Title : La Puce de Mme Desroches
Author : dame Catherine Fredonnoit Des Roches
Etienne Pasquier
Editor : D. Jouaust
Release date
: September 28, 2014 [eBook #46991]
Most recently updated: October 24, 2024
Language : French
Credits
: Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
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Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
PARIS
Cabinet du Bibliophile
M DCCC LXVIII
LA PUCE
DE
M
ME
DESROCHES
CABINET DU BIBLIOPHILE
N
o
III
TIRAGE
300 | exemplaires | sur papier vergé. |
15 | » » | sur papier Whatman. |
15 | » » | sur papier de Chine. |
2 | » » | sur parchemin. |
—— | ||
332 | exemplaires | numérotés. |
N o ***
LA PUCE
DE
M
ME
DESROCHES
PUBLIÉE PAR D. JOUAUST
A PARIS
CHEZ D. JOUAUST, IMPRIMEUR
RUE SAINT-HONORÉ, 338
MDCCCLXVIII
Le seizième siècle a été par excellence l'époque de la poésie. Le mouvement littéraire qui se produisit alors entraîna tous les esprits cultivés; la mode fut de faire des vers, et l'on versifia, comme on aurait fait toute autre chose. Tous, poëtes, savants, magistrats, furent pris de l'ardeur de rimer, et chacun voulut enfourcher son Pégase. Combien restèrent en route dans cette course effrénée vers le sommet du Parnasse, nul ne pourrait les compter, l'ingrate histoire ne nous ayant pas transmis leurs noms. Mais, à côté de ceux dont elle a pris soin de nous conserver les VI écrits, il en est bon nombre dont elle a laissé survivre les essais, et souvent il peut y avoir profit et plaisir à s'arrêter à ceux-là.
Une autre cause vient encore expliquer la profusion de rimeurs éclos à cette époque. On ne voyait pas alors, comme aujourd'hui, les talents se localiser dans une spécialité littéraire ou scientifique; souvent le poëte était un savant, et le savant un poëte; il n'y avait pas entre les différentes branches des connaissances humaines cette séparation profonde qui existe aujourd'hui, et qui souvent se trouve accentuée par des aversions réciproques. L'homme instruit ne voyait rien d'indigne de lui dans tout ce qui pouvait exercer son intelligence. Il en fut ainsi pendant longtemps encore; Descartes et Pascal sont deux exemples merveilleux de cette union des sciences et des lettres. Nous aurons encore de très-grands écrivains et de très-remarquables savants, mais il est peu probable qu'il s'en rencontre encore qui soient l'un et l'autre à un degré aussi élevé.
On devra donc moins s'étonner de voir toutes les pièces que nous réimprimons dans ce volume signées par des personnages connus comme magistrats, mais fort ignorés comme poëtes. Voici, du VII reste, en quelques mots, dans quelles circonstances elles virent le jour.
La haute société du pays poitevin s'honorait alors de deux dames appartenant à la lignée des précieuses de Molière et des bas-bleus de nos jours: c'étaient Madelène Neveu, épouse du sieur Desroches, et Catherine, sa fille. Poëtes elles-mêmes, mais dans une mesure très-restreinte, M mes Desroches réunissaient autour d'elles une société de poëtes; c'était à elles que revenait de droit la primeur du sonnet nouvellement éclos: l'auteur accourait dans le cénacle, à l'heure dite, pour débiter ses petits vers devant un auditoire dont les applaudissements lui étaient assurés, car dans chacun de ses juges il avait un complice en poésie dont il devait être le juge à son tour.
Si l'on était attiré chez ces dames par l'amour des vers, on l'était aussi par les charmes de demoiselle Catherine, qui, du reste, ne les dérobait pas trop aux regards, comme nous l'apprend l'aventure de la puce. Mais Catherine est aussi sage que belle; c'est, au dire de ceux qui chantent sa beauté, une roche contre laquelle viennent s'émousser les traits les mieux aiguisés de l' Archerot idalien . Aucun de ses soupirants ne se vante, en effet, d'avoir obtenu VIII d'elle la moindre faveur, et si parfois, dans la description de ses charmes, ils s'égarent au delà de la limite qu'elle a elle-même assignée à leurs regards, ils se reprennent de leur témérité, et se hâtent, en honnêtes rimeurs qu'ils sont, de rentrer dans le devoir:
Car la mesme pudeur honneste
Doit voiler le front du poëte
Comme l'habit couvre le cors.
Conseil excellent pour certains poëtes de notre temps!
Les Grands-Jours tenus à Poitiers en 1579 furent une nouvelle occasion de faire briller le mérite de M mes Desroches; c'est dans leur salon que se rencontraient tous les magistrats appelés dans la ville par cette solennité. Un jour qu'on était réuni, Étienne Pasquier, apercevant une puce qui s'était «parquée au beau milieu du sein» de M lle Desroches, fit remarquer la témérité de l'animal. Il s'ensuivit quelques propos badins, et l'incident se termina par l'échange de deux pièces de vers entre Pasquier et Catherine Desroches.
Il n'en fallut pas davantage pour mettre en mouvement l'humeur poétique de tous ces honnêtes magistrats, IX qui se prirent à célébrer la puce en français, en espagnol, en latin, voire même en grec. Étienne Pasquier recueillit les différentes pièces qui se produisirent dans ce tournoi poétique, et c'est leur réunion qui constitue le recueil connu sous le titre de Puce de M me Desroches . Le vrai titre eût été la Puce de M lle Desroches , puisque c'est Catherine qui fut l'héroïne de l'aventure.
On se demanderait volontiers comment des hommes aussi graves que l'étaient les Pasquier, les du Harlay, et tant d'autres, purent s'exercer sur un sujet aussi frivole. Mais qu'on ne l'oublie pas, quelque influence que les grands esprits exercent sur les pensées et les opinions de leur temps, ils reflètent toujours en eux cette teinte générale qui caractérise une époque et qui est le résultat de la marche forcée des événements. Or le badinage était alors le ton de la société; on savait desipere in loco , et les choses n'en allaient pas plus mal. Les esprits ne trouvaient pas dans la lecture des journaux cet aliment que la presse quotidienne nous fournit aujourd'hui avec tant de libéralité; on n'avait pour s'occuper ni le jeu, ni les courses de chevaux, ces nobles amusements de la haute vie que nous devons à la civilisation moderne. Au lieu de parier sur un X cheval, on rimait sur une puce. C'était bien naïf sans doute, mais, si l'esprit ne gagnait pas beaucoup à ce délassement puéril, il en sortait reposé, sans y rien laisser de sa vigueur ni de sa dignité.
Ces productions légères n'ont pas une telle importance littéraire qu'il y ait lieu de leur consacrer une étude. Nous les donnons donc sans aucun commentaire, les abandonnant à l'appréciation des lecteurs qui seront curieux de se faire une idée du bel esprit au XVI e siècle.
Nous ne leur offrirons pas, pour les éclairer, l'opinion de Pasquier, juge et partie dans la question, puisqu'il figure en tête des chanteurs de la puce, et qu'il qualifie hardiment de braves poëtes ses confrères en Apollon.
Mais ce qui est peut-être curieux, c'est de rapprocher de cet éloge, nécessairement exagéré, ce que Pasquier dit ailleurs, se plaignant du trop grand nombre de poëtes éclos de son temps.
«On ne vit jamais en la France, écrit-il quelque part, telle foison de poëtes; je crains qu'à la longue le peuple ne s'en lasse. Mais c'est un vice qui nous est propre, que, soudain que nous voyons quelque chose succéder heureusement à quelqu'un, chacun veut être de la partie.»
XI Quoi qu'il en soit, le recueil de la Puce de M me Desroches a son intérêt, en ce qu'il donne un échantillon du savoir-faire poétique des gens du monde au XVI e siècle. Il porte en lui, ainsi que toutes les poésies secondaires de cette époque, comme un écho affaibli des accents éclatants du chef de la Pléiade. L'uniformité du sujet donne à toutes ces pièces une certaine teinte de monotonie, mais la forme en est toujours agréable, et elles offrent de gracieux détails.
Nous avons réuni dans cette réimpression les deux éditions de la Puce de M me Desroches, de 1583, in-4 o , et de 1610, in-8 o ; mais c'est le texte de cette dernière que nous avons suivi. Nous avons adopté pour chaque pièce la place qu'il nous a paru le plus logique de lui laisser. Des titres courants placés en haut des pages nous ont servi à classer plus clairement les poésies par noms d'auteurs.
Quant aux variantes, nous n'avons relevé que les principales, laissant de côté celles qui ne consistaient qu'en de simples mots. On les trouvera à la fin du volume, page 117, avec la description des deux éditions.
Nous n'avons pas reproduit les pièces latines, XII grecques et espagnoles: notre publication ne peut être intéressante que pour l'étude de la poésie française, et des vers en langue étrangère n'ont pas de raison d'y figurer.
La Puce de M me Desroches est devenue un livre rare; elle atteint toujours dans les ventes un prix assez élevé. Nous croyons donc être agréable aux littérateurs et aux bibliophiles en donnant aujourd'hui une réimpression de ce recueil.
D. Jouaust.
Tu en riras, je m'asseure (Lecteur); aussi n'a esté fait ce petit Poëme que pour te donner plaisir, et en riras d'avantage, quand tu entendras le motif. M'estant transporté en la ville de Poictiers, pour me trouver aux Grands Jours qui se devoient tenir sous la banniere de Monsieur le President de Harlay, je voulu visiter mes Dames des Roches, mere et fille, et apres avoir longuement gouverné la fille, l'une des plus belles et sages de nostre France, j'aperceu une Puce qui s'estoit parquee au beau meillieu de son sein. Au moyen dequoy, par forme de rizée, je luy dy que vrayment j'estimois cette Puce tres-prudente et tres-hardie: prudente d'avoir sceu entre toutes les parties de son corps choisir cette belle place pour ce rafraichir, mais tres-hardie de s'estre mise en si beau jour, parce que, jalouz de son heur, peu s'en falloit que je ne meisse la main sur elle, en 4 deliberation de luy faire un mauvais tour, et bien luy prenoit qu'elle estoit en lieu de franchise. Et estant ce propos rejetté d'une bouche à autre par une contention mignarde, finalement ayant esté l'Autheur de la noise, je luy dy que, puisque cette Puce avoit receu tant d'heur de se repaistre de son sang et d'estre reciproquement honoree de nos propos, elle meritoit encores d'estre enchassee dedans nos papiers, et que tres-volontiers je m'y emploierois, si cette Dame vouloit de sa part faire le semblable, chose qu'elle m'accorda liberalement. Cette parole du commencement sembloit avoir esté jettee à coup perdu, toutesfois soigneusement par nous recueillie, meismes la main à la plume en mesme temps, pensant toutesfois chacun de nous à part soy que son compagnon eust mis en oubly, ou nonchaloir sa promesse, et parachevasmes nostre tasche en mesme heure, tombants en quelques rencontres de mots les plus signalez pour le subject. Et comme un Dimanche matin, pensant la prendre à l'impourveu, je luy eusse envoyé mon ouvrage, elle, n'aiant encores fait mettre le sien au net, le meist entre les mains de mon homme, afin que je ne pensasse qu'elle se fust enrichie du mien. Heureuse certes rencontre et jouyssance de deux esprits, qui passe d'un long entregét toutes ces opinions follastres et vulgaires d'amour. Que si en cecy tu me permets d'y apporter quelque chose de mon jugement, je te diray qu'en l'un tu trouveras les discours d'une sage fille, en l'autre les discours d'un homme qui n'est pas trop fol: ayants l'un et l'autre par une bienseance de nos sexes joué tels roolles 5 que devions. Or voy, je te prie, quel fruict nous a produit cette belle altercation, ou, pour mieux dire, symbolization de deux ames. Ces deux petits Jeus poëtiques commencerent à courir par les mains de plusieurs, et se trouverent si agreables que, sur leur modelle, quelques personnages de marque voulurent estre de la partie, et s'emploierent sur mesme subject à qui mieux mieux, les uns en Latin, les autres en François, et quelques uns en l'une et l'autre langue. Ayant chacun si bien exploité en son endroict qu'à chacun doit demourer la victoire. Pour memorial de laquelle j'ay voulu dresser ce trophee, qui est la publication de leurs vers, laquelle je te prie vouloir recevoir d'aussi bon cœur qu'elle t'est par moy presentee. De Paris le dixiesme septembre 1582.
