viser sur lui comme si le boulet se mouvait en ligne droite, et qu'il dût suivre la ligne de mire. Ces deux points portent l'un et l'autre le nom de but-en-blanc . Mais comme le premier est peu utile pour le tir du canon, on ne s'occupe guère que du second, qu'on appelle but-en-blanc naturel quand la ligne est horizontale, ou simplement, dans les autres cas, but-en-blanc ; et l'on appelle pointer de but-en-blanc , l'action de viser directement par la ligne de mire sur un point éloigné.
Nous avons dit que la ligne de tir et la ligne de mire se coupaient à une certaine distance de la bouche du canon. L'ouverture de ces lignes, ou l'inclinaison de l'une à l'égard de l'autre, est ce qu'on appelle l'angle de mire . On voit que la grandeur de cet angle dépend de la différence de grosseur et de diamètre de la culasse et de la volée du canon, ainsi que de sa longueur.
Comme le boulet a dû s'élever d'autant plus au-dessus de la ligne de mire que l'angle de mire est plus grand, et que la trajectoire a d'autant moins de courbure que la poudre imprime plus de vitesse au 234 boulet, il est évident que la vitesse du but-en-blanc dépend 1º de l'angle de mire; 2º de la force de la poudre, tant sous le rapport de sa quantité que de sa qualité, ou plutôt de la vitesse qu'elle peut communiquer au boulet.
On appelle portée d'une pièce, la distance à laquelle elle peut chasser son projectile. Cette distance varie pour une même bouche à feu, suivant la charge de poudre employée, suivant la forme, la grosseur et le poids de son projectile, et surtout suivant l'inclinaison de l'axe de la pièce ou de la ligne de tir, par rapport au niveau ou à l'horizon. Cette inclinaison de l'axe avec l'horizon est ce qu'on appelle l'angle de projection .
On concevra facilement que plus cet angle sera grand, toutes choses étant égales d'ailleurs, plus la portée sera étendue, et réciproquement. Toutefois ce n'est vrai que dans de certaines limites; car si l'angle de projection était plus grand qu'un demi-angle droit, le contraire aurait lieu; la portée recommence même à diminuer passé 42°⅓ pour les canons, et 28° pour les fusils. (Pour les positions de ces diverses lignes et de ces angles, voyez la figure V.)
Ce qui précède fait concevoir que si le 235 point que l'on veut frapper est à la distance du but-en-blanc, il faut diriger sur ce point la ligne de mire, comme si le boulet devait suivre cette même ligne de mire; que si le point que l'on veut battre est plus éloigné que le but-en-blanc, il faut diriger la ligne de mire par-dessus, ce qui vient à augmenter l'angle de projection. Il faut diriger la ligne de mire par dessous, dans le cas contraire, à moins pourtant que ce point ne soit très-rapproché du premier but-en-blanc, auquel cas il faudrait encore pointer en dessus. La distance de ce premier but-en-blanc varie, ainsi qu'on l'a déjà dit, de 15 à 25 pieds.
L'angle de mire est d'environ 1°½ pour les canons, et 3°½ pour les caronades.
La distance du but-en-blanc, avec la charge ordinaire du combat (d'après les expériences les plus récentes), est environ de 4 encâblures pour les canons de 18 et au-dessus; de 4½ encâblures pour les caronades de 24 et au-dessus: les uns et les autres étant chargés avec des boulets ronds. Les mêmes distances sont plus petites d'un tiers à peu près si les pièces sont chargées avec des boulets ramés, et de moitié si elles sont chargées avec des mitrailles.
La difficulté du tir consiste à déterminer de combien la ligne de mire doit être plus élevée que le point qu'on veut battre, quand celui-ci est plus éloigné que le but-en-blanc, ou de combien elle doit être plus basse dans le cas contraire. Pour cela, des instrumens ont été imaginés, proposés ou exécutés; des tables ont été dressées pour faire connaître les angles sous lesquels il fallait pointer, suivant les distances; mais ces moyens, plus ou moins ingénieux, ont été généralement peu utiles à cause des difficultés qu'il y a à les employer à la mer.
On a donc cherché un autre moyen qui pût frapper les yeux, en présentant les hauteurs respectives des coques et des mâtures des divers navires, et en plaçant à côté une échelle que nous nommerons de pointage , qui indique d'une manière suffisamment exacte, suivant les distances, les hauteurs où il faut pointer pour atteindre les bâtimens aux points voulus. Par ce moyen, il suffira qu'on fasse connaître, dans les batteries, la distance où se trouve l'ennemi, et s'il faut tirer soit à couler bas, soit aux gaillards, ou à démâter.
L'officier commandant la batterie indiquera alors aux chefs de pièces à quelle hauteur 237 ils doivent viser, et pour donner cette indication il pourra se servir, dans le premier cas, de la planche nº 1 ;
Dans le second cas, de la planche nº 2 ;
Et dans le troisième cas, de la planche nº 3.
Dans chaque planche la flèche ou le zéro indique la hauteur où il faut atteindre le bâtiment, et celle où il sera frappé si, étant à la distance du but-en-blanc on vise à cette hauteur. Le chiffre placé sur l'échelle, à la hauteur du zéro, indique cette distance en encâblures, pour chaque calibre et dans chaque espèce de pièces en usage dans la marine.
Les autres chiffres portés sur les échelles, soit plus haut, soit plus bas que la flèche, sont placés à la hauteur du point de la mâture ou de la coque où il faut viser, quand on est placé à la distance qu'ils expriment pour frapper le bâtiment à la hauteur de zéro.
Ainsi, pour pointer à couler bas par la ligne de mire naturelle, à 5 encâblures par exemple, il faut viser un peu au-dessus des bastingages des vaisseaux à trois ponts, ou à la hauteur des filets de casse-tête de ceux à deux ponts, ou au quart à peu près de la distance qui sépare les 238 bastingages et la grande hune des frégates. ( Planche nº 1 .)
Pour pointer aux gaillards, à la distance de 4½ encâblures, il faut viser à la hune des grands mâts des vaisseaux; à la moitié du ton des frégates, et d'une quantité égale à la moitié du ton, au-dessus du chouquet du grand mât des corvettes. ( Planche nº 2 .)
Enfin, pour pointer aux trelingages, c'est-à-dire à démâter, à la distance de 6 encâblures par exemple, il faut viser au-dessus du chouquet du grand mât de hune des vaisseaux; au capelage du grand mât de perroquet des frégates, et à la pomme des corvettes ( Planche nº 3 ), et ainsi de suite.
Les exemples précédens ne s'appliquent qu'au cas où l'on tire avec des boulets ronds; mais de semblables échelles ont été dressées pour les boulets ramés et pour les grappes de raisin ou mitrailles. Toutefois ces dernières échelles n'indiquent pas les distances au-delà de deux encâblures pour les mitrailles, parce que, passé ces distances, le tir de ces projectiles est trop incertain pour qu'on doive en faire usage.
Le tir à double charge de projectiles ne devant avoir lieu qu'à moins d'une encâblure pour les boulets ronds, et d'une demi-encâblure pour les mitrailles, on pourra, 239 pour ainsi dire, pointer toujours alors de but-en-blanc, attendu que les gargousses, ayant dû être saignées, n'ont pu communiquer qu'une petite vitesse aux deux projectiles, en sorte qu'ils doivent bientôt s'abaisser et se rapprocher de la ligne de mire.
