The Project Gutenberg eBook of Histoire des voyages de Scarmentado This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Histoire des voyages de Scarmentado Author: Voltaire Release date: December 1, 2003 [eBook #4718] Most recently updated: June 13, 2024 Language: French Credits: Produced by Carlo Traverso *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO *** OEUVRES DE VOLTAIRE. TOME XXXIII DE L' IMPRIMERIE DE A. FIRMIN DIDOT, RUE JACOB, N° 24. OEUVRES DE VOLTAIRE PRÉFACES, AVERTISSEMENTS, NOTES, ETC. PAR M. BEUCHOT. TOME XXXIII. ROMANS. TOME I. A PARIS, CHEZ LEFÈVRE, LIBRAIRE, RUE DE L'ÉPERON, K° 6. WERDET ET LEQUIEN FILS, RUE DU BATTOIR, N° 2O. MDCCCXXIX. HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO Préface de l'Éditeur Le prospectus des frères Cramer, pour leur édition de 1756, comprend les trois romans _Les deux consolés_, _Histoire des voyages de Scarmentado_, _Le songe de Platon_, au nombre des _morceaux neufs_ qu'ils allaient publier. Cependant la table chronologique qui est dans le tome LXX de l'édition in-8°de Kehl range les _Voyages de Scarmentado_ à l'année 1747. Longchamp[i] dit qu'ils furent composés en octobre 1746, avec plusieurs autres romans, pendant la retraite de Voltaire à Sceaux. S'il fallait en croire Colini[ii], Voltaire aurait écrit les Voyages de Scarmentado après l'aventure de Francfort, en 1753. «Encore froissé des injustices qu'il venait d'éprouver, il composa les Voyages de Scarmentado, conte ingénieux, qui renferme des allusions visiblement applicables aux événements dans lesquels il avait figuré.» C'est au lecteur à prononcer si ce roman contient les allusions dont parle Colini. Pour moi, je ne les y ai point aperçues. [i] _Mémoires_, etc., page 140. [ii] _Mon séjour_, etc., page 61. Une édition de la Princesse de Babylone, qui parut en 1768 , est présentée comme une Suite des Voyages de Scarmentado. ------ Les notes sans signature, et qui sont indiquées par des lettres, sont de Voltaire. Les notes signées d'un K sont des éditeurs de Kehl, MM. Condorcet et Decroix. Il est impossible de faire rigoureusement la part de chacun. Les additions que j'ai faites aux notes de Voltaire ou aux notes des éditeurs de Kehl, en sont séparées par un--, et sont, comme mes notes, signées de l'initiale de mon nom. BEUCHOT. 4 octobre 1829. HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO, ÉCRITE PAR LUI-MÊME. 1756. Je naquis dans la ville de Candie, en 1600. Mon père en était gouverneur; et je me souviens qu'un poète médiocre, qui n'était pas médiocrement dur, nommé _Iro_[1], fit de mauvais vers à ma louange, dans lesquels il me fesait descendre de Minos en droite ligne; mais mon père ayant été disgracié, il fit d'autres vers où je ne descendais plus que de Pasiphaé et de son amant. C'était un bien méchant homme que cet Iro, et le plus ennuyeux coquin qui fût dans l'île. [1] Anagramme de Roi, poète né avec des talents que son penchant pour la satire, les aventures qui en furent la suite, sa jalousie contre les hommes de la littérature qui lui étaient supérieurs, avilirent et rendirent malheureux. Le ballet des _Éléments_ et l'opéra de _Callirhoé_ sont les seuls de ses ouvrages qui lui aient survécu: il mourut vieux, et avait fini par se faire dévot. K. Mon père m'envoya, à l'âge de quinze ans, étudier à Rome. J'arrivai dans l'espérance d'apprendre toutes les vérités; car jusque-là on m'avait enseigné tout le contraire, selon l'usage de ce bas monde, depuis la Chine jusqu'aux Alpes. Monsignor Profondo, à qui j'étais recommandé, était un homme singulier, et un des plus terribles savants qu'il y eût au monde. Il voulut m'apprendre les catégories d'Aristote, et fut sur le point de me mettre dans la catégorie de ses mignons: je l'échappai belle. Je vis des processions, des exorcismes, et quelques rapines. On disait, mais très faussement, que la signora Olimpia, personne d'une grande prudence, vendait beaucoup de choses qu'on ne doit point vendre. J'étais dans un âge où tout cela me paraissait fort plaisant. Une jeune dame de moeurs très douces, nommée _la signora Fatelo_, s'avisa de m'aimer. Elle était courtisée par le révérend