N
e nous trompetez plus vostre Troyen Cheval,
Dont vindrent tant de Ducs, ô trompeuses trompettes!
Vos superbes discours n'ont rien à nous d'egal,
Puisque une Puce esclost tant de braves Poëtes.
E. Pasquier.
Q
uand je feis ceste Puce en langage François,
Comme œuvre d'une nuit, mocquer je me pensois.
Va, Puce, pren ton vol, mais aux ans ne te fie:
Tu mourras aussi-tost que tost tu pris ta vie.
E. Pasquier.
P
eut-estre adviendra-il qu'un babouin d'envieux
Rongnonnera nos vers: tay toy, sot, ou fay mieux.
E. Pasquier.
P
endant que du
Harlay
, de Themis la lumiere,
Pour bannir de Poitou l'espouventable mal,
Exerçant la Justice à tous de pois égal,
Restablissoit l'Astrée en sa chaire premiere,
Quelques nobles esprits, pour se donner carriere,
Voulurent exalter un petit animal,
Et luy coler aux flancs les aisles du cheval
Qui prend jusques au Ciel sa course coutumiere.
8
Harlay
, mon
Achilles
, relasche tes espris,
Sousguigne d'un bon œil tant soit peu ces escris:
Ils attendent de toy ou la mort ou la vie:
Si tu pers à les lire un seul point de ton temps,
Ils vivront immortels dans le temple des ans,
Malgré l'oubly, la mort, le mesdire et l'envie.
E. Pasquier.
Petite
Puce fretillarde,
Qui d'une bouchette mignarde
Sucçotes le sang incarnat
Qui colore un sein delicat,
Vous pourroit-on dire friande
Pour desirer telle viande?
Vrayment nenni, car ce n'est poinct
La friandise qui vous poingt,
Et si n'allez à l'adventure
Pour chercher vostre nourriture,
Mais, pleine de discretion,
D'une plus sage affection,
Vous choisissez place honorable
Pour prendre un repas agreable:
Ce repas seulement est pris
Du sang le siege des espris.
Car, desirant estre subtile,
10
Vive, gaye, prompte et agile,
Vous prenez d'un seul aliment,
Nourriture et enseignement.
On le voit par vostre allegresse
Et vos petits tours de finesse,
Quand vous sautelez en un sein,
Fuyant la rigueur d'une main.
Quelquesfois vous faites la morte,
Puis, d'une ruse plus accorte,
Vous fraudez le doigt poursuivant,
Qui pour vous ne prent que du vent.
O mon Dieu! de quelle maniere
Vous fuiez cette main meurtriere
Et vous cachez aux cheveux longs
Comme Syringue entre les joncs!
Ah! que je crain pour vous, mignonne,
Ceste main superbe et felonne!
Hé! pourquoi ne veut-elle pas
Que vous preniez vostre repas?
Vostre blesseure n'est cruelle,
Vostre pointure n'est mortelle,
Car, en blessant pour vous guerir,
Vous ne tuez pour vous nourrir.
Vous estes de petite vie,
11
Mais, aymant la Geometrie,
En ceux que vous avez espoint
Vous tracez seulement un point,
Où les lignes se viennent rendre.
Encor avez vous sceu apprendre
Comment en Sparte les plus fins
Ne se laissoient prendre aux larcins.
Vous ne voulez estre surprise:
Quand vous avez fait quelque prise,
Vous vous cachez subtilement
Aux replis de l'acoutrement.
Puce, si ma plume estoit digne,
Je descrirois vostre origine,
Et comment le plus grand des Dieux,
Pour la terre quittant les Cieux,
Vous fit naitre, comme il me semble,
Orion et vous tout ensemble.
Mais il faudra que tel escrit
Vienne d'un plus gentil esprit;
De moy je veux seulement dire
Voz beautez et le grand martire
Que Pan souffrit en vous aymant,
Avant qu'on vit ce changement
Et que vostre face divine
Prit cette couleur ebenine,
12
Et que vos blancs pieds de Thetis
Fussent si gresles et petis.
Puce, quand vous estiez pucelle,
Gentille, sage, douce et belle,
Vous mouvant d'un pied si leger,
A sauter et à voltiger,
Que vous eussiez peu d'Atalante
Devancer la course trop lente,
Pan, voyant voz perfections,
Sentit un feu d'affections,
Desirant vostre mariage.
Mais quoy? vostre vierge courage
Aima mieux vous faire changer
En Puce, à fin de l'etranger,
Et que, perdant toute esperance,
Il rompit sa perseverance.
Diane sçeut vostre souhait;
Vous le voulustes, il fut fait:
Elle voila vostre figure
Sous une noire couverture.
Depuis, fuyant tousjours ce Dieu,
Petite vous cherchez un lieu
Qui vous serve de sauvegarde,
Et craignez que Pan vous regarde.
Bien souvent la timidité
13
Fait voir vostre dexterité;
Vous sautelez à l'impourveuë,
Quand vous soupçonnez d'estre veuë,
Et de vous ne reste, sinon
La crainte, l'adresse et le nom.
Puce
qui te viens percher
Dessus cette tendre chair,
Au milieu des deux mammelles
De la plus belle des belles;
Qui la picques, qui la poingts,
Qui la mors à tes bons poincts,
Qui, t'enyvrant sous son voile
Du sang, ains du nectar d'elle,
Chancelles et fais maint sault
Du haut en bas, puis en haut;
O que je porte d'envie
A l'heur fatal de ta vie.
Ainsi que dedans le pré,
D'un vert émail diapré,
On voit que la blonde avette
Sur les belles fleurs volette,
Pillant la manne du Ciel,
15
Dont elle forme son miel,
Ainsi, petite Pucette
Ainsi, Puce pucelette,
Tu volettes à taton
Sur l'un et l'autre teton,
Puis tout à coup te recelles
Sous l'abri de ses aisselles;
Or, panchée sur son flanc,
Humes à longs traits son sang;
Or, ayant pris ta pasture,
Tu t'en viens à l'adventure
Soudain apres heberger
Au millieu d'un beau verger,
Ains d'un Paradis terrestre,
D'un Paradis qui fait naitre
Mille fleurs en mes espris,
Dont elle emporte le pris,
Paradis qui me reveille
Lors que plus elle sommeille:
Là, prenant ton bel esbat,
Tu lui livres un combat,
Combat qui aussi l'esveille
Lors que plus elle sommeille.
Las voulut Dieu que pour moy
16
Elle fut en tel esmoy!
Toy seule par ton approche
Fais esmouvoir cette Roche,
Que mes pleurs, ains mes ruisseaux,
Que mes soupirs à monceaux,
Quelque veu que je remue,
N'ont jamais en elle esmeue.
Ha! mechante, bien je voy
Que j'ay ce malheur par toy.
Car, quand folle tu te joues
Maintenant dessus ses joues,
Puis, par un nouveau dessein,
Tu furettes en son sein,
Et que tu la tiens en transe,
Madame en toy seule pense,
Et luy ostes le loisir
De soigner à son plaisir;
Ou cette mesaventure
Pour laquelle tant j'endure,
Ce mal où suis confiné,
Vient d'un astre infortuné
Qui est entre toy et elle,
Entre la Puce et pucelle,
Ayans par un mesme accort
17
Toutes deux juré ma mort.
En toi seule elle se fie
Comme garde de sa vie.
Car, si en faisant tes jeux
Tu la piques, et je veux
Te tuer, fascheuse puce,
Au lieu où tu fais ta musse,
Ell' craint, pour ne rien celer,
Que c'est la depuceler,
Et bannir à jamais d'elle
Ce cruel nom de pucelle.
Ainsi, par commun concours,
Vous jouez en moy voz tours,
Et faut que pour un tel vice
Mon ame à jamais languisse.
Mais toy, Puce, cependant
Te vas, grasse, respandant
Dessus le Ciel de Madame;
Et de là tirant ton ame,
Tout autant que tu la poins,
Autant tu luy fais de poins;
Ains graves autant d'estoilles
En la plus belle des belles.
Je ne veux ni du Taureau,
18
Ni du Cyne blanc oiseau,
Ni d'Amphitrion la forme,
Ni qu'en pluie on me transforme,
Puis que Madame se paist
Sans plus de ce qu'il te plaist.
Pleust or à Dieu que je pusse
Seulement devenir Puce:
Tantost je prendrois mon vol
Tout au plus beau de ton col,
Ou d'une douce rapine
Je succerois ta poitrine,
Ou lentement, pas à pas,
Je me glisserois plus bas,
Et d'un muselin folastre
Je serois Puce idolatre,
Pinçottant je ne sçay quoy
Que j'ayme trop plus que moy.
Mais las! malheureux Poëte,
Qu'est ce qu'en vain je souhaite?
Cest eschange affiert à ceux
Qui font leur sejour aux Cieux.
Et partant, Puce pucette,
Partant, Puce pucelette,
Petite Puce, je veus
Adresser vers toi mes veus.
19
Quelque chose que je chante,
Mignonne, tu n'es méchante,
Et moins fascheuse, et je veus
Pourtant t'adresser mes veus.
Si tu piques les plus belles,
Si tu as aussi des ailes,
Tout ainsi que Cupidon,
Je te requiers un seul don
Pour ma pauvre ame alterée:
O Puce, ô ma Cytherée,
C'est que Madame par toy
Se puisse esveiller pour moy,
Que pour moy elle s'esveille
Et ayt la Puce en l'oreille.
S
oit que des vers Latins ou des François je trace,
Tu les chantes partout, ores qu'ils soient sans grace,
Et si ne puis sçavoir d'où me provient cet heur,
Si ce n'est que tu veus qu'ils vivent par ta bouche.
20
Je le croy; mais, helas! ô fortune farouche!
Tu fais vivre mes vers et mourir leur autheur.
E. Pasquier.
V
ostre encre est de ce just qui change l'homme en Dieu
Dont Glauque se nourrist quand il quitta son lieu
Pour les ondes, laissant nostre terre fleurie;
Comme le clair flambeau de ce grand univers
Ternit les moindres feus, la grace de vos vers
Fait mourir mes escris et me donne la vie.
C. Des Roches.
O
second Apollon, je n'eus jamais l'audace
De penser honorer vostre excellente grace,
Je sçay que vostre honneur est hors d'accroissement.
21
De vostre beau Soleil je suis l'obscure nue,
Qui, au lieu d'exprimer vostre gloire cogneue,
Meurtris de vostre los le plus digne ornement.
T
u dis, Pasquier, qu'en consultant,
Sur la puce tu fais des vers;
Ne plain point le temps que tu pers,
Puis qu'en perdant tu gagnes tant.
Ach. D. H.
Vous,
grenouilles et souris,
Animées des escris
Du grand Prince des Poëtes,
Heureuses vrayment vous estes.
Toy, Passereau fretillard,
Caressé du vers mignard
De Catulle, ô que ta vie
Est à jamais annoblie!
En cas semblable voit-on,
Petit Coussin, ton renom
Eternisé par le stile
Du grave-docte Virgile.
Et toi, Puce, dont la main
De quelque autheur incertain
23
Immortalisa la gloire
Dans le temple de memoire.
Mais cela n'esgalle point
Nostre Pucette, qui poingt
Ceste charnure marbrine
De la docte Catherine.
Si ton heur tu cognoissois,
Qu'heureuse, Puce, serois,
De voir à l'envi ta vie
Par deux braves mains cherie!