Si le vaisseau était toujours parfaitement tranquille, et le pont parfaitement de niveau, on aurait marqué sur la plate-bande de culasse et sur le bourrelet, les deux points qui déterminent, dans tous les cas, la ligne de mire; mais il n'en est point ainsi. Le tangage est cause que les points les plus élevés de la culasse et de la volée changent à tous momens, ce qui rend le pointage beaucoup plus difficile. C'est donc à l'intelligence du pointeur à remédier à cet inconvénient, en suivant le mouvement de la pièce; et il y parvient en plaçant toujours son œil dans la direction de la ligne de mire, variable en ce qu'elle doit toujours passer par les points les plus élevés de la plate-bande de culasse et du bourrelet.
Le roulis fait aussi changer à chaque instant l'angle que l'axe de la pièce fait avec l'horizon; d'où il suit qu'on ne peut réellement pointer les pièces sur les points indiqués 240 par les planches 1 , 2 et 3 , au moment où l'on doit faire feu. Mais on remédie à cet inconvénient en donnant d'avance aux pièces, comme on l'a indiqué dans l'exercice, une hauteur convenable pour qu'au roulis le point sur lequel la ligne de mire doit être dirigée puisse se présenter dans le prolongement de cette ligne; et il faut que le canonnier sache saisir ce moment pour faire partir le coup, ce qui demande beaucoup d'intelligence et d'habileté.
Enfin, lorsque la marche du navire est très-grande, la vitesse acquise par le boulet comme par tous les corps qui sont à bord, vient encore modifier la direction du projectile au sortir de la pièce, en sorte que celui-ci doit arriver un peu avant du point qu'on voulait frapper. Mais cet effet est assez peu sensible, et il est rare qu'il y ait lieu de le prendre en considération, d'autant que la marche du vaisseau ennemi en corrige l'inconvénient si, comme il arrive ordinairement, il suit la même route, et s'il a un sillage à-peu-près égal.
Comme il est impossible que les canonniers puissent lever toutes les difficultés que les mouvemens du vaisseau apportent au 241 pointage, il est à propos de faire remarquer que les boulets qui arrivent plus haut qu'on ne voulait, peuvent ne pas être perdus et atteindre les mâts les plus élevés ainsi que leur gréement, et que ceux qui sont pointés trop bas peuvent ricocher et frapper la coque de l'ennemi.
Il semble donc qu'il convient de faire feu pendant que le vaisseau se relève, si l'on tire en plein bois, à démâter, à boulet ramé ou à mitraille; et pendant qu'il s'abaisse, si la mer n'est pas trop grosse, et que l'on tire à couler bas.
On a supposé jusqu'ici que le boulet devait atteindre le but de plein-fouet, c'est-à-dire sans sauts ou ricochets; mais comme le tir à ricochets, quand la mer est belle, présente lui-même des chances beaucoup plus nombreuses pour frapper un bâtiment ennemi, il est utile d'entrer dans quelques explications.
On appelle ricochets , les sauts et les bonds que fait un boulet pendant sa course lorsqu'à terre il vient à rencontrer le sol, et à la mer la surface des eaux; il n'est pas de marin qui n'ait été à même de remarquer cet effet.
Sur mer, pour qu'un boulet puisse ricocher 242 (et il ne s'agit ici que des boulets ronds), il faut que l'angle de projection soit au-dessous de sept degrés, et que d'ailleurs la mer soit belle; dans le cas pourtant où il y a quelque agitation, la forme des lames, qui sont toujours plus couchées du côté du vent que du côté de dessous le vent, rend les ricochets plus faciles ou plus fréquens lorsqu'on tire contre un bâtiment sous le vent, que contre un bâtiment au vent.
Observons actuellement les effets du ricochet dans un boulet de moyen calibre, lancé horizontalement sur une belle mer, et partant d'un canon de première batterie de vaisseau: ce boulet parcourt environ 150 toises du premier jet; il se relève de 6 pieds environ par son premier ricochet, il parcourt ensuite 225 toises sous une élévation qui atteint encore environ 6 pieds; le troisième ricochet est de 150 toises et de 10 pieds d'élévation; la portée s'achève enfin par plusieurs bonds inégaux et incertains. On comprend facilement que l'angle de chute d'un projectile étant toujours plus grand que celui de projection, et que chaque angle de réflexion étant à-peu-près égal à celui de chute, les derniers ricochets doivent être plus élevés que les premiers.
On voit donc que si le tir de plein-fouet présente des difficultés qui croissent en raison de la distance, laquelle est elle-même fort difficile à estimer [9] , il n'en est pas de même du tir à ricochets, puisque sous les conditions énoncées, et même celle d'une charge de poudre diminuée d'un tiers, on peut espérer d'atteindre souvent le but, sans autre exactitude que celle d'un bon pointage latéral.
Il reste à faire observer que les ricochets n'altèrent sensiblement ni la portée ni la force des projectiles, et à ajouter que plus l'angle de projection est petit, plus le ricochet est rasant: il est convenable, s'il y a du roulis, de tirer alors de préférence quand le bâtiment s'abaisse du côté où l'on tire.
L'efficacité du tir à ricochets peut se démontrer par plusieurs expériences; on ne citera que celle-ci: sur 180 boulets de 12, lancés à terre de plein-fouet, aucun n'a souvent 244 atteint le but de 200 pieds de longueur, sur 6 de hauteur, et placé à 900 toises de distance; tandis que sous le même nombre de boulets lancés sous le pointage de la ligne de mire horizontale, ceux qui frappent ce but sont moyennement de 36.
Quant aux moyens de pointage par lesquels on peut obtenir le tir à ricochets, on peut donner, comme pouvant servir d'indication, celui de faire partir la pièce lorsque la ligne de mire est en direction de la flottaison d'un bâtiment éloigné de 1½ à 2 encâblures. Des guidons de mire, ou fronteaux de volée, qui ont été proposés pour égaliser le rayon de la volée avec celui de la culasse, seraient, dans le cas dont il s'agit, très-avantageux, si l'on parvenait à les fixer solidement; il suffirait alors de pointer par la ligne de mire sur un point placé à une hauteur du bord ennemi correspondant à celle d'où l'on tire [10] .
Il ne reste plus qu'à ajouter quelques règles particulières: les canonniers devront toujours 245 charger, pointer et tirer avec calme et sans précipitation; jamais une pièce ne devra faire feu sans qu'elle ait été dirigée sur un point bien reconnu, ou au moins sans qu'on soit fixé sur la véritable position de l'ennemi, soit qu'on l'aperçoive réellement, soit qu'on distingue où il est par la lueur de son feu, par l'épaisseur ou la direction de la fumée qui sort de son bord, etc.
La distance de l'ennemi doit être annoncée par les officiers; dans le cas contraire, le chef de pièce devra l'apprécier le mieux qu'il lui sera possible, pour pointer le plus juste qu'il pourra; il convient à cet effet qu'il s'exerce d'avance à bien juger des distances.
Si l'on doit dépasser l'objet sur lequel on veut tirer, ou qu'on doive être dépassé par lui, il est convenable de pointer, dès que la chose est possible, pour être dans le cas de faire feu de nouveau avant que l'ennemi soit hors de direction; mais si l'on prévoit ne pas avoir le temps de tirer une seconde fois, le chef de pièce doit pointer à-peu-près en belle, et attendre dans cette position l'instant où le vaisseau ennemi se présentera.
Quand il y a des mouvemens fréquens 246 d'aulofée et d'arrivée, on doit pointer dans une direction moyenne à ces mouvemens, et saisir le moment favorable pour faire feu.