P. _Poignardini_, et par le révérend P. _Aconiti_, jeunes profès d'un ordre qui ne subsiste plus: elle les mit d'accord en me donnant ses bonnes grâces; mais en même temps je courus risque d'être excommunié et empoisonné. Je partis, très content de l'architecture de Saint-Pierre. Je voyageai en France; c'était le temps du règne de Louis-le-Juste[2]. La première chose qu'on me demanda, ce fut, Si je voulais à mon déjeuner un petit morceau du maréchal d'Ancre, dont le peuple avait fait rôtir la chair[3], et qu'on distribuait à fort bon compte à ceux qui en voulaient. [2] Louis XIII eut dès son enfance , dit Voltaire, le surnom de Juste, pai'cequ'il était né sous le signe de la Balance. Voyez tome XIX, _Le Siècle de Louis XIV_, chapitre 2. B. [3] Voyez: tome XVIII, page 177. B. Cet état était continuellement en proie aux guerres civiles, quelquefois pour une place au conseil, quelquefois pour deux pages de controverse. Il y avait plus de soixante ans que ce feu, tantôt couvert et tantôt soufflé avec violence, désolait ces beaux climats. C'étaient là les libertés de l'Église gallicane. Hélas! dis-je, ce peuple est pourtant né doux: qui peut l'avoir tiré ainsi de son caractère? Il plaisante, et il fait des Saint-Barthélemi. Heureux le temps où il ne fera que plaisanter! Je passai en Angleterre: les mêmes querelles y excitaient les mêmes fureurs. De saints catholiques avaient résolu, pour le bien de l'Église, de faire sauter en l'air, avec de la poudre, le roi, la famille royale, et tout le parlement, et de délivrer l'Angleterre de ces hérétiques. On me montra la place où la bienheureuse reine Marie, fille de Henri VIII, avait fait brûler plus de cinq cents de ses sujets. Un prêtre ibernois m'assura que c'était une très bonne action: premièrement parceque ceux qu'on avait brûlés étaient Anglais; en second lieu parcequ'ils ne prenaient jamais d'eau bénite, et qu'ils ne croyaient pas au trou de saint Patrice[4].Il s'étonnait surtout que la reine Marie ne fût pas encore canonisée; mais il espérait qu'elle le serait bientôt, quand le cardinal neveu aurait un peu de loisir. [4] Sur le trou de Saint-Patrice , voyez tome XXXII, page 177; et dans les _Mélanges_, année 1763, la septième des _Lettres sur les miracles_. B. J'allai en Hollande, où j'espérais trouver plus de tranquillité chez des peuples plus flegmatiques. On coupait la tête à un vieillard vénérable lorsque j'arrivai à La Haye. C'était la tête chauve du premier ministre Barneveldt, l'homme qui avait le mieux mérité de la république. Touché de pitié, je demandai quel était son crime, et s'il avait trahi l'état. Il a fait bien pis, me répondit un prédicant à manteau noir; c'est un homme qui croit que l'on peut se, sauver par les bonnes oeuvres aussi bien que par la foi. Vous sentez bien que, si de telles opinions s'établissaient, une république ne pourrait subsister, et qu'il faut des lois sévères pour réprimer de si scandaleuses horreurs. Un profond politique du pays me dit en soupirant: Hélas! monsieur, le bon temps ne durera pas toujours; ce n'est que par hasard que ce peuple est si zélé; le fond de son caractère est porté au dogme abominable de la tolérance, un jour il y viendra: cela fait frémir. Pour moi, en attendant que ce temps funeste de la modération et de l'indulgence fût arrivé, je quittai bien vite un pays où la sévérité n'était adoucie par aucun agrément, et je m'embarquai pour l'Espagne. La cour était à Séville, les galions étaient arrivés, tout respirait l'abondance et la joie dans la plus belle saison de l'année. Je vis au bout d'une allée d'orangers et de citronniers une espèce de lice immense entourée de gradins couverts d'étoffes précieuses. Le roi, la reine, les infants, les infantes, étaient sous un dais superbe. Vis-à-vis de cette auguste famille était un autre trône, mais plus élevé. Je dis à un de mes compagnons de voyage: A moins que ce trône ne soit réservé pour Dieu, je ne vois pas à quoi il peut servir. Ces indiscrètes paroles furent entendues d'un grave Espagnol, et me coûtèrent cher. Cependant je m'imaginais que nous allions voir quelque carrousel ou quelque fête de taureaux, lorsque