Que si l'on marque les tours
Que tu brasses tous les jours,
Et ta petite pointure,
Seul moien de ta pasture,
Soudain l'on sent dans ses os
Une flamme, ains un Chaos,
On sent son ame envahie
D'envieuse jalousie,
Voyant, Puce, que tu peus
En mille beaus petits lieux,
24
Bannis de nostre lumiere,
Seule t'y donner carriere,
Qu'à toy il loist seulement,
S'il te plaist, impunement
Prendre folle ton adresse
Dans le sein de ma maistresse,
O que tu as de beaus traicts
De plaisir dont tu te pais,
Et dont se diversifie
Le doux apas de ta vie,
Car, s'il te vient à propos,
Tu vas prendre ton repos,
Ainçois te mets en dommage
Dessus son tendre visage.
Là tu piques son œil rond,
Voltiges sur son beau front,
Sur ses levres tu te poses,
Pareilles aux belles roses;
Ou, s'il te vient à desir,
Tu vas tes esbas choisir
25
Dessus sa gorge albastrine
Ou sur sa large poictrine.
De là tu viens suçoter
Deux tetons pour t'alaicter,
Et là, petite friande,
Se trouve aussi ta viande.
Soulée d'un bon repas,
Tu prens ton deduit plus bas,
La part qui m'est, helas! close,
Et que nommer je ne t'ose.
Bref, Pucette, s'il te plaist,
Rien d'elle caché ne t'est;
Quelque endroit où tu te porte,
Là t'est ouverte la porte.
Tu peus exercer tes tours
Par tout où tu prens ton cours:
Il n'y a voile ni robe
Qui tes plaisirs te desrobe.
Tu peus estancher sans fin
La soif et la longue faim
26
Dont tu te trouves saisie
De Nectar et d'Ambrosie.
Voila, Puce, les presens
De fortune que tu sens;
Mais tu as pris en partage
Un bien plus grand advantage:
Estant celebré ton nom
D'un Phebus, d'une Clion,
Et que chacun d'eux te pousse
Au ciel, de sa plume douce;
Estant celebré ton nom
Du Palatin Apollon,
D'un vers gaillard dont il louë
Les tours que l'Amour lui jouë;
Estant celebré ton nom
D'une vierge de renom,
Qui merite d'avoir place
Au haut sommet de Parnasse.
Ainsi, Puce, à qui mieux mieux
Ils te trompettent tous deux,
27
Se faisant chacun à croire
D'en rapporter la victoire.
Un homme chante ton heur,
Une vierge ton honneur;
Les Roches encor te sonnent,
Et les palais pour toy tonnent,
Et font courir jour et nuit
Par cet univers ton bruit,
Pour voir une belle vierge
Qui te serve de concierge.
Est-il aux Grands Jours venu
Quelqu'un qui ne t'ayt cogneu
Par les douces chansonnettes
De ces renommez Poëtes?
C'est pourquoy chacun de nous
T'estime heureuse sur tous;
Mais il y a bien encore
Un point qui plus te decore:
C'est que doux t'est le plaisir
Soit de vivre ou de mourir;
28
O point qui vraiment surpasse
Tout autre de long espace!
Car, si le sort inhumain
Te fait mourir de la main
De nostre gente pucelle,
Veus-tu une mort plus belle?
Et si, par un autre sort,
Tu meurs de ta belle mort,
Y a-t'il tombe plus belle
Que le sein d'une pucelle?
Quand les Parques de mes jours
Auront devidé le cours,
Vueillez, ô dieux, que je tombe
Sous une si noble tombe.
E. Pasquier.
J
e ne doute, envieux, que d'une dent maligne
Tu mordras nos escrits comme une chose indigne,
Et diras que ces jeuz feurent pris pour object
Par nous, dedans Poictiers, par faute de subject.
La troupe qui battit par plaisir ceste enclume
Consulte, et, pour autruy, met la main à la plume,
Quand ta langue est muette et que tu n'as le don
D'escrire, de plaider et faire rien de bon.
N
e mesdy, nous lisant, ou je veux que tu sçaches
Que Puce deviendras et rat, si tu nous fasches.
T
oy qui n'as main ny langue, es-tu bien si osé
De mordre cil qui mesle à son estat ces jeus?
Le mesdire de nous absens t'est bien aisé:
Si nous ne te plaisons, fay quelque œuvre de mieux.
J
e me veux gouverner d'un folastre caquet,
Et non estre un Caton sourcilleux au banquet;
Que dedans nos repas la gaillarde franchise,
La rencontre à propos, soit entre nous permise.
Maintenant, me jouant sur la Puce, je viens
M'esjouir à ta table avecq' toy et les tiens.
Je te veux mal, Lecteur sobre, qui ne t'esgayes,
Et me mocque de toy par escrits pleins de bayes.
Pucelette
noirelette,
Noirelette pucelette,
Plus mignarde mille fois
Qu'un aignelet de deux mois,
Et mille fois plus mignonne
Que l'oisillon de Veronne,
Comme pourra mon fredon
Immortaliser ton nom?
Pucelette noirelette,
Noirelette pucelette,
Diray-je que nostre bien
Est petit au pris du tien,
Lors que quand tu veux tu baise
La bouche de ma mauvaise,
32
Et moy je ne sçaurois pas
En avoir aucun soulas,
Sans plus je nourris ma vie
D'une impatiente envie?
Diray-je que nostre bien
Est petit au pris du tien,
Quand, cachée sous l'enflure
De ceste belle vouture
Qui éleve en rond son sein,
Tu rassasies ta faim,
Mordillant, audatieuse,
Sa gorge delicieuse;
Puis, sautelant tout autour
De ce beau palais d'amour,
Plaine de delicatesses,
Plaine de douces liesses,
Tu fais mille et mille jeus
Dessus son sein amoureux;
Et elle, sentant ta playe,
Tousjours en embusche essaye
De te prendre, et va jurant
Ta mort si elle te prent.
Mais d'un saut promt et agile
Tu trompes sa main subtile,
33
Et tu t'enfuys droit au lieu
Où Amour, ce petit Dieu,
Asseuré fait sa retraicte,
Sa retraicte plus secrette,
Et où un autre ne peut
Arriver s'il ne le veut;
Qu'oncques la main ny la veuë
N'ont ny touchée ny veuë,
Et dont le penser sans plus
Me fait devenir perclus.
Pucelette noirelette,
Noirelette pucelette,
Diray-je que nostre bien
Est petit au pris du tien,
Quand, lors qu'un doux somme presse
Les beaux yeux de ma maistresse,
Seule tu cognois combien
L'archerot Idalien
Lui fait endurer de peine,
De peine douce inhumaine;
Seule tu sçais ses desirs,
Seule tu oys les soupirs
Dont seule, sous la nuit brune,
Les astres elle importune.
34
Puis, deçà de là, courant
Et sautelant, et errant
Dessus les rares merveilles
De ses beautez nompareilles,
Tu cueille un heur dont les dieux
S'estimeroient bien heureux.
Lasse en fin tu te reposes
Sur ceste gorge de rozes,
Et entre cent mille appas
Tu goustes un tel soulas
Qu'yvre de sa mignardise,
Tu mourrois soudain éprise,
Si ma belle, te sentant,
Ne t'alloit point poursuivant.
Bien heureuse sera l'heure
Quand il faudra que je meure,
Si, comme toy, je me meurs
Entre ces douces douceurs.
Pucelette noirelette,
Noirelette pucelette,
Si d'aventure je veux
Baiser sa bouche ou ses yeux
Pendant que le sommeil flate
Sa paupiere delicate,
35
Garde de la mordiller,
De peur de ne l'esveiller.
Ainsi, pucette noirette,
Noirelette pucelette,
Puisse tu dedans les Cieux
Luire entre les moindres feux,
Estoille guide asseurée
Des soldats de Cytherée.
Courtin De Cisse.
J´escoute
ja pieça, et si lis à part moy
La Puce qu'à l'envy trompeter je vous voy,
Enjalouzez du los de l'incertain Poëte.
Quoy me tairay-je seul? mon Beaumont je souhaite,
Si tu le trouves bon, abandonner le frein,
Puis qu'ainsi le permet le bon Pere Martin:
Il n'y a nul si fier, ou si dur qui retive.
Je voy ce grand torrent de l'elloquence vive,
Cest azile commun de l'ancienne loy,
Au milieu du public se desrober à soy,
Pour corner en tous lieux de la Puce la gloire;
Je voy ce deux fois né,
René
fils de memoire,
Quittant le triple droit dont il s'est annobly,
Mettre de son Anjou la coustume en oubly,
Et faire d'une Puce un bien grand orateur
37
Et Poëte. Car quant à toy, premier auteur,
Qui as fait que voions la Puce sauterelle,
Toy dis-je qui premier dressas cette querelle,
Ce n'est rien de nouveau: d'autant que des neuf seurs
Et Graces en naissant tu suças les douceurs,
Ayant du saint Laurier la temple couronnée,
Si qu'arrivant icy comme un nouvel Orfée,
Tu flechis les rochers, fais que ta dame ainsi
Qu'un Echo te respond, tu luy respons aussi.
Dont chacun estonné choisit ce mesme titre,
Mangot, Rapin, Tournebe, et ce nouvel arbitre,
Et celuy qui de Marthe emprunta le saint nom,
Celuy qui de l'Escale a encor le surnom,
Auquel Dieu octroya et l'esprit et l'usage
De s'expliquer en trois manieres de langage.
Ja void on dans Poictiers Apollon le divin
De tous estre chanté comme vray Poitevin,
Et prendre ce surnom quittant c'il de Pythie.
Je me trompe: une image en mes sens mal bastie
D'un object fantastic vainement me repaist:
Ce n'est point, croyez-m'en, une Puce, ce n'est,
Si de bien augurer j'ay le nom de mon pere.
Cette saffre Sapphon du monde l'impropere.
38
Vilaine, infame, duite à tremousser son corps
Ingenieusement en mil honteux accors,
Jalouse des vertus qui logent en la belle,
Qui les hommes en meurs et doctrine precelle,
Non fille vrayement, mais un Dieu Poitevin,
Envoya de Lesbos son Demon sur le Clin,
Qui se voulut voiler d'une noire vesture,
De la Puce empruntant l'habit et la figure,
Pour d'elle practiquer quelque folastre amour.
Habile il obeit, et sans aucun sejour
Se fait leger et noir tout ainsi qu'une Puce,
Et sous ce masque là dedans son sein se musse,
La prend à l'impourveu, et d'un doux aiguillon
La pique doucement, ores sur le teton,
Or' sur tous les endroits de son beau corps voltige.
Et peut estre se perche au plus pres du beau tige
(Que nul n'osa jamais, tant fut-il chaste, voir)
Pensant par ses attraicts la vierge decevoir.
Je le sçay, je l'ay veu sans offenser ma veue,
La fille fut espointe, et doucement esmeuë,
D'un feu tout virginal, dout les traces je vis.
Elle ne s'oubliant recourt aux doux devis
De Pallas, à sa plume, ensemble à sa quenouille:
Ne permets, ô Pallas (dit-ell'), que je me souille.
39
Ce dit, ses pensements restent aussi entiers
Comme font ces grands rocs, ou Roches de Poictiers.
Ainsi sur les papiers veillant et sur la laine,
Ell' vainquit le Demon de Sapphon la vilaine,
Et la Puce-Demon en l'air s'esvapora.
Ou si c'est une Puce, elle ne s'engendra,
Comme les autres font, d'une vilaine ordure,
Ains est du chien d'en haut la vraie creature,
Descendue du ciel avec Astrée icy,
Astrée de Poictiers et Poictou le soucy,
Laquelle avecq' Harlay par un commun office,
Desirant restablir l'ancienne justice,
Tout soudain le logis du grand Harlay a pris,
Et la Puce le sein d'une sage Cypris.
L'une et l'autre jouant diversement son roolle,
A fait aux beaux esprits, renaistre la parolle,
Qui trompettent d'un ton et chant au ciel ravy
La Puce, la Pucelle, et l'Astrée à l'envy,
Tellement que la Puce et Pucelle sont prestes
D'estre au ciel, par nos vers, deux beaux Astres celestes.