Un tir oblique est susceptible de causer un surcroît de fatigue aux boucles et aux crocs; cependant il n'altère pas la justesse du coup, et on ne doit pas hésiter à s'en servir dans l'occasion.
Si par l'effet de la marche du navire, ou d'une évolution, on peut prévoir que le vaisseau ennemi cessera bientôt d'être dans une direction convenable, il faut accélérer un peu le feu pour ne pas perdre une occasion de lui nuire.
On considère deux espèces de lignes dans le tir des armes à feu: la ligne de mire, qui est le rayon visuel dirigé le long de la surface supérieure du canon vers l'objet qu'on veut atteindre; la ligne de tir, qui est la courbe que décrit le projectile lorsqu'il est lancé hors du tube par l'explosion de la poudre. Cette courbe serait une parabole, si l'élasticité et la ténacité de l'air n'opposaient de la résistance au mobile.
Par la construction des armes en général, la ligne de tir et celle de mire forment entre elles, au-delà de la bouche, un angle plus ou moins ouvert, suivant l'épaisseur à la culasse et celle à l'extrémité opposée. Le projectile, à sa sortie du cylindre, coupe d'abord, et à peu de distance de la bouche, la ligne de mire, passe au-dessus d'elle, et, forcé par l'action de sa pesanteur, il se rapproche de cette ligne, la coupe une seconde fois, et achève de décrire sa courbe jusqu'à sa chute. Ce second point d'intersection est ce qu'on appelle le but-en-blanc ; il est plus ou moins éloigné de l'extrémité de l'arme, selon le nombre de degrés de l'angle sur lequel on tire.
Ainsi, 1º pour frapper un but qui serait entre le bout du canon et la première intersection, il faudrait pointer au-dessus; 2º si le but était entre les deux intersections, il faudrait pointer au-dessous; 3º si le but était à une des intersections, il faudrait y viser directement pour l'atteindre; 4º enfin s'il était au-delà de la seconde intersection, il faudrait pointer au-dessus [11] . 248
Les projectiles de différentes espèces n'ont pas une même portée, quoique tirés avec la même pièce et dans les circonstances semblables; la mitraille va moins loin, toutes choses d'ailleurs égales, que le boulet. Quant au boulet ramé, les expériences prouvent que sa portée est à-peu-près un terme moyen entre celles du boulet et de la mitraille. En conséquence, chacune de ces trois espèces de projectiles a un but-en-blanc très-distinct, dont la distance varie encore beaucoup, si l'on tire avec plusieurs projectiles à la fois. On ne peut donc indiquer un seul but-en-blanc aux canonniers pour chaque arme.
Table donnée dans les règles de pointage du capitaine Montgéry .
DÉSIGNATION DES BOUCHES A FEU. | ANGLE DE MIRE, conformément au dernier réglement. | BUT-EN-BLANC | |||||||||
du Boulet. | du Boulet ramé. | de la grosse mitraille. | |||||||||
Encâblures. | Encâblures. | Encâblures. | |||||||||
Canons de | 36 | 1° | 32' | 16" | 3 | 2 | ¼ | 1 | ½ | ||
— | 24 | 1 | 28 | 48 | 3 | 2 | ¼ | 1 | ½ | ||
— | 18 | 1 | 29 | 40 | 3 | 2 | ¼ | 1 | ½ | ||
— | 12 | 1 | 24 | 51 | 2 | ¾ | 2 | 1 | ½ | ||
— | 8 | long. | 1 | 10 | 14 | 2 | ½ | 1 | ¾ | 1 | ¼ |
— | 8 | court. | 1 | 22 | 21 | 2 | ¾ | 2 | 1 | ½ | |
— | 6 | long. | 1 | 16 | 37 | 2 | ½ | 1 | ¾ | 1 | ¼ |
— | 6 | court. | 1 | 27 | 11 | 2 | ¾ | 2 | 1 | ¼ 251 | |
— | 4 | long. | 1 | 11 | 14 | 2 | ¼ | 1 | ½ | 1 | |
— | 4 | court. | 1 | 19 | 35 | 2 | ½ | 1 | ¾ | 1 | ¼ |
Caronade de | 36 | 3 | 43 | 24 | 4 | ¼ | 3 | 2 | ¼ | ||
— | 24 | 3 | 18 | 40 | 3 | ¾ | 2 | ¾ | 2 | ||
Table donnée par le réglement de 1834. | |||||||||||
BOULETS RONDS. | BOULETS RAMÉS. | MITRAILLES. | |||||||||
Canons de | 36 | } | 4 encâblures. | 2½ encâblures. | 2 encâblures. | ||||||
— | 30 | ||||||||||
— | 24 | ||||||||||
— | 18 | ||||||||||
Caronade de | 36 | } | 4½ encâblures. | 3 encâblures. | 2¼ encâblures. | ||||||
— | 30 | ||||||||||
— | 24 |
Cette différence considérable qui existe entre ces deux tables provient probablement de la différence des pièces avec lesquelles ont été faites les expériences. On doit donc accorder plus de confiance à celle du tableau de 1834, puisqu'on a dû se servir des pièces plus récemment en usage.
L'angle de mire des caronades de 36, 30 et 24, dont on se sert ordinairement, étant très-ouvert, il s'ensuit nécessairement que lorsqu'on tire à une portée moindre que celle du but-en-blanc, c'est-à-dire de 1 à 4 encâblures, le boulet passera bien au-dessus du point qu'on veut battre, puisque, terme moyen, la trajectoire, dans ces circonstances, s'élèvera de quarante pieds au-dessus de la ligne de mire. Pour y remédier on a imaginé d'appliquer à la volée un morceau de bois ou de métal, appelé fronteau de mire , gradué pour les distances de 1 à 4 encâblures.
La difficulté d'obtenir un bon pointage des canonniers, puisqu'il faut qu'occupés à manœuvrer leur pièce, ils estiment la distance à laquelle ils sont du navire ennemi, et 253 qu'ils calculent ensuite quelle est l'élévation ou l'abaissement à donner au canon, d'après cette distance, pour atteindre le but, a fait imaginer plusieurs moyens pour éviter cette opération, le plus souvent impraticable, et dont les résultats sont presque toujours incertains.
Mais tous ces moyens, réels en théorie, ont offert dans la pratique des inconvéniens si graves, qu'ils ont été abandonnés presque aussitôt mis en usage.
Les échelles données par l'instruction de 1834 ont présenté un résultat plus avantageux sans doute, mais non encore exempt d'inconvéniens nombreux.
L'instruction dit: pour pointer à couler bas par la ligne de mire naturelle, à 5 encâblures par exemple, il faut viser un peu au-dessus des bastingages des vaisseaux à trois ponts, ou à la hauteur du filet de casse-tête de ceux à deux ponts, ou au quart à-peu-près de la distance qui sépare les bastingages et la grande hune des frégates, etc.
Supposons qu'une appréciation exacte de la distance à laquelle on est de l'ennemi, parvienne du pont aux chefs des batteries, et qu'ils ordonnent aux chefs de pièces de pointer 254 à hauteur des filets de casse-tête, ou au quart à-peu-près de la distance qui sépare le bastingage et la grande hune; est-il probable que ce point pourra être aperçu des chefs, lorsque souvent il est difficile de distinguer l'ennemi enveloppé de fumée, surtout si l'on combat au vent? N'est-il pas à craindre que les chefs, pour ne pas encourir le reproche de manquer d'ardeur, ne tirent leur coup au hasard?