le grand-inquisiteur parut sur ce trône, d'où il bénit le roi et le peuple. Ensuite vint une armée de moines défilant deux à deux, blancs, noirs, gris, chaussés, déchaussés, avec barbe, sans barbe, avec capuchon pointu, et sans capuchon; puis marchait le bourreau; puis on voyait au milieu des alguazils et des grands environ quarante personnes couvertes de sacs sur lesquels on avait peint des diables et des flammes. C'étaient des juifs qui n'avaient pas voulu renoncer absolument à Moïse, c'étaient des chrétiens qui avaient épousé leurs commères, ou qui n'avaient pas adoré Notre-Dame d'Atocha[5], ou qui n'avaient pas voulu se défaire de leur argent comptant en faveur des frères hiéronymites. On chanta dévotement de très belles prières, après quoi on brûla à petit feu tous les coupables; de quoi toute la famille royale parut extrêmement édifiée. [5] Sur Notre-Dame d'Atocha, voyez dans les _Mélanges_, année 1769, une des notes de Voltaire sur son _Extrait d'un journal_ (ou Mémoires du Dangeau). B. Le soir, dans le temps que j'allais me mettre au lit, arrivèrent chez moi deux familiers de l'inquisition avec la sainte Hermandad: ils m'embrassèrent tendrement, et me menèrent, sans me dire un seul mot, dans un cachot très frais, meublé d'un lit de natte et d'un beau crucifix. Je restai là six semaines, au bout desquelles le révérend père inquisiteur m'envoya prier de venir lui parler: il me serra quelque temps entre ses bras, avec une affection toute paternelle; il me dit qu'il était sincèrement affligé d'avoir appris que je fusse si mal logé; mais que tous les appartements de la maison étaient remplis, et qu'une autre fois il espérait que je serais plus à mon aise. Ensuite il me demanda cordialement si je ne savais pas pourquoi j'étais là. Je dis au révérend père que c'était apparemment pour mes péchés. Eh bien! mon cher enfant, pour quel péché? parlez-moi avec confiance. J'eus beau imaginer, je ne devinai point; il me mit charitablement sur les voies. Enfin je me souvins de mes indiscrètes paroles. J'en fus quitte pour la discipline et une amende de trente mille réales. On me mena faire la révérence au grand-inquisiteur: c'était un homme poli, qui me demanda comment j'avais trouvé sa petite fête. Je lui dis que cela était délicieux, et j'allai presser mes compagnons de voyage de quitter ce pays, tout beau qu'il est. Ils avaient eu le temps de s'instruire de toutes les grandes choses que les Espagnols avaient faites pour la religion. Ils avaient lu les mémoires du fameux évêque de Chiapa[6], par lesquels il paraît qu'on avait égorgé, ou brûlé, ou noyé dix millions d'infidèles en Amérique pour les convertir. Je crus que cet évêque exagérait; mais quand on réduirait ces sacrifices à cinq millions de victimes, cela serait encore admirable. [6] Las Cases: voyez tome XVII, pages 399, 426; et tome XXXII, pages 490-91. B. Le désir de voyager me pressait toujours. J'avais compté finir mon tour de l'Europe par la Turquie; nous en prîmes la route. Je me proposai bien de ne plus dire mon avis sur les fêtes que je verrais. Ces Turcs, dis-je à mes compagnons, sont des mécréants qui n'ont point été baptisés, et qui par conséquent seront bien plus cruels que les révérends pères inquisiteurs. Gardons le silence quand nous serons chez les mahométans. J'allai donc chez eux. Je fus étrangement surpris de voir en Turquie beaucoup plus d'églises chrétiennes qu'il n'y en avait dans Candie. J'y vis jusqu'à des troupes nombreuses de moines qu'on laissait prier la vierge Marie librement, et maudire Mahomet, ceux-ci en grec, ceux-là en latin, quelques autres en arménien[7]. Les bonnes gens que les Turcs! m'écriai-je. Les chrétiens grecs et les chrétiens latins étaient ennemis mortels dans Constantinople; ces esclaves se persécutaient les uns les autres, comme des chiens qui se mordent dans la rue, et à qui leurs maîtres donnent des coups de bâton pour les séparer. Le grand-vizir protégeait alors les Grecs. Le patriarche grec m'accusa d'avoir soupé chez le patriarche latin, et je fus condamné en plein divan à cent coups de latte sur la plante des pieds, rachetables de cinq cents sequins. Le lendemain le grand-vizir fut étranglé; le surlendemain son successeur, qui était pour le parti des Latins, et qui ne fut étranglé qu'un mois après, me condamna à la même amende, pour avoir soupé chez le patriarche grec. Je fus dans la triste nécessité de ne plus fréquenter ni l'église grecque ni la latine. Pour m'en consoler, je pris à loyer une fort belle Circassienne, qui était la personne la plus tendre dans le tête-à-tête, et la plus dévote à la mosquée. Une nuit, dans les doux transports de son amour, elle s'écria en m'embrassant, _Alla, Illa, Alla!