E. Pasquier.
I
o! belle pepiniere,
La fidelle jardiniere
Des fleurs et fruits d'Helicon,
Chantons, brigade, la gloire
Des neuf filles de memoire
Et de leur frere Apollon.
Ainçois plustost de l'Astrée
Dedans le Poictou r'entrée
Sous Harlay, le grand guerrier,
Lequel, armé de justice,
A exterminé le vice,
Ceignant son front de laurier.
Chantons encor' la Pucelle
Qui toutes autres precelle,
Des vertus le parangon,
Et cette Puce bien née
Qui, sage, s'est obstinée
De fureter son teton.
41
Pucelle en qui la nature,
Aux autres avare et dure,
A prodigué tout son beau,
Pour puis apres, l'ayant faicte
Une Pandore parfaicte,
En faire un Astre nouveau,
Jusques à ce qu'elle meure,
Fay, Astrée, ta demeure
En France au meillieu de nous.
Si sa mort te donne envie
De reprendre au ciel ta vie,
Nous te prions à genous
Que ceste vierge etherée
Soit un Astre aveq' Astrée,
Et que tu loges aux cieux,
Pres l'estoille Poussiniere,
Une estoille Puciniere
Par un soin devotieux.
E. Pasquier.
D
'une continue concorde
Phebus avecq' ses sœurs s'accorde:
Ny la Puce ne nous a fait,
Tant de Poetes, mais la Roche,
Qui du Roch d'Helicon est proche,
A produit cest œuvre parfait.
E. Pasquier.
Mignarde,
vous avez grand tort
D'appeller Hercule à la mort,
A la mort d'une pucelette,
Qui tant mignardement furette,
Comme un petit surion d'Essain
Sur les roses de vostre sein.
Je veux, je veux qu'on vous appelle
Du nom de belle et de cruelle,
Qui pour si petit animal
Invoquez Hercul chasse-mal;
Animal dont la petitesse
Passe des autres la grandesse,
Soit qu'on fasse comparaison
Des parcelles de la raison,
De la souplesse ou de l'astuce
Qui recommande cette Puce.
Belle, si vous aimez le beau,
44
Voyez quelle gentille peau:
Ne diriez-vous pas qu'elle est teinte
Ou des couleurs de l'Hyacinthe
(Hyacinthe honneur des beaux mois),
Ou de pourpre, couleur de Roys?
Vrayment si la trouvez gentille,
Sa proportion plus subtile
Vous doit inciter à pitié,
Pour luy porter quelque amitié,
Si comme vous mignardelette,
Elle est prompte, polie et nette.
Laissez vous picquer un petit,
Sus, la voila en appetit,
Voyez, belle, voyez, mignarde,
Comme un éguillon elle darde,
Eguillon en long eguisé,
Et qui pourtant est pertuisé,
Pour couler la douce ambrosie,
Qu'en vostre sein elle a ravie.
Je ne la sçaurois accuser,
Sinon d'avoir l'heur de baiser
Si long temps ceste peau tendrette,
Qui un tel bon-heur ne me prette.
45
Mais, Puce, je t'excuse bien,
Car par toy nous goustons le bien
De mille amoureuses delices,
Quand dans un beau sein tu te glisses,
Et sçais les premiers fruits ravir
Des filles neuves au plaisir,
Tantost en baisottant leur face,
Or sucçotant en autre place,
Aprenant à l'homme grossier
Comme il faut l'amour varier.
Encore que Venus s'en fache,
Je veux que tout le monde sache
Que la Puce eut l'honneur premier
D'inventer le mignard baiser,
Baiser qu'encor Amour farouche
N'alloit sucçant dessus la bouche,
Et que Venus n'eut sçeu sucrer,
S'elle n'eut veu la Puce encrer
Sa petite bouche ebenine
Sur la moitte jouë Adonine.
Depuis la gentille Cypris,
Ayant le glout baiser appris
D'une larronnesse languette,
Languette mutuelle et moëtte,
46
Sceut bien à l'envie du Ciel
Coler deux bouchettes de miel.
Que diray-je de sa saignee
Qui par elle fut enseignee?
N'en déplaise à l'antiquité,
La Puce a l'honneur merité,
Et non le cheval qui se treuve
Aux bras de l'Egiptien fleuve:
Car la Puce, tant seulement
Avec un doux chatoüillement,
Tire sans aucune ouverture
Le sang ennemy de nature.
O petit animant heureux,
Utile aux hommes et aux Dieux,
Si or je t'ay sauvé la vie
Des mains de ma douce ennemie,
Et si je t'ay fait tant d'honneur
D'estre de deux biens inventeur,
Succe de ma maistresse belle
Ce gros sang qui la rend rebelle,
Si qu'ayant rapuré son sang
D'un courage amoureux et franc,
D'un œil semonneur elle attise
47
Le doux feu de ma convoitise,
Et qui ne se puisse appaiser
Que par la langueur d'un baiser.
P
ourquoy louëz-vous tant Orphee?
Pourquoy d'un si brave trophee
Honorez-vous, Poëtes saincts,
Le bruit de sa lyre sonante,
La voix aussi douce-coulante
Que le miel des picquans essains?
Pourquoy vostre chanson sacree,
Qui aux Rois et aux Dieux agree,
Sonne tant le loz d'Arion?
Pourquoy vantez-vous le miracle
De l'Ogygien habitacle
Basti par la voix d'Amphion?
48
Et toy,
Pasquier
, qui par tes carmes
Coulans de Permesse nous charmes,
Arrosez du Nectar des Dieux,
Pourquoy d'une docte faconde
Vas tu chantant à tout le monde
Saphon l'honneur des siecles vieux?
Hé! pourquoy dis-tu que sa grace
Toutes autres dames surpasse
En beauté, vertu et sçavoir:
Puis qu'en cette belle
Rochette
,
Ainçois cette belle Rosette,
Le Ciel ses tresors nous fait veoir?
Cette Claniene Naiade,
Cette montaignere Oreade
En sagesse, en grace, en beauté,
En vertus, en mœurs, en doctrine
Surpasse la troupe plus digne
Du mont des neuf sœurs frequenté.
Ha! mon Dieu! le teint de sa joüe
Et la tresse d'or qui se joüe
Sur son sein en flots ondoyans,
Et ses yeux deux flames jumelles,
49
Me font prendre dans leurs cordelles,
Et ardre en leurs rais flamboyans.
Voy ses cheveux que l'Arabie,
Ny le baume de l'Assyrie,
N'egalent en bonnes odeurs;
Cheveux dont Venus la doree
Voudroit sa teste estre honoree,
Et non des primeraines fleurs.
O beaux filets d'or de Minerve,
Mon ame se plaist d'estre serve
De vos nœuds mignardement tors:
Il luy plaist bien d'estre contrainte
Par vous d'une si douce estrainte
Quittant la prison de son corps.
Sur tout la neige blanchissante
Sur son front bien poly m'enchante,
Et ce beau pourpre Tyrien
Qui fait vermeiller son visage,
Et ce double flambeau volage
Du petit Dieu Cytherien.
Or si ces deux levres vermeilles,
Plus douces que n'est des abeilles
50
Le miel, et le thim Hyblean,
Me permettoient un baiser prendre
Plus sucré que la rose tendre
Qui croist au champ Pestanean,
Incontinant je rendroy l'ame
Dedans le beau sein de Madame,
Et par l'air de ce baiser pris,
Pasmé sur sa levre jumelle,
Nous ferions, moy et ma rebelle,
Un doux change de nos esprits.
Mais que diray-je de la Grace
Du reste de sa belle face,
Et de son fourchelu menton
Resemblant une poire franche
Qui va meurissant sur la branche
Sous l'abry d'un jeune bouton?
Ce beau col de marbre, où Zephire
Entre mille rameaux soupire,
Un sang chaudement amoureux,
Par une volontaire force
Desrobe mon cueur, et l'amorce
Sous l'apast d'un mal doucereux,
51
Et fait que je porte une envie,
O Puce, au bon heur de ta vie,
Mais non plus Puce, à mon advis,
Ains Amour, qui par fine astuce
Dessous le teint noir d'une Puce
N'agueres admirer te fis,
Quand d'une subtile cautelle
Tu vins au sein de la Pucelle,
Qui d'un ingenieux conseil
Te permit d'y faire retraite,
Afin que ta couleur noirette
Donnast lustre à son blanc vermeil.
Et par cette blanche campaigne,
Où poingt une double montaigne
D'Agathe blanchement douillet,
Folastrement tu te promenes
Entre les beautez sur humaines
De ce sein blanc et vermeillet.
Ore d'un plein saut tu te jettes
Sous les amoureuses cachettes
De ses esselles mignotant,
Et entre mille fleurs escloses
52
Tu flaires ces boutons de roses
Que tu mordilles sucçottant.
Puis d'une mignarde secousse
Ce lait qu'un Zephire entrepousse
Tu humes à longs traits goulus.
O Puce, que tu fus heureuse
Lors que d'un tel bien desireuse
Loger en ce sein tu voulus!
Ha Dieux! un enfant de sa mere
Ne peut avoir chose plus chere
Que le lait de ses deux tetins.
Jamais Venus dedans Gargaphe
N'en fit plus au mutin de Paphe
En ses tendres mois enfantins.
Mais puis que d'une pudeur vierge,
De ses chastes beautez concierge,
La robe ne doit à nos yeux
Permettre de voir, ny qu'on sache
Ce que jalouse elle nous cache,
Compaigne du bon heur des Dieux,
Il ne faut,
Pasquier
, que la plume
Represente dans ce volume
53
Ce que l'habit ne laisse hors:
Car la mesme pudeur honneste
Doit voiler le front du Poete
Comme l'habit couvre le cors.
Quant à moy, brulant de la flame
Dont son bel œil mon cœur entame,
Je n'en puis longuement parler;
Mais toy en qui le Ciel assemble
Les Graces et vertus ensemble
Pour les Dieux mesmes esgaller,
Tu peux mieux les Graces connoistre
D'elle, que Minerve a fait naistre
Merveille unique de ce temps:
Il suffit, pourveu qu'elle entende
Que, mourant d'une amour trop grande,
Je n'ay peu alonger mes chans.
François de la Couldrove.
D
y moy, Rochette, que fais tu?
Ha, tu rougis: c'est de la honte
De voir un portraict qui surmonte
Ta foible et debile vertu.
Binet
a voulu dextrement
Representer une peinture,
Qui est de celeste nature,
Et la nommer humainement.
Ayant pillé dedans les Cieux
Le pourtraict d'une belle idee,
Ne voulant comme Promethee
Irriter le courroux des Dieux,
D'un artifice nompareil
Il a voilé son beau visage
D'un nom obscur, comme un nuage
Qui cache les rais du Soleil.
55
C'est afin de n'estre repris,
Rendant aux hommes manifeste
Une beauté toute celeste,
Digne des immortels espris.
Roche
, tu ne sçaurois user
D'un autre plus evident signe,
D'estre de tant d'honneurs indigne,
Que ne pouvoir t'en excuser.
C. Des Roches.
N
e croy pas, mon
Binet
, qu'un baiser de Charite
Face que son esprit, laissant si beau sejour,
Se place dedans toy, et que d'un mesme tour
Ton ame s'envolant, dedans son cors habite;
Mais crain que ton esprit, par une sage eslite
Amorcé du baiser nourrisson de l'amour,
56
Choisissant ce beau cors, sans espoir de retour,
Pour mieux s'habituer sa demeure ne quitte.
Ou bien crain que l'esprit de l'une des neuf Sœurs,
L'esprit de ma Charite aymé de tant de cueurs
N'attire à sa beauté ton ame enamouree:
Ainsi, mon cher
Binet
, l'aimant Magnesien
Attire à soy le fer d'invisible lien,
Qui le suit amoureux de sa force admiree.
Macefer.
A
mour, ce méchant petit Dieu,
Un jour s'en vint aupres du lieu
Où les Poitevines Nymphettes
Aux rives du Clain doux-coulant
Chantoient de l'Amour nonchalant
Les presque inutiles sagettes.