Le moyen qui, jusqu'ici, nous paraît remplir le mieux toutes les conditions, est l'emploi des hausses , qui n'exige que l'appréciation de la distance, laquelle donnée aux chefs de pièces par les chefs des batteries, réduit le tir à celui du but-en-blanc.
Ce système se compose de deux pièces: l'une, appelée masse de mire, est un morceau de métal qui s'adapte, au moyen d'un cercle en fer à écrou, au renfort de la volée; la seconde, d'une espèce de boîte en cuivre, renfermant un montant mobile qui s'adapte par deux vis sur le champ de lumière à l'arrière de la plate-bande de culasse. Le montant mobile est gradué sur ses faces avant et arrière de ½ à 6 encâblures pour les charges au tiers et au quart; une vis de pression le rend immobile, 255 lorsque le chef de pièce l'a mis à la hauteur convenable.
La distance du but-en-blanc dépendant, non-seulement de la courbure de la trajectoire, mais encore du plus ou moins d'ouverture de l'angle de mire, on diminue cet angle en ajoutant à la volée la masse de mire; et comme sa hauteur rend le demi-diamètre de la pièce à ce point égal au demi-diamètre de la culasse, on le réduit à zéro. Par là on diminue la distance du but-en-blanc, parce que la ligne de mire s'écartant moins dans le principe de la trajectoire, en est plus promptement rencontrée une seconde fois. Mais l'application du montant ou hausse à la culasse produit un effet contraire et réduit par conséquent le pointage pour toutes les distances graduées sur le montant, à celle du but-en-blanc, c'est-à-dire que le chef pointe, en mettant dans le même alignement son œil, le point le plus élevé du montant et celui de la masse de mire.
Les expériences faites avec ces hausses ont donné les résultats les plus avantageux; sur cent boulets lancés de 2 à 3 encâblures, plus de la moitié auraient porté dans la coque d'un navire ayant 10 pieds d'œuvres-mortes, l'autre moitié n'aurait pas dépassé la grande hune.
Manœuvres de Force relatives au Canonnage.
Embarquement et débarquement d'un affût. L'affût se saisit par les fusées de l'essieu de derrière; on le hisse le long et au haut du mât du ponton qui l'a porté; on y a accroché d'avance le palan d'étai du bord, et, en halant sur celui-ci, l'affût arrive à l'appel du grand panneau par où on l'introduit à bord; c'est à l'aide des mêmes moyens, mais dans un ordre inverse, qu'on le débarque. Au lieu d'un ponton, on peut employer la chaloupe mâtée du bâtiment, ou le palan de bout de vergue.
Embarquement d'un canon. Si la pièce est de gros calibre, on aiguillette une caliorne à la grande vergue, de manière que le point de suspension corresponde à 2 ou 3 pieds en dehors de la préceinte; on brasse la vergue pour que cette caliorne se trouve en direction du sabord par où l'on veut faire passer la pièce, et l'on adapte une fausse balancine, que l'on raidit ainsi que les drosses et les bras.
La pièce est supposée dans un chalan ou sur un quai le long du bord, vis-à-vis du sabord désigné; on la saisit par une élingue à canon, que l'on passe d'abord au bouton de culasse, et qu'on élonge ensuite par ses doubles sur la pièce, en remontant jusqu'à la volée, à laquelle elle est saisie en avant des tourillons par plusieurs tours d'aiguillette. On accroche à la boucle que forment les doubles de l'élingue en dehors de l'aiguilletage, la caliorne frappée à la vergue, et dont le courant du garant est dirigé et enroulé au cabestan.
On vire au cabestan jusqu'à ce que la pièce soit arrivée à la hauteur du sabord; on introduit un anspect ou levier dans l'âme pour servir à diriger la pièce qui doit entrer horizontalement dans le sabord, la culasse la première; à cet effet, on se sert aussi d'un palan croché dans l'intérieur de la batterie, et qui, sortant par ce sabord, s'accroche près du bouton de culasse. On hale sur le garant de ce palan; et avec ces moyens on appelle et on place la pièce sur son affût, que l'on présente au sabord. On mollit la caliorne à mesure qu'on amène, et on la mollit encore pour la décrocher; on en fait autant du palan, on défrappe l'élingue; on roule cet 258 affût à un autre sabord, et l'on y en présente un nouveau pour recevoir un autre canon par le même procédé.
On peut en outre frapper une estrope sur la volée pour y crocher le palan de la candelette, ce qui donne un surcroît de force et un moyen de direction. On peut aussi enlever le croissant de l'affût pour rapprocher celui-ci du bord. L'affût est préalablement amarré au sabord, ou bien on en cale les roues, suivant les cas, pour l'empêcher de bouger.
Il est préférable que l'estrope de la poulie inférieure de la caliorne soit à œillet, parce qu'après l'avoir passée dans l'élingue de la pièce on y introduit un burin pour la retenir contre celle-ci; le burin détériore moins le cordage qu'un croc.
Lorsque la pièce est de petit calibre, ou s'il s'agit d'une caronade, il suffit d'employer le palan de bout de vergue et le palan d'étai; et si cette pièce est destinée pour les gaillards, on la fait passer par-dessus le bastingage; chaque canon s'amène alors directement sur son affût, que l'on présente sous les palans dès que l'affût précédemment présenté a reçu sa pièce et a été éloigné.
Débarquement d'un canon. On dépasse 259 la brague, si elle se trouve par-dessus la culasse, on retient l'affût au bord, ou l'on en cale les roues; et dans un ordre inverse de celui de l'embarquement, mais à l'aide des mêmes procédés, on opère le débarquement du canon.
Si le bâtiment est désarmé ou démâté, on le conduit sous une grue, ou bien l'on se sert de mâts de charge, de bigues ou de cabres.
Changement d'affût d'un canon à bord. Il y a plusieurs moyens d'exécuter cette manœuvre; ils vont être indiqués afin qu'on puisse employer le plus avantageux, relativement aux attirails dont on est pourvu et à la position des canons.
Premier moyen. Par la machine dite à monter et à démonter les canons, et formée de deux civières à canon, garnies chacune de deux poulies simples, proportionnées à la grosseur des itagues, et dont les caisses ont le moins de longueur possible. Deux estropes garnies de même, et quatre itagues proportionnées aux calibres des canons, ayant un bout garni d'une cosse, et l'autre en queue de rat. On se sert de deux boucles placées au barrot, l'une à environ 3 pieds, et l'autre à 9.
On dispose le canon de manière que sa culasse et sa volée soient sous les deux boucles du barrot; on passe une estrope dans chacune; elle tient d'un côté à une poulie simple qui y est immédiatement fixée, et dès que l'autre bout est passé dans la boucle, on y amarre solidement une autre poulie, mais de manière qu'on puisse la démarrer facilement lorsque la manœuvre est finie.
On saisit le canon à la volée et à la culasse avec les deux civières qui doivent faire tour mort autour du canon; les poulies simples, dont chacune est garnie, doivent se présenter de chaque côté de la pièce et à égale hauteur. On passe chaque itague dans une poulie de l'estrope de la boucle, puis dans celle correspondante de la civière; et l'on ramène son bout pour le fixer par un dormant à la boucle.