_ ce sont les paroles sacramentales des Turcs; je crus que c'étaient celles de l'amour: je m'écriai aussi fort tendrement, _Alla, Illa, Alla!_ Ah! me dit-elle, le Dieu miséricordieux soit loué! vous êtes Turc. Je lui dis que je le bénissais de m'en avoir donné la force, et je me crus trop heureux. Le matin l'iman vint pour me circoncire; et, comme je fis quelque difficulté, le cadi du quartier, homme loyal, me proposa de m'empaler: je sauvai mon prépuce et mon derrière avec mille sequins, et je m'enfuis vite en Perse, résolu de ne plus entendre ni messe grecque ni latine en Turquie, et de ne plus crier, _Alla, Illa, Alla_, dans un rendez-vous. [7] Voyez tome XVI, page 493. B. En arrivant à Ispahan on me demanda si j'étais pour le mouton noir ou pour le mouton blanc. Je répondis que cela m'était fort indifférent, pourvu qu'il fût tendre. Il faut savoir que les factions du _mouton blanc_ et du _mouton noir_[8] partageaient encore les Persans. On crut que je me moquais des deux partis; de sorte que je me trouvai déjà une violente affaire sur les bras aux portes de la ville: il m'en coûta encore grand nombre de sequins pour me débarrasser des moutons. [8] Voyez tome XVI, page 478. B. Je poussai jusqu'à la Chine avec un interprète, qui m'assura que c'était là le pays où l'on vivait librement et gaiement. Les Tartares s'en étaient rendus maîtres[9], après avoir tout mis à feu et à sang; et les révérends Pères jésuites d'un côté, comme les révérends Pères dominicains de l'autre, disaient qu'ils y gagnaient des âmes à Dieu, sans que personne en sût rien. On n'a jamais vu de convertisseurs si zélés; car ils se persécutaient les uns les autres tour-à-tour: ils écrivaient à Rome des volumes de calomnies; ils se traitaient d'infidèles et de prévaricateurs pour une âme. Il y avait surtout une horrible querelle entre eux sur la manière de faire la révérence. Les jésuites voulaient que les Chinois saluassent leurs pères et leurs mères à la mode de la Chine, et les dominicains voulaient qu'on les saluât à la mode de Rome[10]. Il m'arriva d'être pris par les jésuites pour un dominicain. On me fit passer chez sa majesté tartare pour un espion du pape. Le conseil suprême chargea un premier mandarin , qui ordonna à un sergent qui commanda à quatre sbires du pays de m'arrêter et de me lier en cérémonie. Je fus conduit après cent quarante génuflexions devant sa majesté. Elle me fit demander si j'étais l'espion du pape, et s'il était vrai que ce prince dût venir en personne le détrôner. Je lui répondis que le pape était un prêtre de soixante-dix ans[11]; qu'il demeurait à quatre mille lieues de sa sacrée majesté tartaro-chinoise; qu'il avait environ deux mille soldats qui montaient la garde avec un parasol; qu'il ne détrônait personne, et que sa majesté pouvait dormir en sûreté. Ce fut l'aventure la moins funeste de ma vie. On m'envoya à Macao, d'où je m'embarquai pour l'Europe. [9] Voyez tome XVIIl, page 457. B. [10] Sur les querelles des cérémonies chinoises, voyez, tome XX. le chapitre XXXIX du _Siècle de Louis XIV_. B. [11] Innocent X, qui a régné de 1644 à 1655. B. Mon vaisseau eut besoin d'être radoubé vers les côtes de Golconde. Je pris ce temps pour aller voir la cour du grand Aureng-Zeb, dont on disait des merveilles dans le monde: il était alors dans Delhi. J'eus la consolation de l'envisager le jour de la pompeuse cérémonie dans laquelle il reçut le présent céleste que lui envoyait le shérif de la Mecque. C'était le balai avec lequel on avait balayé la maison sainte, le _caaba_, le _beth Alla_. Ce balai est le symbole du balai