57
Si tost que Cupidon entend
Des Nymphes le plaintif accent,
Ha, dict-il, voicy belle prise:
Ainsi d'un amoureux desir
La bergere de trop dormir
Son amy reprend et mesprise:
Alors l'oiseau Cytherien,
Oubliant son vol ancien,
Se vint parquer au milieu d'elles.
C'est icy, dict-il, où il faut
Esprouver si le cœur me faut
Et l'effet à mes estincelles.
Les Nymphes l'aiant aperceu,
Comme un enfançon l'ont receu,
Egaré de sa triste mere.
Ne cognoissant pas qu'il estoit,
Chacune à tour le baisottoit
D'une faveur non coutumiere.
Amour s'apprivoise, et soudain
Il cache en sa petite main
Une flamme vive et segrette,
Il se mire au sein le plus beau
58
Et range son petit flambeau
En vain sur le cœur de Rochette.
De fortune, entre le destour
De son teton franc de l'amour
Une Puce faisoit son giste,
Qui pour son hostesse vanger
Piqua le bras porte danger,
Y traçant sa marque petite.
Soudain Amour, remply de dueil,
La plaie au bras, la larme à l'œil,
S'envolle au secour de sa mere,
Disant, un petit chose noir
M'a piqué, vous y pouvez voir
La flamme et la place meurtriere.
C'est, dict-il, c'est un Serpenteau
Qui va sautellant sur la peau,
Puce est nommé par les Pucelles.
Las! je n'eusse jamais pensé
D'un si petit estre offensé
Si pres de mes flammes mortelles.
Lors Venus, souriant, voy-tu,
Vois-tu, dit-elle, sa vertu
59
A la tienne du tout semblable?
Sinon que petit, aux grans dieux
Et aux humains dardant tes feux,
Tu fais une plaie incurable.
Cl. Binet.
J
'ay dit que c'est Amour, le plus rusé des Dieux,
Qui, surpris des beautez de ma belle Charite,
Se vint loger au sein, où la chaleur subite
Brula ses ailerons et son cœur Amoureux.
De fait sentant griller ses plumes et cheveux,
Et voyant basaner sa peau à demi cuite,
Petit Puceau prent forme en la Puce petite,
Par la mesme couleur voulant tromper nos yeux.
Las il estoit à nous, sous un ongle severe
Je me fusse vangé de ma longue misere:
Mais le finet sauta sur toy, Docte
Loisel
.
60
Ainsi que Ganymede eslevé dessus l'aile
De l'aigle genereux, par ta plume immortelle,
Soleil
, tu l'as conduit avec toy dans le Ciel.
Cl. Binet.
J
e ne m'esbahi plus des murs de la Rochelle
Obstinez contre un Roy, ni du Roc Melusin,
Puisque contre Amour mesme au pays Poitevin
Une autre Roche encor se declare rebelle.
La Rochelle à son Roy se monstre ore fidelle,
Lusignan a ployé sous le joug du destin:
Et vous osez tenir encontre un Roy divin,
Deffiant jusqu'icy sa puissance immortelle.
Amour ayant en vain vostre Roc assiegé,
Ainsi qu'un espion en Puce s'est changé,
Pour surprendre le fort de vostre tour jumelle.
61
Mais il fut descouvert par maints doctes esprits.
Roche
, ne craignez plus que vostre fort soit pris,
Quand les enfans des Dieux font pour vous sentinelle.
Cl. Binet.
Puce
, qui se fut advisé
Que tu deusse estre tant redite
Par un vers si favorisé
Du troupeau qui Parnasse habite?
Et qu'un animal si petit
Eut peu espoindre les courages
De tant de sçavans personnages
Quy de toy ont si bien escrit?
C'est à bon droit que l'on peut croire
Que Poictiers est le vray sejour
Des doctes filles de Memoire,
Du jeu, des Graces et d'Amour.
Si quelqu'un ne le croit, qu'il voye
Ces deux
Roches
qui jusqu'aux Cieux
Elevent leur chef sourcilleux,
Qui comme deux astres flamboye.
63
Qu'il oye l'armonieux chant
De leurs poësies divines,
Et il cognoistra à l'instant
Que les Muses sont Poetevines.
Il verra que les vers chantez
Des Muses qui Poictiers habitent
Plus que ceux la des Grecs meritent
Estre par dessus tous vantez.
Il cognoistra que ceste troupe
De deux Muses vaut beaucoup mieux
Que celle qui loge en la croupe
De ce mont qui se fend en deux.
Que donques plus on ne s'estonne
Si l'on te chante volontiers,
Puisque dans tes murs de Poictiers
Les Muses logent en personne.
Je sçay bien que quelque envieux
Voudra incontinant reprendre
Les Poëmes ingenieux
Par lesquels on a fait entendre
Tes plaisirs et tes passetemps,
Disant que chose si petite
64
Comme une Puce ne merite
Que l'on employe tant de temps.
Ce n'est d'aujourd'huy que l'envie
Vomit sur les bons son venin:
Elle fit bien perdre la vie
A ce grand Socrate divin:
Quand d'une semblable imposture
Elle disoit qu'il employoit
Tout son temps lors qu'il mesuroit
Tes sauts et cherchoit ta nature.
Virgile l'ame, le soleil
Et l'honneur de la Poësie,
Auquel n'y a rien de pareil,
Des mouches chanta bien la vie.
Belleau chanta le papillon,
Et Ronsard, ce divin Poëte,
A chanté l'huitre, l'alouëtte,
Le fourmy, le chat, le freslon.
Petite Puce, ta fortune
Surpasse celle des oyseaux,
Des troupeaux nageans de Neptune
Et des terrestres animaux,
65
Pour avoir eu des Cieux la grace
De te loger en si beau lieu,
En ce sein le temple d'un Dieu,
Ce sein qui tous les seins surpasse.
As-tu bien peu sans te brusler
Fureter entre ses mamelles?
As-tu bien osé te couler
Dessus ces deux fraises jumelles
Qui, comme charbons allumez,
Pourroient soudain reduire en cendre
La main qui voudroit entreprendre
De taster ses doux bouts aymez?
As tu bien esté si osée
De te pendre à ses beaux cheveux,
Sans t'y prendre et estre enlacée
De mille las, de mille neus?
Veu que le plus brave courage,
S'il veut tant soit peu s'hazarder
De les vouloir bien regarder,
S'empestre en un si beau cordage?
As-tu approché de ses yeux,
Dedans lesquels amour se jouë,
66
Et dont il emprunte ses feux?
As tu peu baiser ceste joue,
Sans sentir une vive ardeur
Approchant ses flammes cruelles,
Qui de leurs vives estincelles
Consument le plus brave cœur?
Ha vrayment tu es amoureuse,
Car toujours tu cherches les lieux
Que cache la vierge honteuse,
Et qu'elle ne monstre à nos yeux.
Tu as ce bon heur que de boire
Du sang de ces membres polis,
De ce ventre plus blanc que lis,
De ces cuisses et flancs d'ivoire.
Tu as cet heur que de nicher
Sous les replis de sa chemise;
Quand tu veux, tu te viens coucher
Dessus elle en toute franchise.
Las! que d'hommes souhaiteroient
De ces faveurs la plus petite:
Mais tel bien passe leur merite,
Car par là Dieux ils deviendroient.
67
Puce, je me pers quand je pense
A tes plaisirs, à tes esbas,
Lors que doucement tu offense
Cette Nymphe or' haut, ore bas.
Je conçoi telle jalousie
Quand je pense à la privauté
Que tu as à ceste beauté
Que je reste quasi sans vie.
Puce, je sens un petit feu
S'eprandre au dedans de mon ame,
Qui tousjours croissant peu à peu,
En fin me mettra tout en flamme,
Par l'erreur de ce souvenir
Qui m'a si fort l'ame offensee,
Que je n'ay plus d'autre pensee
Que vouloir Puce devenir.
Mais ay-je bien la hardiesse
De vouloir seulement songer
De voir à nu telle Deesse,
Qui encor pourroit bien changer
Ma forme en celle d'une pierre,
Tout ainsi que Meduse fit
68
Au pauvre Phiné qui la vit,
Eschangeant les noces en guerre.
Un party si avantageux
N'est pour creature mortelle,
Il appartient sans plus aux Dieux
De jouyr de chose si belle.
Anchise baisa bien Venus,
Mais aussi tost la repentance
Talonna de pres son offense,
Quand il se vit estre perclus.
Puce, tu as cet avantage
Que l'homme ne sçauroit avoir,
De jouyr de ce beau corsage
Et le regarder nu au soir:
Puis, lors que plus elle sommeille
Estendue dedans son lit,
La pinçotant un bien petit,
Tout doucement tu la reveille.
Sous le silence de la nuit,
Lors que reposent toutes choses
Et que l'on n'entend aucun bruit,
Tu tastes ses lis et ses roses.
69
Puis, te coulant d'un pas larron
Sur sa poitrine et sur ses cuisses,
Enyvrée de ces delices,
Tu t'endors dedans son giron.
Et puis, quand l'Aurore vermeille
Encourtine le Ciel de feux,
Et que cette Nymphe s'eveille,
Tu ne pers pour cela tes jeux.
Mais si l'obscurité nuitale
A esté propre à tes desirs,
Le jour tu sens mesmes plaisirs
Et une volupté egale.
Pleut à Dieu que j'eusse la voix
Assez forte pour entreprendre
De te chanter, je ne craindrois
Apres tant d'autres faire entendre
Quel est ton plaisir et ton bien,
Quelles les douceurs de ta vie,
Qui font que je te porte enuie,
Pour n'avoir tel heur que le tien.
Mais aurois-je bien telle audace,
Serois-je bien si mal appris,
70
De vouloir imiter la grace
Des vers de ces braves espris,
Lesquels par leur muse divine
Et par leurs vers plus doux que miel
T'ont eslevée jusqu'au Ciel,
Pour t'y faire luire un beau signe?
Serois-ie bien tant hors du sens,
Serois-je bien si temeraire,
De vouloir par mes rudes chants
Les belles chansons contrefaire,
Que tant de chantres plus qu'humains
Ont à qui mieux mieux fait rebruire
Dessus une plus douce lyre
Que celle des sonneurs Thebains?
Qui oseroit suivre les traces
Du grand
Brisson
, en qui les Cieux
Ont respandu toutes leurs graces
Jusqu'à rendre jaloux les Dieux?
Et toy, belle et docte pucelle
Qui estonnes tout l'univers,
Qui oseroit suivre les vers
Que nous trace ta main si belle?
71
Oserois-je suivre les pas
D'un
Pasquier
, honneur de la France?
Oserois-je d'un stile bas
Imiter la grave cadance
Des doctes chansons de
Chopin
,
De
Loysel
, honneur de nostre âge,
Qui a les Muses en partage,
Et du
Sainte Marthe
divin?
O Puce, que tu es heureuse
Si tu pouvais sentir ton heur!
Que tu dois estre glorieuse
D'avoir
L'escale
pour sonneur,
Et mon
Binet
, ausquels la Muse
A donné ses riches presens,
Qui vaincront l'envie et les ans,
Et le temps qui toute chose use.
Je ne suis pas si glorieux
Ni outre cuidé, que je tente
Imiter les vers doucereux
Que
Mangot
si doctement chante.
Je laisse à un meilleur que moy,
Comme à ce gentil
Lacoudraye
,
72
Dire d'une chanson plus gaye
L'heur de ta maistresse et de toy.
Et moy cependant en silence
J'ecouteray les doux accors
Que ces doctes maistres de France
Chantent pour un si petit corps:
Puis que mes chansons ne sont dignes
De mesler leurs sons discordans
Parmy les tons si accordans
De ces belles gorges divines.
J
'ay cent fois contemplé les beaux yeux amoureux
De celle qu'on jugeoit en France la plus belle,
J'ai veu les bors pourprez de sa levre jumelle,
Qui eust de son baiser mesme tenté les Dieux.
J'ay veu mille beautez dont l'appas doucereux
Eut peu ensorceler l'ame la plus rebelle,
73
Mais jamais je n'en vi qui fut égale à celle
Qui rend de ses vertus Poictiers si orgueilleux.
J'ay ouy les propos d'une Dame sçavante,
J'ay gousté les accors d'une voix qui enchante,
Mais jamais je n'ouy rien qui peust approcher
Des discours excellens et de la voix mignarde
De
Des Roches
, qui peut transformer en rocher
Celui la qui l'escoute ou bien qui la regarde.
C
omme la lumiere brillante
Du soleil, ornement des Cieux,
Nous rend toute couleur plaisante,
Eclairant promptement nos yeux,
Si bien que cette splendeur vive,
Penetrant doucement un œil,
74
Fait que l'objet qui luy arrive
Luy resemble un autre Soleil,
Ainsi vostre ame sage et belle,
Ayant tourné long temps vers soy
Pour voir sa beauté immortelle,
La pense voir encore en moy.
Mais des graces et vertus rares
Qui vous font admirer de tous,
Les dieux m'en ont esté avares
Pour les prodiguer dedans vous.
C. Des Roches.
Puce
qui as entamé
D'un petit bec affamé
Le teton de ma Charite,
Pour y puiser la liqueur
Nourrice du petit cœur
Qui ton petit corps agite,
Du sang que tu y as pris
Sont animez les espris
Qui donnent vie à Madame;
Du sang que tu as sucçé
Ores dans ton corps mussé
Tu t'es composée vne ame.
Promethe vola le feu
Qui anima peu à peu
Le corps de l'homme de terre:
Du sang que tu as osé
76
Derober est composé
L'esprit que ton corps enserre.
Mais un vautour ravissant
Va tous les jours punissant
Le larcin du vieil Promethe:
Tu veux par un tel forfait
Que de ton corps il soit fait
Une huitiesme Planete.
Di moy, qui eust peu penser
Qu'on voulut recompenser
D'un loyer si honorable
Le larcin qui, odieux
Et aux hommes et aux Dieux,
Leur a semblé punissable?
Entre le nombre infini
Des hommes qui ont puni
Une si cruelle offense,
Un Lycurge s'est trouvé
Qui ce vice a approuvé,
Et l'a passé en souffrance.
Qu'il n'appelle cette fois
Le Dieu autheur de ses loix
77
Fauteur de sa volerie,
Qui hait encor, ce dit-on,
Cet ingenieux larron
Qui vola sa bergerie.
Et bien, si tu veux user,
Pour ton vol authoriser,
De la regle Laconique,
Puce, au moins contente toy
De ce que la douce loy
Ne punit ton fait inique.
Et ne crois que dans les cieux
D'un courage ambitieux
Ores ton petit cors saute:
Car le celeste pourpris
Ne peut estre juste pris
D'une si injuste faute.
Tu peux bien, pour t'excuser
De ce tien vol, accuser
Ceste marastre nature
Qui veut qu'un sang rougissant,
Lequel tu vas ravissant,
Soit ta seule nourriture.
78
Nature, qui t'a donné
Ton estre, a bien ordonné
Que tu vivrais de rapine:
Mais, pour punir ton peché,
Ell' veut qu'un ongle fasché
Creve ta foible poitrine.
L'effort de ton petit saut
Ne te peut guinder si haut
Comme lon te fait accroire,
Ni des beaux vers le monceau
Qu'apprend ce docte troupeau
Au temple de la Memoire.
Que si tu veux emprunter
Des aisles pour y monter,
Je crains que la cire en fonde,
Et que, cherchant un bon heur,
En desastre et en malheur
Icare tu ne seconde.
A
rcher ingenieux qui, par moyens rusez
Avez en tant de lieux percé mon cœur fragile,
Qui frappez seurement de la flesche subtile
Aussi tost que de l'œil le but où vous visez,
Faites, je vous supply, et si bien m'instruisez,
Que je puisse percer, par une adresse habile,
Ce Rocher endurcy, ce rocher qui à mile
Aprentis de voz ars a mille traits brisez.
J'ay tant de fois voulu à ce Roc faire breche,
Tant de fois decoché de mon arc une fleche,
Et tant de fois j'ay veu ma fleche reboucher.
Faudroit-il, je vous pri, pour luy donner entrée,
Qu'elle eut la pointe humide en lieu d'estre acerée,
Veu que la goute d'eau entame le Rocher?
Bien
que plusieurs doctes espris
T'ayent vanté en leurs escris,
Loüans ta vie tant heureuse,
On n'a point encor toutesfois
Chanté comme tu meritois
Ce qui te rend plus merveilleuse.
Puce, je te veux donc chanter,
Puce, je te veux donc vanter,
Si je puis, selon ton merite;
Puis te donray, t'ayant chanté,
A celle qui a merité
Une loüange non petite.
Mais, Puce, pour te bien vanter,
Mais, Puce, pour te bien chanter,
81
Il faut entendre ta naissance:
C'est la corde qu'il faut sonner
Auparavant que d'entonner
Tes mignardises on commence.
Ceux là qui te veulent blasmer,
Ceux qui te veulent diffamer,
Reprochent que tu prens naissance
D'un puant et sale sujet,
Et que tel est souvent l'effect
Que la cause qui le devance.
Mais ce n'est parler contre toy,
C'est reprendre l'ordre et la loy
Et le reglement de ce monde:
Tout ce qui prend commencement
S'engendre par corrompement,
En l'air, en la terre et en l'onde.
Si tousjours demeuroient entiers
Du monde les corps semanciers,
Tout cherroit en un piteux estre:
Mais de leur putrefaction
Ressort la generation
De toutes choses qu'on fait naistre.
82
Dieu veut que d'un corps le tombeau
D'un autre corps soit le berceau.
Telle est ça bas sa pourvoyance:
Ces loix à nature il donna,
Quand de ses doits il ordonna
Les Cieux et leur nombreus dance.
Aussi tout ce grand univers,
Ce beau bastiment tant divers,
Est sorti du goufreux desordre
Du chaos en soy mutiné,
Et dedans le rien d'un rien né,
Sans pois, sans mesure et sans ordre.
Le petit monde, qui comprend
Toutes les parties du grand,
De qui prend-il son origine?
D'un excrement surabondant
Petit à petit s'amassant,
Semblable à l'escume marine.
Il ne te faut doncques blâmer,
Il ne faut pas te diffamer,
Ores que tu sois engendrée
De quelques sales excremens:
83
Petis sont les commencemens
De l'œuvre bien elabourée.
Mais plustost loüer je te veux,
Et l'on devroit estre envieux
De ta naissance si soudaine,
Veu que les autres animaux,
Presageant leurs futurs travaux,
Naissent avecques si grand peine.
De peur que par un mouvement
En un si long retardement
Leur matiere soit difformée,
Dans le ventre d'un vaisseau neuf
Ou dans la coquille d'un œuf
Elle a besoin d'estre enfermée.
Toy, te hastant de veoir le jour,
Tu ne veux faire long sejour
Dedans ta bourbeuse matiere:
Aussi t'est aisément acquis,
Puce, tout ce qui est requis
A te faire veoir la lumiere.
84
Sans plus, du Soleil la chaleur
Et de la terre la moiteur
Sont requises à ta naissance,
Aussi la nature se plaist
A ramener sans autre apprest
En effect soudain ta puissance.
Pour ton espece conserver,
Tu n'as la peine de couver
Mille petits œufs sous ton ventre:
Et si n'es sujette à la loy
Des autres bestes, car en toy
La semence du masle n'entre.
Comme sans l'aide de Cypris
Ton premier estre tu as pris,
Tu te peux bien passer encore
(Sans faire hommage à cet enfant
Qui des hommes va triomfant)
De celle qu'en Paphe on adore.
Heureuse puis que le flambeau
Qui brule mesme dedans l'eau
N'attrape ta petite masse;
Puis que le froid, qui sans repos
85
Nous va penetrant jusqu'aux os,
Ta chair tendrelette ne glace.
Il est bien vray qu'un autre yver,
Qu'une grande froideur de l'air,
Esteint la chaleur qui t'avie;
Mais ce n'est à toy seulement
Que la froideur d'un element
Si penetrant ravit la vie.
Le chaud de nature est amy,
Mais le froid est son ennemy,
Contraire à toute bonne chose,
Aux herbes ostant la vigueur,
Aux bois ravissant leur honneur,
Et reserrant la fleur esclose.
O Puce, qu'heureuse tu es
De naistre ainsi comme tu nais!
Mais encor es tu plus heureuse
De vivre ainsi comme tu vis,
Sucçant le sang dont tu nourris
Ta petite ame vigoureuse.
86
T'accrochant sur un marbre blanc,
Tu en fais decouler le sang
Dont tes levres sont enyvrées,
Ou bien tu baises quand tu veux
La bouche, le nez et les yeux
Des pucelettes empourprées.
Tu mors et remors le beau sein,
Les blanches mains et le tetin
De la pucelle qui s'amuse
A filer, coudre ou s'attifer;
Et quand sa main te veut gripper
Soudain tu descouvres sa ruse.
Ja desja preste à t'escacher,
Elle te roule sur sa chair,
Mais si bien tu sçais te deffendre,
Que d'un tremoussement divers
Dans sa chemise tu te perds,
Où tu n'es pas facile à prendre.
S
i d'un vers mal-coulant j'ose ennuyer vos yeux
Et vous faire present de chose si petite,
Je prie que vostre œil contre moy ne s'irrite,
Et supplie vos doits de m'estre gracieux.
Madame, un jour viendra que ma main sçaura mieux
Coucher sur le papier la loüange non dite,
Que vostre noble esprit sur tout autre merite,
Quand m'auront esclairé vos Soleils gracieux.
Ou si j'ay merité vous sentir rigoureuse,
Embrazez ce papier d'une œillade flammeuse,
Vos yeux seront vangeurs du tort qu'on leur a fait.
88
Mais ce n'est au papier que vous vous devez prendre:
Punissez moy d'avoir osé tant entreprendre,
Pardonnant au papier qui ne vous a forfait.
Du
meurtrier d'Orion la venimeuse panse
Et les bras estendus, plus qu'en leur part des cieux,
Avoient empoisonné tous ces terrestres lieux,
Si qu'on n'oyoit que mort, que sang, que violence.
On void aneantis par la juste balance
De ce signe nuisant les effets odieux,
Et le ciel l'a vomi dans le lac stygieux,
Espoir pour l'avenir de meilleure influence.
Pour remplir l'ornement du Baudrier estoilé,
La Puce, humble animant, au lieu vuide a volé,
Et, fait astre nouvel, aux mois tardifs rayonne.
90
Par l'heureuse faveur des suffrages exquis
De la docte Pleiade ell' a ce rang acquis
Et par la douce voix de la belle Erigone.
De la Guerinière.
Que
vous estes bien abusez,
Poëtes qui vous amusez
A descrire cette puçette
Qui travaille cette Rochette
Que, sous un petit animal
Qui jour et nuit luy fait du mal,
Remplis de fureurs poetiques,
Vous honorez de vos cantiques!
Devriez-vous, ô bons esprits,
Graver en vos divins escris
La Puce qui sans fin mordille
Cette belle pucelle fille?
Ell' se musse dans ses cheveux,
Frisez, retors de mille neus;
De ses cheveux elle sautelle
Sur son sein vermeil qui pommelle,
Puis ell' s'ecoule bondissant
92
Sur un petit rond fleurissant,
Rond vermeillet comme une rose,
Où la puce souvent repose.
Cessez donques de loüanger
Cette Puce qui veut manger
D'une charneure si doüillette.
Que d'entre vous quelque Poete
S'efforce, sans nous le celer,
Cette dame depuceler,
(Cette dame toute divine
Ornée de rare doctrine)
Si d'elle il a quelque pitié,
Ou luy porte quelque amitié.
Aux
Grands Jours n'y a rien d'égal,
Et rien de petit ne s'y treuve:
La Puce, un petit animal,
Logée au Ciel, nous en fait preuve.
P
uce, tu t'es bien abusée
De te prendre à un tel morceau:
Où penses-tu estre posée,
Volant sur ce tertre jumeau?
94
Tu ressemble à ce taon champestre
Qui droit dessus la peau vola,
Pour y cuider son bec repaistre,
Du taureau que Myron tailla.
L'airain pur, et non la chair vive,
Luy repoussa son petit soc:
O Puce! la blancheur naïve
Que tu picotes, c'est un roc,
Un roc de marbre que la Muse
A basti loin de Cytheron,
D'autre artifice et plus grand' ruse
Que n'est le Taureau de Myron.
C
e que la mouche fit au Taureau de Myron,
Toy, petit animal, tu l'as fait au giron,
Ou quelque peu plus haut, au sein d'une Deesse.
Tous deux estes trompez d'une mesme simplesse:
95
L'un s'est pris à l'airain, l'autre s'abuse au roc.
Mais toy, plus avisé, poussant ton petit soc
Sur l'yvoire poli de sa chaste mamelle,
En touchant l'immortel tu te rens immortelle.
O
Puce, vien donc mon esprit
De ta vive fureur attaindre,
Afin que par le mien escrit
Ton loz en mon vers puisse empraindre.
Puce Muse, ô Puce Apollon,
Je te reclame, il n'y a ame
Qui n'ait senti ton aiguillon
Et ton puissant entousiasme.
Apollon, jadis, en tirant
L'oreille de ce grand Virgile,
Luy donna le stil doux coulant
Pour chanter Chromis et Mnasile.
96
Ta vertu est certainement
A celle de Phœbus pareille,
Tu nous eschaufe également,
Chacun a la Puce à l'oreille.
O Puce des Puces l'honneur,
Puce des pucelles compagne,
Tu as mis en rut et fureur
La France, l'Itale et l'Espagne.
Moymesme qui suis de bien loin,
Et qui cloche apres la grand' bande,
Si suis-je attaint du mesme soin,
Qui me violente et commande.
Un Elephant et un Grifon
Sont plus grands que toy de corsage,
Mais si nous posons ton renom,
Tu as bien sur eux l'avantage.
Un Elephant, si grand soit-il,
Ne peut musser sa grandeur vaine
Au beau sein où toy, plus subtil,
Puce, tu caches ton ebene.
97
Un Elephant ne pourroit pas,
Comme l'oyseau porte-tonnerre,
Par l'air subtil guider ses pas,
Sans se laisser tomber à terre.
Mais toy tu fais encore mieux
Que cest oyseau qui son œil darde
Vers le plus clair flambeau des cieux,
Car seulement il le regarde.
Toy, tu as trop mieux regardé,
Puis franchi d'un brave courage,
De plein vol, et puis possedé
Le plus bel astre de nostre âge.
Volans droit, tu sçeus te percher
Sur cette colline jumelle
Où devant toy se vint nicher
La Muse et la Grace avec elle.
Icarus ainsi ne vola
Avecques sa plume cirée;
Mais en trebuchant il bailla
Le nom à la mer Icarée.
98
C'est pourquoy je ne pense pas
Que comme une Puce commune
Tu nous apparaisse icy bas,
Ton vol ne despend de fortune.
Tu es quelque Demon mussé
Finement là, si dire j'ose;
Tu es Apollon deguisé
Dessous cette Metamorphose.
Apollon a jadis hanté
Son Helicon et son Parnasse,
Et s'en est longtemps contenté,
Fuyant le bruit du populace,
Car tousjours a hay les lieux
Où ce sot peuple l'accompagne,
Et suivi les rocs sourcilleux,
Et les costaux et la montagne.
Estant seul, un jour s'apperçeut
Que la Muse avoit fait eschange
De la roche où le cheval beut
Avec une autre Roche estrange.
99
Et que mesme elle avoit laissé
La double roche Parnasine,
Et son nouveau temple posé
Dans une Roche Poitevine.
Alors droit en Poitou tira
Et, se formant en une Puce,
Sur ce double yvoire vola
Sur lequel à présent se musse.
O Puce, n'est-ce pas cela?
Je l'ay trouvé, c'est par ta grace.
Ne puisses tu bouger de la:
A un tel hoste telle place.
Puce
que tant de bons espris
Pour sujet de leurs vers ont pris,
Qui t'ont trouvée si habile
Que, la Muse les échaufant,
Ils t'ont fait un grand Elefant,
Par leur invention gentille,
Tu as eu cet heur aux Grans jours,
Aussi c'est volontiers tousjours
Le temps que tu te fais conoistre,
Quand le Soleil plus haut monté,
Des moites chaleurs de l'esté
Dans la poussiere te fait naistre.
Mais s'il se falloit amuser
A la verité deguiser
D'une flateuse couverture,
101
J'aymerois mieux chanter le poux,
Qui s'engendre et se paist de noux
Plus amy de nostre nature.
Je dirois la punaise aussi,
Et le morpion racoursi,
Qui s'attache à nostre substance;
Mais je ne sceu jamais traiter
Un sujet où il faut vanter
Le mal contre la conscience.
Ceux qui t'elevent jusqu'aux cieux
Toutesfois ne t'ayment pas mieux
Que moy qui te blasme et despite;
Et quand visiter les voudras,
Ils te chasseront de leurs dras,
Pour belle qu'ils t'ont descrite.
Encor dit-on que l'argument
Où ils ont pris le fondement
De te louer par artifice
Meritoit mieux d'estre vangé,
Et à ces Grans jours corrigé
Par les voyes de la Justice.
102
On conte que, de guet à pend
Peu à peu glissant et rampant,
Du bas où tu fais ta retraite
Tu t'estois perchée en un lieu
Duquel Prince ni demidieu
N'aproche la main indiscrette.
Entre deux tertres arrondis
Tu acrochois tes pieds hardis
Au fonds d'une campagne belle,
Et apres mille petits sauts
Et mille cauteleux assauts,
Tu osois poindre une pucelle.
Ainsi que dans un large estang,
A plain gosier tu beus son sang,
Et pour reste de ton audace,
Comme les taons veneneux font,
Tu fis encor d'un pourpre rond
Marqueter et rougir la place.
Pour une telle cruauté,
Puce, tu avois merité
Qu'entre deux presses cristallines
On te fit le ventre crever,
103
Qui s'estoit osé abreuver
De belles liqueurs nectarines.
L'assassinat qualifié,
Par deux tesmoins verifié,
Te convainquoit d'estre coulpable;
Mais ceux qui te devoient punir
Les premiers osent maintenir
Que ton fait estoit excusable.
He! sangsue du cors humain,
Les deux premiers doits de la main
Comme sergens te devoient prendre,
De salive un peu preparez,
Et les deux pouces acerez
Par beau millieu te devoient fendre.
Le Prince fort bien ordonna
Qui un gros salaire donna
Au page qui t'avoit surprise
Dessus sa robe sautelant,
Et secrettement te coulant
Dans le colet de sa chemise.
Mais il trompa l'espoir de ceux
Qui prirent le poux paresseux,
104
S'atendans à plus grosse somme:
Car, comme il respondit, tu viens
De la sale ordure des chiens,
Et le poux ne vient que de l'homme.
On conte que quand Jupiter
Se voulut un jour despiter
Contre ses fermiers de la terre,
Au lieu où son foudre arriva
Mille vermines on trouva
Future domestique guerre.
Les taons, les guespes, les cheussons,
Qui ont des plus picquans fissons,
Et les Aragnes y nasquirent,
Les punaises, les morpions,
Les souris et les scorpions
Aupres de toy, Puce, en sortirent.
Mais entre tous ces animaux
Qui sont nos plus familiers maux,
Puce, tu nous fais plus de peine:
Les autres sont pris aisément,
Et tu as un fretillement
Qui empesche qu'on ne te prenne.
105
L'ennemy plus lourd et pesant,
Encores qu'il soit malfaisant,
Et toutesfois est moins à craindre:
A toute heure on le peut domter;
Mais on doit celuy redouter
Qui est plus difficile à joindre.
Tu nous fais éblouir les yeux
Te remuant en divers lieux,
Tant tu és agile et rusee:
La main qui te pense écacher
Te tournoyant dessus la chair
Bien souvent se trouve abusée.
La Pucelle, qui ne sçait pas
Les lieux où tu prens tes repas,
S'y trompe une serée entiere:
La vieille ne fait que jouër,
T'attendant à l'abreuvoër
Où elle dresse sa panthiere.
Quantefois j'ay veu, au matin,
De ma maistresse le tetin
Picoté de tes noires traces!
Et si là j'en voyois l'effet,
106
Dieu sçait si tu n'avois point fait
Encores pis en d'autres places.
Ceux qui t'ont fait par fiction
Estre la fille d'Orion
Ont bien trouvé ton origine:
Car Orion est un pisseur,
Et tu nais de l'orde espesseur
Qui se detrampe avec l'urine.
Puis ce qu'on faint que Pan t'ayma
Quand Jupiter te transforma
En cette petitesse noire,
Si Pan n'estoit qu'un vieil bouquin,
Salle et ord, puant et faquin,
Celà n'est pas fascheux à croire.
Quant à moy, je ne te crains rien,
Car Dieu mercy j'ay le moyen
D'eviter ta salle morsure:
Je me sçay tenir nettement
Au linge et en l'accoustrement,
C'est la recepte la plus seure.
La chambre souvent balloyer,
Le haut et le bas nettoyer,
107
S'esloigner de tous lieux infames,
Est le moyen de s'exempter
De toy, qui ne veut adjouter
Ne coucher point avec les femmes.
Et quand cela je n'aurois point,
Encores sçay-je un autre point
Pour brider ta gueule alterée:
Dés le soir je m'enyvreray,
Et toute la nuit dormiray
Sans sentir ta pointe acerée.
La
Puce sauteloit au sommet d'une Roche
D'où premiere elle vid le soleil radieux:
Puis, dressant vers le Ciel son vol audacieux,
Plus son pouvoir l'elogne et son desir l'aproche.
Lors elle recognoist le danger qui s'apreste,
Pensant au vol d'Icare, au cours de Phaeton,
L'un mal-heureux oyseau, l'autre mauvais charton,
Se repent et reprend d'avoir haussé la teste.
O le digne ornement de la parfaite bande,
Pasquier
, de qui le nom, l'oraison et les vers
Volent par la rondeur de ce grand Univers,
La Puce maintenant vostre secours demande.
109
Haussez la, grand
Chopin
, de qui la voix exquise
A souvent contenté ce fils de Jupiter,
Ce
du Harlay
qu'on void les hauts Dieux imiter,
Que tout le monde admire, estime, honore et prise;
Le Pillier, le miroir, l'oracle de la France,
Qui soutient, represente et anime sans fin
Peuples, Princes et loix, brise l'air Poitevin,
Pour conduire la Puce avec plus d'asseurance;
Mangot
, le verd printemps à la vertu chenue,
Le favory des Dieux, le Mercure facond,
Qui est premier de tous et n'a point de second,
La sousleve, et luy fait outrepasser la nue.
Que diray-je, ô
ESPRIT ORNÉ DE BEAUTÉ DINE
,
De vos vers doux-coulans, sinon que les neuf Sœurs
Ont versé dedans eux leurs mielleuses douceurs
Pour attirer au Ciel la Puce Poitevine.
Celuy qui la reprend d'estre injuste et cruelle
L'honore en la blasmant; il ne fait voir sinon
Qu'elle est Puce fameuse et digne de renom,
Et la faisant mourir il la rend immortelle.
110
Ell' a pour son flambeau l'agreable lumiere
Des deux freres germains par les Muses élus,
Plus divins mille fois que Castor et Pollus,
Car ils ne changent point leur lampe journaliere.
Cet excellent rameau de la noble racine
Qui commandoit Verone a voulu prendre soin
De la petite Puce: aussi elle a besoin,
Pour monter dans les Cieux, d'une
Escale
divine.
Ainsi qu'elle approchoit du throne de sa gloire,
Amour la vint saisir. Ce petit affeté
En vain en est jaloux: car il est arresté
Que les vers de
Binet
luy donnent la victoire.
Qui seroit negligent à si loüable peine
Pour donner à la Puce un gentil ornement?
Le sçavant
La Coudraye
l'habille proprement,
Ores à la Françoise et or' à la Romaine.
Courage, ma mignonne, il faut prendre la place
Du meurtrier d'Orion, il faut prendre ce lieu
Qui vous est préparé d'un homme, mais d'un Dieu
Qui vous y fait guider par les mains de la Grace.
111
L'oyseau favorisé de l'archer du tonnerre,
Œilladant cette Puce avec un doux regard,
Luy veut prester son dos pour luy servir de chart,
Et de ses ailerons mignardement l'enserre.
Elle est placée au Ciel, et le fourier Hygine
N'a marqué son logis; mais cest oyseau sacré
Qui fait entre les Dieux ce qui luy vient à gré
A voulu qu'elle fut un favorable signe.
Bien-heureux qui l'aura au point de sa naissance
Pour son astre ascendant, et bien-heureux aussi
De qui elle prendra un gracieux soucy,
Faisant couler sur luy sa celeste influence.
Mais qui luy a donné cette chesne dorée?
Vrayment cest
LE CLAIR OR
, qui par l'eclair luysant
De ses beaux vers dorez luy a fait ce present,
Et par l'honneur de luy la Puce est honorée.
C. Des Roches.
N
e t'estonne d'Ossan endossé sur l'Olympe,
Ny du Gean qui, fol, vers les estoilles grimpe,
Puis qu'on voit une Puce escheler le Rocher
Qui peut de Jupiter la hauteur approcher.
Pareils faits, non effetz: la terre enclost Typhée,
La Puce piafant fait des astres trophée,
Grands parreins les Geans bouleversez des Dieux,
Puce qui par Pasquier prend son vol jusqu'aux cieux.
E. Pasquier.
S
ur le teton jumeau je vy la Puce prendre
Et, riant, depucer la pucelle de pris.
Puce et pucelle ensemble, en tes divins escris,
Pasquier, tu veux et peux immortelles les rendre.
Fr. d'Amboise, advocat.
T
u t'abuzes, amy, la Puce ne feut prise,
Et pourquoy doncq'? D'autant que, sage, elle sautoit
Sur le sein de Madame, et là le suçotoit
Sans crainte, comme estant en un lieu de franchise.
E. Pasquier.
C
e n'est point par ma main que la sage pucelle
De Poictiers doit atteindre à l'immortalité:
Son sçavoir, sa vertu, ses meurs et sa beauté
La rendront à jamais de soy mesme immortelle.
E. Pasquier.
C
eluy qui du
Pascage
emprunte le surnom,
Celle qui aux
Rochers
donne tant de renom,
Furent premiers motifs de cette Puce gaye.
Celuy qui à la Puce encor' a bonne part,
Et qui d'Amaryllis chante le sainct regard,
Trouva dans les forests le nom de la
Couldraie
.
Icy maint bon pasteur diversement voit on
Graver dans le sainct Roch sous l'a
Bry son
sainct nom;
Icy le bel
Oysel
degoiser son ramage,
Et le pastre
Tourneur
chanter mil beaux couplés,
Et tous abandonner la Deesse Palés
Pour faire à qui mieux mieux à une Puce hommage.
Icy voit-on le mont de Parnasse
Escheler
,
Icy le forgeron sainctement
Marteler
,
Icy pour, bien
Biner
, les riches fruicts renaistre
Au dessous des
Chaux Pins
, et le jeune berger,
Et
Amboise
des Dieux l'ambrosie
Manger
Et du mielleux nectar souëfvement se paistre.
115
Vous qui hantez les Rochz, les pastiz, les forez,
Satyres chevrepieds et Faunes, quand orrez
De voz humbles pasteurs la devote musique,
Recevez dans vos monts, dans vos prés, dans vos bois,
D'un favorable accueil, leurs doux sonantes voix,
Mais gardez que comme eux la Puce ne vous picque.
E. Pasquier.
S
ur la Puce maint manœuvre
S'est joué: Loisel icy
En fin sur ton nom descœuvre
Une couronne, et ainsi
La fin couronne ton œuvre.
Page 1. —Notre titre est celui de l'édition in-8 o . Le titre de l'édition in-4 o est ainsi conçu: La Puce de M me Desroches, qui est un recueil de divers poëmes grecs, latins et françois, composez par plusieurs doctes personnages aux Grands Jours tenus à Poitiers l'an MDLXXIX.—A Paris, pour Abel l'Angelier, au premier pillier de la grande salle du Palais. MDLXXXIII. Avec privilege du Roy. —A la suite de ce titre, l'in-8 o donne un Extrait du privilege , et une dédicace de Jacques de Sourdrai à noble et vertueux seigneur Ant. de la P., gentilhomme poictevin , que nous n'avons pas reproduite.
Page 3. —La préface au lecteur donnée par l'in-4 o est tellement différente de celle-ci qu'il est impossible d'en indiquer les variantes. Pasquier ne s'y met pas lui-même 118 en scène, mais il raconte l'aventure comme étant arrivée à quelque personnage assez cognu .
Pages 6 et 7 . —Les deux pièces, Quand je feis , et Peut-estre adviendra-il , se trouvent, dans l'in-8 o , après la Puce de Pasquier.
Pages 29 et 30. —Les quatre pièces contenues dans ces deux pages ne sont pas traduites dans l'in-4 o . Mais il donne après elles une pièce en grec, Ψυλλης εγχὡμιον (Psullês enchhômion), qui ne se trouve pas dans l'in-8 o .
Puis viennent ici deux pièces non traduites, données par les deux éditions: 1 o Jo. Bineti Bellovaci. J. C. Amatoris et Pulicis Colloquutio. Cl. Binetus, fratris filius, restituit. —2 o Ren. Chopini I. C. et in sup. curia advocati Pulex.
Page 37 , vers 16 à 18. —Variante de l'in-4 o :
Ja void on dans Poictiers ce Poëte divin
Celebrer Apollon comme vray Poictevin,
Qui quitte le surnom pour Poitou de Pythie.
Page 39 , vers 6 et suivants. —La pièce finit ainsi dans l'in-4 o :
Ou, si c'est une Puce, elle ne s'engendra
D'une ordure, mais bien de ce beau chien celeste
Tellement que la vierge et la Puce s'apreste
De reparer les cieux de deux astres tous neufs,
Lorsque les Dieux puissans, vaincus de tant de vœus
Des Poëtes, mettront au ciel une autre vierge,
Et qu'ils voudront encor que la Puce y heberge,
Astres vrayment trois fois et quatre fois heureux
D'estre honorez ça bas et aux celestes lieux.
119 Page 40. —La chanson n'est pas traduite dans l'in-4 o , non plus que la pièce suivante.
Vient ensuite la pièce intitulée: Jacobi Mangotii, in senatu Parisiensi advocati, Pulex , qui n'est traduite dans aucune des deux éditions.
Page 74. —Ici viennent deux pièces non traduites: Ad consultissimos supremi senatus Gallici patronos in Rupeæ Pulicem ludentes ,—et Raphael Gallodonius in curia Paris. Advocatus .
Page 79. —Ce sonnet de Macefer a été supprimé dans l'in-8 o ; c'est pourtant une des pièces les mieux tournées. Peut-être a-t-il dû cette exclusion à la vivacité du dernier tercet; mais alors l'éditeur aurait fait preuve d'une pruderie qui n'était guère de son temps.
Page 89. —L'in-8 o ne donne pas non plus ce sonnet de la Guérinière; mais cette fois l'oubli n'était pas regrettable, et, n'eût été le désir d'exactitude, nous aurions bien laissé ce fatras poétique dans l'obscurité à laquelle l'avait condamné l'éditeur de 1610.—Cette pièce est suivie d'un distique latin du même, Ad Pleiada et Erigonem , que l'in-8 o n'a pas non plus reproduit.
Avant la Puce de Lommeaud se trouve une pièce latine, Pulex ad Claudium Binetum , signée L. Bochellus .
Page 93. —Après le premier quatrain de Pierre Soulfour vient une pièce latine, Quid magni peperere dies .
Page 100. —Avant la Contre-Puce viennent deux 120 pièces, également de Rapin: De pulice Pictavii decantato , et De eodem .
Page 107. — La Contre-Puce est suivie des quatre pièces latines suivantes: Nicol. Rapini ad Paschasium epig. ,— Steph. Paschasii ad Nicolaum Rapinum ,— Jul. Cæsaris Bulengeri Juliodunensis in Pulicem Catharinæ Rupeæ Pictaviensis ,—et F. Coldraii propempticon carmen . Les deux dernières seulement sont données par l'in-4 o .
C'est ici que vient dans l'in-4 o la Louange de la Puce , une assez longue pièce en prose, que nous n'avions pas à reproduire ici, vu qu'elle n'a aucun rapport à l'aventure de Catherine Desroches.
L'in-4 o finit ici, sans donner les pièces suivantes, à l'exception des Quatrains de Catherine des Roches , qu'il met après le sonnet de la Guérinière, page 90, et du Vœu de Pasquier , qu'il fait venir après le sonnet de Macefer. Ces deux pièces sont bien mieux à leur place dans l'in-8 o .
Entre le Vœu et la dernière pièce se trouve une pièce latine intitulée: In Stephani Paschasii Stephanoplocon .
Page 36. —Après le vers 14 e devraient venir deux vers à rimes féminines, mais ils ne se trouvent dans aucune des deux éditions.
Page 39 , vers 10. —Supprimer la virgule qui se trouve après Poictiers .
Page 64 , vers 18. — Le fourmy. Fourmi a été du masculin, et comme tel il s'est écrit fourmis . La Fontaine l'a encore écrit ainsi deux fois de suite, pour le besoin du vers, quand il a dit, dans la fable La Colombe et la Fourmis :
L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.
Le long d'un clair ruisseau beuvait une Colombe,
Quand, sur l'eau se panchant, une Fourmis y tombe,
Et dans cet Océan l'on eust vû la Fourmis,
Etc...
Ici les arrangeurs d'éditions à la moderne ont le choix ou de faire deux vers faux, ou d'abandonner leur système.
122 Page 101 , vers 15. —Le vers manque d'un pied; il les a tous dans l'édition in-4 o , qui le donne ainsi:
Pour belle qu'ils t'ayent descrite.
Page 115. —Le dernier quatrain fait allusion à une pièce latine d'Antoine Loisel, qui joue sur le mot grec Ζτεφανος, (Ztephanos) signifiant également couronne et Etienne (prénom de Pasquier). Voici la pièce en question:
IN STEPHANI PASCHASII STEPHANOPLOCON
Pausiæ, ut et Glyceræ tabulas, variasque coronas,
Ardorumque jocos secula prisca canunt:
Sic Stephani et castos Catharinæ Rupis amores,
Puliceosque sales, postera suspicient;
Quos tanta Stephanus noster contexuit arte,
Ut Stephanoplocon hunc dicere jure queas.
Stephanoplocon veut dire «couronne de fleurs». 123
Pages | |
Avant-Propos | V |
La Puce, ou jeus poetiques françois et latins. Paris, M.DC.X | 1 |
Catherine Desroches | 9 |
Etienne Pasquier | 14 |
Brisson | 22 |
Joseph de l'Escale | 31 |
Anthoine Loisel | 36 |
Etienne Pasquier | 40 |
Claude Binet | 43 |
Odet Tournebus | 62 |
Macefer | 75 |
Raoul Cailler | 80 |
De la Guérinière | 89 |
Lommeaud | 91 |
Pierre Soulfour | 93 |
Rapin | 100 |
Pièces diverses | 108 |
Description des deux éditions in-4 o , 1587, et in-8 o , 1610 et variantes principales | 116 |
Notes | 121 |
Imprimé par
D. JOUAUST
POUR LA COLLECTION
DU CABINET DU BIBLIOPHILE
NOVEMBRE 1868