Les quatre poulies doubles des quatre palans sont accrochées aux quatre cosses des itagues; quant à leurs poulies simples, celles des palans de derrière le sont aux boucles des palans de retraite des canons voisins, et celles de devant, aux boucles fixées à la serre-gouttière, et, à leur défaut, dans celles placées pour fausses bragues, immédiatement sur le 261 derrière des affûts voisins ou autres qui se trouveraient dans la direction et à la distance convenables. Les palans de devant sont dirigés à droite et à gauche de la pièce, perpendiculairement à son axe, et ceux de derrière le sont en éventail en arrière du canon.
On ôte les sus-bandes, et au commandement ferme! les hommes agissent ensemble pour élever la pièce jusqu'à ce qu'on puisse ôter l'affût. Ce moyen exige deux équipages de canon, mais il est sûr et il convient dans les gros temps.
Deuxième moyen. Sans machine. On saisit solidement la pièce à la boucle de serre par le raban de volée; on passe ensuite le milieu d'un bon cordage sous le collet du bouton, et ses bouts dans la boucle de dessus; on ôte les sus-bandes; on place sous le bouton deux forts leviers sur lesquels on fait effort pour élever le canon jusqu'à ce qu'on puisse retirer l'affût de dessous. A mesure qu'il s'élève, on embraque le cordage sous le collet du bouton, et dès qu'il est assez élevé, on fait une quantité de tours suffisans pour en supporter le poids pendant qu'on change l'affût.
Troisième moyen. Lorsque l'affût à changer 262 est sous les passe-avants ou sur les gaillards, on transporte la pièce sous les caliornes ou candelettes du vaisseau, et à leur aide on enlève et on replace le canon.
Quatrième moyen. Si l'affût est brisé, et le canon tellement placé qu'on ne puisse employer aucun des moyens précédens, on l'élève sur deux chantiers en disposant la lumière en dessous; on pose l'affût nouveau sans roues sur le canon, de manière que toutes leurs parties se correspondent; on met les sus-bandes et les clavettes en place; on passe deux trévires, une sous le ceintre de l'affût, et l'autre en avant de l'essieu de devant: elles embrassent le canon et son affût par plusieurs tours; on passe ensuite un levier dans l'âme de la pièce, au moyen duquel et des trévires on commence à renverser le canon. Dès que les fusées des deux essieux touchent le pont, on y cloue un cabrion pour les empêcher de glisser; on place des cordages de retenue du côté opposé à celui des trévires, pour modérer l'effort du choc sur le pont, lorsqu'il tombe sur sa base; on embarre des pinces et des leviers à mesure que l'élévation de l'affût le permet; puis faisant effort à la fois sur les leviers, sur la bouche, sur les trévires, 263 en garnissant le dessous de l'affût à mesure que le canon s'élève, maintenant avec force, pendant ces opérations, les cordages de retenue pour retenir l'affût lorsqu'il tombera sur la base, on achève de remettre le canon dans sa position ordinaire. On place ensuite les roues de l'affût, et on le conduit au sabord.
Dans le cas où, faute d'affût de rechange, on est obligé de descendre le canon sur le pont, alors, s'il fait mauvais temps, on le place sur deux chantiers, et l'on a soin de le bien saisir au moyen de quatre mains de fer ou galoches placées de chaque côté de la culasse et de la volée, et clouées solidement sur le pont; elles serviront à passer de bonnes aiguillettes dont les tours seront assez multipliés autour du canon pour être certain qu'il ne peut se démarrer.
Jeter les canons à la mer. Cette opération a lieu lorsque le vaisseau est vieux, délié, que l'artillerie le fatigue beaucoup, ou que le temps est très-mauvais. Il faut élever la culasse du canon autant que possible; on retire alors les sus-bandes, en ne laissant à la pièce qu'un ou deux tours de raban; on passe une pince sous chaque tourillon, puis deux anspects un peu en arrière, et à l'instant 264 où le roulis est favorable, on fait force sur tous ces leviers à la fois, et, en ouvrant les mantelets, on débarque les canons.
En général, pour ne pas fatiguer les basses vergues par l'embarquement des canons, les pontons sont munis d'un mât à appareil, et la caliorne de l'appareil se vire sur le cabestan du ponton; deux forts palans crochés dans l'intérieur de la batterie servent à diriger le canon et à le faire entrer lorsque la caliorne l'a élevé un peu au-dessus de la hauteur du sabord.
En embarquant l'artillerie, on doit avoir soin de la répartir d'une manière uniforme en allant du centre aux extrémités, pour ne pas fatiguer le bâtiment. Le poids de chaque pièce étant connu, on doit aussi le répartir de manière que la somme des poids soit la même pour les deux bords.
Le meilleur moyen de mettre les bouches à feu hors de service, consiste à leur casser un tourillon; mais ce moyen serait, sinon impossible, au moins bien difficile pour les pièces en bronze. Quant aux canons en fer coulé, on en détache assez facilement un tourillon en le frappant fortement à faux, principalement sur l'arête, et toujours dans le même sens, avec une masse ou un fort marteau. Il faut, après chaque coup, maintenir la masse sur le point frappé.
S'il s'agit d'évacuer un arsenal, et qu'il y ait des pièces en bronze rangées sur les chantiers, on allume sous ces pièces un bon feu de charbon, et quand elles sont chaudes, on les frappe fortement sur la volée pour les faire plier.
On peut encore chauffer fortement un tourillon et essayer de le casser, ou au moins de le faire plier en le frappant.
On tire aussi quelquefois les pièces en bronze avec une forte charge de poudre, en remplaçant le projectile par des fragmens de boulets à arêtes vives, lesquels produisent des éraflemens qui dégradent promptement l'âme.
On tire également quelquefois un coup de canon à bout portant contre la volée de la pièce qu'on veut mutiler; mais ce moyen ne serait pas toujours sans danger, si l'on n'avait l'attention de communiquer le feu avec une mèche lente, qui donne aux canonniers le temps de se retirer avant l'explosion. Cette mèche lente peut être faite avec un morceau d'amadou de 15 lignes de longueur et traversant un morceau de papier qui couvre l'amorce. On fait éclater une bombe ou un obus bien éclissé dans un mortier, ou dans un obusier, pour le mettre hors de service.
A défaut des moyens ci-dessus, on encloue les pièces; pour y parvenir, on emploie des vis en acier trempé; après les avoir enfoncées le plus possible, on les casse au ras de la pièce. Quand on n'a pas de vis, on enfonce dans la lumière un clou carré d'acier, dont les arêtes ont été entaillées de différentes coches, ayant leur ouverture tournée vers le 267 gros bout. Ces clous doivent être trempés et avoir leur pointe recuite pour pouvoir être rivés en dedans. Après les avoir enfoncés à grands coups de marteau, on casse l'excédant de ces clous en dehors. On met au fond de la pièce de la terre glaise, et quelquefois par-dessus un cylindre de bois dur qui ne doit pouvoir entrer qu'avec beaucoup d'efforts. Dans tous les cas, on place par-dessus un boulet de calibre enveloppé de feutre ou de plomb, et enfoncé avec beaucoup de force. Dans un moment pressé, on peut se contenter d'introduire dans l'âme un boulet ainsi forcé.
S'il s'agit au contraire de désenclouer les pièces, voici comment on peut y parvenir.
Quand le clou n'est pas vissé et que les obstacles qui se trouvaient dans l'âme ont été retirés, on charge la pièce au tiers ou à moitié du poids du boulet; on emploie une tringle de bois de quelques lignes d'équarrissage, ayant une rainure dans sa longueur, et dans cette rainure une mèche dite cravate d'étoupilles, communiquant à la charge. On bourre le canon avec des bouchons de vieilles cordes, bien refoulés avec un levier ou un anspect, et l'on met le feu à l'étoupille. Il faut souvent plusieurs coups pour faire sauter le clou.