divin qui balaie toutes les ordures de l'âme. Aureng-Zeb ne paraissait pas en avoir besoin; c'était l'homme le plus pieux de tout l'Indoustan. Il est vrai qu'il avait égorgé un de ses frères et empoisonné son père; vingt raïas et autant d'omras étaient morts dans les supplices; mais cela n'était rien, et on ne parlait que de sa dévotion. On ne lui comparait que la sacrée majesté du sérénissime empereur de Maroc, Muley Ismael[10], qui coupait des têtes tous les vendredis après la prière. [12] Voltaire a parlé d'Aureng-Zeb et de Muley Ismael, tome XVIII, page 420; voyez aussi la table de ce tome XVIII. B. Je ne disais mot; les voyages m'avaient formé, et je sentais qu'il ne m'appartenait pas de décider entre ces deux augustes souverains. Un jeune Français, avec qui je logeais, manqua, je l'avoue, de respect à l'empereur des Indes et à celui de Maroc. Il s'avisa de dire très indiscrètement qu'il y avait en Europe de très pieux souverains qui gouvernaient bien leurs états et qui fréquentaient même les églises, sans pourtant tuer leurs pères et leurs frères, et sans couper les têtes de leurs sujets. Notre interprète transmit en indou le discours impie de mon jeune homme. Instruit par le passé, je fis vite seller mes chameaux: nous partîmes le Français et moi. J'ai su depuis que la nuit même les officiers du grand Aureng-Zeb étant venus pour nous prendre, ils ne trouvèrent que l'interprète. Il fut exécuté en place publique, et tous les courtisans avouèrent sans flatterie que sa mort était très juste. Il me restait de voir l'Afrique, pour jouir de toutes les douceurs de notre continent. Je la vis en effet. Mon vaisseau fut pris par des corsaires nègres. Notre patron fit de grandes plaintes, il leur demanda pourquoi ils violaient ainsi les lois des nations. Le capitaine nègre lui répondit: Vous avez le nez long, et nous l'avons plat; vos cheveux sont tout droits, et notre laine est frisée; vous avez la peau de couleur de cendre, et nous de couleur d'ébène; par conséquent nous devons, par les lois sacrées de la nature, être toujours ennemis. Vous nous achetez aux foires de la côte de Guinée, comme des bêtes de somme, pour nous faire travailler à je ne sais quel emploi aussi pénible que ridicule. Vous nous faites fouiller à coups de nerfs de boeuf dans des montagnes, pour en tirer une espèce de terre jaune qui par elle-même n'est bonne à rien, et qui ne vaut pas, à beaucoup près, un bon ognon d'Egypte; aussi quand nous vous rencontrons, et que nous sommes les plus forts, nous vous fesons labourer nos champs, ou nous vous coupons le nez et les oreilles. On n'avait rien à répliquer à un discours si sage. J'allai labourer le champ d'une vieille négresse, pour conserver mes oreilles et mon nez. On me racheta au bout d'un an. J'avais vu tout ce qu'il y a de beau, de bon, et d'admirable sur la terre: je résolus de ne plus voir que mes pénates. Je me mariai chez moi: je fus cocu , et je vis que c'était l'état le plus doux de la vie. FIN DE L'HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO. ----- Transcriber's Note: ----- We thank the Bibliotheque Nationale de France that has made available the image files at www://gallica.bnf.fr, authorizing the preparation of the etext through OCR. Nous remercions la Bibliothèque Nationale de France qui a mis à dispositions les images dans www://gallica.bnf.fr, et a donné l'authorization à les utilizer pour preparer ce texte. *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for an eBook, except by following the terms of the trademark license, including paying royalties for use of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the trademark license is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. 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Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you ‘AS-IS’, WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg™ and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws. The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit www.gutenberg.org/donate. While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. 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