Si le clou qui est dans la lumière est vissé, il faut s'assurer s'il ne serait pas en fer ou en acier pur trempé, parce qu'avec un petit burin en bon acier on pourrait peut-être fendre sa tige, et le retirer avec un tournevis.
Il convient encore, lorsque tout autre moyen a échoué, de gratter un peu le métal de la pièce autour du clou, d'y faire un petit godet en cire, et d'emplir ce godet d'acide nitrique ou d'acide sulfurique, qu'on renouvelle de temps en temps. Il arrive quelquefois que l'acide s'introduit par l'effet de la capillarité entre le clou et la pièce, et qu'il ronge le métal, au point qu'il est facile de faire sauter le clou avec une charge de poudre assez faible.
Si les obstacles qui se trouvaient dans l'âme n'ont pu être enlevés immédiatement, on perce une nouvelle lumière à côté de la première, on introduit un peu de poudre par cette lumière, et l'on fait sauter les obstacles en enflammant cette poudre.
On appelle ainsi le lieu où on enferme les poudres à bord. La place occupée par les soutes à poudre varie suivant le rang des navires. Les vaisseaux et frégates en ont deux, l'une appelée grande soute, située de l'arrière de la cale au vin, et la seconde sur l'avant du magasin général.
Dans la construction, le plancher inférieur des soutes est élevé de quelques pieds au-dessus de la carlingue, afin que l'eau ne puisse l'atteindre dans les circonstances ordinaires. Les cloisons avant et arrière sont formées par deux rangs de bordages, dont l'intervalle est rempli par une maçonnerie, pour résister autant que possible à l'action du feu.
Pour noyer les poudres en cas d'incendie, lorsqu'on craint de ne pouvoir s'en rendre maître, on ouvre les robinets placés en abord et renfermés dans des caisses en chêne, doublées 270 en plomb, dont la clef est entre les mains du second du bâtiment.
Les soutes sont éclairées par un ou deux fanaux, suivant leurs dimensions, placés à l'extérieur de la cloison avant ou arrière. Deux fortes glaces encastrées dans la cloison laissent passer la lumière et isolent le fanal de la soute.
Le long des cloisons on pratique des armoires, dont les portes sont à caille-botis ou à grillage en fil de laiton, pour laisser circuler l'air, dans lesquelles on range sur des étagères, et par calibre, les gargousses pleines ou l'apprêtée . La poudre en baril est arrimée bâbord et tribord dans la soute.
Dans le lieu le plus éclairé de la soute on place l'auge ou pétrin , pour confectionner les gargousses. C'est dans ce pétrin qu'on vide la poudre contenue dans les barils, puis des canonniers munis d'une mesure la remplissent exactement et la versent dans une gargousse dont on amarre le collet. Chaque calibre a sa mesure particulière.
L'apprêtée faite avant le départ du port, doit être au moins du tiers de la poudre embarquée.
L'adoption des caisses en cuivre a changé 271 la disposition des soutes et simplifié le service des poudres.
Ces caisses, qui sont de différentes dimensions pour chaque calibre, ne sont pas à couvercle, mais à calotte vissée sur la face supérieure au moyen d'une clef mobile. Elles sont de forme quadrangulaire légèrement coupée sur les angles, et sont garnies d'anses. Sur le couvercle on indique, en grosses lettres, l'espèce de bouche à feu, son calibre, et l'espèce de charge.
Les soutes sont alors divisées en compartimens propres à recevoir les caisses placées les unes à côté des autres, mais sur un seul rang. L'apprêtée faite à terre est envoyée à bord dans les caisses qui sont immédiatement arrimées par calibre, et par espèce de charge; c'est-à-dire que le 36 charge au tiers, est séparé du 36 charge au quart, et ainsi pour les autres calibres. Pour que les hommes chargés du passage des gargousses ne puissent pas se tromper, quoique chaque caisse porte sur son couvercle l'indication du calibre et l'espèce de charge, chaque compartiment porte encore un écriteau qui indique le calibre, l'espèce de charge et leur nombre.
Sur le pont supérieur de la soute, aussi 272 près que possible du lieu où l'on a placé les caisses d'un même calibre, mais si on le peut en dehors de leur direction, on perce deux écoutillons, dont un reçoit une manche en toile dans laquelle on jette les gargoussiers vides qui tombent ainsi dans la soute; et le second sous lequel on place un reposoir, sert au passage de la gargousse pleine. De cette manière chaque calibre a un passage particulier, ce qui évite la confusion.
Les gargoussiers vides, avant d'être envoyés dans les soutes, sont secoués dans une baille pleine d'eau, placée dans l'entre-pont à côté de la manche par où ils se rendent des batteries.
Il suffit, dans chaque soute, de deux hommes par calibre, plus un novice ou un mousse pour ramasser les gargoussiers vides et les remettre à l'homme chargé d'y poser la gargousse.
On dépose aussi dans les soutes à poudre, les boîtes à cartouches pour fusils et pistolets, ainsi que les barils à bourse pour l'approvisionnement des hunes et des embarcations.
Description de la Hausse Marine.
Ce système de hausse se compose de deux pièces principales: la masse de mire , la hausse .
La masse de mire est une pièce de fer ou de cuivre bronze, placée vers l'extrémité supérieure du renfort, et fixée à la bouche à feu par deux boulons à vis. La partie supérieure est arrondie par un arc de cercle dont le centre est pris sur l'axe de la bouche à feu.
La hausse est composée de deux pièces, la boîte , le curseur .
La boîte est en cuivre, elle est fixée par trois petits boulons à la culasse de la bouche à feu; c'est dans cette boîte que glisse le curseur.
Une vis la maintient à différentes hauteurs. Pour faire tourner cette vis, on se sert de clef, et pour que le chef de pièce en fasse usage à volonté, elle tient au cabillot placé au bout du cordon du percuteur.
Le curseur en fer forgé est composé d'une tige carrée et d'un chapeau; le dessus du 274 chapeau est terminé par un arc de même rayon que celui de la masse de mire.
Deux faces de la tige sont divisées chacune par six profondes rainures horizontales. La face qui est du côté du bouton est divisée pour la charge au quart, celle opposée pour la charge au tiers.
Pointage au moyen de cette Hausse.
Pour pointer le canon à bout portant, on place la tête du curseur sur la boîte; à 200 mètres, il suffit d'élever le curseur de manière que la première rainure soit à la hauteur de la boîte.
A 400 mètres, on place le curseur à la 2 me division, et ainsi de suite jusqu'à la 6 me qui est la hauteur à donner pour obtenir la portée de 1,200 mètres.
Installation du système de Hausse.
Pour que le système de hausse soit bien placé, il faut: 1º que la ligne qui passe par le point le plus élevé du chapeau (celui posé sur la boîte) et le point le plus élevé de la masse de mire, soient parallèles à l'axe de la bouche à feu. Si la masse de mire se trouvait trop 275 haute, il faudrait la limer; si elle était trop basse, on l'élèverait en mettant une cale entre elle et la pièce. 2º Qu'un plan vertical, passant par le centre du curseur et par le milieu de la masse de mire, passe aussi par l'axe de la bouche à feu, lorsque les tourillons sont placés horizontalement.
3º Il faut que la distance du milieu du curseur au milieu de la masse de mire soit exactement celle portée pour chaque pièce dans le tableau ci-joint. Ce tableau contient aussi les hauteurs à donner aux divisions des hausses, pour toutes les bouches à feu de la marine.
Quand les canons ont des anneaux de brague, la boîte des hausses est attachée à la partie inférieure par un boulon qui traverse cet anneau, comme on le voit pour les caronades.
Le dessus du chapeau et de la masse de mire sont peints en bandes noires et blanches, afin de guider le canonnier pour le rayon visuel.
Tableau faisant connaître les distances entre les masses de mire et les hausses, ainsi que les graduations de ces dernières.
DÉSIGNATION des BOUCHES A FEU. | DISTANCE entre les axes du curseur et de la masse de mire. | Espèces de projectiles. | Charges de poudre. | DISTANCES DE LA BATTERIE AU BUT ET GRADUATION A CHACUNE DE CES DISTANCES. | ||||||||||
200 m. | 400 m. | 600 m. | 800 m. | 1000 m. | 1100 m. | 1200 m. | ||||||||
p | p | l | p | k | ||||||||||
Canon-obusier de 80. [12] | 3. | 6. | 6. | 0. | —1,1506. | Creux. | 3,92 | 0,0095 | 0,0206 | 0,0336 | 0,0482 | 0,0047 | 0,0735 | |
1,4 | 0,0085 | 0,0184 | 0,0296 | 0,0423 | 0,0563 | » | 0,0716 | |||||||
p | p | l | p | |||||||||||
Canon 36 long. | 3. | 10. | 5. | 9. | —1,2581. | Plein. | 1,3 | 0,0077 | 0,0167 | 0,0269 | 0,0383 | 0,0510 | » | 0,0649 |
1,4 | 0,0082 | 0,0178 | 0,0290 | 0,0418 | 0,0558 | » | 0,0714 | |||||||
p | p | l | p | |||||||||||
Canon 24 long. | 3. | 8. | 1. | 3. | —1,1966. | id. | 1,3 | 0,0074 | 0,0162 | 0,0263 | 0,0378 | 0,0506 | » | 0,0647 |
1,4 | 0,0078 | 0,0172 | 0,0231 | 0,0406 | 0,0545 | » | 0,0701 | |||||||
p | p | l | p | |||||||||||
Canon 18 long. | 3. | 5. | 9. | 3. | —1,1307. | id. | 1,3 | 0,0071 | 0,0156 | 0,0255 | 0,0368 | 0,0495 | » | 0,0636 |
p | p | l | p | |||||||||||
Caronade 36. | 2. | 2. | 8. | 6. | —0,7230. | id. | 1,96 | 0,0086 | 0,0185 | 0,0298 | 0,0425 | 0,0566 | » | 0,0721 |
Table servant à déterminer la distance d'un Bâtiment à un autre, au moyen de la hauteur angulaire des mâts.
Distances en encâblures. | Vaisseaux à 3 ponts et de 80. | Vaisseaux de 74, et grandes frégates. | Frégates de 44. | Corvettes de 24 à 32. | Corvettes de 20 à 24. | Bricks de 16 à 20. | |||||||
° | ' | ° | ' | ° | ' | ° | ' | ° | ' | ° | ' | ||
½ | 24 | 39 | 22 | 21 | 18 | 37 | 16 | 25 | 15 | 22 | 14 | 44 | |
1 | 12 | 56 | 11 | 38 | 9 | 33 | 8 | 23 | 7 | 49 | 7 | 22 | |
1 | ½ | 3 | 41 | 8 | 0 | 6 | 24 | 5 | 37 | 5 | 15 | 4 | 56 |
2 | 6 | 29 | 5 | 52 | 4 | 49 | 4 | 13 | 3 | 56 | 3 | 42 | |
2 | ½ | 5 | 14 | 4 | 42 | 3 | 51 | 3 | 22 | 3 | 9 | 2 | 58 |
3 | 4 | 22 | 4 | 3 | 13 | 2 | 30 | 2 | 37 | 2 | 28 | ||
3 | ½ | 3 | 45 | 3 | 22 | 2 | 45 | 2 | 25 | 2 | 15 | 2 | 7 |
4 | 3 | 17 | 2 | 57 | 2 | 25 | 2 | 6 | 1 | 58 | 1 | 51 | |
4 | ½ | 2 | 55 | 2 | 37 | 2 | 9 | 1 | 54 | 1 | 45 | 1 | 39 |
5 | 2 | 38 | 2 | 21 | 1 | 56 | 1 | 41 | 1 | 34 | 1 | 29 | |
5 | ½ | 2 | 23 | 2 | 9 | 1 | 45 | 1 | 32 | 1 | 26 | 1 | 21 |
6 | 2 | 11 | 2 | 1 | 1 | 36 | 1 | 24 | 1 | 19 | 1 | 14 | |
Hauteur du capelage du grand mât de perroquet. | 165 p. | 162 | 126 | 106 | 99 | 55 | |||||||
Observation. | |||||||||||||
Les angles sont mesurés à partir de la flottaison jusqu'au capelage du grand mât de perroquet des bâtimens anglais, dont la mâture est d'un douzième moins élevée que celle des bâtimens français du même rang; ainsi qu'on le voit dans les Tables de M. Gicquel des Touches. |
FIN.
DE LA SECONDE PARTIE, CONTENANT LES MANŒUVRES DU NAVIRE ET DE L'ARTILLERIE.
MANŒUVRE DU NAVIRE.
Avertissement. | 5 |
CHAPITRE I er .
Du navire. | 7 |
Du gouvernail. | 12 |
CHAPITRE II.
Appareillages. | 15 |
Appareiller, le navire évité le bout au vent. | 23 |
Appareiller, le navire évité le bout au courant. | 29 |
Appareiller, en faisant embossure. | 32 |
CHAPITRE III.
Manœuvrer les voiles de mauvais temps.
Prendre des ris aux huniers. | 35 |
Carguer un hunier de mauvais temps. | 39 280 |
Prendre le ris aux basses voiles. | 41 |
Carguer une basse voile de mauvais temps. | 43 |
CHAPITRE IV.
Des Viremens de bord.
Virer de bord, vent devant, en gagnant au vent. | 45 |
Observations. | 46 |
Virer de bord, vent devant, le plus promptement possible. | 52 |
Virer de bord, vent arrière. | 53 |
Observations. | 54 |
Virer de bord, vent arrière, en masquant. | 56 |
CHAPITRE V.
De la Panne.
Mettre en panne, vent dessus, vent dedans. | 58 |
Observations. | 59 |
Mettre en panne, sous toutes les voiles du plus près. | 61 |
Faire servir, lorsqu'on est en panne, le vent sur le petit hunier. | 63 281 |
Faire servir, lorsqu'on est en panne, le vent sur le grand hunier. | 64 |
Faire servir, lorsqu'on est en panne, sous toutes les voiles du plus près. | 65 |
Observations. | id |
CHAPITRE VI.
Sonder.
Sonder de beau temps. | 66 |
Sonder de mauvais temps. | 68 |
Observations. | 69 |
CHAPITRE VII.
De la Cape.
Des différentes espèces de cape. | 70 |
Observations. | 75 |
Arriver, ou virer, lorsqu'on est à la cape. | 78 |
CHAPITRE VIII.
Mouillages.
Mouiller de beau temps. | 83 |
Mouiller de mauvais temps. | 85 |
Mouiller avec embossure. | 87 |
Observations. | 88 282 |
CHAPITRE IX.
Affourcher à la voile. | 89 |
Observations. | 91 |
CHAPITRE X.
Des Abordages.
Aborder au vent, lorsqu'on est au plus près. | 94 |
Aborder sous le vent, lorsqu'on court au plus près. | 95 |
Aborder sur l'avant, lorsqu'on court au plus près. | 97 |
Aborder en courant largue. | 98 |
Aborder à l'ancre. | 99 |
CHAPITRE XI.
De la Chasse.
Chasser au vent. | 102 |
Chasser sous le vent. | 104 |
De la Tactique Navale. | 106 283 |
MANŒUVRE DE L'ARTILLERIE.
CHAPITRE I er .
Définition et nomenclature. | 114 |
CHAPITRE II.
Des projectiles et de la charge. | 129 |
Remarques. | 134 |
CHAPITRE III.
Emplacement des canons et de leurs projectiles à bord. | 140 |
Remarques. | 146 |
CHAPITRE IV.
Exercice du canon d'un bord et par temps. | 148 |
Exercice de la caronade d'un bord et par temps. | 176 |
Exercice du canon obusier. | 187 |
Exercice des deux bords et à volonté. | 193 |
Remarques. | 207 284 |
CHAPITRE V.
Nœuds, Amarrages, etc., appliqués au Canonnage.
Aiguilletage. | 211 |
Brague. | 212 |
Bridure. | id |
Brin. | 213 |
Civière. | id |
Coiffe d'écouvillon. | id |
Croupière. | id |
Elingue. | id |
Epissure. | 214 |
Estrope. | id |
Estrope de culasse. | id |
Faubert. | 215 |
Fourrer un cordage. | id |
Garant. | id |
Garcette. | 216 |
Garnir une brague. | id |
Hampe de corde. | id |
Itague. | id |
Ligne d'amarrage. | 217 |
Lusin. | id |
Machine à démonter les canons. | id |
Mèches. | 218 |
Merlin. | id |
Nœuds. | id 285 |
Palans de côté et de retraite. | 218 |
Palanquin. | 219 |
Quarantainier. | id |
Queue de rat. | id |
Raban de sabord. | id |
Raban de retenue. | 220 |
Raban de volée. | id |
Surliure. | id |
Valet. | id |
CHAPITRE VI.
Différentes manières d'amarrer les Canons à bord.
Amarrage à garans simples. | 222 |
Amarrage à garans doublés. | 223 |
Amarrage à la serre. | 224 |
Amarrage le long du bord, dit en vache. | 226 |
Amarrage au grelin. | id |
Amarrage par la fausse brague. | 227 |
Amarrage aux chevrons de retraite. | 228 |
Amarrage par la queue des flasques. | id |
Observation générale. | 229 |
Amarrages de caronades. | id |
CHAPITRE VII.
Pointage au tir. | 230 |
Remarques; du but-en-blanc. | 246 |
Du pointage et du tir. | 252 286 |
CHAPITRE VIII.
Manœuvres de Force relatives au Canonnage.
Embarquement et débarquement d'un affût. | 256 |
Embarquement d'un canon. | id |
Débarquement d'un canon. | 258 |
Changement d'affût d'un canon à bord. | 259 |
Premier moyen. | id |
Deuxième moyen. | 261 |
Troisième moyen. | id |
Quatrième moyen. | 262 |
Jeter les canons à la mer. | 263 |
Remarques. | 264 |
CHAPITRE IX.
Mise hors de service; enclouage et désenclouage des bouches à feu. | 265 |
CHAPITRE X.
Des soutes à poudre. | 269 |
Description de la Hausse Marine. | 273 |
FIN DE LA TABLE.
Bar-s.-Seine.—Imp. de SAILLARD .
Pages. | lignes. | au lieu de | lisez: |
---|---|---|---|
17 | 2 | ancre à jas, | ancre à jet . |
id. | 8 | id. | id. |
id. | 11 | id. | id. |
id. | 17 | id. | id. |
18 | 4 | id. | id. |
19 | 11 | id. | id. |
id. | 13 | id. | id. |
20 | 4 | id. | id. |
31 | 2 | id. | id. |
61 | 11 | lorsqu'on mettra, | lorsque mettant . |
84 | 5 | si on vient largue après, | si on vient largue , |
85 | 9 | en le masquant, | en les, etc., etc. |
116 | dern. du tabl. | 13 9½ | 3 9½ |
117 | 3 | le stourillons, | les tourillons . |
124 | 9 | le lanon, | le canon . |
[1] Les canons des batteries basses des vaisseaux sont mis à la serre avant l'appareillage, afin de pouvoir fermer les sabords aussitôt que l'état de la mer l'exige.
[2] Ce que nous disons ne s'applique qu'au navire naviguant au plus près.
[3] De Montgéry, règles de pointage.
[4] Procès-verbal de ces expériences.
[5] On prescrit d'armer avant d'amorcer, de crainte que le marteau en s'échappant ne fasse partir le coup. Par le même motif, il faut retirer la capsule, dans le cas où il y aurait lieu à désarmer la platine.
[6] D'après les expériences faites sur les platines et moyennant celles de précaution qui sont dans les batteries, l'emploi du boute-feu doit être fort rare.
[7] Les panneaux de combat sont des panneaux pleins, garnis de deux écoutillons pour faire passer, l'un la manche des gargoussiers vides, et le second les gargoussiers pleins.
[8] Les reposoirs sont des supports en cuivre adaptés au-dessous de l'écoutillon dont nous venons de parler, sur lesquels on dépose le gargoussier plein, pour que le pourvoyeur puisse l'y prendre.
[9] On peut indiquer comme moyen de déterminer cette distance, celui qui consiste à mesurer, avec un instrument à réflexion, l'angle opposé à la hauteur de la mâture du bâtiment ennemi; c'est d'après cette mesure, à divers éloignemens, qu'on a dressé la table qui est annexée aux échelles et planches du pointage.
[10] Dans son traité de l'artillerie navale, Douglas propose, pour le tir horizontal, dont il reconnaît tous les avantages, un pendule qui s'adapterait au canon, sur lequel serait d'ailleurs une raie latérale en peinture blanche, parallèle à l'axe de la pièce.
[11] Hulot, instruction sur l'artillerie.
[12] Observations. Canon-obusier de 80.—La nouvelle masse de mire ne permet de pointer qu'à 1100 m. avec la charge 3k.92.
Ce volume fait référence à des figures (fig. 1 en p. 117, fig. 2 en p. 118, fig. 3 en p. 119, fig. 4 en p. 121 et figure V en p. 234). Malgré des recherches sérieuses et étendues, aucune édition trouvée ne comprend ces illustrations, ce qui fait supposer que l'imprimeur a oublié de les inclure.
Les errata mentionnés dans le livre à la dernière page ont été appliqués.
Quelques points ont été rajoutés dans les listes et tableaux afin d'harmoniser avec le reste des éléments.
Faute de place en largeur, dans la table «Tableau faisant connaître les distances entre les masses de mire et les hausses, ainsi que les graduations de ces dernières», la colonne «Observation» est devenue la 12 ème note.
Ce livre comprend de possibles erreurs de syntaxe comme l'utilisation de «surjoaler» et «surjoualer» à la place de «surjaler». Celles-ci n'ont généralement pas été corrigées.
A l'exception des corrections suivantes et des erreurs clairement introduites par le typographe, l'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée: