The Project Gutenberg eBook of Dictionnaire de la langue verte This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Dictionnaire de la langue verte Author: Alfred Delvau Contributor: Gustave Fustier Release date: April 3, 2017 [eBook #54482] Language: French Credits: Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive) *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE *** Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive) Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE A LA MÊME LIBRAIRIE ALFRED DELVAU LES HEURES PARISIENNES Un beau volume grand in-16 sur papier vergé ILLUSTRÉ DE 25 EAUX-FORTES ET DU PORTRAIT DE DELVAU PRIX: 12 FRANCS LES COCOTTES DE MON GRAND-PÈRE LE FUMIER D'ENNIUS ILLUSTRATIONS DE MARAIS Un volume in-18: 5 fr. (Papier de Hollande: 7 francs.) LES AMOURS BUISSONNIÈRES Un volume de la collection des «AUTEURS CÉLÈBRES» PRIX: 60 CENTIMES MÉMOIRES D'UNE HONNÊTE FILLE Un volume de la collection des «AUTEURS CÉLÈBRES» PRIX: 60 CENTIMES ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CH. HÉRISSEY _ALFRED DELVAU_ Dictionnaire DE LA LANGUE VERTE NOUVELLE ÉDITION _Conforme à la dernière revue par l'Auteur_ AUGMENTÉE D'UN SUPPLÉMENT PAR GUSTAVE FUSTIER PARIS C. MARPON & E. FLAMMARION, ÉDITEURS _Rue Racine, 26, près l'Odéon._ Tous droits réservés. PRÉFACE DE L'AUTEUR I Après l'étude des insectes, ces infiniment petits de la création divine, il n'en est peut-être pas de plus attrayante que l'étude des mots, ces infiniment petits de la création humaine,--aussi destructeurs les uns que les autres, les uns du sol, les autres de l'âme. Le jour où l'homme est devenu savant, il est devenu méchant: la bouche est un arc dont les syllabes sont les flèches. C'est avec cela que nous nous entretuons depuis l'invention de la parole et de sa sœur de lait l'écriture. Qu'on se rassure! Je ne veux pas remettre de béquet au paradoxe usé de Jean-Jacques, lequel, d'ailleurs, quoique usé, peut marcher encore longtemps: je me contente de constater en passant l'influence désastreuse d'un bienfait. Je regrette peut-être de savoir écrire et de savoir parler, mais je ne regrette pas de savoir lire et de savoir écouter: si mon esprit n'y a rien gagné en ornements, il y a gagné en autre chose. J'ai souffert de savoir, j'en souffrirai jusqu'au bout de ma vie mortelle, mais je suis trop civilisé et trop Parisien pour ne pas aimer les picotements de mes plaies. Quand je rendrai mon âme au Créateur,--qui en sera probablement aussi embarrassé que j'en ai été moi-même--je ne me serai pas beaucoup amusé, mais j'aurai été violemment distrait en ayant été violemment houspillé. Distraction passe rentes. Bonne ou mauvaise, la parole--ou l'écriture, car toutes deux marchent de pair,--est une invention sur laquelle il n'y a pas à revenir. Cela est, que cela soit! Mais précisément parce que cela est, l'entomologie littéraire est une science fort attrayante qui a consumé au moins autant de vaillants cerveaux que l'autre entomologie. Celle-ci compte parmi ses illustrations Réaumur, Linné, Bonnet, Latreille, Lamarck, Van Geer, Duméril, etc., etc. Celle-là compte parmi les siennes:--pour ne pas remonter trop haut:--Érasme, Guillaume Budé, les Scaliger, les Vossius, Casaubon, Turnèbe, Saumaise, les Estienne, Du Cange, Estienne Pasquier, P. Borel, le président Fauchet, Gilles Ménage, Dom Rivet, Le Duchat, Bernard de la Monnoye, Lacurne de Sainte-Palaye, Dupont de Nemours, et, en se rapprochant davantage de nous, Gabriel Peignot, Roquefort, Charles Nodier, Francisque Michel, F. Genin, Marty-Laveaux, Burgaud des Marets, Charles d'Héricault, le comte Jaubert, et d'autres encore. Ah! les entomologistes littéraires ne manquent pas en France! Moi, je ne compte pas, bien entendu; je fais nombre seulement,--comme les zéros. Je n'ai jamais mis ma gloire à écrire un livre utile sur la matière, comme ont fait la plupart de mes illustres devanciers: j'ai chassé aux mots comme on chasse aux papillons,--pour mon propre plaisir. Aux papillons et aux scarabées aussi, aux chenilles aussi, aux _anoplures_ aussi,--aux anoplures surtout, dirai-je hardiment, sans vergogne aucune. Pourquoi m'en défendre? Toutes les curiosités sont permises: les yeux ont le droit de voir, les oreilles de tout entendre; seules, les lèvres n'ont pas toujours le droit de tout révéler,--ce qui est un mal. J'ai laissé aux délicats d'en haut, aux aristocrates de la philologie, le soin de trier, de classer et d'étiqueter leurs trouvailles de choix. Ravageur littéraire, j'ai obscurément, pendant sept ou huit ans, battu de mon crochet tous les ruisseaux, promené ma lanterne sourde dans les coins ténébreux, ramassant sans cesse et sans fin, heureux d'un tesson comme Rousseau d'une pervenche, et enrichissant chaque jour mon musée d'un nouveau débris, sans lui enlever un grain de sa poussière, un atome de sa boue, une parcelle de sa rouille: tel trouvé, tel conservé. En mouchant une expression malpropre, on s'expose à lui arracher le nez, c'est-à-dire le caractère, l'originalité. Ce sont ces mots morveux que je me suis plu à colliger pendant sept ou huit ans et à réunir en un corps de livre dont je n'espérais jamais tirer parti que pour moi seul, pour ma propre édification. Le hasard--qui est le dieu des livres encore plus que des hommes--en a décidé autrement; le DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE a paru et l'empressement du public à en épuiser la première édition jusqu'au dernier exemplaire m'a prouvé qu'il y avait de par le monde d'autres curieux que moi. Je m'en réjouis sans m'en enorgueillir, ayant pour vice capital la modestie, et, quoique mon nom soit désormais fatalement accolé au DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE comme celui du Florentin Vespuce au Nouveau-Monde, je ne fais aucune difficulté pour déclarer que je n'ai pas eu l'honneur de découvrir cette Amérique; il y a eu avant moi de hardis ravageurs parisiens. Je n'ai pas à leur décerner de remerciements, n'ayant pas jugé bon de me servir d'eux, ni à leur adresser d'éloges, n'en ayant déjà pas de trop pour moi. Car enfin, il faut bien que je me décide à le répéter: enfant du pavé de Paris, et d'une famille où l'on est faubourien de père en fils depuis cinq ou six générations, j'ai cueilli sur leur tige et ramassé sur leur fumier natal tous les mots de mon Dictionnaire, tous les termes bizarres, toutes les expressions pittoresques qui s'y trouvent accumulées: il n'en est pas une seule que je n'aie entendue de mes oreilles, cent fois au moins, dans la rue Saint-Antoine ou dans la rue Neuve-Bréda, dans un atelier de peintres ou dans un atelier d'ouvriers, dans les brasseries littéraires ou dans les cabarets populaciers, ici ou là, même ailleurs où beaucoup de délicats n'osent pas aller de peur de s'y crotter l'oreille et de s'y salir l'esprit, et où je n'ai pas craint d'aller, moi, parce que nous avons, nous autres moralistes, le double privilège de la salamandre et de l'hermine, et que nous pouvons traverser toutes les flammes sans en être roussis, toutes les fanges sans en être souillés. Voilà ce qui constitue le mérite, j'oserai ajouter la saveur, du _Dictionnaire de la Langue verte_, dont je désire qu'on dise--au lieu de le redouter--ce qu'on a dit du _Tableau de Paris_ de Sébastien Mercier, qu'il a été pensé dans la rue et écrit sur une borne: cette ironie serait son éloge et ma récompense, parce qu'elle prouverait qu'il est un fidèle tableau des mœurs ondoyantes et diverses des Parisiens de l'an 1865-66. Et puis, qu'on m'en sache gré ou non, j'ai la conviction d'avoir fait quelque chose d'utile en remuant cette fange, en plongeant résolument dans les entrailles mêmes de cet océan de boue, d'où, si j'ai rapporté des madrépores et des polypes monstrueux, j'ai dû rapporter aussi quelques coraux et quelques perles. II Maintenant, pourquoi _Dictionnaire de la Langue verte_? Ce n'est pas là, qu'on daigne me croire, un titre de fantaisie choisi pour accrocher le regard du passant et forcer son attention: je ne l'ai pris que parce que je devais le prendre, parce que les mots de ce _Dictionnaire_ appartiennent à la _Langue verte_. Je n'ai pas plus inventé cette appellation singulière que je n'ai inventé les divisions de _cant_ et de _slang_, qui servent à distinguer les argots anglais, et qui m'aideront à distinguer les argots parisiens. Le _cant_[1], c'est l'argot particulier; le _slang_, c'est l'argot général. Les voleurs parlent spécialement le premier; tout le monde à Paris parle le second,--je dis tout le monde; si bien qu'un étranger, un Russe par exemple, ou un provincial, un Tourangeau, sachant à merveille «la langue de Bossuet» et de Montesquieu, mais ignorant complètement la langue verte, ne comprendrait pas un mot des conversations qu'il entendrait en tombant à l'improviste dans un atelier de peintres ou dans un cabaret d'ouvriers, dans le boudoir d'une lorette ou dans le bureau de rédaction d'un journal. En France, on parle peut-être français; mais à Paris on parle argot, et un argot qui varie d'un quartier à l'autre, d'une rue à l'autre, d'un étage à l'autre. Autant de professions, autant de jargons différents, incompréhensibles pour les profanes, c'est-à-dire pour les gens qui ne font que traverser _Pantin_, la capitale des stupéfactions, parce qu'elle est celle des étrangetés. L'argot des gens de lettres ne ressemble pas plus à celui des ouvriers que celui des artistes ne ressemble à celui des filles, ou celui des bourgeois à celui des faubouriens, ou celui des voyous à celui des académiciens,--car les académiciens aussi parlent argot au lieu de parler français, ainsi que le prouveront les exemples semés dans ce livre. [1] L'argot pur, l'idiome des révoltés, la langue des gens qui vivent volontairement on fatalement en marge de la société, a été baptisé d'autant de noms différents qu'il y a de nations différentes: _cant_ en Angleterre (où, au XVIIe siècle, on l'appelait impertinemment «français des colporteurs», _pedlars french_), _germania_ en Espagne, _gergo_ en Italie, _bargoens_ en Hollande, _calaô_ en Portugal, _rothwalsch_ ou _rothwelsch_ (italien rouge) en Allemagne, et _balaïbalan_ en Asie. J'en conviens sans effort, c'est une langue sanglante et impie, le _cant_, l'argot des voleurs et des assassins; une langue triviale et cynique, brutale et impitoyable, athée aussi, féroce aussi, le _slang_, l'argot des faubouriens et des filles, des voyous et des soldats, des artistes et des ouvriers. Toutes deux, je le sais, renferment une ménagerie de tropes audacieux, ricaneurs et blasphémateurs, une cohue de mots sans racine dans n'importe quelle autre langue, sans aucune étymologie, même lointaine, qui semblent crachés par quelque bouche impure en veine de néologismes et recueillis par des oreilles badaudes; mais toutes deux aussi, quoi qu'on fasse et dise, sont pleines d'expressions pittoresques, de métaphores heureuses, d'images justes, de mots bien bâtis et bien portants qui entreront un jour de droit dans le _Dictionnaire de l'Académie_ comme ils sont entrés de fait dans la circulation, et même dans la littérature[2], où ils se sont si vite acclimatés et où, de voyous, ils sont devenus bourgeois. Et je ne parle pas d'un vaudeville isolé, comme les _Deux Papas très bien_, où l'on «dévide le jar» aussi proprement qu'à Poissy; je parle du _Dictionnaire_ de M. Littré et des œuvres dramatiques les plus importantes de ce temps, les _Effrontés_ d'Émile Augier, la _Vie de Bohème_ d'Henry Murger, la _Famille Benoiton_ de Victorien Sardou, etc. [2] Pourquoi les littérateurs français ne feraient-ils pas ce que n'ont pas craint de faire les littérateurs anglais, Ben Jonson, Fletcher, Beaumont et autres dramaturges du cycle shakespearien, qui parlaient si correctement «le grec de Saint-Gilles»? Grec de Saint-Gilles ou langue verte, c'est tout un, et pendant que j'y suis, pourquoi donc oublierais-je Richard Brome, John Webster, Thomas Moore et Bulwer qui ont bravement employé le _slang_: le premier dans _A jovial Crew, or the merry Beggars_, le second dans _The White Devil, or Vittoria Corombona_, le troisième dans _Tom Crib's Memorial to congress_, et le dernier dans son roman de _Paul Clifford_? Pour qu'il en soit ainsi, pour que des écrivains de valeur--au théâtre, dans le roman, dans la fantaisie--se soient laissé raccrocher par ces expressions hardies, forcées de faire le trottoir parce que, sans domicile légal, il faut qu'elles aient des séductions, des irrésistibilités que n'ont pas les mots de la langue officielle, il faut qu'ils aient reconnu dans cette langue du ruisseau la succulence, le nerf, le _chien_ de la langue préférée de Montaigne et de Malherbe[3]. [3] «Le parler que i'ayme, c'est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche; un parler succulent et nerveux, court et serré; non tant délicat et peigné, comme vehement et brusque; plustost difficile qu'ennuyeux; esloingné d'affectation; desréglé, descousu et hardy: chasque loppin y face son corps; non pedantesque, non fratesque, non plaideresque, mais plustost soldatesque comme Suetone appelle celuy de Iulius Cesar.» (_Essais_, liv. Ier, chap. XXV.) «J'apprends tout mon françois des gens du port,» disait Malherbe,--qui mentait un peu. Qui sait d'ailleurs si cette langue parisienne, qui charrie tant de paillettes d'or au milieu de tant d'immondices,--Flore étrange où tant de plantes charmantes s'épanouissent au milieu de tant de plantes vénéneuses--n'est pas appelée un jour à transfuser son sang rouge dans les veines de la vieille langue française, appauvrie, épuisée depuis un siècle, et qui finira par disparaître comme le sanscrit? Les puristes du sérail ont beau la déclarer fixée, immuable, éternelle, cela ne l'empêche pas de se déliter, de s'effriter, de se lézarder: si l'on n'y prend garde, elle s'effondrera, malgré les béquilles que lui mettent en guise d'étais, ses quarante architectes de l'Institut. _Caveant consules!_ Veillez au maintien de la langue parisienne, écrivains qui voulez qu'il y ait encore une langue française! III On s'étonnera peut-être de voir réunis, confondus dans une promiscuité fâcheuse, le cant et le slang, l'argot des gredins et celui des honnêtes gens, les adorables mimologismes des enfants et les expectorations repoussantes des faubouriens. C'était une nécessité née de la confusion déplorable des classes sociales à Paris, où le crime coudoie le travail, où le cynisme heurte l'innocence, où le vice flâne en compagnie de la vertu, où l'esprit emboîte le pas à la bêtise. Frères ennemis, ces argots, mais frères,--comme les hommes qui les parlent. On pourrait s'étonner aussi, et tout aussi justement, de voir attribuer à la langue populaire une foule de mots sortis de la langue du bagne, de la prison et des mauvais lieux. Au premier abord, cela choque autant que cela surprend, oui; mais en réfléchissant à la façon dont s'enrichissent les langues, on comprend et l'on s'incline, attristé. Une expression tombe des lèvres flétries d'un forçat, non pas au bagne, où il est défendu aux honnêtes gens d'aller, mais dans un cabaret, dans une rue de Paris, où il est interdit aux coquins de séjourner et où ils accourent tous comme des frelons sur un gâteau de miel: dix paires d'oreilles la ramassent et dix bouches la répètent, sans l'essuyer. Elle fait son chemin d'atelier en atelier, de faubourg en faubourg, jusqu'au jour où, tombant à son tour des lèvres d'un ivrogne[4], dans un café littéraire ou dans une brasserie artistique, elle est alors recueillie par quelque curieux aux écoutes, par quelque flâneur aux aguets, qui la trouve accentuée, originale, et la colporte çà et là,--tant et si bien que, finalement, elle entre dans un article, puis dans un livre, puis dans la circulation générale. Allez donc maintenant l'en retirer, comme tachée de boue et de sang! Essayez donc, au nom de la morale et du goût, de la démonétiser par décret comme une pièce de trente sols! Elle n'est pas frappée à la Monnaie fondée par Richelieu, elle ne porte pas l'effigie de l'un des Quarante, elle n'est pas d'un métal très pur, tout cela est vrai; mais elle sonne bien, argent ou cuivre, et cela suffit pour qu'elle soit échangée comme monnaie courante de la conversation. [4] «Il faut voir de quels mots elle enrichit la langue!» dit Nicolas Boileau de la femme de Jérôme Boileau, son frère aîné, laquelle, au dire de Brossette, «avoit un talent particulier pour inventer des noms ridicules et des injures populaires». Il en est de même des mots à panaches et à images improvisés par des néologues en haillons ou en blouse, par Gavroche ou par Cabrion. L'esprit court les rues et les ateliers; l'œil du voyou ou du rapin, toujours ouvert, comprend plus rapidement que l'œil du bourgeois, toujours endormi ou toujours affairé: lorsqu'un ridicule ou un vice insolent passe à la portée de cet impitoyable rayon visuel, il est happé,--gare à la gouaillerie féroce qui va le fusiller! Ce que, dans mes déambulations diurnes et nocturnes à Paris, j'ai entendu de phrases énormes, pimentées, saisissantes, cruelles, appliquées en plein dos comme des coups de pied, ou en plein visage comme des soufflets, à de pauvres diables de l'un ou de l'autre sexe, affligés, celui-ci de cette infirmité, celle-là de ce ridicule; ce que j'ai entendu composerait un gros livre--inimprimable. Ah! je ne sais pas ce que l'homme a fait à l'homme, mais il se venge bien odieusement de lui--sur lui! Il y a mille moyens de contagion pour un mot, et c'est précisément ce qui universalise l'argot. La rue d'abord, où passe tout le monde; le cabaret, si diversement peuplé; le mauvais lieu,--une autre rue. Quelque envie qu'aient les gens les plus chastes de mettre un cadenas à leurs oreilles, ils entendent--et retiennent--Dieu sait quels vocables excentriques, bouffons, audacieux, hauts en couleur. Les filles--drôlesses et petites dames mêlées--ont un jargon bariolé qui participe beaucoup de leurs relations aussi multiples que fugaces. Toutes les professions masculines avec lesquelles elles sont en contact permanent donnent à leur langage une teinte polyglotte très prononcée,--polyglotte et cosmopolite, car elles gardent volontiers de ces commerces incessants un certain nombre de mots étrangers qu'elles francisent à leur manière. Un étranger en apprend plus long qu'un Parisien, en un mois de séjour dans un boudoir ou dans une antichambre d'actrice,--et il emporte chez lui une singulière opinion de la «langue de Bossuet». Pauvre Bossuet! Pauvre langue! IV Puisque j'en suis au chapitre des étonnements, je dois prémunir mes lecteurs contre celui qu'ils éprouveront certainement à rencontrer çà et là, dans ce _Dictionnaire de la Langue verte_, des mots auxquels le _Dictionnaire de l'Académie_ a donné asile, comme on donne asile aux gueux et aux vagabonds. Ces mots sont considérés par lui comme bas et populaciers, et il en défend l'usage aux gens du bel air, aussi bégueules que lui: à cause de cela, ils me revenaient de droit, puisque je fais le Glossaire de la langue du peuple parisien, le Compendium du slang. La langue verte, au rebours de la langue académique, se compose précisément des mots qui ne s'écrivent pas, mais qui se parlent à certains étages de la société. Or, je suis de ceux qui prétendent que «toutes paroles se laissent dire et tout pain mangier»,--avec d'autant plus de raison que les expressions proscrites comme indignes, condamnées comme _shocking_ par le _Dictionnaire de l'Académie_, sont du meilleur français que je connaisse, d'un français plus étymologique, plus rationnel, plus expressif, plus éloquent que celles auxquelles ladite Académie a accordé droit de cité,--le français de Jean de Meung et de Guillaume de Lorris, de François Villon et de François Rabelais, de Philippe Desportes et de Bonaventure Des Périers, d'Henri Estienne et de Clément Marot, de Michel Montaigne et de Mathurin Régnier, d'Agrippa d'Aubigné et de Brantôme, de Froissart et d'Amyot, etc. Il paraît qu'il est de bon goût, dans les hautes régions, de renier ses ancêtres et de mentir à ses origines; les gens distingués se croiraient déshonorés,--savants et gandins,--en parlant la langue des petites gens, qui, cependant, sont les plus fidèles gardiens et les plus rigoureux observateurs de la tradition. Oui, il faut que les gens distingués en prennent leur parti: le peuple est le Conservatoire du vrai langage[5]. [5] M. B. Jouvin, un lettré dans la bonne acception du mot, et dont la place est marquée depuis longtemps au _Journal des Débats_, M. B. Jouvin sait cela aussi bien et mieux que moi. Pourquoi donc,--il y a quelque temps,--a-t-il, en plein _Figaro_, donné si vertement sur les doigts à M. Peyrat, rédacteur en chef de l'_Avenir national_, pour avoir écrit _admonestation_ au lieu d'_admonition_, et a-t-il pris occasion de cette prétendue «bévue» pour dire son fait au patois et à l'argot, l'un et l'autre fort dangereux suivant lui,--mais le premier «mille fois plus dangereux encore, parce que c'est un conquérant sournois»? Je n'ai pas à défendre M. Peyrat, assez grand et assez fort pour se défendre tout seul, ni sa prétendue «bévue» qui se défend d'elle-même. L'Académie veut qu'on dise _admonition_: c'est pour cela qu'on doit dire: _admonestation_. Les deux mots sont français; seulement il y a cette différence entre eux que le premier est d'un français moderne et le second d'un français ancien. Les vieux écrivains, l'honneur de notre langue, écrivaient _admonestation_. De preuves, je fais trop de cas de l'érudition de M. Jouvin pour lui en fournir une seule. La langue moderne,--celle que le rédacteur en chef du _Figaro_ écrit si bien,--n'est pas faite d'autre chose que de patois étrangers ou autochthones. Parlons-nous grec ou latin, anglais ou suédois, allemand ou italien, celte ou thibétain? Sommes-nous une langue mère ou une langue fille? Hélas! le français contemporain est une langue fille, très fille même,--si fille que les austères grammairiens de Port-Royal se refuseraient aujourd'hui à la comprendre, et surtout, la comprissent-ils, à la parler. C'est une sorte de langue de Corinthe où sont venues se fondre et s'amalgamer une foule d'autres langues plus ou moins précieuses, du nord et du midi, d'oc et d'oil, d'Orient et d'Occident, or et cuivre, fer et argent,--avec beaucoup de scories à la surface. Mais ce n'est pas dans une Note que l'on peut traiter comme il convient une question de cette importance; d'ailleurs, je reconnais volontiers que, pour m'acquitter de cette tâche, je n'ai pas les reins assez fermes, et qu'il me serait impossible de marcher «front à front» avec les philologues passés, présents,--et même futurs: je ne vais «que de loing après». Je n'ai prétendu ici que constater l'introduction légitime des patois et l'intrusion naturelle de l'argot dans le français moderne, qui n'a pas le droit de faire le dédaigneux, car, en se dépouillant de tous ses mots d'emprunt, il courrait grand risque de rester nu comme un petit saint Jean. Je comprends, du reste, qu'on regimbe à admettre cette vérité élémentaire, qui froisse les habitudes d'esprit prises--parce qu'imposées--dans les collèges, où l'on n'enseigne qu'un français de convention, soufflé comme une baudruche, désossé comme un roastbeef, c'est-à-dire privé depuis longtemps de toute racine étymologique, grâce aux progrès croissants de la Réforme orthographique[6]. Moi aussi, au début de ma vie, en entendant les vieux de mon faubourg natal employer des phrases d'antan, je souriais de pitié, presque de mépris, ne comprenant pas qu'on pût s'exprimer autrement que M. de Campistron en ses tragédies et M. de Marmontel en ses Contes moraux. J'avais alors de sourdes révoltes à propos de l'éloquence forcenée de mon aïeul, qui ne pouvait ouvrir la bouche sans commettre une hérésie, sans se rendre coupable du crime de lèse-majesté classique. Il me semblait qu'il parlait là une langue sauvage, une façon d'algonquin ou de topinambou, qui n'avait jamais été parlée avant lui et ne devait plus l'être après lui, et, pour un peu, à chaque mot tombé de ses lèvres sibyllines, je me fusse signé comme devant un blasphème. Hélas! ce vieux faubourien était un académicien de la bonne roche,--celle d'où jaillit ce français si clair, si pur, si viril, si expressif, si sonore, si complet, si beau, dont il semble qu'on ait tout à fait perdu le secret, aujourd'hui que, langue verte à part, notre littérature est livrée à l'euphuisme, au gongorisme, aux concetti, à la préciosité et à je ne sais plus quelles autres bêtes qui la dévorent en la souillant. [6] Et comme si ce n'était pas encore assez, comme si la langue française actuelle n'était pas suffisamment éloignée de ses origines, il se produit à Paris, tous les dix ou quinze ans, des cacographes qui, sous prétexte d'en rendre l'étude plus accessible, veulent qu'on l'écrive comme on la prononce, c'est-à-dire en supprimant toutes les lettres aphones. Je renonce aux plaisanteries qu'il me serait facile de faire en objectant précisément la prononciation,--que modifient, dit Pascal, trois degrés d'élévation du pôle,--et les accents du pays; je me contente de demander comment on reconnaîtrait _nuptiæ_ si on l'écrivait _noss_, _cor_ si _keur_, _tempus_ si _tan_, _maïus_ si _mê_, _testa_ si _tett_, _hostia_ si _osti_, _mansio_ si _mèzon_, etc. Refaire en 1865 ce que Marle a fait si inutilement en 1830, et Laurent Joubert si vainement en 1859, quelle misère! Et croire que cette orthographe nouvelle,--ou plutôt cette absence de toute orthographe,--rendrait plus facile l'étude de la langue française, quelle sottise! Comme expiation, ou plutôt comme réparation de mon erreur, qui est encore celle de bien des honnêtes gens, j'ai dû donner large place dans le présent livre à cette langue _populacière_, rejetée avec mépris hors de la littérature et de la conversation. Elle eût été plus convenablement ailleurs, dans le _Dictionnaire de l'Académie_, par exemple, mais sans l'étiquette déshonorante et ridicule que vous savez; malheureusement, le _Dictionnaire de l'Académie_ n'est hospitalier que pour les siens, et, s'il a consenti à entre-bâiller ses feuillets pour laisser entrer, en rechignant, quelques-uns des mots du langage populaire, il les a bien vite refermés de peur d'en laisser entrer un trop grand nombre,--qui eussent été, pourtant, sa richesse et son orgueil. L'Académie est myope: de l'or elle ne voit que la gangue. Et, puisque je tiens l'Académie, je ne veux pas la lâcher sans me justifier, non pas devant elle, mais devant mes lecteurs, de l'irrévérence avec laquelle je n'ai pas craint de la traiter en introduisant dans le _Dictionnaire de la Langue verte_ ce que je n'ai pas craint d'appeler l'_argot des académiciens_. Ce n'est pas là une malignité d'écrivain fantaisiste, mais une impérieuse nécessité de classification. Si les académiciens parlaient comme tout le monde, je n'eusse jamais songé à leur consacrer une seule ligne dans ce _Dictionnaire_ impertinemment édifié à côté du leur; mais ces pontifes du beau langage, s'imaginant sans doute qu'écrire c'est officier, ont de tout temps employé pour s'exprimer des expressions dont l'emphase prudhommesque et l'inintelligibilité singulière semblent appartenir à ce qu'on pourrait proprement appeler une _langue bleue_. Bleue ou verte, c'est la même chose, puisque ce n'est pas la langue française de nos aïeux; et, pour ma part, j'avoue ne voir aucune différence entre les périphrases de Commerson et celles de l'abbé Delille, entre l'argot de la rue et l'argot de l'Institut. En quoi, je vous prie, _broûter les pâturages de l'erreur_ est-il plus singulier que le _tube qui vomit la fumée_? En quoi _la plaine liquide_ est-elle moins burlesque que _canonnier de la pièce humide_? Et _cet animal guerrier qui inventa le trident_? Et les _larmes de l'aurore_? Et _les nourrissons du Pinde_[7]? Au lieu de confectionner ces tropes plus ridicules qu'ingénieux, MM. les Quarante auraient bien dû, depuis longtemps, s'occuper du Dictionnaire conçu par Charles Nodier et récemment entrepris par M. Littré. «L'académie du _Dictionnaire_ (dit l'auteur des _Notions élémentaires de linguistique_) ne nous doit que la langue littéraire, et la langue littéraire d'une nation, c'est tout bonnement la langue du peuple. Il ne faut pas sortir de là.» [7] Si j'avais quelque plaisir à remuer le bric-à-brac littéraire, je pourrais multiplier à l'infini mes exemples académiques; mais comme, au contraire, il s'exhale de toutes ces expressions une odeur de rance, de moisi qui m'écœure l'esprit, je m'en tiens à ces quelques citations. Une dernière cependant qui me revient en mémoire: ce sera le bouquet. Je n'aime pas beaucoup les réalistes, mais j'aime la vérité, et je dois dire que je préfère M. Champfleury écrivant: «Je porte perruque et j'ai cinquante-huit ans,» à Boileau écrivant: «_Mais aujourd'hui qu'enfin la vieillesse est venue Sous mes faux cheveux blonds, déjà toute chenue, A jeté sur ma tête, avec ses doigts pesants, Onze lustres complets surchargés de trois ans._ V Toutes les fois que je l'ai pu, j'ai accroché aux mots une étiquette constatant leur étymologie, leur origine, leur millésime, et disant quels sont leurs pères ou leurs parrains, afin d'éviter des tourments aux Saumaise futurs, aux lexicographes distingués ou bas de poil qui commenteront les livres parisiens du XIXe siècle,--spécialement de la seconde moitié du XIXe siècle. Nous serions plus avancés que nous ne le sommes, nous en saurions davantage sur notre langue, si l'on avait pris soin, dès l'origine, de nous conserver les extraits de baptême de certains mots, sinon de tous: cette histoire des mots serait l'histoire des idées, c'est-à-dire l'histoire des mœurs, c'est-à-dire l'histoire de la nation parisienne écrite jour par jour[8]. [8] Nous savons que _bibliomanie_ est un mot de la façon de Guy Patin, par conséquent du XVIIe siècle, époque de cette passion frénétique des livres qui poussait des Hollandais et des Anglais à payer des prix fous des bouquins sans autre valeur que leur rareté. Nous savons que _contemptible_ appartient à Malherbe, _épigramme_ à Baïf, _pudeur_ à Desportes, _coq-à-l'âne_ à Marot, _avidité_ à Ronsard, _féliciter_ à Balzac, _généralissime_ au cardinal de Richelieu, _débrutaliser_ à la marquise de Rambouillet, _burlesque_ à Sarrazin, _désenseigner_ à Montaigne, _esprité_ à Saint-Simon, _prosateur_ à Ménage, _escobartin_ à Pascal, _offenseur_ à Corneille, _impardonnable_ à Segrais, _bravoure_ à Mazarin, _arrangé_ au père Bouhours, _s'acclimater_ à Raynal, d'autres mots encore à d'autres écrivains; mais le reste? Malheureusement, quant au millésime, malgré l'envie que j'avais de parler, je suis souvent resté muet,--on comprendra pourquoi. Quant à la provenance, je l'ai indiquée presque toujours, et fidèlement, j'ose l'affirmer. Aucun des mots auxquels j'ai cru devoir accorder l'hospitalité n'est d'origine suspecte ni d'existence douteuse: ce sont des vagabonds, mais ce ne sont pas des ombres. Chaque fois qu'il m'a été impossible de savoir à quel argot spécial appartenait une expression, je me suis abstenu de la ranger dans telle ou telle catégorie, en supposant qu'elle devait être d'un emploi moins restreint, d'une circulation plus générale que les autres. Mes attributions ne sont pas arbitraires, pas plus que les nuances que j'y ai introduites et qui n'échapperont pas aux lecteurs perspicaces. Si je dis _argot du peuple_ et non _argot des bourgeois_, c'est que l'expression est plus familière au peuple qu'à la bourgeoisie et que je l'ai entendue plus souvent dans la rue que dans la boutique. Lorsque je mets après un mot _argot des voyous_ au lieu d'_argot des voleurs_, c'est que ce mot, quoique ayant appartenu peut-être d'abord à la langue des prisons, est d'un usage plus fréquent sur les lèvres des voyous que dans la bouche des voleurs. De même pour l'_argot des faubouriens_, qui n'est pas l'_argot des ouvriers_, quoique les ouvriers habitent ordinairement les faubourgs de Paris. De même pour l'_argot des filles_, qui n'est pas l'_argot des petites dames_ ou de _Breda-Street_, quoique les unes et les autres exercent la même profession,--avec un public différent. Certains argots confinent, comme certains métiers; ils marchent sur une lisière commune, comme certaines agrégations d'individus; ils voisinent pour ainsi dire, comme certaines positions sociales: assurément ils finiront par s'étreindre, par se mêler, par se confondre; le voyou finira par devenir voleur, la petite dame par être fille, l'ouvrier par se faire faubourien, etc., mais jusqu'à ce que la barrière soit franchie, la délimitation effacée, chacun d'eux aura son accent, sa couleur, auxquels on les pourra reconnaître. Voilà pourquoi j'ai parqué d'autorité ce mot dans cette catégorie et non pas dans cette autre, qui a l'air d'être la même,--comme le violet est le bleu; voilà pourquoi j'ai cloué sur ce mot cette étiquette et non pas cette autre, assuré que j'étais de ne pas me tromper; je le maintiens et le maintiendrai jusqu'au feu,--_exclusivé_. Pour l'étymologie, c'est autre chose. Peut-être, à ce propos, s'étonnera-t-on de la persistance que je mets à redresser les erreurs et à corriger les bévues de quelques-uns de mes devanciers, et, de ma part, à moi, philologue de fraîche date et ignorant de naissance, cela semblera outrecuidant. Je souscris d'avance à tous les reproches qu'on me fera l'honneur de m'adresser, même à ceux que je mérite le moins. L'étymologie,--et je ne prends pas ce mot dans l'acception restreinte et purement grammaticale que lui donne Charles Nodier, qui en fait la _norma_, la _ratio scribendi_, l'orthographe enfin de toutes les langues de dernière formation,--l'étymologie telle que l'entendent tant de savantes personnes ne doit pas être considérée autrement que comme un pur et simple exercice d'imagination. Heureux les savants qui ont de l'esprit et qui n'ont pas d'imagination: ils amusent et, accessoirement, instruisent. Ceux qui ont de l'imagination, au contraire, en ont trop, et non seulement ils n'instruisent pas, mais encore,--ce qui est plus grave et moins pardonnable,--ils n'amusent personne, pas même eux. L'esprit--on me passera cette fatuité de le définir,--est la raison elle-même, la raison enjouée, folâtre même, mais la raison: c'est une boussole. L'imagination, elle, n'est qu'une faculté superfétative, secondaire, qui joue le rôle de cinquième roue à un carrosse, et qui, si elle n'empêche pas l'esprit de marcher, ne l'y aide du moins en aucune façon; quand elle va de conserve avec lui, c'est bien, nul ne s'en plaint; mais quand elle vole seule, elle perd aisément le nord et s'égare en égarant les autres. Je ne veux pas me prononcer au sujet de l'esprit ou de l'imagination de mes devanciers, de peur de les fâcher avec un compliment--ou de leur faire plaisir avec une épigramme. Ce n'est pas le lieu d'ailleurs. Mes devanciers ont agi à leur guise, d'après les inspirations de leur génie particulier: je ne les en blâme--ni ne les en loue. Je regrette seulement--pour eux--que quelques-uns d'entre eux n'aient pas su éviter l'écueil contre lequel sont venus échouer avant eux tant d'autres étymologistes trop savants,--par exemple Ménage, qui fait venir _canaille_ de _canalis_ quand il avait _canis_ sous la main. M. Marty-Laveaux le disait très pertinemment: les savants comme Ménage et quelques-uns de mes devanciers vont chercher trop loin leurs étymologies[9], et c'est dans ces voyages au long cours qu'ils rencontrent l'écueil en question. Il est si simple de rester au coin de son feu, les coudes sur la table, les pieds sur les chenets, comme un honnête bourgeois sans prétention, qui trouve sans peine parce qu'il cherche sans effort! L'effort, voilà ce qui a gâté tant de savants livres! [9] «Singulière manie de chercher à mille lieues les origines des choses et de faire couler des sources du Nil le ruisseau qui lave votre rue!» (VICTOR HUGO, Préface du _Dernier jour d'un condamné_.) L'étymologie, étant une maladie, a sa contagion; moi, parvulissime, j'ai fait comme les grands docteurs de l'Université de Marburg--et d'ailleurs: je me suis lancé à fond de train dans le champ des hypothèses, et si je ne suis pas parvenu à me casser les reins, j'ai du moins donné quelques entorses au bon sens et à la vérité étymologique. C'est un jeu comme un autre, amusant pour soi, fatigant pour autrui, dont cependant je n'ai pas cru devoir abuser, ainsi qu'on s'en assurera en feuilletant ce volume. Il peut se faire que, dans cette course vagabonde à travers des origines probables, j'aie quelquefois rencontré juste et que quelques-unes de mes trouvailles involontaires méritent d'être prises en considération: ces bonnes fortunes arrivent souvent aux innocents, paraît-il. «Quand on ne sait que ce qu'on a appris, on peut être un savant et un sot; il faut de plus savoir ce qu'on a deviné.» J.-B. Say avait raison, quoique économiste. En tout cas, heureux ou non dans mes devinettes étymologiques, à mon su ou à mon insu, je m'en tiens à ces premiers essais et m'engage à ne plus jamais recommencer. VI Il me reste à parler de cette seconde édition, qui est une véritable nouvelle édition, puisqu'elle a été refondue d'un bout à l'autre et réimprimée en caractères elzéviriens. Aucun des mots de la première ne manque à celle-ci, qui est en outre enrichie d'environ _deux mille cinq cents_ expressions soit du cant, soit du slang, soit de la langue _populacière_, toutes si dédaigneusement mises à la porte par le _Dictionnaire de l'Académie_, qui semble ne pas savoir qu'Horace a écrit il y a dix-neuf cents ans: _Ut silæ foliis pronos mutantur in annos, Prima cadunt; tita verborum vetus interit ætas Et juvenum ritu florent modo nata vigentque._ Vous entendez, messieurs les Quarante? Il en est des mots comme des feuilles des arbres à l'automne, ce sont les premières venues qui sont les premières parties: de même périt le vieil âge des mots, et d'autres mots, nés tout à l'heure, fleurissent et s'épanouissent maintenant à la manière des jeunes gens. Ne balayez pas les vieux, mais faites place aux jeunes, aux valides, aux vigoureux. Si le _Dictionnaire de l'Académie_ est incorrigible, je ne le suis pas, et quand j'ai des torts, j'en conviens de bonne grâce; quand j'ai péché, je me frappe de bonne foi la poitrine--en me demandant pardon de mes imperfections et en me promettant bien d'en diminuer le nombre, sans espérer de les extirper toutes. J'ai donc émendé de mon mieux le texte de la première édition, ainsi qu'en pourront juger les lecteurs; mais cette émendation devait avoir des bornes,--et elle en a eu. Malgré les prières de mon éditeur, qui, par excès de délicatesse, voulait enlever à celui-ci ou à celui-là de mes devanciers encore vivants tout prétexte à récrimination et à reproches de plagiat, même aux moins fondés, j'ai cru de mon devoir et de mon droit de conserver intactes des définitions dont je répondais, que je savais être miennes, malgré leur ressemblance avec celles de mon voisin. Ressemblance forcée, fatale, _nécessaire_ même, tous les gens de bonne foi n'hésiteront pas à le reconnaître. Je ne voudrais pas avoir l'air de m'abriter derrière la spirituelle et très juste définition de Charles Nodier: _Les dictionnaires sont des plagiats par ordre alphabétique_; mais enfin il est tout simple qu'ayant à définir une expression bizarre--par exemple _appeler Azor_, le premier venu écrive comme moi: «Siffler un acteur comme on siffle un chien.» On n'a pas de brevet d'invention à prendre pour cette phrase qui traîne sur toutes les lèvres. _Appeler Azor_ signifiant pour tout le monde siffler un acteur, _Azor_ étant pour tout le monde le synonyme de chien, comment s'y prendre pour ne pas dire: «Siffler un acteur comme on siffle un chien?» Je ne vois qu'un moyen, mais il est héroïque--de ridicule: c'est d'imiter le fameux _Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour,--D'amour, marquise, vos beaux yeux me font mourir,--Me font, marquise, vos beaux yeux mourir d'amour,--Mourir vos beaux yeux me font d'amour, marquise_,--et ainsi de suite jusqu'au jugement dernier. Oui, plus j'y réfléchis, plus je ne vois que ce moyen: on m'excusera, je pense, de ne pas l'avoir employé. Je glisse--de peur d'appuyer. On remarquera que dans cette nouvelle édition, plus encore que dans la précédente, je me suis plu à rétablir l'orthographe réelle de vocables que les puristes déclarent être «du patois de Pipelets». (Voy. Albert Hétrel, _Code orthographique_.) J'en ai mis beaucoup, je regrette de n'en avoir pas mis davantage, afin de confondre les ennemis de la bonne langue, la vieille, et les admirateurs du petit français que l'on parle à présent. Les puristes du sérail veulent qu'on dise _chirurgien_, _chercher_, _brebis_, etc. Je le veux comme eux. Mais ils ricanent lorsqu'ils entendent prononcer _cercher_, _berbis_, _serurgien_, et leurs ricanements me font sourire: la pelle se moque du fourgon,--la pelle a tort. On m'a reproché d'avoir introduit dans la précédente édition un certain nombre de mots anglais: je réponds en en introduisant un plus grand nombre encore dans cette nouvelle édition. L'anglomanie fait des progrès chez nous, peuple simiesque; nous avons tous les mots nécessaires pour représenter nos idées; mais, par genre, nous habillons ces idées avec des mots de fabrique étrangère: au lieu de dire _chien courant_ comme leurs pères,--de rudes chasseurs, pourtant!--nos sportsmen disent, les uns _buck-hound_, les autres _boarhound_. _Buck-hound_, c'est bien du pur anglais de l'autre côté du détroit; mais, de ce côté-ci, c'est de la langue verte. Cela dit--avec tout le respect que je dois aux gens à qui je le dis--j'arrive au finale de cette trop longue improvisation. C'est la partie la plus douce de ma tâche d'aujourd'hui, puisqu'il s'agit de remercier hautement ceux de mes confrères qui ont bien voulu jouer le rôle de tibicinateurs en faveur du _Dictionnaire de la langue verte_ et les personnes connues ou inconnues qui ont bien voulu répondre à l'appel que je leur avais fait en me signalant les omissions et les attributions erronées de la première édition. Je remercie donc bien sincèrement ici MM. Jules Noriac, Léo Lespès, Alphonse Duchesne, A. Ranc, Balathier de Bragelonne, Jules Claretie, A. de Fonvielle, Gustave Bourdin, le docteur Stéphen Le Paulmier, Léon Renard, Henri Delaage, Eugène Mathieu, Coffineau, Alexandre Pothey, Jules Choux--et tous ceux que ma plume sans mémoire oublie de citer. Jules Choux, un chansonnier parisien d'un accent original et qui connaît encore mieux que moi les dessous ténébreux de notre chère ville natale, m'a apporté, à lui seul, une plantureuse moisson que je n'ai eu que la peine d'engranger. Les soins que j'ai apportés à cette seconde édition témoigneront mieux que des paroles de toute ma gratitude pour les encouragements que j'ai reçus de toutes parts: elle est moins défectueuse que la première, et la prochaine sera encore un peu plus digne d'intérêt que celle-ci, les livres du genre du _Dictionnaire de la langue verte_ devant forcément se corriger et se compléter dans des éditions successives. Quand il en sera à sa dixième, j'ose espérer que depuis longtemps on aura fait une croix--sur ma tombe! ALFRED DELVAU. DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE A ABADIE, s. f. Foule,--dans l'argot des voleurs, qui l'appellent ainsi, avec mépris, parce qu'ils ont remarqué qu'elle se compose de _badauds_, de gens qui _ouvrent_ les yeux, la bouche et les oreilles d'une façon démesurée. ABAJOUES, s. f. pl. La face,--dans l'argot du peuple. Il n'est pas de mots que les hommes n'aient inventés pour se prouver le mutuel mépris dans lequel ils se tiennent. Un des premiers de ce dictionnaire est une injure, puisque jusqu'ici l'_abajoue_ signifiait soit le sac que certains animaux ont dans la bouche, soit la partie latérale d'une tête de veau ou d'un groin de cochon. Nous sommes loin de l'_os sublime dedit_. Mais nous en verrons bien d'autres. ABALOURDIR, v. a. Rendre _balourd_, niais, emprunté. ABAT-FAIM, s. m. Plat de résistance,--gigot ou roastbeef plantureux. ABATIS, s. m. pl. Le pied et la main,--l'homme étant considéré par l'homme, son frère, comme une volaille. _Avoir les abatis canailles._ Avoir les extrémités massives, grosses mains et larges pieds, qui témoignent éloquemment d'une origine plébéienne. ABAT-RELUIT, s. m. Abat-jour à l'usage des vieillards. Argot des voleurs. ABATTOIR, s. m. Le cachot des condamnés à mort, à la Roquette,--d'où ils ne sortent que pour être _abattus_ devant la porte de ce Newgate parisien. ABATTRE (En). Travailler beaucoup,--dans l'argot des ouvriers et des gens de lettres. ABBAYE, s. f. Four,--dans l'argot des rôdeurs de nuit qui, il y a une quinzaine d'années, se domiciliaient encore volontiers dans les fours à plâtre des buttes Chaumont, où ils chantaient matines avant l'arrivée des ouvriers chaufourniers. _Abbaye ruffante._ Four chaud,--de _rufare_, roussir. ABBAYE DE MONTE-A-REGRET, s. f. L'échafaud,--dans l'argot des voleurs, qui se font trop facilement moines de cette Abbaye que la Révolution a oublié de raser. ABBAYE DES S'OFFRE-A-TOUS, s. f. Maison conventuelle où sont enfermées volontairement de jolies filles qui ne pourraient jouer le rôle de vestales que dans l'opéra de Spontini. Cette expression, qui sort du _Romancero_, est toujours employée par le peuple. ABCÈS, s. m. Homme au visage boursouflé, au nez à bubelettes, sur lequel il semble qu'on n'oserait pas donner un coup de poing,--de peur d'une éruption purulente. On a dit cela de Mirabeau, et on le dit tous les jours des gens dont le visage ressemble comme le sien à une tumeur. ABÉLARDISER, v. a. Mutiler un homme comme fut mutilé par le chanoine Fulbert le savant amant de la malheureuse Héloïse. C'est un mot du XIIIe siècle, que quelques écrivains modernes s'imaginent avoir fabriqué; on l'écrivait alors _abaylarder_,--avec la même signification, bien entendu. ABÉQUER, v. a. Nourrir quelqu'un, lui donner la _béquée_,--dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un oiseau. ABÉQUEUSE, s. f. Nourrice ou maîtresse d'hôtel. ABIGOTIR (S'). v. réfl. Devenir _bigot_, hanter assidûment les églises après avoir hanté non moins assidûment d'autres endroits,--moins respectables. Le mot a trois ou quatre cents ans de noblesse. ABLOQUER ou ABLOQUIR, v. n. Acheter,--dans l'argot des voleurs, qui n'achètent cependant presque jamais, excepté en _bloc_, à l'étalage des marchands. ABOMINER, v. a. Avoir de l'aversion pour quelque chose et de l'antipathie pour quelqu'un,--ce que dit clairement l'étymologie de ce mot: _ab_, hors de, et _omen_, d'_omentum_, estomac. Expression du vieux français et des jeunes Parisiens. ABONNÉ AU GUIGNON (Être). Être poursuivi avec trop de régularité par la déveine. Argot des faubouriens. ABOULER, v. a. Donner, remettre à quelqu'un. Argot des voyous. Signifie encore Venir, Arriver sans délai, précipitamment, comme une _boule_. ABOYEUR, s. m. Crieur public ou particulier qui se tient dans les marchés ou à la porte des théâtres forains. ABRACADABRA, adv. D'une manière bizarre, décousue, folle,--dans l'argot du peuple, qui a conservé ce mot du moyen âge en oubliant à quelle superstition il se rattache. Les gens qui avaient foi alors dans les vertus magiques de ce mot l'écrivaient en triangle sur un morceau de papier carré, qu'ils pliaient de manière à cacher l'écriture; puis, ayant piqué ce papier en croix, ils le suspendaient à leur cou en guise d'amulette, et le portaient pendant huit jours, au bout desquels ils le jetaient derrière eux, dans la rivière, sans oser l'ouvrir. Le charme qu'on attachait à ce petit papier opérait alors,--ou n'opérait pas. _Faire une chose abracadabra._ Sans méthode, sans réflexion. ABRACADABRANT, E, adj. Etonnant, extraordinaire, merveilleux, _épatant_,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression à _l'abracadabra_ du Romantisme. «Satan vous verra. De vos mains grossières, Parmi des poussières, Ecrivez, sorcières, _Abracadabra_!» dit Victor Hugo dans la pièce des _Odes et Ballades_ intitulée le Sabbat. Cet _abracadabra_ était en effet assez singulier, et je comprends qu'on l'ait raillé en en faisant un adjectif,--sans se douter que depuis longtemps le peuple en avait fait un adverbe. ABREUVOIR, s. m. Cabaret,--d'où l'on sort plus altéré qu'on n'y est entré. D'où l'expression proverbiale: _Un bon cheval va bien tout seul à l'abreuvoir_, pour dire: Un ivrogne n'a pas besoin d'y être invité pour aller au cabaret. ABRUTI, s. m. Élève assidu, acharné à l'étude,--dans l'argot des Polytechniciens, dont la plupart sont encore trop jeunes pour ne pas être un peu fous. ABS, s. m. Apocope d'_Absinthe_, créée il y a quelques années par Guichardet, et aujourd'hui d'un emploi général. Les apocopes vont se multiplier dans ce Dictionnaire. On en trouvera à chaque page, presque à chaque ligne: _abs_, _achar_, _autor_, _aristo_, _eff_, _délass-com_, _démoc_, _poche_, _imper_, _rup_, _soc_, _liquid_, _bac_, _aff_, _Saint-Laz_, etc., etc., etc. Il semble, en effet, que les générations modernes soient pressées de vivre qu'elles n'aient pas le temps de prononcer les mots entiers. ABSINTHAGE, s. m. Action de boire l'absinthe, ou de la _faire_. ABSINTHE (Faire son). Verser de l'eau sur l'absinthe, afin de la précipiter et de développer en elle cette odeur qui grise tant de cerveaux aujourd'hui. Signifie aussi Cracher en parlant. On a dit à propos d'un homme de lettres connu par son bavardage et ses postillons: «X... demande son absinthe, on la lui apporte, il parle art ou politique pendant un quart d'heure,--et son absinthe est faite.» ABSINTHE (Heure de l'). Le moment de la journée où les Parisiens boivent de l'absinthe dans les cafés et chez les liquoristes. C'est de quatre à six heures. ABSINTHER (S'), v. réfl. S'adonner à l'absinthe, faire sa boisson favorite de ce poison. ABSINTHEUR, s. m. Buveur d'absinthe. ABSINTHIER, s. m. Débitant d'absinthe, c'est-à-dire de poison. ABSORBER, v. n. et a. Manger ou boire abondamment. ABSORPTION, s. f. Cérémonie annuelle qui a lieu à l'Ecole polytechnique, et «qui a été imaginée, dit Emile de la Bédollière, pour dépayser les nouveaux, les initier aux habitudes de l'Ecole, les accoutumer au tutoiement». Le nom a été donné à cette fête de réception, parce qu'elle précède ordinairement l'_absorption_ réelle qui se fait dans un restaurant du Palais-Royal, aux dépens des _taupins_ admis. ACABIT DE LA BÊTE, s. m. Bonne ou mauvaise qualité d'une chose ou d'une personne. Argot du peuple. _Être de bon acabit._ Avoir un excellent caractère, ou jouir d'une excellente santé. ACAGNARDER (S'), v. réfl. Se plaire dans la solitude, vivre dans son _coin_, comme un vieux _chien_ las d'aboyer à la lune et de courir après les nuages,--ce gibier que nous poursuivons tous sans pouvoir même en jouir comme Ixion. J'ai souligné à dessein _coin_ et _chien_: c'est la double étymologie de ce verbe, que n'osent pas employer les gens du bel air, quoiqu'il ait eu l'honneur de monter dans les carrosses du roi Henri IV. (V. les lettres de ce prince.) _S'acagnarder_ vient en effet du latin _canis_, chien, ou du vieux français _cagnard_, lieu retiré, solitaire,--coin. On dit aussi _s'acagnarder dans un fauteuil_. ACALIFOURCHONNER (S'), v. réfl. Se mettre à califourchon sur n'importe quoi,--dans l'argot du peuple, qui parle comme Cyrano de Bergerac écrivait. ACCENTUER SES GESTES, v. a. Donner un soufflet ou un coup de poing,--ce qui est une manière de se prononcer suivant les règles de l'accent tonique. ACCESSOIRES, s. m. pl. Matériel servant à meubler la scène; tous les objets dont l'usage est nécessaire à l'action d'une pièce de théâtre, depuis la berline jusqu'à _la croix de ma mère_. Les acteurs emploient volontiers ce mot dans un sens péjoratif et comme point de comparaison. Ainsi, du _vin d'accessoires_, un _poulet d'accessoires_, etc., sont du mauvais vin, un poulet artificiel, etc. ACCOLADE, s. f. C'était jadis un baiser que recevait sur la joue gauche l'homme qu'on ordonnait chevalier; c'est aujourd'hui un soufflet que peut recevoir tout le monde sur n'importe quelle joue. ACCOMMODER QUELQU'UN A LA SAUCE PIQUANTE, v. a. Se moquer de lui,--et même se livrer sur sa personne à des voies de fait désagréables. ACCOMMODER QUELQU'UN AU BEURRE NOIR, v. a. Lui pocher les yeux à coups de poing. ACCORDÉON, s. m. Chapeau Gibus,--dans l'argot des faubouriens, par allusion au soufflet placé à l'intérieur de ce chapeau. Se dit aussi d'un chapeau ordinaire sur lequel on s'est assis par mégarde. ACCOUCHER, v. n. Avouer,--dans l'argot du peuple. _Accoucher de quelque chose._ Divulguer un secret; faire paraître un livre; prendre un parti. ACCOUFFLER (S'). v. réfl. S'accroupir, s'asseoir sur les talons,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot aux patois du Centre, où l'on appelle _couffles_ des balles de coton, sièges improvisés. On dit aussi _s'accrouer_. ACCROCHE-COEURS, s. m. pl. Petites mèches de cheveux bouclées que les femmes fixent sur chaque tempe avec de la bandoline, pour donner du piquant à leur physionomie. Les faubouriens donnent le même nom à leurs favoris,--selon eux irrésistibles sur le beau sexe, comme les favoris temporaux du beau sexe sont irrésistibles sur nous. ACCROCHER, v. a. Engager quelque chose au mont-de-piété. Argot des faubouriens. A CHAILLOT! Exclamation populaire, passée dans l'argot des drôlesses de Breda-Street, et par laquelle on se débarrasse de quelqu'un qui gêne. ACHETOIRES, s. m. pl. Argent,--dans le même argot. Maurice Alhoy trouvait le mot trivial. Il est au contraire charmant et bien construit. Montaigne n'a-t-il pas écrit: «Je n'ai pas de gardoire»? Garder, _gardoire_; acheter, _achetoires_. ACOEURER, v. a. Accommoder, arranger de bon _cœur_. Argot des voleurs. ACRÉE ou ACRIE, s. f. Méfiance, cousine germaine de l'_acrimonie_. Même argot. _Acrée donc!_ Cette interjection, qui signifie «Tais-toi!» se jette à voix basse pour avertir qu'un nouvel arrivant est ou peut être suspect. On dit aussi _Nibé donc!_ ACTEUR-GUITARE, s. m. Acteur qui ne varie pas assez ses effets et n'obtient d'applaudissements que dans certains rôles larmoyants, par exemple Bouffé et Mme Rose Chéri. Argot des coulisses. ACTIONNAIRE, s. m. Homme crédule et simple, qui s'imagine que tout ce qu'on lui raconte est arrivé, que toutes les offres qu'on lui a faites sont sincères, etc. Argot des gens de lettres. ADDITION, s. f. Ce que nos pères appelaient la _carte à payer_, ce que les paysans appellent le _compte_, et les savants en goguettes le _quantum_. ADJECTIVER QUELQU'UN, v. a. Lui adresser des injures, qui ne peuvent être en effet que des adjectifs. ADROIT DU COUDE, adj. m. Qui a plus l'habitude de boire que celle de travailler. Argot du peuple. AFF, s. f. pl. Apocope d'_Affaires_,--dans l'argot des petites dames. AFFAIRE, s. f. Vol à commettre. Argot des prisons. AFFAIRE (Avoir son). Avoir son compte, soit dans un duel, soit dans un souper,--être presque tué ou presque gris. Argot du peuple. AFFAIRE JUTEUSE, s. f. D'un bon rapport. Argot des Mercadets. AFFAIRES, s. f. pl. Se dit de l'indisposition _menstruelle_ des femmes. Argot des bourgeois. AFFALER (S'). Tomber,--dans l'argot du peuple. AFFE, s. f. La vie,--dans l'argot des voleurs, qui me font l'effet d'avoir à dessein confondu avec _affres_, leur existence étant un perpétuel effroi de la justice et des gendarmes. _Eau d'affe_, Eau-de-vie. AFFOLER, v. a. Accabler de coups, blesser, endommager,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_à_ et _fouler_) et à la tradition: «Vous nous affolerez de coups, monsieur, cela est sûr,» dit Rabelais. «..... Ce qui me console, C'est que la pauvreté comme moi les affole,» dit Mathurin Regnier. AFFOURCHER SUR SES ANCRES (S'), v. réfl. Prendre du repos; se retirer du service. Argot des marins. AFFRANCHI, s. et adj. Corrompu, qui a cessé d'être honnête. Argot des voleurs. AFFRANCHIR, v. a. Initier un homme aux mystères du métier de voleur, faire d'un voyou un grinche. AFFRANCHIR, v. a. Châtrer,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Couper_. AFFRANCHISSEUR, s. m. Homme qui rend hongres les animaux entiers. On dit aussi _Coupeur_. AFFRES, s. m. pl. Reproches,--dans l'argot du peuple. L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne. AFFUR, s. m. Profit,--dans l'argot des voleurs. Le mot vient en ligne droite de _ad furem_ (même signification), qui vient lui-même du _fur_ (voleur de nuit), de Cicéron. AFFURER, v. a. Tromper, faire un profit illicite. AFFUT (D'). Rusé, malin, habile. Argot du peuple. On dit aussi _homme d'affût_. AFFÛTER, v. a. Tromper quelqu'un, le surprendre. Argot des voleurs. AFFUTER SES PINCETTES. Courir, ou seulement marcher. Argot des faubouriens. AFFUTIAUX, s. m. pl. Bagatelles, brimborions quelconques,--dans l'argot des ouvriers, qui ont emprunté cette expression au patois des paysans. AGATE, s. f. Faïence quelconque,--dans l'argot des voleurs. AGATER, v. n. Recevoir des coups, être pris,--_étrenner_ de n'importe quelle façon. Argot des faubouriens. AGOBILLE, s. f. Outil,--dans l'argot des voleurs. AGONIR, v. n. Accabler d'injures et de sottises. Argot des bourgeois et du peuple. Ne serait-ce pas une corruption d'_abonir_, faire honte, un vieux verbe français encore employé en Normandie ainsi qu'_agonir_. On dit aussi _Agoniser_. AGOUA, s. f. Eau,--dans l'argot des canotiers, qui parlent espagnol (_agua_) on ne sait pas pourquoi. AGRAFER, v. a. Arrêter, consigner. Argot des soldats et du peuple. _Se faire agrafer._ Se laisser prendre. AGRIPPER, v. a. Prendre à l'improviste, subitement. Argot du peuple. Signifie aussi filouter, dérober adroitement. _Agripper_ (S'). Se prendre aux cheveux avec quelqu'un. AHURI DE CHAILLOT, s. m. Imbécile, homme un peu _braque_. Argot des faubouriens. (V. _A Chaillot!_) AÏ, s. m. Vin de Champagne,--dans l'argot des vaudevillistes de la Restauration. AIDE-CARGOT, s. m. Aide de cuisine,--dans l'argot des troupiers, par corruption d'_aide-gargot_. AIE-AIE, s. m. Omnibus,--dans l'argot des faubouriens. AIGLEFIN, s. m. Chevalier d'industrie, escroc du grand et du petit monde, vivant aux dépens de quiconque l'écoute. C'est à dessein que je donne cette orthographe, qui est aussi véritable,--c'est-à-dire aussi problématique,--que l'orthographe officielle, _aigrefin_. Le peuple prononce le nom comme je l'écris: est-ce par euphonie, est-ce par tradition? je l'ignore, et les savants n'en savent pas plus que moi là-dessus «_Aigre faim_, faim très vive (homme affamé)», dit Littré. Sans doute, mais il y a eu jadis une monnaie dite _aiglefin_, et les escrocs ne sont pas moins affamés d'argent que d'autre chose. AIGUILLE, s. f. Clé,--dans l'argot des voleurs. AILE, s. f. Bras,--dans l'argot des faubouriens, l'homme étant considéré par eux comme une oie. On dit aussi _Aileron_. AIMANT, s. m. Embarras, manières, _épate_. Même argot. _Faire de l'aimant._ Faire des embarras, protester hypocritement de son amitié pour quelqu'un, afin de l'_attirer_ à soi. AIMER A CRÉDIT, s. a. Être l'amant de cœur d'une femme entretenue,--dans l'argot de Breda-Street, où cependant, «Tout en chantant Schubert et Webre, On en vient à réaliser L'application de l'algèbre A l'amour, à l'âme, au baiser.» On dit aussi _Aimer à l'œil_. AIMER QUELQU'UN COMME SES PETITS BOYAUX, v. a. l'aimer extrêmement.--Argot du peuple. On dit aussi _Aimer quelqu'un comme la prunelle de ses yeux_. A LA CLÉ. Façon de parler explétive des comédiens, qui entendent fréquemment leur chef d'orchestre leur dire: «Il y a trois dièzes ou trois bémols à la clé,» et qui ont retenu l'expression sans en comprendre le sens exact. Ainsi: _Il y a des femmes_, ou _des côtelettes à la clé_, signifie simplement: Il y a des femmes,--ou des côtelettes. ALARMISTE, s. m. Chien de garde. Argot des voleurs. ALÈNES, s. f. pl. Outils de voleur, en général,--sans doute à cause de leur forme subulée. ALENTOIR, adv. Aux environs, _alentour_. Argot des voleurs. ALIGNER, v. n. Mettre le couvert,--dans l'argot des francs-maçons. ALIGNER (S'). Se battre en duel,--dans l'argot des troupiers. ALLER (S'en). Vieillir,--dans l'argot de Breda-Street, où l'on s'en va aussi vite que les roses. ALLER A LA CHASSE AVEC UN FUSIL DE TOILE, v. n. Mendier, porter la besace. Argot du peuple. ALLER A LA COUR DES AIDES. Se dit d'une femme qui trompe son mari en faveur d'un ou de plusieurs amants. L'expression date de l'_Histoire comique de Francion_. ALLER A L'ARCHE, v. n. Aller chercher de l'argent. Argot des voyous. ALLER A LA RETAPE, v. n. Attendre quelqu'un sur une route pour l'assassiner. Argot des prisons. ALLER A L'ASTIC. Astiquer son fourniment. Argot des soldats. ALLER A NIORT, v. a. _Nier_,--dans l'argot des voleurs, qui semblent avoir lu les _Contes d'Eutrapel_. ALLER A SES AFFAIRES. Ce que les Hébreux appellent _hesich raglaw_, les Anglais _to shit_, les Espagnols _cagar_, les Flamands _schijten_, les Italiens _cacare_, et les Grecs [grec: chezein]. «Autrefois, chez le roi, on appelait chaise d'affaires, la chaise percée, et brevet d'affaires le privilège d'entrer dans le lieu où le roi est sur sa chaise d'affaires.» ALLER AU CARREAU, v. n. Aller pour se faire engager,--dans l'argot des musiciens de barrières, qui chaque dimanche ont l'habitude de se réunir sur le trottoir de la rue du Petit-Carreau, où les chefs d'orchestre savent les rencontrer. ALLER AU PERSIL. Sortir pendant le jour, aller se promener,--dans l'argot des filles libres, qui, à leur costume de grisettes d'opéra-comique, ajoutent l'indispensable petit panier pour avoir l'air d'acheter... rien du tout, le persil se donnant pour rien chez les fruitières, mais en réalité pour se faire suivre par les flâneurs amoureux. On dit également: _Cueillir du persil_ et _Persiller_. ALLER AU POT. Prendre dans des dominos restants. Argot des joueurs. On dit aussi _Fouiller au pot_. ALLER AU SAFRAN, v. n. Manger son bien,--dans l'argot des bourgeois qui disent cela depuis longtemps. ALLER AU TROT, v. n. Se dit--dans l'argot des faubouriens--d'une fille en toilette de combat qui va «faire le boulevard». ALLER AU VICE. Hanter les mauvais lieux,--dans l'argot des bourgeois. ALLER AUX PRUNEAUX. Plaisanterie qu'on fait à l'hôpital, à tout nouveau venu qui paraît un peu naïf; elle consiste à l'engager à aller demander son dessert dans une salle voisine, à tels ou tels malades qu'on désigne. Celui qui a l'imprudence d'aller aux pruneaux est alors accueilli à coups de traversin, comme l'innocent qui va le 1er avril chez l'épicier chercher de l'huile de cotrets est accueilli à coups de balai. ALLER DE SA LARME (Y). Ne pas craindre de se montrer ému, au théâtre ou dans la vie, à propos d'un événement touchant, réel ou fictif. Argot des gens de lettres et des faubouriens. ALLER EN RABATTANT. Vieillir, sentir ses forces s'épuiser. Argot du peuple. ALLER FAIRE FAIRE (S'). Expression injurieuse--de l'argot des bourgeois par laquelle on se débarrasse de quelqu'un qui vous gêne ou vous ennuie. Le second verbe _faire_ en remplace un autre qui est tantôt _paître_, tantôt un autre plus énergique. ALLER OÙ LE ROI VA A PIED. V. Aller à ses affaires dans l'argot du peuple. C'est précisément pour y avoir été que Henri III fut blessé mortellement par Jacques Clément, qui le frappa sur sa chaise d'affaires. ALLER QUE D'UNE FESSE (N'). Se dit--dans le même argot--de quelqu'un qui n'est pas très bien portant, ou de quelque affaire qui ne marche pas à souhait de celui qui l'a entreprise. C'est l'ancienne expression, plus noble: _N'aller que d'une aile_. ALLER SON PETIT BONHOMME DE CHEMIN. Aller doucement; se conduire prudemment--pour aller longtemps. ALLER SUR UNE JAMBE (Ne pas s'en). Boire un second verre ou une seconde bouteille,--dans l'argot des ouvriers, qui ont une manière à eux de marcher et de faire marcher les gens. ALLER VOIR DÉFILER LES DRAGONS. Dîner par cœur, c'est-à-dire ne pas dîner du tout,--dans l'argot du peuple, qui se rappelle le temps où, ne pouvant repaître son ventre, il allait repaître ses yeux, sous la République, des hussards de la guillotine, et sous l'Empire des dragons de l'Impératrice. Qui admire, dîne! ALLER VOIR MORICAUD, v. n. Aller au Dispensaire,--dans l'argot des filles, qui disent cela depuis une vingtaine d'années, par allusion au nom de M. _Marécot_, sous-chef du bureau des mœurs, chargé de statuer sur le sort des visitées, après le rapport du médecin visiteur M. Denis. Elles disent aussi _Aller à saint_ DENIS. Les femmes corrompues corrompent naturellement tout--jusqu'aux noms des gens avec qui elles sont en contact. ALLEZ DONC VOUS LAVER! Interj. de l'argot des voyous, pour signifier: Allez-vous-en donc! vous me gênez! On dit aussi _Allez donc vous asseoir_! ALLIANCES, s. f. pl. Poucettes avec lesquelles les gendarmes joignent les mains des malfaiteurs pour gêner leurs mouvements. ALLONGER (S'). Payer, _se fendre_,--dans l'argot des faubouriens. ALLUMÉ (Être). Être sur la pente de l'ivresse, soit parce qu'on a bu plus que de raison, soit parce qu'on a trop regardé une jolie fille. Même argot. ALLUMER, v. n. Exciter un cheval à coups de fouet. Argot des cochers. ALLUMER, v. a. Provoquer l'admiration; jeter le trouble dans le cœur d'un homme, comme font certaines femmes avec certains regards. Se dit aussi du boniment que font les saltimbanques et les marchands forains pour exciter la curiosité des badauds. L'expression est vieille. ALLUMER, v. a. et n. Voir, regarder,--dans l'argot des voleurs. _Allumer le miston._ Regarder quelqu'un sous le nez. _Allumer ses clairs._ Regarder avec attention. ALLUMER SON PÉTROLE, v. a. S'enflammer l'imagination,--dans l'argot des petites dames, qui savent combien l'homme est inflammable. On dit aussi _Allumer son gaz_,--ce qui, en effet, est une manière de prendre feu. ALLUMEUR, s. m. Compère, homme qui fait de fausses enchères,--dans l'argot des habitués de l'hôtel Drouot. ALLUMEUSE, s. f. _Marcheuse_, dans l'argot des filles. ALPAGA, s. m. Habit, dans l'argot des voleurs et des faubouriens. ALPHONSE, s. m. Nom d'homme qui est devenu--dans l'argot des filles--celui de tous les hommes assez peu délicats pour se laisser aimer et payer par elles. ALPIOU, s. m. Homme qui triche au jeu,--par allusion au nom donné autrefois à la marque que l'on faisait à sa carte en jouant à la bassette. ALTÈQUE, ad. Beau, brave, excellent,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot (_altus_) à Virgile. AMADOU, s. m. «C'est dequoy les argotiers se frottent pour se faire devenir jaunes et paraistre malades,»--c'est-à-dire pour amadouer et tromper les bonnes âmes. AMADOU, s. et adj. Homme qui prend aisément feu--afin d'être aimé, _amatus_. Argot du peuple. AMADOUAGE, s. m. Mariage--dans l'argot des voleurs. AMADOUÉ, s. m. Homme marié. AMADOUER (S') v. réfl. Se grimer pour tromper. Même argot. AMANDES DE PAIN D'ÉPICE, s. f. pl. Dents noires et rares. Argot des faubouriens. L'expression a été employée par le duc de Grammont-Caderousse qui, le soir de la 1re représentation du _Cotillon_, au Vaudeville, avait cassé trois dents à un quidam. AMANT DE CARTON, s. m. Amant sans conséquence,--dans l'argot des petites dames. AMANT DE COEUR, s. m. Jeune monsieur qui aime une jeune dame aimée de plusieurs autres messieurs, et qui, le sachant, ne s'en fâche pas,--trouvant au contraire très glorieux d'avoir pour rien ce que ses rivaux achètent très cher. C'est une variété du Greluchon au XVIIIe siècle. On disait autrefois: _Ami de cœur_. AMATEUR, s. m. Bourgeois,--dans l'argot des troupiers. AMATEUR, s. m. Homme du monde qui ne fait pas payer sa _copie_. Argot des gens de lettres. AMBASSADEUR, s. m. Cordonnier--dans l'argot des voyous. Se dit aussi pour Souteneur de filles. AMBES, s. f. pl. Les jambes--dans l'argot des voleurs, qui serrent de près une étymologie: [grec: amphô] en grec, _ambo_ en latin, d'où _ambes_ dans l'ancien langage français,--trois mots qui ont la même signification, _deux_: les jambes vont par paire. AMBIER, v. n. Fuir, jouer des _ambes_. AMÉRICAIN, s. m. Compère du _jardinier_ dans le vol appelé _charriage_. AMÉRICAINE, s. f. Voiture découverte à quatre roues. Argot des carrossiers. AMICABLEMENT, adv. Avec plaisir, affectueusement, de bonne amitié,--dans l'argot du peuple, dont les bourgeois auraient tort de rire. Je ne conseille à personne de cesser de prononcer _amicalement_; mais je trouve qu'en prononçant _amicablement_, les ouvriers serrent de plus près l'étymologie, qui est _amicabilis_, amicable. _Amicabilem operam dare_, dit Plaute, qui me rend un service d'ami en venant ainsi à la rescousse. AMIS COMME COCHONS, s. m. pl. Inséparables. AMITEUX, adj. Amical, aimable, doux, bon. AMOCHER, v. a. Blesser, meurtrir. Argot des faubouriens. _S'amocher la gueule._ Se meurtrir mutuellement le visage à coups de poing. AMOUR D'HOMME, s. m. Homme dont raffolent les femmes--dans l'argot de Breda-Street, où M. Taine devrait bien aller faire son cours d'esthétique, car on y a des idées biscornues sur la beauté et sur l'amour. AMUNCHE, s. m. Ami,--dans l'argot des voleurs. AMUSATIF, adj. Drôle, plaisant, _amusant_,--dans l'argot des faubouriens. AMUSER A LA MOUTARDE (S'), v. réfl. Se laisser distraire de son devoir ou de sa besogne par des niaiseries, des frivolités--dans l'argot du peuple, qui trouve sans doute que la vie pourrait se passer de ces condiments. ANCIEN, s. m. Élève de première promotion,--dans l'argot des Saint-Cyriens et des Polytechniciens. ANDALOUSERIE, s. f. Romance mi-cavalière, mi-sentimentale, comme on en chante dans les cafés-concerts, et où il est toujours question du «beau ciel de l'Andalousie», des «beaux yeux des brunes Andalouses», et où le héros s'appelle toujours Pédro et l'héroïne Paquita. Argot des bourgeois. ANDOUILLE, s. m. Homme sans caractère, sans énergie,--dans l'argot du peuple, qui emprunte volontiers ses comparaisons à la charcuterie. ANGE GARDIEN, s. m. Homme dont le métier--découvert, ou tout au moins signalé pour la première fois par Privat d'Anglemont--consiste à reconduire les ivrognes à leur domicile pour leur éviter le désagrément d'être écrasés ou dévalises--par d'autres. ANGLAIS, s. m. Créancier,--dans l'argot des filles et des bohèmes, pour qui tout homme à qui l'on doit est un ennemi. Le mot est du XVe siècle, très évidemment, puisqu'il se trouve dans Marot; mais très évidemment aussi, il a fait le plongeon dans l'oubli pendant près de trois cents ans, puisqu'il ne paraît être en usage à Paris que depuis une trentaine d'années. ANGLAIS, s. m. Entreteneur,--dans l'argot des petites dames, qui donnent ce nom à tout galant homme tombé dans leurs filets, qu'il soit né sur les bords de la Tamise ou sur les bords du Danube. Elles ajoutent à leur manière des pages nombreuses à notre livre des _Victoires et Conquêtes_. ANGLAIS (Avoir ses). Avoir ses _menses_,--dans l'argot des filles, qui font ainsi allusion à la couleur de l'uniforme des soldats d'Albion. Elles disent aussi: _Les Anglais ont débarqué_. ANGLAISE, s. f. Écot, part de chacun dans une affaire ou dans un dîner. Argot des saltimbanques. _Faire une anglaise._ Payer chacun son écot. ANGLAISE, s. f. Jeu de gouapeurs qui consiste à jeter les sous de chacun et à garder pour soi les faces; un second prend les piles qui restent et rejette, etc. _Jouer à l'anglaise._ Jouer aux sous. ANGLUCE, s. f. Oie,--dans l'argot des voleurs. ANGOULÊME, s. f. La bouche--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot à l'argot du peuple, par corruption du verbe français _engouler_, avaler, et non, comme le voudrait M. Francisque Michel, par une allusion plus ou moins ingénieuse et plus ou moins fondée à la réputation de goinfrerie de la capitale de l'Angoumois. ANGUILLE, s. f. Ceinture,--dans l'argot des voleurs. ANGUILLE, s. f. Fouet à sabot,--dans l'argot des enfants. ANONCHALI, adj. Découragé, abattu par l'ennui ou le chagrin--dans l'argot du peuple, fidèle à la tradition du vieux langage. ANSE, s. f. Bras,--dans l'argot des faubouriens. _Offrir son anse._ Offrir son bras. _Faire le panier à deux anses._ Se promener avec une femme à chaque bras. ANSES, s. f. pl. Oreilles,--parce qu'elles sont de chaque côté de la tête comme les anses de chaque côté d'un pot. ANTIF, s. m. Marche,--dans l'argot des voleurs. _Battre l'antif._ Marcher. Signifie aussi Tromper, dissimuler. ANTIFFE, s. f. Eglise,--dans le même argot. On dit aussi _Antiffle_ et _Antonne_. ANTIFFLER, v. n. Se marier à l'église. ANTIPATHER, v. a. Avoir de l'aversion, de l'antipathie pour quelqu'un ou pour quelque chose. Argot des lorettes et des bourgeoises. Le mot est de Gavarni. ANTIQUE, s. m. Élève qui sort de l'Ecole. Argot des Polytechniciens. ANTONISME, s. m. Maladie morale introduite dans nos mœurs par Alexandre Dumas, vers 1831, époque de la première représentation d'_Antony_, et qui consistait à se poser en homme fatal, en poitrinaire, en victime du sort, le tout avec de longs cheveux et la face blême. Cette maladie, combattue avec vigueur par le ridicule, ne fait presque plus de ravages aujourd'hui. Cependant il y a encore des voltigeurs du Romantisme comme il y a eu des voltigeurs de la Charte. ANTONY, s. m. Un nom d'homme qui est devenu un type, celui des faux poitrinaires et des poètes incompris. APASCLINER (S'), v. réfl. S'acclimater,--dans l'argot des voleurs. (V. _Paclin_.) APIC, s. m. Ail,--dans le même argot. APLOMBER, v. a. Étonner, étourdir par son aplomb. Même argot. APOPLEXIE DE TEMPLIER, s. f. Coup de sang provoqué par une ingestion exagérée de liquide capiteux. Argot du peuple. APOTHICAIRE SANS SUCRE, s. m. Ouvrier qui est mal outillé; marchand qui est mal fourni des choses qui concernent son commerce. APÔTRES, s. m. pl. Les doigts de la main,--dans l'argot des voleurs, qui font semblant d'ignorer que les disciples du Christ étaient douze. APPAREILLER, v. n. Sortir, se promener,--dans l'argot des marins. APPAS, s. m. pl. Gorge de femme,--dans l'argot des bourgeois. APPELER AZOR, v. a. Siffler un acteur comme on siffle un chien. Argot des comédiens. APPLIQUE, s. f. Partie de décors qui se place à l'entrée des coulisses, sur les portants. Même argot. APPRENTI, s. m. Premier grade de la maçonnerie symbolique. APPRENTIF, s. m. Jeune garçon qui apprend un métier,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_Apprehendivus_) et à la tradition: «Aprentif jugleor et escrivain marri,» dit le _Roman de Berte_. APPUYER, v. a. et n. Abaisser un décor, le faire descendre des frises sur la scène. Argot des coulisses. (V. _Charger_.) APPUYER SUR LA CHANTERELLE, v. n. Toucher quelqu'un où le bât le blesse; prendre la cigale par l'aile: insister maladroitement sur une chose douloureuse, souligner une recommandation. Argot du peuple. AQUIGER, v. a. Prendre,--dans l'argot des faubouriens. Cependant ils disent plus volontiers _quiger_, et quelquefois ils étendent le sens de ce verbe selon la nécessité de leur conversation. AQUIGER, v. a. Battre, blesser,--dans l'argot des voleurs. AQUIGER, v. a. Faire,--dans le même argot. _Aquiger les brêmes._ Faire une marque aux cartes à jouer, pour les reconnaître et les filer au besoin. ARABE, s. et adj. Homme dur, inexorable,--dans l'argot du peuple, qui se sert de cette expression depuis plus d'un siècle. ARBALÈTE, s. f. Croix de femme, dite à la _Jeannette_. Argot des voleurs. _Arbalète d'antonne._ Croix d'église. Ils disent aussi _Arbalète de chique_, _arbalète de priante_. ARBIF, s. m. Homme violent, en colère, qui _se rebiffe_. Même argot. ARCASIEN ou ARCASINEUR, s. m. Voleur qui se sert de l'_arcat_ pour escroquer de l'argent aux personnes timides autant que simples. On dit aussi _Arcase_. ARCAT, s. m. Escroquerie commise au moyen _de lettres de Jérusalem_. (V. ce mot.) ARCHE DE NOÉ, s. f. L'Académie française,--dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas qu'ils se permettent une impertinence inventée par Claude Le Petit, un poète brûlé en Grève pour moins que cela. ARCHIPOINTU, s. m. Archevêque.--dans l'argot des voleurs, qui ont trouvé plaisant de travestir ainsi le mot _archi-épiscopus_. ARCHI-SUPPÔT DE L'ARGOT, s. m. Docteur ès filouteries. ARÇONNER, v. a. Parler à quelqu'un, l'apostropher, le forcer à répondre. Argot des voleurs. Pierre Sarrazin avait déjà employé ce mot dans le même sens, en l'écrivant ainsi: _arresoner_; je l'ai cherché en vain dans les dictionnaires. D'un autre côté, les voleurs disent: _Faire l'arçon_, pour signifier: Faire le signal de reconnaissance ou d'avertissement, qui est, paraît-il, le bruit d'un crachement et le dessin d'un C sur la joue droite, près du menton, avec le pouce de la main droite. ARCPINCER ou ARQUEPINCER, v. a. Prendre, saisir quelqu'un ou quelque chose. Argot des faubouriens. ARDENT, s. m. Chandelle,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté cette expression, avec tant d'autres, à l'argot des Précieuses. ARDENTS, s. m. pl. Les yeux,--dans le même argot. ARGENT MIGNON, s. m. Argent destiné à satisfaire des curiosités ou des vanités,--dans l'argot des bourgeoises, à qui le superflu est nécessaire, et qui, plutôt que de s'en passer, le demanderaient à d'autres qu'à leur mari. ARGOT, s. m. Imbécile,--dans le langage des voleurs. ARGOTIER, s. m. Voleur,--dont l'_argot_ est la langue naturelle. ARGUCHE, s. m. Argot. _Arguche_, _arguce_, argutie. Nous sommes bien près de l'étymologie véritable de ce mot tant controversé: nous _brûlons_, comme disent les enfants. ARGUEMINE, s. f. Main,--dans l'argot des voleurs. ARISTO, s. des deux g. Apocope d'_Aristocrate_, qui, depuis 1848, signifie Bourgeois. Réactionnaire, etc.,--dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas que ce mot signifie le _meilleur_, l'_excellent_, [grec: aristos]. Ils disent _aristo_ pour aristocrate, comme sous la Fronde les pamphlétaires disaient _Maza_ pour Mazarin. ARLEQUIN, s. m. Plat à l'usage des pauvres, et qui, composé de la desserte des tables des riches, offre une grande variété d'aliments réunis, depuis le morceau de nougat jusqu'à la tête de maquereau. C'est une sorte de carte d'échantillons culinaires. ARMÉE ROULANTE, s. f. La chaîne des forçats,--supprimée depuis une cinquantaine d'années. ARNACHE, s. m. Agent de police,--dans l'argot des voleurs. ARNACHE, s. f. Tromperie, trahison, dans l'argot des voyous. _A l'arnache._ En trompant de toute manière. _Être à l'arnache._ Être rusé, tromper les autres et ne jamais se laisser tromper par eux. ARNAU, s. m. Mauvaise humeur,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. C'est une contraction de _Renauder_. ARNELLE, n. de l. Rouen,--dans l'argot des voleurs. ARNELLERIE, s. f. Rouennerie. ARPAGAR, n. de l. Arpajon, près Paris,--dans le même argot. ARPIONS, s. m. pl. Les pieds de l'homme, considérés--dans l'argot des faubouriens--comme griffes d'oiseau, à cause de leurs ongles que les gens malpropres ne coupent pas souvent. ARQUER (S'). Se courber en vieillissant. Argot du peuple. ARRACHER DU CHIENDENT, v. n. Chercher pratique, ou plutôt victime,--dans l'argot des voleurs, qui n'exercent ordinairement que dans les lieux déserts. ARRACHER SON COPEAU, v. a. Travailler courageusement, faire n'importe quelle besogne avec conscience. Argot des ouvriers. ARRÊTER LES FRAIS, v. a. Interrompre un récit; laisser une affaire en train; renoncer à poursuivre une entreprise au bout de laquelle on ne voit que de l'ennui. Argot du peuple. ARROSER SES GALONS, v. a. Offrir à boire à ses camarades quand on est reçu sous-officier. Argot des soldats. ARROSER UN CRÉANCIER, v. a. Lui donner un acompte,--dans l'argot des bohèmes, assez mauvais jardiniers. ARROSEUR DE VERDOUZE, s. m. Jardinier, dans l'argot des voleurs. ARSENAL, s. m. Arsenic,--dans le même argot. ARSOUILLE, s. m. Homme canaille par ses vêtements, ses mœurs, son langage. Argot du peuple. _Milord L'Arsouille._ Tout homme riche qui fait des excentricités crapuleuses. ARSOUILLER, v. a. et n. _Engueuler_,--dans l'argot des faubouriens. ARTHUR. Amant de cœur,--dans l'argot de Breda-Street. ARTHURINE, s. f. Femme légère,--la femelle naturelle de l'Arthur. Argot du peuple. ARTICLIER, s. m. Homme de lettres parqué dans la spécialité des articles de petits journaux. Le mot a été créé par H. de Balzac. ARTIE, s. m. Pain,--dans l'argot des voleurs, d'aujourd'hui et d'autrefois, ainsi qu'il résulte du livre d'Olivier Chéreau, _le Langage de l'Argot réformé_, publié au XVIe siècle. _Artie de Meulan._ Pain blanc. _Artie de Gros-Guillaume._ Pain noir. _Artie de Grimault._ Pain chanci. On dit aussi _Arton_ et _Lartie_. ARTILLEUR, s. m. Ivrogne, homme qui boit beaucoup de _canons_. Argot des ouvriers. ARTILLEUR A GENOUX, s. m. Infirmier militaire,--dans l'argot du peuple, qui a entendu parler des _mousquetaires à genoux_ des siècles précédents. On dit aussi _Artilleur de la pièce humide_. ARTISTE, s. m. Médecin vétérinaire,--dans l'argot des faubouriens et des paysans. ARTON. V. _Artie_. AS DE CARREAU, s. m. Le sac du troupier, à cause de sa forme. On l'appelle aussi _Azor_,--à cause de la peau de chien qui le recouvre. AS DE CARREAU, s. m. Le ruban de la Légion d'honneur,--dans l'argot des voleurs, qui font allusion à la couleur de cette décoration. ASINVER, v. a. Abêtir quelqu'un,--dans l'argot des voleurs, pour qui les honnêtes gens sont des _sinves_. ASPERGE MONTÉE, s. f. Personne d'une grandeur démesurée et, avec cela, maigre. Argot du peuple. ASPIC, s. m. Avare,--dans l'argot des voleurs. ASPIC, s. m. Mauvaise langue, bavard indiscret. Argot du peuple. ASSEOIR (S'). Tomber. _Envoyer quelqu'un s'asseoir._ Le renverser, le jeter à terre. Signifie aussi se débarrasser de lui, le congédier. ASSISTER, v. a. Porter le _pagne_ à un détenu,--dans l'argot des voleurs et des filles. ASSOCIÉE, s. f. Femme légitime. Argot des typographes. ASSOMMOIR, s. m. Nom d'un cabaret de Belleville, qui est devenu celui de tous les cabarets de bas étage, où le peuple boit des liquides frelatés qui le tuent,--sans remarquer l'éloquence sinistre de cette métaphore, que les voleurs russes semblent lui avoir empruntée, en la retournant pour désigner un gourdin sous le nom de _vin de Champagne_. ASTEC, s. m. Avorton, homme chétif,--dans l'argot du peuple. Adversaire méprisable,--dans l'argot des gens de lettres. C'est un souvenir du passage à Paris, il y a quelques années, de ces petits monstres mexicains exhibés sous le nom d'_Aztecs_. ASTIC, s. f. Epée,--dans l'argot des voleurs, qui ne se doutent pas que ce mot vient de l'allemand _stich_, chose pointue, dont on a fait _estic_, puis _astic_, et même _asti_. ASTIC, s. m. Tripoli,--dans l'argot des troupiers, qui s'en servent avec un mélange de savon, d'eau-de-vie et de blanc d'Espagne, pour nettoyer les cuivres de leur fourniment. D'où _Aller à l'astic_. ASTICOT, s. m. Vermicelle,--dans l'argot des faubouriens. ASTICOTER, v. a. Harceler quelqu'un, le contrarier, le piquer par des injures ou seulement par des épigrammes, ce qui est le forcer à un mouvement vermiculaire désagréable. Argot du peuple. ASTIQUER (S'), v. réfl. Se chamailler de paroles avant d'en venir aux voies de fait. On dit aussi _Astiquer quelqu'un_, dans le sens d'Agacer. ATELIER, s. m. L'endroit où l'on se réunit--dans l'argot des francs-maçons. ATIGER, v. a. Blesser quelqu'un avec une arme quelconque. Argot des prisons. ATOUSER, v. a. Encourager quelqu'un, lui donner de l'_atout_. Même argot. ATOUT, s. m. Courage,--parce que souvent au jeu de cartes, l'atout c'est du cœur. ATOUT, s. m. Aplomb, acquis, assurance,--dans l'argot du peuple qui sait par expérience que les gens de _cœur_ marchent volontiers le front haut, comme défiant les lâches. ATOUT, s. m. Coup plus ou moins grave que l'on reçoit en jouant--maladroitement--des poings avec quelqu'un. ATOUT, s. m. Estomac,--dans l'argot des voleurs. ATOUT, s. m. Argent, monnaie,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi capacités, talents. A TOUT CASSER. Extrêmement,--dans l'argot du peuple. ATTACHE, s. f. Boucle,--dans l'argot des voleurs. _Attaches d'huile._ Boucles de souliers en argent. _Attaches d'Orient._ Boucles en or. ATTAQUE (Être d'). v. s. Être solide, montrer du sang-froid, du courage, de la résolution dans une affaire. Argot du peuple. _Y aller d'attaque._ Commencer une chose avec empressement, avec enthousiasme. ATTENDRIR (S'), v. réfl. Arriver à cette période de l'ivresse où l'on sent des flots de tendresse monter du cœur aux lèvres. Argot des faubouriens. ATTRAPE, s. f. Plaisanterie, mensonge,--dans l'argot du peuple, qui disait cela du temps de Calvin. On dit aussi _Graine d'attrape_. ATTRAPER, v. a. _Engueuler_,--dans le même argot. _Se faire attraper._ Recevoir, sans l'avoir demandée, une bordée d'injures poissardes. ATTRAPER, v. a. _Éreinter_ un livre ou un confrère. Argot des journalistes. ATTRAPER, v. a. Siffler. Argot des coulisses. _Se faire attraper._ Recevoir des pommes crues et des sifflets. ATTRAPER L'OGNON, v. a. Recevoir un coup destiné à un autre; payer pour ceux qui ont oublié leur bourse, argot des faubouriens. On dit aussi _Attraper le haricot_ ou _la fève_,--sans doute par allusion au haricot ou à la fève qui se trouve dans le gâteau des rois, et qui met celui à qui elle échoit dans la nécessité de payer sa royauté. ATTRAPE-SCIENCE, s. m. Apprenti,--dans l'argot des typographes. ATTRIMER, v. a. Prendre, Saisir. Argot des voleurs. ATTRIQUER, v. a. Acheter des effets volés. ATTRIQUEUSE, s. f. Femme qui achète des objets volés. AUBERT, s. m. Argent,--dans l'argot des voleurs qui connaissent leur Villon, ou dont les ancêtres faisaient monnaie avec les mailles des _hauberts_, comme les enfants avec les _loques_ de cuivre. AUTEL, s. m. La table devant laquelle est assis le vénérable. Argot des francs-maçons. AUTEL DE PLUME, s. m. Le lit,--dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le témoigne ce couplet d'une vieille chanson que nos grand'mères chantaient, en s'accompagnant de l'épinette, sur l'air de _Le démon malicieux et fin_: «A Damon vous avez tout permis Pour l'hymen qu'il vous avait promis; Mais, Iris, savez-vous la coutume? Avez-vous pu l'en croire à son serment? Ceux que l'on fait sur un autel de plume Sont aussitôt emportés par le vent!» AUTEUR, s. m. Père ou mère,--dans l'argot des faubouriens et des vaudevillistes. AUTEUR BEURRIER, s. m. Ecrivain dont les productions ne se vendent pas en livres, aux lecteurs, mais à la livre, à la fruitière ou à l'épicier, qui en enveloppent leurs produits. AUTOMÉDON, s. m. Cocher,--dans l'argot des académiciens et des vaudevillistes de l'école Scribe, qui se souviennent de l'écuyer d'Achille. AUTOR ET D'ACHAR (D'). Apocope d'_Autorité_ et d'_Acharnement_, qu'on emploie,--dans l'argot des faubouriens,--pour signifier: Vivement, sans répliquer, en grande hâte. AUTRE PAIRE DE MANCHES (C'est une). C'est une autre affaire. Expression populaire usitée dès le milieu du XVIIIe siècle. AUVERPIN, s. m. Auvergnat,--dans l'argot des faubouriens, qui donnent ce nom à tous les charbonniers et à tous les commissionnaires. AVALÉ LE PÉPIN (Avoir). Être enceinte,--par allusion à la fameuse pomme dans laquelle on prétend que notre mère Eve a mordu. AVALER DES COULEUVRES, v. a. Eprouver des déceptions; essuyer des mortifications. Argot du peuple. AVALER LE LURON, v. a. Communier,--dans l'argot des voleurs, qui appellent la sainte hostie _le luron_, sans doute après l'avoir appelée _le Rond_. AVALER SA CUILLER, v. a. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Avaler sa fourchette_, _avaler sa gaffe_ et _avaler sa langue_. AVALER SON POUSSIN, v. a. Recevoir une réprimande, être congédié. Argot des peintres en bâtiment. AVALÉ UNE CHAISE PERCÉE (Avoir). Se dit dans l'argot des faubouriens,--à propos de quiconque a l'haleine homicide. AVALOIR, s. m., ou AVALOIRE, s. f. Le gosier,--dans l'argot des faubouriens, dont les pères ont chanté: «Lorsque la cruelle Atropos Aura tranché mon avaloire, Qu'on dise une chanson à boire!» AVANTAGES, s. m. pl. La gorge des femmes,--dans l'argot des bourgeois. AVANT-COURRIER, s. m. Mèche anglaise à percer. Argot des voleurs. AVANT-SCÈNES, s. f. pl. La poitrine, lorsqu'elle fait un peu saillie en avant du buste,--dans l'argot des petites dames. Balzac a dit _Avant-cœur_. AVEINDRE, v. a. Aller prendre un objet placé sur un meuble quelconque, mais un peu élevé,--dans l'argot du peuple qui a parfois l'honneur de parler comme Montaigne. Je sais bien que Montaigne se souciait peu d'écrire correctement; en tout cas, il avait raison, et le peuple aussi, d'employer ce verbe--que ne peut pas du tout remplacer _atteindre_,--car il vient bel et bien d'_advenire_. AVÈNE, s. f. Avoine,--dans l'argot des faubouriens, qui s'obstinent à parler plus correctement le français que les gens du bel air: _Avène_ ne vient-il pas d'_avena_. AVERGOT, s. m. OEuf,--dans l'argot des voleurs. AVERTINEUX, adj. m. Homme difficile à vivre, d'un caractère ombrageux à l'excès,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas qu'_avertineux_ vient d'_avertin_, et qu'_avertin_ vient d'_avertere_ (_a_ indiquant éloignement et _vertere_, tourner), «mal qui détourne l'esprit». AVESPRIR, v. n. Faire nuit,--dans le même argot, où l'on retrouve une multitude de vieilles formules pittoresques et étymologiques. _Avesprir!_ Vous voyez aussitôt se lever à l'horizon l'Etoile de Vénus,--_Vesper_ est venu! AVOCAT BÉCHEUR, s. m. Ouvrier qui médit de ses compagnons, absents ou présents. Argot des typographes. C'est aussi le nom que les voleurs donnent au procureur de la République. AVOINE, s. f. Coups de fouet donnés à un cheval pour l'exciter. Argot des charretiers. AVOIR A LA BONNE, v. a. Avoir de l'amitié ou de l'amour pour quelqu'un. Argot du peuple. AVOIR CELUI, v. a. Avoir l'honneur de...,--dans l'argot des bourgeois. AVOIR DE CE QUI SONNE. Être riche,--dans l'argot du peuple. L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne. AVOIR DANS LE NEZ, v. a. Ne pas pouvoir _sentir_ quelqu'un ou quelque chose. AVOIR DANS LE VENTRE. Être capable de...,--dans l'argot des gens de lettres. AVOIR DE BEAUX CHEVEUX, v. a. Se dit ironiquement de quelqu'un qui est mal mis, ou de quelque chose qui est mal fait. Argot des bourgeois. AVOIR DE LA CHANCE AU BATONNET, v. a. N'être pas heureux en affaires ou en amour. Ironiq.--Argot des faubouriens. On dit aussi _Pas de chance au bâtonnet_! AVOIR DE L'ANIS DANS UNE ÉCOPE. Façon de parler ironique, du même argot, où on l'emploie pour répondre à une demande indiscrète ou à un désir impossible à satisfaire. _T'auras d'l'anis dans une écope_ équivaut à _Du vent_! AVOIR DES AS DANS SON JEU, v. n. Avoir du bonheur, de la chance dans ses entreprises. Argot du peuple. _N'avoir plus d'as dans son jeu._ Avoir tout perdu, famille, affection, fortune, en être réduit à mourir. AVOIR DES MOTS AVEC QUELQU'UN, v. a. Se fâcher avec lui. _Avoir des mots avec la Justice._ Être traduit en police correctionnelle. AVOIR DU BEURRE SUR LA TÊTE, v. a. Avoir commis quelques méfaits plus ou moins graves,--dans l'argot des voleurs, qui ont certainement entendu citer le proverbe juif: «Si vous avez du beurre sur la tête, n'allez pas au soleil: il fond et tache.» AVOIR DU CHIEN DANS LE VENTRE. v. a. Être hardi, entreprenant, téméraire, fou même, comme un chien enragé. Argot du peuple. AVOIR DU PAIN SUR LA PLANCHE. Avoir des économies ou des rentes. Argot des bourgeois. AVOIR DU SABLE DANS LES YEUX. Avoir envie de dormir. On dit aussi: _Le marchand de sable a passé._ AVOIR LAISSÉ LE POT DE CHAMBRE DANS LA COMMODE. Avoir l'haleine homicide. Argot des voyous. AVOIR LE BRAS LONG. Être en position de rendre des services importants, de protéger des inférieurs et même des égaux. AVOIR LE COMPAS DANS L'OEIL, v. a. Voir juste; calculer exactement; apprécier sainement. AVOIR LE CASQUE, v. a. Avoir un caprice pour un homme,--dans l'argot des filles. AVOIR LE FRONT DANS LE COU. Être chauve comme l'Occasion,--dans l'argot des faubouriens. AVOIR LE POUCE ROND, v. a. Être adroit,--dans l'argot du peuple, qui a constaté depuis longtemps l'adresse avec laquelle les voleurs mettent le pouce sur la pièce d'argent qu'ils veulent voler. AVOIR LES CÔTES EN LONG. Être paresseux. On dit aussi _Avoir les côtes en long comme les loups_, qui en effet ne peuvent pas, à cause de cela, se retourner facilement. Ne pas pouvoir se retourner, ne savoir pas se retourner, c'est la grande excuse des paresseux. AVOIR L'ESTOMAC DANS LES MOLLETS. Avoir très grand'faim. Argot du peuple. On dit aussi _Avoir l'estomac dans les talons_. AVOIR L'ÉTRENNE. Être le premier à faire ou à recevoir une chose. AVOIR L'OREILLE DE LA COUR. Être écouté avec une faveur marquée par les juges. Argot des avocats. AVOIR LA PEAU TROP COURTE, v. a. Faire, en dormant, des sacrifices au dieu Crépitus,--dans l'argot du peuple, qui croit que le corps humain n'a pas une couverture de chair suffisante, et que lorsque l'hiatus de la bouche se ferme, l'hiatus opposé doit s'ouvrir, d'où l'action de _crepitare_. AVOIR MAL AU BRÉCHET, v. n. Souffrir de l'estomac. Argot du peuple. AVOIR MAL AUX CHEVEUX, v. n. Avoir mal à la tête, par suite d'excès bachiques. Argot des faubouriens. AVOIR MANGÉ DE L'OSEILLE. Être d'un abord désagréable, rébarbatif; avoir la parole aigre, être _grincheux_. Argot du peuple. AVOIR MANGÉ SES PIEDS. Puer de la bouche,--dans l'argot des faubouriens. AVOIR PAS INVENTÉ LE FIL A COUPER LE BEURRE (N'). Être simple d'esprit, et même niais. On dit aussi _N'avoir pas inventé la poudre_. AVOIR PAS SA LANGUE DANS SA POCHE (N'). Être prompt à la riposte; savoir parler. Argot du peuple. AVOIR SA CLAQUE (En). Avoir assez bu ou assez mangé, c'est-à-dire trop mangé ou trop bu. Argot des faubouriens. AVOIR SA CÔTELETTE, v. a. Être chaleureusement applaudi,--dans l'argot des comédiens. AVOIR SON CAILLOU. Commencer à se griser,--dans l'argot des faubouriens. AVOIR SON PAIN CUIT. Être rentier,--dans l'argot du peuple. Être condamné à mort,--dans l'argot des voleurs. AVOIR TOUJOURS DES BOYAUX VIDES, v. a. Avoir toujours faim,--dans l'argot du peuple. AVOIR UNE ARAIGNÉE DANS LE PLAFOND, v. a. Être fou, maniaque, distrait. Argot de Breda-Street. AVOIR UNE CHAMBRE A LOUER. Être un peu fou et en tout cas très excentrique,--dans l'argot du peuple, qui suppose que la déraison peut être produite chez l'homme par la vacuité de l'un des compartiments du cerveau, à moins qu'il ne veuille faire allusion au _déménagement_ du bon sens. Signifie aussi Avoir une dent de moins. AVOIR UNE CRAMPE AU PYLORE. Avoir grand appétit,--dans l'argot des faubouriens. AVOIR UNE ÉCREVISSE DANS LA TOURTE, v. a. Être fou, non à lier, mais à éviter. On dit aussi _Avoir une écrevisse dans le vol-au-vent_, et _Avoir une hirondelle dans le soliveau_. AVOIR UNE TABLE D'HÔTE DANS L'ESTOMAC, manger goulûment et insatiablement. AVOIR VU LE LOUP. Se dit,--dans l'argot du peuple,--de toute fille qui est devenue femme sans passer par l'église et par la mairie. AZOR, s. m. Nom de chien qui est devenu celui de tous les chiens,--dans le même argot. V. _Appeler Azor_. B BABILLARD, s. m. Confesseur,--dans l'argot des voleurs. Ils donnent aussi ce nom à tout Livre imprimé. BABILLARDE, s. f. Montre. BABILLARDS, s. f. Lettre. On dit aussi _Babille_. BABILLAUDIER, s. m. Libraire, vendeur de _babillards_. BABILLER, v. a. Lire. BABINES, s. f. pl. La bouche,--dans l'argot du peuple, pour qui sans doute l'homme n'est qu'un singe perfectionné. _S'en donner par les babines._ Manger abondamment et gloutonnement. _S'en lécher les babines._ Manifester le plaisir en parlant ou en entendant parler de quelque chose d'agréable,--bon dîner ou belle fille. BABOUE, s. f. Grimace, mines plaisantes comme en fait la nourrice pour amuser le nourrisson. _Faire la baboue._ Faire la grimace. L'expression se trouve dans Rabelais--et sur les lèvres du peuple. BABOUIN ou BABOUA, s. m. Petit bouton de fièvre ou de malpropreté, qui vient à la bouche, sur les _babines_. Le _babouin_ était autrefois une figure grotesque que les soldats charbonnaient sur les murs du corps de garde et qu'ils faisaient baiser, comme punition, à ceux de leurs camarades qui avaient perdu au jeu ou à n'importe quoi. On comprend qu'à force de baiser cette image, il devait en rester quelque chose aux lèvres,--d'où, par suite d'un trope connu, le nom est passé de la cause à l'effet. BAC, s. m. Apocope de _Baccarat_,--dans l'argot des petites dames. _Tailler un petit bac._ Faire une partie de baccarat. BACCHANAL, s. m. Vacarme, tapage fait le plus souvent dans les cabarets, lieux consacrés à _Bacchus_. Argot du peuple. BACCON, s. m Porc,--dans l'argot des voleurs. _Bacon_, lard, dans le vieux langage. BACHASSE, s. f. Travaux forcés. Même argot. BACHELIÈRE, s. f. Femme du quartier latin, juste assez savante pour conduire un _bachot_ en Seine--et non en Sorbonne. BACHOT, s. m. Apocope de _Baccalauréat_,--dans l'argot des collégiens. BACHOTIER, s. m. Préparateur au baccalauréat. BACHOTTER, v. n. Parier pour ou contre un joueur. Argot des _grecs_. On dit aussi _Faire les bâches_. BACHOTTEUR, s. m. Filou «chargé du deuxième rôle dans une partie jouée ordinairement au billard. C'est lui qui arrange la partie, qui tient les enjeux et va chercher de l'argent lorsque la dupe, après avoir vidé ses poches, a perdu sur parole». V. _Bête_ et _Emporteur_. BACLER, v. a. Fermer,--dans l'argot des voleurs, qui se servent là d'un vieux mot de la langue des honnêtes gens. On dit aussi _Boucler_. BADIGEON, s. m. Maquillage du visage,--dans l'argot du peuple. BADIGEONNER (Se), v. réfl. Se maquiller pour paraître plus jeune. BADIGOINCES, s. f. pl. Les lèvres, la bouche,--dans l'argot du peuple qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Rabelais. _Jouer des badigoinces._ Manger ou boire. BADOUILLARD, s. m. Coureur de bals masqués,--dans l'argot des étudiants du temps de Louis-Philippe. Le type a disparu, mais le mot est resté. BADOUILLE, s. f. Homme qui se laisse mener par sa femme. Argot du peuple. BADOUILLER, v. n. Courir les bals, _faire la noce_. BADOUILLERIE, s. f. Vie libertine et tapageuse. BAFFRE, s. f. Coup de poing sur la figure. Argot du peuple. BAFRER, v. n. Manger. BAFRERIE, s. f. Action de manger avec voracité; repas copieux. BAGNOLE, s. f. Chapeau de femme, de forme ridicule,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que les _bagnoles_, avant de mériter son mépris, avaient mérité l'admiration des dames de Paris en 1722. BAGOU ou BAGOUT, s. m. Bavardage de femme; faux esprit. Argot des gens de lettres et du peuple. Dans l'argot du peuple. _Avoir du bagout_ équivaut à _N'avoir pas sa langue dans sa poche_. BAGOUL, s. m. Nom,--dans l'argot des voleurs. BAGOULARD, s. m. Bavard. BAGUE, s. f. Nom propre,--dans le même argot, par allusion à l'habitude qu'on a de faire graver son nom à l'intérieur des anneaux de mariage. BAGUENAUDE, s. f. Poche,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui y laissent quelquefois _flâner_ de l'argent. BAGUENAUDER, v. n. Flâner, vagabonder,--les mains dans les _poches_. Argot du peuple. BAHUT, s. m. Les meubles en général. Argot des ouvriers. BAHUT, s. m. Collège,--dans l'argot des collégiens. Se dit aussi de la maison du préparateur au baccalauréat, et, par extension de toute maison où il est désagréable d'aller. _Bahut spécial._ Saint-Cyr. BAHUTER, v. n. Faire du vacarme,--dans l'argot des Saint-Cyriens. BAHUTEUR, s. m. Tapageur. Se dit aussi d'un élève qui change souvent de pension. BAIGNE-DANS-LE-BEURRE, s. m. Souteneur de filles,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux scombéroïdes du trottoir. BAIGNEUSE, s. f. La tête,--dans l'argot des voleurs, qui se lavent et à qui on lave plus souvent la tête que le reste du corps. BAIGNEUSE, s. f. Chapeau de femme,--dans le même argot qui a conservé des reflets de l'argot de la mode au XVIIIe siècle. _Baigneuse_ ou _bagnole_, c'était tout un. BAIGNOIRE A BON DIEU, s. f. Calice,--dans l'argot des voyous. BAIN DE PIED, s. m. Excédent de café ou d'eau-de-vie retenu par la soucoupe ou dans le plateau qu'on place par précaution sous chaque demi-tasse ou sous chaque petit verre. Il y a des gens qui boivent cela. BAIN-MARIE, s. m. Personne d'un caractère ou d'un tempérament _tiède_. Argot du peuple. BAIN QUI CHAUFFE, s. m. Nuage qui menace de crever quand il fait beau temps et que le soleil est ardent. BAISER LE CUL DE LA VIEILLE, v. a. Ne pas faire un seul point. Argot des joueurs. BAJAF, s. m. Butor, gros homme qui, sous l'effort de la respiration, gonfle ses _jaffes_ ou ses _abajoues_, comme on voudra. Le peuple dit aussi _Gros bajaf_. BALADE, s. f. Promenade, flânerie dans l'argot des voyous. _Faire une balade_ ou _Se payer une balade_. Se promener. BALADER, v. a. Choisir, chercher. Argot des voleurs. BALADER (Se), v. réfl. Marcher sans but; flâner; et, par extension s'en aller de quelque part, s'enfuir. BALADEUR, s. m. Flâneur. BALADEUSE, s. f. Fille ou femme qui préfère l'oisiveté au travail et se faire suivre que se faire respecter. Se dit aussi de la marchande des rues et de sa boutique roulante. BALAI, s. m. Agent de police,--dans l'argot des petits marchands ambulants. BALAI DE L'ESTOMAC (Le). Les épinards,--dans l'argot du peuple, qui connaît aussi bien que les médecins la vertu détersive de la _Spinacia oleracea_. BALANCEMENT, s. m. Renvoi, congé,--dans l'argot des employés. BALANCER, v. a. Donner congé à quelqu'un, renvoyer un employé, un domestique,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas qu'il emploie là, et presque dans son sens originel, un des plus vieux mots de notre langue. On dit aussi _Envoyer à la balançoire_. BALANCER LA TINETTE. Vider le baquet-latrine,--dans l'argot des troupiers. BALANCER QUELQU'UN, v. a. Le faire aller, se moquer de lui. Argot des faubouriens. BALANCER SA CANNE, v. a. De vagabond devenir voleur,--ce qui est une manière comme une autre de franchir le Rubicon qui sépare l'honneur du vice. Signifie aussi Rompre son ban, s'évader. BALANCER SA LARGUE, v. a. Se débarrasser de sa maîtresse,--dans l'argot des voleurs. BALANCER SES ALÈNES, v. a. Quitter le métier de voleur pour celui d'honnête homme, à moins que ce ne soit pour celui d'assassin. BALANCER SES CHASSES, v. a. Regarder çà et là, distraitement. Argot des voyous. BALANÇOIRE, s. f. Charge de bon ou de mauvais goût,--dans l'argot des coulisses et du peuple. _Envoyer à la balançoire._ Se débarrasser de quelqu'un qui ennuie ou qui gêne. BALANÇON, s. m. Marteau de fer,--dans l'argot des voleurs. BALANDRIN, s. m. Paquet recouvert d'une toile; petite balle portative, dans l'argot du peuple, qui se souvient du _balandras_ que portaient ses pères. BALAUDER, v. n. Mendier,--dans l'argot des prisons. BALIVERNEUR, s. m. Diseur de riens, de _balivernes_. Argot du peuple. BALLE. s. f. Secret,--dans l'argot des voleurs. BALLE, s. f. Visage,--dans l'argot des voyous. _Balle d'amour._ Physionomie agréable, faite pour inspirer des sentiments tendres. _Rude balle._ Visage caractéristique. BALLE, s. f. Pièce d'un franc,--dans l'argot des faubouriens. BALLE, s. f. Occasion, affaire,--dans l'argot du peuple _C'était bien ma balle._ C'était bien ce qui me convenait. _Manquer sa balle._ Perdre une occasion favorable. BALLE DE COTON, s. f. Coup de poing. BALLERINE, s. f. Danseuse,--dans l'argot des gandins et des journalistes de première année. Habituée de bals publics,--dans l'argot des bourgeois. BALLON, s. m. Partie du corps humain dont la forme sphérique a été le sujet de tant de plaisanteries depuis le commencement du monde--et de la bêtise. Argot des faubouriens. _Enlever le ballon à quelqu'un._ Lui donner un coup de pied dans cette partie du corps sur laquelle on a l'habitude de s'asseoir. BALOCHARD, s. m. Type d'un personnage de carnaval, fameux sous le règne de Louis-Philippe, et complètement oublié aujourd'hui. Il portait un bourgeron d'ouvrier, une ceinture rouge, un pantalon de cuirassier, et, sur la tête, un feutre défoncé. Tel le représente Gavarni. BALOCHER, v. n. Fréquenter les bals publics; se trémousser. Argot des faubouriens. BALOCHER, v. a. Tripoter, faire des affaires illicites. Argot des voyous. BALOCHER, v. n. Remuer, pendre,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des choses. BALOCHEUR, s. m. Ouvrier qui se dérange, qui déserte l'atelier pour le cabaret et le bastringue. BALTHAZAR, s. m. Repas copieux,--dans l'argot des étudiants, qui se souviennent du festin biblique. BALUCHON, s. m. Paquet, petit _ballot_. Argot des ouvriers. BAMBINO, s. m. Enfant, gamin, _bambin_,--dans l'argot du peuple, qui parle italien sans le savoir, et seulement pour donner à ce mot une désinence caressante. BAMBOCHADE, s. f. Tableau sans prétentions, représentant des scènes gaies,--dans l'argot des artistes, qui ont conservé le souvenir de Pierre de Laer. BAMBOCHE, s. f. Petite débauche, de quelque nature qu'elle soit. Argot des faubouriens. _Être bamboche._ Être en état d'ivresse. _Faire des bamboches._ Faire des sottises plus ou moins graves, qui mènent en police correctionnelle ou à l'hôpital. BAMBOCHE, s. f. Plaisanterie; chose de peu de valeur. _Dire des bamboches._ S'amuser à dire des contes bleus aux hommes et des contes roses aux femmes. BAMBOCHEUR, s. m. Fainéant; ivrogne; débauché. On dit aussi: _Bambochineur_. BANBAN, s. des deux g. Boiteux, bancal,--dans l'argot des bourgeois, qui emploient principalement cette onomatopée à propos d'une femme. BANC, s. m. Lit de camp,--dans l'argot des forçats. BANCAL, adj. Qui a une jambe plus courte que l'autre. Argot du peuple. BANCAL, s. m. Sabre de cavalerie,--dans l'argot des troupiers. BANCO! Exclamation de l'argot des joueurs de lansquenet qui signifie: Je tiens! _Faire banco._ Tenir les enjeux. BANCROCHE, s. et adj. Qui a les jambes torses. BANDE D'AIR, s. f. Frise peinte en bleu pour figurer le ciel. Argot des coulisses. BANDER LA CAISSE, v. a. S'en aller, s'enfuir. BANNETTE, s. f. Tablier,--dans l'argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot au patois lorrain. BANNIÈRE (Être en). Être en chemise, dans le simple appareil d'une dame ou d'un monsieur qu'on arrache au sommeil. BANQUE, s. f. Paye,--dans l'argot des typographes. BANQUE, s. f. Escroquerie, ou seulement mensonge afin de tromper,--dans l'argot du peuple, qui connaît son Robert Macaire par cœur. _Faire une banque._ Imaginer un expédient--d'une honnêteté douteuse--pour gagner de l'argent. BANQUE, s. f. Tout le monde des saltimbanques, des _banquistes_. _Truc de banque!_ Mot de passe et de ralliement qui sert d'entrée gratuite aux artistes forains dans les baraques de leurs confrères. On les dispense de donner à la quête faite par les banquistes d'une autre spécialité que la leur. BANQUET, s. m. Dîner,--dans l'argot des francs-maçons. BANQUETTE, s. f. Menton,--dans l'argot des voyous. BANQUISTE, s. m. Charlatan; chevalier d'industrie; faiseur. Argot du peuple. BAPTÊME, s. m. La tête,--dans l'argot des faubouriens, qui se souviennent de leur ondoiement. BAPTISER LE VIN, v. a. Le noyer d'eau,--dans l'argot ironique des cabaretiers, qui renouvellent trop souvent, à notre préjudice, le miracle des Noces de Cana, en changeant l'eau en vin. BAQUET, s. m. Blanchisseuse,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi: _Baquet insolent_, et l'on a raison,--car je ne connais pas de créatures plus «fortes en gueule» que les lavandières: il semble qu'il leur reste aux lèvres quelques éclaboussures des ordures humaines avec lesquelles elles sont en contact permanent. BAQUET DE SCIENCE, s. m. Baquet où le cordonnier met sa poix et les autres ingrédients de son métier. Argot du peuple. BARAGOUINAGE, s. m. Langage incohérent, confus, incompréhensible.--dans l'argot du peuple, qui dit cela surtout à propos des langues étrangères. On dit aussi _Baragouin_. BARAGOUINER, v. n. et a. Parler bas; murmurer; marmotter. BARAQUE, s. f. Maison où les maîtres font attention au service,--dans l'argot des domestiques. Journal où l'on est sévère pour la copie,--dans l'argot des aspirants journalistes. BARAQUES A CAVAIGNAC (Les). Le no 44, dans l'argot des joueurs de loto, dont l'allusion consacre ainsi le nombre des baraques construites en 1848 au Jardin du Luxembourg, sous la dictature du général Cavaignac. BARBE, s. f. Ivresse,--dans l'argot des typographes. _Avoir sa barbe._ Être ivre. On dit aussi _Prendre une barbe_. Se griser. BARBEAU, s. m. Souteneur de filles, homme-poisson qui sait nager entre deux eaux, l'eau du vice et celle du vol. BARBEAUDIER, s. m. Concierge,--dans l'argot des voleurs. _Barbeaudier de castu._ Gardien d'hôpital. BARBEROT, s. m. Barbier,--dans l'argot des forçats. BARBICHON, s. m. Capucin,--dans l'argot des voyous. BARBILLE, s. m. Souteneur de filles,--apprenti _barbeau_. BARBILLON, s. m. Jeune souteneur de filles. BARBILLONS DE BEAUCE, s. m. pl. Légumes,--dans l'argot du peuple. BARBILLONS DE VARENNE, s. m. pl. Navets,--dans l'argot des voleurs, qui savent que ce légume pousse, volontiers, dans les terres sablonneuses. Le dictionnaire d'Olivier Chéreau donne: _Babillons de varane_. BARBISTE, s. m. Élève du collège Sainte-Barbe. BARBOT, s. m. Canard,--dans l'argot des voyous. BARBOTE, s. f. Visite minutieuse du prisonnier à son entrée en prison. On dit aussi _Barbot_, s. m. BARBOTER, v. a. Fouiller; voler. Argot des voleurs. BARBOTEUR DE CAMPAGNE, s. m. Voleur de nuit. BARBOTIER, s. m. Guichetier chargé de la visite des prisonniers à leur entrée. BARBUE, s. f. Plume à écrire,--dans l'argot des voleurs. BARON DE LA CRASSE, s. m. Homme gauche et ridicule en des habits qu'il n'a pas l'habitude de porter,--dans l'argot du peuple, qui se souvient de la comédie de Poisson. BARONIFIER, v. a. Créer quelqu'un baron,--dans l'argot du peuple, qui a vu mousser de près la Savonnette Impériale. BARRE, s. f. Aiguille,--dans l'argot des voleurs. BARRÉ, adj. et s. Simple d'esprit, et même niais,--dans l'argot du peuple, qui, sans doute, veut faire allusion à une sorte de barrage intellectuel qui rend impropre à la _conception_. BARRER, v. n. Abandonner son travail,--dans l'argot des marbriers de cimetière. _Se barrer._ S'en aller. BARRER, v. a. Réprimander,--dans l'argot du peuple. BARRIQUE, s. f. Bouteille ou carafe,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disaient autrefois _Gomorrhe_,--du nom d'une mesure juive qui indiquait la quantité de manne à récolter. BASANE, s. f. Peau du corps humain,--dans l'argot des faubouriens. _Tanner la basane._ Battre quelqu'un. BASANE, s. f. Amadou,--dans l'argot des voleurs. BAS-BLEU, s. m. Femme de lettres,--dans l'argot des hommes de lettres, qui ont emprunté ce mot (_blue stocking_) à nos voisins d'outre-Manche. Alphonse Esquiros (_Revue des Deux Mondes_, avril 1860) donne comme origine à cette expression le club littéraire de lady Montague, où venait assidûment un certain M. Stillingfleet, remarquable par ses bas bleus. D'un autre côté, M. Barbey d'Aurevilly (_Nain Jaune_ du 6 février 1886) en attribue la paternité à Addison. Or, le club de lady Montague ne date que de 1780, et Addison était mort en 1719. Auquel entendre? BAS-BLEUISME, s. m. Maladie littéraire spéciale aux femmes qui ont aimé et qui veulent le faire savoir à tout le monde. Le mot a été créé récemment par M. Barbey d'Aurevilly. BASCULE, s. f. Guillotine,--dans l'argot des faubouriens. BASCULER, v. a. Guillotiner. _Être basculé._ Être exécuté. BAS DE BUFFET, s. m. Homme ou chose de peu d'importance. Argot du peuple. _Vieux bas de buffet._ Vieille femme, vieille coquette ridicule qui a encore des prétentions à l'attention galante des hommes. BAS DE PLAFOND, s. m. Homme d'une taille ridiculement exiguë. On dit aussi _Bas du cul_. BASOURDIR, v. a. Étourdir, et, par extension naturelle, Tuer,--dans l'argot des voleurs, qui ont dédaigné _abasourdir_ comme trop long. _Basourdir ses gaux picantis_, ou seulement _ses gaux_. Chercher ses poux--et les tuer. BAS PERCÉ, s. et adj. Homme pauvre ou ruiné. Argot du peuple. BASSE, s. m. La terre par opposition au ciel. Argot des voleurs. BASSIN, s. m. Homme ennuyeux,--dans l'argot des filles et des faubouriens, qui n'aiment pas à être ennuyés, les premières surtout. On dit aussi _Bassinoire_. BASSINANT, adj. Ennuyeux, importun, bavard. BASSINER, v. a. Importuner. BASSINOIRE, s. f. Grosse montre,--dans l'argot des bourgeois. BASTIMAGE, s. m. Travail,--dans l'argot des voleurs. BASTRINGUE, s. m. Guinguette de barrière, où le populaire va boire et danser les dimanches et les lundis. BASTRINGUE, s. m. Bruit, vacarme,--comme on en fait dans les cabarets et dans les bals des barrières. BASTRINGUE, s. m. Scie à scier les fers,--dans l'argot des prisons, où l'on joue volontiers du violon sur les barreaux. BASTRINGUEUSE, s. f. Habituée de bals publics. BATACLAN, s. m. Mobilier; outils,--dans l'argot des ouvriers. Signifie aussi bruit, vacarme. BATAILLE DE JÉSUITES, s. f. Habitude vicieuse que prennent les écoliers et que gardent souvent les hommes,--dans l'argot du peuple, qui a lu le livre de Tissot. On ajoute souvent après _Faire la bataille de Jésuites_, cette phrase: _Se mettre cinq contre un_. BATEAUX, s. m. pl. Souliers qui prennent l'eau. Argot des faubouriens. BATELÉE, s. f. Une certaine quantité de gens réunis, quoique inconnus. Argot du peuple. BATELIER, s. m. Battoir de blanchisseuse,--dans l'argot des voleurs. BATH, s. m. Remarquablement beau, ou bon ou agréable,--dans l'argot de Breda-Street. _Bath aux pommes._ Superlatif du précédent superlatif. Il me semble qu'on devrait écrire _Bat_, ce mot venant évidemment de _Batif_. Le papier Bath n'est pour rien là dedans. BATIAU, s. m. Préparation au _Salé_,--dans l'argot des typographes. _Aligner son batiau._ S'arranger pour avoir une banque satisfaisante. BATIF, adj. Neuf, joli,--dans l'argot des voyous. Le féminin est _batifone_ où _bative_. BATON CREUX, s. m. Fusil,--dans l'argot des voleurs. BATON DE CIRE, s. m. Jambe,--dans le même argot. BATON DE TREMPLIN, s. m. Jambe,--dans l'argot des saltimbanques. BATOUSE, s. f. Toile,--dans l'argot des voleurs. _Batouse toute battante._ Toile neuve. BATOUSIER, s. m. Tisserand. BATTAGE, s. m. Tromperie; mensonge; menée astucieuse. Argot des ouvriers. Signifie aussi Accident arrivé à une chose, accroc à une robe, brisure à un meuble, etc. BATTANT, s. m. Le cœur,--dans l'argot des voleurs. BATTERIE, s. f. Menterie,--dans le même argot. _Batterie douce._ Plaisanterie aimable. BATTERIE, s. f. Coups échangés,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Batture_. BATTERIE DE CUISINE, s. f. Les dents, la langue, le palais, le gosier. Argot des faubouriens. BATTEUR, s. m. Menteur; fourbe. C'est plus spécialement le tiers qui _bat comtois pour lever le pante_. BATTEUR D'ANTIF, s. m. Indicateur d'affaires, voleur qui ne travaille que de la langue. Argot des prisons. BATTOIR, s. m. Main,--dans l'argot du peuple, qui s'en sert souvent pour applaudir, et plus souvent pour _battre_. BATTRE COMTOIS, v. n. Faire l'imbécile, le provincial,--dans l'argot des voleurs, pour qui, à ce qu'il paraît, les habitants de la Franche-Comté sont des gens simples et naïfs, faciles à tromper par conséquent. BATTRE ENTIFLE, v. n. Faire le niais. Même argot. BATTRE JOB, v. n. Dissimuler, tromper. Même argot. BATTRE LA CAISSE, v. n. Aller chercher de l'argent. Argot des tambours de la garde nationale. BATTRE LA COUVERTE, v. a. Dormir,--dans l'argot des soldats. BATTRE L'ANTIF, v. n. Marcher,--dans l'argot des voleurs modernes. C'est le: _Battre l'estrade_ des voleurs d'autrefois. Signifie aussi Espionner. BATTRE LE BRIQUET, v. a. Cogner les jambes l'une contre l'autre en marchant. Argot du peuple. BATTRE LA SEMELLE, v. a. Vagabonder,--dans l'argot du peuple, qui a peut-être lu l'_Aventurier Buscon_. BATTRE L'OEIL (S'en). Se moquer d'une chose,--dans l'argot des faubouriens. L'expression a une centaine d'années, ce qui étonnera certainement beaucoup de gens, à commencer par ceux qui l'emploient. On dit aussi, dans le même argot, _S'en battre les fesses_,--une expression contemporaine de la précédente. BATTRE MORASSE, v. n. Crier au voleur, pour empêcher le volé d'en faire autant. Argot des prisons. BATTRE SA FLÈME, v. n. Flâner,--dans l'argot des voyous. BATTRE SON QUART, v. n. Raccrocher les passants, le soir à la porte des maisons mal famées,--dans l'argot des filles et de leurs souteneurs. BAUCE ou BAUSSE, s. m. Patron,--dans l'argot des revendeuses du Temple. C'est le _baes_ flamand. _Bauceresse._ Patronne. _Bauce fondu._ Ouvrier qui s'est établi, a fait de mauvaises affaires et est redevenu ouvrier. BAUCHER (Se), v. réfl. Se moquer, dans l'argot des voleurs. BAUDE, s. f. Mal de Naples,--dans l'argot des voleurs parisiens. BAUDROUILLER, v. n. Filer,--dans le même argot. Se dit aussi pour Fouet, s. m. BAUGE, s. f. Coffre,--dans l'argot des voleurs, qui ne craignent pas d'emprunter des termes aux habitudes des sangliers, qui sont aussi les leurs. BAUGE, s. f. Ventre,--dans le même argot. BAUME D'ACIER, s. m. Les outils du chirurgien et du dentiste,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que l'ancienne pharmacopée a eu, sous ce nom-là, un remède composé de limaille d'acier et d'acide nitrique. BAVARD, s. m. Avocat. BAVARD, s. f. La bouche.--dans l'argot des voleurs. BAVER, v. n. Parler,--dans l'argot des faubouriens. BAYAFER, v. a. Fusiller,--dans l'argot des voleurs parisiens, qui ont emprunté cette expression aux voleurs du Midi, lesquels appellent un pistolet un _bayafe_ ou _baillaf_, comme l'écrit M. Francisque Michel. BAZAR, s. m. Maison où les maîtres sont exigeants,--dans l'argot des domestiques paresseux; maison quelconque,--dans l'argot des faubouriens; maison de filles,--dans l'argot des troupiers. BAZAR, s. m. Ensemble d'effets mobiliers,--dans l'argot de Breda-Street. BAZARDER, v. a. Vendre, trafiquer. _Bazarder son mobilier._ S'en défaire, l'échanger contre un autre. BEAU, s. m. Le _gandin_ du premier Empire, avec cette différence que, s'il portait un corset, au moins avait-il quelque courage dessous. _Ex-beau._ Elégant en ruines, d'âge et de fortune. BEAU BLOND, s. m. Le soleil,--dans l'argot des voleurs, qui ne se doutent pas qu'ils font là de la mythologie grecque. BÉBÉ, s. m. Costume d'enfant (_baby_), que les habituées des bals publics ont adopté depuis quelques années. BÉBÉ (Mon). Petit terme de tendresse employé depuis quelques années par les petites dames envers leurs amants, qui en sont tout fiers,--comme s'il y avait de quoi! BÉBÈTE, s. f. Bête quelconque,--dans l'argot des enfants. BEC, s. m. Bouche,--dans l'argot des petites dames. BÉCASSE, s. f. Femme ridicule,--dans le même argot. BÉCHER, v. a. Médire et même calomnier, dans l'argot des faubouriens, qui ne craignent pas de donner des coups de _bec_ à la réputation du prochain. BÉCHEUR, s. m. Le Ministère public, l'Avocat général. Argot des voleurs. BÉCOT, s. m. Bouche,--dans l'argot des mères et des amoureux. Signifie aussi Baiser. BÉCOTER, v. a. Donner des baisers. _Se bécoter._ S'embrasser à chaque instant. BEDON, s. m. Ventre,--dans l'argot du peuple qui sait son Rabelais par cœur sans l'avoir lu. BÉDOUIN, s. m. Homme dur, brutal,--dans le même argot. BEDOUIN, s. m. Garde national de la banlieue autrefois,--dans l'argot des voyous irrespectueux. Ils disaient aussi _Gadouan_, _Malficelé_, _Museau_, _Offarmé_, _Sauvage_. BEEFSTEAK DE LA CHAMAREUSE, s. m. Saucisse plate,--dans l'argot des faubouriens, qui savent de quelles charcuteries insuffisantes se compose souvent le déjeuner des ouvrières. BÈGUE, s. f Avoine,--dans l'argot des voleurs, qui savent à ce qu'il paraît l'italien (_bavia_, _biada_). Ils disent aussi _Grenuche_. BÉGUIN, s. m. Tête,--dans l'argot des faubouriens. BÉGUIN, s. m. Caprice, chose dont on _se coiffe_ volontiers l'esprit. Argot de Breda-Street. _Avoir un béguin pour une femme._ En être très amoureux. _Avoir un béguin pour un homme._ Le souhaiter pour amant quand on est femme--légère. On disait autrefois _S'embéguiner_. BEIGNE, s. f. Soufflet ou coup de poing,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot depuis des siècles. On dit aussi _Beugne_. BÈLANT, s. m. Mouton,--dans l'argot des voleurs, qui ne se sont pas mis en frais d'imagination pour ce mot. BÉLIER, s. m. Cocu,--dans l'argot des voyous, pour qui les infortunes domestiques n'ont rien de sacré. BELLE, s. f. Dernière partie,--dans l'argot des joueurs. BELLE, s. f. Occasion favorable; revanche. Argot du peuple. _Attendre sa belle._ Guetter une occasion. _Être servi de belle._ Être arrêté à faux. Cette dernière expression est plus spécialement de l'argot des voleurs. BELLE À LA CHANDELLE, s. m. Femme laide, qui n'a d'éclat qu'aux lumières. Argot du peuple. BELLE DE NUIT, s. f. Fille qui hante les brasseries et les bals. Même argot. BÉNEF, s. m. Apocope de _Bénéfice_,--dans l'argot des bohèmes et du peuple. BENI-MOUFFETARD, s. m Habitant du faubourg Saint-Marceau,--dans l'argot des ouvriers qui ont été troupiers en Algérie. BÉNIR BAS, v. a. Donner un ou des coups de pied au derrière de quelqu'un,--comme ferait par exemple un père brutal à qui son fils aurait précédemment demandé, avec sa bénédiction, quelques billets de mille francs pour courir le monde. BÉNIR SES PIEDS, v. a. Être pendu,--dans l'argot impitoyable du peuple, qui fait allusion aux derniers _gigottements_ d'un homme accroché volontairement à un arbre ou involontairement à une potence. BÉNISSEUR, s. m. Père noble, dans l'argot des coulisses, où «le vertueux Moëssard» passe pour l'acteur qui savait le mieux bénir. BENOITON, s. m. Jeune homme du monde qui parle argot comme on fait dans _La famille Benoiton_, pièce de M. Sardou. BENOITON (Mme). Se dit d'une femme sans cesse absente de sa maison. BENOITONNE, s. f. Jeune fille bien élevée qui parle la langue des filles. BEQ, s. m. Ouvrage,--dans l'argot des graveurs sur bois, qui se partagent souvent à quatre ou cinq un dessin fait sur quatre ou cinq _morceaux_ de bois assemblés. BÉQUET, s. m. Petite pièce de cuir mise à un soulier,--dans l'argot des cordonniers; petit morceau de bois à graver,--dans l'argot des graveurs; petit ajouté de copie,--dans l'argot des typographes. BÉQUETER, v. a. et n. Manger,--dans l'argot du peuple, qui n'oublie jamais son _bec_. BÉQUILLARD. s. m. Vieillard,--dans l'argot des faubouriens, qui n'ont pas précisément pour la vieillesse le même respect que les Grecs. BÉQUILLE, s. f. Potence,--dans l'argot des voleurs, dont les pères ont eu l'occasion de remarquer de près l'analogie qui existe entre ces deux choses. BÉQUILLER, v. a. et n. Manger,--dans l'argot des faubouriens. BÉQUILLEUR, s. m. Bourreau,--probablement parce qu'il est le représentant de la Mort, qui va PEDE CLAUDO comme la Justice. BERBIS, s. f. Brebis,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_vervex_, _vervecis_) et à la tradition: «Ne remist buef ne vac, ne chapuns, ne geline, Cheval, porc, ne berbiz, ne de ble plaine mine,» dit un poème du XIIIe siècle. BERCEAU, s. m. Entourage de tombe,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui croient que les morts ont besoin d'être abrités du soleil. BERDOUILLE, s. f. Ventre,--dans l'argot des faubouriens. BERGE, s. f. Année,--dans l'argot des voleurs. BERGÈRE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des troupiers. BERLAUDER, v. n. Flâner, aller de cabaret en cabaret. Argot des faubouriens. Cette expression est certainement le résultat d'une métathèse: on a dit, on dit encore, _berlan_ pour _brelan_, _berlandier_ pour _brelandier_,--et _berlauder_ pour _brelander_. BERLINE DE COMMERCE, s. f. Commis marchand,--dans l'argot des voleurs. BERLU, s. m. Aveugle, homme qui a naturellement la _berlue_. Même argot. BERLUE, s. f. Couverture,--dans le même argot. BERNIQUE-SANSONNET! C'est fini; il n'y a plus rien ni personne. Littré dit «_Berniquet pour Sansonnet_: tu n'en auras pas.» C'est une variante dans l'argot populaire. BERRI, s. m. Hotte,--dans l'argot des chiffonniers. BERRIBONO, s. m. Homme facile à duper,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Béricain_. BERRY, s. m. Capote d'études,--dans l'argot des polytechniciens. BERTELO s. m. Pièce d'un franc,--dans l'argot des voleurs. BERTRAND, s. m. Compère de filou ou de faiseur,--dans l'argot du peuple, qui a gardé les souvenir de la légende de Robert-Macaire. BESOUILLE, s. f. Ceinture,--dans l'argot des voleurs, qui y serrent leurs _bezzi_, nom italien des _deniers_. BESSONS, s. m. pl. Les deux seins,--des jumeaux en effet. Argot du peuple. BESTIASSE, s. m. Imbécile, plus que bête,--dans l'argot du peuple. BESTIOLE, s. f. Petite bête, au propre et au figuré,--dans l'argot du peuple, qui a parfois des qualificatifs caressants. BÊTA, s. et adj. Innocent et même niais,--dans l'argot du peuple. BÊTE, s. f. Filou chargé de jouer le troisième rôle dans la partie de billard proposée au provincial par _l'emporteur_. BÊTE-A-CORNES, s. f. Fourchette,--dans l'argot des voyous. BÊTE-A-PAIN, s. f. L'homme,--dans l'argot du peuple. BÊTE COMME SES PIEDS. Se dit,--dans l'argot populaire,--de tout individu extrêmement bête. BÊTE COMME UN CHOU. Extrêmement bête,--dans l'argot des bourgeois qui calomnient cette crucifère. BÊTE ÉPAULÉE, s. f. Fille qui, le jour de ses noces, n'a pas le droit de porter le bouquet de fleurs d'oranger,--dans l'argot du peuple, cruel quand il n'est pas grossier. BÊTE NOIRE, s. f. Chose ou personne qui déplaît, que l'on craint ou que l'on méprise. Argot des bourgeois. _Être la bête noire de quelqu'un._ Être pour quelqu'un un objet d'ennui ou d'effroi. BÊTISES, s. f. pl. Grivoiseries,--dans l'argot des bourgeoises, qui trouvent très spirituels les gens mal élevés qui en disent devant elles. BETTANDER, v. n. Mendier,--dans l'argot des filous. BETTERAVE, s. f. Nez d'ivrogne,--dans l'argot des faubouriens, par allusion à la ressemblance de forme et de couleur qu'il a avec la _beta vulgaris_. BEUGLANT (Le). Café-concert. BEUGLER, v. n. Pleurer,--dans l'argot du peuple. BEURRE, s. m. Argent monnayé; profit plus ou moins licite. Argot des faubouriens. _Faire son beurre._ Gagner beaucoup d'argent, retirer beaucoup de profit dans une affaire quelconque. _Y aller de son beurre._ Ne pas craindre de faire des frais, des avances, dans une entreprise. BEURRE (C'est un). C'est excellent, en parlant des choses, quelles qu'elles soient. Même argot. BEURRE DEMI-SEL, s. m. Fille ou femme qui n'est plus honnête, mais qui n'est pas encore complètement perdu. Argot du peuple. BEURRIER, s. m. Banquier,--dans l'argot des voleurs. BÉZEF, adv. Beaucoup,--dans l'argot des faubouriens qui ont servi en Afrique et en ont rapporté quelques mots de la langue sabir. BIARD, s. m. Côté,--dans l'argot des voleurs, qui voient les choses de _biais_. BIBARD, s. m. Vieil ivrogne, ou vieux débauché,--dans l'argot du peuple, qui cependant ne sait pas que boire vient de _bibere_. BIBARDER, v. n. Vieillir dans la fange, dans la misère. BIBASSE, s. f. Vieille femme. BIBASSERIE, s. f. Vieillesse. On dit aussi _Bibarderie_. BIBASSIER, s. m. Vieil homme. Signifie aussi _Ivrogne_,--le vin étant le lait des vieillards. BIBELOT, s. m. Objet de fantaisie, qu'il est de mode, depuis une vingtaine d'années, de placer en évidence sur une étagère. Les porcelaines de Saxe, de Chine, du Japon, de Sèvres, les écailles, les laques, les poignards, les bijoux voyants, sont autant de bibelots. Par extension: Objet de peu de valeur. Ce mot est une corruption de _Bimbelot_, qui signifiait à l'origine jouet d'enfants, et formait un commerce important, celui de la _bimbeloterie_. Aujourd'hui qu'il n'y a plus d'enfants, ce commerce est mort; ce sont les marchands de curiosités qui ont succédé aux _bimbelotiers_. BIBELOT, s. m. Havresac, porte-manteau,--dans l'argot des soldats. BIBELOTTER, v. a. Vendre ses bibelots, et, par extension, ses habits, ses meubles, etc. Argot des filles et des bohèmes. Par extension aussi: _Bibelotter une affaire_ dans le sens de _Brasser_. BIBELOTTER (Se), v. réfl. S'arranger pour le mieux, se _mijoter_. Argot des faubouriens. BIBERON, s. m. Ivrogne,--dans l'argot du peuple, qui cependant ne doit pas connaître le jeu de mots (_Biberius_) fait sur le nom de Tibère, impérial buveur. BIBI, s. m. Petit nom d'amitié,--dans l'argot des faubouriens; petit nom d'amour,--dans l'argot des petites dames. BIBINE, s. m. Cabaret de barrière,--dans l'argot des chiffonniers. BIBON, s. m. Vieillard qu'on ne respecte pas, parce qu'il ne se respecte pas lui-même. C'est une corruption péjorative du mot _barbon_. BICHE, s. f. Demoiselle de petite vertu, comme l'encre de Guyot; variété de fille entretenue. Le mot a été créé en 1857 par Nestor Roqueplan. BICHETTE, s. f. Petit nom d'amitié ou d'amour,--dans l'argot des petites dames et de leurs Arthurs. BICHON, s. m. Petit jeune homme qui joue le rôle de Théodore Calvi auprès de n'importe quels _Vautrin_. BICHONNER, v. a. Arranger avec coquetterie: friser comme un _bichon_. Argot des bourgeois. _Se bichonner._ S'adoniser. BIDET, s. m. «Moyen très ingénieux, dit Vidocq, qui sert aux prisonniers à correspondre entre eux de toutes les parties du bâtiment dans lequel ils sont enfermés; une corde passée à travers les barreaux de leur fenêtre, et qu'ils font filer suivant le besoin en avant ou en arrière, porte une lettre et rapporte la réponse.» BIDOCHE, s. f. Viande,--dans l'argot des faubouriens. _Portion de bidoche._ Morceau de bœuf bouilli. BIDONNER À LA CAMBUSE, v. n. Boire au cabaret,--dans l'argot des marins. BIEN, s. m. Mari ou femme,--dans l'argot du peuple, qui a tout dit quand il a dit _Mon bien_. C'est plus énergique que _ma moitié_. BIEN, adj. et s. Distingué,--dans l'argot des petites dames. BIEN MIS, s. m. Bourgeois,--dans l'argot du peuple. BIENSÉANT, s. m. Le derrière de l'homme et de la femme,--dans l'argot des bourgeoises. BIER, v. n. Aller,--dans l'argot des voleurs. BIFIN, s. m. Chiffonnier,--dont le crochet sert à _deux fins_, à travailler et à se défendre. BIGARD, s. m. Trou,--dans l'argot des voleurs. D'où _Bigardée_ pour Trouée, Percée. BIGE, s. m. Ignorant,--dans le même argot. BIGEOIS ou BIGOIS, s. m. Imbécile, homme _bige_. BIGORNE, s. m. L'argot des voleurs,--monstre _bicorniger_ en effet, corne littéraire d'un côté, corne philosophique de l'autre, qui voit rouge et qui écrit noir, qui épouvante la conscience humaine et réjouit la science philologique. BIGORNEAU, s. m. Sergent de ville,--dans l'argot du peuple. BIGOTTER, v. a. Prier Dieu,--dans l'argot des faubouriens. BIGREMENT, adv. Extrêmement,--dans l'argot des bourgeois qui n'osent pas employer un superlatif plus énergique. BIJOU, s. m. Ornement particulier,--dans l'argot des francs-maçons. _Bijou de loge._ Celui qui se porte au côté gauche. _Bijou de l'ordre._ L'équerre attachée au cordon du Vénérable, le niveau attaché au cordon du premier surveillant, et la perpendiculaire attachée au cordon du second surveillant. BIJOUTERIE, s. f. Frais avancés, argent déboursé. Argot des ouvriers et des patrons. BIJOUTIER, ÈRE, s. Marchand, marchande d'_arlequins_,--dans l'argot des faubouriens, à qui ces détritus culinaires «_reluisent_ dans le ventre». BIJOUTIER SUR LE GENOU, s. m. Cordonnier. On dit aussi: _Bijoutier en cuir_. Au XVIIe siècle, on disait: _Orfèvre en cuir_. BILBOQUET, s. m. Femme grosse et courte,--dans l'argot du peuple. BILBOQUET, s. m. Homme qui est le _jouet_ des autres. BILBOQUET, s. m. Menues impressions, telles que prospectus, couvertures, têtes de lettres, etc.,--dans l'argot des typographes. BILLANCER, v. n. Faire son temps,--dans l'argot des voleurs. BILLANCHER, v. a. et n. Payer, donner de la _bille_. Argot des faubouriens. On dit aussi _Biller_. BILLARD DE CAMPAGNE, s. m. Mauvais billard,--dans l'argot des bourgeois. BILLE, s. f. L'argent,--dans l'argot des voleurs qui n'ont pas l'air de se douter que nous avons eu autrefois de la monnaie de _billon_. BILLE À CHÂTAIGNE, s. f. Figure grotesque,--dans l'argot des faubouriens. BILLEMON, s. m. Billet,--dans l'argot des voleurs. BILLET DE CINQ, s. m. Billet de cinq cents francs,--dans l'argot des bourgeois, qui savent aussi bien que les Anglais que _time is money_, et qui ne perdent pas le leur à prononcer des mots inutiles. Ils disent de même: _Billet de mille_. BINELLE, s. f. Faillite,--dans l'argot des voleurs. _Binelle-lof._ Banqueroute. BINELLIER, s. m. Banqueroutier. BINETTE, s. f. Figure humaine,--dans l'argot des faubouriens, qui me font bien l'effet d'avoir inventé ce mot, tout moderne, sans songer un seul instant au perruquier Binet et à ses perruques, comme voudrait le faire croire M. Francisque Michel, en s'appuyant de l'autorité d'Edouard Fournier, qui s'appuie lui-même de celle de Salgues. Pourquoi tant courir après des étymologies, quand on a la ressource de la génération spontanée? BINOMES, s. m. pl. Camarades de chambre à l'École d'application de Fontainebleau, et compagnons d'études à l'Ecole polytechnique; amis, copains, frères d'adoption qui ne se ressemblent et ne se valent souvent pas, mais qui n'en sont pas moins comme en algèbre, deux termes, unis par - ou par +, et qui n'en forment pas moins à eux deux une quantité. BIQUE-ET-BOUC, s. m. et f. Créatures des deux genres,--dans l'argot du peuple, ordinairement plus brutal pour ces créatures-là. BIRBADE, s. f. Vieille femme,--dans l'argot des faubouriens. BIRBE, s. m. Vieillard. _Birbe dab._ Grand'père. BIRBETTE, s. m. Archi-vieillard,--dans l'argot des petites dames, qui ont dû connaître plus d'un _birbante_ italien, anglais, russe ou suédois. BIRLIBIBI, s. m. Jeu de dés et de coquilles de noix. Argot des voleurs. BISARD, s. m. Soufflet de cheminée,--dans le même argot. BISBILLE, s. f. Querelle, fâcherie,--dans l'argot des bourgeois, qui sans doute ne savaient pas que ce mot vient de l'italien _bisbiglio_ (murmure). Être _en bisbille_. Être brouillés. BISCAYE, n. de l. Bicêtre,--dans l'argot des voleurs. BISQUANT, adj. Ennuyeux, désagréable,--dans l'argot du peuple. BISQUER, v. n. Enrager,--dans l'argot des écoliers. BISSARD, s. m. Pain _bis_,--dans l'argot des voyous. BITUMER, v. n. Raccrocher les passants,--dans l'argot des filles habituées du _trottoir_. On dit mieux _Faire le bitume_. BITURE, s. f. Réfection copieuse,--dans l'argot des faubouriens. BITURER, v. n. Manger copieusement. BLAGUE, s. f. Gasconnade essentiellement parisienne,--dans l'argot de tout le monde. Les étymologistes se sont lancés tous avec ardeur à la poursuite de ce chastre,--MM. Marty-Laveaux, Albert Monnier, etc.,--et tous sont rentrés bredouille. Pourquoi remonter jusqu'à Ménage? Un gamin s'est avisé un jour de la ressemblance qu'il y avait entre certaines paroles sonores, entre certaines promesses hyperboliques, et les vessies gonflées de vent, et la _blague_ fut! _Avoir de la blague._ Causer avec verve, avec esprit, comme Alexandre Dumas, Méry ou Nadar. _Avoir la blague du métier._ Faire valoir ce qu'on sait; parler avec habileté de ce qu'on fait. _Ne faire que des blagues._ Gaspiller son talent d'écrivain dans les petits journaux, sans songer à écrire le livre qui doit rester. _Pousser une blague._ Raconter d'une façon plus ou moins amusante une chose qui n'est pas arrivée. BLAGUE SOUS LES AISSELLES! Expression de l'argot des ouvriers, pour signifier qu'ils cessent de plaisanter, qu'ils vont parler sérieusement, et pour inviter les interlocuteurs à en faire autant. On dit aussi: _Blague dans le coin_. BLAGUER, v. n. Mentir d'une agréable manière, ou tout simplement parler. _Blaguer quelqu'un._ Se moquer de lui. BLAGUES A TABAC, s. f. pl. Seins plus dignes d'une sauvagesse de la Nouvelle-Calédonie que d'une femme civilisée. Argot des faubouriens. «Si encore il y avait un peu de tabac dans tes blagues!» ai-je entendu dire un jour par un faubourien à une fille qui buvait au même saladier que lui. BLAGUEUR, s. m. Gascon né sur les bords de la Seine, dont le type extrême est le _baron de Worsmspire_ et le type adouci le _Mistigris_ de Balzac. BLAIREAU, s. m. Conscrit,--dans l'argot des vieux troupiers. BLAIREAU, s. m. Jeune homme de famille qui se croit des aptitudes littéraires et qui, en attendant qu'il les manifeste, mange sa légitime en compagnie de bohèmes littéraires. BLAIREAUTER, v. a. Peindre avec trop de minutie.--dans l'argot des artistes qui n'ont encore pu digérer Meissonnier. BLANC, s. m. Légitimiste,--dans l'argot du peuple, par allusion au drapeau fleurdelisé de nos anciens rois. BLANC, s. m. Vin blanc,--dans le même argot. BLANCHISSEUR, s. m. Celui qui revise un manuscrit, qui le polit,--dans l'argot des gens de lettres, par allusion à l'action du menuisier, qui, à coups de rabot, fait d'une planche rugueuse une planche lisse. Signifie aussi Avocat. BLANCHISSEUSE DE TUYAUX DE PIPES, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,--dans l'argot du peuple. BLANC-VILAIN, s. m. Distributeur de boulettes municipales destinées aux chiens errants,--dans l'argot des faubouriens, qui, d'un nom propre probablement, ont fait une qualification applicable à une profession. BLANQUETTE, s. f. Argenterie,--dans l'argot des voleurs. BLASÉ, ÉE, ad. Enflé, ée,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté cette expression à l'allemand _blasen_ (Souffler). BLAVIN, s. m. Mouchoir,--dans le même argot. BLAVINISTE, s. m. Pick-pocket qui a la spécialité des mouchoirs. BLÉ BATTU, s. m. Argent,--dans l'argot des paysans de la banlieue de Paris, pour qui blé en grange représente en effet de l'argent. _Avoir du blé en poche._ Avoir de l'argent dans sa bourse. _N'avoir pas de blé._ N'avoir pas le sou. BLEU, s. m. Bonapartiste,--dans l'argot du peuple, rendant ainsi à ses adversaires qui l'appellent _rouge_, la monnaie de leur couleur. Les chouans appelaient _Bleus_ les soldats de la République, qui les appelaient _Blancs_. BLEU, s. m. Conscrit,--dans l'argot des troupiers; cavalier nouvellement arrivé,--dans l'argot des élèves de Saumur. BLEU, s. m. Manteau,--dans l'argot des voyous, qui ont voulu consacrer à leur façon la mémoire de Champion. BLEU, s. m. Vin de barrière,--dans l'argot du peuple, qui a remarqué que ce Bourgogne apocryphe tachait de bleu les nappes des cabarets. On dit aussi _Petit bleu_. BLEU, s. m. Marque d'un coup de poing sur la chair. _Faire des bleus._ Donner des coups. BLEU, adj. Surprenant, excessif, invraisemblable. _C'est bleu._ C'est incroyable. _En être bleu._ Être stupéfait d'une chose, n'en pas revenir, _se congestionner_ en apprenant une nouvelle. _Être bleu._ Être _Étonnamment_ mauvais,--dans l'argot des coulisses. On disait autrefois: _C'est vert!_ Les couleurs changent, non les mœurs. BLOC, s. m. La salle de police. Argot des soldats. _Être au bloc._ Être consigné. Signifie aussi Prison. BLOCKHAUS, s. m. Garni,--dans l'argot des chiffonniers, qui parlent allemand sans le savoir. BLONDE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des ouvriers. BLOQUER, v. a. Mettre un soldat au bloc, à la salle de police,--ce qui est le _boucler_, vieille forme du verbe _blouquet_. BLOQUER, v. a. Abandonner,--dans l'argot des voleurs. BLOQUER, v. a. Jouer à la bloquette,--dans l'argot des enfants. BLOQUETTE, s. f. Jeu de billes, auquel on _bloque_. BLOQUIR, v. a. Vendre des objets volés, ordinairement en _bloc_. (V. _Abloquer_.) BLOT, s. m. Prix d'une chose,--dans l'argot des faubouriens. _C'est mon blot!_ Cela me convient. BLOUSE (La). Le peuple,--dans l'argot dédaigneux des gandins. BLOUSER (Se), v. réfl. Faire un pas de clerc, une sottise; se tromper,--dans l'argot du peuple, qui a voulu faire une allusion à la _blouse_ du billard. BLOUSIER, s. m. Voyou, porteur de blouse,--dans l'argot des gens de lettres. BOBÊCHON, s. m. La tête,--dans l'argot du peuple, par allusion à la bobêche qui surmonte le chandelier. _Se monter le bobêchon._ S'illusionner sur quelqu'un ou sur quelque chose; se promettre monts et merveilles d'une affaire--qui accouche d'une souris. BOBELINS, s. m. pl. Bottes,--dans l'argot des marchandes du Temple, qui ont l'air d'avoir lu Rabelais. BOBINE, s. f. Tête, visage,--dans l'argot du peuple, qui a constaté fréquemment les _bobes_ ou grimaces que les passions font faire à la figure humaine, d'ailleurs terminée _cylindriquement_. BOBINO, s. m. Montre,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Bobine_. BOBINO. Le théâtre du Luxembourg, qui a disparu. Argot des étudiants. On disait aussi _Bobinche_ et _Bobinski_. BOBO, s. m. Mal,--dans l'argot des enfants. _Il n'y a pas de bobo._ Il n'y a pas de mal,--dans l'argot des faubouriens, qui parlent ici au figuré. BOBOSSE, s. m. Vieux galantin bossu,--dans l'argot du peuple. BOBOSSE, s. f. Fille ou femme affligée d'une gibbosité. Argot des faubouriens. BOCAL, s. m. Carreau de vitre,--dans l'argot des faubouriens. BOCAL, s. m. Estomac. _Se garnir le bocal._ Manger. BOCAL, s. m. Logement. BOCARD, s. m. Mauvais lieu habité par des femmes de mauvaise vie. Argot des soldats. BOCHE, s. m. Mauvais sujet--dans l'argot des petites dames, qui le préfèrent au _muche_. (V. ce dernier mot.) BOCOTTER, v. n. Murmurer, marmotter entre ses dents; rechigner,--dans l'argot du peuple. BOEUF, s. m. Second ouvrier, celui à qui l'on fait faire la besogne la plus pénible. Argot des cordonniers. BOEUF, adj. Enorme, extraordinaire,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir un aplomb bœuf._ Avoir beaucoup d'aplomb. BOGUE, s. f. Montre,--dans l'argot des voleurs. _Bogue en jonc._ Montre en or. _Bogue en plâtre._ Montre en argent. BOGUISTE, s. m. Horloger. BOHÈME, s. f. Etat de chrysalide,--dans l'argot des artistes et des gens de lettres arrivés à l'état de papillons. Purgatoire pavé de créanciers, en attendant le Paradis de la Richesse et de la Députation; vestibule des honneurs, de la gloire et du million, sous lequel s'endorment--souvent pour toujours--une foule de jeunes gens trop paresseux ou trop découragés pour enfoncer la porte du Temple. BOHÈME, s. m. Paresseux qui use ses manches, son temps et son esprit sur les tables des cafés littéraires et des parlottes artistiques, en croyant à l'éternité de la jeunesse, de la beauté et du crédit, et qui se réveille un matin à l'hôpital comme phthisique ou en prison comme escroc. Ce mot et le précédent sont vieux,--comme la misère et le vagabondage. Ce n'est pas à Saint-Simon seulement qu'ils remontent, puisque, avant le filleul de Louis XIV, Mme de Sévigné s'en était déjà servie. Mais ils avaient disparu de la littérature: c'est Balzac qui les a ressuscités, et après Balzac, Henri Murger--dont ils ont fait la réputation. BOIRE DU LAIT, v. a. Avoir un joli succès, dans l'argot des comédiens, assez _chats_. BOIRE UNE GOUTTE, v. a. Être sifflé,--dans le même argot. _Payer une goutte._ Siffler. BOIS POURRI, s. m. Amadou, dans l'argot des voyous. BOISSEAU, s. m. Schako,--dans l'argot des vieux troupiers. BOISSONNER, v. n. Boire plus que de raison. BOISSONNIER, s. m. Ivrogne. BOIS-TORTU, s. m. Vigne,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot aux poètes du XVIIe siècle. BOITE, s. f. Théâtre de peu d'importance,--dans l'argot des comédiens; bureaux de ministère,--dans l'argot des employés; bureau de journal,--dans l'argot des gens de lettres; le magasin ou la boutique,--dans l'argot des commis. BOITE A CORNES, s. f. Chapeau, coiffure quelconque,--dans l'argot des faubouriens. BOITE AU LAIT, s. f. La gorge,--dans l'argot du peuple, qui se souvient de sa nourrice. BOITE A DOMINOS, s. f. Cercueil,--dans l'argot des faubouriens. BOITE A SURPRISES, s. f. La tête d'un homme de lettres. Argot des voleurs. BOITE AU SEL, s. f. La tête, siège de l'esprit. Argot des faubouriens. _Avoir un moustique dans la boîte au sel._ Être un peu fou, un peu maniaque. BOITE AUX CAILLOUX, s. f. Prison. Même argot. BOITE DE PANDORE, s. f. Boîte dans laquelle les voleurs renferment la cire à prendre les empreintes,--et de laquelle sortent tous les _mots_ qu'ils ont avec la justice. BOITER DES CHASSES, v. n. Être borgne ou être affecté de strabisme,--dans l'argot des voleurs, qui se sont rencontrés ici dans la même image avec l'écrivain qui a dit le premier, à propos d'Esope, qu'il _louchait de l'épaule_. BOLIVAR, s. m. Chapeau,--dans l'argot du peuple, qui ignore peut-être que c'est le nom de l'émancipateur des colonies espagnoles, et qui le donne indistinctement à tout couvre-chef, de feutre ou de paille, rond ou pointu, parce que c'est une habitude pour lui, depuis la Restauration. BOMBÉ, adj. et s. Bossu. BON, s. m. Homme sur lequel on peut compter,--dans l'argot du peuple, à qui l'adjectif ne suffisait pas, paraît-il. BONBONNIÈRE A FILOUS, s. f. Omnibus,--dans l'argot des voyous, qui savent mieux que personne avec quelle facilité on peut _barboter_ dans ces voitures publiques. BON CHEVAL DE TROMPETTE, s. m. Homme qui ne s'effraye pas aisément, dans l'argot du peuple. BON DIEU, s. m. Sabre,--dans l'argot des fantassins. BONDY-SOUS-MERDE, n. d. l. Le village de Bondy, à cause du dépotoir. Argot des faubouriens. Autrefois on disait _Pantin-sur-Merde_. BONHOMME, s. m. Saint,--dans l'argot des voleurs, et du peuple. BONICARD, s. m. Vieil homme,--dans l'argot des voleurs. _Bonicarde._ Vieille femme. BONIFACE, s. m. Homme simple et même niais,--dans l'argot du peuple, auprès de qui la bonté n'a jamais été une recommandation. BONIFACEMENT, adv. Simplement, à la bonne franquette. BONIMENT, s. m. Discours par lequel un charlatan annonce aux badauds sa marchandise, qu'il donne naturellement comme _bonne_; Parade de pître devant une baraque de «phénomènes». Par analogie, manœuvres pour tromper. BONIR, v. n. Se taire,--dans l'argot des marbriers de cimetière. BONIR, v. a. Dire, parler,--dans l'argot des voleurs. BONISSEUR, s. m. Celui qui fait l'annonce, le _boniment_. Argot des saltimbanques. BONJOUR (Vol au), s. m. Espèce de vol que son nom désigne clairement. Le chevalier d'industrie, dont c'est la spécialité, monte de bonne heure dans un hôtel garni, où on laisse volontiers les clés sur les portes, frappe au hasard à l'une de celles-ci, entre s'il n'entend pas de réponse, et, profitant du sommeil du locataire, fait main basse sur tout ce qui est à sa portée,--quitte à lui dire, s'il se réveille: «_Bonjour_, Monsieur; est-ce ici que demeure M.***?» BONJOURIER, s. m. Voleur au _Bonjour_. On dit aussi: _Chevalier grimpant_,--par allusion aux escaliers que ce malfaiteur doit _grimper_. BON MOTIF, s. m. Mariage,--dans l'argot des bourgeois. BONNE, s. f. Chose amusante ou étonnante, _bonne_ à noter. _En dire de bonnes._ Raconter des histoires folichonnes. _En faire de bonnes._ Jouer des tours excessifs. BONNE AMIE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des ouvriers. Une expression charmante, presque aussi jolie que le _sweetheart_ des ouvriers anglais, et qu'on a tort de ridiculiser. BONNE-GRACE, s. f. _Toilette_ de tailleur. BONNET DE NUIT SANS COIFFE, s. m. Homme mélancolique,--dans l'argot du peuple. BONNET D'ÉVÊQUE, s. m. Le train de derrière d'une volaille. Argot des bourgeois. BONNET D'ÉVÊQUE, s. m. Petite loge du cintre. Argot des coulisses. BONNETEUR, s. m. Filou qui, dans les fêtes des environs de Paris, tient des jeux de cartes où l'on ne gagne jamais. BONNETIER, s. m. Homme vulgaire, ridicule,--dans l'argot des gens de lettres, qui méprisent les commerçants autant que les commerçants les méprisent. BONNET JAUNE, s. m. Pièce de vingt francs,--dans l'argot des filles. BON NEZ, s. m. Homme fin, qui devine ce qu'on veut lui cacher, au figuré, ou qui, au propre, devine qu'un excellent dîner se prépare dans une maison où il s'empresse d'aller--quoique non invité. C'est l'_olfacit sagacissime_ de Mathurin Cordier. BONNICHON, s. m. Petit bonnet d'ouvrière,--dans l'argot du peuple. BONO, adj. Bon, passable,--dans l'argot des faubouriens qui ont servi dans l'armée d'Afrique. BON POUR CADET! Se dit d'une lettre désagréable ou d'un journal ennuyeux que l'on met dans sa poche pour servir de _cacata charta_. C'est l'histoire du sonnet d'Oronte. BONSHOMMES, s. m. pl. Croquis,--dans l'argot des écoliers. Ils disent _Bonhommes_. BONSHOMMES, s. m. pl. Nom que, par mépris, les filles donnent à leurs amants, et les gens de lettres à leurs rivaux. BORDÉE, s. f. Débauche de cabaret,--dans l'argot des ouvriers, qui se souviennent d'avoir été soldats de marine. _Courir une bordée._ S'absenter de l'atelier sans permission. _Tirer une bordée._ Se débaucher. BORDEL, s. m. _Prostibulum_,--dans l'argot du peuple, qui parle comme Joinville, comme Montaigne, et comme beaucoup d'autres: «Miex ne voulsist estre mesel Et ladres vivre en ung bordel Que mort avoir ne le trespas.» dit l'auteur du roman de _Flor et Blanchefleur_. BORDEL, s. m. Petit fagot de deux sous,--dans l'argot des charbonniers. BORDELIER, s. et adj. Homme qui se plaît dans le libertinage. Le mot a plus de cinq cents ans de noblesse populaire, ainsi que cela résulte de cette citation du _Roman de la Rose_: «Li aultre en seront difamé, Ribaut et bordelier clamé.» BORGNE, s. m. Le derrière de l'homme et de la femme,--dans l'argot des faubouriens. BORGNER, v. a. Regarder,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui clignent un œil pour mieux voir de l'autre. BORGNESSE, s. f. Femme borgne,--dans l'argot du peuple. BORGNIAT, s. m. Homme borgne. BOSCOT, BOSCO, s. m. Bossu. Au féminin, _Boscotte_. BOSSE, s. f. Excès de plaisir et de débauche. _Se donner une bosse._ Manger et boire avec excès. _Se faire des bosses._ S'amuser énormément. _Se donner une bosse de rire._ Rire à ventre déboutonné. BOSSOIRS, s. m. pl. La gorge d'une femme,--dans l'argot des marins. BOTTER, v. a. Plaire, agréer, convenir,--dans l'argot du peuple. BOTTER, v. a. Donner un coup de pied au cul de quelqu'un. BOTTES DE NEUF JOURS, s. f. pl. Bottes percées,--dans l'argot des faubouriens,--qui disent aussi _Bottes en gaieté_. BOTTIER, s. m. Homme qui se plaît à donner des coups de botte aux gens qui ne lui plaisent pas. On dit d'un artiste en ce genre: _C'est un joli bottier_. BOUANT, s. m. Cochon,--dans l'argot des voyous, sans doute à cause de la _boue_ qui sert de bauge naturelle au porc. BOUBANE, s. f. Perruque,--dans l'argot des voleurs. BOUC, s. m. Cocu,--dans le même argot. BOUCAN, s. m. Vacarme; rixe de cabaret,--dans l'argot du peuple. _Faire du boucan._ Faire du scandale,--ce que les Italiens appellent _far bordello_. _Donner un boucan_. Battre ou réprimander quelqu'un. BOUCANADE, s. f. Corruption d'un témoin,--dans l'argot des voleurs, qui redoutent le _boucan_ de l'audience. _Coquer la boucanade._ Suborner un témoin. BOUCANER, v. n. Sentir mauvais, sentir le _bouc_,--dans l'argot des ouvriers. BOUCANER, v. n. Faire du bruit, du _boucan_. BOUCANEUR, s. et adj. Qui se débauche et hante les mauvais lieux. Boucanière, s. f. Femme légère, qui vit plus volontiers dans les lieux où l'on fait du _Boucan_ que dans ceux où l'on fait son salut. BOUCARD, s. m. Boutique,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Boutogue_. BOUCARDIER, s. m. Voleur qui dévalise les boutiques. BOUCHER, s. m. Médecin,--dans l'argot des voleurs, très petites maîtresses lorsqu'il s'agit de la moindre opération chirurgicale. BOUCHER UN TROU, v. a. Payer une dette,--dans l'argot des bourgeois. BOUCHON, s. m. Acabit, genre,--dans l'argot du peuple. _Être d'un bon bouchon._ Être singulier, plaisant, cocasse. BOUCHON, s. m. Cabaret. On sait que les cabarets de campagne, et quelques-uns aussi à Paris, sont ornés d'un rameau de verdure,--_boscus_. BOUCHON, s. m. Bourse,--dans l'argot des voleurs, dont les ancêtres prononçaient _bourçon_. BOUCLAGE, s. m. Liens, menottes. Même argot. BOUCLÉ (Être), v. pron. Être emprisonné. BOUCLER, v. a. Fermer,--même argot. _Boucler la lourde._ Fermer la porte. BOUCLEZOZE, s. m. Pain bis. Même argot. BOUDER, v. a. Avoir peur, reculer,--dans l'argot du peuple. BOUDER AUX DOMINOS, v. n. Avoir des dents de moins,--dans l'argot des faubouriens. BOUDIN, s. m. Verrou,--dans l'argot des voleurs. BOUDINS, s. m. pl. Mains trop grasses, aux doigts ronds, sans nodosités. Argot du peuple. BOUÉ, s. m., ou BOUÉE, s. f. Trou,--dans le même argot. C'est un nom emprunté au patois manceau. BOUE JAUNE, s. f. L'or,--dans lequel pataugent si gaiement tant de consciences, heureuses de se crotter. L'expression est de Mirabeau. BOUEUX, s. m. Celui qui ramasse la boue des rues de Paris et la jette dans un tombereau. BOUFFARD, s. m. Fumeur,--dans l'argot du peuple, qui a remarqué, sans doute, qu'en fumant on enfle ou _bouffe_ les joues. BOUFFARDE, s. f. Pipe. BOUFFARDER, v. n. Fumer. BOUFFARDIÈRE, s. f. Estaminet, et, par extension, Cheminée. Argot des voleurs. BOUFFE-LA-BALLE, s. m. Gourmet, goinfre,--dans l'argot du peuple. Se dit aussi d'un Homme dont le visage est un peu soufflé. BOUFFER (Se). Se battre--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Se bouffer le nez_. BOUFFER, v. n. Manger,--dans l'argot du peuple, qui aime les mots qui font image. BOUFFETER, v. n. Causer, bavarder. Argot des faubouriens. BOUGIE, s. f. Canne d'aveugle parce qu'elle sert à l'_éclairer_. Même argot. BOUGIE GRASSE, s. f. Chandelle. Même argot. BOUGON, s. et adj. Bourru, grondeur,--dans l'argot du peuple, qui pourtant ne sait pas que les abeilles sont appelées _bugones_, par onomatopée sans doute. On dit aussi _Bougonneur_. BOUGONNER, v. a. et n. Gronder sans cesse et sans motif. BOUGRE, s. m. Homme robuste, de bons poings et de grand cœur,--dans l'argot du peuple, qui ne donne pas à ce mot le sens obscène qu'il a eu pendant longtemps. _Bon bougre._ Bon camarade, loyal ami. _Bougre à poils._ Homme à qui la peur est inconnue. _Mauvais bougre._ Homme difficile à vivre. BOUGREMENT, adv. Extrêmement. BOUI, s. m. _Prostibulum_,--dans l'argot des voyous. BOUIBOUI, s. m. Marionnette,--dans l'argot des fabricants de jouets, qui ont probablement emprunté ce mot au cri guttural de Polichinelle. On écrit aussi _Bouis-bouis_,--je ne sais pas pourquoi puisque c'est une onomatopée. _Bouig-bouig_ serait plus exact alors. _Ensecreter un bouiboui._ Attacher tous les fils qui doivent servir à faire mouvoir une marionnette. BOUIBOUI, s. m. Petit théâtre,--dans l'argot des comédiens. Endroit mal famé,--dans l'argot des bohèmes. BOUILLABAISSE, s. f. Confusion de choses ou de gens. Argot des coulisses et des gens de lettres. _Faire de la bouillabaisse._ Arranger confusément des choses ou des idées. BOUILLANTE, s. f. Soupe,--dans l'argot des soldats. BOUILLIE POUR LES CHATS, s. f. Affaire avortée, chose mal réussie. Argot des bourgeois. _Faire de la bouillie pour les chats._ Travailler sans profit pour soi ni pour personne. BOUILLON, s. m. Mauvaise affaire, opération désastreuse. Même argot. _Boire un bouillon._ Perdre de l'argent dans une affaire. BOUILLON, s. m. Pluie,--dans l'argot du peuple. _Bouillon qui chauffe._ Nuage qui va crever. BOUILLON AVEUGLE, s. m. Bouillon gras qui n'est pas assez gras, dont on ne voit pas les _yeux_. Même argot. BOUILLON DE CANARD, s. m. Eau. BOUILLON D'ONZE HEURES, s. m. Breuvage empoisonné. _Prendre un bouillon d'onze heures._ Se suicider par le poison. BOUILLONNER, v. n. Perdre de l'argent dans une affaire, _boire un bouillon_. BOUILLON POINTU, s. m. Lavement. BOUILLON POINTU, s. m. Coup de baïonnette,--dans l'argot des troupiers. BOUILLONS, s. m. Livres ou journaux invendus. BOUIS, s. m. Fouet,--dans l'argot des voleurs. BOUISER, v. a. Donner le fouet ou du fouet,--selon qu'il s'agit d'un enfant ou d'un cheval. BOULANGE, s. f. Apocope de _Boulangerie_. Argot des ouvriers. BOULANGER DES AMES, s. m. Le diable,--dans l'argot des voleurs. BOULE, s. f. Foire,--dans le même argot. BOULE, s. f. Tête,--dans l'argot du peuple. _Bonne boule._ Physionomie grotesque. _Perdre la boule._ Ne plus savoir ce que l'on fait. BOULE DE NEIGE, s. f. Nègre,--par une antiphrase empruntée à nos voisins d'outre-Manche, qui disent de tout oncle Tom: _Snow-ball_,--quand ils n'en disent pas: _lily-white_ (blanc de lis). BOULE DE SIAM, s. f. Tête ridicule, figure grotesque, ayant quelque ressemblance avec le disque percé de deux trous qui sert au jeu de quilles. BOULE DE SON, s. f. Pain,--dans l'argot des prisons. BOULE DE SON, s. f. Figure marquée de taches de rousseur,--dans l'argot des faubouriens. BOULENDOS, s. m. Bossu,--dans l'argot des voyous. Ils disent aussi _Bosco_, _Bossemar_. BOULER, v. n. Aller, _rouler_,--dans le même argot. BOULER, v. a. Pousser quelqu'un brusquement, le secouer brutalement. Argot du peuple. S'emploie aussi, au figuré, pour gronder, faire d'énergiques reproches. BOULE ROUGE, s. f. Fille ou femme galante qui habitait le quartier de la Boule-Rouge, dans le faubourg Montmartre. Comme les mots ne manqueront jamais aux hommes pour désigner les femmes,--du moins une certaine classe de femmes,--ce nom, qui succédait à celui de _lorette_ et qui date de la même époque, a été lui-même remplacé par une foule d'autres, tels que: _filles de marbre_, _prè-catelanières_, _casinettes_, _musardines_, etc., selon les localités. BOULES DE LOTO, s. f. Yeux gros et saillants,--dans l'argot du peuple, qui ne sait pas que Junon les avait ainsi, et à qui peut-être la chose est parfaitement indifférente. BOULET A CÔTES, s. m. Melon,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Boulet à queue_. BOULET JAUNE, s. m. Potiron,--dans l'argot des voyous. BOULETTE, s. f. Bévue, erreur plus ou moins grave. Argot du peuple. BOULEUSE, s. f. Actrice qui joue tous les rôles, et principalement ceux dont ses camarades, les chefs d'emploi, ne veulent pas. Argot des coulisses. BOULINER, v. a. Voler,--quand cela exige qu'on fasse des _boulins_ (ou trous) aux murs d'une maison ou aux volets d'une boutique. Les escrocs des siècles passés disaient _bouler_. BOULINGUER, v. a. Déchirer,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi gouverner, conduire,--dans l'argot des vagabonds, qui savent si mal se _boulinguer_ eux-mêmes. BOULINOIRE, s. f. Vilebrequin. BOULOTER, Assister un camarade,--dans l'argot des voleurs. BOULOTS, s. m. pl. Haricots ronds,--dans l'argot des bourgeois. BOULOTTER, v. a. Manger. Argot du peuple. BOULOTTER, v. n. Aller doucement, faire de petites affaires. Argot du peuple. BOULOTTER L'EXISTENCE, v. a. La mener heureuse et douce. BOULVARI ou BOULEVARI, s. m. Vacarme , tumulte excessif. BOUQUET, s. m. Accident heureux ou malheureux. _C'est le bouquet!_ Cela complète mon malheur. BOUQUET, s. m. Boni, prime de 25 pour cent accordée à _L'homme de peine_ qui a voulu s'abstenir; _chopin_ de la première affaire. Argot des voleurs. BOUQUET, s. m. Cadeau,--dans l'argot des voyous. BOUQUIN, s. m. Livre neuf ou vieux,--dans l'argot des gens de lettres. C'est une corruption ou une ironie du mot anglais _book_. BOUQUINER, v. n. Faire la chasse aux livres anciens ou modernes. BOURBE (La). Nom que le peuple s'obstine à donner à l'hospice de la Maternité de Paris, malgré l'espèce d'infamie cruelle qui semble attachée à cette appellation. BOURBILLONS, s. m. pl. Filaments d'encre épaisse qui restent dans le bec de la plume. Argot des écoliers. BOURDON, s. m. Fille publique,--dans l'argot des voleurs. BOURDON, s. m. Mots oubliés,--dans l'argot des typographes. BOURGEOIS, s. m. Expression de mépris que croyaient avoir inventée les Romantiques pour désigner un homme vulgaire, sans esprit, sans délicatesse et sans goût, et qui se trouve tout au long dans l'_Histoire comique de Francion_: «Alors lui et ses compagnons ouvrirent la bouche quasi tous ensemble pour m'appeler _bourgeois_, car c'est l'injure que ceste canaille donne à ceux qu'elle estime niais.» BOURGEOIS, s. m. Patron,--dans l'argot des ouvriers; Maître,--dans l'argot des domestiques. On dit dans le même sens, au féminin: _Bourgeoise_. BOURGEOIS, s. m. Toute personne qui monte dans une voiture de place ou de remise,--à quelque classe de la société qu'elle appartienne. Le cocher ne connaît que deux catégories de citoyens; les cochers et ceux qui les payent,--et ceux qui les payent ne peuvent être que des bourgeois. BOURGEOISADE, s. m. Action mesquine, plate, écœurante,--dans l'argot des gens de lettres et des artistes. BOURGERON, s. m. Petite blouse de toile bleue,--dans l'argot des ouvriers dont, avec la _cotte_, cela compose le costume de travail. BOURGUIGNON, s. m. Le soleil, dans l'argot du peuple, qui croit que cet astre n'a été créé par Dieu que pour faire mûrir les vignes de la Côte-d'Or. BOURRASQUE, s. f. Coup de filet policier,--dans l'argot des voleurs. BOURRE-COQUINS, s. m. pl. Haricots,--dans l'argot du peuple. BOURRE-DE-SOIE, s. f. Fille ou femme entretenue,--dans l'argot des voyous. BOURRÉE, s. f. Bousculade brutale,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Bourrade_. BOURRICHON, s. m. La tête,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent les imbéciles pour des huîtres. _Se monter le bourrichon._ Se faire une idée fausse de la vie, s'exagérer les bonheurs qu'on doit y rencontrer, et s'exposer ainsi, de gaieté de cœur, à de cruels mécomptes et à d'amers désenchantements. BOURRIQUE, s. f. Imbécile,--dans l'argot du peuple, qui calomnie l'âne. _Tourner en bourrique._ S'abrutir ne plus savoir ce que l'on fait. _Faire tourner quelqu'un en bourrique._ L'obséder de reproches ou d'exigences ridicules. BOURRIQUE A ROBESPIERRE, s. f. Animal aussi fantastique que la bête du Gévaudan, que le peuple se plaît à mettre à toutes les sauces, sans qu'on sache pourquoi. Quand il a dit: _Bête_ (ou _saoûl_, ou _méchant_) _comme la bourrique à Robespierre_, c'est qu'il n'a pas trouvé de superlatif péjoratif plus énergique. BOURSICOT, s. m. Porte-monnaie et l'argent qu'il contient. Même argot. BOURSICOTER, v. n. Economiser, mettre de l'argent de côté. Signifie aussi Faire de petites opérations de Bourse. BOURSICOTEUR, s. m. Courtier marron de Bourse. On dit aussi _Boursicotier_. BOURSILLONNER, v. n. Contribuer pour une petite somme à quelque dépense commune. BOUSCAILLE, s. f. Boue.--Argot des voleurs. BOUSCAILLEUR, s. m. Balayeur. BOUSILLER, v. a. Faire vite et mal,--dans l'argot du peuple, qui sait avec quel sans-façon et quelle rapidité les maçons bâtissent les maisons des champs, avec du crachat et de la _boue_, ou mieux de la _bouse_. BOUSILLEUR, s. m. Ouvrier qui fait de mauvais ouvrage,--parce qu'il le fait trop vite et sans soin. BOUSILLEUSE, s. f. Femme qui gaspille volontiers ses robes et l'argent qu'elle gagne,--sans rien faire. BOUSIN, s. m. Vacarme, scandale,--dans l'argot du peuple. _Faire du bousin._ Faire du tapage du scandale; se battre à coups de chaises, de tables et de bouteilles. BOUSIN, s. m. Maison mal famée; cabaret borgne. Argot du du peuple. M. Nisard, à propos de ce mot, éprouve le besoin de traverser la Manche et d'aller chercher _bowsing_, cabaret à matelots. C'est, me semble-t-il, renverser l'ordre naturel des choses, et faire descendre François Ier de Henri II. _Bowsing_ n'est pas le père, mais bien le fils de _bousin_, qui lui-même est né de la _bouse_ ou de la _boue_. Pour s'en assurer, il suffit de consulter nos vieux écrivains, depuis Régnier jusqu'à Restif de la Bretonne. BOUSINEUR, s. et adj. Ami du bruit et du scandale. BOUSINGOT, s. m. Etudiant romantique qui portait des gilets à la Robespierre et était affilié à la Société des saisons: un type héroïque, quoique un peu théâtral, qui a complètement disparu. BOUSINGOTISME, s. m. Doctrines et mœurs des bousingots. BOUSSOLE, s. f. Tête,--dans l'argot du peuple, qui sait aussi bien que personne que c'est là que se trouve l'aiguille aimantée appelée la Raison. _Perdre la boussole._ Devenir fou. BOUSSOLE DE SINGE, s. f. Fromage de Hollande,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Boussole de refroidi_. BOUSTIFAILLE, s. f. Vivres, nourriture, en un mot ce que Rabelais appelait «le harnois de gueule». Argot du peuple. BOUSTIFAILLER, v. n. Manger. BOUT DE CUL, s. m. Petit homme,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Bas du cul_. BOUTANCHE, s. f. Boutique,--dans l'argot des prisons. On dit aussi _Boutogue_, _Boucard_. BOUTEILLE, s. f. Nez,--dans l'argot des faubouriens. BOUTEILLE, s. f. Latrines,--dans l'argot des matelots. BOUTEILLE A L'ENCRE (C'est la). Se dit, dans l'argot des bourgeois,--de toute affaire embrouillée ou de toute personne aux allures ténébreuses. BOUTEILLER, v. n. Se dit des globules d'air,--des _bouteilles_,--que forme la pluie dans les ruisseaux lorsqu'elle tombe avec abondance. BOUTERNE, s. f. Boîte carrée d'assez grande dimension, garnie de bijoux d'or et d'argent numérotés, parmi lesquels il y a l'inévitable «pièce à choisir», qui est ordinairement une montre avec sa chaîne, «d'une valeur de 600 francs», que la marchande reprend pour cette somme lorsqu'on la gagne. Mais on ne la gagne jamais, parce que les chances du jeu de la bouterne, composés de huit dés, sont trop habilement distribuées pour cela: les dés sont pipés! BOUTERNIÈRE, s. f. Femme qui dupe les simples avec la bouterne. BOUTIQUE, s. f. Ce que les petites filles laissent voir si volontiers,--comme dans le tableau de _l'Innocence_. Argot du peuple. S'applique aussi à l'autre sexe. _Montrer toute sa boutique._ Relever trop haut sa robe dans la rue, ou la décolleter trop bas dans un salon. BOUTIQUE, s. f. Bureau,--dans l'argot des employés; journal,--dans l'argot des gens de lettres. _Esprit de boutique._ Esprit de corps. _Être de la boutique._ Être de la maison, de la coterie. BOUTIQUER, v. a. Faire à contre-cœur; arranger mal une chose. Argot du peuple. BOUTON, s. m. Passe-partout. Argot des voleurs. BOUTON, s. m. Louis d'or. Argot des maquignons. BOVARISME, s. m. Hystérie littéraire, réalisme ægypanesque dans le genre du roman de G. Flaubert, _madame Bovary_. L'expression a été créée par Barbey d'Aurevilly, à propos de son étude sur l'_Antoine Quérard_ de Ch. Bataille. BOXON, s. m. Mauvais lieu habité par de jolies filles,--dans l'argot des faubouriens. BOYAU ROUGE, s. m. Bon buveur,--dans l'argot du peuple qui a emprunté cette expression à la Bourgogne. BRADER, v. a. et n. Vendre à vil prix. Argot des marchands de bric-à-brac. BRAILLANDE, s. f. Caleçon, _braies_. Argot des voleurs. BRAILLARD, s. m. Mauvais chanteur. Argot du peuple, qui dit plutôt: _Gueulard_. BRAILLER, v. n. Chanter. BRAIRE, v. n. Pleurer. C'est un vieux mot. On le trouve dans la _Chanson de Roland_. BRAISE, s. f. Argent monnayé,--dans l'argot des filles. _Abouler de la braise._ Donner de l'argent à une fille pour être aimé d'elle, ou à un voleur pour n'être pas tué par lui. BRAISER, v. n. Payer, dépenser de la _braise_. On dit aussi _Braisiller_. BRAISEUR, s. et adj. Homme riche, ou seulement en train de dépenser de l'argent. BRANCARD, s. m. Lorette hors d'âge, qui conduit les jeunes drôlesses dans les bons endroits, qui les _traîne_ sur la route du vice. Argot de Breda-Street. BRANCARDS, s. m. pl. Les jambes,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que c'est avec elles qu'on _traîne_ le corps. BRANCHE, s. f. Ami, compagnon, _ma vieille branche_,--dans le même argot. BRANDILLEUSE, s. f. Sonnette,--dans l'argot des voyous. BRANLANTES, s. f. pl. Dents des vieillards,--dans le même argot. BRANLE-BAS, s. m. Vacarme, bouleversement; déménagement. Argot du peuple. _Faire du branle-bas._ Faire du tapage. BRANLER DANS LE MANCHE, v. n. Se dit d'une chose ou d'une personne qu'on est menacé de perdre. BRANQUE, s. m. Ane,--dans l'argot des voleurs, dont les ancêtres, les gueux infirmes, étaient portés à l'hospice sur un cacolet, qu'ils appelaient _brancard_. BRAQUE, s. m. Original, homme à moitié fou, qui court de-ci, de-là, comme un chien de chasse,--dans l'argot des bourgeois, qui n'aiment pas les excentriques, et veulent qu'à leur exemple on marche à pas comptés et d'un air compassé. On dit aussi _Grand Braque_,--même à propos d'un homme de taille moyenne. BRAS, adj. m. Grand,--dans l'argot des voleurs, qui exagèrent la longueur de la _brasse_. BRASSET, adj. m. Gros,--homme difficile à _embrasser_. BRAVE, s. m. Vieux soldat,--dans l'argot du peuple. BRAVE, adj. Beau, bien vêtu,--comme paré pour le combat. _Brave comme un jour de Pâques._ Richement habillé. BREDA-STREET, s. m. Cythère parisienne, qui comprend non seulement la rue Bréda, mais toutes les rues avoisinantes, où s'est agglomérée une population féminine dont les mœurs laissent à désirer,--mais ne laissent pas longtemps désirer. Mœurs à part, langage spécial formé, comme l'airain de Corinthe, de tous les argots parisiens qui sont venus se fondre et se transformer dans cette fournaise amoureuse. Nous en retrouverons çà et là des échantillons intéressants. BRÉDI-BRÉDA, loc. adv. Précipitamment, avec confusion,--dans l'argot du peuple. On dit quelquefois _Brédi-bréda taribara_. BREDOCHE, s. f. Liard,--dans l'argot des voyous. Ils disent aussi _brobèche_ et _broque_. BRELOQUE, s. f. Pendule,--dans l'argot des faubouriens. D'où est sans doute venue l'expression: _Battre la breloque_, pour signifier d'abord chez les soldats: «Annoncer à son de tambour l'_heure_ des repas;» puis au figuré, chez le peuple: «Déraisonner comme une pendule détraquée.» BRÊMES, s. f. pl. Cartes à jouer, dans l'argot des voleurs et des petites dames. _Brême de paclin._ Carte géographique. _Maquiller les brêmes._ Se servir, pour jouer, de cartes biseautées. BRÊMIER, s. m. Fabricant de cartes. BRIC-À-BRAC, s. m. Choses de peu de valeur,--ou d'une valeur énorme, selon le monde où on emploie ce mot: Vieilles ferrailles ici, vieux Sèvres là. BRIC-A-BRAC, s. m. Revendeur, petit marchand de débris, de _bric-à-brac_. BRICABRACOLOGIE, s. f. Science, métier du bric-à-brac, des _bibelots_ de luxe. Le mot est de Balzac. BRICARD, s. m. Escalier,--dans l'argot des voyous. BRICOLE, s. f. Mauvaise affaire, affaire d'un produit médiocre. Argot du peuple. BRICOLER, v. a. Faire une chose à la hâte et sans goût. Signifie aussi faire des choses que pourraient réprouver la conscience et la morale. Dans ce sens, il a pour parrain Saint-Simon. BRICOLEUR, s. m. Homme bon à tout faire, les bons comme les mauvais métiers,--les mauvais surtout. On dit aussi _Bricolier_. BRICUL, s. m. Officier de paix,--dans l'argot des voleurs. BRIDE, s. f. Chaîne de montre,--dans le même argot. BRIDER, v. a. Fermer,--dans le même argot. _Brider la lourde._ Fermer la porte. BRIFFER, v. n. Manger,--dans l'argot du peuple, qui se souvient de la vieille et bonne langue. «O! le bon appétit, voyez comme il briffe!» dit Noël Du Fail en ses _Propos rustiques_. BRIGANTE, s. f. Perruque,--dans l'argot des voleurs. BRIGEANTS, s. m. pl. Cheveux, dans le même argot. On dit aussi _Brigands_,--à cause de la physionomie rébarbative que vous donnent des cheveux ébouriffés. BRIGETON, s. m. Pain,--dans l'argot des faubouriens. BRIMADE, s. f. Mauvaise plaisanterie,--dans l'argot des troupiers qui se plaisent à jouer des tours aux conscrits. BRIMAR, s. m. Briseur,--dans l'argot des voleurs. BRIMER, v. a. Faire subir à un conscrit des épreuves désagréables--qu'il peut toujours s'épargner en n'épargnant pas le vin à ses camarades. BRINDEZINGUE, s. m. Etui en fer-blanc, d'un diamètre peu considérable et de douze à quinze centimètres de longueur, dans lequel les voleurs renferment une lame d'acier purifié, taillée en scie, et à trois compartiments, qui leur sert à couper les plus forts barreaux de prison. Comment arrivent-ils à soustraire cet instrument de délivrance aux investigations les plus minutieuses des geôliers? C'est ce qu'il faut demander à M. le docteur Ambroise Tardieu, qui a fait une étude spéciale des maladies de la gaîne naturelle de cet étui. BRINDEZINGUES (Être dans les). Être complètement ivre. Argot des faubouriens. BRINGUE, s. f. Femme maigre, déhanchée,--dans le même argot. On dit aussi _Grande bringue_. BRIOCHE, s. f. Grosse bévue, faute grossière,--dans l'argot des bourgeois. BRIOLET, s. m. Petit vin suret,--dans l'argot du peuple, que ce vin rend _ebriolus_ tout comme si c'était du bourgogne. BRIQUEMON, s. m. Briquet,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Sabre de cavalerie. BRISER (Se la). Se retirer d'un lieu quelconque, qu'on s'y trouve mal ou bien. Argot des faubouriens. BRISEUR, s. m. Variété d'escrocs dont parle Vidocq. BRISQUE, s. f. Année,--dans l'argot des voleurs. BROBUANTE, s. f. Bague,--dans le même argot. BROCANTE, s. f. Chose de peu de valeur,--dans l'argot du peuple. BROCANTER, v. a. et n. Acheter et vendre toutes sortes de choses, des tableaux et des femmes, son talent et sa conscience. Argot des gens de lettres. BROCHE, s. f. Billet à ordre d'une petite somme. Argot des commerçants. BROCHES, s. f. pl. Dents. Argot des voyous. BRODANCHER, v. a. Écrire,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Broder_. BRODANCHEUR A LA PLAQUE, s. m. Notaire,--à cause de son écusson. BRODEUR, s. m. Ecrivain public--ou particulier. BRODEUSE, s. f. Individu appartenant au troisième sexe. Même argot. BROQUILLE, s. f. Rien, chose de peu de valeur. Argot des cabotins. Ne s'emploie ordinairement que dans cette phrase: _Ne pas dire une broquille_, pour: Ne pas savoir un mot de son rôle. BROQUILLE, s. f. Minute,--qui est un _rien_ de temps. Argot des voleurs. BROQUILLE, s. f. Bague,--dans le même argot. Signifie aussi Boucle d'oreille. BROSSÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot du peuple. BROSSER, v. a. Donner des coups. Signifie aussi Gagner une partie de billard. _Se faire brosser_, v. réfl. Se faire battre,--au propre et au figuré. BROSSER LE VENTRE (Se), v. réfl. Se passer de manger, et coucher sans souper. BROUÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot des faubouriens, qui parfois se décousent ainsi les _brouailles_. BROUILLARDS (Être dans les). Être gris à n'y voir plus clair pour se conduire. BROUILLÉ AVEC LA MONNAIE, s. et adj. Pauvre, ruiné,--dans l'argot au peuple. On disait autrefois _Brouillé avec les espèces_. BROUSSAILLES (Être dans les). Être en état d'ivresse, à en perdre son chemin et à en donner du nez contre les haies, au lieu de suivre le pavé du roi ou de la république. BROUTE, s. m. Pain,--dans l'argot des faubouriens. Ne serait-ce pas par hasard une corruption du _Brod_ allemand? BROUTER, v. a. Manger. BROUTEUR SOMBRE, s. m. Homme mélancolique, qui mange tout seul. BROYEUR DE NOIR EN CHAMBRE, s. m. Ecrivain mélancolique; personne qui se suicide à domicile. BRUGE, s. m. Serrurier.--dans l'argot des voleurs. BRUGERIE, s. f. Serrurerie, parce que cela se _ronge_ vite ([grec: bruchô]), dirait M. Lorédan Larchey dans son ardeur d'étymologiste. BRÛLAGE, s. m. Déconfiture générale de l'homme _brûlé_. L'expression appartient à Balzac. BRÛLANT, adj. Délicat, scabreux, difficile. _Actualité brûlante._ Actualité on ne peut plus actuelle, pour ainsi dire. BRÛLÉ (Être). N'inspirer plus aucune confiance dans les endroits où l'on était bien reçu, où l'on avait crédit sur sa mine. Argot des bohèmes et des escrocs. BRÛLÉ (Être). Être déjoué par la police, dans l'argot des voleurs. BRÛLÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot du peuple. _Foutre une brûlée._ Battre les ennemis dans l'argot des troupiers. _Recevoir une brûlée._ Être battu par eux. BRÛLE-GUEULE, s. m. Pipe très courte et très culottée,--dans l'argot du peuple et des artistes. BRÛLER, v. n. Approcher du but, être sur le point de découvrir une chose,--dans l'argot des enfants et des grandes personnes, qui devinent, les uns qui savent à quoi on s'expose en s'approchant du _feu_. BRÛLER, v. a. Dépasser une voiture,--dans l'argot des cochers qui se plaisent à ce jeu dangereux, malgré les conseils de la prudence et les règlements de la police. BRÛLER A LA RAMPE (Se). Jouer pour soi sans se préoccuper de la pièce. Argot des coulisses. BRÛLER DU SUCRE, v. a. Recevoir des applaudissements,--dans le même argot. BRÛLER LA POLITESSE, v. a. Disparaître sans avertir,--dans l'argot des bourgeois. BRÛLER LE PÉGRIOT, v. a. Faire disparaître les traces d'un vol. Argot des prisons. BRÛLER LES PLANCHES, v. a. Avoir l'habitude de la scène, jouer un rôle avec aplomb. Argot des coulisses. BRÛLER SA CHANDELLE PAR LES DEUX BOUTS, v. a. Faire des dépenses extravagantes,--dans l'argot des bourgeois. BRÛLOT, s. m. Petit punch à l'eau-de-vie. BRUTAL, s. m. Canon,--dans l'argot du peuple, qui a quelquefois à se plaindre de cet _ultima ratio regum_. BU, adj. Ivre,--dans l'argot du peuple. BUCHE, s. f. Bois à graver,--dans l'argot des graveurs. BÛCHE, s. f. Pièce à faire,--dans l'argot des tailleurs. BÛCHE, s. f. Imbécile,--dans l'argot du peuple. BÛCHE PLOMBANTE, s. f. Allumette chimique, dans l'argot des voleurs. BÛCHER, v. n. Travailler avec énergie, avec assiduité. Argot du peuple. BÛCHER, v. a. Frapper, battre,--dans le même argot. _Se bûcher._ Echanger des coups. BÛCHERIE, s. f. Rixe populaire, souvent sanglante, quoique à coups de pied et de poing seulement. BÛCHEUR, s. m. _Piocheur._ BULL-PARK. Le jardin Bullier,--dans l'argot des étudiants. BUQUER, v. n. Voler dans les boutiques sous prétexte d'y demander de la monnaie. BURELIN, s. m. Bureau,--dans l'argot des voyous. BURETTES, s. f. pl. Paire de pistolets,--dans l'argot des faubouriens. BUSARD, s. f. Niais; homme incapable, paresseux, impropre à quoi que ce soit. Argot du peuple. On dit aussi _Buse_ et _Buson_. BUSTINGUE, s. f. Garni où couchent les bateleurs, les Savoyards, les montreurs de curiosités. Argot des voleurs. BUTE, s. f. L'échafaud que doivent gravir ceux qui ont _buté_ quelqu'un. Même argot. BUTER, v. a. Assassiner,--dans l'argot des voleurs, qui ont un salutaire effroi de la _bute_. BUTEUR, s. m. Le bourreau,--qui tue ceux qui ont tué, et bute ceux qui ont buté. BUTRE, s. f. Plat,--dans l'argot des voleurs. BUVAILLER, v. a. Boire peu, ou à petits coups. Argot du peuple. BUVAILLEUR, s. m. Homme qui ne sait pas boire. BUVETTE, s. f. Endroit du mur du cimetière par où passent les marbriers pour aller chercher des liquides prohibés à la douane du _gaffe_ en chef. BYRONIEN, adj. et s. Homme fatal, style mélancolique,--dans l'argot des gens de lettres. BYRONISME, s. m. Maladie littéraire et morale, à la mode il y a quarante ans, aujourd'hui presque disparue. C ÇA (Être). Être parfait, comme il faut que ce soit--dans l'argot du peuple. CAB, s. m. Apocope de _Cabotin_,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Cabot_. CABARET BORGNE, s. m. Mauvais lieu, cabaret de mauvaise mine. CABAS, s. m. Vieux chapeau d'homme ou de femme,--dans l'argot des bourgeois. CABASSER, v. n. Bavarder,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi Tromper, et même Voler. CABASSEUR, s. m. Faiseur de cancans. Signifie aussi Voleur. CABERMON, s. f. Cabaret,--dans l'argot des voleurs. CABESTAN, s. m. Officier de paix,--dans le même argot. CABILLOT, s. m. Soldat,--dans l'argot des marins. CABO, s. m. Chien,--dans l'argot du peuple, qui a contracté le vieux mot _Clabaud_. On dit aussi _Cabe_. CABOCHE, s. f. Tête,--dans l'argot du peuple, qui s'éloigne bien du [grec: kephalê] grec et du _caput_ latin, mais ne s'éloigne pas du tout de la tradition: «D'autant plus qu'il n'avoit pas beaucoup de cervelle en sa caboche,»--disent _les Nuits de Straparole_. «Biau sire, laissiés me caboche, Par la char Dieu, c'est villenie!» disent les poésies d'Eustache Deschamps. On dit aussi _Cabosse_. CABOCHON, s. m. Coup reçu sur la tête, ou sur toute autre partie du corps. CABOTIN, s. m. Mauvais acteur,--le Rapin du Théâtre, comme le Rapin est le Cabotin de la Peinture. CABOTINAGE, s. m. Le stage de comédien, qui doit commencer par être sifflé sur les théâtres de toutes les villes de France, avant d'être applaudi à Paris. CABOTINE, s. f. Drôlesse qui fait les planches au lieu de faire le trottoir. CABOTINER, v. n. Aller de théâtre en théâtre et n'être engagé nulle part. CABOULOT, s. m. Boutique de liquoriste tenue par de belles filles bien habillées, qui n'ont pour unique profit que les _deux sous du garçon_. Ce mot a une vingtaine d'années. Au début, il a servi d'enseigne à un petit cabaret modeste du boulevard Montparnasse, puis il a été jeté un jour par fantaisie, dans la circulation, appliqué à toutes sortes de petits endroits à jeunes filles et à jeunes gens, et il a fait son chemin. CABRER (Se), v. réfl. Se fâcher,--dans l'argot des bourgeois. CABRIOLET, s. m. Petit instrument fort ingénieux que les agents de police emploient pour mettre les malfaiteurs qu'ils arrêtent hors d'état de se servir de leurs mains. CABRION, s. m. Rapin, loustic, mauvais farceur,--dans l'argot des gens de lettres, qui se souviennent du roman d'Eugène Sue (_Les Mystères de Paris_). CACA, s. m. Evacuation alvine,--dans l'argot des enfants; Vilenie,--dans l'argot des grandes personnes qui connaissent le verbe _Cacare_. _Faire caca_. Ire ad latrinas. CACADE, s. f. Reculade, fuite honteuse,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Voltaire. CACHE, s. f. Endroit où l'on se cache. Argot des enfants. _Jouer à cache-cache._ Jouer à se cacher. CACHEMIRE, s. m. Torchon,--dans l'argot ironique des faubouriens. _Donner un coup de cachemire sur une table._ L'essuyer. CACHEMIRE D'OSIER, s. m. Hotte,--dans l'argot des chiffonniers. Ils disent aussi _Cabriolet_, et _Carquois d'osier_. CACHE-MISÈRE, s. m. Vêtement ample, boutonné jusqu'au menton et dissimulant tant bien que mal l'absence de la chemise. Argot du peuple. CACHEMITE, s. f. Cachot,--dans l'argot des voleurs. CACHER, v. a. et n. Manger,--dans l'argot des faubouriens. CACHET DE LA RÉPUBLIQUE, s. m. Coup de talon de botte sur la figure. Argot des voyous. CACHET DE M. LE MAIRE, s. m. Tache breneuse à la chemise. Argot du peuple. CACHOTTERIE, s. f. Mystère fait à propos de choses qui n'en valent pas la peine. Même argot. CACHOTTIER, s. m. Homme sournois, mystérieux, qui ne confie rien à personne. CADAVRE, s. m. Synonyme de corps. Même argot. _Se mettre quelque chose dans le cadavre._ Manger. CADAVRE, s. m. Secret qu'on a intérêt à cacher,--faute ou crime, faiblesse ou malhonnêteté. Argot des gens de lettres. _Savoir où est le cadavre de quelqu'un._ Connaître son secret, savoir quel est son vice dominant, son _faible_. CADÈNE, s. f. Chaîne de cou,--dans l'argot des voleurs, dont les pères ont jadis fait partie de la _Grande Cadène_ qui allait de Paris à Toulon ou à Brest. CADET, s. m. Outil pour forcer les portes. Même argot. CADET, s. m. Les parties basses de l'homme, «la cible aux coups de pied». Argot du peuple. _Baiser Cadet._ Faire des actions viles, mesquines, plates. Faubouriens et commères disent fréquemment, pour témoigner leur mépris à quelqu'un ou pour clore une discussion qui leur déplaît: «Tiens, baise Cadet!» CADET, s. m. Synonyme de Quidam ou de Particulier. _Tu es un beau cadet!_ Phrase ironique qu'on adresse à celui qui vient de faire preuve de maladresse ou de bêtise. CADET DE HAUT APPÉTIT, s. m. Grand mangeur, ou dépensier. CADET DE MES SOUCIS (C'est le). Phrase de l'argot du peuple, qui signifie: Je ne m'inquiète pas de cela, je m'en moque. CADICHON, s. m. Montre,--dans l'argot des voleurs. CADRAN, s. m. Le derrière de l'homme,--dans l'argot des voyous. Ils disent aussi _Cadran humain_ ou _Cadran solaire_. CAFARDE, s. f. La lune,--dans l'argot des voleurs, qui redoutent les indiscrétions de cette planète assistant à leurs méfaits derrière un voile de nuages. CAGE, s. f. Prison,--dans l'argot du peuple, qui a voulu constater ainsi que l'on tenait à empêcher l'homme qui _vole_ de s'envoler. _Cage à chapons._ Couvent d'hommes. _Cage à jacasses._ Couvent de femmes. _Cage à poulets._ Chambre sale, étroite, impossible à habiter. CAGE, s. f. Atelier de composition,--dans l'argot des typographes. Ils disent aussi _Galerie_. CAGETON, s. m. Hanneton,--dans l'argot des voleurs, qui savent qu'il est impossible de mettre ce scarabée en _cage_, et qui voudraient bien jouir du même privilège. CAGNE, s. f. et m. Personne paresseuse comme une _chienne_,--dans l'argot du peuple. C'est aussi le nom qu'il donne au cheval,--pour les mêmes raisons. CAGNOTTE, s. f. Rétribution tacitement convenue qu'on place sous le chandelier de la _demoiselle_ de la maison. Argot des joueurs du demi-monde. CAGOU, s. m. Voleur solitaire,--dans l'argot des voleurs. CAHIN-CAHA, adv. Avec peine, de mauvaise grâce,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie: _qua hinc, qua hac_. CAILLASSE, s. f. Cailloux,--dans le même argot. CAILLÉ, s. m. Poisson,--dans l'argot des voleurs. CAILLE COIFFÉE, s. f. Femme éveillée, un peu plus amoureuse que son mari ne le voudrait,--dans l'argot du peuple, qui connaît les mœurs du _Coturnix_. CAILLOU, s. m. Figure grotesque,--dans l'argot des voyous. Signifie aussi Nez. CAISSE D'ÉPARGNE, s. f. La bouche, dans l'argot du peuple, qui a l'ironie amère, parce qu'il sait que les trois quarts du salaire sont absorbés par ce gouffre toujours ouvert. Il l'appelle aussi, en employant une image contraire, _Madame la Ruine_. CAISSON, s. m. Tête,--dans l'argot des soldats. _Se faire sauter le caisson._ Se brûler la cervelle. CALABRE, s. f. Teigne,--dans l'argot des voleurs. CALAIN, s. m. Vigneron,--dans le même argot. CALANCHER, v. n. Mourir,--dans l'argot des vagabonds. CALANDRINER LE SABLE, v. a. Traîner sa misère,--dans l'argot des voyous. CALÉ, ÉE, adj. Riche, heureux,--dans l'argot du peuple, à qui il semble qu'un homme _calé_ ne peut plus tomber ni mourir. CALEBASSE, s. f. Tête,--dans l'argot des faubouriens, qui ont trouvé une analogie quelconque entre l'_os sublime_ et le fruit du baobab, presque aussi vides l'un que l'autre. _Grande calebasse._ Femme longue, maigre et mal habillée. CALEBASSES, s. f. pl. Gorge molle, qui promet plus qu'elle ne tient. CALÉGE, s. f. Femme entretenue,--dans l'argot des voleurs qui prononcent _calèche_ à la vieille mode. CALER, v. n. Appuyer sa main droite sur sa main gauche en jouant aux billes,--dans l'argot des enfants. CALER, v. n. Céder, rabattre de ses prétentions,--ce qui est une façon de baisser les voiles. Argot du peuple. CALER, v. n. N'avoir pas de besogne, attendre de la _copie_,--dans l'argot des typographes. CALER L'ÉCOLE, v. a. N'y pas aller, la _lâcher_,--dans l'argot des écoliers qui ont appris assez de latin et de grec pour supposer que ce verbe vient de _chalare_ et de [grec: Chalaô]. Mais les grandes personnes, même celles qui ont fait leurs classes, veulent qu'on dise _caner_ et non _caler_, s'appuyant sur la signification bien connue du premier verbe, qui n'est autre en effet que Faire la cane, s'enfuir. Mais je persisterai dans mon orthographe, dans mon étymologie et dans ma prononciation, parce qu'elles sont plus rationnelles et qu'en outre elles ont l'avantage de me rappeler les meilleures heures de mon enfance. En outre aussi, à propos de cette expression comme à propos de toutes celles où les avis sont partagés, je pense exactement comme le chevalier de Cailly à propos de _chante-pleure_: «Depuis deux jours on m'entretient Pour savoir d'où vient chante-pleure: Du chagrin que j'en ai, je meure! Si je savais d'où ce mot vient, Je l'y renverrais tout à l'heure...» CALICOT, s. m. Commis d'un magasin de nouveautés,--dans l'argot du peuple. Le mot date de la Restauration, de l'époque où les messieurs de l'aune et du rayon portaient des éperons partout, aux talons, au menton et dans les yeux, et où ils étaient si ridicules enfin avec leurs allures militaires, qu'on éprouva le besoin de les mettre au théâtre pour les corriger. CALICOTE, s f. Maîtresse de commis de nouveautés. CALIGULER, v. a. Ennuyer,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont gardé rancune au _Caligula_ d'Alexandre Dumas. CALINO, s. m. Nom d'une sorte de Jocrisse introduit par Antoine Fauchery dans un vaudeville, et qui a été appliqué depuis à tous les gens assez simples d'esprit, par exemple, pour s'imaginer avoir vu bâtir la maison où ils sont nés. CALINOTADE, s. f. Naïveté qui frise de près la niaiserie. CALLOT, s. m. Teigneux,--dans l'argot des voleurs. CALME ET INODORE (Être). Se conduire convenablement,--dans l'argot du peuple. CALOQUET, s. m. Chapeau. CALORGNE, s. m. Borgne, ou seulement Bigle. On dit aussi _Caliborgne_. CALOT, s. m. Dé à coudre,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi coquille de noix. CALOT, s. m. Grosse bille avec laquelle on _cale_ en jouant,--dans l'argot des enfants. CALOTIN, s. m. Prêtre,--dans l'argot du peuple. CALOTS, s. m. pl. Yeux ronds comme des _billes_,--dans l'argot des faubouriens. _Boiter des calots._ Loucher. CALOTTE (La). Le Clergé,--dans l'argot des bourgeois. _Le régiment de la calotte._ La Société de Jésus,--sous la Restauration. Aux XVIIe et XVIIIe siècles on avait donné ce nom à une société bien différente, composée de beaux esprits satiriques. CALOTTE, s. f. Soufflet,--dans l'argot du peuple. CALOTTER, v. a. Souffleter. CALVIGNE, s. f. La vigne,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Clavigne_. CALVIN, s. m. Raisin. On dit aussi _Clavin_. CAMARADERIE, s. f. Aide mutuelle mais intéressée que se prêtent les gens de lettres, journalistes ou dramaturges, pour arriver à la fortune et à la réputation. C'est la courte-échelle appliquée à l'art et à la littérature, c'est-à-dire aux deux plus respectables choses qui soient au monde,--les plus respectables et les moins respectées, «Passe-moi la casse et je te passerai le séné. Dis que j'ai du génie et je crierai partout que tu as du talent.» Le mot est nouveau, dans ce sens du moins, car les membres de la société de la casse et du séné, souvent, ne sont que des associés et pas du tout des amis; ils s'aident, mais ils se méprisent. C'est Henri Delatouche, l'ennemi, et, par conséquent, la victime de la _camaraderie_, qui est le parrain de ce mot, dont la place était naturellement marquée dans ce Dictionnaire, sorte de Muséum des infirmités et des difformités de la littérature française. CAMARDE, s. f. La Mort,--dans l'argot des voleurs, qui trouvent sans doute qu'elle manque de nez. CAMARO, s. m. Camarade, ami,--dans l'argot des faubouriens. CAMBOLER, v. n. Se laisser choir. Même argot. CAMBRIOLE, s. f. Chambre,--dans l'argot des voleurs. _Cambriole de Milord._ Appartement somptueux. _Rincer une cambriole._ Dévaliser une chambre. CAMBRIOLEUR, s. m. Homme qui dévalise les chambres, principalement les chambres de domestiques, en l'absence de leurs locataires. _Cambrioleur à la flan._ Voleur de chambre au hasard. CAMBROU, s. m. Domestique mâle. Même argot. CAMBROUSE, s. f. Gourgandine,--dans l'argot des faubouriens, qui se rencontrent sans le savoir avec les auteurs du _Théâtre-Italien_. CAMBROUSIER, s. m. Brocanteur,--dans l'argot des revendeurs du Temple. CAMBROUSSE, s. f. Banlieue, campagne,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Camplouse_. CAMBUSE, s. f. Cabaret,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi logis quelconque, taudis. CAMELLIA, s. m. Femme entretenue,--par allusion à Marie Duplessis, qui a servi de type à Alexandre Dumas fils, pour sa _Dame aux Camélias_. C'est par conséquent un mot qui date de 1852. Les journalistes qui l'ont employé l'ont écrit tous avec un seul _l_,--comme Alexandre Dumas fils lui-même, du reste,--sans prendre garde qu'ainsi écrit ce mot devenait une injure de bas étage au lieu d'être une impertinence distinguée: un _camellia_ est une fleur, mais le _camélia_ est un [grec: kamêlos]. CAMELOT, s. m. Marchand ambulant,--dans l'argot des faubouriens, qui s'aperçoivent qu'on ne vend plus aujourd'hui que de la _camelotte_. CAMELOTTE, s. f. Mauvaise marchandise; besogne mal faite,--dans l'argot des ouvriers; livre mal écrit, dans l'argot des gens de lettres. Les frères Cogniard, en collaboration avec M. Boudois, ont adjectivé ce substantif; ils ont dit: _Un mariage camelotte_. CAMELOTTE, s. f. «Femme galante de dix-septième ordre,»--dans l'argot du peuple. CAMELOTTE EN POGNE, s. f. Vol dans la main. Argot des prisons. CAMELOTTER, v. n. Marchander ou vendre. Signifie aussi mendier, vagabonder. CAMOUFLE, s. f. Chandelle,--dans l'argot des voleurs. _La camoufle s'estourbe._ La chandelle s'éteint. CAMOUFLEMENT, s. m. Déguisement,--parce que c'est à tromper que sert la _camoufle_ de l'instruction et de l'éducation. CAMOUFLER, v. pr. S'instruire,--se servir de la _camoufle_, de la lumière intellectuelle et morale. CAMOUFLER (Se), v. réfl. Se déguiser. CAMOUFLET, s. m. Chandelier. CAMP DES SIX BORNES, s. m. Endroit du cimetière où les marbriers font leur sieste aux jours de grande chaleur. _Piquer une romaine au camp._ Dormir. CAMPHRE, s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure, âpre au gosier et funeste à l'estomac, comme on en boit dans les cabarets populaciers ou assommoirs. CAMPHRIER, s. m. Marchand de vin et d'eau-de-vie,--dans l'argot des faubouriens. Se dit aussi pour buveur d'eau-de-vie. CAMPO, s. m. Congé,--dans l'argot des écoliers et des employés, qui ne sont pas fâchés d'aller _ad campos_ et de n'aller ni à leur école ni à leur bureau. _Avoir campo._ Être libre. CAMUS, adj. Etonné, confus, comme quelqu'un qui viendrait de «se casser le nez»,--dans l'argot du peuple. CAMUSE, s. f. Carpe,--dans l'argot des voleurs, qui alors n'ont pas vu les carpes des bassins de Fontainebleau. CAMUSE (La). La Mort,--dans le même argot. CANAGE, s. m. Agonie,--dans l'argot des voyous, qui ont vu _caner_ souvent devant la mort. CANAPÉ, s. m. Lieu où Bathylle aurait reçu Anacréon,--dans l'argot des voleurs, qui ont toutes les corruptions. CANARD, s. m. Imprimé crié dans les rues,--et par extension, Fausse nouvelle. Argot des journalistes. CANARD, s. m. Journal sérieux ou bouffon, politique ou littéraire,--dans l'argot des typographes, qui savent mieux que les abonnés la valeur des _blagues_ qu'ils composent. CANARD, s. m. Mari fidèle et soumis,--dans l'argot des bourgeoises. CANARD, s. m. Morceau de sucre trempé dans le café, que le bourgeois donne à sa femme ou à son enfant,--s'ils ont été bien sages. CANARD, s. m. Chien barbet,--dans l'argot du peuple, qui sait que ces chiens-là vont à l'eau comme de simples palmipèdes, _water-dogs_. CANARD, s. m. Fausse note,--dans l'argot des musiciens. On dit aussi _Couac_. CANARDER, v. a. Fusiller,--dans l'argot des troupiers, pour qui les hommes ne comptent pas plus que des palmipèdes. CANARDER, v. a. Tromper. CANARDIER, s. m. Crieur de journaux. Signifie aussi journaliste. CANARD SANS PLUMES, s. m. Nerf de bœuf,--dans l'argot du peuple. CANARI, s. m. Imbécile, _serin_,--dans le même argot. CANASSON, s. m. Cheval,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que cet animal se nourrit de _son_ aussi bien que d'avoine: _cane-à-son_. CANCAN, s. m. Médisance à l'usage des portières et des femmes de chambre. Argot du peuple. CANCAN, s. m. Fandango parisien, qui a été fort en honneur il y a trente ans, et qui a été remplacé par d'autres danses aussi décolletées. CANCANER, v. n. Danser le cancan;--Faire des cancans. CANCANIER, adj. et s. Bavard, indiscret. Qui colporte de faux bruits, des médisances. On dit aussi _Cancaneur_. CANCRE, s. m. Collégien qui ne mord volontiers ni au latin ni aux mathématiques, et qui préfère le Jardin des plantes de Buffon au _Jardin des racines grecques_ de Lancelot. CANCRE, s. et adj. Avare, homme qui n'aime point à prêter. Argot du peuple. Signifie aussi Pauvre Diable, homme qui ne peut arriver à rien, soit par incapacité, soit par inconduite. CANER, v. n. Avoir peur, s'enfuir, faire la _cane_ ou le _chien_. CANER, v. a. Ne pas faire, par impuissance ou par paresse. Argot des gens de lettres. _Caner son article._ Ne pas envoyer l'article qu'on s'était engagé à écrire. CANER, v. n. Mourir,--dans l'argot des voyous. CANER LA PÉGRENNE, v. a. Mourir de faim,--dans l'argot des voleurs. CANICHE, s. m. Chien en général,--dans l'argot du peuple, pour lequel le caniche est le seul chien qui existe, comme le _dada_ est pour les enfants le seul cheval de la création. CANICHE, s. m. Ballot à oreilles,--dans l'argot des voleurs. CANNE, s. f. Surveillance de la haute police,--dans le même argot. CANNE, s. f. Congé, renvoi plus ou moins poli,--dans l'argot des gens de lettres, dont quelques-uns ont une assez jolie collection de ces rotins. _Offrir une canne._ Prier un collaborateur de ne plus collaborer; l'appeler à d'autres fonctions, toutes celles qu'il voudra--mais ailleurs. CANON, s. m. Verre,--dans l'argot des francs-maçons; petite mesure de liquide,--dans l'argot des marchands de vin. _Petit canon._ La moitié d'un _cinquième_. _Grand canon._ Cinquième. CANONNER, v. n. Fréquenter les cabarets. CANONNER, v. n. _Crepitare_,--dans l'argot facétieux des faubouriens, amis du bruit, d'où qu'il sorte. CANONNEUR, s. m. Ivrogne, homme qui boit beaucoup de canons. CANONNIER DE LA PIÈCE HUMIDE, s. m. Infirmier,--dans l'argot des soldats. CANONNIÈRE, s. f. Le _podex_ de Juvénal, dans l'argot des faubouriens. _Charger la canonnière._ Manger. _Gargousses de la canonnière._ Navets, choux, haricots, etc. CANT, s. m. Argot des voleurs anglais, devenu celui des voleurs parisiens. CANT, s. m. Afféterie de manières et de langage; hypocrisie à la mode. Expression désormais française. Le _cant_ et le _bashfulness_, deux jolis vices! CANTALOUP, s. m. Imbécile, _melon_,--dans l'argot des faubouriens. CANTIQUE, s. m. Chanson à boire,--dans l'argot des francs-maçons, qui savent que _chanter_ vient de _cantare_. CANTON, s. m. Prison,--dans l'argot des voleurs. CANTONADE, s. f. Partie du théâtre en dehors du décor,--dans l'argot des coulisses. _Parler à la cantonade._ Avoir l'air de parler à quelqu'un qui est censé vous écouter,--au propre et au figuré. _Ecrire à la cantonade._ Ecrire pour n'être pas lu,--dans l'argot des gens de lettres. CANTONNIER, s. m. Prisonnier. CANULANT, adj. Ennuyeux, importun, insupportable,--dans l'argot du peuple, qui a une sainte horreur des matassins, armés comme l'on sait, qui poursuivent M. de Pourceaugnac. CANULE, s. f. Homme ennuyeux, obsédant. CANULER, v. a. Ennuyer, obséder. CAPAHUTER, v. a. Assassiner un complice pour s'approprier sa part du vol. CAPE, s. f. Écriture,--dans l'argot des voleurs. CAPET, s. m. Chapeau,--dans l'argot des ouvriers. CAPINE, s. f. Écritoire. CAPIR, v. a. Écrire. CAPITAINE, s. m. Agioteur, dans l'argot des voleurs. CAPITAINE, s. m. Capitaliste,--dans le même argot. CAPITAINE BÉCHEUR, s. m. Capitaine rapporteur,--dans l'argot des soldats. CAPITAINER, v. a. Agioter. CAPITONNER (Se), v. réfl. Garnir le corsage de sa robe «d'avantages» en coton,--dans l'argot des petites dames qui, pour séduire les hommes, ont recours à l'Art quand la Nature est insuffisante. CAPON, s. m. Lâche,--dans l'argot du peuple, trop coq gaulois pour aimer les _chapons_. CAPONNER, v. n. Reculer, avoir peur. CAPORAL, s. m. Tabac de la régie. CAPOU, s. m. Ecrivain public,--dans l'argot des voleurs. CAPRICE, s. m. Amant de cœur,--dans l'argot de Breda-Street, où l'on a l'imagination très capricante. _Caprice sérieux._ Entreteneur. CAPSULE, s. f. Chapeau à petits bords, à la mode depuis quelques années. Argot des faubouriens. CAQUER, v. n. _Alvum deponere_,--dans l'argot du peuple. CARABAS, s. m. Vieille berline de comte ou de _marquis_, carrosse d'un modèle suranné. CARABAS, s. m. Riche propriétaire de terres ou de maisons. On dit aussi _Marquis de Carabas_. CARABIN, s. m. Etudiant en médecine,--dans l'argot du peuple. _Carabine_, s. f. Maîtresse d'étudiant. CARABINE, s. f. Fouet,--dans l'argot des soldats du train. CARABINÉ, ÉE, adj. De première force ou de qualité supérieure. Argot du peuple. _Plaisanterie carabinée._ Difficile à accepter, parce qu'excessive. CARABINER, v. n. Jouer timidement, aventurer en hésitant son argent sur quelques cartes. Argot des joueurs de lansquenet. CARAMBOLAGE, s. m. Lutte générale,--dans l'argot des faubouriens. CARAMBOLER, v. a. Battre quelqu'un, et surtout plusieurs quelqu'uns à la fois; faire coup double, au propre et au figuré. CARANT, s. m. Planche, morceau de bois _carré_,--dans l'argot des voleurs. CARANTE, s. f. Table. CARAPATTER (Se). V. réfl. Se sauver, _jouer des pattes_. Argot des faubouriens. CARBELUCHE GALICÉ, s. m. Chapeau de soie,--dans l'argot des voleurs. CARCAGNO, s. m. Usurier,--dans l'argot des faubouriens. CARCAN, s. m. Vieux cheval bon pour l'équarrisseur. Argot des maquignons. CARCASSE, s. f. Le corps humain,--dans l'argot du peuple. _Avoir une mauvaise carcasse._ Avoir une mauvaise santé. CARCASSIER, s. m. Habile dramaturge,--dans l'argot des coulisses. On dit aussi _Charpentier_. CARDER, v. a. Egratigner le visage de quelqu'un à coups d'ongles. Argot du peuple. CARDINAL DE LA MER, s. m. Le homard,--dans l'argot ironique des gens de lettres, par allusion à la bévue de Jules Janin. CARDINALE, s. f. Lune,--dans l'argot des voleurs. CARDINALES, s. f. pl. Les _menses_ des femmes,--dans l'argot des bourgeois. CARDINALISER (Se), v. réfl. Rougir, soit d'émotion, soit en buvant. L'expression appartient à Balzac. Déjà Rabelais avait parlé des «escrevisses qu'on cardinalise à la cuite». CARE, s. f. Cachette,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi _Planque_. CARER, v. a. Cacher, se mettre à l'abri. CAREUR, s. m. Voleur dont la spécialité consiste à s'établir à portée du tiroir de caisse d'un marchand, sous prétexte de pièces anciennes à échanger, et à profiter de la moindre distraction pour s'emparer du plus de pièces possible--anciennes ou nouvelles. On dit aussi _Voleur à la care_. C'est le _pincher_ anglais. CARGE, s. f. Balle,--dans l'argot des voleurs. CARGUER SES VOILES, v. a. Agir prudemment, prendre ses invalides,--dans l'argot des marins. CARIBENER, v. a. Voler à la care. On dit aussi _Carer_. CARLINE, s. f. La Mort,--dans l'argot des bagnes. La carline (_carlina vulgaris_) est une plante qui, au dire d'Olivier de Serres, prend son nom du roi Charlemagne, qui en fut guéri de la peste. La vie étant aussi une maladie contagieuse, ne serait-ce pas parce que la mort nous en guérit, grands et petits, rois et manants, qu'on lui a donné ce nom? Ou bien est-ce parce qu'elle nous apparaît hideuse, comme Carlin avec son masque noir? CARMAGNOLE, s. m. Soldat de la République,--dans l'argot des _ci-devant_ émigrés à Coblentz. CARME, s. m. Argent,--dans l'argot des voleurs. Quelques étymologistes veulent qu'on écrive et prononce _carle_,--probablement par contraction de _carolus_. CARME, s. m. Miche de pain,--dans le même argot. CARMER, v. n. Payer, _faire des effets de poche_. CARNAVAL, s. m. Personne vêtue d'une façon extravagante, qui attire les regards et les rires des passants. Argot des bourgeois. CARNE, s. f. Viande gâtée, ou seulement de qualité inférieure,--dans l'argot du peuple, qui a l'air de savoir que le génitif de _caro_ est _carnis_. Par analogie, Femme de mauvaise vie et Cheval de mauvaise allure. CAROGNE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie. CAROTTE, s. f. Prudence habile,--dans l'argot des joueurs. _Jouer la carotte._ Hasarder le moins possible, ne risquer que de petits coups et de petites sommes. CAROTTE, s. f. Escroquerie légère commise au moyen d'un mensonge intéressant,--dans l'argot des étudiants, des soldats et des ouvriers. _Tirer une carotte._ Conter une histoire mensongère destinée à vous attendrir et à délier les cordons de votre bourse. _Carotte de longueur._ Histoire habilement forgée. CAROTTE DANS LE PLOMB (Avoir une), v. a. Se dit d'un chanteur qui fait un _couac_ ou chante faux,--dans l'argot des coulisses; avoir l'haleine infecte,--dans l'argot des faubouriens. CAROTTER, v. a. Se servir de carottes pour obtenir de l'argent de son père, de son patron, ou de toute personne charitable. _Carotter l'existence._ Vivre misérablement. _Carotter le service._ Se dispenser du service militaire, ou autre, en demandant des congés indéfinis, sous des prétextes plus ou moins ingénieux. CAROTTER, v. n. Jouer mesquinement, ne pas oser risquer de grands coups ni de grosses sommes. CAROTTEUR, s. et adj. Celui qui carotte au jeu. CAROTTIER, s. m. Homme qui vit d'expédients, qui ment volontiers pour obtenir de l'argent. _Carottier fini._ Carottier rusé, expert, dont les carottes réussissent toujours. CAROUBLE, s. f. Fausse clé,--dans l'argot des voleurs. CAROUBLEUR, s. m. Individu qui vole à l'aide de fausses clés. On dit aussi _caroubleur refilé_. _Caroubleur à la flan._ Voleur à l'aventure. CARRÉ (Être). Avoir une grande énergie, aller droit au but. Argot des bourgeois. CARREAU DE VITRE, s. m. Monocle,--dans l'argot des faubouriens. CARREAUX BROUILLÉS, s. m. pl. Maison mal famée, tapis franc,--_abbaye des s'offre-à-tous_. CARRELURE DE VENTRE, s. f. Réfection plantureuse,--dans l'argot du peuple, qui éprouve souvent le besoin de _raccommoder_ son ventre déchiré par la faim. CARRÉMENT, adv. D'une manière énergique, carrée. CARRER (Se), v. réfl. Se donner des airs, faire l'entendu,--dans le même argot. On dit aussi _Se recarrer_. CARRER (Se), v. réfl. Se cacher,--dans l'argot des faubouriens. CARRER DE LA DÉBINE (Se), v. réfl. Se tirer de la misère. CARTAUDE, s. f. Imprimerie,--dans l'argot des voleurs. CARTAUDE, s. m. Imprimé. CARTAUDER, v. a. Imprimer. CARTAUDIER, s. m. Imprimeur. CARTE, s. f. Papiers d'identité qu'on délivre à la Préfecture de police, aux femmes qui veulent exercer le métier de filles. _Être en carte._ Être fille publique. CARTON, s. m. Carte à jouer,--dans l'argot de Breda-Street, où fleurit le lansquenet. _Manier le carton._ Jouer aux cartes.--On dit aussi _Graisser le carton_ et _Tripoter le carton_. _Maquiller le carton._ Faire sauter la coupe. CARTONNIER, adj. Mal habile dans son métier. Argot des ouvriers. CARUCHE, s. f. Prison,--dans l'argot des voleurs. CAS, s. m. La lie du corps humain, les fèces humaines, dont la chute (_casus_) est plus ou moins bruyante. _Faire son cas._ Alvum deponere. _Montrer son cas._ Se découvrir de manière à blesser la décence. CASAQUIN, s. m. Le corps humain,--dans l'argot du peuple. _Sauter_ ou _tomber sur le casaquin à quelqu'un_. Battre quelqu'un, le rouer de coups. _Avoir quelque chose dans le casaquin._ Être inquiet, tourmenté par un projet ou par la maladie. CASCADE, s. f. Plaisanterie; manque de parole,--_chute_ de promesse. CASCADES, s. f. pl. Fantaisies bouffonnes, inégalités grotesques, improvisations fantasques,--dans l'argot des coulisses. CASCADEUSE, s. f. Fille ou femme qui,--dans l'argot des faubouriens,--laisse continuellement la clé sur la porte de son cœur, où peuvent entrer indifféremment le coiffeur et l'artiste, le caprice et le protecteur. CASCARET, s. m. Homme sans importance, de mine malheureuse ou d'apparence chétive. Argot du peuple. CASE, s. f. Maison, logement quelconque,--dans l'argot du peuple, qui parle latin sans le savoir. _Le patron de la case._ Le maître de la maison, d'un établissement quelconque; le locataire d'une boutique, d'un logement. CASIMIR, s. m. Gilet,--dans le même argot. CASQUE, s. m. Chapeau,--dans l'argot des faubouriens, pour qui c'est le mâle de _casquette_. _Casque-à-mèche._ Bonnet de coton. CASQUE, s. m. Effronterie, aplomb, _blague_ du charlatan. _Avoir du casque_, c'est-à-dire parler avec la faconde de Mangin. CASQUE (Avoir son), v. a. Être complètement gris,--ce qui amène naturellement une violente migraine, celle que les médecins appellent _galea_, parce qu'elle vous coiffe comme avec un casque. CASQUER, v. n. Payer,--dans l'argot des filles et des voleurs, qui, comme Bélisaire, vous tendent leur casque, avec prière--armée--de déposer votre offrande dedans. Signifie aussi: donner aveuglément dans un piège,--de l'italien _cascare_, tomber, dit M. Francisque Michel. Ce verbe a enfin une troisième signification, qui participe plus de la seconde que de la première,--celle qui est contenue dans cette phrase fréquemment employée par le peuple: _J'ai casqué pour le roublard_ (je l'ai pris pour un malin). CASQUETTE, s. f. Chapeau de femme,--dans l'argot des faubouriens. CASQUETTE (Être), v. n. Être sur la pente d'une forte ivresse, avoir son _casque_. CASSANT, s. m. Noyer, arbre,--dans l'argot des voleurs; biscuit de mer,--dans l'argot des matelots. CASSANTES, s. f. pl. Les dents,--dans l'argot des voleurs. CASSE, s. f. Ce que l'on casse. Argot des garçons de café. CASSE-COU, s. m. Homme hardi jusqu'à l'audace, audacieux jusqu'à l'imprudence, jusqu'à la folie. Argot du peuple. CASSE-CUL, s. m. Chute qu'on fait en glissant. Argot du peuple. Les enfants jouent souvent au casse-cul. CASSE-GUEULE, s. m. Bal de barrière,--dans l'argot des faubouriens qui s'y battent fréquemment. CASSE-MUSEAU, s. m. Coup de poing,--dans le même argot. C'est le nom d'une sorte de pâtisserie dans l'ouest de la France. Rabelais dit _casse-musel_. CASSE-NOISETTE, s. m. Figure grotesque, où le nez et le menton sont sur le point d'accomplir le mariage projeté depuis leur naissance. CASSE-POITRINE, s. m. Eau-de-vie poivrée,--dans l'argot du peuple. CASSE-POITRINE, s. m. pl. Individus voués aux vices abjects, _qui manustupro dediti sunt_, dit le docteur Tardieu. CASSER, v. n. Mourir,--dans l'argot des voleurs. CASSER, v. a. Couper,--dans l'argot des voyous. CASSER (Se la), v. réfl. S'en aller de quelque part; s'enfuir. CASSER DU BEC, v. n. Avoir une haleine infecte,--dans l'argot des faubouriens. CASSER DU GRAIN, v. a. Ne rien faire de ce qui vous est demandé. Argot du peuple. CASSER DU SUCRE, v. a. Faire des cancans,--dans l'argot des cabotins. CASSER LA GEULE A SON PORTEUR D'EAU, v. a. Avoir ses _menses_,--dans l'argot des voyous. CASSER LA HANE, v. a. Couper la bourse,--dans l'argot des voleurs. CASSER LA MARMITE, v. a. Se ruiner; s'enlever, par une folie, tout moyen d'existence. Argot des faubouriens. CASSER LE COU A UN CHAT, v. a. Manger une gibelotte,--dans l'argot du peuple. CASSER LE COU A UNE NÉGRESSE, v. a. Vider une bouteille. CASSER LE NEZ (Se), v. réfl. Avoir une déception plus ou moins amère, depuis celle qu'on éprouve à trouver fermée une porte qu'on s'attendait à trouver ouverte, jusqu'à celle qu'on ressent à voir un amant chez une femme qu'on avait le droit de croire seule. CASSER LE SUCRE A LA ROUSSE. Dénoncer un camarade ou plutôt un complice. Argot des voleurs. CASSEROLE, s. f. Mouchard,--dans le même argot. CASSEROLE, s. f. L'hôpital du Midi,--dans l'argot des faubouriens. _Passer à la casserolle._ Se faire soigner par le docteur Ricord; être soumis à un traitement dépuratif énergique. CASSER SON CABLE, v. a. Mourir,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté l'expression à Commerson. C'est une allusion à la rupture du câble transatlantique. CASSER SA CANNE, v. a. Dormir, et, par extension, mourir. CASSER UNE CROUTE, v. a. Manger légèrement en attendant un repas plus substantiel. Argot des bourgeois. CASSER SA CRUCHE, v. a. Perdre le droit de porter le bouquet de fleurs d'oranger,--dans l'argot du peuple, qui interprète à sa manière le tableau de Greuze. CASSER SA FICELLE, v. a. S'évader du bagne ou d'une maison centrale,--dans l'argot des voleurs. CASSER SA PIPE, v. a. Mourir, dans l'argot des faubouriens et des rapins. CASSER SON SABOT, v. a. Perdre le droit de porter un bouquet de fleur d'oranger,--dans l'argot du peuple. CASSEUR, s. m. Fanfaron, qui a l'air de vouloir tout casser,--dans l'argot du peuple. _Mettre son chapeau en casseur._ Sur le coin de l'oreille, d'un air de défi. CASSEUR DE PORTES, s. m. Voleur avec effraction,--dans l'argot des voyous. CASSINE, s. f. Maison où le service est sévère,--dans l'argot des domestiques paresseux; atelier où le travail est rude,--dans l'argot des ouvriers gouapeurs. CASSOLETTE, s. f. Bouche,--dans l'argot des faubouriens. _Plomber de la cassolette._ Fetidum halitum emittere. CASSOLETTE, s. f. La _matula_ de Plaute, et le «Pot qu'en chambre on demande» de Lancelot,--dans l'argot du peuple, qui va chercher ses phrases dans un autre Jardin que celui des Racines grecques. Se dit aussi du Tombereau des boueux, quand il est plein d'immondices et qu'il s'en va vers les champs voisins de Paris fumer les violettes et les fraises. CASTE DE CHARRUE, s. m. Quart d'un écu,--dans l'argot des voleurs. CASTILLE, s. f. Petite querelle,--dans l'argot des bourgeois, qui cependant n'ont pas lu l'_Histoire de Francion_. _Chercher castille._ Faire des reproches injustes ou exagérés. CASTOR, s. m. Chapeau d'homme ou de femme, en feutre ou en soie, en tulle ou en paille,--dans l'argot du peuple, qui n'emploie pas cette expression précisément en bonne part. CASTROZ, s. m. Chapon,--dans l'argot des voyous. Ils disent aussi _Castion_. CASTU, s. m. Hôpital,--dans l'argot des voleurs, qui savent mieux que personne que les premiers établissements hospitaliers en France, notamment l'hôpital général à Paris, ont été de véritables forteresses, _castelli_. CASTUC, s. f. Prison, un autre hôpital, celui des vices, qui sont la maladie de l'âme. CAT, s. m. Chat,--dans l'argot des enfants, qui parlent mieux le vieux français que les grandes personnes: Lou _cat_ a fain Quant manjo pain, dit un fabliau ancien. CATAPLASME AU GRAS, s. m. Épinards,--dans l'argot des faubouriens. CATAPLASME DE VENISE, s. m. Soufflet, coup sur le visage,--dans l'argot du peuple. CATHAU, s. f. Fille qui n'a pas voulu coiffer sainte Catherine et s'est mariée avec le général Macadam. CATHOLIQUE A GROS GRAINS, s. m. Catholique peu pratiquant,--dans l'argot des bourgeois. CATIN, s. m. Un nom charmant devenu une injure, dans l'argot du peuple, qui a bien le droit de s'en servir après Voltaire, Diderot, et Mme de Sévigné elle-même. CATINISER (Se). De fille honnête devenir _fille_. CAUCHEMARDANT, adj. Ennuyeux, importun,--dans l'argot des faubouriens. CAUCHEMARDER, v. a. Ennuyer, obséder. CAUSE GRASSE. Cause amusante à plaider et à entendre plaider,--dans l'argot des avocats, héritiers des clercs de la Basoche. Le chef-d'œuvre du genre est l'_affaire du sieur Gaudon contre Ramponneau_, Me Arouet de Voltaire plaidant--la plume à la main. CAUSETTE, s. f. Causerie familière, à deux, dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à George Sand. _Faire la causette._ Causer tout bas. CAUSOTTER, v. n. Se livrer à une causerie intime entre trois ou quatre personnes. CAVALCADE, s. f. Aventure galante. _Avoir vu des cavalcades._ Avoir eu de nombreux amants. CAVALE, s. f. Course précipitée, fuite,--dans l'argot des voyous. _Se payer une cavale._ Courir. CAVALE, s. f. Grande femme maigre, mal faite, déhanchée. CAVALER (Se), v. réfl. S'enfuir comme un _cheval_,--dans l'argot des faubouriens. CAVALOT, s. m. Pièce de menue monnaie,--dans le même argot. CAVÉ, s. m. Dupe,--dans le même argot. CAVÉE, s. f. Église,--dans l'argot des voleurs, qui redoutent les rhumatismes. CAYENNE, s. m. Cimetière _extra muros_,--dans l'argot du peuple, pour qui il semble que ce soit là une façon de lieu de déportation. Il dit aussi _Champ de Navets_,--parce qu'il sait qu'avant d'être utilisés pour les morts, ces endroits funèbres ont été utilisés pour les vivants. CAYENNE, s. m. Atelier éloigné de Paris; fabrique située dans la banlieue. Argot des ouvriers. CÉLADON, s. m. Vieillard galant,--dans l'argot des bourgeois, dont les grand'mères ont lu l'_Astrée_. On dit aussi _Vieux céladon_. CENDRILLON, s. f. Jeune fille à laquelle ses parents préfèrent ses sœurs et même des étrangères; personne à laquelle on ne fait pas attention,--dans l'argot du peuple, qui a voulu consacrer le souvenir d'un des plus jolis contes de Perrault. CE N'EST PAS A FAIRE! Je m'en garderais bien! Cette expression, familière aux filles et aux voyous, est mise par eux à toutes les sauces: c'est leur réponse à tout. Il faudrait pouvoir la noter. CENT COUPS (Être aux). Être bouleversé; ne savoir plus où donner de la tête. Argot des bourgeois. CENT COUPS (Faire les). Se démener pour réussir dans une affaire; mener une vie déréglée.--Argot des bourgeois. CENTRE, s. m. Nom,--dans l'argot des voleurs, qui savent que le nom est en effet le point où convergent les investigations de la police, et qui, à cause de cela, changent volontiers de centre. _Centre à l'estorgue._ Faux nom, sobriquet. _Centre d'altèque._ Nom véritable. CENTRE DE GRAVITÉ, s. m. _Nates_,--dans l'argot des bourgeois, qui ont emprunté cette expression-là aux Précieuses. CERBÈRE, s. m. Concierge,--dans l'argot du peuple. CERCHER, v. a. Chercher,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_circare_) et à la tradition: «Mes sommiers estoient assez loin, et estoit trop tard pour les cercher,» dit Philippe de Commines. Li marinier qui par mer nage, Cerchant mainte terre sauvage, Tout regarde il à une estoile, disent les auteurs du _Roman de la Rose_. CERCLE, s. m. Argent monnayé,--dans l'argot des voleurs. CERCLÉ, s. m. Tonneau,--dans le même argot. CERF-VOLANT, s. m. Femme qui attire sous une allée ou dans un lieu désert les enfants en train de jouer pour leur arracher leurs boucles d'oreilles et quelquefois l'oreille avec la boucle.--Argot des voleurs. CERNEAU, s. m. Jeune fille,--dans l'argot des gens de lettres. C'EST LE CHAT! Expression de l'argot du peuple, qui souligne ironiquement un doute, une dénégation. Ainsi, quelqu'un disant: Ce n'est pas moi qui ai fait cela.--Non! c'est le chat! lui répondra-t-on. CHABANNAIS, s. m. Reproches violents, quelquefois mêlés de coups de poing,--dans le même argot. _Ficher un chabannais._ Donner une correction. CHACAL, s. m. Zouave,--dans l'argot des soldats d'Afrique, par allusion au cri que poussent les zouzous en allant au feu. CHAFOUIN, adj. et s. Sournois, rusé,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter cette expression à Saint-Simon, qui l'a employée à propos de Dubois. CHAFOFURER (Se), v. réfl. S'égratigner. CHAFRIOLER (Se), v. réfl. Se caresser, se complaire,--à la façon des _chats_. L'expression appartient à Balzac. CHAHUT, s. m. Cordace lascive fort en honneur dans les bals publics à la fin de la Restauration, et remplacée depuis par le cancan,--qui a été lui-même remplacé par d'autres cordaces de la même lascivité. Quelques écrivains font ce mot du féminin. CHAHUT, s. m. Bruit, vacarme mêlé de coups,--dans l'argot des faubouriens. _Faire du chahut._ Bousculer les tables et les buveurs, au cabaret; tomber sur les sergents de ville, dans la rue. CHAHUTER, v. n. Danser indécemment. CHAHUTER, v. a. Secouer avec violence; renverser; se disputer. CHAHUTEUR, s. m. Mauvais sujet. CHAHUTEUSE, s. f. Habituée des bals publics; dévergondée. CHALOUPE, s. f. Femme à toilette tapageuse,--dans l'argot des voyous. _Chaloupe orageuse._ Variété de chahut et femme qui le danse. CHALOUPER, v. n. Danser le chahut. CHAMAILLER (Se), v. réfl. Se disputer,--dans l'argot du peuple. CHAMAILLER DES DENTS, v. n. Manger. CHAMBARDER, v. a. Secouer sans précaution; renverser; briser,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. CHAMBRE DES PAIRS, s. f. Bagne à vie,--dans l'argot des prisonniers. CHAMBRELAN, s. m. Ouvrier en chambre; locataire qui n'occupe qu'une seule chambre,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Chamberlan_, et ce mot, comme l'autre, est la première forme de _Chambellan_. Les gens du bel air ont donc tort de rire des petites gens,--qui parlent mieux qu'eux, puisqu'ils parlent comme Villehardouin, comme Joinville, comme Froissart, qui parlaient comme les Allemands (_Kâmmerling_ ou _Chamarlinc_). CHAMBRILLON, s. f. Petite servante,--dans le même argot. CHAMEAU, s. m. Fille ou femme qui a renoncé depuis longtemps au respect des hommes. Le mot a une cinquantaine d'années de bouteille. CHAMEAU, s. m. Compagnon rusé, qui tire toujours à lui la couverture, et s'arrange toujours de façon à ne jamais payer son écot dans un repas ni de sa personne dans une bagarre. CHAMP D'OIGNONS, s. m. Cimetière,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que les morts empruntent aux vivants un terrain utilisé pour l'alimentation de ceux-ci. CHAMPFLEURISME, s. m. Ecole littéraire dont Champfleury est le chef. C'est le réalisme. CHAMPFLEURISTE, s. et adj. Disciple de Champfleury. CHAMPOREAU, s. m. Café à la mode arabe, concassé et fait à froid,--dans l'argot des faubouriens qui ont été troupiers en Afrique. Pour beaucoup aussi, c'est du café chaud avec du rhum ou de l'absinthe. CHANÇARD, s. m. Homme heureux en affaires ou en amour,--dans l'argot du peuple. CHANCELER, v. n. Être gris à ne plus pouvoir se tenir sur ses jambes,--dans le même argot. CHANCRE, s. m. Grand mangeur, homme qui _dévore_ tout,--dans le même argot. CHANDELIER, s. m. Le nez,--dans l'argot des faubouriens. CHANDELLE, s. f. Mucosité qui forme stalactite au-dessous du nez,--dans le même argot. CHANDELLE, s. f. Soldat en faction. Même argot. _Être entre quatre chandelles._ Être conduit au poste entre quatre fusiliers. CHANDELLE BRÛLE (La). Se dit,--dans l'argot des bourgeois,--pour presser quelqu'un, l'avertir qu'il est temps de rentrer au logis. CHANGER DE COMPOSTEUR. Passer à un autre exercice, manger après avoir causé, rire après avoir pleuré, etc. Argot des typographes et des ouvriers. CHANGER SES OLIVES D'EAU, v. n. _Meiere_,--dans l'argot des faubouriens. CHANGEUR, s. m. Le Babin chez lequel les voleurs vont, moyennant trente sous par jour, se métamorphoser en curés, en militaires, en médecins, en banquiers, selon leurs besoins du moment. CHANOINE, s. m. Rentier,--dans l'argot des voleurs. Au féminin, _Chanoinesse_. CHANOINE DE MONTE-A-REGRET. Condamné à mort. CHANTAGE, s. m. Industrie qui consiste à soutirer de l'argent à des personnes riches et vicieuses, en les menaçant de divulguer leurs turpitudes; ou seulement à des artistes dramatiques qui jouent plus ou moins bien, en les menaçant de les _éreinter_ dans le journal dont on dispose. CHANTÉ (Être). Être dénoncé,--dans l'argot des voleurs. CHANTEAU, s. m. Morceau de pain ou d'autre chose,--dans l'argot du peuple. CHANTER, v. a. Parler,--dans l'argot du peuple, qui n'emploie ce verbe qu'en mauvaise part. _Faire chanter._ Faire pleurer. CHANTER (Faire). Faire donner de l'argent à un homme riche qui possède un vice secret que l'on connaît, ou à un artiste dramatique qui tient à être loué dans un feuilleton. L'expression est vieille comme le vice qu'elle représente. CHANTER LE CHANT DU DÉPART, v. a. Quitter une réunion, une compagnie d'amis,--dans l'argot des bohèmes. CHANTER POUILLE, v. n. Chercher querelle, dire des injures. Argot du peuple. CHANTEUR, s. m. Homme sans moralité qui prend en main la cause de la morale quand elle est outragée par des gens riches. CHANTEUR DE LA CHAPELLE SIXTINE, s. m. Homme qui, par vice de conformation ou par suite d'accident, pourrait être engagé en Orient en qualité de _capi-agassi_. CHAPARDER, v. a. Marauder,--dans l'argot des troupiers. CHAPARDEUR, s. m. Maraudeur. CHAPEAU EN BATAILLE, s. m. Dont les cornes tombent sur chaque oreille. Argot des officiers d'état-major. _Chapeau en colonne._ Placé dans le sens contraire, c'est-à-dire dans la ligne du nez. CHAPELLE, s. f. Cabaret, buvette quelconque,--dans l'argot des ouvriers, dévots à Bacchus. _Faire_ ou _Fêter des chapelles_. Faire des stations chez tous les marchands de vin. CHAPI, s. m. Chapeau,--dans l'argot des faubouriens, dont les ancêtres ont dit _chapel_ et _chapin_. CHAPITEAU, s. m. La tête,--sommet de la colonne-homme. Même argot. CHAPON, s. m. Morceau de pain frotté d'ail,--dans l'argot du peuple, qui en assaisonne toutes les salades. On dit aussi _Chapon de Gascogne_. CHAPON DE LIMOUSIN, s. m. Châtaigne. CHAPSKA, s. m. Chapeau. Argot des faubouriens. C'est un souvenir donné à la coiffure des lanciers polonais,--de la garde nationale de Paris. CHAPUISER, v. n. Tailler, couper,--dans l'argot du peuple, qui emploie là un des vieux mots de notre langue. CHARABIA, s. m. Patois de l'Auvergne. Se dit aussi pour Auvergnat. CHARCUTER, v. a. Couper un membre; opérer. CHARCUTIER, s. m. Chirurgien. CHARDON DU PARNASSE, s. m. Mauvais écrivain,--dans l'argot des Académiciens, dont quelques-uns pourraient entrer dans la tribu des Cinarées. CHARDONNERET, s. m. Gendarme,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion au liseré jaune du costume de la maréchaussée. CHARGÉ (Être). Être en état d'ivresse, dans l'argot des ouvriers. CHARGÉE (Être). Avoir _levé_ un homme au bal, ou sur le trottoir,--dans l'argot des petites dames. CHARGER, v. a. et n. Enlever un décor. Argot des coulisses. C'est la manœuvre contraire à _Appuyer_. CHARLEMAGNE, s. m. Sabre-poignard,--dans l'argot des troupiers. CHARLOT. L'exécuteur des hautes œuvres,--dans l'argot du peuple. Le mot est antérieur à 1789. _Soubrettes de Charlot._ Les valets du bourreau, chargés de faire la _toilette_ du condamné à mort. Les Anglais disent de même _Ketch_ ou _Jack Ketch_,--quoique _Monsieur de Londres_ s'appelle Calcraft. CHARMANTE, s. f. La gale,--dans l'argot des voleurs. CHARMER LES PUCES, v. a. Se mettre en état d'ivresse,--dans l'argot du peuple. CHAROGNE, s. f. Homme difficile à vivre,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Homme roué, _corrompu_. CHARPENTER LE BOURRICHON (Se), v. réfl. S'enflammer à propos de n'importe qui ou de n'importe quoi,--dans l'argot des ouvriers. CHARPENTIER, s. m. Celui qui agence une pièce, qui en fait la carcasse,--dans l'argot des dramaturges, qui se considèrent, avec quelque raison, comme des ouvriers de bâtiment. CHARRIAGE, s. m. Vol pour lequel il faut deux compères, le _jardinier_ et l'_Américain_, et qui consiste à dépouiller un imbécile de son argent en l'excitant à voler un tas de fausses pièces d'or entassées au pied d'un arbre, dans une plaine de Grenelle quelconque. S'appelle aussi _Vol à l'Américaine_. CHARRIEUR, s. m. Voleur qui a la spécialité du _charriage_. _Charrieur, cambrousier._ Voleur qui exploite les foires et les fêtes publiques. _Charrieur de ville._ Celui qui vole à l'aide de procédés chimiques. _Charrieur à la mécanique._ Autre variété de voleur. CHARRON, s. m. Voleur. CHARTRON, s. m. Position des acteurs vers la fin d'une pièce. _Faire_ ou _Former le chartron_. Ranger les acteurs en ligne courbe devant la rampe, au moment du couplet final. CHAS ou CHASSE, s. m. OEil,--dans l'argot des voleurs, soit parce que les yeux sont les _trous_ au visage, ou parce qu'ils en sont les _châssis_, ou enfin parce qu'ils ont parfois, et même souvent, la _chassie_. Ce mot qui ne se trouve pourtant dans aucun dictionnaire respectable, est plus étymologique qu'on ne serait tenté de le supposer au premier abord. Je m'appuie, pour le dire, de l'autorité de Ménage, qui fait venir _chassie_ de l'espagnol _cegajoso_, transformé par le patois français en _chaceuol_, qui voit mal, qui a la vue faible. Et, dans le même sens nos vieux auteurs n'ont-ils pas employé le mot _chacius_? _Châsses d'occase._ Yeux bigles, ou louches. CHASSE, s. f. Réprimande, objurgation, reproches,--dans l'argot des ouvriers. _Foutre une chasse._ Faire de violents reproches. CHASSE-COQUIN, s. m. Bedeau,--dans l'argot du peuple. CHASSE-COUSIN, s. m. Mauvais vin,--dans l'argot des bourgeois, qui emploient volontiers ce remède héroïque, quand ils «traitent» des parents importuns, pour se débarrasser à jamais d'eux. CHASSE-NOBLE, s. m. Gendarme,--dans l'argot des voleurs, qui se rappellent sans doute que leurs ancêtres étaient des grands seigneurs, des gens de haute volée. CHASSER, v. n. Fuir,--dans l'argot des faubouriens. CHASSER AU PLAT, v. n. Faire le parasite,--dans l'argot du peuple. CHASSER DES RELUITS, v. n. Pleurer. Argot des voleurs. CHASSER LE BROUILLARD, v. a. Boire le vin blanc ou le petit verre du matin,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Chasser l'humidité_. CHASSIS, s. m. pl. Les yeux. Argot des faubouriens. CHASSUE, s. f. Aiguille,--dans l'argot des voleurs, qui savent que toute aiguille a un _chas_. CHASSURE, s. f. _Lotium_,--dans le même argot. CHAT, s. m. Geôlier,--dans le même argot. _Chat fourré._ Juge; greffier. CHAT, s. m. Lapin,--dans l'argot du peuple, qui s'obstine à croire que les chats coûtent moins cher que les lapins et que ceux-ci n'entrent que par exception dans la confection des gibelottes. CHAT, s. m. Enrouement subit qui empêche les chanteurs de bien chanter, et même leur fait faire des couacs. CHAT (Être). Avoir des allures caressantes, félines,--dans l'argot du peuple, qui dit cela en bonne comme en mauvaise part. CHATAIGNE, s. f. Soufflet appliqué sur la joue,--dans l'argot des ouvriers, qui ont emprunté cette expression à des Lyonnais. CHATAUD, de, adj. et s. Gourmand, gourmande,--dans l'argot du peuple. «J'étais chataude et fainéante,» dit la _jolie Manon_ de Rétif de la Bretonne. CHATEAU-BRANLANT, s. m. Chose ou personne qui remue toujours, et qu'à cause de cela on a peur de voir tomber. Argot du peuple. CHATTE, s. f. Autrefois écu de six livres, aujourd'hui pièce de cinq francs,--dans l'argot des filles. CHATTEMENT, adv. Doucement, câlinement. L'expression est de Balzac. CHAUD, adj. et s. Rusé, habile,--dans l'argot du peuple, assez _cautus_. _Être chaud._ Se défier. _Il l'a chaud._ C'est un malin qui entend bien ses intérêts. CHAUD, adj. Cher, d'un prix élevé. CHAUD! CHAUD! Exclamation du même argot, signifiant: Vite! dépêchez-vous! CHAUD DE LA PINCE, s. m. Homme de complexion amoureuse. CHAUDRON, s. f. Mauvais piano qui rend des sons discordants,--dans l'argot des bourgeois. _Taper sur le chaudron._ Jouer du piano,--dans l'argot du peuple. CHAUDRONNER, v. a. Aimer à acheter et à revendre toutes sortes de choses, comme si on y était forcé. CHAUDRONNIER, s. m. Acheteur et revendeur de marchandises d'occasion,--de la tribu des Rémonencq parisiens. CHAUFFE LA COUCHE, s. m. Homme qui aime ses aises et reste volontiers au lit,--dans l'argot du peuple. J'ai entendu employer aussi cette expression dans un sens contraire à celui que je viens d'indiquer,--dans le sens d'Homme qui s'occupe des soins incombant à la femme de ménage. C'est le mari de la femme qui porte les culottes. CHAUFFER, v. n. Aller bien, rondement, avec énergie. CHAUFFER LE FOUR, v. a. Se griser. _Avoir chauffé le four._ Être en état d'ivresse. CHAUFFER UNE FEMME, v. a. Lui faire une cour sur le sens de laquelle elle n'a pas à se méprendre. Nos pères disaient: _Coucher en joue une femme_. CHAUFFER UNE PIÈCE, v. a. Lui faire un succès, la prôner d'avance dans les journaux ou l'applaudir à outrance le jour de la représentation. CHAUFFER UNE PLACE, v. a. La convoiter, la solliciter ardemment. Nos pères disaient: _Coucher en joue un emploi_. CHAUFFEUR, s. m. Homme de complexion amoureuse. Se dit aussi de tout homme qui amène la gaieté avec lui. CHAUFFEUR, s. et adj. Hâbleur, _blagueur_. CHAUMIR, v. a. Perdre,--dans l'argot des voleurs. CHAUSSER, v. a. Convenir,--dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas dire _botter_. CHAUSSER LE COTHURNE, v. a. Ecrire ou jouer des tragédies,--dans l'argot des académiciens, qui parlent presque aussi mal que les faubouriens la noble langue dont ils sont les gardiens, comme les capi-agassi sont ceux d'un sérail. CHAUSSETTES DE DEUX PAROISSES, s. f. pl. Chaussettes dépareillées. CHAUSSETTES POLONAISES, s. f. pl. Morceaux de papier dont les soldats s'enveloppent les pieds. CHAUSSON, s. m. Femme ou fille qu'une vie déréglée a avachie, éculée. _Putain comme chausson._ Extrêmement débauchée. Aurélien Scholl a spirituellement remplacé cette expression populaire, impossible à citer, par cette autre, qui n'écorche pas la bouche et qui rend la même pensée: _Légère comme chausson_. CHAUSSON, s. m. Pâtisserie grossière garnie de marmelade de pommes et de raisiné. Les enfants en raffolent parce qu'il y a beaucoup à manger et que cela ne coûte qu'un sou. CHAUSSON, s. m. Boxe populaire où le pied joue le rôle principal, chaussé ou non. CHAUSSONNER, v. a. Donner des coups de pied. CHELINGUER, v. n. Puer,--dans l'argot des faubouriens. _Chelinguer des arpions._ Puer des pieds. On dit plus élégamment: _Chelinguer des arps_. _Chelinguer du bec._ Fetidum emittere halitum. L'expression ne viendrait-elle pas de l'allemand _schlingen_, avaler, ouvrir trop la bouche? CHEMIN DE FER, s. m. Variété du jeu de baccarat,--où l'on perd plus vite son argent. CHEMISE DE CONSEILLER, s. f. Linge volé,--dans l'argot des voleurs, qui ont voulu, dit M. Francisque Michel, donner à entendre que le linge saisi servait à faire des chemises à leurs juges. CHÊNE, s. m. Homme victime,--dans l'argot du bagne. _Faire suer le chêne._ Tuer un homme. _Chêne affranchi._ Homme affranchi, voleur. Les voleurs anglais ont le même mot: _oak_, disent-ils d'un homme riche. _To rub a man down with an oaken towel_, ajoutent-ils en parlant d'un homme qu'ils ont tué en le frottant avec une serviette de chêne,--un bâton. CHENILLON, s. m. Fille laide ou mal mise,--dans l'argot des bourgeois. CHENU, adj. Bon, exquis, parfait,--dans l'argot des ouvriers. CHENUMENT, adv. Très bien. Vadé l'a employé. CHENU RELUIT, adv. Bonjour,--dans l'argot des voleurs. _Chenu sorgue._ Bonsoir. CHERCHE! Rien,--dans l'argot des gamins et des faubouriens. _Avoir dix à cherche._ Avoir dix points lorsque son adversaire n'en a pas un seul. CHERCHER LA PETITE BÊTE, v. a. Vouloir connaître le dessous d'une chose, les raisons cachées d'une affaire,--comme les enfants les ressorts d'une montre. Argot du peuple. Avoir trop d'ingéniosité dans l'esprit et dans le style, s'amuser aux bagatelles de la phrase au lieu de s'occuper des voltiges sérieuses de la pensée. Argot des gens de lettres. CHERCHER MIDI A QUATORZE HEURES, v. a. Hésiter à faire une chose, ou s'y prendre maladroitement pour la faire,--dans l'argot du peuple, ennemi des _lambins_. Signifie aussi: Se casser la tête pour trouver une chose simple. CHETAR ou JETAR, s. m. Prison. Argot des voleurs. CHEVAL DE RETOUR, s. m. Vieux forçat, récidiviste. CHEVAL DE TROMPETTE, s. m. Homme aguerri à la vie, comme un cheval de cavalerie à la guerre. Argot du peuple. _Être bon cheval de trompette._ Ne s'étonner, ne s'effrayer de rien. CHEVALIER DU CROCHET, s. m. Chiffonnier. CHEVALIER DU LANSQUENET, s. m. Homme qui fait volontiers le pont, à n'importe quel jeu de cartes,--dans l'argot des bourgeois, qui ne sont pas fâchés de mettre au rancart certaines autres expressions sœurs aînées de celle-ci, comme _Chevalier d'industrie_, etc. CHEVALIER DU LUSTRE, s. m. Applaudisseur gagné. Argot de théâtre. On dit aussi _Romain_. CHEVALIER DU MÈTRE, s. m. Commis de nouveautés. CHEVANCE, s. f. Ivresse,--dans l'argot des voleurs, qui savent que, dans cet état, les plus gueux se croient toujours heureux et _riches_. CHEVELU, s. m. Romantique,--dans l'argot des bourgeois de 1830. CHEVEU, s. m. Embarras subit, obstacle quelconque, plus ou moins grave,--dans l'argot du peuple. Je regrette de ne pouvoir donner une étymologie un peu noble à ce mot et le faire descendre soit des Croisades, soit du fameux cheveu rouge de Nisus auquel les Destins avaient attaché le salut des Mégariens; mais la vérité est qu'il sort tout simplement et tout trivialement de la non moins fameuse soupe de l'Auvergnat imaginé par je ne sais quel farceur parisien. _Trouver un cheveu à la vie._ La prendre en dégoût et songer au suicide. _Voilà le cheveu!_ C'est une variante de: _Voilà le hic!_ CHEVILLARD, s. m. Boucher sans importance,--dans l'argot des gros bouchers, qui n'achètent pas à la _cheville_, eux! CHÈVRE, s. f. Mauvaise humeur,--dans l'argot des ouvriers, et spécialement des typographes. _Avoir la chèvre._ Être en colère. _Gober la chèvre._ Être victime de la mauvaise humeur de quelqu'un. Signifie aussi se laisser berner. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on disait, dans le même sens, _Prendre la chèvre_. CHEVRONNÉ, s. et adj. Récidiviste,--dans l'argot des prisons. CHEVROTIN (Être). Avoir un caractère épineux, difficile à manier, qui amène souvent des _chèvres_. CHIASSE, s. f. Diarrhée,--dans l'argot du peuple. CHIASSE, s. f. Chose de peu de valeur; marchandise avariée. Même argot. _Chiasse du genre humain._ Homme méprisable. CHIASSE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des faubouriens, disrespectueux de la femme en général et en particulier. CHIC, s. m. Habileté de main, ou plutôt de patte,--dans l'argot des artistes, qui ont emprunté ce mot au XVIIe siècle. _Faire de chic._ Dessiner ou peindre sans modèle, d'imagination, de souvenir. CHIC, s. m. Goût, façon pittoresque de s'habiller ou d'arranger les choses,--dans l'argot des petites dames et des gandins. _Avoir du chic._ Être arrangé avec une originalité de bon--ou de mauvais--goût. _Avoir le chic._ Posséder une habileté particulière pour faire une chose. CHIC (Être). Être bien, être bon genre,--dans le même argot. _Monsieur Chic._ Personne distinguée--par sa générosité envers le sexe. _Discours chic._ Discours éloquent,--c'est-à-dire _rigolo_. CHICAN, s. m. Marteau,--dans l'argot des voleurs. CHICARD, adj. et s. Superlatif de _Chic_. Ce mot a lui-même d'autres superlatifs, qui sont _Chicandard_ et _Chicocandard_. CHICARD, s. m. Type de carnaval, qui a été imaginé par un honorable commerçant en cuirs, M. Levesque, et qui est maintenant dans la circulation générale comme synonyme de Farceur, de Roger-Bontemps, de Mauvais sujet. CHICARDEAU, adj. m. Poli, aimable,--dans l'argot des faubouriens. CHICARDER, v. n. Danser à la façon de Chicard, «homme de génie qui a modifié complètement la chorégraphie française», affirme M. Taxile Delord. CHICHE, s. m. Économe, et même Avare,--dans l'argot des bourgeois. On dit aussi _Chichard_.--Notre vieux français avait _chice_. CHICHE! Exclamation de défi ou de menace,--dans l'argot des enfants et des ouvriers. CHICHERIE, s. f. Lésinerie. Notre vieux français avait _chiceté_. CHICORÉE, s. f. Verte réprimande, reproches _amers_ qui souvent se changent même en coups. Tout le monde connaît le goût de la _cichorium_--_endivia_ ou non endivia. CHICORÉE, s. f. Femme maniérée, _chipie_. _Faire sa chicorée._ Se donner des airs de grande dame, et n'être souvent qu'une _petite dame_. CHICOT, s. m. Petit morceau de dent, de pain, ou d'autre chose,--dans l'argot du peuple. CHICOTER (Se), v. réfl. Se disputer, se battre pour des riens. Même argot. Ce verbe est vieux: on le trouve dans les Fabliaux de Barbazan. CHIÉ, part. passé. Ressemblant. _C'est lui tout chié._ Il a le même visage et surtout le même caractère. CHIEN, s. m. Entrain, verve, originalité,--dans l'argot des gens de lettres et des artistes; bagou, impertinence, désinvolture immorale,--dans l'argot des petites dames. CHIEN, s. m. Caprice de cœur,--dans l'argot des petites dames. _Avoir un chien pour un homme._ Être folle de lui. CHIEN, s. m. Compagnon,--dans l'argot des ouvriers affiliés au Compagnonnage. CHIEN, s. et adj. Tracassier, méticuleux, avare, exigeant,--dans l'argot du peuple, qui se plaît à calomnier «l'ami de l'homme». C'est l'expression anglaise: _Dog-bolt_. _Vieux chien._ Vieux farceur,--_sly dog_, disent nos voisins. CHIENDENT, s. m. Difficulté, obstacle, anicroche,--dans l'argot du peuple, qui sait avec quelle facilité le _hunds-grass_ pousse dans le champ de la félicité humaine. _Voilà le chiendent._ Voilà le hic. CHIEN DE RÉGIMENT, s. m. Caporal ou brigadier,--dans l'argot des soldats. CHIEN DU COMMISSAIRE, s. m. Agent attaché au service du commissaire; celui qui, il y a quelques années encore, allait par les rues sonnant sa clochette pour inviter les boutiquiers au balayage. CHIENLIT, s. m. Homme vêtu ridiculement, grotesquement,--dans l'argot du peuple, qui n'a pas été chercher midi à quatorze heures pour forger ce mot, que M. Charles Nisard suppose, pour les besoins de sa cause (_Paradoxes philologiques_), venir de si loin. Remonter jusqu'au XVe siècle pour trouver--dans _chéaulz_, enfants, et _lice_, chienne--une étymologie que tous les petits polissons portent imprimée en capitales de onze sur le bas de leur chemise, c'est avoir une furieuse démangeaison de voyager et de faire voyager ses lecteurs, sans se soucier de leur fatigue. Le verbe _cacare_--en français--date du XIIIe siècle, et le mot qui en est naturellement sorti, celui qui nous occupe, n'a commencé à apparaître dans la littérature que vers le milieu du XVIIIe siècle; mais il existait tout formé du jour où le verbe lui-même l'avait été, et l'on peut dire qu'il est né tout d'une pièce. Il est regrettable que M. Charles Nisard ait fait une si précieuse et si inutile dépense d'ingéniosité à ce propos; mais aussi, son point de départ était par trop faux: «La manière de prononcer ce mot, chez les gamins de Paris, est _chiaulit_. Les gamins ont raison.» M. Nisard a tort, qu'il me permette de le lui dire: les gamins de Paris ont toujours prononcé _chie-en-lit_. Cette première hypothèse prouvée erronée, le reste s'écroule. Il est vrai que les morceaux en sont bons. CHIENLIT (A la)! Exclamation injurieuse dont les voyous et les faubouriens poursuivent les masques, dans les jours du carnaval,--que ces masques soient élégants ou grotesques, propres ou malpropres. CHIENNER, v. n. Se dit--dans l'énergique argot du peuple--des femmes qui courent après les hommes, renversant ainsi les chastes habitudes de leur sexe. CHIENNERIE, s. f. Vilenie, liarderie; mauvais tour,--dans le même argot. CHIER DANS LA MALLE OU DANS LE PANIER DE QUELQU'UN, v. n. Lui jouer un tour qu'il ne pardonnera jamais,--dans le même argot. Le peuple dit quelquefois, pour mieux exprimer le dégoût que lui cause la canaillerie de quelqu'un: _Il a chié dans mon panier jusqu'à l'anse_. L'expression, qu'on pourrait croire moderne, sort de la satire Ménippée, où on lit: «Cettuy-là a fait caca en nos paniers: il a ses desseins à part.» CHIER DANS LE CASSETIN AUX APOSTROPHES, v. n. Devenir riche,--dans l'argot des typographes, qui n'ont pas de fréquentes occasions de commettre cette incongruité rabelaisienne. CHIER DANS SES BAS, v. n. Donner des preuves d'insanité d'esprit,--dans l'argot du peuple. CHIER DE GROSSES CROTTES (Ne pas), v. a. Avoir mal dîné, ou n'avoir pas dîné du tout. CHIER DE PETITES CROTTES, v. a. Gagner peu d'argent, vivre dans la misère. CHIER DES CAROTTES, v. a. Se dit de toute personne _qui non potest excernere_, ou _difficillime excernit_, ou _excernit sanguinem_. CHIER DES CHASSES. Pleurer. Argot des voyous. CHIER DES YEUX. Avoir les yeux chassieux. Argot du peuple. CHIER DU POIVRE, v. n. Manquer à une promesse, à un rendez-vous; disparaître au moment où il faudrait le plus rester. CHIER SUR LA BESOGNE. Travailler mollement, et même renoncer au travail. CHIER SUR L'OEIL, v. n. Se moquer tout à fait de quelqu'un. CHIER SUR QUELQU'UN ou SUR QUELQUE CHOSE. Témoigner un grand mépris pour elle ou pour lui; l'abandonner, y renoncer. Brantôme a employé cette expression à propos de la renonciation du ministre protestant David. CHIEUR D'ENCRE. Écrivain, journaliste. CHIFFARDE, s. f. Assignation à comparoir,--dans l'argot des voleurs. CHIFFARDE, s. f. Pipe,--dans l'argot des faubouriens. CHIFFE, s. f. Homme sans énergie, _chiffon_ pour le courage,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Mou comme une chiffe_, mais c'est un pléonasme. CHIFFERTON ou CHIFFRETON, s. m. Chiffonnier,--dans l'argot des faubouriens. CHIFFON, s. f. Petite fille--et aussi grande fille--à minois ou à vêtements chiffonnés. Voltaire a employé cette expression à propos de la descendante de Corneille. CHIFFON DE PAIN, s. m. Morceau de pain coupé,--dans l'argot du peuple. CHIFFON ROUGE, s. m. La langue,--dans l'argot des voleurs, qui sont parfois des néologues plus ingénieux que les gens de lettres. _Balancer le chiffon rouge._ Parler. Les voleurs anglais disent de même _Red rag_. CHIFFONNER, v. a. Contrarier, ennuyer,--dans l'argot des bourgeois. CHIFFONNIER, s. m. Homme qui se plaît dans le désordre. CHIFFONNIER, s. m. Voleur de mouchoirs,--qui sont des _chiffons_ pour ces gens-là. CHIFFONNIER DE LA DOUBLE COLLINE, s. m. Mauvais poète,--dans l'argot des gens de lettres. CHIFFORNION, s. m. Foulard; loque; chiffons,--dans l'argot des voyous. CHIGNER DES YEUX, v. n. Pleurer,--dans le même argot. CHIMIQUE, s. f. Allumette chimique,--dans l'argot du peuple. CHINER, v. n. Brocanter, acheter tout ce qu'il y a d'achetable--et surtout de revendable--à l'hôtel Drouot. CHINEUR, s. m. Marchand de peaux de lapins,--dans l'argot des chiffonniers. Signifie aussi Auvergnat, homme qui court les ventes et achète aussi bien un Raphaël qu'un lot de fonte. CHINFRENIAU, s. m. Ornement de tête ou de cou,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi coup à la tête ou au visage,--au _chanfrein_. CHINOIS, s. m. Original; quidam quelconque,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Chinois de paravent_. CHINOIS, s. m. Petite orange verte, confite dans l'eau-de-vie, qui est, à ce qu'il paraît, le produit d'un oranger particulier, le _citrus vulgaris chinensis_, le bigaradier chinois. CHINOISERIE, s. f. Farce, plaisanterie de bon ou de mauvais goût. CHIPER, v. a. Dérober,--dans l'argot des enfants; voler,--dans l'argot des grandes personnes. Peccadille ici, délit là. Génin donne à ce mot une origine commune au mot _chiffon_, ou _chiffe_: le verbe anglais _to chip_, qui signifie couper par morceaux. Je le veux bien; mais il serait si simple de ne rien emprunter aux Anglais en se contentant de l'étymologie latine _accipere_, dont on a fait le vieux verbe français _acciper_! _Acciper_, par syncope, a fait _ciper_; _ciper_ à son tour a fait _chiper_,--comme _cercher_ a fait _chercher_. CHIPETTE, s. f. Rien ou peu de chose,--dans l'argot du peuple. CHIPETTE, s. f. Lesbienne,--dans l'argot des voleurs, qui ne connaissent pas le grec, mais dont les ancêtres ont connu le rouchi. CHIPEUR, s. m. Enfant qui _emprunte_ les billes ou les tartines de ses camarades; homme qui vole les porte-monnaie et les mouchoirs de ses concitoyens. CHIPIE, s. f. Fille ou femme qui fait la dédaigneuse, qui prend de grands airs à propos de petites choses,--dans l'argot du peuple, ennemi né des grimaces. CHIPOTER, v. n. Faire des façons; s'arrêter à des riens. Ce mot appartient à la langue romane. Signifie aussi: Manger du bout des dents. CHIPOTEUSE, s. f. Femme capricieuse; variété de _Chipie_. CHIPOTIER, ÈRE, s. m. et f. Celui, celle qui ne fait que chipoter. CHIQUE, s. f. Église,--dans l'argot des voleurs, qui, s'ils ne savent pas le français, savent sans doute l'anglais (_Church_), ou le flamand (_Kerke_), ou l'allemand (_Kirch_). CHIQUE, s. f. Griserie,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi mauvaise humeur,--l'état de l'esprit étant la conséquence de l'état du corps. _Avoir une chique._ Être saoul. _Avoir sa chique._ Être de mauvaise humeur. CHIQUE, s. f. Morceau de tabac cordelé que les marins et les ouvriers qui ne peuvent pas fumer placent dans un coin de leur bouche pour se procurer un plaisir--dégoûtant. _Poser sa chique._ Se taire, et, par extension, Mourir. On dit aussi, pour imposer silence à quelqu'un: _Pose ta chique et fais le mort_. CHIQUÉ (Être). Être fait, peint ou dessiné avec goût, avec esprit, avec _chic_. CHIQUE DE PAIN, s. f. Morceau de pain. CHIQUEMENT, adv. Avec _chic_. CHIQUER, v. a. Dessiner ou peindre avec plus d'adresse que de correction, avec plus de _chic_ que de science véritable. CHIQUER, v. a. Battre, donner des coups,--dans l'argot des faubouriens, qui _déchiquettent_ volontiers leurs adversaires, surtout lorsqu'ils ont une _chique_. _Se chiquer._ Echanger des coups de poing et des coups de pied. CHIQUER, s. m. Manger. CHIQUETTE, s. f. Petit morceau. CHIQUETTE A CHIQUETTE, adv. Par petits morceaux. C'est évidemment le même mot que _chicot_, qui a lui même pour racine le vieux mot français _chice_. CHIQUEUR, s. m. Mangeur, glouton. CHIQUEUR, s. m. Artiste qui fait de _chic_ au lieu de faire d'après nature. CHIRURGIEN EN VIEUX, s. m. Savetier qui répare les vieux cuirs,--dans l'argot des faubouriens. CHOCAILLON, s. f. Ivrognesse, chiffonnière,--dans l'argot des bourgeois. CHOCNOSOFF, s. et adj. Brillant, élégant, beau, parfait,--dans l'argot des faubouriens et des rapins. CHOLÉRA, s. m. Viande malsaine, ou seulement de qualité inférieure,--dans l'argot des bouchers, qui disent cela depuis cinquante ans. CHOLETTE, s. f. Chopine de liquide,--dans l'argot des voleurs. _Double cholette._ Litre. CHOPER, v. a. Attraper en courant,--dans l'argot des écoliers. CHOPER, v. a. Prendre, voler,--dans l'argot des voleurs. _Se faire choper._ Se faire arrêter. CHOPIN, s. m. Objet volé; coup; affaire. _Bon chopin._ Vol heureux et considérable. _Mauvais chopin._ Vol de peu d'importance, qui ne vaut pas qu'on risque la prison. CHOPINER, v. n. Hanter les cabarets,--dans l'argot dédaigneux des bourgeois, qui, eux, hantent les cafés. _Chopiner théologalement_, dit Rabelais. CHOSE. Nom qu'on donne à celui ou celle qu'on ne connaît pas. On dit aussi _Machin_. Ulysse, au moins, se faisait appeler _Personne_ dans l'antre de Polyphème! CHOSE, adj. Singulier, original, bizarre,--dans l'argot du peuple, à qui le mot propre manque quelquefois. _Avoir l'air chose._ Être embarrassé, confus, humilié. _Être tout chose._ Être interdit, ému, attendri. CHOU-BLANC, s. m. Insuccès, le chou blanc étant, dans la classe des Brassicées, ce que la rose noire est dans la famille des Rosacées: le désespoir des chercheurs d'inconnu. _Faire chou blanc._ Echouer dans une entreprise; manquer au rendez-vous d'amour; revenir de la chasse le carnier vide, etc. CHOUCHOUTER, v. a. Choyer, caresser, traiter de petit _chou_. L'expression est de Balzac. CHOUCROUTER, v. n. Manger de la _sauer-kraut_,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi parler allemand. CHOUCROUTEUR, s. m. Allemand, mangeur de _sauer-kraut_. On dit aussi _Choucroutemann_. CHOUETTE, adj. Superlatif de Beau, de Bon et de Bien,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Chouettard_ et _Chouettaud_,--sans augmentation de prix. CHOUETTE (Être). Être pris,--dans l'argot des voleurs, qui opèrent la nuit comme les chats-huants, et, le jour, s'exposent comme eux à avoir sur le dos tous les oiseaux de proie policiers, leurs ennemis naturels. CHOUETTE (Faire une). Jouer au billard seul contre deux autres personnes. CHOUETTEMENT, adv. Parfaitement. CHOUFFLIQUEUR, s. m. Mauvais ouvrier, _Savetier_,--dans l'argot des typographes, qui, à leur insu, se servent là de l'expression allemande _schuhflicker_. CHOUMAQUE, s. m. Cordonnier,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute guère qu'il prononce presque bien le mot allemand _Schumacher_. On dit aussi _Choufflite_: mais ce mot n'est qu'une corruption du précédent. CHOURINER, v. a. Tuer,--dans l'argot des ouvriers qui ont lu _les Mystères de Paris_ d'Eugène Sue, et qui, à cause de cela, n'ont que de fort incomplètes et de fort inexactes notions de l'argot des voleurs. V. _Suriner_. CHOURINEUR, s. m. Assassin,--par allusion au personnage des _Mystères de Paris_, qui porte ce nom, lequel avait, à ce qu'il paraît, grand plaisir à tuer. L'étymologie voudrait que l'on dît _Surineur_; mais l'euphonie veut que l'on prononce _Chourineur_. CHRÉTIEN, s. m. Homme, à quelque religion qu'il appartienne. Argot du peuple. _Viande de chrétien._ Chair humaine. CHRONOMÈTRE, s. m. Montre en général. Argot des bourgeois. CHRYSALIDE, s. f. Vieille coquette, dans l'argot des faubouriens, qui ont parfois l'analogie heureuse, quoique impertinente. CHTIBES, s. f. pl. Bottes,--dans l'argot des voyous. CHUTER, v. n. Tomber,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi, et alors ce verbe est actif. Empêcher de réussir,--dans l'argot des coulisses. CIBLE A COUPS DE PIED, s. f. Le derrière. Argot du peuple. CI-DEVANT, s. m. Vieillard,--qui a été jeune. CI-DEVANT, s. m. Noble. CIERGE, s. m. Sergent de ville en grande tenue,--dans l'argot des marbriers de cimetière. CIGALE, s. f. Cigare,--dans l'argot du peuple, qui frise l'étymologie de plus près que les bourgeois, puisque _cigare_ vient de Espagnol _cigarro_, qui vient lui-même, à tort ou à raison, de _cigara_, cigale, par une vague analogie de forme. CIGALE, s. f. Chanteuse des rues, qui se trouve souvent dépourvue lorsque «la bise est venue». CIGALE, s. f. Pièce d'or,--dans l'argot des voleurs, qui aiment à l'entendre _sonner_ dans leur poche. Ils disent aussi _cigue_, par apocope, et _Ciguë_, par corruption. CIGOGNE, s. f. Le Palais de justice,--dans l'argot des voleurs. _Dab de la Cigogne._ Le procureur général. CIMENT, s. m. Moutarde.--dans l'argot des francs-maçons. CINQ-CENTIMADOS, s. m. Cigare d'un sou,--dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu parodier à leur façon les _trabucos_, les _cazadores_, etc. CINQ SOUS, s. m. Cigare de vingt-cinq centimes. CINQUIÈME, s. m. Verre de la contenance d'un cinquième de litre,--dans l'argot des marchands de vin. Les faubouriens amis de l'euphonie, disent volontiers _cintième_. CIPAL, s. m. Garde municipal,--dans l'argot des voyous, amis des aphérèses. CIREUX, adj. et s. Qui a de la chassie, de la _cire_ aux yeux. CIRURGIEN, s. m. Médecin, chirurgien,--dans l'argot du peuple, qui parle comme Ambroise Paré écrivait. C'est le [grec: cheirourgikos] des anciens. CITOYEN OFFICIEUX, s. m. Laquais,--dans l'argot révolutionnaire, qu'on emploie encore aujourd'hui. CIVADE, s. f. Avoine,--dans l'argot des maquignons et des voleurs, qui emploient un mot de la vieille langue française. _Civade_, vient de _cive_, qui venait de _cæpa_, oignon, d'où _cæpatum_ civet, plat à l'oignon; et l'étymologie n'a rien de forcé, _aimé_ venant bien d'_amatum_. Les Espagnols disent _cebada_ pour Orge. CIVARD, s. m. Herbage. CIVE, s. f. Herbe. CLABAUDER, v. n. Crier à propos de tout, et surtout à propos de rien,--comme un chien. Argot des bourgeois. Signifie aussi Répéter un bruit, une nouvelle; faire des cancans,--et alors il est verbe actif. CLAIRTÉ, s. f. Lumière, netteté, beauté,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_claricas_) et à la tradition. «Parquoy s'ensuit qu'en toute claireté Son nom reluyt et sa vertu pullule,» dit Clément Marot. CLAMPIN, s. m. Fainéant, traîne-guêtres, homme qui a besoin d'être fortifié par un _clamp_.--le clamp de l'énergie et de la volonté. CLAMPINER, v. n. Marcher paresseusement, flâner. CLAPIER, s. m. Maison mal famée, où l'on élève du gibier domestique à l'usage des amateurs parisiens. L'expression se trouve dans beaucoup d'écrivains des XVe et XVIe siècles. CLAQUE, s. f. Soufflet,--dans l'argot du peuple, qui aime les onomatopées. _Figure à claques._ Visage moqueur qui donne des démangeaisons à la main de celui qui le regarde. CLAQUÉ, s. m. Homme mort. _La boite aux claqués._ La Morgue. _Le jardin des claqués._ Le cimetière des hospices. CLAQUE-FAIM, s. m. Homme sans ressources, qui meurt de faim. Le peuple dit aussi, dans le même sens, _Claque-soif_,--par compassion, l'homme qui meurt de soif étant pour lui plus à plaindre que celui qui meurt de faim. CLAQUER, v. a. Donner des soufflets. CLAQUER, v. a. Vendre une chose, s'en débarrasser,--dans le même argot. _Claquer ses meubles._ Vendre son mobilier. CLAQUER, v. n. Manger,--dans l'argot des voyous, qui font allusion au bruit de la mâchoire pendant la mastication. CLAQUER, v. n. Mourir.--dans l'argot des faubouriens. CLARINETTE DE CINQ PIEDS, s. f. Fusil,--dans l'argot des soldats. CLAVIN, s. m. Clou,--dans l'argot des voleurs, plus fidèles à l'étymologie (_clavus_) qu'à l'honnêteté. CLICHÉ, s. m. Phrase toute faite, métaphore banale, plaisanterie usée,--dans l'argot des gens de lettres. CLIQUE, s. f. Diarrhée. Argot du peuple. CLIQUE, s. f. Bande, coterie, compagnie de gens peu estimables. Même argot. _Mauvaise clique._ Pléonasme fréquemment employé,--_clique_ ne pouvant jamais se prendre en bonne part. CLOPORTE, s. m. Concierge--soit parce qu'il habite une loge sombre et humide, comme l'_oniscus murarius_; soit parce qu'il a pour fonctions de clore la porte de la maison. CLOQUE, s. f. Phlyctène bénigne qui se forme à l'épiderme.--dans l'argot du peuple, ami des onomatopées. Les bourgeois, eux, disent _cloche_: c'est un peu plus français, mais cela ne rend pas aussi exactement le bruit que font les ampoules lorsqu'on les crève. CLOS-CUL, s. m. Le dernier-né d'une famille ou d'une couvée. On dit aussi _Culot_. CLOU, s. m. Le mont-de-piété,--où l'on va souvent accrocher ses habits ou ses bijoux quand on a un besoin immédiat d'argent. _Coller au clou._ Engager sa montre ou ses vêtements chez un commissionnaire au mont-de-piété. _Grand clou._ Le Mont-de-piété de la rue des Blancs-Manteaux, dont tous les autres monts-de-piété ne sont que des succursales. CLOU, s. m. Prison,--dans l'argot des voleurs. CLOU, s. m. La salle de police,--dans l'argot des soldats, qui s'y font souvent accrocher par l'adjudant. _Coller au clou._ Mettre un soldat à la salle de police. CLOUER LE BEC, v. a. Imposer silence à un importun, ou à un mauvais raisonneur,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _River le clou_. CLOUS, s. m. pl. Outils,--dans l'argot des graveurs sur bois, qui confondent sous ce nom les échoppes, les burins et les gouges. CLOUS DE GIROFLE, s. m. pl. Dents noires, avariées, _esgrignées_ comme celles de Scarron. CO, s. m. Coq,--dans l'argot des paysans et des enfants. COCANGES, s. f. pl. Coquilles de noix avec lesquelles certains fripons font des dupes. COCANGEUR, s. m. Voleur qui a la spécialité des _Cocanges_ et de la _Roubignole_. COCARDE, s. f. La tête,--dans l'argot du peuple. _Taper sur la cocarde._ Se dit d'un vin trop généreux qui produit l'ivresse. _Avoir sa cocarde._ Être en état d'ivresse. COCARDIER, s. m. Homme fanatique de son métier,--dans l'argot des troupiers. COCASSERIE, s. f. Saugrenuïté dite ou écrite, jouée ou peinte,--dans l'argot des artistes et des gens de lettres. COCHE, s. f. Femme adipeuse, massive, rougeaude,--dans l'argot du peuple, qui veut que la femme pour mériter ce nom, ressemble à une femme et non à une _scrofa_. COCHONAILLE, s. f. Charcuterie,--dans l'argot des ouvriers,--qui ne redoutent pas les trichines. On dit aussi _Cochonnerie_. COCHONNER, v. a. Travailler sans soin, malproprement,--dans l'argot des bourgeois. COCHONNERIE, s. f. Besogne mal faite; marchandise de qualité inférieure; nourriture avariée ou mal préparée.--Argot du peuple. COCHONNERIE, s. f. Vilain tour, trahison, manque d'amitié. COCHONNERIE, s. f. Ce que Cicéron appelle _turpitudo verborum_.--Argot des bourgeois. COCO, s. m. Boisson rafraîchissante composée d'un peu de bois de réglisse et de beaucoup d'eau. Cela ne coûtait autrefois qu'un liard le verre et les verres étaient grands; aujourd'hui cela coûte deux centimes, mais les verres sont plus petits. O progrès! COCO, s. m. Tête,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent l'homme pour un _Coco nucifera_. _Coco déplumé._ Tête sans cheveux. _Redresser le coco._ Porter la tête haute. _Monter le coco._ Exciter le désir, échauffer l'imagination. COCO, s. m. Gorge, gosier,--dans le même argot. _Se passer par le coco._ Avaler, boire, manger. COCO, s. m. Homme singulier, original,--dans le même argot. _Joli coco._ Se dit ironiquement de quelqu'un qui se trouve dans une position ennuyeuse, ou qui fait une farce désagréable. _Drôle de coco._ Homme qui ne fait rien comme un autre. COCO, s. m. Eau-de-vie,--dans l'argot des faubouriens. COCO, s. m. Cheval,--dans l'argot du peuple. _Il a graissé la patte à coco._ Se dit ironiquement d'un homme qui s'est mal tiré d'une affaire, qui a mal rempli une commission. COCO, s. m. OEuf,--dans l'argot des enfants, pour qui les poules sont des _cocottes_. COCODÈS, s. m. Imbécile riche qui emploie ses loisirs à se ruiner pour des drôlesses qui se moquent de lui. On pourrait croire ce mot de la même date que _cocotte_: il n'en est rien,--car voilà une vingtaine d'années que l'acteur Osmont l'a mis en circulation. COCODETTE, s. f. Drôlesse,--la femelle du cocodès,--comme la chatte est la femelle de la souris. COCO ÉPILEPTIQUE, s. m. Vin de Champagne,--dans l'argot des gens de lettres qui ont lu _la Vie de Bohème_. COCOS, s. m. pl. Souliers,--dans l'argot des enfants. COCOTTE, s. f. Demoiselle qui ne travaille pas, qui n'a pas de rentes, et qui cependant trouve le moyen de bien vivre--aux dépens des imbéciles riches qui tiennent à se ruiner. Le mot date de quelques années à peine. Nos pères disaient: _Poulette_. COCOTTERIE, s. f. Le monde galant, la basse-cour élégante où gloussent les _cocottes_. COCOTTES, s. f. pl. Poules, canards, dindons, etc.,--dans l'argot des enfants. Se dit aussi des Poules en papier avec lesquelles ils jouent. COEUR D'ARTICHAUT, s. m. Homme à l'amitié banale; femme à l'amour vénal,--dans l'argot du peuple. On dit: _Il_ ou _Elle a un cœur d'artichaut, il y en a une feuille pour tout le monde_. COFFRE, s. m. La poitrine,--dans l'argot du peuple, qui a l'honneur de se rencontrer pour ce mot avec Saint-Simon. _Avoir le coffre bon._ Se bien porter physiquement. COFFRER, v. a. Emprisonner,--dans l'argot du peuple, qui s'est rencontré pour ce mot avec Voltaire. _Se faire coffrer._ Se faire arrêter. COGNADE, s. f. Gendarmerie,--dans l'argot des voleurs, qui ont de fréquentes occasions de se _cogner_ avec les représentants de la loi. COGNE, s. m. Gendarme. _La cogne._ La gendarmerie. COGNE, s. m. Apocope de Cognac,--dans l'argot des faubouriens. COGNER (Se), v. réfl. Echanger des coups de pied et des coups de poing,--dans le même argot. Se dit aussi pour: Prendre les armes, descendre dans la rue et faire une émeute. COIFFER, v. a. Donner un soufflet, une _calotte_. COIFFER, v. a. Trahir son mari,--dans l'argot des bourgeoises. COIFFER (Se). Se prendre d'amitié ou d'amour pour quelqu'un ou pour quelque chose,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à La Fontaine. COIFFER SAINTE CATHERINE, v. a. Rester vieille fille,--dans l'argot des bourgeois. COIRE, s. f. Ferme, métairie,--dans l'argot des voleurs. COLAS, s. m. Cou,--dans le même argot. _Faucher le colas._ Couper le cou. On dit aussi _le colin_. COLAS, s. m. Imbécile, ou seulement homme timide,--dans l'argot du peuple, qui aime les gens dégourdis. _Grand Colas._ Nigaud, qui a laissé échapper une bonne fortune. COLBACK, s. m. Conscrit,--dans l'argot des vieux troupiers, pleins de mépris pour les débutants. COL CASSÉ, s. m. Gandin,--jeune homme à la mode. Argot des faubouriens. COLLAGE, s. m. Union morganatique,--dans l'argot du peuple, qui sait que ces mariages-là durent souvent plus longtemps que les autres. COLLANT, adj. Ennuyeux,--dans l'argot des petites dames, qui n'aiment pas les gens qui ont l'air de les trop aimer. COLLE, s. f. Examen préparatoire à un examen véritable,--dans l'argot des Polytechniciens. _Être tangent à une colle._ Être menacé d'un simulacre d'examen. COLLE, s. f. Mensonge,--dans l'argot des faubouriens. COLLÉ (Être). Ne plus savoir quoi répondre; être interdit,--dans l'argot du peuple. COLLÈGE, s. m. La prison,--dans l'argot des voleurs, qui y font en effet leur éducation et en sortent plus forts qu'ils n'y sont entrés. _Collèges de Pantin._ Prisons de Paris. Les Anglais ont la même expression: _City college_, disent-ils à propos de Newgate. COLLÉGIEN, s. m. Prisonnier. COLLER, v. a. Donner,--dans l'argot des faubouriens, qui collent souvent des soufflets sans se douter que le verbe _colaphizo_ ([grec: cholaptô]) signifie exactement la même chose. _Se coller._ S'approprier quelque chose. COLLER, v. a. Mettre, placer, envoyer,--dans l'argot du peuple. COLLER (Se), v. réfl. Se placer quelque part et n'en pas bouger. COLLER (Se), v. réfl. Se lier trop facilement; faire commerce d'amitié avec des gens qui n'y sont pas disposés. COLLER (Se faire). Se faire refuser aux examens,--dans l'argot des étudiants. COLLER SOUS BANDE, v. a. Châtier un impertinent; river son clou à un farceur; tromper un trompeur; sortir victorieux d'un pugilat de paroles. COLLER UN PAIN, v. a. Appliquer un soufflet ou un coup de poing sur la figure de quelqu'un.--Argot des faubouriens. COLLEUR, s. m. Menteur. COLLEUR, s. m. Examinateur--dans l'argot des Polytechniciens. COLLEUR, s. m. Homme qui se lie trop facilement; importun bavard qui, une fois qu'il vous tient, ne vous lâche plus. On dit plutôt: _Collant_. COLLOQUER (Se), v. réfl. Se placer, s'asseoir,--dans l'argot du peuple. COLOQUINTE, s. f. Tête,--dans l'argot des faubouriens, qui ont trouvé dans certains individus grotesques une ressemblance avec le _cucumis colocynthis_. COLTIN, s. m. Force, énergie,--dans l'argot du peuple, qui tire du _cou_ dans presque tous ses travaux. COLTINER, v. n. Traîner une charrette avec un _licol_, comme font les hommes de peine, qui remplacent ainsi les bêtes de somme. COLTINEUR, s. m. Homme qui traîne une charrette avec un licol. COMBERGEANTE, s. f. Confession,--dans l'argot des voleurs. COMBERGO, s. m. Confessionnal,--dans le même argot. _Aller à comberge._ Aller à confesse. COMBLANCE, s. f. Abondance, excès, chose _comble_,--dans le même argot. _Par comblance._ Par surcroît. COMBRE, s. m. Chapeau,--dans l'argot des voleurs, qui ont trouvé plaisant de comparer cette coiffure à un _concombre_, et plus plaisant encore de supprimer la première syllabe de ce dernier mot. Ils disent aussi _Combriot_. COMBRIE, s. f. Pièce d'un franc,--dans le même argot. COMBRIEU, s. m. Chapeau,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Cambrieu_, plus conforme à l'étymologie qui est certainement _cambré_. COMBROUSIER, s. m. Paysan,--dans l'argot des voleurs. COMBUSTIBLE (Du)! Se dit, comme Chaud! Chaud!--dans l'argot du peuple,--pour exciter quelqu'un à faire quelque chose. COME, s. m. Apocope de Commerce,--dans l'argot des voyous. COMÈTE, s. f. Vagabond,--dans l'argot des faubouriens. COMMANDER A CUIRE, v. n. Envoyer à l'échafaud,--dans l'argot des prisons. COMMANDITE, s. f. Ouvriers travaillant ensemble pour le compte d'un tâcheron,--dans l'argot des typographes. COMME IL FAUT, s. m. Les règles de l'élégance et de la distinction, le suprême bon ton,--dans l'argot des bourgeois, à propos des gens et des choses. C'est le _Cant_ des Anglais. On prononce _comifô_. COMME IL FAUT, adj. Selon le code du bon goût et du bon ton, du bien dire et du bien élevé. _L'homme comme il faut_ des bourgeoises est le _monsieur bien_ des petites dames. COMMODE, s. f. Cheminée,--dans l'argot des voleurs, qui y serrent les objets dont ils veulent se débarrasser comme trop compromettants. COMMUNE COMME UNE MOULE, adj. Se dit--dans l'argot des Précieuses bourgeoises--de toute femme, du peuple ou d'ailleurs, qui ne leur convient pas. COMMUNISTE, s. m. Républicain,--dans l'argot des bourgeois, qui, en 1848, donnaient ce nom à tout ce qui n'était pas eux. COMPAS, s. m. Les jambes,--dans l'argot des ouvriers. _Ouvrir le compas._ Marcher. _Allonger le compas._ Précipiter sa marche. COMPÈRE-COCHON, s. m. Homme plus familier qu'il n'en a le droit,--dans l'argot des bourgeois. COMPTE (Avoir son), v. a. Être gris pour avoir trop bu, ou blessé à mort pour s'être battu en duel. COMPTER SES CHEMISES, v. a. Vomir,--dans l'argot des marins et du peuple. Les Anglais ont une expression analogue: _To cast up one's accounts_ (rendre ses comptes), disent-ils. COMTE DE CARUCHE, s. m. Porte-clés,--dans l'argot des voleurs, qui se plaisent à occuper leurs loisirs forcés en s'improvisant les Borel d'Hauterive de leur prison. COMTE DE GIGOT-FIN, s. m. Beau mangeur,--dans l'argot du peuple, qui ne craint pas de créer des types comme Molière et d'anoblir des vilains comme Napoléon. COMTE DU CANTON, s. m. Geôlier,--dans l'argot des voleurs. CONDÉ, s. m. Permission de tenir des jeux de hasard,--dans l'argot des voleurs, qui obtiennent cette permission d'un des _condés_ suivants: _Grand condé._ Préfet. _Petit condé._ Maire. _Demi-condé._ Adjoint. _Condé franc_ ou _affranchi_. Fonctionnaire qui se laisse corrompre. Plus particulièrement: Faveur obtenue d'un geôlier ou d'un directeur. CONFÉRENCIER, s. m. Orateur en chambre, qui parle de tout sans souvent être payé pour cela. Mot nouveau, profession nouvelle. CONFIRMER, v. a. Donner une paire de soufflets. CONFRÈRE DE LA LUNE, s. m. Galant homme qui a eu le tort d'épouser une femme galante,--dans l'argot du peuple, trop irrévérencieux envers le croissant de la chaste Diane. CONILLER, v. n. User de subterfuges pour échapper à un ennui ou à un danger, se cacher, disparaître, comme un lapin (_cuniculus_, conil) dans son trou. Argot du peuple. CONIR, v. n. Mourir. CONJUNGO, s. m. Mariage,--dans l'argot du peuple, qui a voulu faire allusion au premier mot du discours du prêtre aux mariés: _Conjungo_ (je joins). CONNAISSANCE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des ouvriers, qui veulent connaître une fille avant de la prendre pour femme. CONNAÎTRE LE JOURNAL. Être au courant d'une chose; savoir à quoi s'en tenir sur quelqu'un. Argot des bourgeois. Signifie aussi: Savoir de quoi se compose le dîner auquel on est invité. CONNAÎTRE LE NUMÉRO, v. a. Avoir de l'habileté, de l'expérience,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que l'expression a appartenu à l'argot des chevaliers d'industrie. «Les escrocs disent d'une personne qu'ils n'ont pu duper: Celui-là sait le numéro, il n'y a rien à faire.» (_Les Numéros parisiens_, 1788.) _Connaître le numéro de quelqu'un._ Savoir ce qu'il cache; connaître ses habitudes, son caractère, etc. CONNU! Exclamation de l'argot du peuple, qui l'emploie pour interrompre les importuns, les bavards--et même les éloquents. Signifie aussi: C'est usé! Je ne crois plus à ces choses-là! CONOBRER, v. a. Connaître,--dans l'argot des voleurs. Ce verbe ne viendrait-il pas de _cognoscere_, connaître, ou de _cognobilis_, facile à connaître. CONQUÊTE, s. f. Maîtresse d'une heure ou d'un mois,--dans l'argot des bourgeois, Alexandres pacifiques. CONSCIENCE, s. f. Travail spécial, fait à la journée au lieu de l'être aux pièces. Argot des typographes. _Être en conscience_, ou _à la conscience_. Travailler à la journée. CONSCRIT, s. m. Elève de première année,--dans l'argot des Polytechniciens, dont beaucoup se destinent à l'armée. C'est aussi l'élève de seconde année à Saint-Cyr. CONSERVATOIRE, s. m. Grand Mont-de-piété,--dans l'argot du peuple. CONSOLATION, s. f. Eau-de-vie,--dans l'argot du peuple, qui se console à peu de frais. _Débit de consolation._ Liquoriste, cabaret. CONSOLER SON CAFÉ. Mettre de l'eau-de-vie dedans. Habitude normande,--très parisienne. CONSOMME, s. f. Apocope de _consommation_,--dans l'argot des faubouriens. CONSTANTE, s. f. Nom que les Polytechniciens donnent à l'élève externe, parce que l'externe sort de l'école comme il y est entré: il n'a pas d'avancement; il n'est pas choyé, il joue au milieu de ses camarades le rôle de la _constante_ dans les calculs: il passe par toutes les transformations sans que sa nature en subisse aucune variation. CONTRE, s. m. Consommation personnelle, au café, que l'on joue avec une autre personne _contre_ sa consommation. CONTRÔLE, s. m. Flétrissure, marque de fer rouge sur l'épaule des forçats,--dans l'argot des prisons. CONTRÔLER, v. a. Donner un coup de talon de botte sur la figure de quelqu'un. Argot des faubouriens. On dit aussi _mettre le contrôle_. CONVALESCENCE, s. f. Surveillance de la haute police,--dans l'argot des voleurs. _Être en convalescence._ Être sous la surveillance de la police. COPAIN, s. m. Compagnon d'études,--dans l'argot des écoliers. On écrivait et on disait autrefois _compaing_, mot très expressif que je regrette beaucoup pour ma part, puisqu'il signifiait l'ami, le frère choisi, celui avec qui, aux heures de misère, on partageait son pain,--_cum pane_. C'est l'ancien nominatif de _compagnon_. COPE, s. f. Apocope de copie,--dans l'argot des typographes. _Avoir de la cope._ Avoir un manuscrit à composer. COPEAU, s. m. La langue,--dans l'argot des souteneurs de filles. _Lever son copeau._ Parler, bavarder. COPIE, s. f. Travail plus ou moins littéraire, bon à livrer à l'imprimeur,--dans l'argot des gens de lettres, qui écrivent _copiosissimè_ dans l'intérêt de leur _copia_. _Faire de la copie._ Écrire un article pour un journal ou pour une revue. _Caner sa copie._ Ne pas écrire l'article promis. _Pisser de la copie._ Écrire beaucoup trop, sur tous les sujets. _Pisseur de copie._ Ecrivain qui a une facilité déplorable et qui en abuse pour inonder les journaux ou revues de Paris, des départements et de l'étranger, de sa prose ou de ses vers. COQ, s. m. Cuisinier,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans la marine, et qui ne savent pas parler si bien latin, _coquus_. COQUARD, s. m. OEil,--dans l'argot des bouchers. COQUARD, s. m. OEuf,--dans l'argot des enfants. COQUARDEAU, s. m. Galant que les femmes dupent facilement,--dans l'argot du peuple. Le mot n'est pas aussi moderne qu'on serait tenté de le croire, car il sort du _Blason des fausses amours_: «Se ung coquardeau Qui soit nouviau Tombe en leurs mains, C'est un oyseau Pris au gluau Ne plus ne moins.» COQUARDER, v. n. _Alvum deponere._ Argot des faubouriens. (V. _Coquard_ et _Pondre un œuf_.) COQUER, v. a. Dénoncer,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté à l'argot lyonnais ce mot qui signifie _embrasser_, comme fit Judas Iscariote pour Jésus. COQUER, v. a. Donner,--dans le même argot. _Coquer la camouffle._ Présenter la chandelle. _Coquer la loffitude._ Donner l'absolution. _Coquer le poivre._ Empoisonner. _Coquer le taf._ Faire peur. COQUEUR, s. m. Dénonciateur. COQUEUR DE BILLE, s. m. Bailleur de fonds. COQUILLARD, s. m. Pèlerin,--dans l'argot des faubouriens. COQUILLE, s. f. Lettre mise à la place d'une autre,--dans l'argot des typographes. COQUILLON, s. m. Pou,--dans l'argot des faubouriens, qui se rappellent sans doute qu'on donnait autrefois ce nom à un capuchon qui se relevait sur la tête. CORBEAU, s. m. Frère de la Doctrine chrétienne,--dans l'argot des faubouriens, qui ont été frappés de l'analogie d'allures qu'il y a entre ces honnêtes instituteurs de l'enfance et l'oiseau du prophète Elie. CORBEAU, s. m. Employé des pompes funèbres,--dans le même argot. CORBUCHE, s. f. Ulcère,--dans l'argot des voleurs. _Corbuche-lof._ Ulcère factice. CORDER, v. n. Fraterniser, vivre avec quelqu'un _toto corde_,--dans l'argot du peuple. CORDON BLEU, s. m. Cuisinière émérite. Argot des bourgeois. CORNARD, s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante,--dans l'argot du peuple, impitoyable pour les malheurs ridicules et pour les martyrs grotesques. CORNEAU, s. m. Bœuf,--dans l'argot des voleurs. _Corneaude._ Vache. CORNER, v. a. Publier une chose avec éclat; répéter une nouvelle, fausse ou vraie,--dans l'argot du peuple. _Corner une chose aux oreilles de quelqu'un._ La lui répéter de façon à lui être désagréable. CORNER, v. n. Puer,--dans l'argot des faubouriens, qui font probablement allusion à l'odeur insupportable qu'exhale la corne brûlée. CORNET, s. m. Estomac,--dans le même argot. _Se mettre quelque chose dans le cornet._ Manger. _N'avoir rien dans le cornet._ Être à jeun. CORNET D'ÉPICES, s. m. Capucin,--dans l'argot des voleurs. CORNICHE, s. f. Chapeau. Argot des faubouriens. CORNICHON, s. m. Veau. Argot des voleurs. CORNICHON, s. et adj. Nigaud, homme simple, qui respecte les femmes,--dans l'argot de Breda-Street; parfois imbécile,--dans l'argot au peuple, qui juge un peu comme les filles, ses filles. CORNIÈRE, s. f. Étable. CORNIFICETUR, s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante et qui le regrette tous les jours. CORSER, v. a. Multiplier les péripéties,--dans l'argot des gens de lettres; augmenter la force d'un liquide,--dans l'argot des marchands de vin. CORSER (Se). Se compliquer, devenir grave. Argot des gens de lettres. CORVETTE, s. f. L'Héphestion des Alexandres populaciers,--dans l'argot des voleurs. COSSU, adj. Riche,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des gens et des choses. COSTEL, s. m. Souteneur de filles,--dans l'argot des voyous. COSTIÈRES, s. f. pl. Rainures pratiquées dans le plancher d'un théâtre pour y faire glisser les portants; celles qui avancent sur la scène se ferment au moyen des trappillons. On dit des objets perdus ou volés au théâtre qu'ils sont _tombés dans les costières_. CÔTE, s. f. Passe difficile de la vie,--dans l'argot des bohèmes, qui s'essoufflent à gravir le Double-Mont. _Être à la côte._ N'avoir pas d'argent. _Frère de la côte._ Compagnon de misère. CÔTE-DE-BOEUF, s. f. Sabre d'infanterie,--dans l'argot du peuple. COTE G, s. f. Objet de peu de valeur innocemment détourné, en vertu d'un usage immémorial, par les clercs inventoriant une succession. Ce bibelot, ne figurant à aucune cote de l'acte, passe à la _cote G_, qui me fait l'effet d'être un jeu de mots (cote _j'ai_). CÔTELARD, s. m. Melon à _côtes_,--dans l'argot des faubouriens. CÔTELETTE DE PERRUQUIER, s. f. Morceau de fromage de Brie,--dans l'argot du peuple, qui suppose que les garçons perruquiers n'ont pas un salaire assez fort pour déjeuner à la fourchette comme les gandins. On dit aussi _Côtelette de vache_. Les ouvriers anglais ont une expression du même genre: _A welsh rabbit_ (un lapin du pays de Galles), disent-ils à propos d'une tartine de fromage fondu. CÔTELETTES, s. f. pl. Favoris larges par le bas et minces par le haut,--dans le même argot. COTERIE, s. f. Compagnon,--dans l'argot des maçons. COTILLON, s. m. Fille ou femme,--dans l'argot du peuple. _Aimer le cotillon._ Être de complexion amoureuse. _Faire danser le cotillon._ Battre sa femme. COTON, s. m. Douceur,--dans le même argot. _Elever un enfant dans du coton._ Le gâter de caresses. COTON, s. m. Coups échangés,--dans l'argot des faubouriens, dont la main dégaine volontiers. _Il y a eu_ ou _il y aura du coton_. On s'est battu ou l'on se battra. COTON, s. m. Travail pénible, difficulté, souci,--dans le même argot. _Il y a du coton._ On aura de la peine à se tirer d'affaire. COTRETS, s. m. pl. Jambes,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _fumerons_. COTTE, s. f. Pantalon de toile bleue,--dans l'argot des ouvriers, qui ne le mettent que pour travailler, par-dessus un autre pantalon. COUAC, s. m. Prêtre,--dans l'argot des voyous, fils des faubouriens, qui, en croyant dire une plaisanterie et faire une allusion au cri du corbeau, prononcent sérieusement _quaker_. COUCHER, s. m. Homme qui s'attarde volontairement dans une maison où il ne devrait jamais même mettre les pieds. COUCHER A LA CORDE, v. n. Passer la nuit dans un de ces cabarets comme il en existait encore, il y a quelques années, assis et les bras appuyés sur une corde tendue à hauteur de ceinture. COUCHER BREDOUILLE (Se). Se coucher sans avoir dîné. COUCHER DANS LE LIT AUX POIS VERTS, v. n. Coucher dans les champs, à la belle étoile. COUCHER EN CHAPON (Se), v. réfl. Se coucher repu de viande et de vin,--dans l'argot du peuple. COUCOU, s. m. Cocu,--par antiphrase. _Faire coucou._ Tromper un homme avec sa femme. On dit aussi _Faire cornette_, quand c'est la femme qui est trompée. COUCOU, s. m. Montre,--dans l'argot des voleurs, qui confondent à dessein avec les horloges de la Forêt-Noire. Ils disent mieux _Bogue_. COUDE, s. m. Permission,--dans l'argot des voyous. _Prendre sa permission sous son coude._ Se passer de permission. COUENNE, s. et adj. Imbécile, niais, homme sans énergie,--dans l'argot des faubouriens, qui pensent comme Emile Augier (dans _la Ciguë_), que «les sots sont toujours gras». COUENNE, s. f. Chair,--dans l'argot du peuple. _Gratter la couenne à quelqu'un._ Le flatter, lui faire des compliments exagérés. COUENNE DE LARD, s. f. Brosse,--dans le même argot. COUENNES, s. f. pl. Joues pendantes. COULE, s. f. Les dégâts, les petits vols que commettent les employés, les ouvriers, les domestiques d'une maison, et spécialement les garçons de café, parce que c'est par là souvent qu'on _coule_ une maison. On dit aussi _Coulage_. _Veiller à la coule._ Veiller sur les domestiques, avoir l'œil sur les garçons de café et autres, pour empêcher la dilapidation. COULE (Être à la). Être d'un aimable caractère, d'un commerce agréable, doux, _coulant_,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Savoir tirer son épingle du jeu; être dupeur plutôt que dupé; préférer le rôle de malin à celui de niais, celui de marteau à celui d'enclume. COULER (En). En conter aux gens crédules, dans le même argot. COULER DOUCE (Se la), v. réfl. Vivre sans rien faire, sans souci d'aucune sorte,--dans l'argot du peuple, qui ne serait pas fâché de vivre de cette façon-là, pour changer. COULEUR, s. f. Menterie, conte en l'air,--dans l'argot du peuple, qui s'est probablement aperçu que, chaque fois que quelqu'un ment, il rougit, à moins qu'il n'ait l'habitude du mensonge. _Monter une couleur._ Mentir. Au XVIIe siècle on disait: _Sous couleur de_, pour _Sous prétexte de_. Or, tout prétexte étant un mensonge, il est naturel que tout mensonge soit devenu une _couleur_. COULEUR, s. f. Opinion politique. Même argot. COULEUVRE, s. f. Femme enceinte,--dans l'argot des voyous, qui, probablement, font allusion aux lignes serpentines de la taille d'une femme en cette «position intéressante». COULIANT, s. m. Lait,--dans l'argot des voleurs. COULOIR, s. m. Le gosier,--dans l'argot des faubouriens, qui en lavent les parois à grands coups de vin et d'eau-de-vie, sans redouter l'humidité. _Chelinguer du couloir._ Fetidum halitum emittere. COUPAILLON, s. m. Coupeur maladroit, inexpérimenté. Argot des tailleurs. COUP D'ARROSOIR, s. m. Verre de vin bu sur le comptoir du cabaretier. Argot des faubouriens. COUP DE BOUTEILLE, s. m. Rougeur du visage, coup de sang occasionné par l'ivrognerie,--dans l'argot du peuple. COUP DE CANIF, s. m. Infidélité conjugale,--dans l'argot des bourgeois. _Donner un coup de canif dans le contrat._ Tromper sa femme ou son mari. COUP DE CASSEROLE, s. m. Dénonciation,--dans l'argot des voleurs. COUP DE CHASSELAS, s. m. Demi-ébriété,--dans l'argot du peuple. _Avoir un coup de chasselas._ Être en état d'ivresse. COUP DE CHIEN, s. m. Traîtrise, procédé déloyal et inattendu,--dans le même argot. COUP DE FEU, s. m. Moment de presse. COUP DE FEU DE SOCIÉTÉ, s. m. Dernier degré de l'ivresse,--dans l'argot des typographes. COUP DE FOURCHETTE, s. m. Déjeuner. Argot des bourgeois. _Donner un coup de fourchette._ Manger. COUP DE FOURCHETTE, s. m. Vol à l'aide de deux doigts seulement. COUP DE FOURCHETTE, s. m. Coup donné dans les deux yeux avec les deux doigts qui suivent le pouce de la main droite. Argot des faubouriens. COUP DE GAZ, s. m. Coup de vin. Argot des faubouriens. COUP DE PIED DE JUMENT, s. m. Maladie désagréable,--dans l'argot du peuple. COUP DE PIED DE VÉNUS, s. m. «Trait empoisonné lancé par le fils de Cythérée au nom de sa mère»,--dans l'argot des bourgeois, qui connaissent leur mythologie. COUP DE PISTOLET, s. m. Opération isolée et sans suite, mais destinée cependant à faire un peu de bruit. _Coup de pistolet dans l'eau._ Affaire ratée. COUP DE POING DE LA FIN, s. m. Mot ironique ou cruel, qu'on lance à la fin d'une conversation ou d'un article. Argot des gens de lettres. COUP DE RAGUSE, s. m. Traîtrise, acte déloyal, trahison,--dans l'argot des ouvriers, chez qui le souvenir de la défection de Marmont est toujours vivant. C'est pour eux ce qu'est le _coup de Jarnac_ pour les lettrés. COUP DE RIFLE, s. m. Ivresse,--dans l'argot des typographes. COUP DE SOLEIL, s. m. Demi-ébriété,--dans l'argot des faubouriens, que le vin _allume_ et dont il _éclaire_ le visage. COUP DE TAMPON, s. m. Coup de poing. Argot du peuple. COUP DE TORCHON, s. m. Baiser,--dans l'argot des faubouriens, qui sans doute, veulent parler de ceux qu'on donne aux femmes maquillées, dont alors les lèvres _essuient_ le visage. COUP DE TORCHON (Se donner un), v. réfl. Se battre en duel ou à coups de poing, comme des gentilshommes ou comme des goujats. C'est une façon comme une autre d'_essuyer_ l'injure reçue. Même argot. COUP DE TRENTE-TROIS CENTIMÈTRES, s. m. Coup de _pied_. Argot calembourique des faubouriens. COUP DE VAGUE, s. m. Vol improvisé. COUP DU LAPIN, s. m. Coup féroce que se donnent parfois les voyous dans leurs _battures_. Il consiste à saisir son adversaire, d'une main par les testicules, de l'autre par la gorge, et à tirer dans les deux sens: celui qui est saisi et tiré ainsi n'a pas même le temps de recommander son âme à Dieu. (V. la _Gazette des Tribunaux_, mai 1864.) COUP DU LAPIN, s. m. Coup plus féroce encore, que la nature vous donne vers la cinquantième année, à l'époque de l'âge _critique_. _Recevoir le coup du lapin._ Vieillir subitement du soir au lendemain; se réveiller avec des rides et les cheveux blancs. Signifie aussi au figuré: Coup de grâce. COUP DU MÉDECIN, s. m. Le verre de vin que l'on boit immédiatement après le potage,--dans l'argot des bourgeois, qui disent quelquefois: «Encore un écu de six francs retiré de la poche du médecin!» Mais dans ce cas, quelque convive prudent ne manque jamais d'ajouter: «Oui... et jeté dans la poche du dentiste!» COUP DUR, s. m. Obstacle imprévu; désagrément inattendu,--dans l'argot du peuple. COUPE, s. f. Misère,--dans l'argot des voleurs, qui y tombent souvent par leur faute (_culpa_). COUPE-CHOUX, s. m. Sabre de garde national,--dans l'argot du peuple, qui suppose cette arme inoffensive et tout au plus bonne à servir de sécateur. COUPE-CUL (A), adv. Sans revanche,--dans l'argot des faubouriens. COUPE-FICELLE, s. m. Artificier,--dans l'argot des artilleurs. COUPELARD, s. m. Couteau,--dans l'argot des prisons. COUPER, v. a. Passer devant une voiture,--dans l'argot des cochers, qui se plaisent à se blesser ainsi entre eux. COUPER (La), v. a. Etonner quelqu'un désagréablement en lui enlevant sa maîtresse, son emploi, n'importe quoi, au moment où il s'y attendait le moins. Le mot date de la maréchale Lefebvre. On dit volontiers comme elle: _Cela te la coupe!_ COUPER (Se), v. réfl. Faire un _lapsus linguæ_ compromettant dans la conversation; commencer un récit scabreux à la troisième personne, et le continuer, sans s'en apercevoir, à la première. COUPER CUL, v. n. Abandonner le jeu,--dans l'argot des joueurs. COUPER DANS LE PONT, v. n. Donner dans le panneau, croire à ce qu'on vous raconte,--par allusion au pont que font les Grecs en pliant les cartes à un endroit déterminé, de façon à guider la main du _pigeon_ dans la portion du jeu où elle doit couper sans le vouloir. COUPER DEDANS, v. n. Se laisser tromper, accepter pour vraie une chose fausse. Argot du peuple. COUPER LA GUEULE A QUINZE PAS, v. a. Avoir une haleine impossible à affronter, même à une distance de quinze pas,--dans l'argot des faubouriens, impitoyables pour les infirmités qu'ils n'ont point. COUPER LA QUEUE A SON CHIEN, v. a. Faire quelque excentricité bruyante et publique, de façon à attirer sur soi l'attention des badauds,--stratagème renouvelé des Grecs. COUPER LE TROTTOIR, v. n. Forcer quelqu'un qui vient sur vous à descendre sur la chaussée, en marchant comme s'il n'y avait personne; ou bien, de derrière passer devant lui sans crier gare. COUPER LE SIFFLET A QUELQU'UN, v. a. Le faire taire en parlant plus fort que lui, ou en lui prouvant clairement qu'il a tort, qu'il se trompe. Signifie aussi Tuer. COUPER LES VIVRES. Supprimer tout envoi d'argent ou de pension,--dans l'argot des étudiants, qui n'en meurent pour cela ni de faim ni de soif. COUPE-SIFFLET, s. m. Couteau. COUPLET DE FACTURE, s. m. Composé uniquement en vue de l'effet, avec des rimes riches et redoublées. Argot des coulisses. COUPS DE MANCHE, s. m. Mendiant qui va à domicile porter des lettres-circulaires dans lesquelles il se dépeint comme zouave pontifical, ancien exilé, artiste sans commandes, homme de lettres sans éditeurs,--selon le quartier et la victime choisis. COURAILLER, v. n. Faire le libertin,--dans l'argot des bourgeois. COURANT, s. m. Truc, secret, affaire mystérieuse,--dans l'argot du peuple. _Connaître le courant._ Savoir de quoi il s'agit. _Montrer le courant._ Initier quelqu'un à quelque chose. COURANTE, s. f. _Fluxus ventris_,--dans l'argot des bourgeois. COURBE, s. f. Épaule,--dans l'argot des voleurs. _Courbe de maxne._ Epaule de mouton. COUREUR, s. m. Libertin,--dans l'argot des bourgeois. COUREUSE, s. f. Fille ou femme qui a plus souci de son plaisir que de sa réputation et qui hante plus les bals que les églises. COUREUSE, s. f. Plume à écrire,--dans l'argot des voleurs. COURIR, v. n. Libertiner,--dans l'argot des bourgeois. On dit aussi _Courir la gueuse_ et _Courir le guilledou_. COURIR (Se la). S'en aller de quelque part, s'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. COURSIER, s. m. Cheval,--dans l'argot des académiciens. _Coursier de fer._ Locomotive. COURTANGE, s. f. La Courtille,--dans l'argot des voyous. COURTAUD DE BOUTANCHE, s. m. Commis de magasin,--dans l'argot des voleurs. COUSIN DE MOÏSE, s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante,--dans l'argot du peuple, qui fait allusion aux deux lignes de feu dont sont ornées les tempes du législateur des Hébreux. COUSINE, s. f. L'Héphestion des Alexandres de bas étage,--dans l'argot du peuple. COUSINE DE VENDANGE, s. f. Fille ou femme qui fait volontiers débauche au cabaret,--dans le même argot. COUSSE DE CASTU, s. m. Infirmier d'hôpital,--dans l'argot des voleurs. J'ai vu écrit _conce de castus_ dans le vieux dictionnaire d'Olivier Chéreau, avec cette définition conforme du reste à la précédente: «Celuy qui porte les salletés de l'hospital à la rivière.» _Cousse_ ne signifie rien, tandis que _conce_ est une antiphrase ironique et signifie _parfumé_ (de l'italien _concio_). COÛTER LES YEUX DE LA TÊTE, v. n. Extrêmement cher,--dans l'argot des bourgeois. COÛTER UNE PEUR ET UNE ENVIE DE COURIR, v. n. Absolument rien, ce que coûtent les objets volés. Argot des faubouriens. COUTURASSE, s. f. Couturière,--dans l'argot des voyous. COUTURIÈRE, s. f. Courtilière, insecte des _jardins_,--dans l'argot des enfants, qui ne sont pas très forts en entomologie. COUVERCLE, s. m. Chapeau,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent l'homme pour un pot. COUVERT DE CONSEILLER, s. m. Couvert d'argent démarqué,--dans l'argot des voleurs. On dit de même _Linge de conseiller_ pour linge volé et démarqué. COUVRE-AMOUR, s. m. Chapeau d'homme, quelque forme qu'il affecte,--dans l'argot facétieux des bourgeois, qui voudraient faire croire que leur tête est le siège des passions. COUVREUR, s. m. Celui qui ouvre et ferme les portes--dans l'argot des francs-maçons. COUVRIR LA JOUE, v. a. Donner un soufflet,--dans l'argot des bourgeois. COUVRIR LE TEMPLE, v. a. Fermer les portes,--dans l'argot des francs-maçons. _Faire couvrir le temple à un frère._ Le faire sortir. COUYON, s. m. Lâche, paresseux,--dans l'argot du peuple, qui mouille l'_y_ d'une façon partiticulière. COUYONNADE, s. m. Farce, mauvais tour. Signifie aussi Niaiserie, chose de peu d'importance. COUYONNER, v. n. Manquer de courage. Signifie aussi Se moquer. COUYONNER QUELQU'UN, v. a. Le faire aller, se moquer de lui. Signifie aussi: Importuner, agacer,--_probris lacessere_. CRABOSSER, v. n. Bossuer un chapeau, un carton,--dans l'argot des bourgeois. D'aucuns disent encore comme du temps de Rabelais, _Cabosser_. CRAC-CRIC-CROC, s. m. Onomatopée à l'usage du peuple lorsqu'il veut rendre le bruit d'une chose qui se déchire pièce par pièce, ou qu'il broie avec ses dents. CRACHÉ, adj. Ressemblant,--dans l'argot du peuple, à qui La Fontaine et Voltaire ont fait l'honneur d'emprunter cette expectoration. On dit: _C'est lui tout craché._ ou _C'est son portrait tout craché._ CRACHER, v. n. Parler.--dans l'argot des ouvriers. CRACHER AU BASSINET, v. n. Être forcé de payer,--dans l'argot du peuple. CRACHER BLANC, v. n. Avoir soif, pour s'être enivré trop la veille,--dans l'argot du peuple, qui employait cette expression du temps de Rabelais. On dit aussi _Cracher du coton_ et _Cracher des pièces de dix sous_. CRACHER SES DOUBLURES, v. a. Rendre ses poumons par fragments, comme font les poitrinaires. Même argot. CRACHER SON AME, v. a. Mourir,--dans l'argot des infirmiers, qui ne se doutent guère qu'ils emploient là une des plus énergiques expressions latines: _Vomere animam_, dit Lucrèce. _Chrysanthus animam ebulliit_, dit un des convives du festin de Trimalcion. CRACHER SUR QUELQUE CHOSE, v. n. En faire mépris,--dans l'argot du peuple, qui emploie plus ordinairement cette expression avec la négative: _Il ne crache pas sur la vendange_, c'est-à-dire il aime le vin. CRACHOIR, s. m. Action de bavarder,--dans le même argot. _Tenir le crachoir._ Parler. _Abuser du crachoir._ Abuser de la facilité qu'on a à parler et de l'indulgence des gens devant qui l'on parle. CRAMPER, v. n. Courir,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Tirer sa crampe_. CRAMPER (Se), v. réfl. Se cramponner, au propre et au figuré,--dans le même argot. CRAMPON, s. m. Homme ennuyeux qui ne lâche pas sa victime et qu'on tuerait sur place,--si le Code ne punissait pas le meurtre, même dans le cas de légitime défense. CRÂNE, s. m. Homme audacieux,--dans l'argot du peuple. _Faire son crâne._ Faire le fanfaron. CRÂNE, adj. Superlatif de Beau, de Fort, d'Eminent, de Bon. _Avoir un crâne talent._ Avoir beaucoup de talent. CRÂNEMENT, adv. Beaucoup, supérieurement, fortement. _Avoir crânement de talent._ En avoir beaucoup. CRÂNEUR, s. m. Homme audacieux, ou plutôt fanfaron d'audace. _Faire son crâneur._ Parler ou marcher avec aplomb, comme un homme qui ne craint rien. CRAPAUD, s. m. Mucosité sèche du nez,--dans l'argot des voyous. CRAPAUD, s. m. Cadenas,--dans l'argot des voleurs, qui ont trouvé là une image juste. CRAPAUD, s. m. Petit fauteuil bas,--dans l'argot des tapissiers. CRAPAUD, s. m. Bourse,--dans l'argot des soldats. CRAPAUD, s. m. Apprenti, petit garçon,--dans l'argot des faubouriens. CRAPOUSSIN, s. m. Homme de petite taille et de peu d'apparence,--dans le même argot. CRAPULADOS, s. m. Cigare de cinq centimes.--dans le même argot. CRAQUE, s. f. Menterie,--dans l'argot des enfants et des faubouriens qui ont vu jouer sans doute le _Monsieur de Crac dans son petit castel_, de Colin d'Harleville. CRAQUELIN, s. m. Homme chétif,--dans l'argot des marins, qui d'un coup de poing feraient _craquer_ les os à de plus solides. CRAQUER, v. n. Mentir, gasconner à la parisienne. CRAQUEUR, s. m. Menteur, Gascon,--de Paris. CRASSE, s. m. Lésinerie, indélicatesse,--dans l'argot du peuple, pour qui il semble que les sentiments bas soient l'ordure naturelle des âmes non baptisées par l'éducation. CRASSE, s. f. Pauvreté; abjection,--dans le même argot. _Tomber dans la crasse._ Déchoir de rang, de fortune; de millionnaire devenir gueux, et d'honnête homme coquin. CRASSE DU COLLÈGE, s. f. Manières gauches, empruntées, mêlées de pédantisme,--dans l'argot des gens de lettres. CRASSEUX, adj. et s. Avare. CRAVATE DE CHANVRE, s. f. Corde,--dans l'argot du peuple. CRAVATE DE COULEUR, s. f. Arc-en-ciel,--dans l'argot des faubouriens. CRÉATEUR, s. m. Peintre,--dans l'argot des voleurs, qui ont parfois le sens admiratif. CRÉATURE, s. f. Synonyme péjoratif de Fille,--dans l'argot des bourgeois. CREDO, s. m. Potence,--dans l'argot des voleurs, qu'ils aient voulu faire soit une anagramme de _Corde_, soit une allusion à la confession du condamné à mort, qui récite son _Credo_ avant de réciter son _meâ culpâ_. CREDO, s. m. Aveu,--dans l'argot des ouvriers, qui ne sont pas tenus de savoir le latin. _Faire son credo._ Avouer franchement ses torts. CRÈME, s. f. Superlatif de Bon, de Beau, de Fort,--dans l'argot des bourgeois. _La crème des hommes._ Le meilleur des hommes. CRÊPER LE CHIGNON (Se). Se gourmer, échanger des coups, s'arracher mutuellement les cheveux,--dans l'argot du peuple. CRÉPINE, s. f. Bourse,--dans l'argot des voleurs qui savent que les premières bourses ont été des aumônières et que saint Crépin est le patron du cuir. CRÉTIN, s. m. Rival littéraire ou artistique,--dans l'argot des peintres et des gens de lettres. Ils disent aussi _goitreux_. CRÉTINISER (Se), v. réfl. Faire toujours la même chose, avoir les mêmes habitudes,--dans le même argot. CREUX, s. m. Voix,--dans l'argot du peuple. _Bon creux._ Belle voix, claire, sonore. _Fichu creux._ Voix brisée, défaillante, qui «sent le sapin». CREUX, s. m. Maison, logis quelconque,--dans l'argot des voyous. Les voyous anglais disent de même _Ken_, apocope de _Kennel_ (trou, terrier). CREVAISON, s. f. Agonie,--dans l'argot du peuple. _Faire sa crevaison._ Mourir. CREVANT, adj. Ennuyeux,--dans l'argot des petites dames. CREVARD, s. m. Enfant mort-né,--dans l'argot des voyous. CREVÉ, s. m. Homme maigre pâle, ruiné de corps et d'âme,--dans l'argot des ouvriers. _Petit crevé._ Synonyme de gandin. CREVER, v. a. Battre,--à tuer, souvent. Argot des faubouriens. CREVER, v. a. Congédier, renvoyer,--dans l'argot des typographes. CREVER (Se), v. réfl. Manger avec excès, à en mourir,--dans l'argot du peuple. CREVER L'OEIL AU DIABLE, v. a. Réussir malgré les envieux, faire du bien malgré les ingrats,--dans le même argot. CREVETTE, s. f. Petite dame de Breda-Street. Mot de création tout à fait récente. CRIAILLER, v. n. Crier toujours, quereller de paroles,--dans l'argot du peuple. CRIBLER, v. n. Crier,--dans l'argot des voleurs. _Cribler à la chienlit_ ou au _charron_. Crier au voleur. _Cribler à la grive._ Avertir un camarade, en train de _travailler_, de l'arrivée de la police ou d'importuns quelconques. CRIBLEUR DE LANCE, s. m. Porteur d'eau. CRIBLEUR DE MALADES, s. m. Celui qui, dans une prison, est chargé d'appeler les détenus au parloir. CRIC, s. m., ou CRIQUE, s. f. Eau-de-vie de qualité inférieure,--dans l'argot des faubouriens. CRIC-CROC! A ta, ou A votre santé!--dans l'argot du peuple et des voleurs. CRIER A LA GARDE, v. n. Se plaindre mal à propos,--comme les gens qui font déranger les hommes d'un poste à propos de rien. Argot du peuple. CRIER AU VINAIGRE, v. n. Appeler au secours. Même argot. CRIER AUX PETITS PATÉS, v. n. Se dit--dans le même argot--d'une femme en mal d'enfant, qui se plaint d'abord comme Gargamelle faisant le même vœu impie qu'elle, et, après remerciant Dieu et son Grandgousier. CRIGNE, s. f. Viande,--dans l'argot des voleurs et des filles. Ne serait-ce pas une contraction de _carogne_, mot dérivé du latin _caro_? D'un autre côté, je trouve _crie_ et _criolle_ dans le dictionnaire d'Olivier Chéreau, et Bouchet lui donne la signification de Lard. Auquel entendre? CRIGNOLIER, s. m. Boucher. CRIN, s. m. Personne désagréable d'aspect et de langage.--dans l'argot du peuple. _Être comme un crin._ Être de mauvaise humeur. CRIN-CRIN, s. m. Violon de barrière,--dans l'argot du peuple. CRINS, s. m. pl. Cheveux,--dans l'argot du peuple, qui n'est pas aussi irrespectueux qu'on pourrait le croire au premier abord, puisque La Fontaine a dit: «Fille se coiffe volontiers D'amoureux à longue crinière.» CRIQUET, s. m. Homme de petite taille, qui ne compte pas plus qu'un _grillon_,--dans l'argot du peuple, qui s'incline volontiers devant la Force et méprise volontiers la Faiblesse. CRIS DE MERLUCHE, s. m. pl. Cris épouvantables,--comme ceux que poussait _Mélusine_, la pauvre belle serpente dont Jean d'Arras nous a conservé la touchante histoire. On dit aussi _Crier comme une merlusine_. CRISTALLISER, v. n. Flâner, se reposer,--dans l'argot des Polytechniciens. CROCHER (Se), v. réfl. Se battre à coups de poing et de pied, comme les _crocheteurs_,--dans l'argot des bourgeois. CROCHER UNE PORTE, v. a. La _crocheter_,--dans l'argot du peuple. CROCODILE, s. m. Homme de mauvaise foi ou d'un commerce désagréable,--dans le même argot. Signifie aussi Créancier. CROCS, s. m. pl. Dents,--dans l'argot des faubouriens, qui assimilent volontiers l'homme au chien. CROIRE LE PREMIER MOUTARDIER DU PAPE (Se). Se donner des airs d'importance, faire le suffisant, l'entendu,--dans l'argot du peuple, qui a ouï parler du cas que les papes, notamment Clément VII, faisaient de leurs fabricants de moutarde, justement enorgueillis. CROMPER, v. a. Sauver quelqu'un,--dans l'argot des prisons. _Cromper sa sorbonne._ Sauver sa tête de la guillotine. CROMPIRE, s. f. Pomme de terre,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot à la Belgique. CROQUE-AU-SEL (A la), adv. Aussi simplement que possible,--au propre et au figuré. CROQUE-MORT, s. m. Employé des pompes funèbres,--dans l'argot sinistre du peuple. CROQUENEAUX, s. m. pl. Souliers,--dans l'argot des faubouriens, qui les font _croquer_ quand ils sont neufs. _Croqueneaux verneaux._ Souliers vernis. CROQUER, v. n. Faire crier les souliers en marchant,--dans l'argot des enfants et des ouvriers. CROQUER, v. a. Dessiner à la hâte,--dans l'argot des artistes. CROQUER LE MARMOT. Attendre en vain,--dans l'argot du peuple. CROQUET, s. m. Homme d'humeur _cassante_,--dans le même argot. _Être comme un croquet._ Se fâcher sous le moindre prétexte. CROSSE, s. f. Avocat général, ministère public,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Crosseur_. CROSSER, v. n. Sonner,--dans le même argot. _Douze plombes crossent_: il est midi ou minuit. CROSSER QUELQU'UN, v. a. Médire de lui avec violence, user ses _crocs_ contre sa réputation,--ou jouer avec elle comme les enfants avec la pierre qu'ils chassent devant eux avec la _crosse_. CROSSEUR, s. m. Sonneur de cloches. CROTTE, s. f. Misère, abjection,--dans l'argot du peuple. _Tomber dans la crotte._ Se ruiner, se déshonorer,--se salir l'âme et la conscience. _Vivre dans la crotte._ Mener une vie crapuleuse. _On n'est jamais sali que par la crotte._ On ne reçoit d'injures que des gens grossiers. CROTTE D'ERMITE, s. f. Poire cuite,--dans l'argot des voleurs. CROUPIONNER, v. n. Faire des effets de crinoline,--dans l'argot des faubouriens. CROUPIR DANS LE BATTANT, v. n. Se dit d'une indigestion qui se prépare, par suite d'une trop grande absorption de liquide ou de solide. CROÛTE, s. f. Tableau mal peint et mal dessiné,--dans l'argot des artistes, qui doivent employer ce mot depuis longtemps, car on le trouve dans les _Mémoires secrets de Bachaumont_. CROÛTON, s. m. Peintre médiocre, qui arrivera peut-être à l'Institut, mais jamais à la célébrité. CROÛTONNER, v. n. Peindre détestablement. CRUCHE, s. et adj. Imbécile,--dans l'argot du peuple. Il dit aussi _Cruchon_. CRUCIFIX A RESSORT, s. m. Poignard ou pistolet,--dans l'argot des voleurs. CUCURBITACÉ, s. m. Imbécile,--dans l'argot des vaudevillistes, qui prennent des mitaines d'érudits pour appeler les gens _melons_, ayant lu la satire XIV de Juvénal et le chapitre XXXIX du _Satyricon_ de Pétrone. CUIR, s. m. Peau,--dans l'argot du peuple. _Tanner le cuir._ Battre. CUIR, s. m. Liaison brutale de deux mots, emploi exagéré des _t_,--dans l'argot des bourgeois, qui se moquent du peuple à cause de cela, sans se douter que cela a fait longtemps partie du langage macaronique. CUIRASSIER, s. m. Faiseur de _cuirs_, homme qui parle mal. CUIR DE BROUETTE, s. m. Bois,--dans l'argot du peuple. _Avoir le dessous des arpions doublé en cuir de brouette._ Avoir le dessous des pieds aussi dur que du bois. CUIR DE POULE, s. m. Gants de femme légers,--dans l'argot des ouvriers gantiers, qui pourtant savent bien que les gants sont faits de peau de chevreau ou d'agneau. CUIRE DANS SON JUS, v. n. Avoir très chaud, _jusculentus_,--dans l'argot du peuple. CUISINE, s. f. La préfecture de police,--dans l'argot des voleurs, qui y sont amenés sur les dénonciations des _cuisiniers_ ou _coqueurs_. CUISINE, s. f. Tout ce qui concerne l'ordonnance matérielle d'un journal,--dans l'argot des gens de lettres. _Connaître la cuisine d'un journal._ Savoir comment il se fait, par qui il est rédigé et quels en sont les bailleurs de fonds réels. _Faire la cuisine d'un journal._ Être chargé de sa composition, c'est-à-dire de la distribution des matières qui doivent entrer dedans, en surveiller la mise en page, la correction des épreuves, etc. CUISINE A L'ALCOOL (Faire sa). Boire souvent de l'eau-de-vie,--dans l'argot du peuple. CUISINIER, s. m. Dénonciateur,--dans l'argot des prisons. (V. _Coqueur_ et _Mouton_.) Signifie aussi Agent de police. CUISINIER, s. m. Avocat,--dans l'argot des voleurs, qui ont eu de fréquentes occasions de constater l'habileté avec laquelle leurs défenseurs savent arranger leur vie avariée, de façon à la rendre présentable à leurs juges. CUIT (Être), v. p. Être condamné,--dans le même argot. CUITE, s. f. Ivresse,--dans l'argot du peuple. _Avoir sa cuite ou une cuite._ Être saoul. CUIVRE, s. m. Monnaie,--dans le même argot. CUIVRES, s. m. pl. Les instruments de cuivre, sax-horn, clairons, etc.,--dans l'argot des troupiers et des orphéonistes. CUL A FAUTEUIL, s. m. Académicien,--dans l'argot incongru des faubouriens. Ils disent aussi _Enfant de la fourchette_, _Mal choisi_ et _Quarantier_. CULBUTE, s. f. Pantalon,--dans l'argot des voleurs. CULBUTE, s. f. Faillite,--dans l'argot des bourgeois. _Faire la culbute._ Faire banqueroute. CUL DE PLOMB, s. m. Bureaucrate,--dans l'argot des bourgeois. CUL DE PLOMB, s. m. Employé sans capacité ou sans ambition, destiné à mourir simple expéditionnaire,--dans l'argot des bureaucrates, qui se rêvent tous le titre de chef de division comme bâton de maréchal. CUL GOUDRONNÉ, s. m. Matelot,--dans l'argot du peuple. CULOTTE, s. f. Nombre considérable de points, au jeu de dominos,--dans l'argot des bourgeois. _Attraper une culotte._ Se trouver à la fin d'une partie, à la tête d'un grand nombre de dominos qu'on n'a pu placer. CULOTTE (Avoir une). Être complètement ivre,--dans l'argot des faubouriens, qui, par cette expression, font certainement une allusion scatologique, car l'ivrogne ne sait pas toujours ce qu'il fait... On dit aussi _Prendre une culotte_. CULOTTÉ, adj. Bronzé, aguerri, rompu au mal et à la misère,--comme une pipe qui a beaucoup servi. CULOTTÉ (Être). Être complètement gris,--pour s'être donné une _culotte_. CULOTTER, v. n. Noircir,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe spécialement à propos des pipes fumées. CULOTTER (Se). Se griser. On dit aussi _Se culotter le nez_. CULOTTER (Se). Avoir, par suite d'excès de tous genres, le visage d'un rouge brique,--comme cuit au feu des passions. CULOTTER (Se). S'aguerrir, s'accoutumer au mal, à la fatigue, à la misère, aux outrages des hommes et de la destinée. Signifie aussi: Vieillir, devenir hors de service. CULOTTEUR DE PIPES, s. m. Pilier d'estaminet, rentier suspect, vaurien,--dans l'argot des bourgeois. CUL ROUGE, s. m. Soldat,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion au pantalon garance. CUL TERREUX, s. m. Paysan,--dans l'argot des faubouriens; Jardinier de cimetière,--dans l'argot des marbriers. CUPIDON, s. m. Chiffonnier,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion à son _carquois d'osier_. On dit mieux: _Vieux Cupidon_. CURIEUX, s. m. Le juge d'instruction,--dans l'argot des voleurs, qui, en effet, n'aiment pas à être interrogés et veulent garder pour eux leurs petits secrets. CYMBALE, s. f. Lune,--dans le même argot. Sans doute par une ressemblance de forme et de couleur entre cet astre et les gongs de notre musique militaire. On l'appelle aussi _Moucharde_. D DAB, s. m. Roi, et, plus particulièrement Père,--dans l'argot des voleurs. Les Anglais ont le même mot pour signaler un homme consommé dans le vice: _A rum dabe_, disent-ils. DAB, s. m. Maître, dans l'argot des domestiques; Patron,--dans l'argot des faubouriens. DABESSE, s. f. Reine. DABICULE, s. m. Fils du patron. DABOT, s. m. Préfet de police. DABUCHE, s. f. Mère, nourrice. DACHE, s. m. Diable,--dans l'argot des voleurs, qui pourtant ne croient ni à Dieu ni à diable. _Envoyer à dache._ Envoyer promener, envoyer au diable. Les ouvriers emploient aussi cette expression. DADA, s. m. Cheval,--dans l'argot des enfants. Fantaisie, manie,--dans l'argot des grandes personnes, plus enfants que les enfants. DADAIS, s. m. Imbécile, homme qui fait l'enfant,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que le mot a trois cents ans de noblesse. DAIM, s. m. Monsieur bien mis, et garni d'un porte-monnaie mieux mis encore, qui se fait gloire et plaisir d'être le mâle de la _biche_,--dans l'argot des faubouriens, dont la ménagerie s'augmente tous les jours d'une bête curieuse. _Daim huppé._ Daim tout à fait riche. Signifie aussi: imbécile, nigaud. DALLE, s. f. Pièce de six francs,--dans l'argot des voleurs, dont l'existence est pavée de ces écus-là. DALLE, s. f. Gosier, gorge,--dans l'argot des faubouriens. _S'arroser_ ou _Se rincer la dalle_. Boire. On dit aussi _la Dalle du cou_. DAME DU LAC, s. f. Femme entretenue, ou qui, désirant l'être, va tous les jours au Bois de Boulogne, autour du lac principal, où abondent les promeneurs élégants et riches. Argot des gens de lettres. DAMER LE PION A QUELQU'UN, Le supplanter, lui jouer un tour quelconque pour se venger de lui, lui répondre vertement. Argot des bourgeois. DAMER UNE FILLE, v. a. La séduire,--ce qui, du rang de demoiselle, la fait passer à celui de dame, de _petite dame_. DANDILLER, v. n. Sonner,--dans l'argot des faubouriens. DANDILLON, s. m. Cloche. DANDINETTE, s. f. Correction,--dans l'argot du peuple, qui corrige ses enfants en les faisant _danser_. DANSE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans le même argot. _Danse soignée._ Batterie acharnée. DANSE, s. f. Combat,--dans l'argot des troupiers. DANSE DU PANIER, s. f. Bénéfice illicite de la cuisinière. Argot du peuple. On dit aussi: _Faire danser l'anse du panier_. Quand une cuisinière, revenue du marché, a vidé les provisions que contenait tout à l'heure son panier, elle prend celui-ci par l'anse et le secoue joyeusement pour faire sauter l'argent épargné par elle à son profit, et non à celui de sa maîtresse. DANSER, v. n. Exhaler une insupportable odeur,--dans l'argot des faubouriens. _Danser du bec._ Avoir une haleine douteuse. _Danser des arpions._ Avoir des chaussettes sales. DANSER, v. n. Perdre de l'argent; payer ce qu'on ne doit pas. On dit aussi, à propos d'une somme perdue, volée, ou donnée: _La danser_ de tant. _Faire danser quelqu'un._ Se faire offrir quelque chose par lui. DANSER (Faire). Battre, donner des coups. _Faire danser ses écus._ Dépenser joyeusement sa fortune. DANSER (La), v. n. Perdre son emploi, et, par extension, la vie. Signifie aussi: Être battu. DANSER DEVANT LE BUFFET, v. n. N'avoir pas de quoi manger,--dans l'argot du peuple. DANSEUR, s. m. Dindon,--dans l'argot des voyous. DARDANT, s. m. L'amour,--dans l'argot des voleurs, qui aiment la femme avec excès. DARDELLE, s. f. Gros sou,--dans l'argot des gamins, qui s'en servent pour jouer au bouchon. DARE-DARE, interj. A la hâte,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter cette expression à Diderot, qui s'en est servi dans son _Neveu de Rameau_. DARIOLE, s. f. Soufflet, coup de poing,--dans le même argot. DARON, s. m. Père,--dans l'argot des voleurs, qui ont _emprunté_ ce mot au vieux langage des honnêtes gens. _Daron de la raille_ ou _de la rousse_. Préfet de police. DARONNE, s. f. Mère. _Daronne du Dardant._ Vénus, mère de l'Amour. _Daronne du grand Aure_, la Sainte Vierge, mère de Dieu. DAUFFE, s. f. Pince de voleur, dont l'extrémité est en queue de _dauphin_. DAUPHIN ou DOS FIN, s. m. Souteneur de filles; homme-poisson _ad usum Delphinæ_, ou toute autre sainte de même farine ou de même charbon. DAVONE, s. f. Prune,--dans l'argot des voleurs. DÉ, adv. Oui,--dans l'argot des marbriers de cimetière. DÉBACLER, v. a. Ouvrir,--dans l'argot des voleurs. DÉBAGOULER, v. a. Parler,--dans l'argot du peuple. DÉBALLAGE, s. m. Déshabillé de l'homme ou de la femme,--dans l'argot des faubouriens. _Être volé au déballage._ S'apercevoir avec une surprise mêlée de mauvaise humeur, que la femme qu'on s'était imaginée idéalement belle, d'après les exagérations de sa crinoline et les exubérances de son corsage, n'a aucun rapport, même éloigné, avec la Vénus de Milo. DÉBARBOUILLER, v. a. Éclaircir une chose, une situation,--dans l'argot du peuple. _Se débarbouiller._ Se retirer tant bien que mal d'une affaire délicate, d'un péril quelconque. Se dit aussi du temps lorsque de couvert il devient serein. DÉBARDEUR, s. m. Type du carnaval parisien, inventé il y a une trentaine d'années, et dont il ne reste plus rien aujourd'hui que ce léger fusain: «Qu'est-ce qu'un débardeur? Un jeune front qu'incline Sous un chapeau coquet l'allure masculine, Un corset dans un pantalon. Un masque de velours aux prunelles ardentes, Sous des plis transparents des formes irritantes, Un ange doublé d'un démon.» DÉBINAGE, s. m. Médisance, et même calomnie,--dans l'argot des faubouriens. DÉBINE, s. f. État de gêne, misère,--dans le même argot. J'ai entendu dire _Dibène_ (pour malaise, dépérissement) sur les bords de la Meuse, où l'on parle le wallon, c'est-à-dire le vieux français. _Tomber dans la débine._ Devenir pauvre. DÉBINER, v. a. Médire,--et même calomnier. En wallon, on dit: _Dibiner_, pour être mal à l'aise, en langueur. _Se débiner._ S'injurier mutuellement. DÉBINER (Se). S'en aller, s'enfuir. En wallon, on dit _Biner_ pour Fuir. DÉBINER LE TRUC, v. a. Vendre le secret d'une affaire, révéler les ficelles d'un tour. Argot des saltimbanques. DÉBONDER, v. n. _Alvum deponere_,--dans l'argot du peuple. DÉBORDER, v. n. Rejeter hors de l'estomac le liquide ou la nourriture ingérés en excès,--dans le même argot. _Se faire déborder._ Se faire vomir. DÉBOUCLER, v. a. Mettre un prisonnier en liberté,--dans l'argot des voleurs. DÉBOURRER, v. a. Déniaiser quelqu'un,--dans l'argot du peuple. _Se débourrer._ S'émanciper, se dégourdir. DÉBOUSCAILLER, v. a. Décrotter--dans l'argot des voyous. DÉBOUSCAILLEUR, s. m. Décrotteur. DÉBOUTONNER (Se). Parler franchement, dire ce qu'on a sur le cœur ou dans le ventre. Argot des bourgeois. DÉBRIDER, v. n. Ouvrir,--dans l'argot des voleurs. DÉBRIDER, v. n. Manger avec appétit,--dans l'argot du peuple, qui assimile l'homme au cheval. DÉBRIDOIR, s. m. Clef. DÉBUTER, v. n. Viser un but quelconque et s'en approcher le plus possible, afin de savoir qui jouera le premier aux billes, à la marelle, etc. Argot des enfants. DÉCADENER, v. a. Déchaîner, débarrasser de ses liens,--dans l'argot des voleurs. DÉCALITRE, s. m. Chapeau rond, en forme de _boisseau_,--dans l'argot des faubouriens. DÉCAMPER, v. n. S'en aller, s'enfuir,--dans l'argot du peuple. _Décamper sans tambour ni trompette._ S'en aller discrètement ou honteusement, selon qu'on est bien élevé ou qu'on a été inconvenant. On dit aussi _Décampiller_. DÉCANAILLER (Se), v. a. Sortir de l'obscurité, de la misère, de l'abjection,--dans le même argot. DÉCANILLER, v. n. Déguerpir, partir comme un _chien_,--dans le même argot. On demande pourquoi, ayant sous la main une étymologie si simple et si rationnelle (_canis_), M. Francisque Michel a été jusqu'en Picardie chercher une _chenille_. DÉCARCASSER (Se), t. réfl. Se démener, s'agiter bruyamment,--dans le même argot. DÉCARRADE, s. f. Sortie, départ, fuite,--dans l'argot des voleurs. DÉCARRER, v. n. S'en aller de quelque part, s'enfuir.--dans l'argot des voleurs et du peuple. DÉCARRER DE BELLE. Sortir de prison sans avoir passé en jugement. Argot des voleurs. DÉCARTONNER (Se), v. réfl. Vieillir, ou être atteint de maladie mortelle,--dans l'argot des faubouriens. DÉCATI, adj. et s. Qui n'a plus ni jeunesse, ni beauté, qui sont le _cati_, le lustre de l'homme et de la femme. DÉCATIR (Se), v. réfl. Vieillir, enlaidir, se faner. DÉCAVÉ, s. m. Homme ruiné, soit par le jeu, soit par les femmes,--dans l'argot de Breda-Street. DÉCHANTER, v. n. Revenir d'une erreur; perdre une illusion; rabattre de ses prétentions,--dans l'argot du peuple, fidèle sans le savoir à l'étymologie (_decantare_). DÈCHE, s. f. Pauvreté, _déchet_ de fortune ou de position,--dans le même argot. Ce mot, des plus employés, est tout à fait moderne. Privat d'Anglemont en attribue l'invention à un pauvre cabotin du Cirque, qui, chargé de dire à Napoléon dans une pièce de Ferdinand Laloue: «Quel échec, mon empereur!» se troubla et ne sut dire autre chose, dans son émotion, que: «Quelle dèche, mon empereur!» _Être en dèche._ Être en perte d'une somme quelconque. DÉCHEUX, adj. et s. Homme pauvre, misérable. DÉCHIRÉE (N'être pas trop). Se dit--dans l'argot du peuple--d'une femme qui est encore jeune, jolie et appétissante. On dit aussi _N'être pas trop égratignée_. DÉCHIRER (Ne pas se). Se faire des compliments; se vanter. DÉCHIRER DE LA TOILE. Faire un feu de peloton,--dans l'argot des troupiers. DÉCHIRER LA CARTOUCHE, v. a. Manger,--dans l'argot des soldats et des ouvriers qui se souviennent de leurs sept ans. DÉCHIRER SON HABIT, v. a. Mourir,--dans l'argot des tailleurs. DÉCHIRER SON TABLIER, v. a. Mourir,--dans l'argot des domestiques. DÉCLANCHER (Se), v. réfl. Se démettre l'_épaule_,--dans l'argot des faubouriens, qui assimilent l'homme au mouton. DÉCLOUER, v. a. Dégager des effets du mont-de-piété, du _clou_. DÉCOLLER, v. n. S'en aller de quelque part; quitter une place,--dans l'argot des ouvriers. DÉCOLLER LE BILLARD. Mourir. On dit aussi _Dévisser son billard_. DÉCOMPTE, s. m. Blessure mortelle,--dans l'argot des troupiers, qui savent qu'en la touchant il faut quitter le service et la vie. DÉCONFITURE, s. f. Faillite,--dans l'argot des bourgeois. _Être en déconfiture._ Avoir déposé son bilan. DÉCORS, s. m. pl. Cordons, tabliers, bijoux,--dans l'argot des francs-maçons. DÉCOUDRE (En), v. n. Se battre en duel ou à coups de poing,--dans l'argot du peuple et des troupiers. DÉCOUVRIR LA PEAU DE QUELQU'UN, v. a. Lui faire dire ce qu'il aurait voulu cacher,--dans l'argot du peuple. DÉCRASSER UN HOMME, v. a. Lui enlever sa timidité, sa pudeur, sa dignité, sa conscience,--dans l'argot des faubouriens, qui ont des idées particulières sur la propreté. Pour les filles, _Décrasser un homme_, c'est le ruiner, et pour les voleurs, c'est le voler,--c'est-à-dire exactement la même chose. DÉCROCHER, v. a. Dégager un objet du mont-de-piété,--dans l'argot des ouvriers. DÉCROCHER, v. a. Tuer d'un coup de fusil,--dans l'argot des troupiers. Ils disent aussi _Descendre_. DÉCROCHER SES TABLEAUX, v. a. Opérer des fouilles dans ses propres narines et en extraire les mucosités sèches qui peuvent s'y trouver. Argot des rapins. DÉCROCHER UN ENFANT, v. a. Faire avorter une femme,--dans l'argot du peuple. _Se faire décrocher._ Employer des médicaments abortifs. DÉCROCHEZ-MOI ÇA, s. m. Chapeau de femme,--dans l'argot des revendeuses du Temple. DÉCROCHEZ-MOI ÇA, s. m. Boutique de fripier,--dans l'argot du peuple. _Acheter une chose au décrochez-moi ça._ L'acheter d'occasion, au Temple ou chez les revendeurs. DÉCROTTER UN GIGOT, v. a. N'en rien laisser que l'os,--dans l'argot des ouvriers, qui ont bon appétit une fois à table. DÉDURAILLER, v. a. Oter les fers d'un forçat ou les liens d'un prisonnier. DÉFARDEUR, s. m. Voleur,--dans l'argot des voyous. On dit aussi _Doubleur_. DÉFARGUER, v. n. Pâlir,--dans l'argot des voleurs, pour qui _farguer_ c'est rougir. DÉFARGUEUR, s. m. Témoin à décharge, assez maître de lui pour mentir sans _rougir_. DÉFENDRE SA QUEUE, v. a. se défendre quand on est attaqué,--dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un chien. DÉFIGER, v. a. Réchauffer,--dans le même argot. DÉFILER LA PARADE, v. n. Mourir,--dans l'argot des troupiers, qui blessés en pleine poitrine par un éclat d'obus, trouvent encore le temps de faire le salut militaire à leur chef comme pour lui dire: _Ave, Cæsar, morituri te salutant_. DÉFLEURIR LA PICOURE, v. a. Voler le linge étendu dans les prés ou sur les haies. Argot des prisons. DÉFOURAILLER, v. n. Courir,--dans l'argot des voyous. DÉFRIMOUSSER, v. a. Défigurer quelqu'un,--dans le même argot. DÉFRISER, v. a. Désappointer, contrarier quelqu'un,--dans l'argot du peuple. DÉFRUSQUER, v. a. Dépouiller quelqu'un de ses vêtements,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Défrusquiner_. _Se défrusquer._ Se déshabiller. DÉGAINE, s. f. Allures du corps, fourreau de l'âme.--dans l'argot du peuple, qui n'emploie ordinairement ce mot qu'en mauvaise part. _Avoir une belle dégaine._ Se dit ironiquement des gens qui n'ont pas de tenue, ou des choses qui sont mal faites. DÉGAUCHIR, v. n. Voler. DÉGELÉE, s. f.--Coups donnés ou reçus,--dans l'argot des faubouriens. DÉGELER, v. n. Se déniaiser, se remettre de son émotion,--dans le même argot. Signifie aussi: Mourir. DÉGINGANDÉ, adj. s. Qui a mauvaise grâce, au propre et au figuré,--dans l'argot du peuple. DÉGINGANDER (Se), v. réfl. Se donner des allures excentriques et de mauvais goût. DÉGOBILLADE, s. f. Résultat d'une indigestion,--dans l'argot du peuple. DÉGOBILLER, v. a. et n. Avoir une indigestion. DÉGOMMADE, s. f. Vieillesse, décrépitude naturelle ou précoce,--dans l'argot du peuple. DÉGOMMER, v. a. Destituer, casser d'un grade,--dans l'argot des troupiers. _Se dégommer._ S'entre-tuer. DÉGOMMER (Se), v. réfl. Vieillir, perdre de ses cheveux, de son élégance, de sa fraîcheur,--au propre et au figuré. DÉGOTTAGE, s. m. Action de surpasser quelqu'un en force ou en talent, en esprit ou en beauté. Argot des faubouriens. Signifie aussi: Recherche couronnée de succès. DÉGOTTER, v. a. Surpasser, faire mieux ou pis; étonner, par sa force ou par son esprit, des gens malingres ou niais. Signifie aussi: Trouver ce que l'on cherche. DÉGOULINER, v. n. Couler, tomber goutte à goutte des yeux et surtout de la _bouche_,--dans l'argot du peuple. DÉGOURDIR, v. a. Emanciper l'esprit ou les sens de quelqu'un,--dans le même argot. _Se dégourdir._ Se débourrer, se débarrasser de ses allures gauches, de la timidité naturelle à la jeunesse. Signifie aussi: S'amuser. DÉGOUTÉ (N'être pas). Prendre le meilleur morceau, choisir la plus jolie femme,--dans le même argot. DÉGRAISSER (Se). Maigrir,--dans l'argot du peuple. DÉGRAISSER UN HOMME, v. a. Le ruiner,--dans l'argot des petites dames, qui trouvent alors qu'_il n'y a pas gras_ dans ses poches. DÉGRINGOLADE, s. f. Ruine, débâcle de fortune,--dans l'argot des bourgeois, témoins des croulements fréquents des parvenus d'aujourd'hui. DÉGROSSIR, v. a. Découper des viandes,--dans l'argot des francs-maçons. DÉGUEULAS, adj. Dégoûtant,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses. DÉGUEULER, v. a. et n. Avoir une indigestion,--dans l'argot du peuple. DÉGUEULIS, s. m. Résultat d'une indigestion. DÉGUI, s. m. Déguisement--dans l'argot des voleurs. DÉGUISER EN CERF (Se), v. réfl. Se retirer avec plus ou moins d'empressement,--dans l'argot des faubouriens. DÉJETÉ, adj. Individu mal fait, laid, maigre, dégingandé,--dans l'argot des ouvriers. _N'être pas trop déjeté._ Être bien conservé. DÉJEUNER DE PERROQUET, s. m. Biscuit trempé dans du vin, qui permet d'attendre un repas plus substantiel. Argot des bourgeois. DE LA BOURRACHE! Exclamation de l'argot des faubouriens, dont il n'est pas difficile de deviner le sens quand on connaît les propriétés sudorifiques de la _borrago officinalis_. C'est une expression elliptique très raffinée: _Ah! de la bourrache!_ c'est-à-dire: «Tu me fais suer!» DÉLICAT ET BLOND, adj. Se dit ironiquement d'un gandin, d'un homme douillet, quelles que soient la couleur de ses cheveux et la vigueur de son corps. L'expression date d'un siècle. DÉLICOQUENTIEUSEMENT, adv. Merveilleusement,--dans l'argot des coulisses. DÉLIGE, s. f. _Diligence_,--dans l'argot des voyous, qui ne parlent pas toujours _diligentissimè_. DÉMANCHER (Se). Se remuer beaucoup, se donner beaucoup de mal, souvent inutilement. Argot du peuple. DÉMANTIBULER, v. a. Briser, disjoindre. Même argot. C'est _démandibuler_ qu'il faudrait dire; la première application de ce verbe a dû être élite à propos de la _mâchoire_, qui se désarticule facilement. _Se démantibuler._ Se séparer, se briser,--au propre et au figuré. DÉMAQUILLER, v. a. Défaire une chose faite ou convenue,--dans l'argot des voleurs. DÉMARGER, v. a. S'en aller, disparaître, s'enfuir,--dans le même argot. On disait autrefois _Démurger_. DÉMARRER, v. n. S'en aller; quitter une place pour une autre,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot au vocabulaire des marins. DÉMÉNAGER, v. n. Perdre la raison, le bon sens, le sang-froid,--dans le même argot. Signifie aussi: Être vieux, être sur le point de partir pour l'autre monde. DÉMÉNAGER A LA FICELLE, v. n. A l'insu du propriétaire, la nuit, avec ou sans cordes, par la fenêtre ou par la porte,--dans l'argot des bohèmes, pour qui le dieu Terme est le diable. On dit aussi _Déménager à la cloche de bois_. DÉMÉNAGER AVANT LE TERME, Faire un _Lapsus linguæ_, «mettre la charrue devant les bœufs». Argot du peuple. DÉMÉNAGER PAR LA CHEMINÉE, v. n. Brûler ses meubles lorsqu'on a reçu congé,--dans le même argot. DEMI-AUNE, s. f. Bras,--dans l'argot des faubouriens. _Tendre la demi-aune._--Mendier. DEMI-CACHEMIRE, s. m. Fille ou femme qui est encore dans les limbes de la richesse et de la galanterie, et qui attend quelque protection secourable pour briller au premier rang des drôlesses. Au XVIIIe siècle, en appelait ça _Demi-castor_. Les mots changent, mais les vices restent. DEMI-MONDAINE, sub. fém. Femme du demi-monde,--dans l'argot des gens de lettres. DEMI-MONDE, s. m. Sphère galante de la société parisienne, dans l'argot de M. Alexandre Dumas fils, qui a fait une pièce là-dessus. DEMI-VERTU, s. f. Demoiselle qui est devenue dame de son propre chef, sans passer par l'église ni par la mairie: la chrysalide d'une _fille_. DÉMOC, s. m. Apocope de _Démocrate_,--dans l'argot du peuple. _Démoc-soc._ Démocrate-socialiste. DEMOISELLE DU PONT-NEUF, s. f. Femme banale dans le cœur de laquelle tout le Paris galant a le droit de circuler. DÉMOLIR, v. a. Critiquer âprement et injustement,--dans l'argot des gens de lettres, qui oublient trop qu'il faut quelquefois dix ans pour bâtir un livre. DÉMOLIR, v. a. Tuer,--dans l'argot des faubouriens, qui oublient trop qu'il faut vingt ans pour construire un homme. DÉMONÉTISER, v. a. Attaquer la réputation de quelqu'un et le ruiner,--dans l'argot du peuple. _Se démonétiser._ Se discréditer, s'amoindrir, se ruiner moralement. DÉMORGANER, v. n. Se ranger à un avis, se rendre à une observation,--dans l'argot des voleurs. DÉNICHEUR DE FAUVETTES, s. m. Coureur de filles,--dans l'argot du peuple. DENT (Avoir de la). Être encore beau cavalier ou jolie femme,--dans l'argot de Breda-Street. Les petites dames de ce pays cythéréen qui veulent donner à rêver aux hommes disent aussi: _Seize ans, toutes ses dents et pas de corset_. _Mal de dents._ Mal d'amour. _N'avoir plus mal aux dents._ Être mort. DÉPARLER, v. n. Cesser de parler,--dans l'argot du peuple. _Ne pas déparler._ Bavarder fort et longtemps. DÉPARLER, v. n. Ne pas savoir ce que l'on dit, parler d'une chose que l'on ne connaît pas. Argot des faubouriens. DÉPARTEMENT DU BAS-REIN, s. m. La partie du corps sur laquelle on s'assied, et qui depuis des siècles a le privilège de servir d'aliment à ce qu'on est convenu d'appeler «la vieille gaieté gauloise». L'expression appartient à l'argot des ouvriers, loustics de leur nature. DÉPENDEUR D'ANDOUILLES, s. m. Homme d'une taille exagérée,--dans l'argot du peuple. DÉPENSER SA SALIVE, v. a. Parler,--dans le même argot. On dit aussi _Perdre sa salive_, dans le sens de: Parler inutilement. DÉPIAUTER, v. a. Enlever la _peau_, l'écorce,--dans le même argot. _Se dépiauter._ S'écorcher. Signifie aussi Se déshabiller. DÉPLANQUER, v. a. Retirer des objets d'une cachette ou du _plan_,--dans l'argot des voleurs. DÉPLUMÉ, s. m. et a. Homme chauve,--dans l'argot des faubouriens. DÉPLUMER (Se), v. réfl. Perdre ses cheveux. DÉPONER, v. n. _Levare ventris onus_,--dans l'argot du peuple, pour qui le derrière est le _ponant_ du corps. DÉPOSER UNE PÊCHE, v. a. _Levare ventris onus_,--dans l'argot des ouvriers. Ils disent aussi _Déposer un kilo_. DÉPOTOIR, s. m. Confessionnal,--dans l'argot des voleurs, qui ont de rares occasions d'y décharger leur conscience, pourtant bien remplie d'impuretés. DÉPOTOIR, s. m. «Pot qu'en chambre on demande»,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Coffre-fort. DÉPOTOIR, s. m. _Prostibulum_,--dans l'argot des voyous. DÉPUCELEUR DE NOURRICES, s. m. Fat ridicule, cousin germain de l'amoureux des onze mille vierges,--dans l'argot du peuple, qui n'aime pas les Gascons. DE QUOI, s. m. Fortune, aisance,--dans le même argot. _Avoir de quoi._ Être assuré contre la soif, la faim et les autres fléaux qui sont le lot ordinaire des pauvres gens. On dit aussi _Avoir du de quoi_. DER, s. m. Apocope de _dernier_,--dans l'argot des écoliers. DÉRALINGUER, v. n. Mourir,--dans l'argot des marins d'eau salée et d'eau douce. DÉROYALISER, v. a. Détrôner un roi, enlever à un pays la forme monarchique et la remplacer par la forme républicaine. L'expression date de la première Révolution et a pour père le conventionnel Peysard. DÉSATILLER, v. a. Châtrer,--dans l'argot des voleurs. DESCENDRE, v. a. Tuer, abattre d'un coup de fusil,--dans l'argot des soldats et des chasseurs. DESCENDRE LA GARDE, v. n. Mourir,--dans l'argot du peuple. DESCENTE DE LIT, s. f. Lion que l'esclavage a abruti et qui se laisse donner des coups de cravache par son dompteur sans protester par des coups de griffes. DÉSENBONNETDECOTONNER, v. a. Débourgeoiser, donner de l'élégance à quelqu'un ou à quelque chose. Le mot est de Balzac. DÉSENFLAQUER (Se). Se désem...nuyer,--dans l'argot des faubouriens. DÉSENFLAQUER (Se). Se tirer de peine, et aussi de prison,--dans l'argot des voleurs. DÉSENFRUSQUINER (Se). Se déshabiller,--dans l'argot des faubouriens. DÉSENTIFLAGE, s. m. Rupture, divorce,--dans l'argot des voleurs. DÉSENTIFLER (Se), v. réfl. Se quitter, divorcer. DESGRIEUX, s. m. Chevalier d'industrie et souteneur de _Manons_,--dans l'argot des gens de lettres, qui, avec raison, ne peuvent pardonner à l'abbé Prévost d'avoir poétisé le vice et le vol. DÉSHABILLER, v. a. Donner des coups, battre quelqu'un à lui en déchirer ses vêtements,--dans l'argot des faubouriens. DÉSOSSÉ, adj. et s. Homme extrêmement maigre,--dans l'argot du peuple. DESSALÉE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,--dans le même argot. Cette expression, qui a plus d'un siècle, signifie aussi femme rusée, _roublarde_. DESSALER (Se), v. Boire le vin blanc du matin,--dans l'argot des faubouriens, qui dorment volontiers salé, comme Gargantua. DESTRIER, s. m. Cheval.--dans l'argot des académiciens, qui ont horreur du mot propre. Ils disent aussi _Palefroi_,--dans les grandes circonstances. DÉTACHER, v. a. Donner,--dans l'argot du peuple. _Détacher un soufflet._ Souffleter quelqu'un. _Détacher un coup de pied._ Donner un coup de pied. DÉTACHER LE BOUCHON, v. a. Couper la bourse ou la chaîne de montre,--dans l'argot des voleurs. DÉTAFFER, v. a. Aguerrir quelqu'un, l'assurer contre le _taf_,--dans l'argot des voyous. DÉTAIL, s. m. Chose grave que l'on traite en riant,--dans l'argot du peuple. _C'est un détail!_ signifie: Cela n'est rien!--même lorsque c'est quelque chose d'important, d'excessivement important, fortune perdue ou coups reçus. DÉTALER, v. n. S'enfuir, s'en aller sans bruit,--dans le même argot. DÉTAROQUER, v. a. Démarquer du linge,--dans l'argot des voleurs, qui ont bien le droit de faire ce que certains vaudevillistes font de certaines pièces. DÉTELER, v. n. Renoncer aux jeux de l'amour et du hasard,--dans l'argot des bourgeois, qui connaissent le _Solve senescentem_ d'Horace, mais qui ont de la peine à y obéir. On dit aussi _Enrayer_. DÉTOCE ou DÉTOSSE, s. f. Détresse, guignon,--dans l'argot des prisons. DÉTOURNE (Vol à la), s. m. Vol dans l'intérieur des magasins ou à la devanture des boutiques. On dit aussi _Grinchissage à la détourne_. DÉTOURNEUR, EUSE, s. Individu qui pratique le grinchissage à la détourne. DEUX COCOTTES (Les). Le numéro 22,--dans l'argot des joueurs de loto. DEUX D'AMOUR, s. m. Le numéro 2,--dans le même argot. DEUX SOEURS, s. f. pl. Les _nates_ de Martial,--dans l'argot des faubouriens. DEUX SOUS DU GARÇON, s. m. pl. Le pourboire que chaque consommateur est _forcé_--sous peine d'être «mal servi»--de donner aux garçons de café, qui s'achètent des établissements avec le produit capitalisé de cet impôt direct. DEVANT DE GILET, s. m. Gorge de femme,--dans l'argot des faubouriens. DÉVEINE, s. f. Malheur constant dans une série d'opérations constantes. _Être en déveine._ Perdre constamment au jeu. DÉVERGONDÉE, s. f. Fille ou femme qui a toute _vergogne_ bue,--dans l'argot des bourgeoises, qui quelquefois donnent ce nom à une pauvre fille dont le seul crime est de n'avoir qu'un amant. DÉVIDAGE, s. m. Long discours, bavardage interminable,--dans l'argot des voleurs. _Dévidage à l'estorgue._ Accusation. DÉVIDER, v. a. et n. Parler, et, naturellement, bavarder. _Dévider à l'estorgue._ Mentir. _Dévider le jar._ Parler argot. On dit aussi _Entraver le jar_. DÉVIDEUR, s. m. Bavard. DÉVIERGER, v. a. Séduire une jeune fille et la rendre mère,--dans l'argot du peuple. DÉVISAGER, v. a. Egratigner le visage, le meurtrir de coups,--dans le même argot. Signifie aussi: Regarder quelqu'un avec attention. DÉVISSER SON BILLARD, v. a. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. DÉVISSEUR, s. m. adj. Médisant, _débineur_,--dans l'argot des gens de lettres et des faubouriens. DEVOIR UNE DETTE, v. a. Avoir promis un rendez-vous d'amour,--dans l'argot des filles, qui sont brouillées avec la grammaire comme avec la vertu, et qui redoutent moins un pléonasme qu'un agent de police. DÉVORANT, s. m. Compagnon du Tour de France,--dans l'argot des ouvriers. DIABLE, s. m. Agent provocateur,--dans l'argot des voleurs, qui sont tentés devant lui du péché de colère. DIABLE, s. m. L'attelabe,--dans l'argot des enfants, qui ont été frappés de la couleur noire de cet insecte et de ses deux mandibules cornées. DIABLE (A la), adv. Avec précipitation, sans soin, sans précaution,--dans l'argot du peuple. DIABLE AU VERT (Au). Très loin,--dans le même argot. Un grand nombre de savantes personnes veulent que cette expression populaire vienne du château de _Vauvert_, sur l'emplacement duquel fut jadis bâti le couvent des Chartreux, lui-même depuis longtemps remplacé par le bal de la Grande chartreuse ou Bal Bullier: je le veux bien, n'ayant pas assez d'autorité pour vouloir le contraire, pour prétendre surtout être seul de mon avis contre tant de monde. Cependant je dois dire d'abord que je ne comprends guère comment les Parisiens du XIVEe siècle pouvaient trouver si grande la distance qu'il y avait alors comme aujourd'hui entre la Seine et le carrefour de l'Observatoire; ensuite, j'ai entendu souvent, en province, des gens qui n'étaient jamais venus à Paris, employer cette expression, que l'on dit exclusivement parisienne. DIABLE BAT SA FEMME ET MARIE SA FILLE (Le). Il pleut et fait soleil tout à la fois,--même argot. DIABLE EN PRENDRAIT LES ARMES! (Le) Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie pour renforcer une menace, pour donner plus de poids à un ultimatum. Se dit aussi à propos d'un grand vacarme «où l'on n'entendrait pas Dieu tonner». Quand on n'entend pas Dieu tonner, c'est qu'en effet le «diable en a pris les armes». DIAMANT, s. m. Voix de la plus belle eau,--dans l'argot des coulisses. DICTIONNAIRE VERDIER, s. m. Lexique fantastique,--dans l'argot des typographes, qui y font allusion chaque fois qu'un de leurs compagnons parle mal ou orthographie défectueusement. DIEU BAT SES MATELAS. Se dit,--dans l'argot du peuple, lorsqu'il tombe de la neige. DIEU TERME (Le). Les 8 janvier, 8 avril, 8 juillet et 8 octobre de chaque année,--dans l'argot des bohèmes. DIGUE-DIGUE, s. f. Attaque d'épilepsie,--dans l'argot des voyous. DIJONNIER, s. m. Moutardier,--dans l'argot des faubouriens. DILIGENCE DE ROME, s. f. La langue,--dans l'argot du peuple, qui sait qu'on va partout quand on sait demander son chemin. DIMANCHE, adv. Jamais,--dans le même argot. On dit aussi _Dimanche après la grand'messe_. DIMANCHE, s. m. Endroit d'un navire ou d'une maison qu'on a oublié de nettoyer,--dans l'argot des marins. DIMASINE, s. f. Chemisette,--dans l'argot des voleurs. DINDE, s. f. Femme sotte, maladroite, sans aucun des charmants défauts de son sexe,--dans l'argot du peuple, qui a, du reste, l'honneur de se rencontrer avec Shakespeare: _Goose_ (oie), dit celui-ci en deux ou trois endroits de ses comédies. DINDON, s. m. Imbécile, dupe. _Être le dindon de la farce._ Être la victime choisie, payer pour les autres. DINDONNER, v. a. Tromper, duper. DINDORNIER, s. m. Infirmier,--dans l'argot des voleurs. DÎNER EN VILLE, v. n. Manger un petit pain en marchant à travers les rues,--dans l'argot parfois navrant des bohèmes. DÎNER PAR COEUR, v. n. Ne pas dîner du tout,--dans l'argot du peuple. DINGUER, v. n. N'être pas d'aplomb,--dans l'argot des coulisses,--où l'on emploie ce verbe à propos des décors et des machinistes. DINGUER, v. n. Flâner, se promener,--dans l'argot des faubouriens. _Envoyer quelqu'un dinguer._ Le congédier brusquement, s'en débarrasser en le mettant à la porte. DIRE, v. n. Plaire, agréer, convenir,--dans l'argot du peuple. _Cela ne me dit pas._ Je n'ai pas d'appétit, de goût pour cela. DIRE LA SIENNE, v. a. Raconter son histoire ou chanter sa romance après que les autres ont chanté ou raconté. Même argot. DISCUSSION AVEC LES PAVÉS (Avoir une). Tomber sur les pavés et s'y égratigner le visage, soit en état d'ivresse, soit par accident,--dans l'argot des ouvriers, qui ont de ces discussions-là presque tous les lundis, en revenant de la barrière. DIX-HUIT, s. m. Soulier ressemelé, c'est-à-dire deux fois neuf (9),--dans l'argot calembourique du peuple. DOCTES PUCELLES (Les). Les neuf Muses,--dans l'argot des Académiciens, qui devraient pourtant se rappeler le _... casta quam nemo rogavit_ de Martial. Si les Muses avaient des amants plus platoniques, tout le monde y gagnerait,--et surtout la littérature française. DODO, s. m. Lit,--dans l'argot des enfants et des filles. _Faire dodo._ Dormir. DOG-CART, s. m. Sorte de voiture de maître, d'invention anglaise, et maintenant à la mode française. Argot des gandins et des carrossiers. DOMINO-CULOTTE, s. m. Le domino restant dans la main du joueur. DOMINOS, s. m. pl. Les dents,--dans l'argot du peuple, qui emploie là, s'en sans douter, une expression du _slang_ anglais. _Avoir le jeu complet._ Avoir toutes ses dents. _Jouer des dominos._ Manger. DONDON, s. f. Femme chargée d'embonpoint; servante de cabaret,--dans le même argot. DONDON, s. f. Maîtresse,--dans l'argot dédaigneux des bourgeoises. DONNER, v. a. Dénoncer,--dans l'argot des voleurs. _Être donné._ Être dénoncé. DONNER (S'en), v. réfl. Prendre d'un plaisir avec excès,--dans l'argot du peuple. DONNER (Se la), v. S'en aller, s'enfuir,--dans l'argot elliptique des faubouriens. DONNER A LA BOURBONNAISE (La). Regarder quelqu'un d'un mauvais œil,--dans l'argot des voleurs. DONNER CINQ ET QUATRE, v. a. Donner deux soufflets, l'un de la paume de la main, où les cinq doigts assemblés frappent ensemble; l'autre du revers de la main, le pouce demeurant alors sans action. Argot du peuple. On dit aussi _Donner dix-huit_. DONNER DANS L'OEIL, v. n. Plaire,--dans l'argot des petites dames, qui l'emploient aussi bien à propos des gens que des choses dont elles ont envie. Les faubouriens disent: _Taper dans l'œil_. C'est plus expressif,--parce que c'est plus brutal. Molière a employé _Donner dans la vue_ avec la même signification. J'ai trouvé dans _le Tempérament_, tragédie-parade de 1755: _Il m'a donné dans l'œil_, employé dans le même sens. DONNER DE COUPS DE PIED (Ne pas se). Faire son propre éloge, se dire des choses aimables, s'avantager dans un récit. Argot du peuple. DONNER DE LA GROSSE CAISSE. Faire des réclames à un livre ou à un médicament,--dans l'argot des journaux. DONNER DE L'AIR (Se), v. réfl. S'en aller de quelque part, non parce qu'on y étouffe, mais parce qu'on s'y ennuie, ou parce qu'il est l'heure de se retirer. DONNER DE LA SALADE. Battre, secouer quelqu'un,--dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas que cette expression est une corruption de _Donner la salle_, c'est-à-dire fouetter un écolier en public. Ils disent aussi _Donner une chicorée_. DONNER DU BALAI. Chasser quelqu'un, remercier un employé, congédier un domestique,--dans l'argot des bourgeois. DONNER DU BON TEMPS (Se). Se divertir, «cueillir le jour» et la nuit,--dans le même argot. DONNER DU CAMBOUIS. Se moquer de quelqu'un, lui jouer un tour, le duper,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis trois cents ans: «Ah! très orde vieille truande! vous me baillez du cambouys!» s'écrie le Diable dans la _Farce du meunier_. DONNER DU FIL A RETORDRE. Embarrasser quelqu'un, lui rendre une affaire épineuse, une question difficile à résoudre. DONNER DU VENT. _Brimer_,--dans l'argot des Saint-Cyriens. DONNER DU VINAIGRE. Tourner très vite,--dans l'argot des enfants, lorsqu'ils jouent à la corde. DONNER LA MIGRAINE A UNE TÊTE DE BOIS, v. a. Être excessivement ennuyeux,--dans l'argot des gens de lettres. L'expression appartient à Hippolyte Babou. DONNER SON BOUT, v. a. Congédier un ouvrier,--dans l'argot des tailleurs. On dit aussi _donner son bout de ficelle_. DONNER UN COUP DE PIED JUSQUE... Aller jusqu'à tel endroit désigné,--dans l'argot du peuple. DONNER UN COUP DE POING DONT ON NE VOIT QUE LA FUMÉE, v. a. L'appliquer sur le visage avec une grande violence,--même argot. J'ai entendu la phrase, et j'ai frémi pour celui à qui elle s'adressait: «Je te donnerai un coup de poing au nez, que tu n'en verras que la fumée!» disait un robuste Auvergnat à un ouvrier d'apparence médiocre. DONNER UN PONT A FAUCHER, v. a. Tendre un piège,--dans l'argot des voleurs. DONNER UN REDOUBLEMENT DE FIÈVRE, v. a. Révéler un nouveau méfait à la charge d'un accusé,--dans le même argot. DONNEUR D'AFFAIRES, s. m. Celui qui indique les vols à faire. DONNEZ-LA! Méfiez-vous,--dans le même argot. DONT AUQUEL, adj. A qui rien n'est comparable,--dans l'argot du peuple. Il y a plus d'un siècle déjà que ce barbarisme court les rues. DONZELLE, s. f. Fille qui préfère la compagnie des hommes à celle des femmes,--dans le même argot. Signifie aussi Maîtresse. Comme les mots déchoient! La _donzelle_ du Moyen Age était la demoiselle de la maison,--_dominicella_, ou _domina_; la _donzelle_ du XIXe siècle est une demoiselle de maison. DOR, s. m. Or, du dor,--dans l'argot des enfants. DORANCHER, v. a. Dorer,--dans l'argot des voleurs. DORMIR EN CHIEN DE FUSIL, v. n. C'est,--dans l'argot du peuple,--prendre en dormant une posture qui donne au corps la forme d'une S ou du morceau de fer qu'on abat sur le bassinet de certaines armes à feu lorsqu'on veut tirer. DORSAY, s. m. Petite jaquette élégante,--dans l'argot des tailleurs et des gandins. DORT-DANS-L'AUGE, s. m. Paresseux, homme qui s'endort sur la besogne,--dans l'argot du peuple. DORT-EN-CHIANT, s. m. Homme mou, paresseux, lambin. DOS D'AZUR, s. m. Souteneur de filles. (V. _Dauphin_.) On dit aussi _Dos vert_. DOSSIÈRE, s. f. Fille publique,--dans l'argot des voleurs, qui n'ont certainement pas voulu dire, comme le prétend un étymologiste, «femme sur laquelle tout le monde peut s'asseoir». Quelle étymologie alors? Ah! voilà! _Difficile dictu._ Une dossière, c'est une femme qui joue souvent le rôle de supin. DOSSIÈRE DE SATTE, s. f. Chaise, fauteuil,--dans le même argot. DOUBLAGE, s. m. Vol,--dans l'argot des voyous, qui appellent les voleurs _Doubleurs_, probablement parce qu'ils témoignent une grande _duplicité_. DOUBLE, s. m. Sergent-major,--dans l'argot des soldats, qui l'appellent ainsi probablement à cause de ses deux galons dorés. DOUBLER, v. a. Voler. DOUBLER UN CAP, v. a. Passer heureusement une échéance, un 1er ou un 15, sans avoir un billet protesté,--dans l'argot des commerçants, qui connaissent les écueils de la Fortune. Henry Murger, dans sa _Vie de Bohème_, appelle ce 1er et ce 15 de chaque mois le _Cap des Tempêtes_, à cause des créanciers qui font rage à ce moment-là pour être payés. DOUBLE SIX, s. m. Nègre,--dans l'argot des voleurs. DOUBLE SIX, s. m. Les deux dents au milieu de la mâchoire supérieure. Argot des faubouriens. DOUBLEUR, s. m. Voleur. _Doubleur de sorgue._ Voleur de nuit. DOUBLURE, s. f. Acteur secondaire, chargé de remplacer, de _doubler_ son chef d'emploi malade ou absent. Argot des coulisses. DOUBLURE DE LA PIÈCE, s. f. «Ce qu'il y a sous le corsage d'une robe de femme»,--dans l'argot des bourgeois, qui, quoique très Orgon, sont parfois de la famille de Tartufe. DOUCE, s. f. Étoffe de soie ou de satin,--dans l'argot des voleurs. DOUCE, s. f. Fièvre,--dans le même argot. DOUCE (A la), adv. Doucement,--dans l'argot du peuple. On dit quelquefois: _A la douce, comme les marchands de cerises_. DOUCETTE, s. f. Lime,--dans l'argot des voleurs. DOUCEURS, s. f. pl. Choses de diverse nature qu'on porte aux malades ou aux prisonniers,--aux uns des oranges, aux autres du tabac. DOUILLARD, s. m. Homme riche, fourni de _douille_. Se dit aussi de quiconque a une chevelure absalonienne. DOUILLE, s. f. Argent, monnaie,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. DOUILLES, s. f. pl. Cheveux,--dans le même argot. _Douilles savonnées._ Cheveux blancs. DOUILLET, s. m. Crin, crinière. DOUILLURE, s. f. Chevelure. DOUSSIN, s. m. Plomb,--dans l'argot des voleurs. DOUX, s. m. Crème de menthe, anisette, vespétro, etc.,--dans l'argot des bourgeoises. DOUX LARCIN, s. m. Baiser,--dans l'argot des académiciens, qui traitent l'Amour d'«aimable voleur de cœurs». DRAGÉE, s. f. Balle,--dans l'argot des troupiers. _Recevoir une dragée._ Être atteint d'une balle. On dit aussi _Gober la dragée_. DRAGUE, s. f. Attirail d'escamoteur, tréteaux de charlatan,--dans l'argot des faubouriens, qui savent avec quelle facilité les badauds se laissent _nettoyer_ les poches. DRAGUEUR, s. m. Charlatan, escamoteur, saltimbanque. DRAPEAU, s. m. Serviette,--dans l'argot des francs-maçons. _Grand drapeau._ Nappe. DRAPEAUX, s. m. pl. Couches, langes de nouveau-né,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot depuis quelques siècles. DRINGUE, s. f. _Ventris fluxus_,--dans l'argot des faubouriens. DROGUE, s. f. Chose de mauvaise qualité, étoffe inférieure, _camelote_,--dans l'argot des bourgeois, qui se rappellent le _droguet_ de leurs pères. DROGUE, s. f. Femme acariâtre, et, de plus, laide,--dans l'argot du peuple, qui a de la peine à _avaler_ ces créatures-là. Se dit aussi d'un Homme difficile à vivre. DROGUE, s. f. Jeu de cartes,--dans l'argot des troupiers, qui condamnent le perdant à porter sur le nez un petit morceau de bois fendu. _Faire une drogue._ Jouer cette partie de cartes. DROGUER, v. n. Attendre, faire le pied de grue,--dans l'argot du peuple. DROGUER, v. n. Demander,--dans l'argot des voleurs, qui savent qu'on _attend_ toujours, et quelquefois longtemps, une réponse. DROGUERIE, s. f. Demande. DROGUEUR DE LA HAUTE, s. m. Escroc habile, qui sait battre monnaie avec des histoires. DRÔLE (Pas ou Peu), adj. Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie à propos de tout et de rien, d'un événement qui l'afflige ou d'une histoire qui l'ennuie, d'une bretelle qui se rompt ou d'une tuile qui tombe sur la tête d'un passant, etc., etc. DRÔLESSE, s. f. Habitante de Breda-Street, ou de toute autre Cythère,--dans l'argot des bourgeois, qui ont la bonté de les trouver drôles quand elles ne sont que dévergondées. DRÔLESSE, s. f. Maîtresse, concubine,--dans l'implacable argot des bourgeoises, jalouses de l'empire que ces créatures prennent sur leurs maris, avec leur fortune. DRÔLICHON, NE, adj. Amusant, _drôle_,--dans l'argot du peuple. DUC DE GUICHE, s. m. _Guichetier_,--dans l'argot des faubouriens. DULCINÉE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des bourgeois, qui cependant se garderaient bien de se battre pour la leur, même contre des moulins. DUMANET, s. m. Soldat crédule à l'excès,--dans l'argot du peuple, qui a conservé le souvenir de ce type de vaudeville, né le jour de la prise d'Alger. DUR, s. m. Eau-de-vie,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Raide_. DUR, s. m. Fer,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Durin_. DUR A AVALER, adj. Se dit--dans l'argot du peuple--d'une histoire invraisemblable à laquelle on se refuse à croire, ou d'un accident dont on a de la peine à prendre son parti. On dit aussi, dans le même sens: _Dur à digérer_. DUR-A-CUIRE, s. m. Homme insensible à la douleur, physique ou morale. DURAILLE, s. f. Pierre,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Dure_. _Dure à briquenion._ Pierre à briquet. Ils disent aussi _Dure à riffle_. _Duraille sur mince._ Diamant sur papier. DUR-A-LA-DÉTENTE, adj. et s. Homme avare, qui ne lâche pas volontiers les ressorts de la bienfaisance ou du crédit,--dans l'argot du peuple, pour qui ces sortes de gens sont de «singuliers pistolets». On dit aussi _Dur à la desserre_. DURE, s. f. La terre,--dans l'argot des voleurs et du peuple. _Coucher sur la dure._ Coucher à la belle étoile. DURÊME, s. m. Fromage blanc,--dans l'argot des voleurs. DURILLON, s. m. Gibbosité humaine,--dans l'argot des faubouriens, que les bossus feront toujours rire. Ils disent aussi _Loupe_. DURINER, v. a. Ferrer,--dans l'argot des voleurs. DU VENT! DE LA MOUSSE! Phrase de l'argot des faubouriens, qui l'emploient fréquemment en réponse à quelque chose qui leur déplaît ou ne leur va pas. Ils disent aussi, soit: _De l'anis!_ soit: _Des navets!_ soit: _Des nèfles!_ soit: _Du flan!_ Qu'on ne croie pas l'expression moderne, car elle a des chevrons: «Si on la loue en toutes sortes de langues, elle n'aura que du vent en diverses façons,» dit La Serre, historiographe de France, dans un livre adressé à mademoiselle d'Arsy, fille d'honneur de la reine (1638). E EAU BÉNITE DE CAVE, s. f. Vin,--dans l'argot du peuple, qui sait que tous les cabaretiers font concurrence à saint Jean-Baptiste. EAU DE BOUDIN, s. f. Chose illusoire. _Tourner en eau de boudin._ Se dit d'une promesse qu'on ne tient pas, d'un héritage qui échappe, d'un projet qui avorte. Ne serait-ce pas plutôt _os de boudin_? Car enfin à la rigueur, on peut trouver de l'_eau_ dans un boudin, tandis qu'on n'y trouvera jamais d'_os_. EAU-FORTIER, s. m. Graveur. EAUX SONT BASSES (Les). N'avoir plus ou presque pas d'argent,--dans l'argot des bourgeois. ÉBASIR, v. a. Assassiner,--dans l'argot des prisons. ÉBAUBI, adj. et s. Étonné, émerveillé,--dans l'argot du peuple. ÉBERLUÉ, adj. Surpris, émerveillé, _aveuglé_ par l'étonnement. ÉBOUFFER (S'), v. réfl. Rire aux éclats. ÉCACHER, v. a. Écraser en aplatissant. On disait et on écrivait autrefois _Esquacher_. ÉCARBOUILLER, v. a. Écraser, aplatir, réduire en miettes, en _escarbilles_, ou plutôt en _escarres_. On dit aussi _Ecrabouiller_, et _Escrabouiller_. ÉCARTER DU FUSIL, v. n. Envoyer, en parlant, une pluie de salive au visage de son interlocuteur. On disait autrefois _Écarter la dragée_. ÉCHALAS, s. m. pl. Jambes, surtout quand elles sont maigres,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir avalé un échalas._ Être d'une maigreur remarquable. ÉCHAPPÉ D'HÉRODE, s. m. Homme innocent, c'est-à-dire niais,--dans l'argot ironique du peuple. ÉCHARPILLER, v. a. Briser une chose en mille morceaux. _Se faire écharpiller._ Se faire accabler de coups. ÉCHASSES, s. f. pl. Jambes fines, et même maigres. Argot du peuple. ÉCHASSIER, s. m. Homme long et maigre. ÉCHAUBOULURE, s. f. Petite élevure rouge qui vient sur la peau à la suite d'une brûlure. ÉCHAUDÉ (Être). Trompé par un marchand, volé par un restaurateur, carotté par un neveu. ÉCHAUDER, v. a. Surfaire un prix, exagérer le _quantum_ d'une note,--dans l'argot des bourgeois, qui, depuis le temps qu'il y a des marchands et des restaurateurs, doivent avoir l'eau froide en horreur. ÉCHO! Bis,--dans l'argot des goguettiers, qui se plaisent à faire répéter les couplets des autres, afin qu'on fasse bisser les leurs. ÉCHOS, s. m. pl. Les bruits de ville et de théâtre,--dans l'argot des petits journalistes. ÉCHOTER, v. n. Rédiger des _échos_. ÉCHOTIER, s. m. Faiseur ou collecteur d'échos. ÉCLAIRER, v. n. Payer,--dans l'argot du peuple, qui sait, quand il le faut, montrer pièce d'or _reluisante_ ou pièce d'argent toute battante neuve. ÉCLAIRER, v. n. Montrer qu'on a de l'argent pour parier, pour jouer ou pour faire des galanteries,--dans l'argot de Breda-Street. ÉCLIPSER (S'), v. réfl. S'en aller, s'enfuir,--dans l'argot des bourgeois frottés d'astronomie. ÉCLOPÉ, s. et adj. Qui marche difficilement,--dans l'argot du peuple, fidèle à la tradition. «Il n'i a borgne n'esclopé.» dit le _Roman du renard_. Se dit aussi pour Blessé. ÉCLUSER, v. n. _Meiere_,--dans l'argot des ouvriers facétieux. Ils disent aussi _Lâcher les écluses_. ÉCONOMIE DE BOUTS DE CHANDELLE, s. f. Économie mal entendue, qu'il est ridicule parce qu'inutile de faire. Argot des bourgeois. ÉCOPER, v. n. Boire,--dans l'argot des typographes. ÉCOPER, v. n. Recevoir des coups,--dans l'argot des gamins. ÉCORCHE-CUL (A), loc. adv. En glissant, en se traînant sur le derrière,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi A contre-cœur. ÉCORCHER, v. a. Surfaire un prix, exagérer le _quantum_ d'une addition, de façon à faire _crier_ les consommateurs et à les empêcher de revenir. ÉCORNÉ, adj. et s. Voleur sur la sellette. ÉCORNER, v. a. Médire de quelqu'un, attaquer sa réputation,--dans l'argot du peuple. ÉCORNER, v. a. Injurier, faire les _cornes_,--dans l'argot des voleurs. ÉCORNER LES BOUCARDS, v. a. Forcer les boutiques,--dans le même argot. ÉCOSSAIS, s. et adj. Hospitalier,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont conservé bon souvenir des montagnards de _la Dame blanche_. _Hospitalité écossaise._ Hospitalité gratuite, désintéressée, aimable. ÉCOSSEUR, s. m. Secrétaire, homme chargé d'ouvrir les dépêches,--dans l'argot des employés. ÉCOT, s. m. Part de chacun dans un repas. Argot du peuple. _Être à son écot._ Payer ce qu'on consomme. _Être à l'écot de quelqu'un._ Dîner à ses dépens. ÉCOUTE S'IL PLEUT, s. m. Fadaise, conte à dormir debout,--dans le même argot. ÉCRACHE, s. m. Passeport,--dans l'argot des voleurs. _Écrache-tarte._ Faux passeport. ÉCRACHER, v. a. Exhiber son passeport. Même argot. ÉCRASANT, adj. Etonnant, inouï, accablant,--dans l'argot des littérateurs, qui emploient ce mot à propos des gens aussi bien qu'à propos des choses. ÉCRASER DES TOMATES, v. a. Avoir ses _menses_,--dans l'argot des petites dames. ÉCRASER UN GRAIN, v. a. Boire un canon de vin sur le comptoir du cabaretier,--dans l'argot des faubouriens qui ont un fier pressoir dans l'estomac. ÉCREVISSE, s. f. Cardinal,--dans l'argot des voleurs, qui ont l'honneur de se rencontrer avec Jules Janin, lequel a employé le même trope à propos du Homard, «ce cardinal de la mer». Cardinaux sans doute, ces crustacés décapodes,--mais seulement lorsqu'ils ont subi la douloureuse épreuve du court-bouillon. ÉCRIVASSER, v. n. Ecrire, faire des livres,--dans l'argot des gens de lettres, qui n'emploient cette expression que péjorativement. ÉCRIVASSIER, s. m. Mauvais écrivain. Le mot a été employé pour la première fois en littérature, par Gilbert. ÉCRIVEUR, EUSE, s. et adj. Qui se plaît à écrire, et, à cause de cela, écrit à tort et à travers. Argot du peuple. Madame de Sévigné, qui était une écriveuse d'esprit, a employé le mot _écriveux_. ECUELLE, s. f. Assiette,--dans l'argot du peuple, fidèle à la tradition. «Et doibt, por grace deservir, Devant le compaignon servir, Qui doibt mengier en s'escuelle.» dit le _Roman de la Rose_. ÉCUME DE TERRE, s. f. Etain,--dans l'argot des voleurs. ÉCUMOIRE, s. f. Visage marqué de petite vérole,--dans l'argot des faubouriens. ÉCURER SON CHAUDRON, v. a. Aller à confesse,--dans l'argot du peuple, pour qui c'est un moyen de nettoyer sa conscience de tout le vert-de-gris qu'y ont déposé les passions mauvaises. ÉDREDON DE TROIS PIEDS, s. m. Botte de paille. EF, s. m. Apocope d'_effet_,--dans l'argot de Breda-Street. _Faire de l'ef._ Briller; faire des embarras. EFFACER, v. a. Boire ou manger,--dans l'argot des faubouriens. _Effacer un morceau de fromage._ EFFAROUCHER, v. a. Voler,--dans l'argot des voleurs, qui sont si adroits qu'en effet la chose qu'ils dérobent a l'air de s'enfuir, effarouchée, de la poche du volé dans la leur. EFFET, s. m. Impression produite sur le public par une pièce ou par un acteur. Argot des coulisses. Se dit en général de l'ouvrage ou du rôle, et, en particulier, d'un mot, d'un geste, d'une intonation. _Avoir un effet._ Avoir à dire un mot qui doit impressionner les spectateurs, les faire rire ou pleurer. _Couper un effet._ Distraire les spectateurs en parlant avant son tour, détourner leur attention à son profit et au préjudice du camarade qui est en train de jouer. EFFETS DE BICEPS, s. m. pl. Vanité de boucher ou de débardeur,--dans l'argot du peuple. _Faire des effets de biceps._ Battre quelqu'un, uniquement pour lui prouver qu'on est plus fort que lui. EFFETS DE POCHE, s. m. pl. Étalage de pièces d'or et de billets de banque. _Faire des effets de poche._ Payer. EFFONDRER, v. a. Enfoncer,--dans l'argot des voyous. EFFONDRILLES, s. f. pl. Les scories du pot-au-feu,--dans l'argot des ménagères. ÉGAYER, v. n. Siffler,--dans l'argot des coulisses. _Se faire égayer._ Se faire envoyer des trognons de pommes. ÉGLISIER, s. m. Bigot, homme qui hante trop les _églises_. Argot des faubouriens. ÉGRAFFIGNER, v. a. Égratigner,--dans l'argot du peuple. ÉGRUGEOIR, s. m. Chaire à prêcher,--dans l'argot des voleurs, par allusion à sa forme et à celle du bonnet du prédicateur qui ressemble assez à un pilon. ÉGUEULER, v. a. Écorner un vase, l'ébrécher,--dans l'argot du peuple. ÉGYPTIEN, s. m. Mauvais acteur,--dans l'argot des coulisses. ELBEUF, s. m. Habit,--dans l'argot du peuple, qui emploie fréquemment la métonymie. ÉLIXIR DE HUSSARD, s. m. Eau-de-vie inférieure. ÉLOQUENT (Être). Faire _sentir_ ses paroles,--dans l'argot facétieux des bourgeois, qui croient seulement pour eux à la vertu de l'Eau de Botot. ÉMANCIPER (S'), v. réfl. Se permettre des familiarités déplacées envers les femmes,--dans l'argot des bourgeoises, à qui leur devoir impose l'obligation de s'en fâcher. EMBALLER, v. a. Arrêter,--dans l'argot des voleurs et des filles. EMBALLER, v. n. Se dit,--dans l'argot des maquignons,--d'un cheval qui prend le mors aux dents, sans se soucier des voyageurs qu'il traîne après lui. _S'emballer_, se dit dans le même sens d'un homme qui s'emporte. EMBALLER (Se faire). Se faire mettre à Saint-Lazare,--dans l'argot des filles. EMBALLES, s. f. pl. Manières, _embarras_,--dans le même argot. _Faire des emballes._ Faire des embarras. EMBALLEUR, s. m. Agent de police. EMBALUCHONNER, v. a. Empaqueter, faire un _baluchon_. EMBARBOTTER (S'). S'embarrasser dans un discours, bredouiller.--Argot du peuple. On dit aussi _S'embarbouiller_. EMBARDER, v. n. Tergiverser, digressionner,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine, et se rappellent combien de faux coups de barre donnés au gouvernail peuvent retarder le navire. EMBARQUER SANS BISCUIT (S'), v. réfl. Oublier l'essentiel, ne prendre aucune précaution,--dans l'argot des bourgeois, d'ordinaire prudents comme Ulysse. EMBARRAS, s. m. pl. Grands airs, manières arrogantes, dédaigneuses,--dans l'argot du peuple. _Faire ses embarras._ Éclabousser ses rivales du haut de son coupé,--dans l'argot des petites dames. EMBAUDER, v. a. Prendre de force,--dans l'argot des voleurs. EMBÉGUINER (S'), v. réfl. S'éprendre d'amitié pour un homme ou d'amour pour une femme,--dans l'argot du peuple. EMBERLIFICOTER, v. a. Embarrasser, gêner, obséder, _entortiller_. _S'emberlificoter._ Se troubler dans ses réponses, s'embarrasser dans un discours, comme dans un piège. EMBERLIFICOTEUR, s. m. Homme rusé, qui sait _entortiller_ son monde. EMBERLUCOQUER (S'), v. réfl. S'enticher d'une chose ou de quelqu'un, s'attacher à une opinion sans réfléchir, aveuglément, comme si on avait la _berlue_. L'expression se trouve dans Rabelais sous cette forme. Hauteroche a dit _Embrelicoquer_, et Châteaubriand _Emberloquer_. EMBÊTEMENT, s. m. Contrariété, ennui,--dans l'argot des bourgeois, qui ne veulent pas employer le substantif poli des gens bien élevés et n'osent pas employer le substantif énergique des faubouriens. EMBÊTER, v. a. Obséder quelqu'un, le taquiner. _S'embêter._ S'ennuyer. _S'embêter comme une croûte de pain derrière une malle._ S'ennuyer extrêmement. EMBLÈME, s. m. Tromperie,--dans l'argot des voleurs. EMBLÉMER, v. n. Tromper. EMBLÈMES (Des)! Se dit,--dans l'argot des faubouriens,--pour se moquer de quelqu'un qui se vante, qui ment, ou qui ennuie. EMBOBINER, v. a. Circonvenir, enjôler,--dans l'argot du peuple. On disait autrefois, et on dit quelquefois encore aujourd'hui, _Embobeliner_. EMBOUCHÉ (Bien ou mal), adj. Homme poli ou grossier,--dans l'argot des bourgeois. EMBRENER (S'). Se couvrir les doigts ou les vêtements d'ordures,--dans l'argot du peuple. Par extension, _S'engluer_. EMBROCHER, v. a. Passer son épée ou sa baïonnette au travers du corps,--dans l'argot des troupiers. _Se faire embrocher._ Se faire tuer. EMBROUILLAMINI, s. m. Confusion de choses ou de mots,--_embrouillement_. Voilà un des mots de notre langue qui ont le plus perdu en grandissant et se sont le plus corrompus en vieillissant. L'auteur du _Code orthographique_,--fort bon livre d'ailleurs,--prétend qu'il ne faut pas dire _embrouillamini_, parce que ce mot n'est pas français, mais bien _brouillamini_,--qui n'est pas plus français, j'ai le regret de le déclarer à M. Hétrel et à l'Académie, son autorité. On a commencé par dire _Bol d'Arménie_, et le bol d'Arménie était un remède de cheval fort compliqué, fort _embrouillé_; de _Bol d'Arménie_ on a fait _Brouillamini_, puis _Embrouillamini_: Molière a employé le premier dans son _Bourgeois Gentilhomme_, et Voltaire s'est servi du second dans sa _Lettre à d'Argental_. Maintenant, Voltaire et Molière écartés, comment le peuple dit-il, lui,--puisque c'est le Dictionnaire du peuple que je fais ici? Le peuple prononce _Embrouillamini_. Cela me suffit. _Embrouillamini du diable._ Confusion extrême, embarras dont on ne peut sortir. EMBROUILLER (S'), v. réfl. Commencer à ressentir les atteintes de l'ivresse,--dans l'argot des ouvriers. Ils disent aussi _S'embrouillarder_. EMBU, s. m. Tache à un tableau; ton terne, crasseux,--dans l'argot des artistes. ÉMÉCHER (S'), v. réfl. Se griser, être sur la pente de l'ivresse,--dans l'argot des faubouriens. ÉMÉRILLONNER (S'), v. réfl. S'égayer en buvant et s'empourprer la face en s'allumant les yeux.--Argot du peuple. EMMANCHER UNE AFFAIRE, v. a. L'entamer, la commencer. EMMASTOQUER (S'), v. réfl. Se bien nourrir,--dans l'argot du peuple, pour qui c'est une façon de devenir _mastoc_. EMMERDEMENT, s. m. Profond ennui,--dans le même argot. EMMERDER, v. a. Ennuyer, obséder quelqu'un. Les bourgeois disent _Emmieller_. EMMITONNER QUELQU'UN, v. a. Le circonvenir, l'endormir par des promesses. EMMITOUFLER (S'), v. réfl. Se couvrir de trop de vêtements,--dans le même argot. On dit aussi _S'empaletequer_ et _S'emmitonner_, dans le même sens. ÉMOTION INSÉPARABLE, s. f. Cliché de l'argot des gens de lettres et de théâtre, qui sous-entendent toujours: _d'un premier début_. ÉMOUSTILLÉ, adj. Aiguillonné, égayé, éveillé,--dans l'argot du peuple, qui connaît l'effet du vin doux, du moût (_mustum_). ÉMOUSTILLER (S'), réfl. Se remuer, changer de place. EMOUVER (S'), v. réfl. Se remuer, s'agiter, s'empresser,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_emovere_). EMPAFFES, s. m. pl. Draps de lit,--dans l'argot des voleurs. _V. Empave._ Ils disent aussi _Embarras_,--parce qu'en effet il leur est assez difficile de les emporter. EMPAILLÉ, s. m. Imbécile, homme sans valeur,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent souvent aussi: _Il est à empailler!_ EMPAUMER, v. a. Circonvenir; tromper,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce verbe à Corneille. EMPAVE, s. f. Carrefour, _pavimentum_,--dans l'argot des voleurs. Quelques Gilles Ménage de Clairvaux veulent que ce mot, au pluriel, signifie aussi Draps de lit. Dont acte. EMPÊCHEUR DE DANSER EN ROND. s. m. Gêneur,--dans l'argot des coulisses. EMPÊTRER (S'), v. réfl. S'embarrasser dans une affaire, sans savoir comment en sortir.--Argot des bourgeois. EMPIFFRER (S'), v. réfl. Manger gloutonnement, comme un animal plutôt que comme un homme,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe depuis longtemps. EMPIFFRERIE, s. f. Gloutonnerie. EMPIOLER, v. a. Enfermer, mettre en _piole_,--dans l'argot des voleurs. EMPLÂTRE, s. m. Homme sans énergie, pusillanime, qui reste _collé_ en place, sans pouvoir se décider à bouger. Argot du peuple. EMPLÂTRE, s. m. Empreinte,--dans l'argot des voleurs, oui se garderaient bien d'en prendre avec du plâtre (comme l'insinue M. Francisque Michel) et qui se servent au contraire de substances molles, ou se malaxant entre les doigts, _collant_ enfin [grec: enplassô] comme la cire, la gomme-résine, etc. EMPLÂTRER, v. a. Gêner comme avec un emplâtre,--dans l'argot du peuple. _S'emplâtrer de quelqu'un._ S'en embarrasser en s'en chargeant. EMPOIGNER, v. a. Critiquer vertement un livre,--dans l'argot des gens de lettres; Siffler un acteur ou une pièce,--dans l'argot des coulisses. EMPOIGNER (Se faire). Se faire arrêter par un agent de police. EMPORTAGE A LA CÔTELETTE, s. m. Variété de vol, dont Vidocq donne les détails. (V. _Les Voleurs_, page 108.) EMPORTER LE CHAT, v. a. Se mêler d'une chose que l'on ne connaît pas, et recevoir pour sa peine une injure, ou pis encore.--Argot du peuple. EMPORTER SES CLIQUES ET SES CLAQUES, v. a. Emporter ses outils, ses effets. Signifie aussi Mourir. EMPORTEUR, s. m. Filou qui a pour spécialité de raccrocher des provinciaux sous un prétexte quelconque, et de les amener dans un estaminet borgne, où ils sont plumés par _le bachotteur_ et _la bête_. (Voir à propos de ce mot, le volume de Vidocq.) EMPOTÉ, s. et adj. Paresseux, maladroit,--dans l'argot du peuple, qui trouve volontiers bêtes comme des _pots_ tous les gens qui n'ont pas ses biceps et ses reins infatigables. EMPROSEUR, s. m. Lesbien,--dans l'argot des voleurs. EMPRUNTÉ, adj. Gauche, maladroit, timide,--dans l'argot des bourgeois. EMPRUNTER UN PAIN SUR LA FOURNÉE, v. a. Avoir un enfant d'une femme avant de l'avoir épousée,--dans l'argot du peuple, à qui ses boulangères font volontiers crédit. ÉMU (Être). Être gris à ne plus pouvoir parler ni marcher,--comme un homme à qui l'émotion enlèverait l'usage de la parole et des jambes. On dit aussi _Être légèrement ému_. EN AVOIR PLEIN LE DOS. Être excessivement ennuyé de quelque chose ou par quelqu'un.--Argot du peuple. ENBOHÉMER (S'), v. réfl. Perdre sa jeunesse, son esprit et son argent dans les parlottes artistiques et littéraires. ENBONNETDECOTONNER (S'), v. réfl. Prendre des allures bourgeoises, mesquines, vulgaires. Argot des gens de lettres. ENCAGER, v. a. Emprisonner,--dans l'argot du peuple. Il dit aussi _Encoffrer_. ENCAISSER UN SOUFFLET, v. a. Le recevoir sur la joue.--Même argot. ENCARRADE, s. f. Entrée,--dans l'argot des voleurs. ENCARRER, v. n. Entrer. ENCASQUER, v. n. Entrer quelque part ou dans quelque chose,--dans le même argot. ENCEINTRER, v. a. Mettre une femme dans une «position intéressante». Le peuple, qui emploie ce verbe aujourd'hui, a dit autrefois _Enceinturer_. ENCENSOIR, s. m. Fressure d'animal,--dans l'argot des voleurs, qui ont probablement voulu faire allusion au _plexus_ de graisse qui enveloppe cette partie. Ils l'appelaient autrefois _Pire_. ENCHARIBOTTÉ, adj. Ennuyé, chagriné, embarrassé,--dans l'argot du peuple. Il a dit autrefois _Encharbotté_. ENCHIFERNÉ, adj. Enrhumé du cerveau. _Enchifrené_, vaudrait peut-être mieux, mais le peuple est autorisé à dire comme on disait au XVIIe siècle. ENCOLIFLUCHETER. (S'), v. réfl. S'ennuyer, être tout je ne sais comment. On dit aussi _S'encornifistibuler_. ENCORE UN TIRE-BOUCHON! Se dit,--dans l'argot des coulisses,--lorsqu'un entr'acte se prolonge outre mesure. ENCOTILLONNER (S'). Se laisser mener par sa femme ou par les femmes. Argot du peuple. ENCROÛTER (S'). S'acagnarder dans une habitude ou dans un emploi. ENDÊVER, v. n. Enrager, être dépité. _Faire endêver quelqu'un._ Le taquiner, l'importuner de coups d'épingle. Caillières prétend que le mot est «du dernier bourgeois». C'est possible, mais en attendant Rabelais et Jean-Jacques Rousseau s'en sont servis. ENDIMANCHÉ, adj. Gauchement et ridiculement habillé,--dans l'argot des bourgeois, impitoyables pour le peuple, d'où ils sont sortis. ENDIMANCHER (S'), v. réfl. Mettre son habit ou sa redingote du dimanche. ENDORMI, s. m. Juge,--dans l'argot des voyous. ENDORMIR, v. a. Etourdir, tuer,--dans l'argot des prisons. ENDORMIR SUR LE RÔTI (S'), v. réfl. Se relâcher de son activité ou de sa surveillance; se contenter d'un premier avantage ou d'un premier succès, sans profiter de ce qui peut venir après. Cette expression qui s'emploie plus fréquemment avec la négative, est de l'argot des bourgeois. Le peuple, lui, dit; _S'endormir sur le fricot_. _Rester sur le rôti._ Agir prudemment, au contraire, en n'allant pas plus loin dans une affaire sur l'issue de laquelle on a des doutes. ENDOS, s. m. L'échine du _dos_,--dans l'argot des voyous. ENDOSSES, s. f. Épaules,--dans l'argot des voleurs. EN DOUCEUR, adv. Doucement, prudemment, avec précaution,--dans l'argot du peuple. ENDROGUER, v. n. Chercher à faire fortune,--dans l'argot des voleurs. ENFANT DE CHOEUR, s. m. Pain de sucre,--dans l'argot des faubouriens. ENFANT DE LA BALLE, s. m. Celui qui a été élevé dans la profession paternelle, comédien parce que sa mère a appartenu au théâtre, épicier parce que son père a été marchand de denrées coloniales, etc. Argot du peuple. ENFANT DE LA FOURCHETTE, s. m. Académicien,--dans l'argot des voyous. ENFANT DE TROUPE, s. m. Fils de comédien, enfant né sur les planches,--dans l'argot des coulisses. ENFILER (S'), v. réfl. S'endetter,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi: Se laisser entraîner à jouer gros jeu. ENFLAQUER, v. a. Em...nuyer,--dans le même argot. ENFLAQUER, v. a. Mettre, revêtir, endosser,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi: Arrêter, emprisonner. ENFLÉ, s. m. Imbécile, homme dont on se moque,--dans l'argot des faubouriens. _Ohé! l'enflé!_ est une injure à la mode. ENFLÉE, s. f. Vessie,--dans l'argot des voleurs. ENFLER, v. n. Boire,--dans l'argot du peuple. ENFONCÉ, adj. Ruiné, blessé mortellement, perdu sans rémission. Signifie aussi: Avoir perdu la partie, quand on joue. ENFONCER, v. a. Tromper, faire tort, duper. Signifie aussi Surpasser. ENFONCEUR, s. m. Mercadet gros ou petit, agent suspect d'affaires véreuses. ENFONCEUR DE PORTES OUVERTES, s. m. Faux brave, qui ne se battrait même pas contre des moulins, de peur de recevoir un coup d'aile. ENFRIMER, v. a. Regarder quelqu'un au visage,--dans l'argot des voleurs. Les faubouriens disent _Enfrimousser_. ENGANTER, v. a. Prendre, saisir, empoigner, voler avec la main qui est le moule du gant. Même argot. Signifie aussi: Traiter quelqu'un comme il mérite de l'être. ENGANTER (S'), v. réfl. S'amouracher,--dans le même argot. ENGONCÉ, adj. Vêtu sans goût ni grâce,--dans l'argot des bourgeois. Signifie aussi: Qui a l'air d'avoir le cou dans les épaules. ENGOULER, v. a. Manger _goulûment_,--dans l'argot du peuple. Il dit aussi _Engoulifrer_. ENGRAILLER, v. a. Prendre,--dans l'argot des voleurs. _Engrailler l'ornie._ Dévaliser un poulailler. ENGUEULEMENT, s. m. Injure de parole,--dans l'argot du peuple. Injure de plume,--dans l'argot des gens de lettres. ENGUEULER, v. n. Avaler, manger,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Engouler_. ENGUEULER, v. a. injurier grossièrement; provoquer, chercher querelle. _Se faire engueuler._ Se faire attraper. ENGUEULEUR, s. m. Ecrivain qui trempe sa plume dans la boue et qui en éclabousse les livres dont il n'aime pas les auteurs. ENJÔLER, v. a. Caresser, endormir la résistance par des discours flatteurs. ENJÔLEUR, s. m. Homme qui trompe les hommes par des promesses d'argent et les femmes par des promesses de mariage. ENLEVER, v. a. Débiter un rôle ou passage d'un rôle, avec feu, verve ou aplomb,--dans l'argot des coulisses. ENLEVER (S'), v. réfl. Souffrir de la faim,--dans l'argot des voleurs. ENLEVER LE CUL, v. a. Donner un coup de pied au derrière de quelqu'un.--Argot du peuple. On dit aussi _Enlever le ballon_. ENLEVER QUELQUE CHOSE, v. a.--dans l'argot des bourgeois qui n'osent pas employer la précédente expression. ENLEVEUR, s. m. Acteur qui joue ses rôles avec beaucoup d'aplomb. ENLUMINER (S'), v. réfl. Commencer a ressentir les effets de l'ivresse, qui colore le visage d'un fard intense. ENLUMINURE, s. f. Demi-ivresse. ENNUYER (S'), v. réfl. Être sur le point de mourir,--dans l'argot des bourgeois, que cela chagrine beaucoup. ENQUILLER, v. a. Cacher,--dans l'argot des voleurs. _Enquiller une thune de camelote._ Cacher entre ses cuisses une pièce d'étoffe. ENQUILLER, v. n. Entrer quelque part comme une boule au jeu de _quilles_,--dans l'argot du peuple. ENQUILLEUSE, s. f. Femme qui porte un tablier pour dissimuler ce qu'elle vole. ENROSSER, v. a. Dissimuler les vices rédhibitoires d'un cheval, d'une _rosse_,--dans l'argot des maquignons. ENTABLEMENT, s. m. Épaules,--dans l'argot des faubouriens. ENTAILLER. Tuer,--dans l'argot des prisons. ENTAULER, v. n. Entrer dans la _taule_, ou ailleurs. Même argot. _Entauler à la planque._ Entrer dans sa cachette. ENTENDRE DE CORNE, v. n. Entendre autre chose que ce qu'on dit,--dans l'argot des bourgeois. ENTENDRE QUE DU VENT (N'y). N'y rien entendre,--dans l'argot du peuple. ENTERREMENT, s. m. Morceau de viande quelconque fourré dans un morceau de pain fendu,--comme, par exemple, une tranche de gras-double revenu dans la poêle et que la marchande vous donne tout apprêté, tout _enterré_ dans une miche de pain de marchand de vin. ENTICHER (S'). Se prendre d'affection pour quelqu'un au point de le gâter de caresses et d'amitiés. Argot des bourgeois. Se dit aussi à propos des choses. ENTIFFER, v. n. Entrer,--dans l'argot des faubouriens. ENTIFFER, v. a. Enjôler, ruser,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Entifler_. ENTONNER, v. n. Boire,--dans l'argot du peuple. ENTONNOIR, s. m. La bouche,--dans l'argot des faubouriens, imitateurs involontaires des _Beggars_ anglais, qui disent de même _gan_, aphérèse de _began_ (_begin_ commencer, entonner). ENTORTILLER, v. a. Circonvenir,--dans l'argot des marchands. Captiver, _allumer_,--dans l'argot des petites dames. Ennuyer,--dans l'argot du peuple. ENTORTILLER (S'), v. réfl. S'embarrasser, s'empêtrer dans ses réponses. EN-TOUT-CAS, s. m. Parapluie à deux fins, trop grand pour le soleil, trop petit pour la pluie,--dans l'argot des bourgeoises, qui font toujours les choses à moitié. ENTRAÎNEMENT, s. m. Méthode anglaise, devenue française qui s'applique aux hommes aussi bien qu'aux chevaux, et qui consiste à faire maigrir, ou plutôt à _dégraisser_ les uns et les autres pour leur donner une plus grande légèreté et une plus grande vigueur. ENTRAÎNER, v, a. et n. Soumettre un cheval, un jockey ou un rameur à un régime particulier, de façon qu'ils pèsent moins et courent et rament mieux. ENTRAVAGE, s. m. Conception d'un vol, d'un mauvais coup,--dans l'argot des voleurs. ENTRAVER, v. a. Comprendre, entendre,--dans l'argot des voleurs, qui emploient là un des plus vieux mots de la langue des honnêtes gens, car ils disent aussi _Enterver_ comme Rutebeuf et l'auteur d'_Ogier le Danois_. _Entraver bigorne_ ou _arguche_. Comprendre et parler l'argot. Signifie aussi: Embarrasser la police. _Entraver nibergue_ ou _niente_. N'y entendre rien. ENTRECÔTE DE BRODEUSE. Morceau de fromage de Brie,--dans l'argot du peuple, qui sait que les brodeuses, ainsi que les autres ouvrières, ne gagnent pas assez d'argent pour déjeuner à la fourchette comme les filles entretenues. ENTREFILET, s. m. Petit article placé dans le corps du journal, entre deux autres. ENTREFESSON, s. m. Le périnée,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Ambroise Paré. ENTRELARDÉ, s. et adj. Homme qui n'est ni gras ni maigre. ENTRELARDER, v. a. Mêler, farcir, au propre et au figuré. ENTRER AUX-QUINZE-VINGTS. Dormir,--dans l'argot des faubouriens, qui ont cette facétie à leur disposition chaque fois qu'ils éprouvent le besoin de fermer les yeux. ENTRER DANS LA CONFRÉRIE DE SAINT-PRIS, v. n. Se marier,--dans l'argot du peuple, qui s'y laisse _prendre_ plus volontiers que personne. ENTRETENEUR, s. m. Galant homme qui a un faible pour les femmes galantes, et dépense pour elles ce que bien certainement il ne dépenserait pas pour des rosières. ENTRETENIR (Se faire). Préférer l'oisiveté au travail, le Champagne à l'eau filtrée, les truffes aux pommes de terre, l'admiration des libertins à l'estime des honnêtes gens. L'expression est vieille comme l'immoralité qu'elle peint. ENTRIPAILLÉ, adj. Gros, gras, ventripotent. ENTRIPAILLER (S'), v. réfl. Manger de façon à devenir pansu. ENTROLER, v. a. Emporter,--dans l'argot des voleurs. ENVELOPPER, v. a. Arrêter les contours d'un dessin, d'une peinture,--dans l'argot des artistes. ENVOYER, v. a. et n. Injurier, se moquer, critiquer,--dans l'argot du peuple. _C'est bien envoyé!_ Se dit d'une repartie piquante ou d'une impertinence réussie. ENVOYER A LA BALANÇOIRE, v. a. Se débarrasser sans façon de quelqu'un ou de quelque chose. Argot des faubouriens. ENVOYER A L'OURS, v. a. Prier impoliment quelqu'un de se taire ou de s'en aller. Même argot. ENVOYER FAIRE LAN LAIRE, v. a. Se débarrasser de quelqu'un,--dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas employer un plus gros mot. Ils disent aussi _Envoyer promener_. ENVOYER PAÎTRE, v. a. Prier brusquement quelqu'un de s'en aller ou de se taire. ÉOLE, s. m. _Ventris flatus_,--dans l'argot des faubouriens, heureux que le fils de Jupiter leur fournisse un prétexte à une équivoque. ÉPAIS, s. m. Le cinq et le six,--dans l'argot des joueurs de dominos. ÉPARGNER LE POITOU, v. a. Prendre des précautions,--dans l'argot des voleurs. ÉPATAGE, s. m. Action d'éblouir, de renverser quelqu'un les _quatre pattes_ en l'air par la stupéfaction ou l'admiration. Argot du peuple. On dit aussi _Epatement_. ÉPATAMMENT, adv. D'une façon épatante. L'expression appartient à M. Roger Delorme. (_Tintamarre_ du 28 janvier 1866). ÉPATANT, adj. Étonnant, extraordinaire. ÉPATE, s. f. Apocope d'_Epatage_. _Faire de l'épate._ Faire des embarras, en conter, en imposer aux simples. ÉPATEMENT, s. m. Étonnement. ÉPATER, v. a. Étonner, émerveiller, par des actions extravagantes ou par des paroles pompeuses. _Épater quelqu'un._ L'intimider. Signifie aussi: Le remettre à sa place. ÉPATEUR, s. m. Homme qui fait des embarras, qui raconte des choses invraisemblables que les imbéciles s'empressent d'accepter comme vraies. ÉPATEUSE, s. f. Drôlesse qui fait des effets de crinoline exagérés sur le boulevard, pour faire croire aux passants,--ce qui n'existe pas. ÉPICEMAR, s. m. Épicier,--dans l'argot des faubouriens. ÉPICÉPHALE, s. m. Chapeau,--dans l'argot des étudiants, à qui le grec est naturellement familier ([grec: epi], sur, et [grec: kephalê], tête). ÉPICER, v. a. Médire, railler, et même calomnier,--dans l'argot des faubouriens, à qui le _poivre_ ne coûte rien quand il s'agit d'assaisonner une réputation. ÉPICERIE, s. f. Bourgeoisisme,--dans l'argot des romantiques. Le mot est de Théophile Gautier. ÉPICE-VINETTE, s. m. Épicier,--dans l'argot des voleurs, ÉPICIER, s. et adj. Homme vulgaire, sans goût, sans esprit, sans rien du tout,--dans l'argot des gens de lettres et des artistes, pleins de dédain pour les métiers où l'on gagne facilement sa vie. ÉPINGLE A SON COL (Avoir une). Avoir un verre de vin, payé d'avance par un camarade, à boire sur le comptoir voisin de l'atelier. Argot des ouvriers. On dit aussi _Avoir un factionnaire à relever_. ÉPIPLOON, s. m. Cravate.--dans l'argot des étudiants, frais émoulus du grec. Pour ceux, en effet, qui ne sont pas encore gandins, la cravate _flotte_ sur le cou ([grec: epi] et [grec: plein]) comme le grand repli du péritoine flotte sur les intestins. Signifie aussi Chemise. EPLUCHER, v. a. Examiner avec soin, méticuleusement, soupçonneusement, la conduite de quelqu'un ou une affaire quelconque. ÉPONGE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des voyous, qui révèlent ainsi d'un mot tout un détail de mœurs. Autrefois (il n'y a pas longtemps) les filles et leurs souteneurs hantaient certains cabarets borgnes connus de la police. Ces messieurs consommaient, on inscrivait sur l'ardoise, ces dames payaient, et le cabaretier acquittait la note d'un coup d'_éponge_. ÉPONGE, s. f. Ivrogne,--dans l'argot du peuple. ÉPONGE A SOTTISES, s. f. Imbécile, qui accepte tout ce qu'on lui dit comme paroles d'Évangile. L'expression sort du _Théâtre Italien_ de Ghérardi. ÉPONGE D'OR, s. f. Avoué,--dans l'argot des prisons. ÉPOQUES (Avoir son ou ses). Se dit,--dans l'argot des bourgeois,--des _menses_ des femmes. ÉPOUFFER, v. a. et n. Saisir la victime à l'improviste,--dans l'argot des voleurs. ÉPOUSE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des étudiants, qui se marient souvent pour rire avant de se marier pour de bon. ÉPOUSER LA CAMARDE, v. a. Mourir,--dans l'argot des voleurs, qui préféreraient souvent une autre fiancée. ÉPOUSER LA FOUCANDIERE, v. a. Se débarrasser des objets volés en les jetant çà et la quand on est poursuivi. «_Épouser_ est ici une altération d'_éponter_, qui faisait autrefois partie du langage populaire avec le sens de _glisser_, de _se dérober_.» C'est M. Francisque Michel qui dit cela, et il a raison. ÉPOUSER LA VEUVE, v. a. Être exécuté,--dans l'argot des malfaiteurs, dont beaucoup sont fiancés dès leur naissance avec la guillotine. ÉQUIPE, s. f. Les ouvriers qui composent une commandite,--dans l'argot des typographes. ÉREINTER, v. a. Dire du mal d'un auteur ou de son livre,--dans l'argot des journalistes; siffler un acteur ou un chanteur,--dans l'argot des coulisses. ÉREINTEUR, s. m. Homme-merle qui sait siffler au lieu de savoir parler, et remplace le style par l'injure, la bonne foi de l'écrivain digne de ce nom par la partialité du _condottiere_ digne de la police correctionnelle. ÉRÉNÉ, adj. et s. Éreinté,--fourbu,--dans l'argot du peuple. Ce mot, du meilleur français et toujours employé, manque au Dictionnaire de Littré. ERGOTS, s. m. pl. Les pieds ou les talons. _Être sur ses ergots._ Tenir son quant-à-soi; avoir une certaine raideur d'attitude frisant de très près l'impertinence. _Monter sur ses ergots._ Se fâcher. ES, s. m. Apocope d'_Escroc_,--dans l'argot des voyous, qui se plaisent à lutter de concision et d'inintelligibilité avec les voleurs. Ils disent aussi _Croc_, par aphérèse. ESBIGNER (S'), v. réfl. S'en aller, s'enfuir,--dans l'argot des faubouriens, à qui Désaugiers a emprunté cette expression. ESBLOQUANT, adj. Etonnant, ébouriffant,--dans l'argot des soldats, qui songent au _bloc_ plus souvent qu'ils ne le voudraient, et le mettent naturellement à toutes sauces. ESBROUFFANT, adj. Inouï, incroyable,--dans l'argot du peuple. ESBROUFFE, s. f. Embarras, manières, vantardises. _Faire de l'esbrouffe._ Faire plus de bruit que de besogne. ESBROUFFER, v. a. En imposer; faire des embarras, des manières, intimider par un étalage de luxe et d'esprit. Signifie aussi Réprimander. ESBROUFFEUR, s. et adj. Gascon de Paris, qui vante sa noblesse apocryphe, ses millions improbables, ses maîtresses imaginaires, pour escroquer du crédit chez les fournisseurs et de l'admiration chez les imbéciles. ESBROUFFEUSE, s. t. Drôlesse qui éclabousse d'autres drôlesses, ses rivales, par son luxe insolent, par ses toilettes tapageuses, par le nombre et la qualité de ses amants. ESCAFIGNONS, s. m. Souliers,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait ou à peu près, il y a 450 ans, Eustache Deschamps, l'inventeur de la _Ballade_. «De bons harnois, de bons chauçons velus. D'escafilons, de sollers d'abbaïe.» Les écoliers du temps jadis disaient _Escaffer_ pour Donner un coup de pied «quelque part.» _Sentir l'escafignon._ Puer des pieds. ESCANNER, v. n. Fuir,--dans l'argot des voleurs. _A l'escanne!_ Fuyons! ESCARE, s. m. Empêchement,--dans le même argot. ESCARER, v. a. et n. Empêcher. ESCAREUR, s. m. Homme qui trouve des obstacles à tout. ESCARGOT, s. m. Homme mal fait, mal habillé,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Vagabond, homme qui se traîne sur les chemins, rampant pour obtenir du pain, et quelquefois montrant les cornes pour obtenir de l'argent. ESCARPE, s. m. Voleur qui va jusqu'à l'assassinat pour en arriver à ses fins.--Argot des prisons. C'était ici, pour MM. les étymologistes, une magnifique occasion d'exercer leur verve... singulière. Eh bien, non! tous ont gardé de Conrart le silence prudent. Me permettra-t-on, à défaut de la leur, de risquer ma petite étymologie? Je ne dirai pas: _Escarpe_, parce que le voleur qui tient absolument à voler, escalade la _muraille_ qui sépare le délit du crime et la prison de l'échafaud; mais seulement parce qu'il emploie un instrument tranchant _aigu_,--_scarp_ en allemand. Pourquoi pas? _escarbot_ vient bien de _scarabæus_, en vertu d'une épenthèse fréquente dans notre langue. A moins cependant qu'_escarpe_ ne vienne du couteau d'_escalpe_ (du _scalp_) des sauvages... (V. _Les Natchez_). _Escarpe-Zézigue._ Suicide. ESCARPER, v. a. Tuer, _écharper_ un homme. On disait autrefois _Escaper_. _Escarper un zigue à la capahut._ Assassiner un camarade pour lui voler sa part de butin. ESCARPINER (S'). S'échapper, s'enfuir en courant légèrement,--dans l'argot des faubouriens, qui ne savent pas qu'ils emploient un mot du XVIe siècle. ESCARPINS DE LIMOUSIN, s. m. pl. Sabots,--dans l'argot du peuple, qui sait que les Lémovices n'ont jamais porté d'autre chaussure, si l'on en excepte toutefois des souliers pachydermiques qui ont plus de clous que l'année n'a de semaines. On dit aussi _Escarpins en cuir de brouette_. ESCARPOLETTE, s. f. Charge de bon ou de mauvais goût, interpolation bête ou spirituelle,--dans l'argot des comédiens. ESCLOTS, s. m. pl. Sabots,--dans l'argot du peuple, qui se servait déjà de cette expression du temps de Rabelais. ESCOBAR, s. m. Nom d'homme, qui est devenu celui de tous les hommes dont la conduite est tortueuse et dont les paroles semblent louches. ESCOFFIER, v. a. Tuer,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot au provençal escofir. ESCOGRIFFE, s. m. Homme de grande taille et de mine suspecte,--dans le même argot. On dit aussi _Grand escogriffe_--pour avoir l'occasion de faire un pléonasme. ESCOUSSE, s. f. Élan,--dans l'argot des écoliers. _Prendre son escousse._ Reculer de quelques pas en arrière pour sauter plus loin en avant. ESPALIER, s. m. Figurante,--dans l'argot des coulisses. ESPALIER, s. m. Galérien,--dans l'ancien argot des voleurs. ESPÈCE, s. f. Femme entretenue,--dans l'argot méprisant des bourgeoises, héritières des rancunes des duchesses contre les jolies filles qui leur enlèvent leurs fils et leurs maris. ESPÉRANCES, s. f. pl. Héritage paternel ou maternel que toute jeune fille bien élevée doit apporter comme surcroît de dot à son époux, qui ne craint pas de voir mettre les souliers d'un mort dans la corbeille de mariage. _Avoir des espérances._ Avoir des grands-parents riches que l'on compte voir mourir bientôt,--façon bourgeoise de «tuer le mandarin!» ESQUINTE, s. m. Abîme,--dans l'argot des voleurs. ESQUINTER, v. a. Fracturer, briser, perdre, _abîmer_, tuer. Signifie aussi: Tromper, enfoncer quelqu'un. ESQUINTER, v. a. Éreinter, battre,--dans l'argot du peuple. _S'esquinter_, v. pron. Se fatiguer à travailler, à marcher, à jouer, à--n'importe quoi de fatigant. On dit aussi _S'esquinter le tempérament_. ESSAYER LE TREMPLIN. Jouer dans un lever de rideau; être le premier à chanter dans un concert. Argot des comédiens et des chanteurs de café-concert. On dit aussi _Balayer les planches_. ESSENCE DE CHAUSSETTES, s. f. Sueur des pieds,--dans l'argot des faubouriens. ESSUYER LES PLÂTRES, v. a. Habiter une maison récemment construite, dont les plâtres n'ont pas encore eu le temps de sécher. Se dit aussi, ironiquement, des Gandins qui embrassent des filles trop maquillées. ESSUYEUSE DE PLÂTRES, s. f. Lorette, petite dame, parce que ce type parisien, essentiellement nomade, plante sa tente où le hasard le lui permet, mais surtout dans les maisons nouvellement construites, où l'on consent à l'admettre à prix réduits, et même souvent pour rien. C'est ainsi qu'on fait essayer les ponts aux soldats. ESTAFFIER, s. m. Sergent de ville, mouchard,--dans l'argot du peuple, fidèle à la tradition. ESTAFFION, s. m. Chat,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Griffard_. ESTAFFION, s. m. Taloche, coup de poing léger,--dans l'argot du peuple. ESTAMPILLER, v. a. Marquer du fer rouge,--dans l'argot des prisons. ESTOC, s. m. Esprit, finesse, malice,--dans l'argot des voleurs, qui emploient là une expression de la langue des honnêtes gens. ESTOMAC, s. m. La gorge de la femme,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Marot: «Quant je voy Barbe en habit bien duisant, Qiu l'estomac blanc et poli descœuvre.» ESTOMAQUÉ, adj. Étonné, stupéfait,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Stomaqué_. ESTOME, s. m. Apocope d'_Estomac_,--dans l'argot des faubouriens. ESTORGUE, s. f. Fausseté, méchanceté,--dans l'argot des voleurs. _Centre à l'estorgue._ Faux nom. _Chasse à l'estorgue._ OEil louche,--storto. ESTOURBIR, v. a. Tuer,--dans l'argot des faubouriens et des voleurs. Le vieux français avait _esturbillon_, tourbillon, et le latin _exturbatio_. L'homme que l'on tue au moment où il s'y attend le moins doit être en effet estourbillonné. Signifie aussi Mourir. ESTOURBIR (S'). Disparaître, s'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. Par extension: Mourir. ESTRANGOUILLADE, s. f. Action d'étrangler, _strangulare_,--dans l'argot du peuple. ESTRANGOUILLER, v. a. et n. Etrangler quelqu'un, étouffer. ESTROPIER UN ANCHOIS, v. a. Manger un morceau pour se mettre en appétit; faire un déjeuner préparatoire. Argot des ouvriers. ESTUQUER, v. a. et n. Donner ou recevoir des coups,--dans l'argot du peuple. ÉTAL, s. m. La gorge de la femme,--dans l'argot des faubouriens, qui appellent la chair de la _viande_. ÉTALER, v. a. Jeter par terre,--dans l'argot du peuple. _S'étaler._ Se laisser tomber. ÉTALER SA MARCHANDISE, v. a. Se décolleter trop,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des marchandes d'amour. ET ALLEZ DONC! Phrase exclamative, une selle à tous chevaux: on l'emploie volontiers pour renforcer ce qu'on vient de dire, comme coup de fouet de la fin. ÉTALON, s. m. Homme de galante humeur,--dans l'argot du peuple. ÉTAMINE, s. f. Chagrin, misère,--dans l'argot du peuple, qui sait que l'homme doit passer par là pour devenir meilleur. _Passer par l'étamine._ Souffrir du froid, de la faim et de la soif. ÉTEINDRE SON GAZ, v. a. Se coucher,--dans l'argot du peuple. Le mot est de Gavarni. Se dit aussi pour Mourir. ÉTERNUER DANS DU SON, v. n. Étre guillotiné,--dans l'argot des bagnes. On dit aussi _Éternuer dans le sac_. ÉTERNUER UN NOM. Se dit,--dans l'argot du peuple, d'un nom difficile à prononcer, à cause des nombreuses consonnes sifflantes qui le composent, par exemple les noms polonais. ET MÈCHE! Formule de l'argot des faubouriens, employée ordinairement pour exagérer un récit: «Combien cette montre a-t-elle coûté? soixante francs?--Soixante francs, et mèche!» c'est-à-dire beaucoup plus de soixante francs. ÉTOILE, s. f. Cantatrice en renom, comédienne hors ligne, premier rôle d'un théâtre,--dans l'argot des coulisses, où il y a tant de nébuleuses. ÉTOILE DE L'HONNEUR, s. f. La croix de la Légion d'honneur,--dans l'argot des vaudevillistes, plus académiciens qu'ils ne s'en doutent. ÉTOILE, s. f. Bougie allumée ou non,--dans l'argot des francs-maçons. _Etoile flamboyante._ Le symbole de la divinité. ÉTOUFFER, v. a. Cacher, faire disparaître,--dans l'argot des faubouriens. ÉTOUFFER UNE BOUTEILLE, v. a. La boire, la faire disparaître jusqu'à la dernière goutte,--dans l'argot du peuple. ÉTOUFFEUR, s. m. Libraire qui ne sait pas _lancer_ ses livres ou qui ne veut pas lancer les livres édités par les autres libraires. ÉTOUFFOIR, s. m. Table d'hôte où l'on joue l'écarté,--dans l'argot des voleurs, qui savent que dans ces endroits-là on _ferme_ tout avec soin, portes et fenêtres, de peur de surprise policière. ÉTOURDIR, v. n. Solliciter,--dans le même argot. ÉTOURDISSEUR, s. m. Solliciteur. ÉTRANGLER UNE DETTE, v. a. L'acquitter, pour s'en débarrasser lorsqu'elle est trop criarde,--dans l'argot des bohèmes. ÊTRE (En), v. n. Faire partie de la corporation des non-conformistes. ÊTRE (En), v. n. Euphémisme de l'argot du peuple, qui est une allusion aux _Insurgés de Romilly_. (Voir ce mot.) ÊTRE (L'). Être trompé par sa femme,--dans l'argot des bourgeois, qui se plaisent à équivoquer sur ce verbe elliptique. ÊTRE A COUTEAUX TIRÉS AVEC QUELQU'UN. Être brouillé avec lui, ne plus le saluer ni lui parler,--dans l'argot des bourgeois. ÊTRE A FEU. Être en colère,--dans l'argot des faubouriens. ÊTRE A FOND DE CALE. N'avoir plus d'argent,--dans l'argot des ouvriers. ÊTRE A JEUN. Être vide,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des choses aussi bien qu'à propos des gens, au sujet d'un sac aussi bien qu'au sujet d'un cerveau. _Avoir la sacoche à jeun._ N'avoir pas le sou. ÊTRE A LA BONNE, v. n. Inspirer de la sympathie, de l'intérêt de l'amour,--dans l'argot du peuple, qui a conservé là, en la modifiant un peu, une vieille expression française. Les gens de lettres modernes ont employé cette expression à propos de M. Sainte-Beuve, et ils ont cru l'avoir inventée pour lui. «Vous ne poviez venir à heure plus opportune, nostre maistre est en ses bonnes,» dit Rabelais. ÊTRE A LA CAMPAGNE, v. n. Être à Saint-Lazare,--dans l'argot des filles qui rougissent d'aller en prison et ne rougissent pas d'autre chose non moins grave. ÊTRE A LA CHANCELLERIE. Être pris de façon à ne pouvoir se défendre,--dans l'argot des lutteurs français et anglais. ÊTRE A LA FÊTE, v. n. Être de bonne humeur;--dans l'argot du peuple. ÊTRE A LA MANQUE, v. n. Tromper quelqu'un, le trahir,--dans l'argot des voyous. ÊTRE A LA PAILLE (En). Être à l'agonie,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion à la paille que l'on étale dans la rue devant la maison où il y a un malade. ÊTRE A L'OMBRE, v. n. Être en prison,--dans l'argot du peuple. ÊTRE A PLUSIEURS AIRS, v. n. Faire ses embarras; faire ses coups à la sourdine,--dans l'argot des ouvriers. ÊTRE A POT ET A FEU AVEC QUELQU'UN. Avoir un commerce d'amitié, vivre familièrement avec lui. ÊTRE ARGENTÉ, v. n. Avoir dans la poche quelques francs disposés à danser le menuet sur le comptoir du marchand de vin. _Être désargenté._ N'avoir plus un sou pour boire. ÊTRE A SEC. N'avoir plus d'argent,--dans l'argot du peuple. C'est la même expression que _Les eaux sont basses_. ÊTRE A TU ET A TOI AVEC QUELQU'UN. Vivre familièrement avec quelqu'un, être son ami, ou seulement son compagnon de débauche. ÊTRE AUX ÉCOUTES, v. n. Faire le guet; surprendre une conversation,--dans l'argot du peuple. L'expression sort de la langue romane. ÊTRE AVEC UNE FEMME, v. n. Vivre maritalement avec elle,--dans l'argot des ouvriers. ÊTRE AVEC UN HOMME, v. n. Vivre en concubinage avec lui,--dans l'argot des grisettes. ÊTRE BIEN, v. n. Être en état d'ivresse,--dans l'argot du peuple. ÊTRE BIEN DE SON PAYS. Avoir de la naïveté, s'étonner de tout et de rien, se fâcher au lieu de rire. Argot du peuple. ÊTRE BIEN PORTANT, v. n. Être libre,--dans l'argot des voleurs. ÊTRE BON LÀ. Demander plus qu'il n'est permis. Manifester des exigences ou des prétentions,--dans l'argot du peuple, qui n'emploie cette expression qu'ironiquement, par antiphrase. ÊTRE BREF, v. n. _Être à court d'argent._ ÊTRE CHARGÉ A CUL. Être pressé, scatologiquement parlant,--dans l'argot des commissionnaires. ÊTRE COMPLET. Être ivre-mort,--dans l'argot des bourgeois. Signifie aussi, dans un sens ironique, Être parfait,--en vices. ÊTRE COUSU D'OR. Avoir beaucoup d'argent,--dans l'argot du peuple qui a l'hyperbole facile. ÊTRE CROTTÉ. N'avoir pas le sou,--dans l'argot des ouvriers tailleurs. Ils le disent aussi d'un travail pour lequel il manque la quantité d'étoffe voulue, ou qui nécessite une économie extraordinaire. ÊTRE DANS DE BEAUX DRAPS. Se dit ironiquement de quelqu'un qui s'est attiré une fâcheuse affaire, ou qui est ruiné. Argot du peuple. ÊTRE DANS LE SIXIÈME DESSOUS. Être ruiné, ou mort,--forme explétive de _Troisième dessous_, qui est la dernière cave pratiquée sous les planches de l'Opéra pour en recéler les machines. ÊTRE DANS LES PAPIERS DE QUELQU'UN. Avoir sa confiance, son affection. On dit aussi _Être dans les petits papiers de quelqu'un_. ÊTRE DANS LES VIGNES. Être complètement ivre,--dans l'argot du peuple. Il dit aussi _Être dedans_. ÊTRE DANS SES PETITS SOULIERS. Être embarrassé, gêné par une observation, par une question, en souffrir et en faire la grimace, comme quelqu'un qui serait trop étroitement chaussé. Argot des bourgeois. ÊTRE DANS TOUS SES ÉTATS. Être très préoccupé d'une chose; se donner beaucoup de mal, se remuer extrêmement à propos de n'importe quoi et de n'importe qui, et souvent ne pas faire plus de besogne que la mouche du coche. Même argot. ÊTRE DANS UN ÉTAT VOISIN. Être ivre,--dans l'argot des typographes, qui pratiquent volontiers l'ellipse et la syncope. ÊTRE DE CHÉ, ou d'CHÉ. Être complètement saoul,--dans l'argot des voleurs. ÊTRE DE LA BONNE, v. n. Être heureux, avoir toutes les chances,--dans l'argot des voleurs. ÊTRE DE LA FÊTE. Être heureux ou hors de danger après avoir été compromis, menacé. Argot du peuple. ÊTRE DE LA HAUTE. Appartenir à l'aristocratie du mal,--dans le même argot. Faire partie de l'aristocratie du vice,--dans l'argot des filles. ÊTRE DE LA PAROISSE DE LA NIGAUDAIE. Être un peu trop simple d'esprit,--dans l'argot du peuple. ÊTRE DE LA PAROISSE DE SAINT-JEAN-LE-ROND. Être ivre,--dans l'argot des ouvriers irrévérencieux sans le savoir envers d'Alembert. ÊTRE DE LA PROCESSION. Être du métier. On dit aussi _En être_. ÊTRE DÉMATÉ. Être vieux, impotent,--dans l'argot des marins. ÊTRE DESSOUS. Être ivre,--dans l'argot du peuple. ÊTRE DU BÂTIMENT, v. n. Faire partie de la rédaction d'un journal. Être feuilletoniste ou vaudevilliste,--dans l'argot des gens de lettres, qui forment une corporation dont l'union ne fait pas précisément la force. ÊTRE D'UN BON SUIF. Être ridicule, mal mis, ou contrefait,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Être d'un bon tonneau_. ÊTRE DU QUATORZIÈME BÉNÉDICITÉ. Faire partie du régiment,--ou plutôt de l'armée des imbéciles. ÊTRE ENCORE (L'). C'est, pour une femme, avoir encore le droit de recevoir un bouquet de roses blanches, le jour de l'Assomption, sans être exposée à considérer le présent comme une épigramme. ÊTRE EN DÉLICATESSE AVEC QUELQU'UN. Être presque brouillé avec lui; l'accueillir avec froideur,--dans l'argot des bourgeois. ÊTRE EN FINE PÉGRAINE, v. n. Être à toute extrémité,--dans l'argot des prisons. ÊTRE EN TRAIN, v. n. Commencer à se griser,--dans l'argot des ouvriers. ÊTRE FORT AU BÂTONNET. Façon de parler ironique qu'on emploie à propos d'une maladresse commise. ÊTRE LE BOEUF, v. a. Être victime de quelque mauvaise farce, de quelque mauvais coup,--dans l'argot du peuple, qui a voulu faire allusion au dieu Apis que l'on abat tous les jours dans les échaudoirs sans qu'il proteste, même par un coup de corne. ÉTRENNER, v. n. Recevoir un soufflet, un coup quelconque. Argot des faubouriens. ÊTRE PAF, v. n. Être en état d'ivresse. Même argot. ÊTRE PRÈS DE SES PIÈCES. N'avoir pas d'argent ou en avoir peu. Argot du peuple. ÊTRE PRIS DANS LA BALANCINE. Se trouver dans une position gênante. L'expression est de l'argot des marins. ÊTRE SUR LA PLANCHE, v. n. Comparaître en police correctionnelle ou devant la Cour d'assises. Argot des voleurs. ÊTRE SUR LE SABLE, v. n. N'avoir pas de maîtresse,--dans l'argot des souteneurs, que cela expose à crever de faim. ÊTRE TROP PETIT. N'avoir pas l'adresse ou le courage nécessaire pour une chose. Argot du peuple. _T'es trop petit!_ est une expression souveraine de mépris, dans la bouche des faubouriens. ÊTRE VENT DESSUS VENT DEDANS. Être en état d'ivresse,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. ÉTRILLER, v. a. Donner des coups,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Voler, surfaire un prix, surcharger une addition. ÉTRON, s. m. _Stercus_,--dans le même argot. Signifie aussi: Homme mou, sans consistance, sans valeur. L'expression est ignoble, mais elle a de nobles parrains. Rabelais n'a-t-il pas dit, au chapitre des _Meurs et conditions de Panurge_: «Il fit une tarte bourbonnoise, composée de force de ailz..., d'estroncs tous chaulx, et la destrempit en sanie de bosses chancreuses?» ÉTRONNER, v. n. _Cacare_,--dans l'argot des faubouriens. ET TA SOEUR! Expression fréquemment employée par les faubouriens à tout propos et même sans propos, comme réponse à une importunité, à une demande extravagante, ou pour se débarrasser d'un fâcheux. On dit quelquefois aussi: _Et ta sœur, est-elle heureuse?_ C'est le refrain d'une chanson très populaire,--malheureusement. ÉTUDIANT DE LA GRÈVE, s. m. Maçon,--dans l'argot du peuple. ÉTUDIANTE, s. f. Grisette,--dans l'argot des ouvriers. _Etudiante pur sang._ Fille destinée à embellir l'existence de plusieurs générations d'étudiants. ÉTUI, s. m. La peau du corps,--dans l'argot du peuple, qui a l'honneur de se rencontrer avec Shakespeare (_case_). Se dit aussi pour Vêtements. ÉTUI A LORGNETTE, s. m. Cercueil,--dans l'argot des voyous, qui ont parfaitement saisi l'analogie de forme existant entre deux choses pourtant si différentes comme destination. EUSTACHE, s. m. Couteau,--dans l'argot du peuple, qui dit aussi: Ustache. ÉVANOUIR (S'). S'en aller de quelque part,--dans l'argot des faubouriens. ÉVAPORER, v. a. Voler quelque chose adroitement,--dans le même argot. ÉVENTAIL A BOURRIQUE, s. m. Bâton,--dans le même argot. ÉVÊQUE DE CAMPAGNE, s. m. Pendu,--dans l'argot du peuple, qui veut dire que ces sortes de suicidés bénissent avec les pieds. EXCELLENT (Être). Puer de l'_aisselle_,--dans l'argot des bourgeois, qui font des calembours par à peu près et pour faire celui-ci sont forcés de prononcer _essellent_. EXÉCUTER QUELQU'UN, v. a. Lui interdire l'entrée de la Bourse, parce qu'il est insolvable,--dans l'argot des coulissiers. EXPÉDIER, v. a. Tuer,--dans l'argot du peuple. EXPERT, s. m. Officier de loge,--dans l'argot des francs-maçons. EXTRA, s. m. Garçon de supplément,--dans l'argot des cafés et des restaurants. EXTRA, s. m. Dîner fin,--dans l'argot des bourgeois qui _traitent_. EXTRA, s. m. Petite débauche supplémentaire,--dans l'argot du peuple. _Faire un extra._ Faire une petite noce, une petite débauche de table. Signifie aussi, seulement: Ajouter un plat à un repas trop spartiate, un demi-setier à un déjeuner composé de pommes de terre frites, etc. EXTRA, s. m. Convive,--dans l'argot des tables d'hôte militaires. F FACE, s. f. Pièce de cinq centimes,--dans l'argot des faubouriens, qui peuvent ainsi contempler à peu de frais la figure du monarque régnant. FACE! Exclamation de l'argot des ouvriers, qui la font entendre lorsqu'au cabaret ou au café quelque chose tombe et se casse. FACE DE CARÊME, s. f. Mine fatiguée, pâlie par l'étude ou les veilles malsaines. Argot du peuple. FACE DU GRAND TURC, s. f. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc,--dans le même argot. FACES, s. f. pl. Joues,--dans l'argot des bourgeois. FACIÈS, s. m. Visage,--dans l'argot du peuple, qui parle sans s'en douter comme Cicéron. FACTIONNAIRE, s. m. _Insurgé de Romilly._ (V. ce mot.) _Poser un factionnaire_, Alvum deponere. FACTOTON, s. m. Valet, homme à tout faire,--(_factotum_),--dans l'argot du peuple, qui n'emploie jamais cette expression qu'en mauvaise part. FACTURIER, s. m. Vaudevilliste qui a la spécialité des _couplets de facture_. FADAGE, s. m. Partage,--dans l'argot des voleurs. FADARD, adj. et s. Bon, beau, agréable,--dans l'argot des faubouriens. FADASSE, s. f. Femme trop blonde,--dans l'argot du peuple, qui ne sait pas que ses grand mères, les Gauloises, avaient les cheveux flaves. FADE, s. m. Quote-part de chacun dans une dépense générale; Ecot que l'on paye dans un pique-nique. Mot de l'argot des voleurs qui a passé dans l'argot des ouvriers. Mais, avant d'appartenir au _cant_, il appartenait à notre vieille langue: «Saciés bien que se je en muir, _faide_ vos en sera demandée», dit Aucassin au vicomte de Beaucaire, qui lui a enlevé Nicolette. Or _faide_ ici signifie _compte_ et ne peut venir que de _fœdus_, accord particulier, règlement, _compte_. FADE, s. m. Fat,--dans l'argot du peuple, qui trouve que ce mot exprime bien le dégoût que lui causent les gens amoureux de leur personne. Les deux mots ont d'ailleurs la même étymologie, _fatuus_, insipide. FADER, v. n. et a. Partager des objets volés. FADEURS, s. m. pl. Mensonges ordinaires de la conversation,--dans l'argot du peuple, payé pour être sceptique. Il n'emploie ordinairement cette expression que pour se moquer, et à propos de n'importe quoi. On lui raconte que le roi d'Araucanie est monté sur son trône «Des fadeurs!» dit-il. On lui assure que la France va avoir la guerre avec l'Angleterre à propos de Madagascar: «Des fadeurs!» On lui apprend une mauvaise nouvelle: «Des fadeurs!» Une bonne: «Des fadeurs!» etc. FAFFE ou FAFIOT, s. m. Papier blanc ou imprimé,--dans l'argot des voleurs. _Fafiot garaté._ Billet de banque autrefois signé _Garat_ et aujourd'hui _Soleil_. _Fafiot mâle._ Billet de mille francs. _Fafiot femelle._ Billet de cinq cents francs. _Fafiot loff._ Faux certificat ou faux passeport. _Fafiot sec._ Bon certificat ou bon passeport. FAFIOTEUR, s. m. Marchand de papiers; Banquier. Signifie aussi Ecrivain. FAFIOTS, s. m. p. Souliers,--dans l'argot des revendeuses du Temple. FAGOT, s. m. Forçat,--Homme qui est lié à un autre homme: en liberté, par une complicité de sentiments mauvais; au bagne, par des manicles. _Fagot à perte de vue._ Condamné aux travaux forcés à perpétuité. _Fagot affranchi._ Forçat libéré. FAGOT, s. m. Vieillard,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui savent mieux que personne ce qu'on fait du bois mort. FAGOT, s. m. Élève de l'École des eaux et forêts,--dans l'argot des Polytechniciens. FAGOTÉ, adj. Habillé, arrangé,--dans l'argot des bourgeois, qui n'emploient jamais ce mot qu'en mauvaise part. FAGOTER, v. a. Travailler sans soin, sans goût, maladroitement,--dans l'argot des ouvriers. FAGOTER (Se), v. réfl. S'habiller extravagamment, grotesquement. A signifié autrefois Se moquer. FAGOTS, s. m. pl. Contes à dormir debout, niaiseries,--dans l'argot du peuple. _Débiter des fagots._ Dire des fadaises, des sottises. FAIBLE, s. m. Penchant, tendresse particulière et souvent injuste,--dans l'argot des bourgeois. _Prendre quelqu'un par son faible._ Caresser sa marotte, flatter son vice dominant. FAILLOUSE, s. f. Le jeu de la bloquette,--dans l'argot des écoliers. FAÎNE, s. f. Pièce de cinq centimes,--dans l'argot des ouvriers, qui pour trouver cette analogie, ont dû se reposer _sub tegmine fagi_. FAININ, s. m. Liard,--qui est une petite faîne. FAIRE, s. m. Façon d'écrire ou de peindre,--dans l'argot des gens de lettres et des artistes. FAIRE, v. a. Dépecer un animal,--dans l'argot des bouchers, qui _font_ un veau, comme les vaudevillistes un _ours_. FAIRE, v. a. Visiter tel quartier commerçant, telle ville commerçante, pour y offrir des marchandises,--dans l'argot des commis voyageurs et des petits marchands. FAIRE, v. n. _Cacare_,--dans l'argot à moitié chaste des bourgeois. _Faire dans ses bas._ Se conduire en enfant, ou comme un vieillard en enfance; ne plus savoir ce qu'on fait. FAIRE, v. n. Jouer,--dans l'argot des bohèmes. _Faire son absinthe._ Jouer son absinthe contre quelqu'un, afin de la boire sans la payer. On fait de même son dîner, son café, le billard, et le reste. FAIRE, v. n. Travailler, être ceci ou cela,--dans l'argot des bourgeois. _Faire dans l'épicerie._ Être épicier. _Faire dans la banque._ Travailler chez un banquier. FAIRE, v. a. Voler, et même Tuer,--dans l'argot des prisons. _Faire le foulard._ Voler des mouchoirs de poche. _Faire des poivrots_ ou _des gavés_. Voler des gens ivres. _Faire une maison entière._ En assassiner tous les habitants sans exception et y voler tout ce qui s'y trouve. FAIRE (Le), v. a. Réussir,--dans l'argot du peuple, qui emploie ordinairement ce verbe avec la négative, quand il veut défier ou se moquer. Ainsi: _Tu ne peux pas le faire_, signifie: Tu ne me supplanteras pas,--tu ne peux pas lutter de force et d'esprit avec moi,--tu ne te feras jamais aimer de ma femme,--tu ne deviendras jamais riche, ni beau,--etc., etc. Comme quelques autres du même argot, ce verbe, essentiellement parisien, est une selle à tous chevaux. FAIRE (Se), v. réfl. S'habituer,--dans l'argot des bourgeois. _Se faire à quelque chose._ Y prendre goût. _Se faire à quelqu'un._ Perdre de la répugnance qu'on avait eue d'abord à le voir. FAIRE (Se). Se bonifier,--dans l'argot des marchands de vin. FAIRE ACCROCHER (Se). Se faire mettre à la salle de police,--dans l'argot des soldats. FAIRE A LA RAIDEUR (La). Se montrer raide, exigeant, dédaigneux,--dans l'argot des petites dames. Elles disent de même: _La faire à la dignité_, ou _à la bonhomie_, ou _à la méchanceté_, etc. FAIRE ALLER, v. a. Se moquer de quelqu'un, le berner,--dans l'argot du peuple. FAIRE A L'OSEILLE (La), v. a. Jouer un tour désagréable à quelqu'un,--dans l'argot des vaudevillistes. L'expression sort d'une petite gargote de cabotins de la rue de Malte, derrière le boulevard du Temple, et n'a que quelques années. La maîtresse de cette gargote servait souvent à ses habitués des œufs à l'oseille, où il y avait souvent plus d'oseille que d'œufs. Un jour elle servit une omelette... sans œufs.--«Ah! cette fois, tu nous la fais trop à l'oseille,» s'écria un cabotin. Le mot circula dans l'établissement, puis dans le quartier; il est aujourd'hui dans la circulation générale. FAIRE AU MÊME, v. a. Tromper, prendre sa revanche de quelque chose,--dans l'argot du peuple. Il dit aussi _Refaire au même_. FAIRE BAISER (Se). Se faire arrêter ou _engueuler_,--dans le même argot. On dit aussi _Se faire choper_. FAIRE BALAI NEUF, v. n. Montrer un zèle exagéré qui ne pourra pas se soutenir,--dans le même argot. FAIRE BRÛLER MOSCOU. Faire un punch monstre,--dans l'argot des soldats, qui connaissent tous, par ouï-dire, les belles flammes qui s'échappaient, le 29 septembre 1812, de l'antique cité des czars, brûlée par Rostopchin. FAIRE CABRIOLET. Se traîner sur le cul, comme les chiens lorsqu'ils veulent se torcher. Argot du peuple. FAIRE CASCADER LA VERTU, v. a. Obtenir d'une femme l'aveu de son amour et en abuser,--dans l'argot de Breda-Street, d'après _la Belle Hélène_. FAIRE CELUI QUI... Faire semblant de faire une chose,--dans l'argot du peuple. FAIRE CHARLEMAGNE. Se retirer du jeu après y avoir gagné, sans vouloir donner de revanche,--dans l'argot des joueurs, qui savent ou ne savent pas leur histoire de France. «Charlemagne (dit Génin en ses _Récréations philologiques_) garda jusqu'à la fin toutes ses conquêtes, et quitta le jeu de la vie sans avoir rien rendu du fruit de ses victoires; le joueur qui se retire les mains pleines fait comme Charlemagne: il fait Charlemagne: _Se non è vero_... Je ne demande pas mieux d'en croire Génin, mais jusqu'ici il m'avait semblé que Charlemagne n'avait pas autant _fait Charlemagne_ que le dit le spirituel et regrettable érudit, et qu'il y avait, vers les dernières pages de son histoire, une certaine défaite de Roncevaux qui en avait été le Waterloo. Et puis... Mais le chevalier de Cailly avait raison! FAIRE CORPS NEUF, v. a. _Alvum deponere_,--et le remplir ensuite de nouveaux aliments. FAIRE COUCOU. Jouer à se cacher,--dans l'argot des enfants. FAIRE COULER UN ENFANT, v. a. Prendre un médicament abortif,--dans l'argot des filles. FAIRE CUIRE SA TOILE, v. a. Employer les tons rissolés, les grattages, les ponçages,--dans l'argot des critiques d'art, qui n'ont pas encore digéré la peinture de Decamps. FAIRE CUIRE SON HOMARD, v. a. Rougir d'émotion ou d'autre chose,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Faire cuire son écrevisse_. FAIRE DANSER UN HOMME SUR LA PELLE A FEU. Exiger sans cesse de l'argent de lui, le ruiner,--dans l'argot des petites dames. On dit aussi _Faire danser sur la poêle à frire_. FAIRE DE CENT SOUS QUATRE FRANCS, v. a. Dépenser follement son argent,--dans l'argot des bourgeois, qui ajoutent quelquefois: _Et de quatre francs rien_. FAIRE DE LA MUSIQUE. Se livrer à des conversations intempestives sur les coups. Argot des joueurs. FAIRE DE LA POUSSIÈRE, v. a. Faire des embarras,--dans l'argot des petites dames, qui recommandent toujours à leurs cochers d'aller grand train quand il s'agit de _couper_ une rivale sur le boulevard, ou dans l'avenue des Champs-Élysées, ou dans les allées du bois de Boulogne. FAIRE DE L'EAU, v. a. _Meiere_,--dans l'argot des bourgeois. Ils disent aussi _Epancher de l'eau_, _Pencher de l'eau_ et _Lâcher de l'eau_. FAIRE DE L'OR. Gagner beaucoup d'argent. Le peuple, lui, dit _Chier de l'or_. FAIRE DES AFFAIRES, v. a. Faire beaucoup de bruit pour rien, exagérer l'importance des gens et la gravité des choses,--dans l'argot du peuple, qui se gausse volontiers des M. Prudhomme. On dit aussi _Faire des affaires de rien_. FAIRE DES AFFAIRES (Se), v. réfl. S'attirer des désagréments, des querelles, des embarras. FAIRE DES CHOUX ET DES RAVES, v. a. Faire n'importe quoi d'une chose, s'en soucier médiocrement,--dans l'argot des bourgeois. FAIRE DES CORDES, v. a. _Difficilimè excernere_,--dans l'argot du peuple, qui emploie là une expression déjà vieille: _Tu funem cacas?_ dit à son camarade un personnage d'une comédie grecque traduite en latin. FAIRE DES CRÊPES, v. a. S'amuser comme il est de tradition de le faire au Mardi-Gras,--dans l'argot des artistes, gouailleurs de leur nature. Se dit volontiers pour retenir quelqu'un: «_Rester donc; nous ferons des crêpes_.» FAIRE DES GAUFRES. S'embrasser entre grêlés,--dans l'argot du peuple. FAIRE DES GRÂCES, v. a. Minauder ridiculement. Signifie aussi: S'étendre paresseusement au lieu de travailler. FAIRE DES SIENNES, v. a. Faire des folies ou des sottises,--dans l'argot des bourgeois. FAIRE DES YEUX DE HARENG, v. a. Crever les yeux à quelqu'un,--dans l'argot des voleurs. FAIRE DE VIEUX OS (Ne pas), v. a. Ne pas demeurer longtemps dans un emploi, dans un logement, etc. Signifie aussi: N'être pas destiné à mourir de vieillesse, par suite de maladie héréditaire ou de santé débile. FAIRE DU LARD, v. a. Dormir; se prélasser au lit,--dans l'argot du peuple, à qui les exigences du travail ne permettront jamais d'engraisser. _Aller faire du lard._ Aller se coucher. FAIRE DU PAPIER MARBRÉ, v. a. Avoir la mauvaise habitude de se réchauffer les pieds avec un _gueux_,--dans l'argot du peuple, qui a eu maintes fois l'occasion de constater les inconvénients variqueux de cette habitude familière aux marchandes en plein vent, aux portières, et généralement à toutes les femmes trop pauvres pour pouvoir employer un autre mode de chauffage que celui-là. FAIRE ÉCLATER LE PÉRITOINE (S'en). Manger ou boire avec excès,--dans l'argot des étudiants. FAIRE ENSEMBLE, v. n. Jouer ou manger ensemble,--dans l'argot des écoliers, qui prêtent quelquefois cette expression aux grandes personnes. FAIRE FEU, v. a. Boire,--dans l'argot des francs-maçons, qui ont des _canons_ pour verres. FAIRE JACQUES DÉLOGE, v. n. Partir précipitamment sans payer son terme ou sans prendre congé de la compagnie,--dans l'argot du peuple. FAIRE LA BALLE ÉLASTIQUE. Manquer de vivres,--dans l'argot des voleurs, que cela doit faire _bondir_. FAIRE LA BARBE, v. a. Se moquer de quelqu'un, lui jouer un vilain tour,--dans l'argot du peuple. FAIRE LA BÊTE, v. a. Faire des façons. On dit aussi _Faire l'âne pour avoir du son_. FAIRE LA GRANDE SOULASSE, v. a. Assassiner,--dans l'argot des voleurs. FAIRE LA GRASSE MATINÉE, v. a. Rester longtemps au lit à dormir ou à rêvasser,--dans l'argot des bourgeois, à qui leurs moyens permettent ce luxe. FAIRE LA MANCHE, v. a. Faire la quête,--dans l'argot des saltimbanques. FAIRE LA PLACE POUR LES PAVÉS A RESSORTS. Faire semblant de chercher de l'ouvrage et prier le bon Dieu de ne pas en trouver,--dans l'argot des ouvriers, ennemis-nés des paresseux. FAIRE LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS. Être le maître quelque part; avoir une grande influence dans une compagnie, dans un atelier. Argot des bourgeois. FAIRE LA RETAPE, v. a. Aller se promener sur le trottoir des rues ou des boulevards, en toilette tapageuse et voyante, bien _retapée_ en un mot, pour y faire la chasse à l'homme. Argot des filles et des souteneurs. FAIRE L'ARTICLE, v. a. Vanter sa marchandise,--dans l'argot des marchands. Parler de ses titres littéraires,--dans l'argot des gens de lettres. Faire étalage de ses vices,--dans l'argot des petites dames. FAIRE LA SOURIS, v. n. Enlever délicatement et sans bruit son argent à un homme au moment où il doit y penser le moins,--dans l'argot des petites dames qui ne craignent pas d'ajouter le vol au vice. FAIRE LA TORTUE. Jeûner,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens, qui font allusion à l'abstinence volontaire ou forcée à laquelle l'intéressant _testudo_ est astreint pendant des mois entiers. FAIRE LA VIE, v. n. Se débaucher, courir les gueuses, ou avoir de nombreux amants, selon le sexe,--dans l'argot des bourgeois, qui pensent peut-être que c'est plutôt _défaire sa vie_. FAIRE LE BON FOURRIER, v. n. C'est, dans un repas, servir ou découper de façon à ne pas s'oublier soi-même. _Faire le mauvais fourrier._ Servir ou découper de façon à contenter tout le monde excepté soi-même. FAIRE LE BOULEVARD, v. n. Se promener, en toilette provocante et en tournure exagérée, sur les boulevards élégants,--dans l'argot de Breda-Street, qui est l'écurie d'où sortent chaque soir, vers quatre heures, de si jolis pur-sang, miss Arabella, miss Love, etc. On dit aussi _Faire la rue_ ou _Faire le trottoir_. FAIRE LE CUL DE POULE, v. n. Faire la moue en avançant les lèvres et en les pressant,--dans l'argot du peuple. FAIRE L'ÉCUREUIL. Faire une besogne inutile, marcher sans avancer,--dans le même argot. FAIRE L'ÉGARD. Détourner à son profit partie d'un vol. On disait autrefois _Ecarter_,--ce qui est faire son _écart_. FAIRE LE GRAND, v. a. _Alvum deponere_,--dans l'argot des pensionnaires. Elles disent aussi _Faire le grand tour_. FAIRE LE LÉZARD, v. n. S'étendre au soleil et y dormir ou y rêver,--dans l'argot des bohèmes et du peuple. FAIRE LE MOUCHOIR, v. a. Voler une idée de drame, de vaudeville ou de roman,--dans l'argot des gens de lettres. FAIRE LE PETIT, v. a. _Meiere_;--dans l'argot des pensionnaires. Elles disent aussi _Faire le petit tour_. FAIRE LE PLONGEON, v. a. Se confesser _in extremis_--dans l'argot du peuple, qui a horreur de l'eau. C'est le mot de Condorcet parlant des derniers moments d'Alembert: «Sans moi, dit-il, il faisait le plongeon.» FAIRE L'OEIL DE CARPE. Rouler les yeux de façon à n'en montrer que le blanc,--dans l'argot des petites dames, qui croient ainsi donner fort à penser aux hommes. FAIRE MAL. Faire pitié,--dans l'argot des faubouriens et des filles, qui disent cela avec le plus grand mépris possible. _Ah! tu me fais mal!_ est d'une éloquence à nulle autre pareille: on a tout dit quand on a dit cela. FAIRE MOURIR (S'en). Désirer ardemment une chose,--dans l'argot du peuple. S'emploie d'ordinaire comme formule de refus à une demande indiscrète ou exagérée: _Ah! tu t'en ferais mourir!_ C'est le refrain d'une chanson récente qui a fait son tour de Paris comme le drapeau rouge, et qui est en train de faire son tour au monde comme le drapeau tricolore. FAIRE NONNE. Prêter la main à un vol,--dans l'argot des prisons. FAIRE PASSER LE GOÛT DU PAIN. Tuer quelqu'un,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Perdre le goût du pain_, pour Mourir. FAIRE PATROUILLE. Se débaucher de compagnie, courir les rues après minuit avec des libertins et des ivrognes. FAIRE PEAU NEUVE. S'habiller à neuf. FAIRE PÉTER LE CYLINDRE (S'en). Se dit, dans l'argot des faubouriens, de toute chose faite avec excès, comme de manger, de boire, etc., et qui pourrait faire éclater un homme,--c'est-à-dire le tuer. On dit aussi _S'en faire péter la sous-ventrière_. FAIRE PETITE CHAPELLE, v. n. Se chauffer comme ont la pernicieuse habitude de le faire les femmes du peuple, qui s'exposent ainsi à des maladies variqueuses. FAIRE PIEDS NEUFS, v. a. Accoucher d'un enfant,--dans l'argot du peuple, qui se souvient, sans l'avoir lu, du livre Ier, chap. VI, de _Gargantua_. FAIRE PLEURER SON AVEUGLE. _Meiere_,--dans l'argot des faubouriens. FAIRE RAMASSER (Se). Se faire arrêter,--dans l'argot des voleurs et des filles. FAIRE SA BALLE, v. a. Suivre les instructions ou les conseils de quelqu'un,--dans l'argot des prisons. FAIRE SALUER LE POLICHINELLE. Réussir, faire mieux que les autres,--dans l'argot des faubouriens. C'est une allusion aux tirs à l'arbalète des fêtes publiques, où, quand on met dans le mille, on voit sortir et saluer une tête de Turc quelconque. FAIRE SA SOPHIE, v. n. Se scandaliser à propos d'une conversation un peu libre, montrer plus de sagesse qu'il ne convient. On dit aussi _Faire sa poire_, _Faire sa merde_, et _Faire son étroite_,--dans l'argot des voyous. FAIRE SAUTER LA COUPE. Battre les cartes de façon à toujours amener le roi,--dans l'argot des _grecs_. FAIRE SAUTER LE SYSTÈME (Se), v. réfl. Se brûler la cervelle,--dans l'argot des faubouriens. FAIRE SES CHOUX GRAS DE QUELQUE CHOSE. En faire ses délices, s'en arranger,--dans l'argot des bourgeois. FAIRE SES FRAIS, v. a. Emmener un homme du Casino,--dans l'argot des petites dames, à qui leur toilette de combat coûterait bien cher si elles étaient forcées de la payer. FAIRE SES FRAIS, v. a. Réussir à plaire à une jolie femme un peu légère,--dans l'argot des libertins, qui sèmeraient en vain leur esprit et leur amabilité s'ils ne semaient en même temps quelques gouttes de «boue jaune». FAIRE SES ORGES, v. a. Faire des profits illicites,--dans l'argot du peuple. FAIRE SES PETITS PAQUETS, v. a. Être à l'agonie,--dans l'argot des infirmiers, qui ont remarqué que les malades ramassent leurs draps, les ramènent vers eux instinctivement, à mesure que le froid de la mort les gagne. FAIRE SON CAMBRONNE. _Cacare_,--dans l'argot dédaigneux des duchesses du faubourg Saint-Germain, qui disent cela depuis l'apparition des _Misérables_ de Victor Hugo. FAIRE SON DEUIL D'UNE CHOSE. La considérer comme perdue, s'en passer,--dans l'argot du peuple. FAIRE SON MICHAUD, v. a. Dormir,--dans le même argot. FAIRE SON TEMPS, v. a. Rester en prison ou au bagne pendant un nombre déterminé de mois ou d'années, à l'expiration duquel on est libre. --Se dit aussi du Service militaire auquel on est astreint lorsqu'on est tombé à la conscription. FAIRE SUER, v. a. Tuer.--dans l'argot des escarpes, qui d'un coup de surin, procurent immédiatement à un homme des sueurs de sang. --_Faire suer un chêne._ Tuer un homme. FAIRE TOMBER LE ROUGE. Avoir l'inconvénient de la bouche--dans l'argot des comédiens, à qui _l'émotion inséparable_ donne souvent cette _infirmité_ passagère. FAIRE UN DIEU DE SON VENTRE, v. a. Ne songer qu'à bien manger et à bien boire,--dans l'argot des bourgeois. FAIRE UNE BELLE JAMBE. Ne servir à rien,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression ironiquement et à propos de n'importe quoi. _Ça lui fait une belle jambe!_ La «Belle Heaulmière» de François Villon disait dans le même sens: _J'en suis bien plus grasse!_ FAIRE UNE COMMISSION, v. a. _Levare ventris onus_,--dans l'argot des bourgeoises. FAIRE UNE COQUILLE DE BERGERAC, v. a. Se dit,--dans l'argot des tailleurs, quand un ouvrier a fait une pièce dont les pointes de collet ou de revers, au lieu de se courber en dessous, relèvent le nez en l'air et _poignardent le ciel_. C'est une plaisanterie de Gascon, maintenant parisiennée. FAIRE UNE ENTRÉE DE BALLET, v. a. Entrer quelque part sans saluer,--dans l'argot des bourgeois, amis des bienséances. FAIRE UNE FEMME, v. n. Nouer une intrigue amoureuse avec elle,--dans l'argot des étudiants. FAIRE UNE FIN, v. n. Se marier,--dans l'argot des viveurs, qui finissent par où les gens rangés commencent, et qui ont lieu de s'en repentir. FAIRE UNE MOULURE, v. a. _Levare ventris onus_,--dans l'argot des menuisiers. FAIRE UNE TÊTE (Se). Se grimer d'une manière caractéristique, suivant le type du personnage à représenter. Argot des coulisses. Got, Mounet-Sully, Paulin Ménier excellent dans cet art difficile. FAIRE UN HOMME, v. n. Se faire emmener du bal par un noble inconnu, coiffeur ou banquier. Argot des petites dames. FAIRE UN PLI (Ne pas). Aller tout seul,--dans l'argot du peuple. FAIRE UN TASSEMENT, v. a. Boire un verre de cognac ou de madère au milieu d'un repas,--dans l'argot des bohèmes. On dit aussi _Faire un trou_. FAIRE UN TROU A LA LUNE. Faire faillite, enlever la caisse de son patron et se réfugier en Belgique. Argot du peuple. FAISANDER (Se), v. réfl. Vieillir,--dans l'argot des faubouriens, qui ne se font aucun scrupule d'assimiler l'homme au gibier. Ils disent aussi _S'avarier_. FAISANT, s. m. Camarade, copain,--dans l'argot du collège, où l'on éprouve le besoin d'avoir un second soi-même, un confident des premières joies et des premières douleurs, un ami qui fasse vos thèmes et de qui l'on _fasse_ les billes et les confitures. FAISEUR, s. m. Type essentiellement parisien, à double face comme Janus, moitié escroc et moitié brasseur d'affaires, Mercadet en haut et Robert Macaire en bas, justiciable de la police correctionnelle ici et gibier de Clichy là--coquin quand il échoue, et seulement audacieux quand il réussit. Argot des bourgeois. FAISEUR D'OEIL, s. m. Lovelace qui jette l'hameçon de son regard amorcé d'amour sur toutes les femmes qu'il suppose appelées à y mordre. L'expression est de Nestor Roqueplan. FALOURDE, s. f. Le double-six,--dans l'argot des joueurs de dominos. On l'appelle aussi le _Bateau à charbon_ et l'_Ami_. FALOURDE ENGOURDIE, s. f. Cadavre,--dans l'argot des voyous. FAMEUX, s. m. Homme solide de bras et de cœur,--dans l'argot du peuple. FAMEUX, EUSE, adj. Excessif, énorme, dans le sens péjoratif. _Un fameux paillard._ Un paillard consommé. _Une fameuse bévue._ Une bévue colossale. Quelquefois aussi ce mot est employé dans le sens d'Excellent, en parlant des choses et des gens, et il n'est pas rare alors de l'entendre prononcer ainsi: _P, h, a, pha, fameux!_ C'est le _nec plus ultra_ de l'admiration populaire. FANAL, s. m. La gorge,--dans l'argot des faubouriens. _S'éclairer le fanal._ Boire un verre de vin ou d'eau-de-vie. On dit aussi _Fanon_, afin qu'aucune injure ne soit épargnée à l'homme par l'homme. FANANDEL, s. m. Frère, ami, compagnon,--dans l'argot des prisons. _Grands fanandels._ Association de malfaiteurs de la haute pègre, formée en 1816, «à la suite d'une paix qui mettait tant d'existences en question», d'après Honoré de Balzac. FANFAN, s. f. Jeune fille,--dans l'argot du peuple, qui a parfois la parole caressante, s'il a la main rude. Se dit aussi d'un enfant quelconque. FANFAN BENOITON, s. m. Petit garçon de manières et d'un langage au-dessus de son âge,--dans l'argot des gens de lettres, par allusion au petit personnage de la comédie de M. Victorien Sardou (1865-1866). C'est le pendant de _Fouyou_. FANFARER, v. n. et a. Faire des réclames à une pièce ou à un livre, à une danseuse ou à un chien savant,--dans l'argot des gens de lettres. FANFE, s. f. Tabatière,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Fonfe_. FANFOUINER, v. n. Priser,--dans l'argot des voyous. FANFOUINEUR, s. m. Priseur. FANTAISIE, s. f. Caprice amoureux,--dans l'argot de Breda-Street, où l'on est très fantaisiste. FANTAISISME, s. m. Ecole littéraire antagoniste du Réalisme. C'est le dévergondage à la quinzième puissance, c'est l'extravagance chauffée à une douzaine d'atmosphères. La littérature d'autrefois a connu cette infirmité de l'esprit, cette maladie de l'imagination, mais à l'état d'exception; la littérature d'aujourd'hui a moins de santé, mais il faut espérer qu'elle n'en mourra pas. FANTAISISTE, s. et adj. Ecrivain pyrotechnicien, plus fier de parler aux yeux que de s'adresser à l'esprit, plus amoureux des fulgurants effets de style que bon observateur des règles du bien dire, et, comme tel, destiné à durer autant qu'un feu d'artifice: fusées tombées, fusées mortes! FANTASIA, s. t. Caprice, lubie, fantaisie,--dans l'argot du peuple. FARAUD, s. m. Monsieur,--dans l'argot des voleurs et du peuple, qui ont remarqué que les messieurs avaient assez ordinairement l'air _fiérot_. A signifié aussi, à l'origine, souteneur de filles, comme le prouvent ces vers cités par Francisque Michel: «Monsieur, faut vous déclarer Que c'est une femme effrontée Qui fit son homme assassiner Par son faraud...» _Faire son faraud_. Se donner des airs de gandin quand on est simple garçon tailleur, ou s'endimancher en bourgeois quand on est ouvrier. FARAUDEC, s. f. Mademoiselle,--dans l'argot des voleurs. FARAUDÈNE, s. f. Madame,--dans l'argot des voleurs, qui disaient autrefois _faraude_. FARCE, adj. Amusant, grotesque,--dans l'argot du peuple. _Chose farce._ Chose amusante. _Homme farce._ Homme grotesque. _Être farce._ Avoir le caractère joyeux; être ridicule. FARCE, s. f. Plaisanterie en paroles ou en action,--dans l'argot du peuple, qui a été souvent la victime de farces sérieuses de la part de farceurs sinistres. FARCES, s. f. pl. Actions plus ou moins répréhensibles, justiciables de la Morale ou de la Police correctionnelle. _Faire des farces._ Faire des dupes; tromper des actionnaires par des dividendes fallacieux. _Avoir fait ses farces._ Avoir eu beaucoup de maîtresses ou un grand nombre d'amants. FARCEUR, s. m. Homme d'une moralité équivoque, qui jongle avec les choses les plus sacrées et se joue des sentiments les plus respectables; débiteur qui restera toujours volontairement insolvable; amant qui exploitera toujours la crédulité--et la bourse--de ses maîtresses, etc., etc. FARCEUSE, s. f. Femme ou fille qui ne prend au sérieux rien ou personne, pas plus l'amour que la vertu, pas plus les hommes que les femmes, et qui se dit, comme Louis XV: «Après moi le déluge!» FARD, s. m. Mensonge, broderie ajoutée à un récit,--dans l'argot du peuple. _Sans fard._ De bonne foi. FARD, s. m. Rougeur naturelle du visage. _Avoir un coup de fard._ Rougir subitement, sous le coup d'une émotion ou de l'ébriété. FARDER (Se), v. réfl. Se griser,--par allusion aux rougeurs que l'ivresse amène sur le visage en congestionnant le cerveau. FAR-FAR, adv. Vite, promptement,--dans l'argot des voleurs. FARFOUILLER, v. n. Chercher quelque chose avec la main, remuer tout pour le trouver. Argot du peuple. FARFOUILLEUR, adj. et s. Homme qui se plaît, comme Tartufe, à s'approcher plus qu'il ne convient des robes des femmes, afin de s'assurer que l'étoffe en est moelleuse. FARGUE, s. f. Charge, poids,--dans l'argot des voleurs, qui doivent avoir emprunté cette expression aux marins. FARGUEMENT, s. m. Chargement. FARGUER, v. a. Charger. Signifie aussi Rougir. FARGUEUR, s. m. Chargeur. FARIBOLE, s. f. Farce, plaisanterie, gaminerie,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Chose sans importance, objet de peu de valeur. On disait autrefois et on dit encore quelquefois _Falibourde_. FARINEUX, adj. Excellent, parfait,--dans l'argot des faubouriens, pour qui il n'y a rien au-dessus du pain, si ce n'est la brioche. FATIGUE, s f. Le travail du bagne. FATIGUER, v. n. et act. Salir un livre à force de le consulter,--dans l'argot des relieurs. FAUBOURIEN, s. m. Homme mal élevé, grossier, dans l'argot des bourgeois, qui voudraient bien être un peu plus respectés du peuple qu'ils ne le sont. FAUCHANTS, s. m. pl. Ciseaux,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Faucheux_. FAUCHÉ (Être). Être guillotiné au bagne. FAUCHE-ARDENT, s. m. Mouchettes,--dans l'argot des voleurs. FAUCHER, v. a. Couper,--dans le même argot, où on emploie ce verbe au propre et au figuré. _Faucher le colas._ Couper le cou. _Faucher dans le pont._ Donner aveuglément dans un piège. _Faucher le grand pré._ Être au bagne. FAUCHER LE PERSIL, v. a. Se promener, en toilette «esbrouffante», sur les trottoirs les plus et les mieux fréquentés. Argot des filles et de leurs souteneurs. On dit aussi _Cueillir le persil_, _Aller au persil_, et _Persiller_. FAUCHEUR, s. m. Le bourreau,--dans l'argot des prisons où l'allégorie du Temps est une sinistre réalité. FAUCHEUX, s. m. Homme à jambes longues et grêles comme les pattes du _Phalangium_,--dans l'argot du peuple, qui ne laisse passer devant lui aucune infirmité grave ou légère, sans la saluer d'une injure ou tout au moins d'une épigramme. FAUCHURE, s. f. Coupure. FAUSSE-COUCHE, s. f. Homme raté, sans courage, sans vertu, sans talent, sans quoi que ce soit,--dans l'argot du peuple. FAUTER, v. n. Commettre une faute,--dans le même argot. FAUX-BOND, s. m. Manque de parole,--dans l'argot des bourgeois. _Faire faux-bond à l'échéance._ N'être pas en mesure de payer. FAUX-COL, s. m. La mousse d'une chope de bière,--dans l'argot des faubouriens. FAVEURS, s. f. pl. La preuve matérielle qu'une femme donne de son amour à un homme,--dans l'argot des bourgeois, qui ne se contenteraient pas, comme les galants d'autrefois, de rubans, de boucles et de nœuds d'épée. _Avoir eu les faveurs d'une femme._ Avoir été son amant. FAVORI D'APOLLON, s. m. Poëte estimable,--dans l'argot des académiciens. Ils disent aussi _Favori des Muses_. FAVORI DE MARS, s. m. Guerrier heureux en batailles,--dans le même argot. On dit aussi _Favori de Bellone_. FAVORI D'ESCULAPE, s. m. Médecin heureux en malades,--dans le même argot. FAYOTS, s. m. pl. Légumes en général, haricots, lentilles, ou fèves, _fayols_,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. _Le cap Fayot._ Moment de la traversée où l'équipage, ayant épuisé les provisions fraîches, est bien forcé d'entamer les légumes secs. C'est ce qu'on appelle alors _Naviguer sous le cap Fayot_. FÉCALITÉS, s. f. pl. Laideurs sociales, ordures morales,--dans l'argot des gens de lettres. Le mot a été employé pour la première fois par Charles Bataille. FÉE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des ouvriers, qui ne savent pas dire si vrai en disant si poétiquement. FÉE-BOSSE, s. f. Femme vieille, laide, acariâtre. On dit aussi _Fée Carabosse_. FEIGNANT, s. et adj. Fainéant,--dans l'argot du peuple, qui parle plus correctement qu'on ne serait tenté à première vue, de le supposer, _feignant_ venant du verbe _feindre_, racine de _fainéantise_, qu'on écrivait autrefois _faintise_. Signifie aussi Poltron, lâche, et c'est alors une suprême injure,--l'_ignavus_ de Cicéron, Barbarisme nécessaire, car _fainéant_ ne rendrait pas du tout la même idée, parce qu'il n'a pas la même énergie et ne contient pas autant de mépris. FÊLER (Se), v. réfl. Donner des preuves de folie, faire des excentricités,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent la boîte osseuse pour une faïence. On dit aussi _Avoir la tête fêlée_. FELOUSE, s. f. Prairie,--dans l'argot des voleurs, qui ont seulement démarqué la première lettre du mot généralement employé. FEMELLE, s. f. Femme, épouse,--dans l'argot des ouvriers, qui se considèrent comme des mâles et non comme des hommes. L'expression,--toujours employée péjorativement,--a des chevrons, puisqu'on la retrouve dans Clément Marot, qui, s'adressant à sa maîtresse, la petite lingère du Palais, dit: «Incontinent, desloyalle femelle, Que j'auray faict et escrit ton libelle, Entre les mains le mettray d'une femme Qui appelée est Renommée, ou Fame, Et qui ne sert qu'à dire par le monde Le bien ou mal de ceux où il abonde.» FEMME DE LA TROISIÈME CATÉGORIE, s. f. Fille de mauvaise vie,--dans l'argot des faubouriens, qui ont saisi avec empressement, il y a quelques années, les analogies que leur offraient les divisions officielles de la viande de boucherie. FEMME DU QUARTIER, s. f. Grisette qui a la spécialité de l'étudiant et qui se garderait bien de frayer avec les bourgeois ou les militaires, de peur de déplaire à Paul de Kock. On dit aussi _Femme de l'autre côté_ (sous-entendu: _de la Seine_). FEMME DU RÉGIMENT, s. f. La grosse caisse,--dans l'argot des soldats. FEMME ENTRETENUE, s. f. Fille ou femme qui croit que la vertu est un «meuble inutile» et qui préfère acheter les siens à _tant par amant_. Les Belges disent _Une entretenue_. FENDANT, s. m. Homme qui marche d'un air conquérant, le chapeau sur le coin de l'oreille, les moustaches relevées en crocs, la main gauche sur la hanche, et de la droite manœuvrant une canne,--qui n'effraie personne. Il y a longtemps que le peuple emploie cette expression, comme le prouve ce passage de la _Macette_ de Mathurin Regnier: «N'estant passe-volant, soldat ny capitaine, Depuis les plus chétifs jusques aux plus fendants, Qu'elle n'ait desconfits et mis dessus les dents.» _Faire son fendant._ Se donner des allures de matamore. On dit aussi _Fendart_. FENDEUR DE NASEAUX, s. m. Faux brave, qui fait plus de bruit que de besogne. On dit aussi, et plus élégamment, _Casse-gueule_. FENDRE (Se), v. réfl. Montrer de la générosité, dépenser beaucoup d'argent, _s'ouvrir_,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi: Se dévouer. _Se fendre à s'écorcher._ Pousser à l'excès la prodigalité. FENDRE L'ARCHE, v. a. Importuner, ennuyer,--dans le même argot. _Tu me fends l'arche!_ est une des exclamations que les étrangers sont exposés à entendre le plus fréquemment en allant aux Gobelins. FENDRE L'ERGOT. S'enfuir,--dans l'argot du peuple, fidèle aux vieilles traditions. On dit aussi, mais moins, _Bander l'ergot_. FENÊTRIÈRE, s. f. Fille qui fait le trottoir par sa fenêtre. FENOUSE, s. f. Prairie,--dans l'argot des voleurs. FER CHAUD, s. m. Le pyrosis,--dans l'argot du peuple, qui, ne connaissant pas le nom grec à donner à cette affection, emploie une expression fort simple et très caractéristique de la douleur cruelle qu'elle occasionne à l'estomac. FERLAMPIER, s. m. Homme à tout faire, excepté le bien,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté là un des vieux mots du vocabulaire des honnêtes gens, en le dénaturant un peu. FERLAMPIER, s. m. Pauvre diable, misérable,--dans l'argot du peuple. FERLINGANTE, s. f. Verrerie, faïencerie,--dans l'argot des voleurs. FERME, s. f. Décor de fond, dans la composition duquel entre une charpente légère qui permet d'y établir des portes praticables. Argot des machinistes. FERMER, v. a. et n. Attacher solidement, rendre _ferme_,--dans l'argot des coulisses, où l'on emploie ce verbe à propos de décors. FERRÉ A GLACE (Être). Savoir parfaitement son métier ou sa leçon,--dans l'argot des bourgeois. FERS, s. m. pl. Le forceps,--dans l'argot du peuple, qui ne connaît pas le nom latin de l'instrument inventé par Palfyn. FERTANGE ou FERTILLE, s. f. Paille,--dans l'argot des voleurs. FERTILLIERS, s. m. pl. Blés,--les graminées _fertiles_ par excellence. FESSE, s. f. Femme, _moitié_,--dans l'argot des faubouriens. FESSÉE, s. f. Correction paternelle ou maternelle comme celle dont Jean-Jacques Rousseau avait conservé un si agréable souvenir. FESSE-MATHIEU, s. m. Avare, usurier,--dans l'argot du peuple. FESSER, v. a. et n. Fouetter avec des verges ou avec la main les parties charnues que l'homme a le plus sensibles et sur lesquelles il ne manque jamais de tomber quand il glisse. Le verbe est vieux. On trouve dans les _Chansons_ de Gautier Garguille: «Fessez, fessez, ce dist la mère, La peau du cul revient toujours.» Signifie aussi, par analogie au peu de durée de cette correction maternelle: Faire promptement une chose. _Fesser la messe._ La dire promptement. FESSER LE CHAMPAGNE, v. n. Boire des bouteilles de vin de champagne,--dans l'argot des viveurs. Du temps de Rabelais on disait _Fouetter un verre_. FESSES, s. f. pl. Grosses joues,--dans l'argot des faubouriens. FESSIER, s. m. Les _nates_,--dans l'argot du peuple, qui a l'honneur de parler comme Mathurin Régnier: «Dieu sçait comme on le veid et derrière et devant, Le nez sur les carreaux et le fessier au vent,» a dit le grand satirique. FESSU, adj. Qui a de grosses fesses. FESTILLANTE, s. f. Queue d'animal,--par exemple du chien, qui fait _fête_ à son maître en remuant la sienne. Le mot est de l'argot des voleurs. FESTINER, v. n. Boire et manger à ventre déboutonné,--dans l'argot du peuple. FESTONNER, v. n. Être en état d'ivresse et décrire en marchant des zigzags dont s'amusent les gamins, et dont rougissent les hommes au nom de la Raison et de la Dignité humaine outragées. FESTOYER, v. n. Dîner copieusement en joyeuse compagnie. FÊTE DU BOUDIN, s. f. Le 25 décembre, fête de Noël,--dans l'argot du peuple, qui, ce jour-là, fait réveillon à grands renforts de charcuterie. FEUILLE DE CHOU, s. f. Journal littéraire sans autorité,--dans l'argot des gens de lettres. On dit aussi _Carré de papier_. FEUILLE DE CHOU, s. f. Guêtre de cuir,--dans l'argot des troupiers. FEUILLES DE CHOU, s. f. pl. Les oreilles,--dans l'argot des bouchers. On dit aussi _Esgourdes_ et _Maquantes_. FIASCO, s. m. Insuccès,--dans l'argot des coulisses et des petits journaux. _Faire fiasco._ Échouer dans une entreprise amoureuse; avoir sa pièce sifflée; faire un mauvais article. Se dit aussi pour Manquer de parole. FICELER, v. a. et n. Faire avec soin,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: S'habiller correctement, «se tirer à quatre épingles». FICELLE, s. f. Secret de métier, procédé particulier pour arriver à tel ou tel résultat,--dans l'argot des artistes et des ouvriers. FICELLE, adj. et s. Malin, rusé, habile à se tirer d'affaire,--dans l'argot du peuple, qui a gardé le souvenir de la chanson de Cadet-Rousselle: «Cadet Rousselle a trois garçons, L'un est voleur, l'autre est fripon, Le troisième est un peu ficelle...» _Cheval ficelle._ Cheval qui «emballe» volontiers son monde,--dans l'argot des maquignons. FICELLES, s. f. pl. Ruses, imaginations pour tromper,--dans l'argot du peuple. FICELLES, s. f. pl. «Les procédés épuisés et les conventions classiques,»--dans l'argot des gens de lettres. FICELLIER, s. m. Homme rusé, retors, qui vit d'expédients. FICHAISE, s. f. Chose de peu d'importance,--dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas dire _Foutaise_. FICHANT, adj. Ennuyeux, désagréable,--en parlant des choses et des gens. FICHE DE CONSOLATION, s. f. Compensation, dédommagement. FICHER, v. n. Faire, convenir, importer. Une remarque en passant: On écrit _Ficher_, mais on prononce _Fiche_, à l'infinitif. FICHER, v. a. Donner. Signifie aussi: Appliquer, envoyer, jeter. FICHER (Se), v. réfl. S'habiller de telle ou telle façon. _Se ficher en débardeur._ Se costumer en débardeur. FICHER (Se), v. réfl. Se moquer. _Se ficher du monde._ N'avoir aucune retenue, aucune pudeur. _Je t'en fiche!_ Se dit comme pour défier quelqu'un de faire telle ou telle chose. FICHER (Se), v. réfl. Se mettre dans l'esprit. FICHER LE CAMP, v. a. S'en aller, s'enfuir. Le peuple dit: _Foutre le camp_. FICHER SON BILLET (En). Donner mieux que sa parole, faire croire qu'on y engagerait même sa signature. Le peuple dit _En foutre son billet_. FICHTRE! Exclamation de l'argot des bourgeois, qui remplace _Foutre_! et marque l'étonnement, quand elle ne marque pas la colère. FICHU, adj. Perdu, en parlant des choses; à l'agonie, en parlant des gens. Même argot. Madame de Sévigné a donné des lettres de noblesse à cette expression trop bourgeoise, en parlant quelque part de «l'esprit fichu de mademoiselle Du Plessis!» FICHU, adj. Détestable, archi-mauvais,--en parlant des choses et des gens. _Fichu livre._ Livre mal écrit. _Fichu raisonnement._ Raisonnement faux. _Fichue connaissance._ Triste amant ou désagréable maîtresse. FICHU, adj. Capable de. FICHU, adj. Habillé. _Être mal fichu_, Être habillé sans soin, sans grâce. On dit aussi _Être fichu comme un paquet de sottises_ ou _comme un paquet de linge sale_. Signifie quelquefois: Être mal fait, mal bâti, et même malade. FIENTER, v. n. _Cacare_,--dans l'argot du peuple, toujours rabelaisien. FIER, adj. Gris, un peu _raide_,--dans l'argot des faubouriens. FIER, adj. Etonnant, inouï,--dans l'argot du peuple, qui prend ce mot plutôt dans le sens virgilien (_Sævus Hector_: le redoutable Hector) que dans le sens cicéronien (_Superbus_). «Là véissiés un fier abateis; Il n'a el monde païen ne sarasin, S'il les veist, cui pitié n'en prisist,» dit un poème du moyen âge. Signifie aussi Habile, malin. FIER-A-BRAS, s. m. Fanfaron, bravache, qui menace de tout casser,--et qui est souvent obligé de _se la casser_. FIÈREMENT, adv. Beaucoup, _étonnamment_. FIÉROT, adj. et s. Homme un peu fier. FIEU, s. m. Enfant,--dans l'argot des nourrices. FIÈVRE CÉRÉBRALE, s. f. Condamnation à mort,--dans l'argot des assassins, à qui cela doit donner en effet le transport au cerveau, et même le _delirium tremens_. FIFI, s. m. Vidangeur,--dans l'argot ironique du peuple, qui tire aussi bien sur ses propres troupes que sur les autres, le Bourgeois et le Monsieur. FIFI-LOLO, s. m. Homme qui fait la bête ou l'enfant,--dans l'argot des faubouriens. FIFINE. Réduplication caressante de _Joséphine_. FIFRELIN, s. m. Monnaie imaginaire fabriquée par le peuple et valant pour lui cent fois moins que rien. FIGARO, s. m. Coiffeur,--dans l'argot des bourgeois qui ont gardé bon souvenir du _Barbier de Seville_, le premier coup de pioche de la Révolution. FIGER (Se), v. réfl. Avoir froid,--dans l'argot du peuple. FIGNARD, s. m. Le _podex_,--dans l'argot des voyous. FIGNOLADE, s. f. Roulade à perte de vue, vocalise infiniment prolongée,--dans l'argot des coulisses. FIGNOLER, v. a. Achever avec soin, _finir_ avec amour,--dans l'argot des ouvriers et des artistes. Certain étymologiste veut que ce mot signifie: «Exécuter avec _fions_.» C'est possible, mais j'ai entendu souvent prononcer _Finioler_: or, la première personne du verbe _finire_ n'est-elle pas _finio_?--V. aussi _Fionner_. FIGURATION, s. f. Les figurants,--dans l'argot des coulisses. FIGURE s. f. Tête de mouton, bonne pour le pot-au-feu,--dans l'argot des faubouriens. _Demi-figure._ Moitié de tête de mouton achetée chez le tripier. FIGURE (Ma), pron. pers. Moi, ma personne,--dans le même argot. FIGURE DE CAMPAGNE, s. f. Celle qu'on ne montre, ou plutôt qu'on ne découvre, qu'à la campagne, au coin d'une haie bien fournie, ou à l'ombre d'un hêtre touffu, lorsqu'on se croit bien seul dans la nature. Argot du peuple. (V. _Pleine lune_ et _Visage_.) FIGURE DE PROSPÉRITÉ, s. f. Visage qui annonce la santé. FIGURER, v. n. Paraître comme comparse sur un théâtre, à raison de vingt sous par soirée quand on est homme et pauvre, et pour rien quand on est femme et jolie. FIGURER, v. n. Être exposé au poteau d'infamie,--dans l'argot des voleurs, qui paraissent là comme des _figurants_ sur un théâtre. FIL, s. m. Adresse, habileté,--dans l'argot du peuple, qui assimile l'homme à un couteau et l'estime en proportion de son acuité. _Avoir le fil._ Savoir comment s'y prendre pour conduire une affaire. _Connaître le fil._ Connaître le _truc_. On dit aussi d'une personne médisante ou d'un beau parieur: _C'est une langue qui a le fil_. FILASSE s. f. Cheveux trop blonds,--dans l'argot des faubouriens. Saint-Simon a employé cette expression à propos des cheveux de la duchesse d'Harcourt, et, avant Saint-Simon, le poète Rutebeuf. «Au deable soit tel filace, Fet li vallés, comme la vostre!» FILASSE, s. f. Matelas, et même lit,--dans l'argot des faubouriens. _Se fourrer dans la filasse._ Se mettre au lit. FIL EN AIGUILLE (De), adv. De propos en propos,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter cette expression à Mathurin Régnier: «Enfin, comme en caquets ce vieux sexe fourmille, De propos en propos et de fil en esguille, Se laissant emporter au flus de ses discours, Je pense qu'il falloit que le mal eust son cours,» dit le vieux poète en sa _Macette_. FIL-EN-QUATRE, s. m. Eau-de-vie très forte,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Fil-en-trois_. FILER, v. a. Suivre un malfaiteur,--dans l'argot des agents de police. Suivre un débiteur,--dans l'argot des gardes du commerce. FILER, v. a. Voler,--dans l'argot des voyous. _Filer une pelure._ Voler un paletot. FILER, v. n. S'en aller, s'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. FILER, v. n. _Levare ventris onus_,--dans le même argot. FILER DOUX, v. n. Ne pas protester,--même lorsqu'il y a lieu; souffrir ce qu'on ne peut empêcher. Argot des bourgeois. «Comme son lict est feict: que ne vous couchez-vous, Monsieur n'est-il pas temps? Et moi, de filer dous,» dit Mathurin Régnier en sa satire XIe. FILER LE PARFAIT AMOUR, v. n. S'abandonner aux douceurs de l'amour platonique,--dans l'argot du peuple, qui a des tendresses particulières pour _Estelle et Némorin_. FILER SON CABLE PAR LE BOUT, v. a. S'enfuir, et, par extension, Mourir,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. FILER SON NOEUD, v. a. S'en aller, s'enfuir,--dans le même argot. FILER UNE SCÈNE. La conduire avec art,--dans l'argot des vaudevillistes. On dit de même _Filer une intrigue, une reconnaissance_, etc. FILER UN MAUVAIS COTON. Être malade et sur le point de mourir,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Faire de mauvaises affaires; mener une vie déréglée. FILER UN SINVE, v. a. Suivre quelqu'un,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Faire la filature_. FILET COUPÉ (Avoir le). Être extrêmement bavard,--dans l'argot du peuple, qui, en entendant certains avocats, souhaiterait qu'on ne leur eût pas incisé le repli triangulaire de la membrane muqueuse de la bouche. On dit de même: _Il n'a pas le filet_. FILET DE VINAIGRE, s. m. Voix aigre et fausse,--dans l'argot des coulisses. FILEUR, s. m., ou FILEUSE, s. f. Chevalier dont l'industrie consiste à _suivre_ les _floueurs_ et les _emporteurs_, et à prélever un impôt de trois francs par chaque louis escroqué à un _sinve_. FILLE, s. f. Servante,--dans l'argot des bourgeois. FILLE, s. f. Femme folle de son corps,--dans l'argot du peuple. _Fille d'amour._ Femme qui exerce par goût et qui n'appartient pas à la maison où elle exerce. _Fille en carte._ Femme qui, avec l'autorisation de la préfecture de police, exerce chez elle ou dans une maison. _Fille à parties._ Variété de précédente. _Fille soumise._ Fille en carte. _Fille insoumise._ Femme qui exerce en fraude, sans s'assujettir aux règlements et aux obligations de police,--une contrebandière galante. FILLE, s. f. Femme qui vit maritalement avec un homme,--dans l'argot des bourgeoises, implacables pour les fautes qu'elles n'ont pas le droit de commettre. FILLE DE MAISON s. f. Pensionnaire du _prostibulum_. FILLE DE MARBRE, s. f. Petite dame qui a un caillou à la place du cœur,--dans l'argot des gens de lettres, qui emploient cette expression en souvenir de la pièce de Théodore Barrière et de Lambert Thiboust jouée au Vaudeville il y a une trentaine d'années. FILLE DE TOURNEUR, s. f. Femme de mauvaise vie,--dans l'argot du peuple, qui a voulu jouer sur le mot _toupie_. FILOCHE, s. f. Bourse,--dans l'argot des voleurs, qui devraient bien changer d'expression, aujourd'hui qu'on a remplacé les bourses en _filet_, à glands et à anneaux, par des porte-monnaie en cuir. _Avoir sa filoche à jeun._ N'avoir pas un sou en poche. FILOU, s. et adj. Malin, rusé,--dans l'argot du peuple, qui, quoi qu'en dise M. Francisque Michel, continue à employer ce mot avec le même sens qu'au XVIIe siècle. FILSANGE, s. f. Filoselle,--dans l'argot des voleurs. FILS-DE-FER, s. m. pl. Jambes grêles,--dans l'argot des ouvriers. FILS DE L'AUTRE. Nom donné par les bonapartistes, sous la Restauration, au duc de Reichstadt, fils de Napoléon, dont il était défendu de parler. FILS DE PUTAIN! Injure du vocabulaire populaire que les mères adressent souvent naïvement à leurs propres fils. FINANCE, s. f. Argent,--dans l'argot du peuple. FINANCER, v. n. Payer. FINASSER, v. n. Ruser, niaiser. FINASSERIE, s. f. Finesse grossière, procédé de mauvaise foi. FINASSEUR, s. m. Homme méticuleux, qui épilogue sur des riens. On dit plutôt _Finassier_. FINASSEUSE, s. f. Femme rusée, qui sait faire jouer les fils du pantin-homme. FINAUD, adj. et s. Homme trop malin et pas assez loyal. FINE-LAME, s. f. Homme habile à l'escrime,--dans l'argot des salles d'armes. FINE-MOUCHE, s. f. Femme rusée, experte; homme «malin»,--dans l'argot des bourgeois. FINESSES COUSUES DE FIL BLANC, s. f. pl. Finesses grossières, farces qui sont facilement devinées, trahisons qui sont facilement éventées. FINI, adj. Qui atteint le plus haut degré en bien ou en mal. _Troupier fini._ Soldat parfait. _Coquin fini._ Drôle fieffé. FINIR EN QUEUE DE POISSON, v. n. Finir désagréablement, fâcheusement, tristement, platement, bêtement,--dans l'argot du peuple, qui cependant ne connaît pas le _desinat in piscem_ d'Horace. FINIR EN QUEUE DE RAT, v. n. finir fâcheusement, tristement, bêtement,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. FIOLE, s. f. Bouteille de vin,--dans l'argot du peuple, qui ne sait pas être si près de la véritable étymologie: [grec: phialê] (vase à boire). FIOLER, v. a. Boire, vider une ou plusieurs _fioles_ de vin. _Fioler le rogome._ Boire de l'eau-de-vie. FIOLEUR, s. m. Ivrogne. FION, s. m. Dernière main mise à un ouvrage,--dans l'argot des ouvriers et des artistes. _Coup de fion._ Soins de propreté, et même de coquetterie. FIONNER, v. a. et n. Donner le dernier coup de lime ou de rabot; mettre la dernière main à une chose; avoir du fion. FIONNEUR, s. m. Ouvrier qui s'habille en monsieur, qui fait le bourgeois. FIORITURES, s. f. pl. Choses ajoutées à un récit pour l'embellir et souvent pour le dénaturer,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression aux chanteurs et en font le même abus que ces derniers. FIOTTE, s. f. Petite fille,--dans l'argot caressant du peuple. On dit aussi _Fillotte_. FIQUER, v. a. Enfoncer, _ficher_,--dans l'argot des voleurs. FIRTS, s. m. _Nates_,--dans l'argot des faubouriens. FISTON, s. m. Fils, enfant. Signifie aussi Ami. FLAC, s m. Sac,--dans l'argot des voleurs, qui ont voulu rendre la _flaccidité_ de cette enveloppe. _Flac d'al._ Sacoche à argent. Ils disent aussi _Flacul_. FLACONS, s. m. pl. Souliers,--dans l'argot des faubouriens, qui en font des réservoirs à essences. FLAFLA, s. m. Etalage pompeux, en paroles ou en actions,--dans l'argot du peuple, très onomatopéique. Car je ne pense pas qu'il faille voir autre chose qu'une onomatopée dans ce mot, qui est une imitation, soit d'une batterie de tambour bien connue, soit du fracas de l'éclair. Comme Parisien, ayant emboîté le pas aux _tapins_ de mon quartier, lorsque j'étais enfant, je pencherais volontiers pour la première hypothèse; comme étymologiste, j'inclinerais à croire que la seconde vaut mieux,--d'autant plus que les Anglais emploient le même mot dans le même sens. _Flash_ (éclair), disent-ils; _flash-flash_ (embarras, manières.) _Faire du fla-fla._ Faire des embarras. FLAGEOLER, v. n. Trembloter,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe à propos des jambes des ivrognes et des poltrons, et fait sans doute allusion aux trémolos ordinaires du _flageolet_ des aveugles. FLAGEOLETS, s. m. pl. Jambes,--dans le même argot. On dit aussi _Flûtes_. FLAMBANT, s. m. Artilleur à cheval,--dans l'argot des troupiers. FLAMBANT, adj. et s. Propre, net, beau, superbe,--dans l'argot du peuple, qui a eu longtemps les yeux éblouis par les magnificences des costumes des gentilshommes et des nobles dames, lesquels «... Riches en draps de soye, alloient Faisant flamber toute la voye.» FLAMBANT NEUF (Être tout). Porter des vêtements neufs. _Toute flambante neuve._ Pièce de monnaie nouvellement frappée. FLAMBART, s. m. Canotier de la Seine. Par extension: Joyeux compagnon, loustic. FLAMBE, s. f. Epée,--dans l'argot des voleurs, qui connaissent l'archange Michel, ce Préfet de Police de la capitale du ciel. _Petite flambe._ Couteau. FLAMBÉ (Être). Être ruiné ou atteint de maladie mortelle,--dans l'argot des faubouriens. Se dit aussi à propos d'une affaire dont on ne peut plus rien espérer. FLAMBERGE, s. f. Épée,--dans l'argot du peuple, qui a conservé bon souvenir du fameux bran d'acier de Renaud de Montauban. _Mettre flamberge au vent._ Dégaîner. Se dit aussi pour Montrer «la figure de campagne», et pour Jeter au vent l'aniterge dont on vient de se servir. FLAMME, s. f. Amour,--dans l'argot des Académiciens. _Peindre sa flamme._ Déclarer son amour. FLAMSIK, s. m. Flamand,--dans l'argot des voleurs, qui ne s'éloignent pas trop du _vlaemsch_ des honnêtes gens. FLAN (A la), adj. Au hasard, à l'aventure. Même argot. FLAN (Du)! Expression de l'argot des faubouriens, qu'ils emploient à propos de rien, comme formule de refus ou pour se débarrasser d'un ennuyeux. Ce _flan_-là est de la même famille que les _navets_, les _emblèmes_, et autres _zut_ consacrés par un long usage. Cette expression a signifié quelquefois, au contraire: «C'est au nanan!» comme le prouve cet extrait d'une chanson publiée par _le National_ de 1835: «J'dout' qu'à grinchir on s'enrichisse; J'aime mieux gouaper: c'est du flan.» FLANCHE, s. f. La roulette et le trente-et-un,--dans l'argot des voleurs. _Grande flanche._ Grand jeu. FLANCHE, s. m. Affaire,--dans le même argot. S'emploie ordinairement avec l'adjectif comparatif _mauvais_. «C'est un mauvais flanche», pour: C'est une mauvaise affaire. FLANCHE, s. m. Truc, secret, ruse,--dans l'argot des faubouriens. FLANCHER, v. n. Jouer franchement. FLANCHER, v. n. Se moquer,--dans l'argot des voyous. FLANCHET, s. m. Part, lot,--dans l'argot des voleurs. FLANDRIN, s. m. Imbécile; grand dadais,--dans l'argot du peuple, qui constate ainsi, à son insu, la haute taille des Flamands. Les Anglais disent aussi dans le même sens _Lanky fellow_. FLANELLE, adj. et s. Flâneur amoureux,--dans l'argot des filles, qui préfèrent les gens sérieux. _C'est de la flanelle!_ disent-elles en voyant entrer un ou plusieurs de ces platoniciens et en quittant aussitôt le salon. _Faire flanelle._ Aller de prostibulum en prostibulum, comme un amateur d'atelier en atelier, pour lorgner les modèles. FLANOCHER, v. n. Flâner timidement, sans en avoir le droit, à une heure qui devrait être consacrée au travail. Argot des ouvriers. On dit aussi _Flanotter_. FLANQUER, v. a. Lancer un coup, jeter,--dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas employer le verbe énergique des faubouriens. _Se flanquer._ Se jeter, s'envoyer. On disait autrefois _Flaquer_ pour Lancer, jeter avec force un liquide. FLAQUADER, v. n. _Cacare_,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Aller à flaquada_. FLAQUADIN, s. m. Poltron, homme mou, irrésolu, sur lequel on ne peut compter, parce que la peur produit sur lui un effet physique désagréable. FLAQUER, v. n. _Alvum deponere_,--dans l'argot des voyous. Se dit aussi pour Accoucher, mettre un enfant au monde. FLAQUET, s. m. Gousset de montre, poche de gilet,--dans l'argot des voleurs. FLÊME, s. f. Lassitude d'esprit et de corps,--dans l'argot des faubouriens, qui, sans s'en douter, emploient là un des plus vieux mots de notre langue. Qu'est-ce en effet que la _flême_, si ce n'est une exagération du _flegme_, sa conséquence même, comme la rêverie celle d'un tempérament lymphatique? Or, dès le XIIIe siècle, _flegme_ s'écrivait _flemme_. _Avoir la flême._ Être plus en train de flâner que de travailler. _Jour de flême._ Où l'on déserte l'atelier pour le cabaret. FLEUR DU MAL, s. f. Femme à propos de laquelle on peut dire ce que, dans une de ses épigrammes, Martial dit d'une nommée Bassa, chez laquelle on ne voyait jamais venir d'hommes: _Hic ubi vir non est, ut sit adulterium_. _Fleur du mal_ est une expression toute moderne; elle appartient à l'argot des gens de lettres depuis l'apparition du volume de poésies de Charles Baudelaire. FLEUR DE MARI, s. f. Ce que pleurait sur la montagne la fille de Jephté,--dans l'argot des voleurs, qui ont rarement autant de délicatesse. FLEUR DES POIS, s. f. Le plus brillant causeur d'une compagnie,--dans l'argot des gens de lettres. Le plus vaillant compagnon d'un atelier,--dans l'argot des ouvriers. La plus belle fille d'un bal,--dans l'argot des gandins. FLEURER, v. a. et n. Respirer, sentir,--dans l'argot du peuple, qui trouve que _flairer_ n'emporte pas assez avec soi l'idée d'odeurs, de parfums. C'était aussi l'opinion de Mathurin Régnier, qui a dit: «Je sentis à son nez, à ses lèvres décloses, Qu'il fleuroit bien plus fort mais non pas mieux que roses.» FLEURETTES, s. m. pl. Galanteries,--dans l'argot des bourgeois. _Conter fleurettes._ Faire la cour à une femme. _Conteur de fleurettes._ Libertin. FLEURS BLANCHES, s. f. pl. Blennorrhée spéciale aux femmes,--dans le même argot, qui n'est pas la bonne langue. C'est _Flueurs_ (de _fluere_, couler) qu'on devrait dire, à ce qu'il me semble du moins,--contrairement à l'opinion de Littré. FLEURS ROUGES, s. f. pl. Les menstrues féminines,--dans l'argot du peuple. FLIBUSTER, v. a. Filouter,--dans le même argot. FLIBUSTIER, s. m. Escroc. FLIGADIER, s. m. Pièce de cinq centimes,--dans l'argot des voleurs. FLINGOT, s. m. Couteau,--dans l'argot des bouchers. Fusil,--dans l'argot des troupiers. FLIQUADARD, s. m. Sergent de ville,--dans l'argot des faubouriens. FLONFLONS, s. m. pl. Chansons,--dans l'argot du peuple. _Faiseur de flonflons._ Vaudevilliste. FLOPÉE, s. f. Foule,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des choses comme à propos des gens. FLOPÉE, s. f. Coups de poing et coups de pieds _nombreux_. FLOTTANT, s. m. Poisson,--dans l'argot des voleurs. FLOTTE, s. f. Argent paternel ou avunculaire,--dans l'argot des étudiants. _Recevoir sa flotte._ Toucher sa pension. FLOTTE, s. f. Grande quantité de monde ou de choses,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_fluctus_, flot, chose abondante) et à la tradition: «As noces vint bien atornée, Et des autres i ot grand flote, Et Renart lor chante une note.» dit le _Roman du Renard_. _Être de la flotte._ Être de la compagnie. FLOTTER, v. n. Se baigner, nager. FLOTTEUR, s. m. Nageur. FLOU, s. m. Variété de morbidesse, de douceur de touche, de coloris vaporeux,--dans l'argot des artistes. J'aurais volontiers été tenté de croire ce mot moderne et qu'il n'était qu'une onomatopée de l'œil et de l'oreille, si je n'avais pas lu dans François Villon: «Item je donne à Jean Lelou. Homme de bien et bon marchant, Pour ce qu'il est linget et flou, Un beau petit chiennet couchant.» _Flou_, c'est _flo_, et _flo_, c'est _faible_. _Faire flou._ Dessiner ou peindre sans arrêter suffisamment les contours, en laissant flotter autour des objets une sorte de brume agréable. Se dit aussi à propos de la sculpture; car Puget ne craignait pas de _faire flou_. FLOUCHIPE, s. m. Filou, macaire,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Monsieur de Flouchipe_. FLOUE, s. f. Foule,--dans l'argot des voleurs, qui peuvent s'y _fluer_ et y _flouer_ à leur aise. FLOUER, v. a. et n. Jouer,--dans le même argot. _Flouer grand flouant._ Jouer gros jeu, risquer sa liberté ou sa vie. FLOUER, v. a. Tricher au jeu; voler,--dans l'argot du peuple. FLOUERIE, s. f. Tricherie; escroquerie, vol pour ainsi dire légal. Signifie aussi dans le sens figuré: Duperie. FLOUEUR, s. m. Tricheur; escroc; voleur. FLOUME, s. f. Femme,--dans l'argot des voleurs et des troupiers. FLUME, s. m. Résultat, expectoré ou non, de la pituite,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait le poète Eustache Deschamps: «Dieux scet que ma vieillesse endure De froit et reume jour et nuict, De fleume, de toux et d'ordure.» _Fleume_ ou _flume_, c'est tout un. _Avoir des flumes._ Être d'un tempérament pituiteux. On dit de même _Avoir la poitrine grasse_. FLUT'! Expression de l'argot de Breda-Street, où l'on dédaigne d'employer le _zut_ traditionnel, comme trop populaire. FLÛTE, s. f. Bouteille de vin,--dans l'argot des ouvriers. FLÛTE, s. f. L'instrument avec lequel les matassins poursuivent M. de Pourceaugnac,--dans l'argot du peuple, Tulou médiocre. _Avoir toujours la flûte au cul._ Abuser des détersifs. FLÛTENCUL, s. m. Pharmacien. FLÛTER, v. a. et n. Boire beaucoup. FLÛTER, v. n. Parler inutilement. Le peuple n'emploie ordinairement ce verbe que dans cette phrase, qui est une formule de refus: _C'est comme si tu flûtais_! FLÛTER (Se faire). Se faire administrer un détersif dans le gros intestin. FLÛTES, s. f. pl. Jambes. _Jouer des flûtes._ Courir, se sauver. _Astiquer ses flûtes._ Danser. FLÛTEUR, s. m. Ivrogne. FOGNER, _Alvum deponere_,--dans l'argot des ouvriers, qui parlent comme écrivait Bonaventure Des Périers. FOIN, s. m. Synonyme d'argent,--dans l'argot du peuple. _Avoir du foin au râtelier._ Avoir de la fortune. _Mettre du foin dans ses bottes._ Amasser de l'argent, faire des économies. On dit aussi _Avoir du foin dans ses bottes_. FOIRE, s. f. Diarrhée,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_foria_) et à la tradition: «Renart fait comme pute beste: Quand il li fu desus la teste, Drece la queüe et aler lesse Tot contreval une grant lesse De foire clere a cul overt, Tout le vilain en a covert,» dit le _Roman du Renard_. FOIRE D'EMPOIGNE, s. f. Vol. _Aller à la foëre d'empoigne._ Voler. On disait autrefois: _Passer à l'île des Gripes_. FOIRER, v. n. avoir peur,--dans l'argot des faubouriens. Par extension, Mourir. On dit aussi _Avoir la foire_. FOIREUX, s. et adj. Poltron, homme dont le cœur est débilité et l'esprit dévoyé. _Foireux comme un geai._ Extrêmement poltron. On dit aussi _Foirard_. FOLICHON, s. et adj. Homme amusant, chose agréable,--dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis plus d'un siècle. _Être folichon._ Commencer à se griser. Signifie aussi: Dire des gaudrioles aux dames. FOLICHONNADE, s. f. Amusement plus ou moins décent; farce plus ou moins drôle. On dit aussi _Folichonnerie_. FOLICHONNE, s. f. Femme qui n'est pas assez bégueule; bastringueuse. On dit aussi _Folichonnette_. FOLICHONNER, v. n. Folâtrer avec plus ou moins de décence. Signifie aussi: Courir les bals et les cabarets. FONCÉ, adj. Riche, en _fonds_. FONCER, v. n. Donner de l'argent, fournir des _fonds_. «S'il plaist, s'il est beau, il suffit. S'il est prodigue de ses biens, Que pour le plaisir et déduit Il fonce et qu'il n'espargne rien.» trouve-t-on dans G. Coquillard, poète du XVe siècle. Les bourgeois disent, eux: _Foncer à l'appointement_. FONCER, v. n. Courir, s'abattre, se précipiter,--dans l'argot des écoliers. FONCER (Se). Commencer à se griser,--dans l'argot des ouvriers. FONDANT, s. m. Beurre,--dans l'argot des voyous. FOND D'ESTOMAC, s. m. Potage épais,--dans l'argot du peuple. FONDEMENT, s. m. Le _podex_,--dans l'argot des bourgeois, qui parlent comme écrivait Ambroise Paré. FONDRE, v. n. Maigrir. FONDRE LA CLOCHE. Terminer une affaire, en arriver à ce qu'elle a d'essentiel, de difficile. Signifie aussi: Vendre une chose et s'en partager l'argent entre plusieurs. FONDRIÈRE, s. f. Poche,--dans l'argot des voleurs, qui ne craignent pas d'y descendre avec la main. FONDS (Être en). Avoir de l'argent dans son porte-monnaie. _Les fonds sont bas._ N'avoir presque plus d'argent; être dans la gêne. FONFE. s. f. Tabatière,--dans le même argot. On dit aussi _Fonfière_. FORCIR, v. n. Engraisser, devenir _fort_ et grand,--dans l'argot des bourgeois, qui disent cela surtout à propos des enfants. FORMES, s. f. pl. Les parties saillantes du corps de la femme. _Dessiner ses formes._ Se serrer dans son corset et à la taille, de façon à accuser davantage les reliefs naturels. FORT, adv. Étonnant, inouï, incroyable,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos de tout ce qui lui semble _amer_ ou difficile à _avaler_. On dit aussi _Fort de café_, _fort de moka_ et _fort de chicorée_. _C'est plus fort que de jouer au bouchon._ C'est extrêmement étonnant. L'expression ne date pas d'hier: «Vous m'avouerez que cela est fort, locution de la Cour,» dit de Caillières (1690). Dans un sens ironique: _Cela n'est pas fort!_ pour Cela n'est pas très spirituel, très gai, très aimable, ou très honnête. FORTE, s. f. Chose inouïe, incroyable. _En dire de fortes._ Raconter des histoires invraisemblables; mentir. _En faire de fortes._ Se rendre coupable d'actions délictueuses. FORT-EN-GUEULE, adj. et s. Insolent, bavard; homme qui crie plus qu'il n'agit. On connaît l'apostrophe de madame Pernelle à la soubrette de sa bru: ... Vous êtes, ma mie, une fille suivante Un peu trop forte en gueule et fort impertinente.» FORT-EN-MIE, s. m. Homme très gras,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent les os pour la croûte du corps. Les voyous anglais ont la même expression: _Crummy_. FORT-EN-THÈME, s. m. Jeune homme qui obtient de brillants succès au collège. Argot des gens de lettres. FORTIN, s. m. Poivre,--dans l'argot des voleurs. FORTINIÈRE, s. f. Poivrière. FORT POUR... (Être). Avoir du goût pour une chose; avoir tendance à faire une chose. Argot des bourgeois. FORTUNE DU POT (A la), adv. Au hasard, au petit bonheur,--perdrix aux choux ou choux sans perdrix. FOSSE AUX LIONS, s. f. Loge d'avant-scène, à l'Opéra, où se tenaient, il y a une trentaine d'années, les élégants du jour, les _lions_. On disait aussi _La loge infernale_. FOSSILE, s. m. Académicien,--dans l'argot des Romantiques, qui prenaient Népomucène Lemercier pour un _Megatherium_ et Andrieux pour un _Ichthyosaurus_. FOUAILLER, v. n. Manquer d'énergie, de courage,--dans l'argot du peuple. FOUAILLER, v. n. Échapper, éclater, manquer,--en parlant des choses. Signifie aussi Faire faillite. FOUAILLEUR, s. m. Homme irrésolu et même lâche. FOUCADE, s. f. Lubie, envie subite, _fougue_ d'un moment, coup de tête. _Travailler par foucades._ Irrégulièrement. On prétend qu'il faut dire _fougade_, et même _fougasse_. Je le crois aussi, mais le peuple dit _foucade_,--comme l'écrivait Agrippa d'Aubigné. FOUETTE-CUL, s. m. Magister, maître d'école. FOUETTEUX DE CHATS, s. m. Homme-femme, sans énergie sans virilité morale. FOUILLE-AU-POT, s. m. Homme qui s'occupe plus qu'il ne le devrait des soins du ménage, qui fait la cuisine au lieu de la laisser faire par sa femme. Signifie aussi: Marmiton, cuisinier. FOUILLE-MERDE, s. m. L'escarbot. Se dit aussi des gens qui «travaillent sur le tard», et surtout la nuit, comme les _goldfinders_. FOUILLER (Se). Chercher inutilement,--dans l'argot des faubouriens, qui n'emploient ce verbe que dans cette phrase: _Tu peux te fouiller._ C'est-à-dire: Tout ce que tu diras et feras sera inutile. FOUILLOUSE, s. f. Poche,--dans l'argot des voleurs. Le mot est contemporain de François Villon. FOUINER, v. n. S'occuper de ce qui ne vous regarde pas,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi S'enfuir. FOUINEUR ou FOUINARD, s. m. Homme qui se mêle des affaires des autres, et rapporte chez lui ce qui se passe chez ses voisins. Même argot. Signifie aussi: Malin, et même Lâche. FOULAGE, s. m. Besogne pressée,--dans l'argot des ouvriers. _Il y a du foulage._ Les travaux arrivent en _foule_. FOULER LA RATE (Ne pas se). En prendre à son aise, ne pas se donner beaucoup de mal. On dit aussi absolument: _Ne pas se fouler_. FOULETITUDE, s. f. Grande quantité de gens ou de choses. FOUR, s. m. L'amphithéâtre,--dans l'argot des coulisses. FOUR, s. m. «Fausse poche dans laquelle les enquilleuses cachent les produits de leurs vols.» Argot des voleurs. FOUR, s. m. Insuccès, chute complète,--dans l'argot des coulisses et des petits journaux. M. Littré dit à ce propos: «Rochefort, dans ses _Souvenirs d'un Vaudevilliste_, à l'article _Théaulon_, attribue l'origine de cette expression à ce que cet auteur comique avait voulu faire éclore des poulets dans des fours, à la manière des anciens Egyptiens, et que son père, s'étant chargé de surveiller l'opération, n'avait réussi qu'à avoir des œufs durs. Cette origine n'est pas exacte, puisque l'expression, dans le sens ancien, est antérieure à Théaulon. Il est possible qu'elle ait été remise à la mode depuis quelques années et avec un sens nouveau, qui peut avoir été déterminé par le four de Théaulon; mais c'est ailleurs qu'il faut en chercher l'explication: les comédiens refusant de jouer et renvoyant les spectateurs (quand la recette ne couvrait pas les frais), c'est là le sens primitif, _faisaient four_, c'est-à-dire rendaient la salle aussi noire qu'un four.» FOUR BANAL, s. m. Omnibus,--dans l'argot des voleurs. FOURBI, s. m. Piège; malice,--dans l'argot du peuple, qui ne sait pourtant pas que le _fourby_ (le Trompé) était un des 214 jeux de Gargantua. _Connaître le fourbi._ Être malin. _Connaître son fourbi._ Être aguerri contre les malices des hommes et des choses. FOURCHETTE, s. f. Baïonnette,--dans l'argot des soldats. _Travailler à la fourchette._ Se battre à l'arme blanche. FOURCHETTE, s. f. Mangeur,--dans l'argot des bourgeois. _Belle fourchette_ ou _Joli coup de fourchette_. Beau mangeur, homme de grand appétit. FOURCHETTE D'ADAM, s. f. Les doigts. FOURCHU, s. m. Bœuf,--dans l'argot des voleurs. FOURGAT, s. m. Recéleur,--dans le même argot. FOURGONNER, v. a. et n. Remuer le feu avec la pelle ou la pincette, comme les ouvriers des forges avec le _fourgon_. Argot des bourgeois. On n'emploie guère ce verbe que dans un sens péjoratif. Signifie aussi: Remuer les tiroirs d'une commode ou d'une armoire pour y chercher quelque chose. FOURGUER, v. a. Vendre à un recéleur des objets volés. FOURLIGNER, v. a. Voler, détourner «tirer hors de la ligne droite». FOURLINE ou FOURLINEUR, s. m. Meurtrier,--dans l'argot des prisons. Signifie aussi Voleur. FOURLINE, s. f. Association de meurtriers, ou seulement de voleurs. FOURLOURD, s. m. Malade,--dans l'argot des prisons. FOURLOUREUR, s. m. Assassin. FOURMILLON, s. m. Marché, qui _fourmille_ de monde. Même argot. _Fourmilion à gayets._ Marché aux chevaux. FOURNÉE, s. f. Promotions périodiques à des grades ou à des distinctions honorifiques. Argot des troupiers. Le mot a deux cents ans de noblesse: Saint-Siméon parle quelque part de «l'étrange fournée» de ducs et pairs de 1663. FOURNIER, s. m. Garçon chargé de verser le café aux consommateurs. Argot des limonadiers. FOURNIL, s. m. Lit,--dans l'argot des faubouriens, par allusion à la chaleur qu'on y trouve ordinairement. FOURNION, s. m. Insecte, de _fournil_ ou d'ailleurs,--dans l'argot des voyous. FOURNITURE, s. f. Les fines herbes d'une salade, cerfeuil, estragon, pimprenelle, civette, ciboulette et cresson alénois. Argot des ménagères. FOUROBE, s. f. Fouille,--dans l'argot des bagnes. FOUROBER, v. a. Fouiller les effets des forçats. FOURRAGER, v. a. et n. Chiffonner de la main la robe d'une femme,--sa doublure surtout. Argot des bourgeoises. FOURRAGEUR, adj. et s. Homme qui aime à chiffonner les robes des femmes. FOURRER DANS LE GILET (S'en). Boire à tire-larigot. Argot du peuple. FOURRER LE DOIGT DANS L'OEIL (Se). S'illusionner, se faire une fausse idée des choses, des hommes et des femmes. Argot des faubouriens. Superlativement, ils disent aussi _Se fourrer le doigt dans l'œil jusqu'au coude_. Les faubouriens qui tiennent à se rapprocher de la bonne compagnie par le langage disent, eux: _Se mettre le doigt dans l'œil_. FOURRER SON NEZ, v. a. Se mêler de ce qui ne vous regarde pas,--dans l'argot des bourgeois. On dit aussi _Fourrer son nez partout_. FOURRER TOUT DANS SON VENTRE. Manger sa fortune. FOUTAISE, s. f. Chose de peu d'importance, morceau de peu de valeur,--dans l'argot du peuple. _Dire des foutaises._ Dire des niaiseries. FOUTIMASSER, v. n. Ne rien faire qui vaille. FOUTIMASSEUR, s. m. Homme qui fait semblant de travailler. FOUTRE (Se). Se moquer,--dans l'argot du peuple, qui ne mâche pas ses mots, et, d'ailleurs, n'attache pas à celui-ci d'autre sens que les bourgeois au verbe _se ficher_. D'un autre côté aussi, n'est-il pas autorisé à dire ce que le bibliophile Jacob n'a pas craint d'écrire dans _Vertu et tempérament_,--un roman fort curieux et fort intéressant sur les mœurs de la Restauration, où on lit: «Quand un lâche nous trahirait, nous nous en foutons!» FOUTRE DU PEUPLE (Se). Se moquer du public, braver l'opinion du monde. FOUTRE LA PAIX. Laisser tranquille. FOUTRE LE CAMP. Déguerpir, s'enfuir au plus vite. Signifie aussi: Disparaître,--en parlant des choses. «Le torchon blanc a foutu le camp!» s'écrie le concierge de la comtesse Dorand dans le roman cité plus haut. FOUTRE SON BILLET (En). Donner sa parole qu'une chose sera faite, parce qu'on y tient beaucoup. Quand un ouvrier a dit à quelqu'un: _Je t'en fous mon billet!_ c'est comme s'il avait juré par le Styx. FOUTRE UN COUP DE PIED A QUELQU'UN. Lui faire un emprunt,--le _taper_ d'une somme quelconque. On dit aussi _Lui foutre un coup de pied dans les jambes_,--mais seulement lorsqu'il s'agit d'un emprunt plus important. Une nuance! FOUTRIQUET, s. m. Homme de petite taille. A signifié, il y a soixante-dix ans, Fat, ridicule, intrigant. On dit aussi _Fautriot_. FOUTU, adj. Mauvais, détestable, exécrable. _Foutue besogne._ Triste besogne. _Foutue canaille._ Canaille parfaite. FOUTU, adj. Mal habillé. _Foutu comme quatre sous._ Habillé sans goût et même grotesquement. FOUTU (Être). Être ruiné, ou sur le point de mourir. FOUYOU, s. m. Gamin,--dans l'argot des coulisses, où l'on a gardé le souvenir de là pièce des Variétés (_le Maître d'École_) où jouait un enfant de ce nom. FRACTURER (Se la). S'en aller de quelque part, s'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. FRAIS (Être). Être dans une situation fâcheuse, à ne pas savoir comment s'en tirer. Argot du peuple. FRANC, s. m. Complice,--dans l'argot des voleurs. _Franc bourgeois._ Escroc du grand monde. _Franc de maison._ Recéleur d'objets volés--et même de voleurs. FRANC DU COLLIER, adj. Homme ouvert, loyal, comme on n'en fait plus assez. Argot du peuple. FRANCILLON, s. m. Français,--dans l'argot des voleurs. Les Belges nous appellent _Fransquillons_. FRANGIN, s. m. Frère,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _fralin_. _Frangin-Dab._ Oncle. FRANGINE, s. f. Sœur. _Frangine-Dabuche._ Tante. FRANQUETTE (A la). Franchement, tout uniment, loyalement,--dans l'argot du peuple. On dit plutôt _A la bonne franquette_. FRASQUE, s. f. Folie aimable, coup de tête,--dans l'argot des bourgeois. _Faire des frasques._ Faire des folies, des escapades. FRAYER, v. n. Convenir, s'accorder, vivre ensemble. Argot du peuple. FREDAINE, s. f. Intrigue amoureuse,--dans l'argot des bourgeois. _Faire ses fredaines._ Aimer «le cotillon». FRELOCHE, s. f. Filet à prendre les papillons,--dans l'argot des écoliers. FRELUQUET, s. m. Jeune homme, gandin,--dans l'argot du peuple, probablement par allusion au _parler frelu_ d'autrefois. FRÉQUENTER (Se). Avoir avec soi-même des relations habituelles--condamnées par le livre de Tissot. FRÈRE, s. m. Initié,--dans l'argot des francs-maçons. _Faux frère._ Franc-maçon qui joue de la franc-maçonnerie comme d'un instrument. FRÈRE, s. m. Philosophe,--dans l'argot des encyclopédistes. On sait que Diderot était, en religion philosophique, _frère Platon_, Frédéric II, roi de Prusse, _frère Luc_, etc. FRÈRE, s. m. Citoyen,--dans l'argot des Jacobins de la première révolution. FRÈRE ET AMI, s. m. Camarade,--dans l'argot des démocrates de 1848. FRÈRE DE LIT, s. m. Homme à qui l'on a succédé dans le cœur d'une femme, épouse ou maîtresse. Argot du peuple. _Sœur de lit._ Femme qui a succédé à une autre femme dans le cœur d'un homme, amant ou mari. FRÉROT, s. m. Frère,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Bonaventure Des Périers. FRÉROT DE LA CAQUE, s. m. Filou,--dans l'argot des prisons. FRESSURE, s. f. Le cœur et ses dépendances, siège des désirs,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait La Fontaine: «Telle censure Ne fut si sûre Qu'elle espéroit; De ma fressure Dame Luxure Jà s'emparoit.» FRÉTILLANTE, s. f. Plume,--dans l'argot des voleurs. FRÉTILLON, s. f. Grisette, bonne fille, amoureuse garantie bon teint par feu Béranger. Argot des bourgeois. FRÉTIN, s. m. Poivre,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Fortin_. FRIAUCHE, s. m. Condamné à mort qui s'est pourvu en cassation. Même argot. FRICASSÉ (Être). Être ruiné, perdu, déshonoré, à l'agonie. Argot des faubouriens. Ils disent aussi _Être cuit_. FRICASSE (On t'en)! Ce n'est pas pour toi! Terme de refus ironique. FRICASSÉE, s. f. Coups donnés ou reçus. FRICASSER, v. a. Dépenser. _Fricasser ses meubles._ Les vendre. FRICASSEUR, s. m. Dépensier, ivrogne, libertin. FRIC-FRAC, s. m. Effraction de meuble ou de porte,--dans l'argot des voleurs. _Faire fric-frac._ Voler avec effraction. FRICHTI, s. m. Ragoût aux pommes de terre,--dans l'argot des ouvriers, qui prononcent à leur manière le _früstück_ allemand. FRICOT, s. m. Ragoût; mets quelconque,--dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis plus d'un siècle. Le mot se trouve dans Restif de La Bretonne. FRICOTER, v. a. et n. Dépenser de l'argent, le boire ou le _manger_; faire la noce; se régaler. FRICOTER, v. n. Se mêler d'affaires véreuses; pêcher en eau trouble. FRICOTEUR, s. m. Homme qui aime les bons repas. Signifie aussi Agent d'affaires véreuses. _Le bataillon des fricoteurs._ «S'est dit, pendant la retraite de Moscou, d'une agrégation de soldats de toutes armes qui, s'écartant de l'armée, se cantonnaient pour vivre de pillage et fricotaient au lieu de se battre.» (Littré.) FRIGOUSSE, s. m. Cuisine, ou plutôt chose cuisinée,--dans l'argot des faubouriens. Signifie spécialement: Ragoût de pommes de terre. FRIGOUSSER, v. a. et n. Cuisiner; préparer un ragoût quelconque. FRILEUX, adj. et s. Poltron, homme qui a _froid_ aux yeux et au cœur,--dans l'argot du peuple. S'emploie surtout avec la négative. FRIMAS, s. m. pl. Le froid, la neige, l'hiver,--dans l'argot des académiciens. FRIME, s. f. Mensonge, hypocrisie, fausse alerte,--dans l'argot des faubouriens. _C'est pour la frime._ C'est pour rire. Le mot a quelques siècles de bouteille: «Renart qui scet de toutes frumes Luy esracha quatre des plumes!» dit le _Roman du Renard_. FRIME, s. f. Apocope de _Frimousse_,--dans l'argot des voyous et des voleurs. _Tomber en frime._ Se rencontrer _nez à nez_ avec quelqu'un. «Sans paffs', sans lime et plein de crotte Aussi rupin qu'un plongeur, Un jour un gouapeur en ribote Tombe en frime avec un voleur.» (_National de 1835._) FRIMER, v. a. Envisager et dévisager. FRIMOUSSE, s. f. Visage,--dans l'argot des faubouriens. _C'est pour ma frimousse._ C'est pour moi. L'expression a des cheveux blancs: «... De tartes et de talmouses, On se barbouille les frimouses.» a écrit l'auteur de la _Henriade travestie_. FRIMOUSSER, v. n. Tricher au jeu en se donnant les _figures_ à chaque coup,--dans l'argot des voleurs. FRIMOUSSEUR, s. m. Tricheur. FRIPE, s. f. Action de manger ou de cuisiner,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Dépense, écot de chacun. FRIPER, v. a. et n. Manger. L'expression se trouve dans Saint-Amant, un goinfre fameux: «Les dieux du liquide élément, Conviés chez un de leur troupe, Sur le point de friper la soupe, Seront saisis d'étonnement.» S'emploie aussi, au figuré, dans le sens de Dissiper. FRIPE-SAUCE, s. m. Cuisinier, marmiton. Signifie aussi Goinfre. FRIPOUILLE, s. f. Homme malhonnête et même canaille. On dit aussi _Frapouille_. FRIQUET, s. m. Mouchard,--dans l'argot des voleurs. FRIRE, v. a. et n. Faire; Manger,--dans l'argot du peuple, dont la cuisine se fait en plein vent, sur le fourneau portatif des friturières. _N'avoir rien à frire._ N'avoir pas un sou pour manger ou boire. L'expression est vieille, car elle se trouve en latin et en français dans Mathurin Cordier: Il n'a que frire; il n'a de quoy se frapper aux dez. _Nullam habet rem familiarem. Est pauperio Codro._» (qui est le «pauvre comme Job» de Juvénal). FRIRE DES OEUFS A QUELQU'UN. Lui préparer une mauvaise affaire; s'apprêter à lui jouer un méchant tour. J'ai souvent entendu: _Prends garde, Jean, on te frit des œufs_. FRISÉ, s. m. Juif,--dans l'argot des voleurs. FRISER COMME UN PAQUET DE CHANDELLES. Ne pas friser du tout, en parlant des cheveux. Argot du peuple. FRISES, s. f. pl. Bandes de toiles pendantes qui figurent le haut des décors en scène. Argot des machinistes. FRISONS, s. m. pl. Boucles de cheveux frisés à la chien, que les femmes à la mode portent aujourd'hui sur les tempes. Ces cheveux-là au moins leur appartiennent tandis que les frisons en soie qu'elles portent en chignon ne leur ont jamais appartenu. FRISQUET, s. m. Froid vif. _Il fait frisquet._ Il fait froid. FRISQUETTE, adject. subs. fém. Fille jeune, fraîche et avenante. Le vieux français avait l'adjectif _frisque_. FRIT, adj. Perdu, compromis, arrêté, atteint d'une maladie mortelle. FRITES, s. f. pl. Pommes de terre frites. FRITURER, v. a. Manger; cuisiner. FRITURIER, ÈRE s. Marchand, marchande de pommes de terre frites ou de gras-double à la poêle. FRIVOLISTE, s. m. Littérateur léger, écrivain de journal de modes,--dans l'argot des gens de lettres. Ce mot a été créé par Mercier. FROID AUX YEUX, s. m. Manque de courage,--dans l'argot au peuple. _Avoir froid aux yeux._ Avoir peur. _N'avoir pas froid aux yeux._ Être résolu à tout. FROIDUREUX, adj. Sujet à avoir froid. FROLLAU, s. m. Traître, médisant,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Froller sur la balle_. FROMAGES (Faire des). Se dit--dans l'argot des petites filles,--d'un jeu particulier qui consiste à imprimer un mouvement de rotation à leur robe et à se baisser rapidement de façon à former par terre «une belle cloche». FROME, s. m. Apocope de _Fromage_,--dans l'argot des voyous. FRONTIN, s. m. Valet habile, fripon, spirituel,--dans l'argot des gens de lettres. FROTESKA, s. f. Correction, _frottée_,--dans l'argot du peuple, qui a saisi cette occasion de donner un nom de plus à la _danse_ qu'il a inventée pour son plaisir et pour sa défense. FROTIN, s. m. Billard,--dans l'argot des faubouriens. _Coup de frotin._ Partie de billard. FROTTE (La). La gale,--qu'on guérit en frottant énergiquement le corps. FROTTÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot du peuple. FROTTER, v. a. Battre, donner des coups. On dit aussi _Frotter les reins_ et _Frotter le dos_. FROUFROU, s. m. Bruissement d'une robe de soie,--dans l'argot des amoureux, à qui cette onomatopée fait toujours bondir le cœur. Au XVIIe siècle, c'était une autre onomatopée, _frifilis_, mais qui ne valait pas celle-ci,--n'en déplaise à saint François de Sales. FROUFROU, s. m. Embarras, manières; effet de crinoline,--dans l'argot du peuple. _Faire du froufrou._ Faire de «l'épate». FROUFROU, s. m. Onomatopée par laquelle les voleurs désignent un Passe-partout. FROUSSE, s. m. Peur, frissonnement,--dans l'argot du peuple. FRUGES, s. f. pl. Bénéfices plus ou moins licites sur la vente--dans l'argot des commis de nouveautés. FRUIT, s. m. Enfant nouveau-né,--dans l'argot des faubouriens, qui, tout en gouaillant, font ainsi une allusion philosophique au fameux pommier du Paradis de nos pères. FRUIT SEC, s. m. Jeune homme qui sort bredouille du lycée ou d'une école spéciale. Se dit aussi, par extension, d'un mauvais écrivain ou d'un artiste médiocre. «Cette appellation,--dit Legoarant, vient de l'Ecole polytechnique, où un jeune homme de Tours qui travaillait peu fut interpellé par ses camarades pour savoir quelles étaient ses intentions s'il n'était pas classé. Il répondit: _Je ferai comme mon père le commerce des fruits secs_. Et en effet ce fut son lot.» _Les fruits secs de la vie._ Les gens qui, malgré leurs efforts ambitieux, n'arrivent à rien,--qu'au cimetière. FRUSQUE, s. f. Habit ou redingote,--dans l'argot des marchandes du Temple. FRUSQUES, s. f. pl. Vêtements en général,--dans l'argot des faubouriens. _Frusques boulinées._ Habits en mauvais état. FRUSQUIN (Saint), s. m. Vêtements; économies serrées dans une armoire, à même le linge et les habits. L'expression n'est pas d'hier: «J'étois parfois trop bête D'aimer ce libertin, Qui venait tête-à-tête Manger mon saint frusquin,» dit Vadé. FRUSQUINER (Se), v. réfl. S'habiller. FRUSQUINEUR, s. m. Tailleur. FUIR, v. n. Mourir, s'en aller,--comme le vin d'un tonneau défoncé. FUMÉ, adj. Pris, perdu, ruiné, mort. FUMELLE, s. f. Femme. Les faubouriens parlent comme écrivait Jean Marot. «Le masle n'a la fumelle en mépris,» dit le père du valet de chambre de François Ier. FUMER, v. n. Enrager, s'impatienter, s'ennuyer. On dit aussi _Fumer sans pipe et sans tabac_. FUMERIE s. f. Science du fumeur, action de fumer. FUMERON, s. m. Fumeur acharné,--dans l'argot des bourgeoises, que la fumée de la pipe incommode et qui ne pardonnent qu'à celle du cigare. Se dit aussi pour Gamin qui s'essaye à fumer. FUMERONS, s. m. pl. Jambes,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela surtout quand elles sont maigres. FUMER SA PIPE. Se dit,--dans l'argot des infirmiers,--«d'un symptôme qui se présente quelquefois dans les apoplexies: le malade, dont un côté de la face est paralysé, a ce côté gonflé passivement à chaque expiration; mouvement qui a quelque ressemblance avec celui d'un fumeur.» FUMER SES TERRES. Être enterré dans sa propriété. Argot des bourgeois. Voltaire a employé cette expression. FUMER SES TERRES. Épouser, noble et pauvre, une fille de vilain, riche,--laquelle selon l'expression de Montesquieu, «est comme une espèce de fumier qui engraisse une terre montagneuse et aride». FUSEAUX, s. m. pl. Jambes grêles,--dans l'argot du peuple, qui parle comme a écrit Voltaire. FUSÉE, s. f. Jet de vin qui sort de la bouche d'un homme qui en a trop bu. _Lâcher une fusée._ Vomir. FUSER, s. m. _Levare ventri onus_,--dans l'argot des troupiers. FUSIL, s. m. Estomac,--dans l'argot des faubouriens. _Se coller quelque chose dans le fusil._ Manger ou Boire. _Ecarter du fusil._ Cracher une pluie de salive en parlant à quelqu'un. FUSILLER, v. n. Donner un mauvais dîner--dans l'argot des troupiers. FUTÉ, adj. et s. Malin, rusé, habile,--dans l'argot du peuple qui emploie souvent ce mot en bonne part. G GABATINE, s. f. Plaisanterie,--dans l'argot du peuple, héritier des anciens _gabeurs_, dont il a lu les prouesses dans les romans de chevalerie de la _Bibliothèque Bleue_. _Donner de la gabatine._ Se moquer de quelqu'un, _le faire aller, en s'en moquant_. GABEGIE, subst. f. Fraude, tromperie. Est-ce un souvenir de la gabelle, ou une conséquence du verbe _se gaber_? GABELOU, s. m. Employé de l'octroi, le _Gabellier_ de nos pères. GACHER, v. n. Se dit à propos du mauvais temps, de la boue et de la neige qui rendent les rues impraticables. Cependant, au lieu de _Il gâche_, on dit plus fréquemment: _Il fait gâcheux_ ou _il fait du gâchis_. GACHER DU GROS, v. a. _Levare ventris onus_. GACHEUR, adj. et s. Écrivain médiocre, qui _gâche_ les plus beaux sujets d'articles ou de livres par son inhabileté ou la pauvreté de son style. Argot des gens de lettres. GACHEUSE, s. f. Femme ou fille du monde de la galanterie, qui ne connaît le prix de rien excepté celui de ses charmes. GACHIS, s. m. Embarras politique ou financier. _Il y aura du gâchis._ On fera des barricades, on se battra. GADIN, s. m. Bouchon,--dans l'argot des voyous. _Flancher au gadin._ Jouer au bouchon. GADIN, s. m. Vieux chapeau qui tombe en loques. Argot des faubouriens. GADOUAN, s. m. Garde national de la banlieue,--dans l'argot des voyous. GADOUE, s. f. Immondices des rues de Paris, qui servent à faire pousser les fraises et les violettes des jardiniers de la banlieue. D'où l'on a fait _Gadouard_, pour Conducteur des voitures de boue. GADOUE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,--dans l'argot des faubouriens, sans pitié pour les ordures morales. GAFFE, s. f. Les représentants de l'autorité en général,--dans l'argot des voleurs, qui redoutent probablement leur _gaflach_ (épée, dard). _Être en gaffe._ Monter une faction; faire sentinelle ou faire le guet. GAFFE, s. m. Représentant de l'autorité en particulier. _Gaffe à gail._ Garde municipal à cheval; gendarme. _Gaffe de sorgue._ Gardien de marché; patrouille grise. On dit aussi _Gaffeur_. GAFFE, s. m. Gardien de cimetière,--dans l'argot des marbriers. GAFFE, s. f. Bouche, langue,--dans l'argot des ouvriers. Se dit aussi pour action, parole maladroite, à contretemps. _Coup de gaffe._ Criaillerie. GAFFER, v. a. et n. Surveiller. GAGA, s. m. Gâteau,--dans l'argot des enfants, qui, de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, emploient à leur insu l'allitération, l'aphérèse et l'apocope. Ouf! GAGNER DES MILLE ET DES CENTS, v. a. Gagner beaucoup d'argent,--dans l'argot des bourgeois. GAGUIE, s. f. Bonne commère d'autant d'embonpoint que de gaieté. Argot du peuple. GAI (Être). Avoir un commencement d'ivresse,--dans l'argot des bourgeois. On dit aussi _Être en gaieté_. GAIL, s. m. Cheval,--dans l'argot des souteneurs de filles et des maquignons. Quelques Bescherelle de Poissy veulent qu'on écrive _gaye_ et d'autres _gayet_. GAILLARDE, s. f. Fille ou femme à qui les gros mots ne font pas peur et qui se plaît mieux dans la compagnie des hommes que dans la société des femmes. Argot des bourgeois. GALA, s. m. Repas copieux, fête bourgeoise. GALANTERIE, s. f. Le mal de Naples,--depuis si longtemps acclimaté à Paris. GALAPIAT, s. m. Fainéant, voyou,--dans l'argot du peuple. On dit aussi: _Galapiau_, _Galapian_, _Galopiau_, qui sont autant de formes du mot _Galopin_. GALBE, s. m. Physionomie, bon air, élégance,--dans l'argot des petites dames. _Être truffé de galbe._ Être à la dernière mode, ridicule ou non,--dans l'argot des gandins. Ils disent aussi _Être pourri de chic_. GALBEUX, adj. Qui a du _chic_, une désinvolture souverainement impertinente,--ou souverainement ridicule. GALE, s. f. Homme difficile à vivre, ou agaçant comme un _acarus_,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Teigne_. GALERIE, s. f. La foule d'une place publique ou les habitués d'un café, d'un cabaret. _Parler pour la galerie._ Faire des effets oratoires;--parler, non pour convaincre, mais pour être applaudi,--et encore, applaudi, non de ceux à qui l'on parle, mais de ceux à qui on ne devrait pas parler. Que de gens, de lettres ou d'autre chose, ont été et sont tous les jours victimes de leur préoccupation de la galerie? GALETTE, s. f. Imbécile, homme sans capacité, sans épaisseur morale. Argot du peuple. GALETTE, s. f. Matelas d'hôtel garni. GALIFARD, s. m. Cordonnier,--dans l'argot des revendeuses du Temple. GALIFARDE, s. f. Fille de boutique. GALIMAFRÉE, s. f. Ragoût, ou plutôt _Arlequin_,--dans l'argot du peuple. S'emploie aussi au figuré. GALIOTE, s. f. «Complot entre deux joueurs qui s'entendent pour faire perdre ceux qui parient contre un de leurs compères.» On dit aussi _Gaye_. GALIPOT, s. m. _Stercus_ humain,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. A proprement parler le _Galipot_ est un mastic composé de résine et de matières grasses. GALIPOTER, v. n. _Cacare_. GALLI-BATON, s. m. Vacarme; rixe,--dans l'argot des faubouriens. GALLI-TRAC, s. m. Poule-mouillée, homme qui a le _trac_. GALOCHE, s. f. Jeu du bouchon,--dans l'argot des gamins. GALONS D'IMBÉCILE, s. m. pl. Grade subalterne obtenu à l'ancienneté,--dans l'argot des troupiers. GALOP, s. m. Réprimande,--dans l'argot des ouvriers. GALOPÉ, adj. Fait à la hâte, sans soin, sans goût. GALOPER, v. n. Se dépêcher. Signifie aussi Aller çà et là. Activement, ce verbe s'entend dans le sens de Poursuivre, Courir après quelqu'un. GALOPER UNE FEMME. Lui faire une cour pressante. GALOPIN, s. m. Apprenti,--dans l'argot des ouvriers. Mauvais sujet,--dans l'argot des bourgeois. Impertinent,--dans l'argot des petites dames. GALOUBET, s. m. Voix,--dans l'argot des coulisses. _Avoir du galoubet._ Avoir une belle voix. _Donner du galoubet._ Chanter. GALUCHE, s. m. Galon,--dans l'argot des voleurs. GALUCHER, v. a. Galonner. GALUCHET, s. m. Valet,--dans l'argot des voyous. GALURIN, s. m. Chapeau. Ce mot ne viendrait-il pas, par hasard, du latin _galea_, casque, ou plutôt de _galerum_, chapeau? GALVAUDAGE, s. m. Désordre, gaspillage de fortune et d'existence. Argot des bourgeois. GALVAUDER, v. a. Gâcher, gâter, dissiper. GALVAUDER (Se). Vivre dans le désordre; ou seulement Hanter les endroits populaciers. GALVAUDEUX, s. m. Fainéant, bambocheur. Argot du peuple. GAMBILLARD, adj. et s. Homme alerte qu'on rencontre toujours marchant. GAMBILLER, v. n. Danser, remuer les _jambes_. Il est tout simple qu'on dise _gambiller_, la première forme de _jambe_ ayant été _gambe_. «Si souslevas ton train Et ton peliçon ermin, Ta cemisse de blan lin, Tant que ta gambete vitz» dit le roman d'_Aucassin et Nicolette_. GAMBILLES, s. f. pl. Jambes. GAMBILLEUR, s. m. Danseur,--dans l'argot des voleurs qui, comme de simples vaudevillistes, prennent le bien des autres où ils le trouvent. _Gambilleur de tourtouse._ Danseur de corde. GAMBRIADE, s. f. La danse, et principalement le Cancan. GAMET, s. m. Raisin des environs de Paris avec lequel on fait de la piquette. Argot du peuple. GAMIN, s. m. Enfant qui croit comme du chiendent entre les pavés du sol parisien, et qui est destiné à peupler les ateliers ou les prisons, selon qu'il tourne bien ou mal une fois arrivé à la Patte d'Oie de la vie, à l'âge où les passions le sollicitent le plus et où il se demande s'il ne vaut pas mieux vivre mollement sur un lit de fange, avec le bagne en perspective, que de vivre honnêtement sur un lit de misères et de souffrances de toutes sortes. Ce mot, né à Paris et spécial aux Parisiens des faubourgs, a commencé à s'introduire dans notre langue sous la Restauration, et peut-être même un peu auparavant,--bien que Victor Hugo prétende l'avoir employé le premier dans _Claude Gueux_, c'est-à-dire en 1834. GAMIN, s. m. Homme trop impertinent,--dans l'argot des petites dames, qui ne pardonnent les impertinences qu'aux hommes qui en ont les moyens. GAMINER, v. n. Faire le gamin ou des gamineries. GAMINERIE, s. t. Plaisanterie que font volontiers les grandes personnes à qui l'âge n'a pas apporté la sagesse et le tact. _Faire des gamineries._ Écrire ou faire des choses indignes d'un homme qui se respecte un peu. GAMME, s. f. Correction paternelle,--dans l'argot du peuple. _Faire chanter une gamme._--Châtier assez rudement pour faire crier. On dit aussi _Monter une gamme_. GANACHE, s. f. Homme qui ne sait rien faire ni rien dire; _mâchoire_. Dans l'argot des gens de lettres, ce mot est synonyme de Classique, d'Académicien. «Montesquieu toujours rabâche, Corneille est un vieux barbon; Voltaire est une ganache Et Racine un polisson!» dit une épigramme du temps de la Restauration. _Père Ganache._ Rôle de Cassandre,--dans l'argot des coulisses. On dit aussi _Père Dindon_. GANCE, s. f. Clique, bande,--dans l'argot des voleurs. GANDIN, s. m. Oisif riche qui passe son temps à se ruiner pour des drôlesses,--et qui n'y passe pas beaucoup de temps, ces demoiselles ayant un appétit d'enfer. Le mot n'a qu'une dizaine d'années. Je ne sais plus qui l'a créé. Peut-être est-il né tout seul, par allusion aux _gants_ luxueux que ces messieurs donnent à ces demoiselles, ou au boulevard de _Gand_ (des Italiens) sur lequel ils promènent leur oisiveté. On a dit _gant-jaune_ précédemment. GANDIN, s. m. Coup monté ou à monter,--dans l'argot des voleurs. _Hisser un gandin à quelqu'un._ Tromper. GANDIN, s. m. Amorce, paroles fallaces,--dans l'argot des marchandes du Temple. _Monter un gandin._ Raccrocher une pratique, forcer un passant à entrer pour acheter. GANDIN D'ALTÈQUE, s. m. Décoration honorifique quelconque,--dans l'argot des voleurs. GANDINE, s. f. La femelle du gandin,--un triste mâle et une triste femelle. GANDINERIE, s. f. Actions, habitudes de gandin. Peu usité. GANTER, v. a. et n. Convenir, agréer,--dans l'argot des bourgeois. GANTER, v. n. Payer plus ou moins généreusement,--dans l'argot des filles. _Ganter 5 1/2._ N'être pas généreux. _Ganter 8 1/2._ Avoir la main large et pleine. GANTS, s. m. pl. Les _deux sous du garçon_ des filles,--avec cette différence que les sous du premier sont en cuivre et les sous des secondes en argent, et même en or. Ce sont nos anciennes _épingles_, la _drinkgeld_ des Flamands, le _paraguantes_ des Espagnols et la _buona mancia_ des Italiens. GANTS DE... (Avoir les). Avoir tout le mérite d'une découverte, tout l'honneur d'une affaire, etc. _Se donner les gants de..._ Se vanter d'une chose qu'on n'a pas faite; s'attribuer l'honneur d'une invention, le mérite d'une fine repartie,--en un mot, et il est de Génin, «s'offrir à soi-même un pourboire» gagné par un autre. GARCE, s. f. Fille ou femme qui recherche volontiers la compagnie des hommes,--surtout quand ils sont riches. Un mot charmant de notre vieux langage, que l'usage a défloré et couvert de boue. Il n'y a plus aujourd'hui que les paysans qui osent dire d'une jeune fille chaste: «C'est une belle garce.» S'emploie fréquemment avec _de_, à propos des choses. GARÇON, s. m. Voleur,--dans l'argot des prisons. _Brave garçon._ Bon voleur. _Garçon de campagne._ Voleur de grand chemin. GARÇON D'ACCESSOIRES, s. m. Employé chargé de la garde du magasin où sont renfermés les accessoires. Argot des coulisses. On dit aussi _Accessoiriste_. GARÇONNER, v. n. Se plaire avec les petits garçons quand on est petite fille, et avec les jeunes hommes quand on est femme. Argot des bourgeois. GARÇONNIÈRE, adj. et s. Fille qui oublie son sexe en jouant avec des garçons qui profitent de cet oubli. GARDE-MANGER, s. m. _Water-Closet_,--dans l'argot du peuple, moins décent que l'argot anglais, qui ne fait allusion qu'à l'estomac en disant: _Victualling-Office_. GARDE NATIONAL, s. m. Paquet de couenne,--dans l'argot des faubouriens, irrévérencieux envers l'institution inventée par La Fayette. GARDER, v. n. Être près du bouchon ou de l'une des pièces tombées. Argot des gamins. GARDER A CARREAU (Se). S'arranger de façon à n'être pas surpris par une réclamation, par un désaveu, par une attaque, etc. Argot du peuple. Signifie aussi: Ne pas dépenser tout son argent. On dit de même _Avoir une garde à carreau_. GARDER UN CHIEN DE SA CHIENNE A QUELQU'UN. Se proposer de lui jouer un tour ou de lui rendre un mauvais office. On dit aussi _Garder une dent_, et, absolument, _la garder_. GARDER UNE POIRE POUR LA SOIF. Faire des économies; épargner, jeune, pour l'heure où l'on sera vieux. GARDIEN, s. m. Variété de _Sentinelle_ ou de _Factionnaire_. (V. _Insurgé de Romilly_.) GARE-L'EAU, s. m. «Pot qu'en chambre on demande.»,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Reçoit-tout_. GARGANTUA, s. m. Grand mangeur,--dans l'argot du peuple. GARGARISER (Se), v. réf. Boire un canon de vin ou un petit verre d'eau-de-vie. GARGARISME, s. m. Verre de vin ou d'eau-de-vie. GARGOINE, s. f. Gorge, gosier, [grec: gargareôn]. _Se rincer la gargoine._ Boire. GARGOT, s. m. Petit restaurant où l'on mange à bon marché et mal. On dit aussi _Gargote_. GARGOTAGE, s. m. Mauvais ragoût; chose mal apprêtée,--au propre et au figuré. On dit aussi _Gargoterie_. GARGOTER, v. a. et n. Cuisiner à la hâte et malproprement. On trouve «Gargoter la marmite» dans les _Caquets de l'accouchée_. Signifie aussi Hanter les gargotes. GARGOTER, v. a. et n. Travailler sans goût, à la hâte. GARGOTIER, s. m. Mauvais traiteur, au propre; mauvais ouvrier au figuré. GARGOUILLADE, s. f. Borborygmes. Se dit aussi de Fioritures de mauvais goût. GARGOUILLER, v. n. Avoir des borborygmes. On dit aussi _Trifouiller_. GARGUE, s. f. Bouche,--dans l'argot des voleurs. C'est l'apocope de _Gargoine_. GARNAFFE, s. f. Ferme,--dans le même argot. GARNAFFIER, s. m. Fermier, paysan. GARNISON, s. f. _Pediculi_,--dans l'argot du peuple. Naturellement c'est une garnison de _grenadiers_. GAS, s. m. Garçon, enfant mâle,--dans l'argot du peuple, qui trouve plus doux de prononcer ainsi que de dire _gars_. _Beau gâs._ Homme solide. _Mauvais gâs._ Vaurien, homme suspect. GATEAU FEUILLETÉ, s. m. Bottes qui se délitent,--dans l'argot des faubouriens. GÂTE-MÉTIER, s. m. Ouvrier qui met trop de cœur à l'ouvrage; marchand qui vend trop bon marché,--dans l'argot du peuple, qui, s'il le connaissait, citerait volontiers le mot de Talleyrand: «Pas de zèle! Pas de zèle!» GÂTER LA TAILLE (Se), pour une femme «devenir enceinte». GÂTE-SAUCE, s. m. Garçon pâtissier. GATEUX, s. m. Journaliste sans esprit, sans style et sans honnêteté,--dans l'argot des gens de lettres, qui n'y vont pas de plume morte avec leurs confrères. GAU, s. m. Pou,--dans l'argot des voleurs. _Basourdir des gaux._ Tuer des poux. On a écrit autrefois _Goth_; Goth a été pris souvent pour _Allemand_; les Allemands passent pour des gens qui «se peignent avec les quatre doigts et le pouce»: concluez. GAU PICANTI, s. m. Le _pediculus vestimenti_. GAUDINEUR, s. m. Peintre-décorateur. GAUDISSARD, s. m. Commis-voyageur, loustic,--dans l'argot du peuple. Le type appartient à Balzac, qui en a fait un roman; mais le mot appartient à la langue du XVIe siècle, puisque Montaigne a employé _Gaudisserie_ pour signifier Bouffonnerie, plaisanterie. GAUDRIOLE, s. f. Parole leste dont une femme a le droit de rougir,--dans l'argot des bourgeois, qui aiment à faire rougir les dames par leurs équivoques. GAUDRIOLER, v. n. Rire et plaisanter aux dépens du goût et souvent de la pudeur. GAUDRIOLEUR, s. et adj. Bourgeois farceur, qui a de l'esprit aux dépens de Piron, qu'il a lu sans le citer, et de la morale, qu'il blesse sans l'avertir. GAULÉ, s. m. Cidre,--dans l'argot des voleurs et des paysans. GAULOIS, adj. et s. Homme gaillard en action, et surtout en paroles,--dans l'argot du peuple, qui a conservé «l'esprit gaulois» de nos pères, lesquels étaient passablement orduriers. GAUPE, s. f. Fille d'une conduite lamentable. GAUPERIE, s. f. Actions, conduite, dignes d'une gaupe. GAVÉ, s. m. Ivrogne,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Gaviolé_. GAVER (Se), v. réfl. Manger,--dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un pigeon. GAVIOT, s. m. Gorge, gosier. _Serrer le gaviot à quelqu'un._ L'étrangler, l'étouffer. Autrefois on disait _Gavion_. GAVOT, s. m. Rival du _Dévorant_,--dans l'argot du compagnonnage. GAVROCHE, s. m. Voyou,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont lu _les Misérables_ de Victor Hugo. GAZ, s. m. Les yeux, que la passion _allume_ si vite,--dans l'argot des faubouriens. _Allumer son gaz._ Regarder avec attention. GAZ, s. m. _Ventris flatus._ On dit aussi _Fuite de gaz_. _Lâcher son gaz._ Crepitare. _Avoir une fuite de gaz dans l'estomac._ Fetidum halitum emittere. GAZER, v. a. et n. Ne pas dire les choses crûment,--dans l'argot des bourgeois. GAZON, s. m. Perruque plus ou moins habilement préparée, destinée à orner les crânes affligés de calvitie. GAZOUILLER, v. n. Parler,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Répondre. GEIGNEUR, s. et adj. Homme qui aime à se plaindre sans avoir de sérieux motifs de plainte,--dans l'argot du peuple, ennemi de ces hommes-femmes-là. GEINDRE, v. n. Se plaindre. GENDARME, s. m. Hareng saur,--dans l'argot des charcutiers. GENDARME, s. m. Femme délurée et de grande taille,--dans l'argot du peuple. GENDARME, s. m. Fer à repasser,--dans l'argot des ménagères, qui ont constaté que la plupart de ces utiles instruments sortaient de la maison de la veuve Gendarme. _Branleuse de gendarme._ Repasseuse. GENDARMER (Se), v. réfl. S'offenser. Signifie aussi: Regimber, résister. GENDARMES, s. m. pl. Moisissures que le contact de l'air développe à la surface du vin,--dont cela _arrête_ ainsi le travail de bonification. GENDELETTRE, s. m. Homme de lettres,--dans l'argot des bourgeois, qui font de ce mot ce que le peuple a fait du mot précédent, primitivement écrit _gens d'armes_. GÊNE, s. f. Pauvreté,--dans l'argot du peuple, dont c'est le vice principal. GÊNÉ DANS SES ENTOURNURES. Ennuyé, agacé par quelqu'un ou par quelque chose,--dans l'argot des faubouriens, qui aiment les vêtements larges et les «bons enfants». GÉNÉRAL MACADAM, s. m. Le public, qui est le Salomon de toutes les _filles_. On disait _le général Pavé_, avant l'introduction en France du système d'empierrement des rues dû à l'ingénieur anglais MacAdam. GÊNEUR, s. et adj. Type essentiellement parisien,--comme la punaise. C'est plus que l'importun, plus que l'indiscret, plus que l'ennuyeux, plus que le raseur: c'est--le gêneur. GÉNISSE, s. f. Femme trop libre. GENOU, s. m. Crâne affligé de calvitie. _Avoir son genou dans le cou._ Être chauve. GENRE, s. m. Manières; embarras; pose,--dans l'argot du peuple. _Que ça de genre!_ est son exclamation favorite à propos de choses ou de gens qui «l'épatent». GENTLEMAN, s. m. Homme d'une correction de langage et de manières à nulle autre pareille,--dans l'argot des gandins. On dit aussi _Parfait Gentleman_, mais c'est un pléonasme, puisqu'un Gentleman qui ne serait pas parfait ne serait pas gentleman. GERBEMENT, s. m. Jugement, condamnation,--dans l'argot des voleurs. GERBER, v. a. Condamner. _Gerber à vioc._ Condamner aux travaux forcés à perpétuité. _Gerber à la passe_ ou _à conir_. Condamner à mort. GERBERIE, s. f. Tribunal, Cour d'assises. GERBIER, s. m. Avocat d'office,--dans l'argot des voleurs, qui, certainement à leur insu, donnent à leur défenseur, médiocre porte-toge, le nom du très célèbre avocat au parlement de Paris. Signifie aussi Juge. GÉRONTOCRATIE, s. f. Puissance des préjugés, de la routine et des idées caduques, «sous laquelle tout se flétrit en France»,--où les Gérontes sont encore plus nombreux que les Scapins. L'expression est d'Honoré de Balzac. GERCE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des voyous pour qui, sans doute, c'est la _vermine_. GÉSIER, s. m. Gorge, gosier,--dans l'argot du peuple. _Avoir mal au gésier._ Avoir une laryngite ou une bronchite. GESSEUR, s. m. Homme qui fait des embarras,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Grimacier, excentrique. Je n'ai pas besoin de dire que l'étymologie de ce mot est _geste_, et que c'est par euphonie qu'on le prononce ainsi que je l'écris. GESSEUSE, s. m. Femme minaudière, qui fait sa sucrée--et même «sa Sophie». G. G. s. m. Bon sens, _jugeotte_. _Avoir du g.-g._ N'être pas un imbécile. G. D. G. Phrase ironique qu'emploient fréquemment les faubouriens, qui dédaignent d'en dire plus long, affectant de n'en pas savoir davantage. _Avec ou sans g. d. g._? disent-ils souvent, à propos des moindres choses. Il est inutile d'ajouter que ce _sans g. d. g._ est l'abréviation de _sans garantie du gouvernement_. GIBASSE, s. f. pl. Gorge qui a peut-être promis, mais qui ne tient pas. GIBELOTTE DE GOUTTIÈRE, s. f. Chat de toits,--dans l'argot du peuple. GIBERNE, s. f. La partie du corps dont les femmes augmentent encore le volume à grand renfort de jupons et de crinolines. Ce mot,--de l'argot des faubouriens, s'explique par la position que les soldats donnaient autrefois à leur cartouchière. GIBIER DE CAYENNE, s. m. Voleur, ou meurtrier,--dans l'argot du peuple. GIBOYER, s. m. Journaliste d'estaminet, homme de lettres à tout faire,--dans l'argot des gens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir de la comédie d'Emile Augier. Encore un nom d'homme devenu un type. GIFFE ou GIFFLE, s. f. Soufflet,--dans l'argot du peuple, qui se rappelle sans doute que ce mot signifiait autrefois _joue_. GIFFLER, v. a. Souffleter quelqu'un. GIGOLETTE, s. f. Jeune fille qui a jeté sa pudeur et son bonnet par-dessus les moulins, et qui fait consister son bonheur à aller jouer des _gigues_ dans les bals publics,--surtout les bals de barrière. Je crois avoir été un des premiers, sinon le premier, à employer ce mot, fort en usage dans le peuple depuis une quinzaine d'années. J'en ai dit ailleurs (_Les Cythères parisiennes_): «La gigolette est une adolescente, une muliéricule. Elle tient le milieu entre la grisette et la gandine,--moitié ouvrière et moitié fille. Ignorante comme une carpe, elle n'est pas fâchée de pouvoir babiller tout à son aise avec le gigolo, tout aussi ignorant qu'elle, sans redouter ses sourires et ses leçons.» GIGOLO, s. m. Male de la gigolette. C'est un adolescent, un petit homme. Il tient le milieu entre Chérubin et don Juan,--moitié nigaud et moitié greluchon. Type tout à fait moderne, que je laisse à d'autres observateurs le soin d'observer plus en détail. GIGOTER, v. n. Remuer les _gigues_; danser. GIGOTS, s. m. pl. Cuisses de l'homme,--dans l'argot des faubouriens, toujours contempteurs de l'humanité. GIGUE, s. f. Femme maigre et d'une taille élevée. On dit aussi _Grande gigue_. GIGUER, v. n. Danser. GIGUES, s. f. pl. Jambes,--dans l'argot du peuple, qui s'en sert pour danser la _gigue_ ou la faire danser aux gens qui l'ennuient. On disait autrefois _gigoteaux_. GILET, s. m. Estomac; poitrine. _S'emplir le gilet._ Boire ou manger. _Avoir le gilet doublé de flanelle._ Avoir mangé une soupe plantureuse. _Gilet à la mode._ Belle gorge de femme, où le lard abonde. GILLES, s. m. Nom d'homme devenu celui de tous les hommes dont l'esprit et le cœur ne se sont pas développés autant que les jambes. _Faire Gilles._ S'en aller,--s'enfuir. GILMONT, s. m. Gilet,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Georget_. GILQUIN, s. m. Coup de poing,--dans l'argot des artistes et des canotiers. On dit aussi _Coup de Gilquin_. GIN, s. m. Genièvre,--dans l'argot des faubouriens, qui s'anglomanisent par moquerie comme les gandins par genre. GIRAFE, s. f. Escalier en spirale,--dans l'argot des écoles de natation. GIRIES, s. f. pl. Fausse modestie, refus des lèvres et non du cœur,--dans l'argot du peuple, qui a horreur de l'hypocrisie. _Faire des giries._ Faire semblant de pleurer quand on n'en a pas envie; refuser ce qu'on meurt d'envie d'accepter. _Faiseuse de giries._ Fausse Agnès, fausse prude,--et vraie femme. GIROFLÉE A CINQ FEUILLES, s. f. Soufflet,--dans l'argot des faubouriens, qui savent très bien le nombre des feuilles du _cheiranthus_, et encore mieux celui des doigts de leur main droite. On dit aussi _giroflée à plusieurs feuilles_,--autre ravenelle qui pousse sur les visages. GIROFLÉTER, v. a. Souffleter.--Verbe créé par Balzac. GIROLLE, adv. Soit,--dans l'argot des voleurs. GIRON, s. m. La partie du corps comprise entre la ceinture et les genoux d'une femme assise,--dans l'argot du peuple, qui a conservé précieusement ce mot, en souvenir de ce qu'il représente pour lui, fils reconnaissant. GIRONDE, adj. f. Se dit de toute fille ou femme agréable, plaisante à voir ou à avoir. Argot des voleurs. On dit aussi _Girofle_. GIRONDINE, adj. Femme plus jeune et plus gentille que celle qui n'est que gironde. GIROUETTE, s. f. Homme sans conscience et sans moralité, mais non sans habileté et sans esprit, qui tourne à tous les vents sociaux et politiques: royaliste avec les Bourbons, républicain avec la République, napoléonien avec l'Empire, mouton avec les gens qui bêlent, dogue avec les gens qui mordent, roquet avec les gens qui aboient, enclume avec le peuple et marteau avec le Pouvoir. Argot du peuple. GÎTER, v. n. Habiter, demeurer. GIVERNER, v. n. Passer la nuit à vagabonder,--dans l'argot des cochers de fiacre. GIVERNEUR, s. m. Vagabond, rôdeur de nuit. GLACIS, s. m. Verre,--dans l'argot des voleurs, qui parlent anglais (_glass_) sans le savoir. _Un glacis de lance._ Un verre d'eau. GLACIS, s. m. Ton léger et transparent,--dans l'argot des artistes. _Se poser un glacis._ Boire,--ce qui amène la transpiration sur le visage et le fait reluire en le colorant. GLAÇON, s. m. Homme d'un abord un peu raide,--dans l'argot du peuple, que la distinction effarouche. GLAIVE, s. m. Couteau à découper,--dans l'argot des francs-maçons. GLAS, s. m. Homme ennuyeux, qui répète toujours la même chose,--comme la cloche qui sonne la mort de quelqu'un. Argot du peuple. Les ouvriers anglais ont une expression du même genre: _croaker_, disent-ils. GLAUDE, s. m. Innocent, et même niais. Evidemment le _Glaude_ d'ici est un Claude, comme _Colas_ est un Nicolas, et _Miché_ peut être un Michel. GLAVIOT, s. m. Mucosité expectorée,--dans l'argot des faubouriens. GLAVIOTTER, v. n. Cracher fréquemment et malproprement. Signifie aussi _Débiner_. GLAVIOTTEUR, s. m. Homme qui crache fréquemment et abondamment. GLIER, s. m. Le Diable,--dans l'argot des voleurs. C'est une syncope de _Sanglier_ probablement. _Le Glier t'enrôle en son pasclin!_ Le diable t'emporte en enfer (son pays). Signifie aussi _Enfer_. GLISSADE, s. f. Chute plus déshonorante que dangereuse pour la jeune fille qui la fait: elle ne casse que son sabot, mais il vaudrait mieux qu'elle se fût cassé la jambe. Argot du peuple. _Faire des glissades._ Changer souvent d'amants. GLISSANT, s. m. Savon,--dans l'argot des voleurs. GLISSER, v. n. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. GLISSOIRE, s. f. Ruisseau gelé sur lequel les gamins s'amusent à glisser. GLOBE, s. m. Tête,--dans l'argot des faubouriens, qui la laissent souvent osciller sur son axe. GLOBES ARRONDIS (Les). La gorge,--dans l'argot des Académiciens. Quelques-uns ajoutent quelquefois: _par la main des Grâces_. GLORIA, s. m. Tasse de café noir avec un petit verre d'eau-de-vie. Argot des limonadiers. GLOUGLOUTER, v. n. Boire, faire des glouglous en buvant. Argot des faubouriens. GLOUSSER, v. n. Parler. GLUANT, s. m. Enfant à la mamelle que le lait qu'il tette et qu'il laisse baver sur lui rend tout poisseux et désagréable à toucher pour quiconque n'est ni son père ni sa mère. GLUAU, s. m. Expectoration abondante. _Lâcher son gluau._ Cracher malproprement. GNANGNAN, adj. des deux g. Mou, paresseux, sans courage. GNIAF, s. m. Ouvrier,--dans l'argot des cordonniers. _Savetier_,--dans l'argot des ouvriers. GNIAFFER, v. a. Travailler mal; faire une chose sans soin, sans goût,--comme un savetier. GNIFF, s. et adj. Clair, dépouillé,--dans l'argot du peuple, qui dit cela spécialement à propos du vin. GNOGNOTTE, s. f. Marchandise sans valeur; chose sans importance. Balzac a employé aussi ce mot à propos des personnes,--et dans un sens péjoratif, naturellement. GNOLLAIS, s. m. _Batignollais_,--dans l'argot des voyous. GNOLLE, adj. des 2 g. Paresseux; niais,--dans l'argot des faubouriens. Quelques lexicographes du ruisseau veulent que l'on écrive et prononce _gniole_. GNOLLES-CEAUX, n. d. l. Batignolles-Monceaux. GNOLLES-CHY., Batignolles-Clichy. GNON, s. m. Meurtrissure que se fait une toupie ou un sabot,--dans l'argot des enfants; et par extension, Blessure que se font les hommes en se battant. S'emploie au figuré. GO (De, ou Tout de), adv. Librement, sans façon, sans obstacle,--dans l'argot du peuple. GOBELOTTER, v. a. Aller de cabaret en cabaret. Signifie aussi, Buvotter, boire à petits coups. GOBELOTTEUR, s. m. Ami des franches lippées, et des plantureuses réfections. GOBE-MOUCHERIE s. f. La franc-maçonnerie,--dans l'argot des voleurs. GOBE-MOUCHES, s. m. Imbécile, homme qui bée au vent au lieu de regarder à ses côtés, où se trouve parfois un pick-pocket. Argot du peuple. GOBER, v. a. Croire légèrement aux choses qu'on dit, avaler les mensonges avec autant de confiance que si c'étaient des vérités. GOBER, v. a. Avoir de la sympathie pour quelqu'un; ressentir de l'enthousiasme pour certaines idées. Argot des faubouriens. Eprouver un sentiment subit de tendresse pour un compagnon,--dans l'argot des petites dames. GOBER (La). Être ruiné pour avoir trop cru aux Mercadets. Par extension: Mourir. GOBER (Se). Avoir de la fatuité; s'écouter parler et se regarder dans une glace en parlant. GOBERGER (Se), v. réfl. Se complaire dans un endroit, dans un bon lit, dans un bon fauteuil, auprès d'un bon feu ou d'une bonne table. On sait qu'on appelle _goberges_ les ais du fond sanglé du lit. GOBER SON BOEUF, v. a. Être furieux, d'une chose ou contre quelqu'un,--dans l'argot des ouvriers. GOBE-SON, s. m. Calice,--dans l'argot des voleurs. GOBET, s. m. Morceau de viande quelconque,--dans l'argot des bouchers, qui emploient ce mot à propos de la viande non encore détaillée. GOBET, s. m. Polisson; ouvrier qui se débauche,--dans l'argot du peuple. _Mauvais gobet._ Méchant drôle. GOBICHONNADE, s. f. Ripaille. GOBICHONNER, v. n. Courir les cabarets; faire le lundi toute la semaine. Argot des ouvriers. GOBICHONNEUR, s. m. Ami des franches lippées. GOBIN, s. m. Bossu. GODAILLER, v. n. Courir les cabarets. Ce verbe est un souvenir de l'occupation de Paris par les Anglais, amateurs de _good ale_. GODAILLEUR, s. m. Ivrogne, pilier de cabaret. GODAN, s. m. Rubrique, mensonge, supercherie,--dans l'argot des faubouriens. _Connaître le godan._ Savoir de quoi il s'agit; ne pas se laisser prendre à un mensonge. _Tomber dans le godan._ Se laisser duper; tomber dans un piège. GODANCER, v. n. Croire à un mensonge; tomber dans un piège,--dans un _godan_. GODDAM, s. m. Anglais,--dans l'argot du peuple, qui a trouvé moyen de désigner toute une nation par son juron favori. GODELUREAU, s. m. Jeune homme qui fait l'agréable auprès des «dames» et les _réjouit_,--dans l'argot des bourgeois qui n'aiment pas les Lovelaces. On écrivait au XVIe siècle _gaudelereau_,--ce qu'explique l'étymologie _gaudere_. GODET, s. m. Verre à boire,--dans l'argot du peuple. GODICHE, s. et adj. Niais, ou seulement timide. On dit aussi _Godichon_. GODILLER, v. n. Se réjouir, être content. GODINETTE, s. f. Grisette, maîtresse. _Baiser en godinette._ «Baiser sur la bouche en pinçant les joues de la personne,»--sans doute comme baisent les grisettes des romans de Paul de Kock. GOFFE, adj. Homme mal bâti, ou maladroit, grossier de corps ou d'esprit. GOGAILLE, s. f. Repas joyeux et plantureux. GOGO, s. m. Homme crédule, destiné à prendre des actions dans toutes les entreprises industrielles, même et surtout dans les plus véreuses,--chemins de fer de Paris à la lune, mines de café au lait, de charbon de bois, de cassonnade, enfin de toutes les créations les plus fantastiques sorties du cerveau de Mercadet ou de Robert Macaire. A propos de ce mot encore, les étymologistes bien intentionnés sont partis à fond de train vers le passé et se sont égarés en route,--parce qu'ils tournaient le dos au poteau indicateur de la bonne voie. L'un veut que _gogo_ vienne de _gogue_, expression du moyen âge qui signifie raillerie: l'autre trouve _gogo_ dans François Villon et n'hésite pas un seul instant à lui donner le sens qu'il a aujourd'hui. Pourquoi, au lieu d'aller si loin si inutilement, ne se sont-ils pas baissés pour ramasser une expression qui traîne depuis longtemps dans la langue du peuple, et qui leur eût expliqué à merveille la crédulité des gens à qui l'on promet qu'ils auront tout à _gogo_? Ce mot «du moyen âge» date de 1830-1835. GOGO (A), adv. A profusion, en abondance. GOGOTTE, adj. Faible, mou, sans caractère; malpropre, mauvais, désagréable. Argot des faubouriens. _Avoir la vue gogotte._ Avoir de mauvais yeux, n'y pas voir clair, ou ne pas voir de loin. _Être gogotte._ Être un peu niais; faire l'enfant. GOGUENOT, s. m. Vase de fer-blanc,--dans l'argot des troupiers d'Afrique, qui s'en servent comme casserole et comme gobelet. GOGUENOT, s. m. Baquet-latrine,--dans l'argot des prisons et des casernes. On dit aussi _Goguenaux_. GOGUETTE, s. f. Société chantante,--dans l'argot du peuple, qui lui aussi a son Caveau. GOGUETTE, s. f. Chanson joyeuse. _Être en goguette._ Être de bonne humeur, grâce à des libations réitérées. GOGUETTIER, s. m. Chanteur de goguettes; membre d'une société chantante. GOÏ, s. m. Chrétien,--dans l'argot des voleurs. GOINFRADE, s. f. Repas copieux,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Goinfrerie_. GOINFRE, s. m. Chantre,--dans l'argot des voleurs. GOINFRER (Se), v. réfl. Boire et manger avec excès,--comme font les gens qui ne mangent pas tous les jours. GOÎTREUX, s. m. Aménité de l'argot des gens de lettres, qui se croient autorisés à l'adresser à leurs rivaux,--qu'ils appellent aussi _crétins_, pour varier leurs injures. GOLGOTHER, v. n. Poser en martyr; se donner des airs de victime; faire croire à un Calvaire, à un Golgotha imaginaire. Ce verbe appartient à Alexandre Pothey, graveur et chansonnier--sur bois. GOMBERGER, v. a. Compter--dans l'argot des prisons. GONCE, s. m. Homme quelconque du bois dont on fait les dupes,--dans l'argot des voleurs, qui ont remarqué que les bourgeois se parfumaient (_concio_). GONCIER, s. et adj. Homme rusé, malin, qui enfonce le _gonce_. GONZESSE, s. f. Femme en général, et, en particulier, Maîtresse, concubine. GORET, s. m. Premier ouvrier,--dans l'argot des cordonniers. GORET, s. m. Homme malpropre, _petit cochon_,--dans l'argot du peuple, qui a appelé la reine Isabeau _la grande gore_. GORGE, s. f. Étui,--dans l'argot des voleurs. GORGNIAT, s. m. Homme malpropre, _cochon_,--dans l'argot des faubouriens, qui emploient cette expression au propre et au figuré. GOSSE, s. f. Bourde, menterie, attrape,--dans l'argot des écoliers et du peuple. Voilà encore un mot fort intéressant, à propos duquel la verve des étymologistes eût pu se donner carrière. On ne sait pas d'où il vient, et, dans le doute, on le fait descendre du verbe français _se gausser_, venu lui-même du verbe latin _gaudere_. On aurait pu le faire descendre de moins haut, me semble-t-il. Outre que Noël Du Fail a écrit _gosseur_ et _gosseuse_, ce qui signifie bien quelque chose, jamais les Parisiens, inventeurs du mot, n'ont prononcé _gausse_. C'est une onomatopée purement et simplement,--le bruit d'une _gousse_ ou d'une _cosse_. _Conter des gosses._ Mentir. _Monter une gosse._ Faire une farce. GOSSE, s. m. Apprenti,--dans l'argot des typographes. Ils disent aussi _Attrape-science_ et _Môme_. GOSSE, s. m. Enfant, petit garçon,--dans l'argot du peuple. GOSSELIN, s. m. Nouveau-né,--dans l'argot des voleurs. GOSSELINE. Petite fille. GOSSEMARD, s. m. Gamin,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Goussemard_. GOSSEUR, adj. et s. Menteur. GOTEUR, s. m. Débauché, libertin,--dans l'argot des voleurs. GOTHIQUE, adv. Vieux, suranné,--dans l'argot du peuple. GOTHON, s. f. Cuisinière malpropre. Signifie aussi Coureuse,--dans l'argot des bourgeois. GOUALANTE, s. f. Chanson,--dans l'argot des voleurs. GOUALER, v. a. et n. Chanter. On dit aussi _Galouser_. GOUALEUR, s. m. Chanteur des rues. _Goualeuse._ Chanteuse. GOUAPE, s. f. Vagabondage; fainéantise,--dans l'argot du peuple. GOUAPE, s. f. Filou,--dans l'argot des faubouriens. Faiseur de poufs,--dans l'argot des cabaretiers. On dit aussi _Gouapeur_. Cependant _gouape_ a quelque chose de plus méprisant. GOUAPER, v. a. Flâner, chercher aventure. GOUGE, s. f. Fille ou femme qui vend l'amour au lieu de le donner,--dans l'argot du peuple, qui a déshonoré là un des plus vieux et des plus charmants mots de notre langue. _Gouge_, comme _garce_, n'avait pas à l'origine la signification honteuse qu'il a aujourd'hui; cela voulait dire jeune fille ou jeune femme. «En son aage viril espousa Gargamelle, fille du roy des Parpaillos, belle gouge,» dit Rabelais. GOUGNOTTE, s. f. «Femme ou fille qui abuse des personnes de son sexe,--d'où le verbe _gougnotter_,» dit Francisque Michel. On dit aussi _Gusse_. GOUILLE (A la). A la volée,--dans l'argot des enfants, quand ils jouent à jeter des billes. _Envoyer à la gouille._ Renvoyer quelqu'un qui importune,--dans l'argot des faubouriens. GOUILLOU, s. m. Gamin, _voyou_,--avec cette différence que le premier est le père du second, comme la _lorette_ est la mère de la _boule-rouge_. GOUINE, s. f. Coureuse,--dans l'argot du peuple, qui a un arsenal d'injures à sa disposition pour foudroyer les drôlesses, ses filles. A qui a-t-il emprunté ce carreau? A ses ennemis les Anglais, probablement. Il y a eu une _Nell Gwynn_, maîtresse de je ne sais plus quel Charles II. Il y a aussi la _queen_, qu'on respecte si fort de l'autre côté du détroit et si peu de ce côté-ci. Choisissez! GOUJAT, s. m. Homme mal élevé,--dans l'argot des bourgeoises. GOUJON, s. m. Homme facile à duper,--dans l'argot des filles, qui ont pour hameçons leurs sourires et leurs regards;--ainsi que dans l'argot des _faiseurs_, qui ont pour hameçons des dividendes invraisemblables. GOUJONNER, v. a. Tromper, duper quelqu'un. On disait autrefois _Faire avaler le goujon_. GOULE, s. f. La gorge, le gosier,--dans l'argot au peuple, qui parle latin sans le savoir (_gula_). GOULÉE, s. f. Bouchée de viande ou cuillerée de soupe. GOULIAFFE, s. m. Gourmand, ou plutôt goinfre. Le mot est vieux, puisqu'on le trouve dans la langue romane. On dit aussi _Gouillafre_, ou _gouillaffe_. GOULOT, s. m. Bouche, gosier,--dans l'argot des faubouriens. _Trouilloter du goulot._ Fetidum halitum habere. GOULU, s. m. Poêle,--dans l'argot des voleurs. Se dit aussi pour Puits. GOUPINER, v. a. Voler,--dans le même argot. _Goupiner les poivriers._ Dévaliser les ivrognes endormis sur la voie publique. GOUPINEUR, s. m. Voleur. GOUPLINE, s. f. Litre,--dans le même argot. GOUR, s. m. Pot à eau ou à vin,--dans le même argot. Dans la langue des honnêtes gens, le _gour_ est un creux plein d'eau dans un rocher, au pied d'un arbre, etc. GOURD, DE, adj. Engourdi par le froid,--dans l'argot du peuple. GOURDEMENT, adv. Beaucoup,--dans l'argot des voyous. GOURDIN, s. m. Gros bâton,--dans l'argot du peuple, qui pour le manœuvrer ne doit pas avoir les mains _gourdes_. GOURDINER, v. a. Bâtonner quelqu'un. GOURGANDE, s. f. Apocope de _Gourgandine_,--dans l'argot des faubouriens. GOURGANDINE, s. f. Fille ou femme qui court plus que ses jambes et la morale le lui permettent, et qui, en courant ainsi, s'expose à faire une infinité de glissades. Argot du peuple. GOURGANDINER, v. n. Mener une vie libertine. GOURGANER, v. n. _Manger_ de la prison,--dans l'argot des faubouriens. GOURGANES, s. f. pl. Lentilles ou haricots,--dans l'argot des prisons et des ateliers, où les hommes sont nourris comme des bestiaux. _Gourganes des prés._ Celles qui constituent la nourriture des forçats. Proprement, la gourgane est une petite fève de marais fort douce. GOURGOUSSAGE, s. m. Murmure de mécontentement ou de colère,--dans l'argot des typographes. GOURGOUSSER, v. n. Murmurer. GOURME, s. f. La fougue de la jeunesse,--dans l'argot du peuple, qui sait que cet _impetigo_ finit toujours par disparaître avec les années,--malheureusement! _Jeter sa gourme._ Vivre follement, en casse-cou, sans souci des périls, des maladies et de la mort. GOURRER, v. a. Tromper, duper,--dans l'argot des voleurs, qui se sont approprié là un verbe du langage des honnêtes gens. (_Goure_, drogue falsifiée: _goureur_, qui falsifie les drogues.) GOURREUR, s. m. Trompeur. GOUSPIN, s. m. Voyou, jeune apprenti voleur,--dans l'argot des faubouriens, qui se servent de cette expression depuis longtemps. GOUSPINER, v. n. Vagabonder au lieu de travailler. GOUSSE (La). Nom donné au banquet mensuel des artistes du Vaudeville. Il a lieu, le premier jeudi de chaque mois, chez Laumônier-Brébant. GOUSSET, s. m. Aisselle,--dans l'argot du peuple. _Sentir du gousset._ Puer. «[Grec: Maschalê], _axila_, aisselle, sale odeur,» dit M. Romain Cornut, expurgateur de Lancelot et continuateur de Port-Royal. GOÛTER, v. n. Plaire, faire plaisir. GOUTTE, adv. Peu ou point. _N'y voir goutte._ N'y pas voir du tout. On dit aussi _N'y entendre goutte_. GOUTTE, s. f. Petit verre d'eau-de-vie,--dans l'argot des ouvriers et des soldats. _Marchand de goutte._ Liquoriste. GOUVERNE, s. f. Règle de conduite; façon d'agir. GOUVERNEMENT, s. m. Épée d'ordonnance,--dans l'argot des Polytechniciens, qui distinguent entre les armes que leur fournit le gouvernement et celles qu'ils se choisissent eux-mêmes. (_V. Spickel_.) GRABUGE, s. m. Trouble, vacarme,--dans l'argot du peuple. GRAFFIGNER, v. a. et n. Saisir, prendre,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Égratigner. GRAFFIN, s. m. Chiffonnier. GRAILLON, s. f. Servante malpropre, cuisinière peu appétissante. Argot du peuple. On dit aussi _Marie-Graillon_. GRAILLONNER, v. n. Cracher fréquemment. GRAILLONNER, v. n. S'entretenir à haute voix, d'une fenêtre ou d'une cour à l'autre,--dans l'argot des prisons. GRAILLONNEUR, s. m. Homme qui crache à chaque instant. GRAILLONNEUSE, s. f. Femme qui vient laver son linge au bateau sans être du métier,--dans l'argot des blanchisseuses. GRAIN, s. m. Pièce de cinquante centimes,--dans l'argot des voleurs. GRAIN (Avoir un), v. a. Être un peu fou, ou seulement maniaque,--dans l'argot du peuple. GRAINE D'ATTRAPE, s. f. Mensonge, moquerie, tromperie. GRAINE DE CHOU COLOSSAL, s. f. Amorce pour duper les simples. C'est un souvenir des réclames faites il y a vingt ans par un industriel possesseur d'une variété de _brassica oleracea_ fantastique, servant à la fois à la nourriture des hommes et des bestiaux, et donnant un ombrage agréable pendant l'été. GRAINE D'ÉPINARDS, s. f. Épaulettes des officiers supérieurs,--dans l'argot des troupiers, dont ce légume est le _desideratum_ permanent. _Porter la graine d'épinards._ Avoir des épaulettes d'officier supérieur. GRAISSE, s. m. Variété de voleur dont Vidocq donne le signalement et l'industrie (p. 193). GRAISSE, s. f. Argent,--dans l'argot du peuple, qui sait que c'est avec cela qu'on enduit les consciences pour les empêcher de crier lorsqu'elles tournent sur leurs gonds. GRAISSER, v. a. Gratter,--dans l'argot des voleurs. GRAISSER LA PATTE, v. a. Acheter la discrétion de quelqu'un, principalement des inférieurs, employés, concierges ou valets. On dit aussi _graisser le marteau_,--mais plus spécialement en parlant des concierges. GRAISSER LES BOTTES, v. a. Donner des coups à quelqu'un,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi: Faire des compliments à quelqu'un, le combler d'aise en flattant sa vanité. GRAISSER SES BOTTES, v. a. Recevoir l'Extrême-Onction, être en état de faire le grand voyage d'où l'on ne revient jamais. GRAMMAIRE BENOITON, s. f. La grammaire de la langue verte,--dans l'argot des journalistes, qui ont voulu ainsi fixer le passage, dans la littérature française, de la pièce de M. Victorien Sardou, _la Famille Benoiton_ (1865-66). On dit aussi _le Dictionnaire Benoiton_. GRAND ARROSEUR, s. m. Dieu,--dans l'argot du peuple, qui devrait pourtant savoir (depuis le temps!) comment se forment les nuages et la pluie. GRAND COURT-BOUILLON, s. m. La mer. On dit aussi la _Grande tasse_,--où tant de gens qui n'avaient pas soif ont bu leur dernier coup. GRANDE BOUTIQUE, s. f. La préfecture de police,--dans l'argot des voleurs, qui voudraient bien dévaliser celle-là de ses sommiers judiciaires. GRANDE FILLE, s. f. Bouteille,--dans l'argot des ouvriers. _Petite fille._ Demi-bouteille. GRAND LUMIGNON, s. m. Le soleil,--dans l'argot des voyous. GRAND RESSORT, s. m. La volonté, le cœur,--dans l'argot du peuple, qui sait quels rouages font mouvoir la machine-homme. _Casser le grand ressort._ Perdre l'énergie, le courage nécessaires pour se tirer des périls d'une situation, des ennuis d'une affaire, pour rompre une liaison mauvaise, etc., etc. GRAND TOUR, s. m. Résultat de la digestion,--dans l'argot des enfants et des grandes personnes timides. GRAND TROTTOIR (Le). Le répertoire classique,--dans l'argot des coulisses. GRAND TURC, s. m. Personnage imaginaire qui intervient fréquemment dans l'argot des bourgeois. _S'en soucier comme du Grand Turc._ Ne pas s'en soucier du tout. _Travailler pour le Grand Turc._ Travailler sans profit. Ce Grand Turc est un peu parent du roi de Prusse, auquel il est fait allusion si souvent. GRAPPIN, s. m. Main,--dans l'argot du peuple. _Poser le grappin sur quelqu'un._ L'arrêter. _Poser le grappin sur quelque chose._ Le prendre. GRAPPINER, v. a. et n. Arrêter,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Cueillir. GRAS, adj. Gaillard, grivois, et même obscène,--dans l'argot des bourgeois. _Parler gras._ Dire des choses destinées à effaroucher les oreilles. GRAS, s. m. Profit,--dans l'argot des faubouriens. _Il y a gras._ Il y a de l'argent à gagner. _Il n'y a pas gras._ Il n'y a rien à faire là-dedans. GRAS, s. m. Réprimande, correction,--dans l'argot des voyous. C'est le _suif_ des faubouriens. GRAS A LARD, s. et adj. Homme chargé d'embonpoint,--dans l'argot du peuple. GRAS-DOUBLE, s. m. Plomb volé et roulé,--par allusion à la ressemblance qu'il offre ainsi avec les tripes qu'on voit à la devanture des marchands d'abats. Les voleurs anglais, eux, disent _moos_, trouvant sans doute au plomb une ressemblance avec la mousse. GRAS-DOUBLE, s. m. Gorge trop plantureuse,--dans l'argot des faubouriens. L'analogie, pour être assez exacte, n'est pas trop révérencieuse; en tout cas elle est consacrée par une comédie de Desforges, connue de tout le monde, _le Sourd ou l'Auberge pleine_: «Je ne voudrais pas payer madame Legras--double!» dit Dasnières en parlant de l'aubergiste, femme aux robustes appas. _Castigat ridendo mores_, le théâtre! C'est pour cela que les plaisanteries obscènes nous viennent de lui. GRAS-DOUBLIER, s. m. Plombier,--dans l'argot des voleurs. GRATIS, s. m. Crédit,--dans l'argot des marchands de vin. GRATOU, s. m. Rasoir,--dans l'argot des voleurs. GRATOUILLE, s. f. Gale,--dans le même argot. GRATOUSE, s. f. Dentelle,--dans le même argot. GRATTE, s. f. Dîme illicite prélevée sur une étoffe,--dans l'argot des couturières, qui en prélèvent tant et si fréquemment qu'elles arrivent à s'habiller de soie toute l'année sans dépenser un sou pour cela. C'est un vol non puni, mais très punissable. Les tailleurs ont le même mot pour désigner la même chose,--car eux aussi ont la conscience large. GRATTE (La). La gale,--dans l'argot des faubouriens. GRATTE-CUL, s. m. Femme qui a été jolie comme une rose et n'a rien conservé de sa fraîcheur et de son parfum,--dans l'argot du peuple, qui ne sait pas que: «Si la jeunesse est une fleur, le souvenir en est l'odeur.» GRATTÉE, s. f. Coups donnés ou reçus. _Se donner une grattée._ Se battre à coups de poing. GRATTE-PAPIER, s. m. Employé, clerc d'huissier, expéditionnaire etc.,--tous les scribes enfin. GRATTER, v. n. et a. Prélever un morceau plus ou moins considérable sur une pièce d'étoffe,--de façon à pouvoir trouver un gilet dans une redingote et un tablier dans une robe. GRATTOIR, s. m. Rasoir,--dans l'argot du peuple. _Se passer au grattoir._ Se raser. GRAVEUR SUR CUIR, s. m. Cordonnier,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent le tranchet pour un burin. GREC, s. m. Filou, homme qui triche au jeu,--dans l'argot des ennemis des Hellènes. Le mot a une centaine d'années de bouteille. GRECQUERIE, s. f. Tricherie, art ou science des grecs. Le mot a été créé par Robert-Houdin. GRÉER (Se), v. réfl. S'habiller,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. GREFFER, v. n. Mourir de faim,--dans l'argot des voyous. GREFFIER, s. m. Chat,--dans l'argot des faubouriens, qui n'aiment pas les gens à robe noire, et emploient à dessein ce mot à double compartiment où l'on sent la griffe. GRÊLE, s. f. Petite vérole,--dans l'argot du peuple. On dit d'un homme dont le visage porte des traces de virus variolique: _Il a grêlé sur lui_. GRÊLE, s. m. Patron, maître,--dans l'argot des tailleurs. _Le grêle d'en haut._ Dieu. _Grêlesse_. Patronne. GRELOT, s. m. La voix humaine,--dans l'argot des faubouriens. _Faire entendre son grelot._ Parler. GRELU, s. m. Blé,--dans l'argot des voleurs, qui font sans doute allusion à la gracilité de cette graminée. GRELUCHON, s. m. Amant de cœur,--dans l'argot des gens de lettres qui ont lu _le Colporteur_ de Chevrier, et connaissent un peu les mœurs parisiennes du XVIIIe siècle. GRELUCHONNER, v. n. Se conduire en greluchon, comme se conduisent beaucoup de jeunes gens à qui leur famille a coupé les vivres et qui font de petits articles de petite littérature dans de petits journaux. GRENADIER, s. m. _Pediculus_,--dans l'argot des enfants, dont les mères assurent que c'est «la santé», et qui tous pourraient servir de modèles au fameux tableau de Murillo. GRENAFE, s. f. Grange.--dans l'argot des voleurs. GRENIER A COUPS DE POING, s. m. Femme d'ivrogne,--dans l'argot du peuple. GRENIER A COUPS DE SABRE, s. m. Fille à soldats. GRENIER A LENTILLES, s. m. Homme dont le visage est marqué de la petite vérole. GRENIER A SEL, s. m. La tête, siège de l'esprit. GRENOUILLARD, s. m. Buveur d'eau. GRENOUILLE, s. f. Prêt de la compagnie,--dans l'argot des troupiers. _Manger la grenouille._ Dissiper le prêt de la compagnie. S'emploie aussi, dans l'argot du peuple, pour signifier: Dépenser l'argent d'une société, en dissiper la caisse. GRENOUILLE, s. f. Femme,--dans l'argot des faubouriens, qui emploient cette expression injurieuse, probablement à cause du ramage assourdissant que font les femmes en échangeant des caquets. GRENOUILLER, v. n. Boire de l'eau. GRENOUILLÈRE, s. f. Établissement de bains. GRÈVE, s. f. Cessation de travail,--dans l'argot des ouvriers, qui avaient, il y a quelques années encore, l'habitude de se réunir sur la place de l'Hôtel-de-Ville. _Faire grève._ Cesser de travailler et se réunir pour se concerter sur les moyens d'augmenter le salaire. On dit aussi _Se mettre en grève_. GRIBLAGE, s. m. Plainte, cri, reproche,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Gourpline_. GRIBOUILLAGE, s. m. Écriture mal formée; dessin confus, incohérent. Argot du peuple. On dit aussi _Gribouillis_. GRIBOUILLER, v. a. et n. Écrire illisiblement, dessiner incorrectement. GRIBOUILLETTE, s. f. Objet quelconque lancé au milieu d'enfants,--dans l'argot des écoliers, qui se bousculent alors pour s'en emparer. Cela constitue un jeu. _Jeter une chose à la gribouillette._ La lancer un peu au hasard,--dans l'argot du peuple. GRIF, adj. Froid,--dans l'argot des voleurs. _Grielle._ Froide. GRIFFER, v. a. Saisir, prendre, dérober,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Agriffer_. GRIGNON, s. m. Morceau, de pain spécialement. GRIGNOTTER, v. n. Faire de maigres profits, et surtout des profits illicites. GRIGOU, s. m. Avare, homme qui vit sordidement. «Ce grigou, d'un air renfrogné Lui dit: Malgré ton joli nez...» a écrit l'abbé de Lattaignant. GRIL, s. m. Charpente légère et à jour qui s'étend au-dessus de la scène et où s'accrochent les frises. Argot des coulisses. GRILLER UNE (En), v. a. Fumer une pipe ou une cigarette,--dans l'argot des artistes et des ouvriers. GRIME, s. m. Rôle de vieux,--dans l'argot des coulisses. GRIMOIRE, s. m. Le Code pénal,--dans l'argot des voleurs. _Grimoire mouchique._ Les sommiers judiciaires. GRINCHE, s. m. Voleur. On dit aussi _Grinchisseur_. GRINCHEUX, s. et adj. Homme difficile à vivre,--dans l'argot du peuple et des gens de lettres. GRINCHIR, v. a. Voler quelque chose. On dit aussi _Grincher_. _Grinchir à la cire._ Voler des couverts d'argent par un procédé que décrit Vidocq (p. 205). GRINCHISSAGE, s. m. Vol. (V. Vidocq, p. 205-220, pour les nombreuses variétés de grinchissage: _à la limonade_, _à la desserte_, _au voisin_, _aux deux lourdes_, etc.) GRINCHISSEUR A LA CHICANE, s. m. Voleur adroit, qui travaille sans compère. GRINGALET, s. m. Gamin, homme d'apparence chétive,--dans l'argot des faubouriens. GRINGUENAUDES, s. f. pl. Ordures des environs du _podex_,--dans l'argot du peuple qui sent souvent le faguenat à cause de cela. GRIPPE, s. f. Caprice, mauvaise humeur contre quelqu'un,--dans l'argot des bourgeois. _Avoir en grippe._ Ne pas pouvoir supporter quelqu'un ou quelque chose. _Prendre en grippe._ Avoir de l'aversion pour quelqu'un ou quelque chose. GRIPPER, v. a. Chiper, et même voler,--dans l'argot du peuple. GRIPPE-JÉSUS, s. m. Gendarme,--dans l'argot des voleurs. GRIPPE-SOUS, s. m. Usurier, avare,--dans l'argot du peuple. GRIS, adj. Cher, précieux,--dans l'argot des voleurs. _Grise._ Chère, aimable. GRISAILLE, s. f. Sœur de charité,--dans l'argot des faubouriens qui savent qu'on appelle ces saintes filles des _sœurs grises_. GRISE, s. f. Chose extraordinaire et désagréable,--dans l'argot du peuple. _En voir de grises._ Peiner, pâtir. _En faire voir de grises._ Jouer des tours désagréables à quelqu'un. GRISERIE, s. f. Ivresse légère,--dans l'argot des bourgeois. GRIS JUSQU'À LA TROISIÈME CAPUCINE (Être). Être en complet état d'ivresse, _à en déborder_,--dans l'argot des troupiers, qui savent que la troisième capucine est près de la _bouche_ du fusil. GRISOTTER (Se), v. réfl. Se griser légèrement, honnêtement, pour ainsi dire,--dans l'argot des bourgeois, ennemis des excès parce qu'ils sont amis de la vie. GRIVE, s. f. La garde,--dans l'argot des voleurs, qui se rappellent peut-être que les soldats s'appelaient autrefois des _grivois_. _Corps de grive._--Corps de garde. _Harnais de grive._ Uniforme. GRIVIER, s. m. Soldat. GRIVOIS, s. m. Libertin,--dans l'argot du peuple. GRIVOISE, s. f. Fille ou femme qui se plaît dans le commerce des hommes riches. GROGNARD, s. m. Homme chagrin, mécontent, qui gronde sans cesse. L'expression (qui vient de _grundire_, grogner) ne date pas de l'empire, comme on serait tenté de le croire: elle se trouve dans le Dictionnaire de Richelet, édition de 1709. On dit aussi _grognon_. GROGNE, s. f. Mauvaise humeur, chagrin. GROGNER, v. n. Se plaindre; gronder sans raison. GROLLER, v. n. Murmurer d'une façon désagréable, gronder, faire un bruit semblable à celui que fait en criant le freux, ou plutôt la _grolle_, une corneille. Signifie aussi: Remuer des tiroirs, ouvrir et fermer des portes,--et alors c'est un verbe actif. GROMIAU, s. m. Enfant, gamin,--dans l'argot des faubouriens. GROS, adv. Beaucoup,--dans l'argot du peuple. _Coucher gros._ Dire quelque chose d'énorme. _Gagner gros._ Avoir de grands bénéfices. _Il y a gros à parier._ Il y a de nombreuses chances pour que... _Tout en gros._ Seulement. GROS LÉGUMES, s. m. pl. Les officiers supérieurs,--dans l'argot des troupiers. GROS LOT, s. m. Mal de Naples. GROS NUMÉRO, s. m. _Prostibulum._ GROS PAPA, s. m. Homme bon enfant, rond de caractère comme de ventre, ayant ou non des enfants. On dit aussi _Gros père_. GROSSE CAVALERIE, s. f. Cureurs d'égout,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux grosses bottes de ces ouvriers troglodytes. GROSSE CAVALERIE, s. f. Figurantes du corps de ballet qu'on ne fait jamais _donner_,--dans l'argot des gandins, à qui cette grosse cavalerie fait toujours donner. GROSSIER COMME DU PAIN D'ORGE, adj. Extrêmement brutal, dans l'argot des bourgeois amis du pain blanc et des discours amènes. GROUCHY, s. m. Retardataire, flâneur,--dans l'argot du peuple. Passé de mode. GROUCHY, s. m. Article qui arrive trop tard à l'imprimerie.--dans l'argot des journalistes. L'expression est d'H. de Balzac. On dit aussi _Rappel de Waterloo_. GROUILLER, v. n. Remuer, s'agiter,--dans l'argot du peuple. GROUILLIS-GROUILLOT, s. m. Foule de gens ou d'animaux,--par allusion à leurs mouvements vermiculaires. Ce mot fait image et mérite d'être conservé, malgré sa trivialité. GROUIN, s. m. Visage,--dans l'argot des faubouriens, qui n'ont pas le moindre respect pour le «miroir de l'âme». GROUMER, v. n. Gronder, murmurer,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. GRUE, s. f. Femme entretenue, que la Nature a douée d'autant de bêtise que de beauté, et qui abuse de celle-ci pour faire accepter celle-là. C'est un mot heureux que les gens de lettres ont trouvé là pour répondre à l'insolence des filles envers les honnêtes femmes. _Bécasses_! disaient-elles. _Grues_! leur répond-on. Mais ce mot, dans ce sens péjoratif, n'est pas né d'hier, il y a longtemps que le peuple l'emploie pour désigner un niais, un sot, un prétentieux. GRUERIE, s. f. Bêtise rare,--comme il en sort tant de tant de jolies bouches. GRUGER, v. a. Manger le bien de quelqu'un,--dans l'argot du peuple. Les gens de lettres écrivent _grue-ger_, par allusion aux mœurs des _grues_,--ces Ruine-maison! GRUGEUR, s. m. Parasite, faux ami qui vous aide à vous ruiner, comme si on avait besoin d'être aidé dans cette agréable besogne. GUANO, s. m. Fèces, non pas des phénicoptères des mers du Sud, mais de l'homme,--dans l'argot des faubouriens, qui aiment les facéties grasses et remuent volontiers la lie de l'esprit pour en dégager les parfums nauséabonds au nez des autres et même à leur propre nez. GUELTE, s. f. Bénéfice (_geld_) qu'on abandonne aux commis d'un magasin qui sont parvenus à vendre un objet jugé invendable. Grâce à la faconde des gaudissards modernes, il est rare qu'un _rossignol_ reste sur les rayons, et leur guelte s'en accroît d'autant. GUENILLON, s. m. Fille ou femme mal habillée,--dans l'argot des bourgeoises, qui ne tolèrent pas les infractions à la mode. GUENON, s. f. Femme laide ou corrompue,--dans l'argot du peuple. C'est la _trot_ des Anglais. On dit aussi _Guenippe_ et _Guenuche_. GUÉRETS, s. m. pl. Les blés mûrs,--dans l'argot des Académiciens. GUÉRITE, s. f. Chapelle,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui s'y réfugient au moment des averses. GUETTE, s. f. Gardien,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des chiens. _Bonne guette._ Chien qui aboie quand il faut, pour avertir son maître. _Être de guette._ Aboyer aux voleurs, ou aux étrangers. GUEULARD, s. m. Gourmand. Signifie aussi Homme qui parle trop haut, ou qui gronde toujours à propos de rien. GUEULARD, s. m. Poêle,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Bissac. GUEULARDE, s. f. Poche,--dans le même argot. GUEULARDISE, s.f. Gourmandise,--dans l'argot du peuple. GUEULE, s. f. Visage. _Bonne gueule._ Visage sympathique. _Casser la gueule à quelqu'un._ Lui donner des coups de poing en pleine figure. _Gueule en pantoufle._ Visage emmitouflé. GUEULE, s. f. Appétit énorme. _Être porté sur sa gueule._ Aimer les bons repas et les plantureuses ripailles. _Donner un bon coup de gueule._ Manger avec appétit. GUEULE, s. f. Bouche. _Bonne gueule._ Bouche fraîche, saine, garnie de toutes ses dents. GUEULE DE BOIS, s. f. Ivresse,--dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu exprimer son résultat le plus ordinaire. _Se sculpter une gueule de bois._ Commencer à se griser. GUEULE D'EMPEIGNE, s. f. Homme qui a une voix de stentor ou qui mange très chaud ou très épicé. _Avoir une gueule d'empeigne._ Avoir le palais assuré contre l'irritation que causerait à tout autre l'absorption de certains liquides frelatés. On dit aussi _Avoir la gueule ferrée_. GUEULÉE, s. f. Repas. _Chercher la gueulée._ Piquer l'assiette. Signifie aussi une grosse bouchée. GUEULÉES, s. f. pl. Paroles fescennines, et même ordurières. GUEULE ENFARINÉE (Avoir la). Être alléché par quelque chose, par une promesse de dîner ou d'amour et se créer par avance une indigestion ou une félicité sans pareilles. GUEULE FINE, s. f. Gourmet. GUEULER, v. n. Crier, gronder. Signifie aussi Parler. GUEULETON, s. m. Repas plantureux, ou simplement Repas. _Fin gueuleton._ Ripaille où tout est en abondance, le vin et la viande. GUEULETONNER, v. n. Faire un gueuleton. GUEUSAILLER, v. n. Vagabonder, mendier,--dans l'argot des bourgeois. GUEUSAILLE, s. f. La canaille. GUEUSARD, s. m. Polisson. GUEUSE, s. f. Drôlesse qui exploite le plus pur, le plus exquis des sentiments humains, l'amour, et «s'en fait des tapis de pieds»,--pour employer l'abominable expression que j'ai entendu un jour sortir, comme un crapaud visqueux, de la bouche de l'une d'elles. _Courir les gueuses._ Fréquenter le monde interlope de Breda-Street. En 1808 on disait: _Courir la gueuse_. GUEUSERIE, s. f. Action vile, honteuse, comme les coquins en peuvent seuls commettre. GUEUX, s. m. Petit pot de terre qu'on emplit de cendres rouges et que les marchandes en plein vent et les bonnes femmes pauvres placent sous leurs pieds pour se chauffer. GUEUX, s. m. Coquin,--dans l'argot du peuple, qui, d'un seul mot, prouve ainsi éloquemment que le Vice est le fils naturel de la Misère. GUEUX D'ARGENT! Expression du même argot, qui équivaut à l'_argentum sceleratum_ (c'est-à-dire _causa omnium scelerum_) de l'argot des convives de Trimalcion, dans Pétrone. C'est un cri que poussent depuis longtemps les misérables et qui retentira longtemps encore à travers les âges. GUIBES, s. f. pl. Jambes,--dans l'argot des voyous. GUIBOLLES, s. f. pl. Jambes,--dans l'argot des faubouriens. _Jouer des guibolles._ Courir, s'enfuir. GUICHEMAR, s. m. Guichetier,--dans l'argot des voyous. GUIGNE, s. f. Mauvaise chance,--dans l'argot des cochers qui ne veulent pas dire _guignon_. _Porter la guigne._ Porter malheur. GUIGNE A GAUCHE, s. m. Homme qui louche,--dans l'argot des faubouriens. GUIGNER, v. a. Viser, convoiter, attendre,--dans l'argot du peuple. GUIGNON, s. m. Pseudonyme moderne du vieux Fatum. _Avoir du guignon._ Jouer de malheur, ne réussir à rien de ce qu'on entreprend. GUIGNONNANT, adj. Désagréable. _C'est guignonnant!_ C'est une fatalité! On dit aussi--à tort--_guignolant_. GUIGNONNÉ (Être). Être poursuivi par la déveine au jeu, par l'insuccès dans ce qu'on entreprend. GUIMBARDE, s. f. Voiture mal suspendue, comme les coucous d'il y a cinquante ans,--dans l'argot des faubouriens, qui emploient aussi cette expression à propos de n'importe quelle voiture. L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne, qui l'emploie à propos d'une «grande voiture à quatre roues chargée de marchandises». Se dit aussi en parlant d'une vieille guitare. GUINAL, s. m. Juif,--dans l'argot des voleurs. _Grand-guinal._ Le Mont-de-Piété. GUINCHE, s. f. Grisette de bas étage, habituée de bastringues mal famés. GUINCHE, s. f. Bal de barrière,--dans l'argot des voyous, qui appellent de ce nom la _Belle Moissonneuse, Aux Deux Moulins_, le _Vieux chêne_, rue Mouffetard, le _Salon de la Victoire_, à Grenelle, etc. GUINCHER, v. n. Danser. GUINCHER (Se). S'habiller à la hâte,--et mal. GUINCHEUR, s. m. Habitué des bastringues. GUINDAL, s. m. Verre,--dans l'argot des bouchers. _Siffler le guindal._ Boire. GUINGOIS (De), adv. De travers,--dans l'argot du peuple. GUINGUETTE, s. f. Grisette,--parce qu'elle hante les bals de barrière. GUITARE, s. f. Rengaîne; plainte banale, _blague_ sentimentale,--dans l'argot des artistes et des gens de lettres, reconnaissants à leur manière envers les beaux vers des _Orientales_ de Victor Hugo. GY, adv. Oui,--dans l'argot des voleurs. H HABILLÉ DE SOIE, s. m. Porc,--dans l'argot des faubouriens et des paysans des environs de Paris. HABILLER, v. a. Médire de quelqu'un,--dans l'argot du peuple. _Habiller de taffetas à 40 sous._ Mettre sur le dos de quelqu'un des sottises ou des méchancetés compromettantes pour sa réputation. HABILLER, v. a. Préparer un animal pour l'étal,--dans l'argot des bouchers. HABILLER DE SAPIN (S'), v. réfl. Mourir,--par allusion au bois dont se composent ordinairement les cercueils. Argot du peuple. Les gueux de Londres appellent le cercueil _a wooden coat_ (un habit de bois ou une redingote en sapin). HABIN, Chien,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot au vieux langage des honnêtes gens. On dit aussi _Happin_ et _Hubin_. _Habin ergamé._ Chien enragé. HABINER, v. a. Mordre. HABIT NOIR, s. m. Bourgeois,--dans l'argot des souteneurs de filles, gens au peuple, et, à cause de cela, ennemis de l'habit. _Être habit noir._ Être par trop simple, par trop naïf,--comme les bourgeois le sont d'ordinaire aux yeux des voyous, qui ont une morale différente de la leur. HABITONGUE, s. f. Habitude,--dans l'argot des voleurs. HACHER DE LA PAILLE, v. a. Parler allemand,--dans l'argot des ouvriers. HALEINE CRUELLE, s. f. C'est-à-dire fétide--dans l'argot des gens de lettres, qui ne veulent pas dire _haleine homicide_. Ils disent aussi _Haleine à la Domitien_. HALEINER, v. a. Respirer l'haleine de quelqu'un,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi, au figuré: Flairer, chercher à deviner ce qu'une personne pense. HALLE AUX DRAPS, s. f. Le lit,--dans l'argot des faubouriens. _Aller à la halle aux draps._ Se coucher. HALLEBARDE, s. f. Femme trop grande et mal habillée. On disait autrefois, et plus justement, _Hallebréda_, qui était une corruption de _Halbrené_ (dépenaillé). HALOT, s. m. Soufflet,--dans l'argot des voleurs. HALOTER, v. n. et a. Souffleter. Signifie aussi Souffler. HANNETON, s. m. Manie quelconque, idée fixe,--dans l'argot de Breda-Street, où les hannetons-hommes viennent d'eux-mêmes s'attacher le fil à la patte. _Avoir un hanneton dans le plafond._ Être fou de quelqu'un ou de quelque chose. Les voyous anglais ont une expression analogue: _To have a bee in his bonnet_ (avoir une abeille dans son chapeau), disent-ils. HANNETONNER, v. n. Se conduire comme un enfant; avoir des distractions. HARAUDER, v. n. Crier après quelqu'un, le poursuivre d'injures ou de moqueries,--dans l'argot du peuple. J'ai respecté l'orthographe de ce verbe, que j'ai entendu souvent après l'avoir lu dans les _Matinées du seigneur de Cholières_. Mais, à vrai dire, on devrait l'écrire _Haroder_, puisqu'il vient de _Haro_. Et, à ce propos, qui se douterait que ce dernier mot, si connu, est composé de l'exclamation _Ha!_ et du nom de _Raoul_, premier duc de Normandie?... HARDES, s. f. pl. Vêtements. HARDI A LA SOUPE, adj. Homme doué de plus d'appétit que de courage,--_gulo_. On dit aussi dans le même sens: _N'avoir de courage qu'à la soupe_. HARENGÈRE, s. f. Femme du peuple quelconque, «un peu trop forte en gueule»--dans l'argot des bourgeoises, qui se souviennent des plaisanteries salées dont les accablaient jadis les Dames de la Halle, aujourd'hui muselées par ordonnance de police. HARIA, s. m. Embarras; chose ennuyeuse à faire ou à dire,--dans l'argot du peuple. J'ai suivi pour ce mot l'orthographe de Balzac, mais je crois que c'est à tort et qu'il doit s'écrire sans H, venant probablement de l'italien _aria_, air,--d'où _arietta_, ariette, air de peu d'importance. A moins cependant que _Haria_ ne vienne d'_Hariolus_, sorcier. HARICANDER, v. n. Chamailler quelqu'un sur des vétilles; être de mauvaise composition. HARICOTS, s. m. pl. Maison d'arrêt de la garde nationale, où il est de tradition--fausse--que l'ordinaire de cette prison pour rire se compose de légumes, comme celui des prisons sérieuses. On dit aussi l'_Hôtel des Haricots_. Aug. Villemot prétend que cette expression est une corruption d'_Hôtel Darricau_. Il a peut-être raison. HARIDELLE, s. f. Femme maigre et grande. On dit aussi, mais en moins mauvaise part, _Haquenée_. HARNACHÉ, adj. Mal habillé. HARPE, s. f. Barreaux de fer qui garnissent les fenêtres des prisons,--dans l'argot des voleurs. _Pincer de la harpe._ Se mettre à la fenêtre. HARPIE, s. f. Femme acariâtre comme la femme de Socrate,--dans l'argot des bourgeois, qui ont souvent le malheur d'épouser une Xantippe. HARPIGNER (Se), v. réfl. Se quereller, se battre,--dans l'argot du peuple. HASARD! Expression de l'argot des typographes, qui s'en servent ironiquement à propos de choses qu'on répète trop souvent devant eux. Souvent ils se contentent de dire H! HASARD DE LA FOURCHETTE (Au). Expression proverbiale de l'argot du peuple, qui, après l'avoir longtemps employée au propre, l'emploie maintenant au figuré. C'est l'équivalent de _Au petit bonheur_. HASARDER LE PAQUET. Tenter une chose, fortune ou danger, après avoir longtemps hésité. HAUS, s. m. Nom que les commis de nouveautés donnent à toute personne qui entre dans le magasin, y marchande plusieurs choses, et s'en va sans rien acheter. HAUSSIER, s. m. Spéculateur qui joue plus souvent à la hausse qu'à la baisse,--dans l'argot des boursiers. HAUT-DE-TIRE, s. m. Bas,--dans l'argot des voleurs, pour qui ce mot a signifié originairement Haut-de-chausses. Ils disent aussi _Tirants_. HAUTE, s. f. La fraction riche de chaque classe de la société, bourgeois, lorettes, et même ouvriers. Cette expression, très employée par le peuple et par le monde interlope, appartient à l'argot des voleurs, qui se sont divisés en deux grandes catégories, _Haute_ et _basse pègre_. HAUTE-BICHERIE, s. f. «Les plus élégantes et les plus connues d'entre les coureuses parisiennes, reines d'un jour qui ne font que paraître et disparaître sur le boulevard, leur champ de bataille.» HAUT-MAL, s. m. L'épilepsie,--dans l'argot du peuple. HAUTOCHER, v. n. Monter,--dans l'argot des voleurs. HAUT-ET-BAS, s. m. pl. Chances diverses de bonheur et de malheur, de perte et de gain, de tristesse et de joie,--dans l'argot du peuple, qui connaît le jeu de bascule de la vie. _Avoir des hauts et des bas._ N'avoir pas de position solide, de commerce à l'abri de la ruine. Les Anglais ont la même expression: _the ups and downs_, disent-ils à propos de ces vicissitudes de l'existence. HERBE A GRIMPER, s. f. Belle gorge ou belles épaules,--éperons du cœur, compulsoires d'amour. HERBE SAINTE, s. f. L'absinthe,--à cause de la désinence, et par antiphrase. HERBES DE LA SAINT-JEAN, s. f. pl. Moyens extraordinaires employés pour faire réussir une affaire, soins excessifs donnés à une chose,--dans l'argot du peuple, qui a une Flore à lui, comme il a sa Faune. HIATER, v. n. Bâiller, s'entr'ouvrir comme _hiatus_. L'expression appartient à J. Janin, qui l'a employée à propos des guenilles indécentes de Chodruc Duclos. HIBOU, s. m. Homme d'un commerce difficile et désagréable,--dans l'argot des bourgeois, incapables de comprendre les susceptibilités sauvages d'Alceste, qui préférait la nuit avec son silence solennel au jour avec ses bruits discordants, et le désert avec les loups à la ville avec les hommes. HIC, s. m. Difficulté, obstacle, ennui quelconque. _Hic jacet lepus._ _Voilà le hic._ Voilà le difficile de l'affaire, son côté scabreux, ou périculoseux, ou seulement désagréable. HIRONDELLE, s. f. Ouvrier récemment débarqué de province,--dans l'argot des tailleurs. HIRONDELLE, s. f. Commis voyageur,--dans l'argot des faubouriens. HIRONDELLE, s. f. Cocher de remise,--dans l'argot des cochers de place. HIRONDELLE DE GRÈVE, s. f. Gendarme,--dans l'argot des voleurs, qui se souviennent du temps où l'on exécutait en Grève. On disait autrefois, avant Guillotin, _Hirondelle de potence_. Les voleurs anglais disent de même: _gallows bird_. HIRONDELLES D'HIVER, s. f. pl. Les marchands de marrons, et aussi les petits ramoneurs, parce que c'est au milieu de l'automne, aux approches de l'hiver, que les premiers viennent s'installer dans les boutiques des marchands de vin, et que les seconds font leur apparition dans les rues de Paris. HISTOIRE, s. f. Bagatelle, chose de rien, fadaise,--dans l'argot du peuple, qui donne ce nom à tout ce qui n'en a pas pour lui. HISTOIRE, s. f. _Visage de campagne_ que découvrent si volontiers et si innocemment les petits garçons et les petites filles. HISTOIRES, s. f. pl. Discussion à propos de quelque chose,--et surtout à propos de rien. _Faire des histoires._ Se fâcher sans motif raisonnable; exagérer un événement de peu d'importance. HOGNER, v. n. Murmurer, se plaindre, pleurer. HOMARD, s. m. Soldat de la ligne,--dans l'argot des faubouriens, qui, sans connaître l'anglais, imitent cependant les malfaiteurs de Londres appelant les soldats de leur pays _lobsters_, à cause de la couleur rouge de leur uniforme. Signifie aussi: Suisse; domestique en grande livrée. HOMÉLIE, s. f. Discours ennuyeux,--dans l'argot du peuple, qui se soucie peu des Pères de l'Église, et bâille aussi volontiers devant un sermon profane que Gil Blas devant les sermons religieux de l'archevêque de Grenade. HOMICIDE, s. m. L'hiver,--dans l'argot des vagabonds, pour qui cette saison est en effet meurtrière. HOMMASSE, adj. Femme que son embonpoint exagéré rapproche trop de l'homme,--dans l'argot du peuple. HOMME, s. m. «Nom que les filles donnent à leur amant de prédilection.» C'est aussi le nom que les femmes du peuple donnent à leur mari. HOMME A FEMMES, s. m. Homme de galante humeur,--dans l'argot du peuple. HOMME A CASQUE, s. m. Saltimbanque, dentiste en plein vent, pédicure de place publique, etc. HOMME AU SAC, s. m. Personne riche, généreuse,--dans l'argot des petites dames qui voudraient que l'Humanité ne fût composée que de ces hommes-là. HOMME DE LETTRES, s. m. Faussaire,--dans l'argot des voleurs. HOMME DE PAILLE, s. m. Gérant responsable, machine à signatures,--dans l'argot des bourgeois. Les Anglais, qui ont inventé les sociétés en commandite, devaient inventer le _man of straw_,--et l'homme de paille fut. HOMME DE PAILLE, s. m. Bonhomme, pauvre homme et homme pauvre,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis quelque trois cents ans, comme le témoigne cette épigramme du Seigneur des Accords: «Jean qui estoit homme de paille, N'ayant que mettre sous la dent, Prit une vieille et de l'argent: Maintenant il vit et travaille.» HOMME DE PEINE, s. m. Voleur qui a déjà subi une ou plusieurs condamnations. HOMMELETTE, s. f. Homme qui n'a rien des qualités et des vices de l'homme,--dans l'argot du peuple, ami «des lurons». HONNÊTE, adj. Plus que suffisant,--dans l'argot des bourgeois. HÔPITAL, s. m. Prison,--dans l'argot des voleurs, dont la conscience est souvent malade. HORION, s. m. Coup donné ou reçu. HORLOGER, s. m. Le Mont-de-Piété,--dans l'argot des ouvriers, qui y portent volontiers leur montre lorsqu'elle retarde de 20 francs. HORREUR D'HOMME, s. f. Homme qui fait rougir et que l'on n'ose pas chasser,--dans l'argot des bourgeoises, qui commencent à se _shockigner_ comme les ladies anglaises. HORREURS, s. f. pl. Ce que Cicéron appelle _turpitudo verbarum_,--dans l'argot des bourgeois. _Dire des horreurs._ Tenir des propos plus que grivois. _Dire des horreurs de quelqu'un._ L'accuser de choses monstrueuses, invraisemblables,--par exemple d'avoir volé les tours Notre-Dame. _Faire des horreurs._ Agir trop librement. HOSTO, s. m. Prison,--dans l'argot des ouvriers. HÔTEL DE LA MODESTIE, s. m. Hôtel garni, mauvaise auberge,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que les locataires de ces maisons-là n'ont pas le droit de faire les fiers. Ils disent aussi _Être logé à l'enseigne des Haricots_. HÔTEL DU RAT QUI PÈTE, s. m. Cabaret populacier,--dans l'argot des marbriers de cimetière. HOTTERIAU, s. m. Chiffonnier,--dans l'argot des faubouriens. HOUPE DENTELÉE, s. f. Lien de fraternité,--dans l'argot des francs-maçons. HOURVARI, s. m. Vacarme, dispute bruyante,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot en l'altérant à l'argot des chasseurs. V. _Boulvari_. HOUSPILLER, v. a. Maltraiter quelqu'un par paroles ou par action. HUCHER, v. a. Appeler quelqu'un, crier après lui. HUGREMENT, adv. Beaucoup, victorieusement,--dans l'argot des faubouriens. HUILE, s. f. Vin,--dans l'argot du peuple, qui oint ses membres avec cette onctueuse liqueur. _Pomper les huiles._ Boire avec excès. HUILE, s. f. Soupçon,--dans l'argot des voyous. HUILE BLONDE, s. f. Bière,--dans l'argot des étudiants, habitués des brasseries. HUILE DE BRAS, s. f. Vigueur physique, volonté de bien faire, qui remplace avantageusement l'huile pour graisser les ressorts de notre machine. Argot du peuple. On dit aussi _Huile de poignet_. HUILE DE COTRET, s. f. Coups de bâton,--dans l'argot des ouvriers, qui, dans les jours gras, se plaisent à envoyer les nigauds chez les épiciers pour demander un litre de cette huile-là. La plaisanterie et l'expression sortent du roman de Cervantès. HUILE DE MAINS, s. f. L'argent, qui vous glisse toujours entre les doigts,--dans l'argot du peuple, plagiaire involontaire des voyous anglais: _Oil of palms_ disent ces derniers. HUIT, s. m. Entrechat,--dans l'argot des troupiers. _Battre un huit._ S'en aller gracieusement en pirouettant sur les talons. HUIT ÉCUS, s. m. La mésange,--dans l'argot des paysans des environs de Paris, qui ont voulu faire allusion au chant de cet oiseau. HUÎTRE, s. f. Mucosité expectorée,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent les produits des cryptes muqueuses des bronches pour des mollusques acéphales. _Faire des huîtres._ Cracher beaucoup et malproprement. HUÎTRE, s. f. Imbécile,--dans l'argot du peuple, qui jette volontiers ses coquilles à la tête des gens. _Le parti des huîtres._ Nom qu'on a donné, sous Louis-Philippe aux députés du centre, gens satisfaits,--et attachés à leurs _bancs_. HUIT-RESSORTS, s. m. Voiture à la mode, coupé de petite dame. Se dit aussi pour la Petite dame elle-même. HUÎTRIFIER (S'). S'embourgeoiser, se parquer dans une vie casanière.--Argot des gens de lettres. HUMECTER (S'), v. réfl. Boire,--dans l'argot des ouvriers qui avaient assez de poussières malsaines pour avoir le droit de se mouiller un peu le palais. HUMIDE EMPIRE (L'). La mer,--dans l'argot des académiciens. Ils disent de même _Les plaines humides_. La première expression peut s'appliquer aussi justement à l'Egout collecteur, et la seconde aux prairies suffisamment irriguées. HUMORISTE, s. m. Écrivain de l'école de Swift et de Sterne en Angleterre, et de Jean-Paul Richter et Henri Heine en Allemagne,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté le mot (_humourist_) et la littérature qu'il représente. HUMOUR, s. m. Mélange d'esprit et de sentiment, de gaieté et de mélancolie, d'ironie et de tendresse, qui se rencontre à foison chez les écrivains anglais, et qu'on remarque depuis une quarantaine d'années chez quelques-uns des écrivains français, Charles Nodier, Gérard de Nerval, etc. Argot des gens de lettres. HUPPÉ, adj. Bien habillé,--dans l'argot du peuple. _Monsieur huppé._ Personne de distinction. HURÉ, adj. Riche,--dans l'argot des voleurs. HURLUBERLU, s. m. Homme fantasque, excentrique, étourdi, et même un peu fou. Argot du peuple. HURON, s. m. Homme rude d'aspect et de langage,--dans l'argot des bourgeois, qui n'aiment pas Alceste. HUS-MUS! Grand merci,--dans l'argot des voleurs. HUSSARD A QUATRE ROUES, s. m. Soldat du train,--dans l'argot des troupiers. HUSSARD DE LA GUILLOTINE, s. m. Gendarme,--dans l'argot des prisons. On dit aussi _Hussard de la veuve_. HYDRE DE L'ANARCHIE (L'). Le socialisme,--dans l'argot des bourgeois qui ont peur de leur ombre. HYDROPIQUE, adj. et s. Fille ou femme enceinte,--dans l'argot facétieux du peuple. HYMÉNÉE, s. m. Mariage,--dans l'argot des académiciens. _Serrer les liens_ ou _les nœuds de l'hyménée_. Se marier. I ICIGO, adv. Ici,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Icicaille_. IDÉE, s. f. Petite quantité de quelque chose, solide ou liquide,--dans l'argot du peuple. Cette expression est de la même famille que _scrupule_, _larme_, _soupçon_ et _goutte_. IDÉES, s. f. pl. Soupçons jaloux,--dans l'argot des bourgeoises. _Se forger des idées._ Concevoir des soupçons sur la fidélité d'une femme. IDIOT, s. m. Aménité de l'argot des gens de lettres, qui l'adressent volontiers aux confrères qui leur déplaisent. IDIOTISME, s. m. Bêtise complète; ânerie renversante. IL A PLU SUR SA MERCERIE. Se dit--dans l'argot des gens de lettres et des rapins--d'une femme autrefois très _avantagée_ par la Nature, et maintenant tout à fait désavantagée par la Vie. On connaît l'effet désastreux de la pluie sur les étoffes--sur les étoffes de _satin_ principalement. IL EST MIDI! Exclamation de l'argot des faubouriens, pour avertir quelqu'un qui parle d'avoir à se méfier des gens devant lesquels il parle. On dit aussi _Il est midi et demi_. ILLICO, adv. Sur-le-champ, tout de suite,--dans l'argot du peuple. ILLICO, s. m. Potion improvisée,--dans l'argot des pharmaciens, qui composent ordinairement ce garus de teinture de cannelle, de sucre et d'alcool. IL N'Y A PAS DE BON DIEU! Phrase elliptique de l'argot du peuple, qui ne sent pas le fagot autant qu'on pourrait le croire au premier abord; elle signifie simplement, dans la bouche de l'homme le plus en colère: «Malgré tout, je ferai ce que je veux faire, rien ne m'arrêtera.» IL PLEUT! Terme de refus ironique,--dans l'argot des gamins et des ouvriers. IL PLEUT! Exclamation de l'argot des typographes, pour annoncer la présence d'un étranger dans l'atelier.--Exclamation de l'argot des francs-maçons, pour s'avertir mutuellement de l'intrusion d'un _profane_ dans une réunion. IL TOMBERA UNE ROUE DE VOTRE VOITURE! Phrase souvent employée,--dans l'argot du peuple--à propos des gens trop gais ou d'une gaieté intempestive. IMAGE, s. f. Lithographie, gravure, dessin,--dans l'argot des enfants et du peuple, ce grand enfant. IMBIBER (S'), v. réfl. Boire,--dans l'argot des faubouriens. IMBRIAQUE, s. f. Écervelé, excentrique, maniaque,--dans l'argot du peuple. A signifié autrefois Homme pris de vin. Nous ne sommes pas loin de l'_ebriacus_ de Plaute. IMMEUBLE, s. m. Maison,--dans l'argot des bourgeois. IMMORTEL, s. m. Académicien,--dans l'argot ironique des gens de lettres, qui savent très bien que l'Institut est un Léthé. _Les quarante immortels._ Les quarante membres de l'Académie à tort dite Française. IMPAIR, s. m. Insuccès, _fiasco_,--dans l'argot des artistes. IMPAVIDE, adj. Impassible, que rien ou personne n'émeut. J'ai employé cette expression il y a quatre ou cinq ans, quelques-uns de mes confrères l'ont employée aussi,--et maintenant elle est dans la circulation. IMPAYABLE, adj. Qui est d'une haute bouffonnerie, d'un caractère extrêmement plaisant.--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot à propos des choses et des gens. IMPAYABLE, adj. Etonnant à force d'exigences, ennuyeux à force de caprices,--dans l'argot de Breda-Street. IMPÈRE, s. f. Apocope d'_Impériale_,--dans l'argot des faubouriens. IMPOSSIBLE, adj. Extravagant, invraisemblable à force d'être excentrique.--Argot des gens de lettres. IMPURE, s. f. Femme entretenue,--dans l'argot des vieux galantins, qui ont conservé les traditions du Directoire. INCOMMODE, s. m. Réverbère,--dans l'argot des malfaiteurs, ennemis-nés des lumières. INCONGRUITÉ, s. f. _Ventris crepitus_, ou _Ructus_,--dans l'argot des bourgeois, qui oublient que leurs pères éructaient et même crépitaient à table sans la moindre vergogne. _Faire une incongruité._ Crepitare vel eructare. _Dire une incongruité._ Dire une gaillardise un peu trop poivrée,--_turpitudo verborum_. INCONOBRÉ, s. et adj. Inconnu, étranger,--dans l'argot des voleurs. INCONSÉQUENCE, s. f. Infidélité galante,--dans l'argot de Breda-Street, où le manque de probité en amour est naturellement considéré comme péché véniel. INCONSÉQUENTE, s. f. Femme qui change souvent d'amants, soit parce qu'elle a la _papillonne_ de Fourier, soit parce qu'ils n'ont pas la fortune de M. de Rothschild. INCONVÉNIENT, s. m. Infirmité,--dans l'argot du peuple. _Avoir l'inconvénient de la bouche._ Mériter cette épigramme de Tabourot à _Punaisin_: «Tu t'esbahis pourquoy ton chien, Les estrons de sa langue touche: Se peut-il pas faire aussi bien Qu'il lesche ta lèvre et ta bouche?» _Avoir l'inconvénient des pieds._ Suer outrageusement des pieds. INCROYABLE, s. m. Le gandin du Directoire. On prononçait _Incoïable_. INDÉCROTTABLE, adj. Incorrigible,--dans l'argot des bourgeois. INEXPRESSIBLE, s. m. Pantalon,--dans l'argot des Anglaises pudiques, qui est devenu celui des gouailleurs parisiens. INFANTE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des troupiers. Les infantes étant les filles puînées des rois d'Espagne et de Portugal, sont supposées belles, et l'on sait que tous les amants jouent volontiers de l'hyperbole à propos de leurs maîtresses: ils disent «mon infante» comme ils disent «ma reine». Une couronne leur coûte moins à donner avec les lèvres qu'une robe de soie avec les mains. INFECT, adj. Détestable, mal écrit,--dans l'argot des gens de lettres qui disent cela à propos des articles ou des livres de ceux de leurs confrères qu'ils n'aiment pas, à tort ou à raison. INFECT, adj. Peu généreux,--dans l'argot des petites dames, pour qui ne pas regarder à la dépense c'est sentir bon, et n'avoir pas d'argent c'est puer. INFÉRIEUR, adj. Qui est indifférent; qui semble peu important. Argot des faubouriens. _Cela m'est inférieur._ Cela m'est égal. INFIRME, s. et adj. Imbécile,--dans l'argot du peuple et des gens de lettres. _Jouer comme un infirme._ Jouer très mal. INGÉNUE, s. f. Jeune fille innocente et persécutée par les séducteurs auxquels elle résiste vertueusement--tant que dure son rôle: la toile baissée, c'est différent. Argot des coulisses. Cet emploi commence à disparaître des théâtres et des pièces comme trop invraisemblable et par conséquent ridicule. Les actrices aiment mieux jouer les _travestis_. INGLICHE, s. m. Anglais,--dans l'argot des faubouriens, qui prononcent à peu près bien ce mot, mais qui l'écriraient probablement très mal. Ils disent aussi _Inglichemann_ (Englishman). INGRISTE, s. m. Peintre qui fait gris comme M. Ingres et exagère la sécheresse et la froideur de couleur de ce maître. Argot des artistes et des gens de lettres. INGURGITER, v. a. et n. Boire, ou manger, avaler,--dans l'argot du peuple. Ce verbe, que n'oseraient pas employer les gens du bel air, est un des mieux formés et des plus expressifs que je connaisse: _ingurgitare_,--qui évoque naturellement le souvenir du fameux _ingurgite vasto_, cet abîme goulu où disparurent les Lyciens, les fidèles compagnons d'Enée. On dit aussi _S'ingurgiter_ quelque chose. INGURGITER SON BILAN. Mourir,--dans l'argot des commerçants. IN NATURALIBUS. En chemise, ou nu. INODORES, s. m. pl. Water-closets,--dans l'argot des bourgeois. INQUIÉTUDES, s. f. pl. Démangeaisons,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir des inquiétudes dans le mollet._ Avoir une crampe. INSINUANT, s. m. Apothicaire,--dans l'argot des voleurs, qui ont voulu détrôner M. Fleurant. INSOLPÉ, adj. et s. Insolent,--dans le même argot. INSURGÉ DE ROMILLY, s. m. Résultat probant de toute bonne digestion. Synonyme de _factionnaire_, _sentinelle_, etc. Cette expression date de 1848 et est due à une historiette grasse rapportée par le _Corsaire_ de cette époque. INTERLOPE, s. et adj. Qui appartient au monde de la galanterie,--où les _smugglers_ des deux sexes fraudent sans cesse la Morale, la Pudeur et même la Préfecture de police. _Le monde interlope._ La Bohème galante. INTERLOQUER, v. a. Confondre, stupéfier, humilier,--dans l'argot du peuple. INTIME, s. m. Applaudisseur gagé,--dans l'argot des coulisses. INVALIDE, s. m. Ancienne pièce de quatre sous,--dans l'argot du peuple. INVALO, s. m. Apocope d'_Invalide_,--dans l'argot des faubouriens. INVITE, s. f. Apocope d'_Invitation_,--dans l'argot des joueurs de whist. INVITE, s. f. Apocope d'_Invitation._--Argot des faubouriens. _Faire une invite à l'as._ Solliciter quelqu'un de vous offrir quelque chose. IRLANDE (En)! Obliquement, à droite ou à gauche,--dans l'argot des gamins, qui emploient cette expression en jouant au bouchon ou aux billes. IROQUOIS, s. m. Imbécile,--dans l'argot du peuple, qui ne respecte pas assez les héros de Cooper. _S'habiller en iroquois._ D'une manière bizarre, extravagante. _Parler comme un iroquois._ Fort mal. ISOLAGE, s. m. Abandon.--dans l'argot des voleurs. ISOLER, v. a. Abandonner. ITRER, v. a. Avoir,--dans le même argot. C'est un verbe irrégulier. Ainsi: _Ire-tu picté ce luisant?_ (As-tu bu aujourd'hui?) IVOIRE, s. m. Les dents,--dans l'argot des faubouriens. _Faire un effet d'ivoire._ Rire de façon à montrer qu'on a la bouche bien meublée. Les voyous anglais disent de même: _To flash one's ivory_. IVROGNER (S'), v. réfl. Avoir des habitudes d'ivrognerie,--dans l'argot du peuple. J JABOT, s. m. Estomac,--dans l'argot des faubouriens, qui savent pourtant bien que l'homme n'est pas un granivore. _S'arroser le jabot._ Boire. _Faire son jabot._ Manger. On dit aussi _Remplir son jabot_. L'expression est vieille: «De ce vin champenois dont j'emplis mon jabot On ne me voit jamais sabler que le goulot!» dit le grand prêtre Impias de la tragédie-parade _le Tempérament_ (1755). JABOT, s. m. Gorge de femme. _Chouette jabot._ Poitrine plantureuse. JABOTAGE, s. m. Bavardage,--dans l'argot du peuple. JABOTER, v. n. Parler, bavarder. L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne: «Lise était sotte, Maintenant elle jabotte; Voyez comme l'esprit Dans un jeune cœur s'introduit.» JABOTEUR, s. m. Bavard. JACASSE, s. f. Femme bavarde. Se dit aussi d'un Homme bavard ou indiscret. JACASSER, v. n. Bavarder. JACASSEUR, s. m. Bavard, indiscret. JACOBIN, s. m. Révolutionnaire,--dans l'argot des bourgeois, qui singent les aristocrates. JACQUE, s. m. Pièce d'un sou,--dans l'argot des voleurs. JACQUE, s. m. Geai,--dans l'argot du peuple. JACQUELINE, s. f. Grisette,--dans l'argot des bourgeois; Concubine,--dans l'argot des bourgeoises. «Notre Jacqueline le fouille, Emporte la grenouille. Laisse là mon nigaud,» dit une vieille chanson. JACQUELINE, s. f. Sabre de cavalerie,--dans l'argot des soldats. JACQUES BONHOMME. Le peuple,--dans l'argot des faubouriens, dont les pères firent la Jacquerie. C'est le _John Bull_ anglais, le _Frère Jonathan_ américain, etc. JACQUOT, s. m. Niais, bavard, importun,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Grand Jacquot_. JACTER, v. n. Parler,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce verbe à la vieille langue des honnêtes gens (_jactare_, vanter, prôner). JAFFE, s. f. Soufflet,--dans l'argot du peuple, qui s'assimile volontiers les mots des ouvriers provinciaux transplantés à Paris, et qui a certainement emprunté celui-ci au patois normand. JAFFES, s. f. pl. Les joues. JAFFIER, s. m. Jardin,--dans l'argot des voleurs. JAFFIN, s. m. Jardinier. JAFFLE, s. f. Soupe, potage,--dans le même argot. JALO, s. m. Chaudronnier,--dans le même argot. JAMBE DE VIN, s. f. Ivresse,--dans l'argot du peuple. _Faire jambe de vin._ Boire à tire-larigot. JAMBES DE COQ, s. f. pl. Jambes maigres,--dans l'argot du peuple. _Jambes en coton._ Flageolantes comme le sont d'ordinaire celles des ivrognes, des poltrons et des convalescents. _Jambes en manches de veste._ Jambes arquées, disgracieuses. JAMBES EN L'AIR, s. f. Potence,--dans l'argot des voleurs. JAMBONS, s. m. pl. Les cuisses,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent l'homme pour un goret, et qui ont quelquefois raison. Scarron n'a pas été moins irrévérencieux: «Aussi fut Pélias le bon Fort incommodé d'un jambon.» dit-il dans son _Virgile travesti_. JAPPER, v. n. Crier. JAR, s. m. Argot des voleurs, qui n'est pas autre chose qu'un _jargon_. _Dévider le jar._ Parler argot. Le peuple disait autrefois d'un homme très fin, très rusé: _Il entend le jar._ Et souvent il ajoutait: _Il a mené les oies_,--le _jar_ étant le mâle de l'oie. JARDINAGE, s. m. _Débinage_, médisance,--dans l'argot des voyous. JARDINER, v. a. et n. _Débiner_. JARDINER, v. n. Parler,--dans le même argot. JARDINIER, s. m. Complice de l'_Américain_ dans le vol au _charriage_. C'est lui qui est chargé de flairer dans la foule l'homme _simple_ à dépouiller. JARGOLLE, n. d. l. La Normandie,--dans l'argot des voleurs. JARGOLLIER, s. m. Normand. JARGONNER, v. n. Babiller, bavarder,--dans l'argot du peuple. JARGOUILLER, v. n. Parler confusément. On dit aussi _Gargouiller_. JARGUER, v. n. Parler argot, dévider le _jar_. JARNAFFE, s. f. Jarretière,--dans l'argot des voleurs. _Jeu de la jarnaffe._ Escroquerie dont Vidocq donne le procédé, pages 233-34 de son ouvrage. JARRET, s. m. Bon marcheur,--dans l'argot du peuple, qui emploie souvent la métonymie. JASANTE, s. f. Prière,--dans l'argot des voleurs. JASER, v. n. Prier. JASER, v. n. Parler indiscrètement, de manière à compromettre des tiers ou soi-même,--dans l'argot du peuple. JASPIN, adv. Oui,--dans l'argot des voleurs. JASPINEMENT, s. m. Aboiement,--dans le même argot. JASPINER, v. a. et n. Parler, bavarder. _Jaspiner bigorne._ Entendre et parler l'argot. V. _Bigorne_. En wallon, _Jaspiner_ c'est gazouiller, faire un petit bruit doux et agréable comme les oiseaux. JAUNE, s. m. Eau-de-vie,--dans l'argot des chiffonniers. JAUNE, s. m. Été, la saison mûrissante,--dans l'argot des voleurs. JAUNE D'OEUF (Avec un). Phrase suffixe que le peuple emploie ironiquement avec le verbe _Aimer_ ou _Adorer_. Ainsi _Je t'adore avec un jaune d'œuf_ signifie: «Je ne l'aime pas du tout», et fait une sorte de calembour, par allusion à l'emploi connu du jaune d'œuf. JAUNET, s. m. Pièce d'or de vingt francs,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Jauniau_. Au XVIIe siècle, on disait _Rouget_. JAUNIER, s. m. Débitant ou buveur d'eau-de-vie. JAVANAIS, s. m. Langue de convention parlée dans le monde des coulisses et des filles, qui consiste à ajouter après chaque syllabe la syllabe _va_ ou _av_, _ad libitum_, de façon à rendre le mot prononcé inintelligible pour les profanes. Les voleurs ont aussi leur javanais, qui consiste à donner des terminaisons en _ar_ et en _oc_, en _al_ ou en _em_, de façon à défigurer les mots, soit français, soit d'argot, en les agrandissant. Quant aux bouchers, étaliers ou patrons, leur javanais consiste à remplacer toutes les premières lettres consonnes d'un mot, par un l et à reporter la première consonne à la fin du mot, auquel on coud une syllabe javanaise. Ainsi pour dire _Papier_, ils diront _Lapiepem_, ou _Lapiepoc_. Pour les mots qui commencent par une voyelle, on les fait précéder et suivre par un l, sans oublier de coudre à la fin une syllabe javanaise quelconque. Par exemple _avis_ se dit _Laviloc_ ou mieux _Lavilour_. Quelquefois aussi ils varient pour mieux dérouter les curieux; ils disent _nabadutac_ pour _tabac_,--quand ils ne disent pas _néfoin du tré_ pour _tréfoin_, en employant les syllabes explétives _na_ et _né_ qui sont du pur javanais, comme _av_ et _va_. JAVARD, s. m. Lin que l'on met en _javelles_,--dans l'argot des voleurs. JAVOTTE, s. f. Homme bavard, indiscret,--dans l'argot du peuple. JEAN, s. m. Imbécile; mari que sa femme trompe sans qu'il s'en aperçoive. On disait autrefois _Janin_. JEAN-BÊTE, s. m. Imbécile. C'est le cas ou jamais de citer les vers de madame Deshoulières: «Jean? Que dire sur Jean? C'est un terrible nom Que jamais n'accompagne une épithète honnête: Jean Des Vignes, Jean Lorgne... Où vais-je? Trouvez bon Qu'en si beau chemin je m'arrête.» JEAN DE LA SUIE, s. m. Savoyard, ramoneur,--dans l'argot du peuple. JEAN DE LA VIGNE, s. m. Crucifix,--dans l'argot des voleurs. JEANFESSE, s. f. Malhonnête homme, bon à _fouetter_,--dans l'argot des bourgeois. JEANFOUTRE, s. m. Homme sans délicatesse, sans honnêteté, sans courage, sans rien de ce qui constitue un homme,--dans l'argot du peuple, dont cette expression résume tout le mépris. JEAN GUÊTRÉ. Le peuple des paysans. L'expression est de Pierre Dupont. JEAN-JEAN, s. m. Conscrit,--dans l'argot des vieux troupiers, pour qui tout soldat novice est un imbécile qui ne peut se dégourdir qu'au feu. JEAN JEAN, s. et adj. Homme par trop simple, qui se laisse mener par le bout du nez,--dans l'argot du peuple. JEANLORGNE, s. m. Innocent, et même niais. JEANNETON, s. f. Fille de moyenne vertu,--dans l'argot des bourgeois, qui connaissent leur La Fontaine. «Car il défend les jeannetons, Chose très nécessaire à Rome.» JEAN-RAISIN. Le peuple des vignerons. L'expression est de Gustave Mathieu. JE NE SAIS QUI, s. f. Femme de mœurs plus que légères,--dans l'argot méprisant des bourgeoises. JE NE SAIS QUOI, s. m. Qualité difficile à définir; l'inconnue d'un sentiment ou d'un caractère qu'on chercherait en vain à dégager. Argot des gens de lettres. JÉRÔME, s. m. Canne, bâton,--dans l'argot du peuple. JÉSUITE, s. m. Dindon,--dans l'argot des voleurs, qui doivent employer cette expression depuis l'introduction en France, par les missionnaires, de ce précieux gallinacé, c'est-à-dire depuis 1570. JÉSUS, s. m. Innocent,--dans l'argot souvent ironique du peuple. D'où le _grippe-Jésus_ de l'argot encore plus ironique des voleurs, puisqu'ils appellent ainsi les gendarmes. JÉSUS, s. m. «Enfant dressé au vol et à la débauche,»--dans l'argot des voleurs. JET, s. m. Canne, jonc,--dans le même argot. JETER, v. n. Suppurer,--dans l'argot du peuple. JETER DES PERLES DEVANT LES POURCEAUX, v. a. Dire ou faire de belles choses que l'on n'apprécie point à leur juste valeur,--dans l'argot des bourgeois. C'est le _margaritas antè porcos_ des Anciens. JETER DU COEUR SUR DU CARREAU. Rendre fort incivilement son déjeuner ou son dîner, lorsqu'on l'a pris trop vite ou trop abondant. JETER LE MOUCHOIR, v. a. Distinguer une femme et lui faire agréer ses hommages et son cœur,--dans l'argot des vieux galantins. JETER SA LANGUE AUX CHIENS, v. a. Renoncer à deviner une chose, à la comprendre,--dans l'argot des bourgeois. On dit aussi _Jeter sa langue aux chats_. JETER SON BONNET PAR DESSUS LES MOULINS. Dire adieu à la pudeur, à l'innocence, et, par suite au respect des honnêtes gens, et se lancer à cœur perdu dans la voie scabreuse des aventures amoureuses. Argot du peuple. JETER SON LEST, v. a. Se débarrasser involontairement du déjeuner ou du dîner dont on s'était lesté mal à propos. JETER UN FROID, v. a. Commettre une incongruité parlée, dire une inconvenance, faire une proposition ridicule qui arrête la gaieté et met tout le monde sur ses gardes. JETON, s. m. Pièce d'argent,--dans l'argot des faubouriens. JEUNE, s. m. Petit enfant ou petit animal,--dans l'argot du peuple. JEUNE, adj. Naïf, et même un peu sot. Quand un ouvrier dit de quelqu'un: _Il est trop jeune!_ cela signifie: il est incapable de faire telle ou telle chose,--il est trop bête pour cela. JEUNE-FRANCE, s. m. Variété de Romantique, d'étudiant ou de commis--en pourpoint de velours, en barbe fourchue, en cheveux en broussailles, avec le feutre mou campé sur l'oreille. JEUNE HOMME, s. m. Double moos de bière,--dans l'argot des brasseurs parisiens. JEUNE HOMME (Avoir son), v. a. Être complètement ivre, de façon à se laisser mater et conduire par un enfant. Argot des faubouriens. On dit aussi: _Avoir son petit jeune homme_. JEUNE SEIGNEUR, s. m. Gandin,--du moins d'après madame Eugénie Foa, à qui je laisse toute la responsabilité de ce néologisme, que je n'ai jamais entendu, mais qu'elle déclare, à la date du 1er mars 1840, être «le titre de bon goût remplaçant ceux de petits-maîtres, beaux-fils, muscadins, etc..» Greffier fidèle, j'enregistre tout. JEUNESSE, s. f. Jeune fille,--dans l'argot du peuple. JEUNET, ETTE, adj. Qui est un peu trop jeune, et par conséquent trop naïf. S'emploie aussi à propos d'un vin trop nouveau et que sa verdeur rend désagréable au palais. JEUX SANGLANTS DE MARS (Les). La guerre,--dans l'argot des académiciens. JIGLER, v. a. et n. Sauter en s'éparpillant. Ne s'emploie qu'à propos des liquides, vin, boue ou sang. JINGLARD, s. m. Petit vin suret, ou le vin au litre en général,--dans l'argot du peuple, qui ne veut plus dire _ginguet_, et encore moins _guinguet_, une étymologie cependant. JOB, s. m. Innocent, imbécile, dupe,--dans l'argot des faubouriens, qui parlent comme écrivaient Noël Du Fail en ses _Propos rustiques_ et d'Aubigné en sa _Confession de Sancy_. JOB, s. m. Tromperie, mensonge. _Monter un job._ Monter un coup. _Monter le job._ Tromper, jouer une farce. JOBARD, s. m. et adj. Homme par trop crédule, dont chacun se moque, les femmes parce qu'il est trop respectueux avec elles, les hommes parce qu'il est trop confiant avec eux. C'est un mot de vieille souche, qu'on supposerait cependant né d'hier,--à voir le «silence prudent» que le Dictionnaire de l'Académie garde à son endroit. JOBARDER, v. a. Tromper, se moquer; duper. _Se faire jobarder._ Faire rire à ses dépens. JOBARDERIE, s. f. Confiance par trop excessive en la probité des hommes et la fidélité des femmes. JOBERIE, s. f. Niaiserie, simplicité de cœur et d'esprit. JOBISME, s. m. Pauvreté complète, pareille à celle de _Job_. L'expression appartient à H. de Balzac. JOCKO, s. m. Pain long,--dans l'argot des bourgeois, qui consacrent ainsi le souvenir du singe Jocko, un lion il y a trente ans. On dit aussi _Pain jocko_ ou _à la Jocko_. JOCRISSE, s. m. Mari qui se laisse mener par sa femme,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Molière. JOCRISSIADE, s. f. Naïveté,--ou plutôt Niaiserie. JOINT, s. m. Biais pour se tirer d'affaire,--dans l'argot des bourgeois, qui découpent mieux qu'ils ne parlent. _Connaître le joint._ Savoir de quelle façon sortir d'embarras; connaître le point capital d'une affaire. JOJO, adj. Joli,--dans l'argot des voyous. JOJO, adj. et s. Innocent, et même Niais,--dans l'argot du peuple. _Faire du jojo._ Faire l'enfant, la bête. JOLI, adj. et s. Chose fâcheuse, désagréable. _Voilà du joli!_ Nous voici dans une position critique. JOLI GARÇON, s. m. Se dit ironiquement et en manière de reproche de quelqu'un dont on a à se plaindre. JONC, s. m. Or,--dans l'argot des voleurs, qui appellent ainsi ce métal, non, comme le veut M. Francisque Michel, par corruption de _jaune_, mais bien parce que c'est le nom d'une bague en or connue de tout le monde, et qui ne se porte qu'en souvenir de l'anneau de paille des gens mariés par condamnation de l'Officialité. JONCHER, v. a. Dorer. JONCS, s. m. pl. Lit de prison, à cause de la paille qui en compose les matelas. _Être sur les joncs._ Être arrêté ou condamné pour un temps plus ou moins long--toujours trop long!--«à pourrir sur la paille humide des cachots». JORDONNE, s. m. Homme qui aime à commander, dans l'argot du peuple. On dit aussi _Monsieur Jordonne_, et, de même, _Madame_ ou _Mademoiselle Jordonne_, quand il s'agit d'une femme qui se donne des «airs de princesse». JORNE, s. m. Jour,--dans l'argot des voleurs, qui d'ordinaire ne travaillent pas _a giorno_. JOSEPH, s. m. Homme par trop chaste,--dans l'argot des petites dames, qui ressemblent par trop à madame Putiphar. _Faire son Joseph._ Repousser les avances d'une femme, comme le fils de Jacob celles de la femme de Pharaon. JOSÉPHINE, s. f. Mijaurée, bégueule,--dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu donner une compagne à Joseph. _Faire sa Joséphine._ Repousser avec indignation les propositions galantes d'un homme. JOUASSER, v. n. Jouer mal ou sans application, pour passer le temps plutôt que pour gagner une partie. On dit aussi _Jouailler_. JOUASSON, s. m. Joueur malhabile ou distrait, redouté des véritables joueurs,--qui lui préféreraient volontiers un _Grec_. On dit aussi _Jouaillon_. JOUER (se). S'arranger, s'organiser,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression à propos d'une foule de choses étrangères à la musique et au jeu. Ainsi, à propos d'un portefeuille à secret, au lieu de dire: _Comment cela s'ouvre-t-il?_ il dira: _Comment cela se joue-t-il?_ Ce verbe s'emploie dans un autre sens, celui de _faire_, pour marquer l'étonnement. _Comment cela se joue-t-il donc? Tout à l'heure j'avais de l'argent et maintenant je n'en ai plus!_ JOUER A COURIR, v. n. Se défier à la course,--dans l'argot des enfants. JOUER A LA MAIN CHAUDE, v. n. Être guillotiné,--dans l'argot des voleurs, qui font allusion à l'attitude du supplicié, agenouillé devant la machine, la tête basse, les mains liées derrière le dos. JOUER A LA RONFLE, v. n. Ronfler en dormant,--dans l'argot des faubouriens. JOUER COMME UN FIACRE, v. n. Jouer très mal,--dans l'argot du peuple, qui sait que les voitures imaginées, au XVIIe siècle, par Sauvage, sont les plus détestables véhicules du monde. On dit aussi _Jouer comme une huître_. JOUER DE LA HARPE. S'assurer, comme Tartufe, et dans le même but que lui, auprès d'une femme, que l'étoffe de sa robe est moelleuse. JOUER DE QUELQU'UN, v. n. Le mener comme on veut, en tirer soit de l'argent, soit des complaisances de toutes sortes,--dans l'argot de Breda-Street, où l'on joue de l'homme comme Liszt du piano, Paganini du violon, Théophile Gautier de la prose, Théodore de Banville du vers, etc., etc. JOUER DES JAMBES, v. a. S'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. JOUER DEVANT LES BANQUETTES. Jouer devant une salle où les spectateurs ne sont pas nombreux, ainsi que cela arrive fréquemment l'été. Argot des coulisses. JOUER DU COEUR. Rejeter les vins ou les viandes ingérés en excès ou mal à propos,--dans l'argot du peuple, à qui les _concetti_ ne déplaisent pas. Nos aïeux disaient _Tirer aux chevrotins_. JOUER DU NAPOLÉON, v. a. Payer; dépenser sans compter,--dans l'argot des bohèmes, à qui ce jeu-là est interdit. JOUER DU PIANO, v. a. Se dit,--dans l'argot des maquignons, d'un cheval qui frappe inégalement des pieds en courant. JOUER DU POUCE, v. a. Dépenser de l'argent,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi Compter de l'argent. JOUER DU VIOLON, v. a. Scier ses fers,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Jouer de la harpe_. JOUER DU VIOLON, v. n. Se dit,--dans l'argot des écrivains fantaisistes, à propos des mouvements de systole et de diastole du cœur humain en proie à l'Amour, ce divin Paganini. JOUER LA FILLE DE L'AIR, v. a. S'en aller de quelque part; s'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. JOUJOU, s. m. Jouet,--dans l'argot des enfants. _Faire joujou._ S'amuser,--au propre et au figuré. JOUJOU, s. m. La croix d'honeur,--dans l'argot du peuple. On se rappelle les tempêtes soulevées par Clément Thomas, employant cette expression en pleine Assemblée nationale. JOUJOUTER, v. n. Jouer, faire joujou,--dans l'argot des faubouriens, qui emploient ce verbe au propre et au figuré. JOUR DE LA SAINT-JEAN-BAPTISTE (Le). Le jour de l'exécution,--dans l'argot des prisons. C'est une allusion, comprise même des plus ignorants et des plus païens, à la décollation du Précurseur, dont la belle et cruelle Hérodiade ne pouvait digérer les mercuriales. Les voleurs anglais ont aussi leur allusion à ce jour fatal, qu'ils appellent le _Jour du torticolis_ (wry-neck day). JOURNOYER, v. n. Ne rien faire de la journée, flâner. Argot du peuple. JUBÉCIEN, IENNE, adj. et s. Grimacier, grimacière, qui fait des façons, des giries. JUBILATION, s. f. Contentement extrême,--dans l'argot du peuple. _Visage de jubilation._ Qui témoigne d'un très bon estomac. JUBILER, v. n. Se réjouir. JUDAS, s. m. Traître; homme dont il faut se méfier,--dans l'argot du peuple, chez qui est toujours vivante la tradition de l'infamie d'Iscariote. _Baiser de Judas._ Baiser qui manque de sincérité. _Barbe de Judas._ Barbe rouge. _Bran de Judas._ Taches de rousseur. _Le point de Judas._ Le nombre 13. JUDAS, s. m. Petite ouverture au plancher d'une chambre située au-dessus d'une boutique, et qui _trahit_ ainsi la présence d'un étranger dans celle-ci. Les _judas_ parisiens sont les cousins germains des _espions_ belges et suisses. JUDASSER, v. n. Embrasser pour tromper--comme Judas Iscariote fit au Christ. Signifie aussi simplement: Tromper, trahir. JUDASSERIE, s. f. Fausse démonstration d'amitié; tour, perfidie; trahison. JUDÉE, n. de l. Préfecture de police,--dans l'argot des voleurs, qui ont appris à leurs dépens le chemin de la rue de _Jérusalem_. Ils disent aussi _Petite Judée_. JUGE DE PAIX, s. m. Tourniquet de marchand de vin, qui condamne à payer une _tournée_ celui qui perd en amenant le plus petit nombre. Argot des ouvriers. JUGE DE PAIX, s. m. Bâton,--parce qu'il est destiné à mettre le holà. Cette expression fait partie de l'argot des voleurs et de celui des faubouriens. JUGEOTTE, s. f. Jugement, logique, raison, bon sens,--dans l'argot du peuple, pour qui cela remplace la _judiciaire_. JUGULER, v. a. Importuner, ennuyer, _égorger_ d'obsessions. JUIF, s. m. Prêteur à la petite semaine,--dans l'argot des étudiants. JUIF ERRANT, s. m. Grand marcheur, homme qui va par monts et par vaux, comme Ahasvérus, que Jésus--«la bonté même»--a condamné à marcher «pendant plus de mille ans». JUIFFER, v. a. Tromper en vendant; avoir un bénéfice usuraire dans une affaire. JUILLETISER, v. a. Faire une révolution, détrôner un roi,--dans l'argot du peuple, qui a gardé le souvenir des «glorieuses journées» de 1830. JULES, s. m. Pot qu'en chambre on demande,--dans l'argot des faubouriens révolutionnaires, qui ont éprouvé le besoin de décharger la mémoire de saint Thomas des ordures dont on la couvrait depuis si longtemps. _Aller chez Jules._ C'est ce que les Anglais appellent _To pay a visit to mistress Jones_. JUMELLES, s. f. pl. Partie du corps qui constitue la Vénus _Callipyge_,--dans l'argot des voleurs, héritiers des Précieuses, lesquelles appelaient cette partie _Les deux sœurs_. JUS, s. m. Grâce, élégance, bon goût,--dans l'argot des faubouriens, pour qui certaines qualités extérieures, naturelles ou acquises, sont la _sauce_ de certaines qualités de l'âme. _Avoir du jus._ Avoir du _chic_, de la tournure. _Être d'un bon jus._ Être habillé d'une façon grotesque, ou avoir un visage qui prête à rire. JUS, s. m. Profit, bénéfice que rend une affaire. JUS DE BÂTON, s. m. Coup de bâton. JUS D'ÉCHALAS, s. m. Vin. JUS DE RÉGLISSE, s. m. Nègre ou mulâtre. JUSQU'À PLUS SOIF, adv. A l'excès, extrêmement,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos de tout. JUSTE, s. f. La Cour d'assises,--dans l'argot des voleurs, qui s'étrangleraient sans doute à prononcer le mot tout entier, qui est _Justice_. JUSTE MILIEU, s. m. Député conservateur quand même, ami quand même du gouvernement régnant. Argot des journalistes libéraux. On dit aussi _Centrier_. JUSTE-MILIEU, s. m. L'endroit consacré par la jurisprudence du Palais-Royal comme cible aux coups de pied classiques et aux plaisanteries populaires. JUTEUX, EUSE, adj. qui donne de grands bénéfices, qui _rend_ un grand profit, qui a du _jus_ enfin. K KIF-KIF, adv. _Ric-à-ric_,--dans l'argot des faubouriens qui ont servi dans l'armée d'Afrique. KINSERLICK, s. m. Autrichien,--dans l'argot des troupiers, qui ont entendu parler des Impériaux (_die Kaiserlichen_) battus par leurs pères, les soldats de la Grande Armée. On dit aussi et mieux _Kaiserlick_. KLEBJER, v. n. Manger,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui parlent russe (_kleb_, pain) sans le savoir. Ils disent aussi _Tortorer_. KOKSNOFF, adj. Elégant, beau, brillant, _chocnosoff_,--dans l'argot des bohèmes et des rapins. KOLBAC, s. m. Coiffure généralement quelconque,--dans l'argot des faubouriens. KRAPSER, v. a. Tuer,--dans l'argot des faubouriens qui ont fait la guerre d'Orient. Signifie aussi mourir. KYRIELLE, s. f. Suite ou procession de gens; famille nombreuse,--dans l'argot du peuple. _Avoir des kyrielles d'enfants._ En avoir beaucoup. L LA, s. m. Mot d'ordre, signal; invitation à se mettre à l'unisson,--dans l'argot des gens de lettres. _Donner le la._ Indiquer par son exemple, par sa conduite, ce que les autres doivent faire, dire, écrire. LA-BAS, adv. de l. Saint-Lazare,--dans l'argot des filles, qui n'aiment à parler qu'allusivement de ce Paraclet forcé. LABORATOIRE, s. m. Cuisine,--dans l'argot des restaurateurs, chimistes ingénieux qui savent _transformer_ les viandes et les vins de façon à dérouter les connaisseurs. LACETS, s. m. pl. Poucettes,--dans l'argot des voleurs. _Les marchands de lacets._ Les gendarmes. LACHE, s. et adj. Paresseux,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Saint Lâche_. LACHER, v. a. Quitter. _Lâcher d'un cran._ Abandonner subitement. LACHER LA RAMPE, v. a. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. LACHER (Se), v. réfl. Oublier les lois de la civilité puérile et honnête, _ventris flatum emittere_,--dans l'argot des bourgeois. On dit aussi _En lâcher un_ ou _une_,--selon le sexe de l'incongruité. LACHER LE COUDE DE QUELQU'UN, v. a. Cesser de l'importuner,--dans l'argot des faubouriens. C'est plutôt une exclamation qu'un verbe: _Ah! tu vas me lâcher le coude!_ dit-on à quelqu'un qui ennuie, pour s'en débarrasser. LÂCHER SON ÉCUREUIL, v. a. _Meiere_,--dans l'argot des voyous. LACHER UN CRAN, v. a. Se déboutonner un peu quand on a bien dîné,--dans l'argot des bourgeois. LACHER UNE NAÏADE, v. a. _Meiere_,--dans l'argot facétieux des ouvriers. Ils disent aussi _Lâcher les écluses_. LACHER UNE TUBÉREUSE. (V. _Se lâcher_.) LACHEUR, s. et adj. Homme qui abandonne volontiers une femme,--dans l'argot de Breda-Street, où le rôle d'Ariane n'est pas apprécié à sa juste valeur. LACHEUR, s. m. Homme qui laisse ses camarades «en plan» au cabaret, ou ne les reconduit pas chez eux lorsqu'ils sont ivres,--dans l'argot des ouvriers, que cette désertion humilie et indigne. _Beau lâcheur._ Homme qui fait de cette désertion une habitude. LACHEUR, s. et adj. Confrère qui vous défend mal quand on vous accuse devant lui, et qui même, joint ses propres railleries à celles dont on vous accable. Argot des gens de lettres. _Lâcheur_ ici est synonyme de Lâche. LAFARGER, v. a. Se débarrasser de son mari en l'empoisonnant ou de tout autre façon,--dans l'argot du peuple, plus cruel que la justice, puisqu'il fait survivre le châtiment au coupable. LAFFE, s. f. Potage, soupe,--dans l'argot des voleurs. LAGO, adv. Là,--dans le même argot. _Labago._ Là-bas. LAIDERON, s. m. Fille ou femme fort laide,--dans l'argot des bourgeois, dont l'esthétique laisse beaucoup à désirer. On dit aussi _Vilain laideron_,--quand on veut se mettre un pléonasme sur la conscience. LAINE, s. f. Ouvrage,--dans l'argot des tailleurs. LAINÉ, s. m. Mouton,--dans l'argot des voleurs. LAISSER ALLER (Se), v. réfl. N'avoir plus d'énergie, s'habiller sans goût et même sans soin; se négliger. Argot du peuple. LAISSER ALLER LE CHAT AU FROMAGE. Perdre tout droit à porter le bouquet de fleurs d'oranger traditionnel. L'expression est vieille,--comme l'imprudence des jeunes filles. Il y a même à ce propos, un passage charmant d'une lettre écrite par Voiture à une abbesse qui lui avait fait présent d'un chat: «Je ne le nourris (le chat) que de fromages et de biscuits; peut-être, madame, qu'il n'était pas si bien traité chez vous; car je pense que les dames de *** ne laissent pas aller le chat aux fromages et que l'austérité du couvent ne permet pas qu'on leur fasse si bonne chère.» LAISSER DE SES PLUMES, v. a. Perdre de l'argent dans une affaire; ne sortir d'un mauvais pas qu'en finançant. LAISSER FUIR SON TONNEAU. Mourir,--dans l'argot des marchands de vin. LAISSER PISSER LE MÉRINOS, v. n. Ne pas se hâter; attendre patiemment le résultat d'une affaire, d'une brouille, etc. Argot des faubouriens. LAISSER SES BOTTES QUELQUE PART, v. a. Y mourir,--dans l'argot du peuple. LAISSER TOMBER SON PAIN DANS LA SAUCE. S'arranger de manière à avoir un bénéfice certain sur une affaire; montrer de l'habileté en toute chose. LAIT, s. m. Encre,--dans l'argot des voleurs. _Lait à broder._ Encre à écrire. _Lait de cartaudier._ Encre d'imprimerie. LAIT DE VIEILLARD, s. m. Vin,--dans l'argot du peuple, qui dit cela pour avoir le droit de _téter_ jusqu'à cent ans. LAÏUS, s. m. Discours quelconque,--dans l'argot des Polytechniciens, chez qui ce mot est de tradition depuis 1804, époque de la création du cours de composition française, parce que le sujet du premier morceau oratoire à traiter par les élèves avait été l'époux de Jocaste. _Piquer un Laïus._ Prononcer un discours. Les Saint-Cyriens, eux, disent _Brouta_ (du nom d'un professeur de l'Ecole), _broutasser_ et _broutasseur_. LAMBERT. Nom qu'on donne, depuis l'été de 1864 à toute personne dont on ignore le nom véritable. _Appeler Lambert._ Se moquer de quelqu'un dans la rue. LAMBIN, s. et adj. Paresseux, flâneur,--dans l'argot du peuple. Il emploie ce mot depuis très longtemps, trois siècles à peu près, si l'on en croit le _Dictionnaire historique_ de M. L.-J. Larcher, qui le fait venir de Lambin, philosophe français, «lent dans son travail et lourd dans son style». Signifie aussi hésitant. LAMBINER, v. n. Hésiter à faire une chose, à prendre un parti; flâner. LAME, s. f. Tombeau,--dans l'argot des romantiques, qui avaient ressuscité les vieux mots des poètes du XVIe siècle. _Être couché sous la lame._ Être mort. LAMINE, n. d. v. Le Mans,--dans l'argot des voleurs. LAMPE, s. f. Verre à boire,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disent aussi _Canon_. LAMPÉE, s. f. Grand coup de vin,--dans l'argot du peuple. LAMPER, v. a. et n. Boire abondamment. On disait, il y a deux siècles: _Mettre de l'huile dans la lampe_ pour emplir un verre de vin. LAMPIE, s. f. Repas,--dans l'argot des voleurs. LAMPION, s. m. Chapeau,--dans l'argot des voyous. LAMPIONS, s. m. pl. Yeux,--dans l'argot des faubouriens. «Si j'te vois fair' l'œil en tir'lire A ton perruquier du bon ton, Calypso, j'suis fâché d'te l'dire, Foi d'homme! j'te crève un lampion!» dit une chanson qui court les rues. _Lampions fumeux._ Yeux chassieux. LANCE, s. f. Pluie,--dans l'argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot à l'argot des voleurs. A qui qu'il appartienne, il fait image. LANCE, s. f. Balai,--dans le même argot. LANCE DE SAINT CRÉPIN, s. f. Alène,--dans l'argot du peuple, qui sait que saint Crépin est le patron des cordonniers. LANCÉ, s. m. Effet de jambes, dans l'argot des bastringueuses. LANCÉ, adj. Sur la pente de l'ivresse,--dans l'argot des bourgeois. LANCER, v. n. _Meiere_,--dans l'argot des voleurs. LANCER (Se), v. réfl. De timide devenir audacieux auprès des femmes. Argot des bourgeois. LANCEUR, s. m. Libraire qui sait vendre les livres qu'il édite,--dans l'argot des gens de lettres. _Bon lanceur._ Éditeur intelligent, habile, qui vendrait même des _rossignols_,--par exemple Dentu, Lévy, Marpon, etc. Le contraire de _lanceur_ c'est _Etouffeur_,--un type curieux, quoiqu'il ne soit pas rare. LANCEUSE, s. f. Lorette vieillie sous le harnois, qui sert de chaperon, et de proxénète, aux jeunes filles inexpérimentées, dont la vocation galante est cependant suffisamment déclarée. LANCIER DU PRÉFET, s. m. Balayeur,--dans l'argot des faubouriens. LANCIERS, s. m. pl. Quadrille à la mode il y a une dizaine d'années. _Danser les lanciers._ Danser ce quadrille. LANDERNAU, n. d. l. Ville de Bretagne située entre la Madeleine et la porte Saint-Martin,--dans l'argot des gens de lettres, qui ne se doutent peut-être pas que l'expression est octogénaire. _Il y a du bruit dans Landernau._ Il y a un événement quelconque dans le monde des lettres ou des arts. LANDIER, s. m. Employé de l'octroi,--dans l'argot des voleurs, qui ont conservé le souvenir du _Landit_ de Saint-Denis. LANDIÈRE, s. f. Boutique de marchand forain. LANGUARD, e, adj. et s. Bavard, bavarde, mauvaise langue,--dans l'argot du peuple. Le mot sort des poésies de Clément Marot. LANGUE DES DIEUX (La). La poésie,--dans l'argot des académiciens, dont cependant les vers n'ont rien de divin. LANGUE VERTE, s. f. Argot des joueurs, des amateurs de tapis vert. Il y a, dans _les Nuits de la Seine_, drame de Marc Fournier, un _professeur de langue verte_ qui enseigne et pratique les tricheries ordinaires des grecs. Le sens du mot s'est étendu: on sait quel il est aujourd'hui. Langue verte! Langue qui se forme, qui est en train de mûrir, parbleu! LANSQUE, s. m. Apocope de Lansquenet,--dans l'argot de Breda-Street. _Faire un petit lansque._ Jouer une partie de lansquenet. LANSQUAILLER, v. n. _Meiere_,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Lascailler_. LANSQUINE, s. f. Eau pluviale,--dans le même argot. LANSQUINER, v. n. Pleuvoir. _Lansquiner des chasses._ Pleurer. LANTERNER, v. n. Temporiser; hésiter; marchander et n'acheter rien. Argot du peuple. LANTERNER, v. a. Ennuyer quelqu'un, le faire attendre plus que de raison, se moquer de lui. LANTERNES DE CABRIOLET, s. m. pl. Yeux gros et saillants. LANTERNIER, s. m. Homme irrésolu, sur lequel il ne faut pas compter. LANTIMÈCHE, s. m. Imbécile; jocrisse,--dans l'argot des faubouriens. LANTIPONNAGE, s. m. Discours importun, hésitation à faire ou dire une chose,--dans l'argot du peuple. LANTIPONNER, v. n. Passer son temps à bavarder, à muser. LANTURLU, s. m. Ecervelé, extravaguant, hurluberlu. On disait autrefois _L'Enturlé_. LA PALFÉRINETTE, s. f. Princesse de la bohème galante, de bal et de trottoir,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont consacré ainsi le souvenir de La Palférine de H. de Balzac. LAPIN, s. m. Apprenti compagnon,--dans l'argot des ouvriers. LAPIN, s. m. Homme solide de cœur et d'épaules,--dans l'argot du peuple. _Fameux lapin._ Robuste compagnon, à qui rien ne fait peur, ni les coups de fusil quand il est soldat, ni la misère quand il est ouvrier. LAPIN s. m. Camarade de lit,--dans l'argot des écoliers, qui aiment à coucher seuls. On sait quel était le _lapin_ d'Encolpe, dans le _Satyricon_ de Pétrone. LAPIN (En), adv. Être placé sur le siège de devant, avec le cocher,--dans l'argot du peuple. LAPIN DE GOUTTIÈRE, s. m. Chat. LAPIN FERRÉ, s. m. Gendarme à cheval,--dans l'argot des voleurs. Ils l'appellent aussi _Liège_. LARBIN, s. m. Domestique,--dans l'argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot à l'argot des voleurs. LARBINERIE, s. f. Domesticité, valetaille. LARD, s. m. La partie adipeuse de la chair,--dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un porc. _Sauver son lard._ Se sauver quand on est menacé. Les ouvriers anglais ont la même expression: _To save his bacon_, disent-ils. LARDER, v. a. Percer d'un coup d'épée ou d'un coup de sabre,--dans l'argot des troupiers. _Se faire larder._ Recevoir un coup d'épée. LARDOIRE, s. f. Epée ou sabre. LARGE, adj. Généreux, qui ne regarde pas à la dépense,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Clément Marot: «.... Ils sçavent bien Que vostre père est homme large; A souper l'auront, à la charge Pour dix buveurs maistres passez.» (Traduction du _Colloque d'Erasme_.) LARGE DES ÉPAULES. Avare. Cette expression se trouve dans le Dictionnaire de Leroux, édition de 1786, qui n'est pas la première édition. LARGUE, s. f. Femme, maîtresse,--dans l'argot des voleurs et des souteneurs. _Larguepé._ Femme publique. LARGUOTTIER, s. m. Libertin, ami des _largues_. On dit aussi _Larcottier_. LARME, s. f. Très petite quantité,--dans l'argot des bourgeois, qui prennent une larme d'eau-de-vie dans une larme de café et se trouvent gris. LARTIF, ou LARTILLE, ou LARTON, s. m. Pain,--dans l'argot des voleurs qui ne veulent pas dire _artie_. _Larton brut._ Pain bis. _Larton savonné._ Pain blanc. _Lartille à plafond._ Pâté,--à cause de sa croûte. LARTONNIER, IÈRE, s. Boulanger, boulangère. LASCAR, s. m. Nom que,--dans l'argot des troupiers et du peuple--on donne à tout homme de mauvaises mœurs, à tout réfractaire, à tout insurgé contre la loi, la morale et les choses établies. C'est une allusion aux mœurs des matelots indiens, malais ou autres, qui naviguent sur des bâtiments européens, hollandais principalement, et qui, tirés de la classe des parias, ne passent pas pour de parfaits honnêtes gens. LATIF, s. m. Linge blanchi,--dans l'argot des voleurs. LATINE, s. f. maîtresse d'étudiant. «Je suis latine Gaiment je dine Sur le budget de mon étudiant!» dit une chanson moderne. LATTE, s. f. Sabre de cavalerie,--dans l'argot des troupiers. _Se ficher un coup de latte._ Se battre en duel. LAUMIR, v. a. Perdre,--dans l'argot des voleurs. LAVABE, s. m. Place de parterre à prix réduit,--dans l'argot des voyous. LAVAGE, s. m. Vente au rabais d'objets ayant déjà eu un premier propriétaire,--dans l'argot des filles et des bohèmes, qui ont l'habitude de _laver_ précisément les choses les plus neuves et les plus propres, afin de s'en faire de l'argent comptant. LAVASSE, s. f. Mauvais bouillon, trop lavé d'eau, où la viande a été trop épargnée. Argot des bourgeois. Se dit aussi du mauvais café. LAVEMENT, s. m. Homme ennuyeux, tracassier, _canulant_,--dans l'argot du peuple, qui n'aime pas les détersifs. LAVER, v. a. Vendre à perte les objets qu'on avait achetés pour les garder. Pourquoi _laver_ au lieu de _vendre_? M. J. Duflot prétend que cela vient de l'habitude qu'avait Théaulon de remettre à son blanchisseur, afin qu'il battît monnaie avec, les nombreux billets auxquels il avait droit chaque jour. (L'Institution Porcher--la claque--ne fonctionnait pas encore.) «Un jour, dit M. Duflot, le vaudevilliste avait à sa table quelques amis, parmi lesquels Charles Nodier et quelques notabilités politiques, quand le blanchisseur entra pour prendre les billets.--«C'est mon blanchisseur, messieurs, dit-il. Bernier, ajouta-il, en se tournant vers lui, vous trouverez mon linge dans ma chambre à coucher; sur la cheminée, il y a un petit paquet que vous laverez aussi.» Le petit paquet que Bernier trouva contenait les billets de spectacle, et Bernier fut obligé de comprendre que _laver_ voulait dire _vendre_. Depuis ce jour, il ne manquait jamais de dire, en entrant chez Théaulon: «C'est le blanchisseur de Monsieur: Monsieur a-t-il quelque chose à laver?» LAVER LA TÊTE, v. a. Faire de violents reproches, et même dire des injures,--dans l'argot du peuple, qui ne fait que traduire le verbe _objurgare_ de Cicéron. LAVETTE, s. f. Langue,--dans l'argot des faubouriens, qui le disent aussi bien à propos des hommes que des chiens. LAVOIR, s. m. Le confessionnal,--dans l'argot des voyous, qui ne vont pas souvent y dessouiller leur conscience, même lorsqu'elle est le plus chargée d'impuretés. LAZAGNE, s. f. Lettre,--dans l'argot des voleurs. LAZZI-LOFF, s. m. Maladie qui ne se guérit qu'à l'hôpital du Midi et à Lourcine. Même argot. LÈCHECUL, s. m. Flatteur outré; flagorneur,--dans l'argot du peuple. LÉCHER UN TABLEAU, v. a. Le peindre trop minutieusement, à la hollandaise,--dans l'argot des artistes. LÉCHEUR, s. et adj. Qui aime à embrasser; qui se plaît à recevoir et à donner des baisers,--dans l'argot du peuple, qui n'est pas précisément de la tribu des _Amalécites_. LÉGITIME, s. f. Épouse,--dans l'argot des bourgeois. LÉGRE, s. f. Foire, marché,--dans l'argot des voleurs. LÉGUMES, s. m. pl. Oignons, œils de perdrix, durillons des pieds,--dans l'argot des faubouriens. J'en ai entendu un s'écrier: «Oui, quand il poussera des légumes entre les doigts de pied de Louis XIV!» On dit aussi _Champignons_. LÉGUMISTE, s. m. Homme qui, par respect pour les bêtes, se nourrit exclusivement de légumes, comme un vertueux brahmine. Il y a une _Société des légumistes_. LENDORE, s. m. Paresseux, nonchalant, _endormi_,--dans l'argot du peuple. LÉON, n. d'h. Le président des assises,--dans l'argot des voleurs, renards qui se sentent en présence du _lion_. LERMON, s. m. Etain,--dans le même argot. LERMONER, v. a. Etamer. LEM. Désinence javanaise,--mais d'un javanais spécial aux saltimbanques, et quelquefois aussi aux voleurs. _Parler en lem._ Ajouter cette syllabe à tous les mots pour les rendre inintelligibles au vulgaire. On dit aussi Parler en _luch_--et alors on remplace _lem_ par _luch_. LESBIEN, s. m. Ce que les voleurs anglais appellent un _gentleman of the back-door_. Argot de gens de lettres. LESBIENNE, s. f. _Fleur du mal_, et non du mâle. LESSIVANT, s. m. Avocat d'office,--dans l'argot des voleurs, qui ont grand besoin d'être blanchis. Les Gilles Ménage de Poissy et de Sainte-Pélagie prétendent qu'il faut dire _Lessiveur_. LESSIVE, s. f. Plaidoirie,--tout avocat ayant pour mission de blanchir ses clients, fussent-ils nègres comme Lacenaire, ce Toussaint-Louverture de la Cour d'assises. LESSIVE, s. f. Perte,--dans l'argot des joueurs. LESSIVE, s. f. Vente à perte, de meubles, de vêtements ou de livres,--dans l'argot des bohèmes et des lorettes. _Faire sa lessive._ Se débarrasser au profit des bouquinistes, des livres envoyés par les éditeurs ou par les auteurs,--dans l'argot des bibliopoles, qui n'en enlèvent pas assez souvent les _ex-dono_. LESSIVE DE GASCON, s. f. Propreté douteuse qui ne résiste pas à l'examen,--dans l'argot des bourgeois, heureux d'avoir du linge. _Faire la lessive du Gascon._ Retourner sa chemise quand elle est sale d'un côté,--ce que font beaucoup de bohèmes. On connaît ce mot d'un vaudevilliste propret à propos d'un autre vaudevilliste goret: «Faut-il que cet homme ait du linge sale, pour pouvoir en mettre ainsi tous les jours!» LESSIVER. Défendre un prévenu en police correctionnelle, un accusé en Cour d'assises. LESSIVER (Se faire). Perdre au jeu. LETTRE DE JÉRUSALEM, s. f. Escroquerie par lettre, dont Vidocq donne le détail aux pages 241-253 de son livre. LETTRE MOULÉE, s. f. Le journal,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression à Paul-Louis Courier. LEVAGE, s. m. Escroquerie,--dans l'argot des faubouriens. Séduction menée à bonne fin,--dans l'argot des petites dames. Galanteries couronnées de succès,--dans l'argot des gandins. LEVÉ (Être). Être suivi par un garde du commerce,--dans l'argot des débiteurs. LÈVE-PIEDS, s. m. Echelle, escalier,--dans l'argot des voleurs. LEVER, v. a. Capter la confiance,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi voler. _Se faire lever de tant._ Se laisser gagner ou «emprunter une somme de...» LEVER LA JAMBE, v. a. Danser le chahut d'une façon supérieure. Argot des gandins. LEVER DE RIDEAU, s. m. Petite pièce sans importance, de l'ancien ou du nouveau répertoire, qui se joue la première devant les banquettes, au milieu du bruit que font les spectateurs à mesure qu'ils arrivent. Argot des coulisses. LEVER LA LETTRE, v. a. Être compositeur d'imprimerie,--dans l'argot des typographes. LEVER LE BRAS, v. a. N'être pas content,--dans le même argot. LEVER LE COUDE, v. a. Boire,--dans l'argot du peuple. LEVER LE PIED, v. a. Fuir en emportant la caisse. LEVER UNE FEMME, v. a. «Jeter le mouchoir» à une femme qu'on a remarquée au bal, au théâtre ou sur le trottoir. Argot des gandins, des gens de lettres et des commis. _Lever une femme au crachoir._ La séduire à force d'esprit ou de bêtises parlées. LEVER UN HOMME, v. a. Attirer son attention et se faire suivre ou emmener par lui. Argot des petites dames. _Lever un homme au souper._ S'arranger de façon à se faire inviter à souper par lui. LEVEUR, s. m. Pick-pocket. LEVEUR, s. m. Lovelace de bal ou de trottoir. LÉZARD, s. m. Mauvais compagnon,--dans l'argot des voleurs. LÉZINER, v. a. Tromper au jeu; hésiter avant de faire un coup. Même argot. LIARDEUR, s. et adj. Homme qui couperait un liard en quatre pour moins dépenser,--dans l'argot du peuple, qui n'est point avare, n'étant pas riche. LICHADE, s. f. Embrassade,--dans l'argot des faubouriens. LICHANCE, s. f. Repas plus ou moins plantureux. _Lichance soignée._ Gueuleton. On dit aussi _Lichade_. LICHER, v. a. et n. Manger et boire à s'en _lécher_ les lèvres. LICHETTE, s. f. Petite quantité de quelque chose. Se dit aussi pour Goutte d'eau-de-vie; petit verre. LICHEUR, EUSE, s. Homme, femme, qui aime à manger et à boire. On dit aussi _Lichard_. LIE DE FROMENT, s. f. Les _fumées_ humaines,--dans l'argot du peuple. LIGNARD, s. m. Soldat de la _ligne_,--dans l'argot des faubouriens. LIGNOTTE, s. f. Corde, lien,--dans l'argot des voleurs, qui répugnent sans doute à employer _lignette_, un mot de la langue des honnêtes gens. Ils disent aussi _Ligotte_. LIGOTTER, v. a. Lier,--dans le même argot. LILANGE, n. d. l. Lille,--dans le même argot. LILLOIS, s. m. Fil à coudre. LIMACE, s. f. Fille à soldats,--dans l'argot des faubouriens. LIMACE, s. f. Chemise,--dans l'argot des voleurs et des vendeurs du Temple. LIMACIÈRE, s. f. Lingère. LIMANDE, s. f. Homme _plat_,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. LIMER, v. n. «Aller lentement en affaire,»--dans l'argot du peuple. LIME SOURDE, s. f. Sournois,--dans l'argot des voleurs. LIMOGÈRE, s. m. Chambrière,--dans le même argot. LIMONADE, s. f. Eau,--dans l'argot des faubouriens. _Tomber dans la limonade._ Se laisser choir dans l'eau. LIMONADE, s. f. Etat de limonadier. LIMONADE, s. f. Assiette,--dans l'argot des voleurs. LIMOUSIN, s. m. Maçon,--dans l'argot du peuple, qui sait que les castors qui ont bâti Paris et qui sont en train de le démolir appartiennent à l'antique tribu des Lémovices. LIMOUSINE, s. f. Blouse de charretier. LIMOUSINE, s. f. Plomb,--dans l'argot des voleurs. LIMOUSINER, v. a. et n. Bâtir des maisons. LIMOUSINEUR, s. m. Voleur de plomb sur les toits. LINGE, s. m. Chemise,--dans l'argot du peuple. Jupon blanc de dessous,--dans l'argot des filles. _Avoir du linge._ Porter une chemise blanche. _Faire des effets de linge._ Retrousser adroitement sa robe, de façon à montrer trois ou quatre jupons éblouissants de blancheur et garnis de dentelles--de coton. LINGE LAVÉ (Avoir son). S'avouer vaincu; être pris,--dans l'argot des voleurs, qui, une fois en prison, n'ont plus à s'occuper de leur blanchisseuse. LINGRE, s. m. Couteau,--dans l'argot des voleurs, qui savent que _Langres_ est la patrie de la coutellerie. _Lingriot._ Petit couteau; canif; bistouri. LINGRER, v. a. Frapper à coups de couteau. LINGRERIE, s. f. Coutellerie. LINSPRÉ, s. m. Prince,--dans l'argot des voleurs, qui cultivent l'anagramme comme le grand Condé les œillets. LION, s. m. Homme qui, à tort ou à raison,--à tort plus souvent qu'à raison,--a attiré et fixé sur lui, pendant une minute, pendant une heure, pendant un jour, rarement pendant plus d'un mois, l'attention capricieuse de la foule, soit parce qu'il a publié un pamphlet scandaleux, soit parce qu'il a commis une éclatante gredinerie, soit pour ceci, soit pour cela, et même pour autre chose; homme enfin qui, comme Alcibiade, a coupé la queue à son chien, ou, comme Alphonse Karr, s'est fait dévorer par lui, ou, comme Empédocle, Du plat de sa sandale a souffleté l'histoire. _Être le lion du jour._ Être le point de mire de tous les regards et de toutes les curiosités. LION, s. m. Le frère aîné du gandin, le dandy d'il y a vingt-cinq ans, le successeur du _fashionable_--qui l'était du _beau_--qui l'était de l'_élégant_--qui l'était de l'_incroyable_--qui l'était du _muscadin_,--qui l'était du _petit-maître_, etc. Ce mot nous vient d'Angleterre. LIONCEAU, s. m. Apprenti lion,--garçon tailleur qui cherche à se faire passer pour le comte d'Orsay ou pour Brummel, et qui réussit rarement, le goût étant une fleur rare comme l'héroïsme. LIONNE, s. f. Femme à la mode--il y a trente ans. C'était «un petit être coquet, joli, qui maniait parfaitement le pistolet et la cravache, montait à cheval comme un lancier, prisait fort la cigarette et ne dédaignait point le champagne frappé.» Aujourd'hui, mariée ou non, grande dame ou petite dame, la lionne se confond souvent avec celle qu'on appelle _drôlesse_. LIONNERIE, s. f. Haute et basse fashion. LIPPE, s. f. Moue, grimace,--dans l'argot du peuple. _Faire sa lippe._ Bouder. LIPPÉE, s. f. Simple bouchée; repas insuffisant. _Franche lippée._ Repas copieux. LIPPER, v. n. Courir de cabaret en cabaret, y manger,--et surtout y boire. LIQUIDE, s. f. Apocope de _Liquidation_,--dans l'argot des coulissiers. LIQUIDE, s. m. Vin,--dans l'argot du peuple, qui fait semblant d'ignorer qu'il existe d'autres corps aqueux. _Avoir absorbé trop de liquide._ Être ivre. LIRE AUX ASTRES, v. n. Muser, faire le gobe-mouches; regarder en l'air au lieu de regarder par terre,--comme l'astrologue de la fable. LISETTE, s. f. Gilet long,--dans l'argot des voleurs. LITHOGRAPHIER (Se). Tomber par terre,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que lorsqu'on tombe, on a le visage désagréablement _impressionné par la pierre_. LITRER, v. a. Avoir, posséder,--dans l'argot des voleurs. V. _Itrer_. LITRON, s. m. Litre douteux servi dans un pot qui n'a pas toujours la contenance légale. Argot du peuple. LITTÉRATURE JAUNE, s. f. Le Réalisme,--une maladie ictérique désagréable qui a sévi avec assez d'intensité dans les rangs littéraires il y a une dizaine d'années, et dont a été particulièrement atteint Champfleury, aujourd'hui (1867) presque guéri. L'expression, fort juste, appartient à Hippolyte Babou. LITTÉRATURIER, s. m. Mauvais écrivain,--dans l'argot des gens de lettres. LIVRE ROUGE, s. m. Les registres du Dispensaire,--dans l'argot des filles. LIVRAISON DE BOIS DEVANT SA PORTE (Avoir une), v. a. Se dit,--dans l'argot des faubouriens, d'une femme richement _avantagée_ par la Nature. LIVRE D'ARCHITECTURE, s. m. Registre qui contient les procès-verbaux d'une loge,--dans l'argot des francs-maçons. LIVRE DES ROIS, s. m. Jeu de cartes. Argot des faubouriens. LOCANDIER, s. m. Variété de voleur au bonjour. LOCATIS, s. m. Cheval de louage,--dans l'argot des commis de nouveautés, à qui leurs moyens défendent les pur-sang. LOCHE, s. f. Paresseux, gras, mou,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot au propre et au figuré, par allusion à la limace, grise ou rouge, qu'on voit se traîner, visqueuse, par les sentiers. LOCHE, s. f. Oreille,--dans l'argot des voleurs. LOCHER, v. a. et n. Ecouter. LOCHER, v. n. Branler, être près de tomber,--dans l'argot du peuple. LOCOMOTIVE, s. f. Fumeur acharné,--dans l'argot des bourgeois, qui, sans s'en douter emploient là une expression de l'argot des voleurs anglais: _Steamer_. LOFFARD ou LOFF, s. et adj. Innocent, niais, pleurard,--dans l'argot des comédiens, qui ne se doutent pas qu'ils ont emprunté ce mot à l'argot des forçats, qui l'ont emprunté eux-mêmes à l'argot des marins. Le _lof_ est le côté d'un navire qui se trouve frappé par le vent, qui le fait crier. Le _loffard_, au bagne, est le forçat frappé par une condamnation à perpétuité, et qui gémit comme un enfant sur son sort. LOFFAT, s. m. Aspirant compagnon,--dans l'argot des ouvriers. LOFFITUDE, s. f. Niaiserie, bêtise. LOGE, s. f. Lieu de réunion,--dans l'argot des francs-maçons. _Loge irrégulière._ Assemblée de francs-maçons qui ne sont pas réguliers et avec lesquels on ne doit pas fraterniser. LOGE INFERNALE, s. f. Petite loge d'avant-scène, où se mettent par tradition, les gandins,--imitateurs serviles des _lions_. Se dit aussi des Premières chaises du premier rang, aux concerts en plein vent comme ceux des Champs-Elysées. LOGER AUX QUATRE VENTS, v. n. Demeurer dans une maison mal close, où le vent entre comme chez lui. LOGER RUE DU CROISSANT, v. n. Avoir pour femme une drôlesse qui donne dans le contrat autant de coups de canif qu'il y a de jours dans l'année. LOIR, s. m. Homme paresseux, dormeur, ami de ses aises,--dans l'argot du peuple, qui sait que cette sorte de gens, comme le _mus nitela_, mange les meilleurs fruits des espaliers et de la vie: d'où le vieux verbe _loirer_, pour dérober, voler. LOLO, s. m. Lait,--dans l'argot des enfants. LOLOTTE, s. f. Fille ou femme qui aime pour vivre au lieu de vivre pour aimer. Argot des faubouriens. LOMBARD, s. m. Commissionnaire au Mont-de-Piété,--dans l'argot des ouvriers qui ont travaillé avec les Belges; car c'est en effet le nom qu'on donne à Bruxelles, au Grand-Mont-de-Piété, et ce nom a sa valeur historique. LONDRÈS, s. m. Cigare de vingt-cinq centimes de la Havane,--ou d'ailleurs. LONGCHAMP, s. m. Procession plus ou moins considérable de gens,--dans l'argot du peuple, qui consacre ainsi le souvenir d'une mode dont on ne parlera plus dans quelques années. LONGCHAMP, s. m. Promenade favorite,--dans l'argot des Polytechniciens. C'est une cour oblongue, bordée d'une file de cabinets dont nous laissons deviner la destination, et où les élèves viennent fumer et causer pendant les heures d'étude. LONG DU MUR (Le). Avec son argent,--dans l'argot du peuple. Pour bien comprendre cette expression pittoresque si fréquemment employée, je veux citer la réponse que me fit un jour un coiffeur: «Combien gagnez-vous chez votre patron?--Trois francs par jour.--Alors vous êtes nourri?--Nourri et blanchi, oui... _le long du mur_!» LONGE, s. f. Année,--dans l'argot des voleurs, qui tirent volontiers dessus lorsqu'ils sont en prison. LONGÉ, adj. Agé. LONGIS, s. et adj. Homme nonchalant, lent à faire ce qu'il entreprend. Argot du peuple. On dit aussi _Saint Longin_. _Longie._ Nonchalante, paresseuse. On dit aussi _Sainte-Longie_. LOPIN, s. m. Morceau. Signifie aussi: Postillon, crachat, expectoration abondante. LOQUES, s. f. pl. Boutons de guêtre ou de pantalon, en cuivre,--dans l'argot des écoliers, qui les recueillent avec soin. _Jouer aux loques._ Jouer avec des boutons comme avec des billes, à la bloquette, à la pigoche, etc. LORCEFÉ, s. f. La prison de la Force,--dans l'argot des voleurs, qui, pour ce mot, se sont contentés de changer la place des lettres et de mettre un _é_ au lieu d'un _a_. _La Lorcefé des largues._ Saint-Lazare, qui est la prison, la maison de Force où l'on renferme les femmes. LORET, s. m. Monsieur peu délicat et peu difficile, qui vit volontiers des miettes de la table amoureuse de la lorette. Le mot appartient à Nestor Roqueplan. LORETTE, s. f. Fille ou femme qui ne vit pas pour aimer, mais au contraire, aime pour vivre. Le mot a une vingtaine d'années (1840), et il appartient à Nestor Roqueplan, qui a par un hypallage audacieux, ainsi baptisé ces drôlesses du nom de leur quartier de prédilection,--le quartier Notre-Dame-de-Lorette. LORGNE, s. m. Borgne,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Lorgne-bè_. LORGUE, s. m. As,--dans le même argot. LOUBION, s. m. Bonnet d'homme ou de femme,--dans le même argot. LOUBIONNIER, s. m. Bonnetier. LOUCHE, s. f. Cuiller à potage,--dans l'argot du peuple. Un mot provincial acclimaté maintenant à Paris. LOUCHE, adj. Douteux, équivoque. LOUCHÉE, s. f. Cuillerée,--dans l'argot des voleurs. LOUCHER (Faire). Donner envie; exciter la convoitise,--dans l'argot du peuple, où l'on emploie souvent cette expression ironique pour refuser quelque chose. LOUCHER DE LA JAMBE, v. n. Boîter. _Loucher de l'épaule._ Être bossu. _Loucher de la bouche._ Avoir le sourire faux. LOUCHES, s. f. pl. Les mains,--dans l'argot des voleurs, qui ne savent pas prendre franchement, honnêtement, et en en demandant la permission. LOUCHON, s. m. Individu affligé de strabisme,--dans l'argot du peuple. LOUFIAT, s. m. Voyou, homme crapuleux,--dans l'argot des faubouriens. LOUIS D'OR, s. m. Insurgé de Romilly,--dans l'argot facétieux des faubouriens, qui entendent dire depuis si longtemps et qui répètent eux-mêmes si volontiers que _marcher dedans c'est signe d'argent_. On dit aussi _Pièce de vingt francs_. LOUIS D'OR (N'être pas). Ne pouvoir plaire à tout le monde, soit par son visage quand on est femme, soit par son caractère quand on est homme, soit par son talent quand on est artiste ou écrivain. C'est une phrase souvent employée, de l'argot du peuple, qui sait que les Louis--XV ou non--seront toujours les _bien-aimés_, mais qui ignore les âpres joies des grands dédaigneux, jaloux de plaire seulement à un petit nombre d'amis ou de lecteurs de choix. _Odi profanum vulgus, et arceo._ LOUISETTE, s. f. Premier nom donné à la guillotine, «en l'honneur» du docteur _Louis_, secrétaire perpétuel de l'Académie de chirurgie et inventeur, du moins importateur de cet instrument de mort. On l'a appelée aussi _Louison_. LOULOU, s. m. Petit chien-_loup_,--dans l'argot du peuple. LOULOU. Terme d'amitié, caresse de femme à amant ou d'amant à maîtresse. On dit aussi _Gros loulou_. LOUP, s. m. Homme qui se plaît dans la solitude et qui n'en sort que lorsqu'il ne peut pas faire autrement. Argot du peuple. Malgré le _væ soli!_ de l'Ecriture et l'opinion de Diderot: «Il n'y a que le méchant qui vit seul,» les loups-hommes sont plus honorables que les hommes-moutons: la forêt vaut mieux que l'abattoir. LOUP, s. m. Créancier,--dans l'argot des typographes. _Faire un loup._ Faire une dette,--et ne pas la payer. LOUP, s. m. Absence de texte, solution de continuité dans la copie. Même argot. LOUP, s. m. Pièce manquée ou mal faite,--dans l'argot des tailleurs. On dit aussi _Bête_ ou _Loup qui peut marcher tout seul_. LOUP-CERVIER, s. m. Homme qui fait des affaires d'argent; _Boursier_,--dans l'argot des gens de lettres. LOUPE, s. f. Paresse, flânerie,--dans l'argot des ouvriers, qui ont emprunté ce mot à l'argot des voleurs. Ici encore M. Francisque Michel, chaussant trop vite ses lunettes de savant, s'en est allé jusqu'en Hollande, et même plus loin, chercher une étymologie que la nourrice de Romulus lui eût volontiers fournie. «_Loupeur_, dit-il, vient du hollandais _looper_ (coureur), _loop_ (course), _loopen_ (courir). L'allemand a _laufer_... le danois _lœber_...: enfin le suédois possède _lopare_... Tous ces mots doivent avoir pour racine l'anglo-saxon _lleàpan_ (islandais _llaupa_), courir.» L'ardeur philologique de l'estimable M. Francisque Michel l'a cette fois encore égaré, à ce que je crois. Il est bon de pousser de temps en temps sa pointe dans la Scandinavie, mais il vaut mieux rester au coin de son feu les pieds sur les landiers, et, ruminant ses souvenirs de toutes sortes, parmi lesquels les souvenirs de classe, se rappeler: soit les pois _lupins_ dont se régalent les philosophes anciens, les premiers et les plus illustres flâneurs, la sagesse ne s'acquérant vraiment que dans le _far niente_ et le _far niente_ ne s'acquérant que dans la pauvreté;--soit les _Lupanarii_, où l'on ne fait rien de bon, du moins; soit les _lupilli_, qu'enployaient les comédiens en guise de monnaie, soit le houblon (_humulus lupulus_) qui grimpe et s'étend au soleil comme un lézard; soit enfin et surtout, le loup classique (_lupus_), qui passe son temps à rôder çà et là pour avoir sa nourriture. LOUPE (Camp de la), s. m. Réunion de vagabonds. C'était une guinguette du boulevard extérieur, alors près de la barrière des Amandiers. Cette guinguette était flanquée, d'un côté par un pâtissier nommé _Laflème_, et, de l'autre, par un marchand de vin, nommé _Feignant_... LOUPEL, s. m. Avare; homme tout à fait pauvre,--dans l'argot des voleurs. LOUPER, v. n. Flâner, vagabonder,--dans l'argot des ouvriers. LOUPEUR, s. m. Flâneur, vagabond, ouvrier qui se dérange. LOUPEUSE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie qui, n'aimant pas le travail honnête et doux de l'atelier, préfère le rude et honteux travail de la débauche. LOUPIAT, s. m. Fainéant, _Loupeur_,--dans l'argot des faubouriens. LOUPION, s. m. Chapeau d'homme, rond. Même argot. LOURDE, s. f. Porte,--dans l'argot des voleurs. LOURDIER, s. m. Portier. LOUVETEAU, s. m. Fils d'affilié,--dans l'argot des francs-maçons. On dit aussi _Louveton_ et _Louftot_. LOUVRE, s. m. Maison quelconque en pierre de taille,--dans l'argot des bourgeois, pour lesquels la colonnade de Perrault est le _nec plus ultra_ de l'art architectonique. Ils disent aussi _Petit Louvre_,--pour ne pas scandaliser dans leurs tombes François Ier, Henri II et Charles IX. LOVELACE, s. m. Libertin, grand séducteur,--dans l'argot des bourgeois, qui éternisent ainsi le souvenir du principal héros du roman de Richardson (_Clarisse Harlowe_). LUCARNE, s. f. Monocle,--dans l'argot des faubouriens. _Crever sa lucarne._ Casser le verre de son lorgnon. LUCRÈCE, s. f. Femme chaste, en apparence du moins,--dans l'argot du peuple, qui a entendu parler de l'héroïsme de la femme de Collatin, et qui n'y croit que sous bénéfice d'inventaire. _Faire la Lucrèce._ Contrefaire la prude et l'honnête femme. LUISANT, s. m. Soleil, ou Jour,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Luisard_. LUISANTE, s. f. La Lune. On dit aussi _Luisarde_. LUNCH, s. m. Collation légère entre le déjeuner et le dîner--dans l'argot des gandins, qui répudient ainsi notre ancien _goûter_. Le mot et la mode sont anglais; seulement le lunch anglais a cet avantage sur le lunch parisien, qu'il est une réfection copieuse,--un troisième déjeuner ou un premier dîner,--destiné à ravitailler les estomacs épuisés par les luttes des _hustings_, quand il y a des élections. LUNCHER, v. n. Manger des gâteaux arrosés de bordeaux chez un pâtissier en renom. LUNDICRATE, adj. et s. Feuilletonniste du lundi,--dans l'argot des gens de lettres. Ce mot appartient à M. Pierre Véron. LUNE, s. f. Caprice; mauvaise humeur,--dans l'argot du peuple. _Être dans ses lunes._ Avoir un accès de mauvaise humeur, de misanthropie. LUNE, s. f. Visage large, épanoui, rayonnant de satisfaction et de santé. On dit aussi _Pleine_ lune. LUNE, s. f. Le second visage que l'homme a à sa disposition, et qu'il ne découvre jamais en public,--à moins d'avoir toute honte bue. On dit aussi _Pleine lune_. LUNE A DOUZE QUARTIERS, s. f. Roue,--dans l'argot des voleurs. LUNETTE, s. f. Le cercle de la _trulla_,--dans l'argot du peuple. LUNETTES, s. f. pl. Les _nates_,--qui sont en effet de petites _lunes_. LUQUE, s. m. Faux certificat, faux passeport, _loques_ de papier,--dans l'argot des voleurs. _Porte-luque._ Portefeuille. _Luque_ signifie aussi image, dessin. LURELURE (A), loc. adv. Au hasard, sans dessein, sans réflexion surtout,--dans l'argot du peuple. LURON, s. m. Homme hardi, déluré. _Joyeux luron._ Bon compagnon. LUSQUIN, s. m. Charbon,--dans l'argot des voleurs. _Lusquine._ Cendre. LUSTRE, s. m. La claque,--dans l'argot des coulisses. _Chevaliers du lustre._ Gens payés pour applaudir les pièces et les acteurs, qui se placent ordinairement au parterre au-dessous du lustre. On dit aussi _Romains_. LUSTRE, s. m. Juge,--dans l'argot des voleurs. LUSTRER, v. a. et n. Juger. LUSTUCRU, s. m. Imbécile; évaporé, extravagant,--dans l'argot du peuple. LYCÉE, s. m. Prison,--dans l'argot des voleurs, qui y font leurs humanités et parmi lesquels se trouve, de temps en temps, un Aristote de la force de Lacenaire qui leur enseigne sa Logique du meurtre et sa Philosophie de la guillotine. LYONNAISE, s. f. Soierie,--dans l'argot des faubouriens, qui pratiquent volontiers l'hypallage et la métonymie. M MAC, s. m. Apocope de _Maquereau_,--dans l'argot des faubouriens. MACACHE, adj. Mauvais, détestable,--dans l'argot des ouvriers qui ont été troupiers en Algérie. On emploie ordinairement ce mot avec _bono_: _Macache-bono._ Ce n'est pas bon, cela ne vaut rien. Signifie aussi _Zut!_ MACADAM, s. m. Boue épaisse et jaune due à l'ingénieur anglais Mac Adam. MACADAM, s. f. Boisson sucrée qui ressemble un peu comme couleur à la boue des boulevards macadamisés. MACADAMISER, v. a. Empierrer les voies publiques d'après le système de Mac Adam. MACAIRE, s. m. Escroc; agent d'affaires véreuses; saltimbanque,--dans l'argot du peuple, qui a conservé le souvenir du type créé par Frédérick-Lemaître au théâtre et par Daumier au _Charrivari_. On dit aussi _Robert-Macaire_. MACARON, s. m. Huissier,--dans l'argot des voyous. Traître,--dans l'argot des voleurs. MACARONER, v. a. et n. Agir en traître. MACCHABÉE, s. m. Cadavre,--dans l'argot du peuple, qui fait allusion, sans s'en douter, aux sept martyrs chrétiens. _Mauvais macchabée._ Mort de dernière classe, ou individu trop gros et trop grand qu'on est forcé de _tasser_,--dans l'argot des employés des pompes funèbres. MAC-FARLANE, s. m. Paletot sans manche,--dans l'argot des gandins et des tailleurs. MÂCHER DE HAUT, v. a. Manger sans appétit,--dans l'argot des bourgeois. MÂCHER LES MORCEAUX, v. a. Préparer un travail, faire le plus difficile d'une besogne qu'un autre achèvera. Argot du peuple. MACHER LES MOTS, v. a. Choisir les expressions les plus chastes, les moins blessantes. _Ne pas mâcher les mots à quelqu'un._ Lui dire crûment ce qu'on a à lui dire. MACHIN, s. m. Nom qu'on donne à une personne ou à une chose sur laquelle on ne peut mettre une étiquette exacte. On dit aussi _Chose_. MACHINE, s. f. Chose quelconque dont on ne peut trouver le nom,--dans l'argot des bourgeois, qui ne connaissent pas exactement la propriété des termes. Ainsi il n'est pas rare d'entendre l'un d'eux dire à un artiste, en parlant de son tableau: «Votre petite machine est très jolie.» _Grande machine._ Grande toile ou statue de grande dimension. MÂCHOIRE, s. f. Imbécile,--dans l'argot du peuple, qui sait avec quelle arme Samson assomma tant de Philistins. Signifie aussi: Suranné, Classique,--dans l'argot des romantiques,--ainsi que cela résulte d'un passage des _Jeune France_ de Théophile Gautier, qu'il faut citer pour l'édification des races futures: «L'on arrivait par la filière d'épithètes qui suivent: _ci-devant_, _faux toupet_, _aile de pigeon_, _perruque_, _étrusque_, _mâchoire_, _ganache_, au dernier degré de la décrépitude, à l'épithète la plus infamante, _académicien_ et _membre de l'Institut_.» MACHICOT, s. m. Mauvais joueur,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Mâchoire_. MACHONNER, v. n. Parler à voix basse; murmurer, maugréer. MACHURER, v. a. Barbouiller, noircir. MAÇON DE PRATIQUE, s. m. Ouvrier en bâtiment,--dans l'argot des francs-maçons. MAÇON DE THÉORIE, s. m. Franc-maçon. MADAME, s. f. Dame,--dans l'argot des petites filles. _Jouer à la Madame._ Contrefaire les mines, les allures des grandes personnes. MADAME. Nom que les filles de maison donnent à leur maîtresse,--à l'_abbesse_. MADAME LA RESSOURCE, s. f. Marchande à la toilette; revendeuse. MADAME TIREMONDE, s. f. Sage-femme,--dans l'argot des faubouriens. Les voyous disent _Madame Tirepousse_. Au XVIe siècle, on disait _Madame du guichet_ et _Portière du petit guichet_. MADEMOISELLE MANETTE, s. f. Malle. MADRICE, s. f. Finesse, habileté, _madrerie_,--dans l'argot des voleurs. MADRIN, adj. et s. Habile, fin, _madré_. MAFFLU, adj. et s. Qui a une face large, épanouie,--dans l'argot du peuple. _Grosse mafflue._ Grosse commère. On dit aussi _grasse maffrée_ et _grosse mafflée_. MAGNEUSE, s. f. «Femme qui se déprave avec des individus de son sexe,» dit M. Francisque Michel, qui va bien loin chercher l'étymologie de ce mot,--dans lequel il veut voir une allusion malveillante à une communauté religieuse, tandis qu'il l'a sous la _main_, cette étymologie. MAGOT, s. m. Economies, argent caché,--dans l'argot du peuple. _Manger son magot._ Dépenser l'argent amassé. MAGOT, s. m. Homme laid comme un _singe_ ou grotesque comme une figurine chinoise en pierre ollaire. MAIGRE COMME UN CENT DE CLOUS, adj. Extrêmement maigre. On dit aussi _Maigre comme un coucou_, et _Maigre comme un hareng-sauret_. MAIGRE (Du)! interj. Silence!--dans l'argot des voleurs. MAINS DE BEURRE, s. f. pl. Mains maladroites, qui laissent glisser ce qu'elles tiennent. Argot du peuple. MAISON DE SOCIÉTÉ, s. f. Abbaye des S'offre-à-tous,--dans l'argot des bourgeois. MAISON DE MOLIÈRE (La). Le Théâtre-Français,--dans l'argot des sociétaires de ce théâtre, qui n'y exercent pas précisément l'hospitalité à la façon écossaise. Sous le premier Empire c'était le _Temple du goût_, et, sous la Restauration, le _Temple de Thalie_. MAISONNÉE, s. f. Les personnes, grandes et petites, qui composent une famille,--dans l'argot du peuple. MAÎTRESSE DE PIANO, s. f. Dame d'âge ou laide qui vient chaque matin chez les petites dames leur faire les cors, ou les cartes, ou leur correspondance amoureuse. Argot de Breda-Street. MAJOR, s. m. Chirurgien,--dans l'argot des soldats. MAJOR DE TABLE D'HÔTE, s. m. Escroc à moustaches grises et même blanches, à cheveux ras, à redingote boutonnée, à col carcan, à linge douteux, qui sert de protecteur aux tripots de la banlieue. MALADE, adj. et s. Prisonnier,--dans l'argot des voleurs, qui ont perdu la santé de l'âme. _Être malade._ Être compromis. MALADE DU POUCE, adj. Paresseux,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Avoir le pouce démis pour son argent_. MALADE DU POUCE, adj. Avare, homme qui n'aime pas à compter de l'argent,--aux autres. Argot des faubouriens. MALADIE, s. f. Emprisonnement. Argot des voleurs. MAL-A-GAUCHE, s. et adj. _Maladroit_,--dans l'argot facétieux et calembourique des faubouriens. MALANDREUX, s. et adj. Infirme; malade; mal à son aise,--dans l'argot du peuple. On disait autrefois _Landreux_. MAL BLANCHI, s. et adj. Nègre,--dans l'argot des faubouriens. MALECHANCE, s. f. Fatalité, _mauvaise chance_,--dans l'argot du peuple. MAL CHOISI, s. m. Académicien,--dans l'argot des faubouriens, qui ont parfois raison. MALDINE, s. f. Pension bourgeoise,--dans l'argot des voyous. MAL-DONNE, s. f. Fausse distribution de cartes.--dans l'argot des joueurs. MALE, s. m. Homme,--dans l'argot des faubouriennes, qui préfèrent les charretiers aux gandins. _Beau mâle._ Homme robuste, plein de santé. _Vilain mâle._ Homme d'une apparence maladive, ou de petite taille. Signifie aussi Mari. MAL EMBOUCHÉ, adj. et s. Insolent, grossier,--dans l'argot du peuple. MAL FICELÉ, s. m. Garde national de la banlieue,--dans l'argot des faubouriens. MALFRAT, s. m. Vaurien, homme qui mal fait, ou gamin qui _mal fera_,--dans l'argot des paysans de la banlieue de Paris. M. Francisque Michel donne _Malvas_, en prenant soin d'ajouter que ce mot est «provençal» et qu'il est populaire à Bordeaux. M. F. Michel a beaucoup plus vécu avec les livres qu'avec les hommes. D'ailleurs, les livres aussi me donnent raison, puisque je lis dans l'un d'eux que le peuple parisien disait jadis un _Malfé_ (_malefactus_) à propos d'un malfaiteur, et donnait le même nom au Diable. MALINGRER, v. n. Souffrir,--dans l'argot des voleurs. MALINGREUX, s. et adj. Souffreteux,--dans l'argot du peuple. MALITORNE, s. f. Femme disgracieuse, laide, mal faite,--_malè tornata_. MALTAIS, s. m. Cabaretier,--dans l'argot des troupiers qui ont été en Algérie. MALTAISE, s. f. Pièce de vingt francs,--dans l'argot des voleurs. MALTOUZE, s. f. Contrebande,--dans l'argot des voleurs, les _maltôtiers_ modernes (_malle tollere_, enlever injustement). _Pastiquer la maltouze_, Faire la contrebande. MALTOUZIER, s. m. Contrebandier. MANCHE, s. f. Partie,--dans l'argot des joueurs. _Manche à_ (sous-entendu: _Manche_), Se dit quand chacun des joueurs a gagné une partie et qu'il reste à faire la _belle_. MANCHE, s. f. Quête; aumône,--dans l'argot des saltimbanques. _Faire la manche._ Quêter, mendier. MANCHE (Avoir dans sa). Disposer de quelqu'un comme de soi-même,--dans l'argot du peuple. MANCHON, s. m. Chevelure absalonienne,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir des vers dans son manchon._ Avoir çà et là des places chauves sur la tête. MANCHOT, s. m. Homme maladroit comme s'il avait un bras de moins. _N'être pas manchot._ Être très adroit,--au propre et au figuré. MANDARIN, s. m. Personnage imaginaire qui sert de tête de Turc à tous les criminels timides,--dans l'argot des gens de lettres. Il a été inventé par Jean-Jacques Rousseau ou par Diderot comme cas de conscience. Vous êtes assis tranquillement dans votre fauteuil, au coin de votre feu, à Paris, cherchant sans les trouver, les moyens de devenir aussi riche que M. de Rothschild et aussi heureux qu'un roi, parce que vous supposez avec raison que l'argent fait le bonheur, attendu que vous avez une maîtresse très belle, qui a chaque jour de nouveaux caprices ruineux, et que vous seriez très heureux de la voir heureuse en satisfaisant tous ses caprices à coups de billets de banque. Eh bien, il y a, à deux mille lieues de vous, un mandarin, un homme que vous ne connaissez pas, qui est plus riche que M. de Rothschild: sans bouger, sans même faire un geste, rien qu'avec la Volonté, vous pouvez tuer cet homme et devenir son héritier, sans qu'on sache jamais que vous êtes son meurtrier. Voilà le cas de conscience que beaucoup de gens ont résolu en chargeant Volonté à mitraille, sans pour cela en être plus riches, mais non sans en être moins déshonorés. Je ne devais pas oublier de le signaler dans ce Dictionnaire, qui est aussi bien une histoire des idées modernes que des mots contemporains. D'ailleurs, il a passé dans la littérature et dans la conversation, puisqu'on dit _Tuer le mandarin_. A ce titre déjà, je lui devais une mention honorable. MANDIBULES, s. f. pl. Le bas du visage,--dans l'argot du peuple. _Jouer des mandibules._ Manger. On dit aussi _Jouer des badigoinces_. MANDOLE, s. f. Soufflet,--dans l'argot des marbriers de cimetière. _Jeter une mandole._ Donner un soufflet. MANDOLET, s. m. Pistolet,--dans l'argot des voleurs. MANDRIN, s. m. Bandit, homme capable de tout, à quelque rang de la société qu'il appartienne, sur quelque échelon qu'il se soit posé. Cette expression--de l'argot du peuple--est dans la circulation depuis longtemps. On dit aussi _Cartouche_,--ces deux coquins faisant la paire. MANGEAILLE, s. f. Nourriture. MANGEOIRE, s. f. Restaurant, cabaret,--dans l'argot des faubouriens. MANGER, v. a. Subir, avoir, faire,--dans l'argot du peuple. _Manger de la misère._ Être besogneux, misérable. _Manger de la prison._ Être prisonnier. _Manger de la guerre._ Assister à une bataille. MANGER DANS LA MAIN, v. n. Prendre des familiarités excessives, abuser des bontés de quelqu'un. MANGER DE CE PAIN-LÀ (Ne pas). Se refuser à faire une chose que l'on croit malhonnête, malgré le profit qu'on en pourrait retirer; répugner à certains métiers, comme ceux de domestique, de souteneur, etc. MANGER DE LA MERDE. Souffrir de toutes les misères et de toutes les humiliations connues; en être réduit comme l'escarbot, à se nourrir des immondices trouvées sur la voie publique, des détritus abandonnés là par les hommes et dédaignés même des chiens. Cette expression--de l'argot des faubouriens--est horrible, non parce qu'elle est triviale, mais parce qu'elle est vraie. Je l'ai entendue, cette phrase impure, sortir vingt fois de bouches honnêtes exaspérées par l'excès de la pauvreté. J'ai hésité d'abord à lui donner asile dans mon Dictionnaire, mais je n'hésite plus: il faut que tout ce qui se dit se sache. MANGER DE LA VACHE ENRAGÉE, v. a. Pâtir beaucoup; souffrir du froid, de la soif et de la faim; n'avoir ni sou ni maille, ni feu ni lieu; vivre enfin dans la misère en attendant la richesse, dans le chagrin en attendant le bonheur. Cette expression est de l'argot du peuple et de celui des bohèmes, qui en sont réduits beaucoup trop souvent, pour se nourrir, à se tailler des beefsteaks invraisemblables dans les flancs imaginaires de cette bête apocalyptique. MANGER DES PISSENLITS PAR LA RACINE, v. a. Être mort. MANGER DU BOEUF, v. a. Être pauvre,--dans l'argot des ouvriers, qui savent combien l'_ordinaire_ finit par être fade et misérable. MANGER DU FROMAGE. Être mécontent; avoir de la peine à se _débarbouiller_ de ses soucis. On connaît l'épigramme faite en 1814 contre Cambacérès, duc de Parme: «Le duc de Parme déménage; Plus d'hôtel, plus de courtisan! Monseigneur mange du fromage, Mais ce n'est plus du parmesan...» MANGER DU MÉRINOS, v. a. Jouer au billard,--dans l'argot des habitués d'estaminet. Ils disent aussi _Manger du drap_. MANGER DU PAIN ROUGE, v. a. Vivre d'assassinats impunis,--dans l'argot du peuple. MANGER DU PAVÉ, v. a. Chercher de l'ouvrage et n'en jamais trouver,--dans l'argot des coiffeurs. _Trimer_,--dans l'argot du peuple. MANGER DU SUCRE, v. a. Recevoir des applaudissements,--dans l'argot des comédiens. MANGER LA CHANDELLE (Ne pas). N'avoir rien contre soi qu'on puisse reprocher,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens qu'il ne connaît pas assez pour en répondre. Ainsi quand il dit: _C'est un bon enfant, il ne mange pas la chandelle_, cela signifie: Je n'en sais ni bien ni mal, ce n'est ni mon ami ni mon ennemi. MANGER LA LAINE SUR LE DOS DE QUELQU'UN, v. a. Le tromper, et même le voler, sans qu'il proteste ou s'en aperçoive. Même argot. MANGER LE BLANC DES YEUX (Se). Se dit de deux personnes qui se regardent avec colère, comme prêtes à se jeter l'une sur l'autre et à se dévorer. MANGER LE BON DIEU, v. a. Communier,--dans l'argot des faubouriens. MANGER LE GIBIER, v. a. Ne rien exiger des hommes, ou ne pas _rapporter_ intégralement l'argent qu'ils ont donné,--dans l'argot des souteneurs qui disent cela à propos des filles, leurs maîtresses. MANGER LE MORCEAU, v. a. Faire des révélations, nommer ses complices,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Casser le morceau_. MANGER LE MORCEAU, v. a. Trahir un secret; ébruiter trop tôt une affaire,--dans l'argot du peuple. MANGER LE MOT D'ORDRE, v. a. Ne plus se le rappeler,--dans l'argot des troupiers. MANGER LE NEZ (Se). Se battre avec acharnement,--dans l'argot des faubouriens, qui jouent parfois des dents d'une manière cruelle. Par bonheur, ils jouent plus souvent de la langue, et, dans leurs «engueulements»,--qui rappellent beaucoup ceux des héros d'Homère,--s'il leur arrive de dire, en manière de début: «Je vais te manger le nez!» ils se contentent de _se moucher_. MANGER LE PAIN HARDI, v. a. Être domestique,--dans l'argot du peuple, qui veut marquer que ces sortes de gens mangent le pain de leurs maîtres, sans se soucier autrement de le gagner. MANGER LE POULET, v. a. Partager un bénéfice illicite,--dans l'argot des ouvriers, qui disent cela à propos des ententes trop cordiales qui existent parfois entre les entrepreneurs et les architectes, grands déjeuneurs. MANGER LES SENS (Se). S'impatienter, se mettre en colère,--dans l'argot des bourgeois. MANGER SON BEEFSTEAK, v. a. Se taire,--dans l'argot des faubouriens, qui ne devraient pourtant pas ignorer qu'il y a des gens qui parlent la bouche pleine. MANGER SON PAIN BLANC LE PREMIER, v. a. De deux choses faire d'abord la plus aisée; s'amuser avant de travailler, au lieu de s'amuser après avoir travaillé. Cette expression,--de l'argot du peuple, signifie aussi: Se donner du bon temps dans sa jeunesse et vivre misérablement dans sa vieillesse. MANGER SUR L'ORGUE, v. n. Dénoncer un complice pour se sauver soi-même ou atténuer son propre crime,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Manger sur quelqu'un_. MANGER UNE SOUPE AUX HERBES. Coucher dans les champs. Argot des faubouriens. MANGER UN LAPIN, v. a. Enterrer un camarade,--dans l'argot des typographes, qui, comme tous les ouvriers, s'arrêtent volontiers chez le marchand de vin en revenant du cimetière. MANGEUR, s. m. Dissipateur, viveur,--dans l'argot du peuple. MANGEUR DE BLANC, s. m. Souteneur de filles,--dans l'argot des faubouriens. MANGEUR DE BON DIEU, s. m. Bigot, homme qui hante plus volontiers l'église que le cabaret. Argot du peuple. MANGEUR DE CHOUCROUTE, s. m. Allemand. MANGEUR DE GALETTE, s. m. Homme qui trahit ses camarades pour de l'argent. MANGEUR DE POMMES, s. m. Normand. MANGEUSE DE VIANDE CRUE, s. f. Fille publique. L'expression est vieille: elle se trouve dans Restif de la Bretonne. MANICLE, s. f. Se dit de toutes les choses gênantes, embarrassantes, comme le sont en effet les _manicles_ des prisonniers. Ce mot vient de _manicæ_, menottes. Les forçats, qui ne sont pas tenus de savoir le latin, donnent ce nom aux fers qu'ils traînent aux pieds; en outre, au lieu de l'employer au pluriel, comme l'exigerait l'étymologie, ils s'en servent au singulier: c'est ainsi que de la langue du bagne il est passé dans celle de l'atelier. _Frère de la manicle._ Filou. MANIÈRE, s. f. Façon de se conduire avec les hommes,--dans l'argot des drôlesses habiles, qui ont ainsi comme les grands artistes, leur première, leur seconde, leur troisième manière. Le cynisme en paroles et en actions peut être la première manière d'une courtisane, et la pudicité, voire l'honnêteté, sa troisième manière,--la plus remarquable et la plus dangereuse. MANIÈRES, s. f. pl. Embarras, importance exagérée; mines impertinentes; simagrées,--dans l'argot des faubouriens. MANIGANCE, s. f. Intrigue, fourberie,--dans l'argot du peuple. MANIGANCER, v. a. Méditer une fourberie; préparer une _farce_, un coup, une affaire. MANIQUE, s. f. Métier; cuir dont les cordonniers se couvrent la main. _Connaître la manique._ Connaître à fond une affaire. _Sentir la manique._ Sentir le cuir ou toute odeur d'atelier. MANIVELLE, s. f. Chose qui revient toujours fastidieusement; travail monotone, ennuyeux. _C'est toujours la même manivelle._ C'est toujours la même chanson. MANNEAU, pron. pers. Moi,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Mézingaud_ et _Mézière_. MANNEQUIN, s. m Imbécile, homme de paille,--dans l'argot du peuple. MANNEQUIN, s. m. Voiture quelconque, et spécialement Tapecul,--dans l'argot du peuple. MANNEQUIN DU TRIMBALLEUR DES REFROIDIS, s. m. Corbillard,--dans l'argot des voleurs. MANNEZINGUE, s. m. Cabaret; marchand de vin,--dans l'argot des faubouriens, qui n'emploient ce mot que depuis une trentaine d'années. On dit aussi _Minzingouin_ et _Mannezinguin_. Voilà un mot bien moderne, et cependant les renseignements qui le concernent sont plus difficiles à obtenir que s'il s'agissait d'un mot plus ancien. J'ai bien envie de hasarder ma petite étymologie: _Mannsingen_, homme chez lequel on chante, le vin étant le tire-bouchon de la gaieté que contient le cerveau humain. MANNEZINGUEUR, s. m. Habitué de cabaret. MANON, s. f. Gourgandine,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi Maîtresse,--dans l'argot des bourgeois. MANQUE, (A la), adv. A gauche,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Endommagé et Malade. MANTEAU D'ARLEQUIN, s. m. Draperie qui entoure le rideau d'avant-scène,--dans l'argot des coulisses. «On l'a nommée ainsi, dit M. J. Duflot, parce que du temps de la Comédie italienne les rideaux de théâtre ne tombaient pas comme des rideaux d'alcôve en glissant sur des tringles; or, comme Arlequin, au dénoûment de la pièce, était toujours le dernier comédien qui saluait le public de sa batte, le rideau, qui se fermait sur lui, semblait lui faire un manteau.» MAQUA, s. f. Entremetteuse,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot depuis quelques cents ans. On a écrit _Maca_ au XVIe siècle. MAQUECÉE, s. f. Abbesse de l'abbaye des S'offre-à-tous,--dans l'argot des voleurs. MAQUEREAU, s. m. Souteneur de filles, ou plutôt Soutenu de filles,--dans l'argot du peuple. Il est regrettable que Francisque Michel n'ait pas cru devoir éclairer de ses lumières philologiques les ténèbres opaques de ce mot, aussi intéressant que tant d'autres auxquels il a consacré des pages entières de commentaires. Pour un homme de son érudition, l'étymologie eût été facile à trouver sans doute, et les ignorants comme moi n'en seraient pas réduits à la conjecturer. Il y a longtemps qu'on emploie cette expression; les documents littéraires dans lesquels on la rencontre sont nombreux et anciens déjà; mais quel auteur, prosateur ou poète, l'a employée le premier et pourquoi l'a-t-il employée? Est-ce une corruption du _mæchus_ d'Horace («homme qui vit avec les courtisanes,» _mœcha_, fille)? Est-ce le [grec: machros] grec, conservé en français avec sa prononciation originelle et son sens natif (grand, fort) par quelque helléniste en bonne humeur? Est-ce une contraction anagrammatisée ou une métathèse du vieux français _marcou_ (matou, mâle)? Est-ce enfin purement et simplement une allusion aux habitudes qu'ont eues de tout temps les souteneurs de filles de se réunir par bandes dans des cabarets _ad hoc_, par exemple les tapis-francs de la Cité et d'ailleurs, comme les maquereaux par troupes, par bancs dans les mers du Nord? Je l'ignore,--et c'est précisément pour cela que je voudrais le savoir; aussi attendrai-je avec impatience et ouvrirai-je avec curiosité la prochaine édition des _Etudes de philologie_ de Francisque Michel. Au XVIIIe siècle, on disait _Croc de billard_, et tout simplement _Croc_,--par aphérèse. MAQUEREAUTAGE, s. m. Exploitation de la femme qui exploite elle-même les hommes; maquignonnage. On prononce _Macrotage_. MAQUEREAUTER, v. a. et n. Vivre aux dépens des femmes qui ne vivant elles-mêmes qu'aux dépens des hommes. On prononce _Macroter_. _Maquereauter une affaire._ Intriguer pour la faire réussir. MAQUEREAUTIN. s. m. Apprenti débauché, jeune _maquereau_. On prononce _Macrotin_. MAQUERELLAGE, s. m. Proxénétisme. MAQUERELLE, s. f. Femme qui trafique des filles. Au XVIIIe siècle on disait _Maqua_. MAQUI, s. f. Rouge, fard,--dans l'argot des voleurs. C'est probablement une apocope du vieux mot _Maquignonnage_. MAQUIGNON, s. m. Homme qui fait tous les métiers, excepté celui d'honnête homme,--dans l'argot du peuple. MAQUIGNONNAGE, s m. Proxénétisme; tromperie sur la qualité et la quantité d'une marchandise; abus de confiance. MAQUIGNONNER, v. a. Faire des affaires véreuses. MAQUILLAGE, s. m. Application de blanc de céruse et de rouge végétal sur le visage,--dans l'argot des acteurs et des filles, qui ont besoin, les uns et les autres, de tromper le public, qui, de son côté, ne demande qu'à être trompé. Blanc de céruse et rouge végétal,--je ne dis pas assez; et pendant que j'y suis, je vais en dire davantage afin d'apprendre à nos petits-neveux, friands de ces détails, comme nous de ceux qui concernent les courtisanes de l'Antiquité, quels sont les engins de maquillage des courtisanes modernes: Blanc de céruse ou blanc de baleine; rouge végétal ou rouge liquide; poudre d'iris et poudre de riz; cire vierge fondue et pommade de concombre; encre de Chine et crayon de nitrate,--sans compter les fausses nattes et les fausses dents. Le visage a des rides, il faut les boucher; l'âge et les veilles l'ont jauni, il faut le roser; la bouche est trop grande, il faut la rapetisser; les yeux sont trop petits, il faut les agrandir. O les miracles du maquillage! MAQUILLÉE, s. f. Lorette, casinette, boule-rouge, petite dame enfin,--dans l'argot des faubouriens. MAQUILLER, v. a. Faire agir, machiner,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. Signifie aussi Tromper, tricher, user de supercherie. _Maquiller les brèmes._ Jouer aux cartes,--dans le même argot. Signifie aussi Tricher à l'écarté. _Maquiller son truc._ Faire sa manœuvre; _Maquiller une cambriolle._ Dévaliser une chambre; _Maquiller un suage._ Se charger d'un assassinat. Même argot. MAQUILLER (Se), v. réfl. Se couvrir le visage de carmin et de blanc,--dans l'argot des petites dames, dont la beauté est l'unique gagne-pain, et qui cherchent naturellement à dissimuler les outrages que les années--et la débauche--peuvent y faire. MAR, Désinence fort à la mode vers 1830,--comme les Osages. On retranchait la dernière syllabe des mots et on y substituait ces trois lettres qui donnaient un «cachet» au langage des gens d'esprit de ce temps-là. On disait _Boulangemar_ pour Boulanger, _Epicemar_ pour Epicier, etc. C'était une sorte de javanais mis à la portée de tout le monde. Il en est resté malheureusement quelques éclaboussures sur notre langue. (Lire _les Béotiens_ de Louis Desnoyers.) MARAILLE, s. f. Le peuple, le monde,--dans l'argot des voleurs. MARAUDER, v. n. Raccrocher des pratiques en route,--dans l'argot des cochers de voitures de place, qui frustrent ainsi leur administration. On dit aussi _Aller à la maraude_ et _Faire la maraude_. MARAUDEUR, s. m. Cocher en quête d'un «bourgeois». On dit aussi _Hirondelle_. MARBRE, s. m. Table sur laquelle, dans les imprimeries, les typographes posent les _paquets_ destinés à être mis en page. _Avoir un article sur le marbre._ Avoir un article composé, sur le point de passer,--dans l'argot des typographes et des journalistes. MARCANDIER, s. m. Marchand,--dans l'argot des voleurs, qui emploient là une expression de la vieille langue des honnêtes gens. MARCASSIN, s. m. Petit garçon malpropre et grognon,--dans l'argot du peuple. MARCHAND D'EAU CHAUDE, s. m. Cafetier. MARCHAND DE CERISES, s. m. Mauvais cavalier. MARCHAND DE FEMMES, s. m. Négociateur en mariages. MARCHAND DE SOMMEIL, s. m. Logeur en garni,--dans l'argot des faubouriens. MARCHAND DE SOUPE, s. m. Maître de pension,--dans l'argot des écoliers. MARCHAND D'HOMMES, s. m. Agent de remplacement militaire,--dans l'argot du peuple. MARCHE-A-TERRE, s. m. Fantassin,--dans l'argot de la cavalerie. MARCHE DE FLANC, s. f. Le sommeil, ou seulement le repos,--dans l'argot des sous-officiers. MARCHER, v. n. Être de la même opinion; consentir,--dans l'argot des typographes. MARCHER DEDANS. Rencontrer sous son pied un _insurgé de Romilly_,--dans l'argot du peuple. MARCHER AU PAS. Obéir, filer doux,--dans le même argot. _Faire marcher quelqu'un au pas._ Agir de rigueur envers lui. On dit aussi: _Mettre au pas_. MARCHER SUR LA CHRÉTIENTÉ, v. n. N'avoir pas de souliers ou avoir des souliers usés,--dans le même argot. MARCHER SUR LE PIED, v. n. Chercher querelle à quelqu'un,--une querelle d'Allemand; saisir le moindre prétexte pour se fâcher,--dans l'argot des bourgeois. _N'aimer pas qu'on vous marche sur le pied._ Être très chatouilleux, très susceptible. MARCHES DU PALAIS, s. f. pl. Rides du front,--dans l'argot du peuple. MARCHEUSE, s f. Rat d'une grande beauté que sa mère, fausse ou vraie, dit H. de Balzac, a vendue le jour où elle n'a pu devenir ni premier, ni deuxième, ni troisième sujet de la danse, et où elle a préféré l'état de coryphée à tout autre, par la grande raison qu'après l'emploi de sa jeunesse elle n'en pouvait pas prendre d'autres. C'est un débris de la fille d'Opéra du XVIIIe siècle. MARCHEUSE, s. f. Femme en bonnet et en tablier blanc, dont les fonctions «sont d'appeler les passants à voix basse et de les engager à monter dans la maison qu'elle représente». MARCO, s. f. Petite dame,--dans l'argot des gens de lettres, qui disent cela depuis la pièce de leurs confrères Lambert Thiboust et Barrière, Les _Filles de marbre_, dont l'héroïne principale s'appelle Marco. MARDI, S'IL FAIT CHAUD! Les calendes grecques du peuple, qui y renvoie volontiers quand il veut se moquer ou se débarrasser d'un importun. Ce _mardi-là_ et le _Dimanche après la grand'messe_ font partie de la fameuse _Semaine des quatre jeudis_. MARGAUDER, v. n. Dénigrer quelqu'un; décrier une chose. Argot des bourgeois. Est-ce que ce verbe ne viendrait point de la jacasserie continuelle de la pie, dite _margot_, qui joue le rôle de commère parmi les oiseaux? Mais alors il faudrait écrire _margoter_, ou tout au moins _margoder_. MARGOT, s. f. Pie,--dans l'argot du peuple. MARGOT, s. f. Fille ou femme qui a jeté son bonnet et sa pudeur par-dessus les moulins. On dit aussi _Margoton_. MARGOT, s. f. Maîtresse, concubine,--dans l'argot des bourgeois. _Vivre avec des margots._ Vivre avec des filles; passer le meilleur de son temps à filer le plus imparfait amour aux pieds d'Omphales d'occasion, sans avoir l'excuse du fils d'Alcmène,--qui du moins était un hercule. MARGOUILLIS, s. m. Gâchis,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot au propre et au figuré. MARGOULETTE, s. f. La bouche, considérée comme avaloir. _Rincer la margoulette à quelqu'un._ Lui payer à boire. MARGOULIN, s. m. Débitant,--dans l'argot des commis voyageurs. MARGUERITES, s. f. pl. Poils blancs de la barbe,--dans l'argot du peuple, qui a parfois des images aussi poétiques que justes. Il dit aussi _Marguerites de cimetière._ MARIAGE À LA DÉTREMPE, s. m. Union morganatique,--dans l'argot des ouvriers. «Nos bons amis nos ennemis» ont une expression de la même famille: _Wife in water colours_ (femme à l'aquarelle, en détrempe), disent-ils à propos d'une concubine. MARIANNE, s. f. La République,--dans l'argot des démocrates avancés. _Avoir la Marianne dans l'œil._ Clignoter des yeux sous l'influence de l'ivresse. MARIE-BON-BEC, s. f. Femme bavarde, «un peu trop forte en gueule»,--dans l'argot du peuple. MARIE-COUCHE-TOI-LÀ, s. f. Femme _facile_,--trop facile. MARIER JUSTINE. Précipiter un dénouement, arriver vite au but,--dans l'argot des coulisses. Cette expression date de la première représentation d'un vaudeville des Variétés, _Thibaut et Justine_, joué sous la direction de Brunet. La pièce gaie en commençant, avait, vers la fin, des longueurs. Le public s'impatiente, il est sur le point de siffler. L'auteur ne mariait Justine qu'à la dernière scène, encore bien éloignée. «Il faut marier Justine tout de suite», s'écria le régisseur, pour sauver la pièce. Et l'on cria des coulisses aux acteurs en scène: «Mariez Justine tout de suite!» Et l'on maria Justine, et la pièce fut sauvée,--et l'argot théâtral s'enrichit d'une expression. MARIE-SALOPE, s. f. Femme de mauvaise vie. MARIE-SALOPE, s. f. Bateau dragueur,--dans l'argot des mariniers de la Seine. MARI MALHEUREUX, s. m. «Le dernier de Paul de Kock»,--dans l'argot pudibond des bourgeois. MARIN D'EAU DOUCE, s. m. Canotier de la Seine,--dans l'argot du peuple. MARIOLLE, s. m. Homme adroit, rusé, plus habile que délicat, et même un peu voleur,--dans l'argot des souteneurs. J'ai entendu cette phrase: «Tant qu'il y aura des pantes, les mariolles boulotteront.» MARIOLLE, s. et adj. Malin, ingénieux, rusé,--dans l'argot des faubouriens. MARIONNETTE, s. f. Soldat,--dans l'argot des voleurs. MARIONNETTES, s. f. pl. Partisans, mâles ou femelles, d'une bastringueuse du nom de _Maria_, qui florissait en l'an de grâce 1839 à la Grande-Chaumière et à la Chartreuse, et à qui une autre joueuse de flûte du nom de _Clara_ disputait le sceptre du cancan et le prix de chahutage. Les partisans de cette dernière s'appelaient _Clarinettes_. MARLOU, s. m. Souteneur de filles,--dans l'argot des faubouriens. Pourquoi, à propos de ce mot tout moderne, Francisque Michel a-t-il éprouvé le besoin de recourir au Glossaire de Du Cange et de calomnier le respectable corps des _marguilliers_? Puisqu'il lui fallait absolument une étymologie, que ne l'a-t-il demandée plutôt à un Dictionnaire anglais! _Mar_ (gâter) _love_ (amour); les souteneurs, en effet, souillent le sentiment le plus divin en battant monnaie avec lui. Cette étymologie n'est peut-être pas très bonne, mais elle est au moins aussi vraisemblable que celle de Francisque Michel. Il y a aussi le vieux français _marcou_. MARLOU, s. et adj. Malin, rusé, expert aux choses de la vie. MARLOUSERIE, s. f. Profession de Marlou. Se dit aussi pour Habileté. MARLOUSIER, s. m. Apprenti marlou. MARMAILLE, s. f. Troupe, nichée d'enfants,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Marmaillerie_. MARMITE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des souteneurs, qui n'éprouvent aucune répugnance à se faire nourrir par les filles. _Marmite de cuivre._ Femme qui gagne--et rapporte beaucoup. _Marmite de fer._ Femme qui rapporte un peu moins. _Marmite de terre._ Femme qui ne rapporte pas assez, car elle ne rapporte rien. MARMITEUX, s. et adj. Piteux, ennuyé, malade,--dans l'argot du peuple. MARMITON DE M. DOMANGE, s. m. Vidangeur,--dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent guère qu'ils ne font que répéter une expression du XVIe siècle: «Marmiton de la gadouarde», lit-on dans les _Après-disnées du seigneur de Cholières_. Cela ne vaut pas, comme délicatesse ironique, le _goldfinder_ des Anglais. MARMONNER, v. a. Parler entre les dents d'un air fâché; murmurer, gronder,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Marmotter_. MARMOT, s. m. Enfant, et, par extension, Homme chétif. _Croquer le marmot._ Attendre en vain. MARMOTTE, s. f. Boîte ou carton d'échantillons,--dans l'argot des commis-voyageurs. MARMOTTE, s. f. Madras que les femmes du peuple se mettent sur la tête pour dormir. MARMOTTIER, s. m. Savoyard,--dans l'argot des faubouriens. MARMOUSE, s. f. Barbe,--dans l'argot des voleurs. MARMOUSER, v. n. Bruire, comme l'eau qui bout,--dans l'argot du peuple. MARMOUSET, s. m. Gamin, homme de mine chétive. MARMOUSET, s. m. Pot-au-feu,--dans l'argot des voleurs, par allusion au _marmousement_ du bouillon. _Le marmouset riffode._ Le pot bout. MARNER, v. a. Voler,--dans l'argot des revendeuses du Temple. MARNER, v. n. Travailler avec ardeur,--dans l'argot des faubouriens. MAROTTE, s. f. Caprice, entêtement, manie,--dans l'argot des bourgeois. MAROTTIER, s. m. Bimbelottier, camelotteur,--dans l'argot des voleurs. MARQUANT, s. m. Maître, chef,--dans le même argot. MARQUE, s. f. Femme,--dans le même argot. _Marque de cé._ Femme légitime d'un voleur. _Marque franche._ Concubine. MARQUÉ, s. m. Mois,--dans le même argot. _Quart de marqué._ Semaine. MARQUÉ (Être). S'être battu et avoir l'œil poché. Argot des faubouriens. MARQUÉ A LA FESSE, adj. et s. Homme méticuleux, maniaque, ennuyeux,--dans l'argot des typographes. MARQUÉ AU B, adj. Borgne ou bossu, ou bigle, ou boiteux, ou bavard,--dans l'argot du peuple. MARQUER (Ne plus), v. n. Vieillir,--dans l'argot des faubouriens. MARQUER AVEC UNE FOURCHETTE, v. a. Exagérer le compte d'un débiteur, en marquant 4 quand il a dépensé 1,--ainsi qu'il arrive à beaucoup de cafetiers, de restaurateurs, de tailleurs, pour se rattraper sur une bonne paye, distraite, des pertes qu'ils ont subies avec une mauvaise, plus distraite encore. MARQUER LE COUP, v. a. Trinquer,--dans l'argot des ouvriers. MARQUER LE COUP, v. a. Toucher légèrement son adversaire,--dans l'argot des professeurs d'escrime, boxe, etc. MARQUER SON LINGE, v. a. Embrener sa chemise ou sa culotte. Argot du peuple. MARQUIS D'ARGENTCOURT, s. m. Homme qui rendrait des points à Job, mais ne pourrait lui rendre que cela,--n'ayant absolument rien autre. On dit aussi _Marquis de la bourse plate_. MARQUISE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des faubouriens. MARQUISE, s. f. Le saladier de vin blanc sucré des bourgeois,--comme le saladier de vin blanc est la marquise des ouvriers. MARRAINE, s. f. Témoin femelle, dans l'argot des voleurs. MARRON, s. m. Rapport, procès-verbal des chefs de ronde,--dans l'argot des soldats. MARRON, s. m. Livre imprimé clandestinement,--dans l'argot des typographes. MARRON (Être). Être la victime de quelque chose, être la dupe de quelqu'un,--dans l'argot des faubouriens. _Être servi_ ou _paumé marron_. Être pris sur le fait encore nanti des objets soustraits,--dans l'argot des voleurs. Je ne crois pas qu'il faille, à propos de cette expression, remonter à Régnier, à La Fontaine et à Molière, et citer la fable de _Bertrand et Raton_, comme l'a fait Francisque Michel avec une vraisemblance plus apparente que réelle. Au premier abord, on songe à ces marrons que le singe fait tirer du feu par le chat, mais en y réfléchissant, on ne tarde pas à comprendre qu'il faut chercher ailleurs l'origine de cette expression. Le verbe _marronner_, que Francisque Michel ne cite pas, quoiqu'il soit fréquemment et depuis longtemps employé par le peuple, ce verbe est-il antérieur ou postérieur à celui qui nous occupe en ce moment? Voilà ce qu'il aurait fallu rechercher et dire, car s'il est antérieur, comme tout le fait supposer, nul doute qu'il ait donné naissance à _Être marron_. En outre, voilà longtemps, me semble-t-il, qu'on appelle _nègre marron_ un nègre fugitif,--qu'on _reprend_ toujours. Que le lecteur daigne conclure. MARRONNER, v. a. Maugréer, être de mauvaise humeur,--dans l'argot du peuple. _Faire marronner quelqu'un._ Le faire attendre en murmurant et plus que la politesse et la raison ne le permettent. Signifie aussi Faire enrager, taquiner. MARRONNER UNE AFFAIRE, v. a. Manquer un vol par maladresse,--dans l'argot des voleurs. MARRON SCULPTÉ, s. m. Tête grotesque, personnage ridicule,--dans l'argot du peuple, qui a fait allusion à ces fantaisies découpées dans les marrons d'Inde, à la mode il y a une vingtaine d'années. On dit aussi _Pomme de canne_. MARSEILLAISE, s. f. Pipe courte, dont le fourneau est à angle droit avec le tuyau. MARSOUIN, s. m. Homme laid et mal fait; marin. MARTYR, s. m. Le caporal,--dans l'argot des soldats, qui ont constaté que ce simple gradé se donnait plus de mal que les autres gradés ses supérieurs et pour une paye moins haute. MASQUE, s. f. Fille ou femme un peu coquine,--dans l'argot du peuple, qui ne dit pas cela en trop mauvaise part. MASQUE, s. m. Vilaine figure, homme fort laid. MASSACRE, s. m. Ouvrier qui travaille mal, qui gâte l'ouvrage,--dans l'argot des bourgeois. Signifie aussi Gaspillage de choses ou d'argent. MASSE, s. f. Grande quantité de gens ou de choses,--dans l'argot du peuple. _En masse._ En grand nombre, en grande quantité. MASSÉ, s. m. Coup de queue donné perpendiculairement à une bille,--dans l'argot des joueurs de billard. MASSER, v. n. Travailler,--dans l'argot des ouvriers. MASSER, v. a. et n. Payer, donner l'argent de sa masse. Argot des faubouriens. MASSEUR, s. et adj. Homme laborieux. MASTIC, s. m. Homme,--dans l'argot des canotiers. MASTIC, s. m. Sens interverti, lignes ou mots déplacés dans le trajet de la galée au marbre, et occasionnant par cela même une confusion où souvent l'auteur a grand'peine à se reconnaître. Argot des typographes. MASTIC, s. m. Homme,--dans l'argot des voleurs. MASTIC, s. m. Le pain ou la viande,--dans l'argot des francs-maçons. MASTIQUER, v. n. Manger,--dans l'argot du peuple en général, et en particulier des francs-maçons, qui se livrent à la _mastication_ comme de simples profanes. MASTOC, s. et adj. Homme gras, gros, épais, lourd,--dans l'argot du peuple. MASTROQUET, s. m. Marchand de vin,--dans l'argot des faubouriens. Ne serait-ce pas une corruption de _mastoquet_, homme _mastoc_, le marchand de vin étant ordinairement d'une forte corpulence? MATADOR, s. m. Homme riche, de fait ou d'apparence,--dans l'argot du peuple. _Faire le matador._ Faire des _embarras_. MATAGOT, s. m. Homme bizarre, original, amusant par son esprit ou par sa laideur de _singe_. MATASSIN, s. m. Personnage ridicule, en parole ou en action,--dans l'argot des gens de lettres, qui se souviennent de leur Molière. MATELASSER (Se), v. réfl. Garnir le corsage de sa robe d'assez de coton pour tromper les yeux--des myopes. MATELOT, s. m. Copain,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. MATÉRIAUX, s. m. pl. Les aliments en général,--dans l'argot des francs-maçons, pour qui manger c'est travailler. Ils disent aussi _Parfums_. MATHURINS, s. m. pl. Dés à jouer,--dans l'argot des voleurs. _Mathurins plats._ Dominos. MATIGNON, s. m. Messager,--dans le même argot. MÂTIN, s. m. Homme rusé, expert en toutes sortes de choses,--dans l'argot du peuple. _Mâtine_, s. f. Gaillarde qui n'a pas peur des hommes. MÂTIN! Exclamation qui sert à marquer l'admiration la plus violente ou la douleur la plus vive. On dit aussi _Sacré mâtin_. MATOIS, s. m. Homme rusé, et même un peu fourbe. On dit aussi _fin matois_, malgré le pléonasme. MATOISE, s. f. Intrigante,--ou seulement Femme habile à vendre sa marchandise. On dit aussi _Fine matoise_. MATOU, s. m. Homme aimant les femmes. _Bon matou._ Libertin. MATRAQUE, s. m. Bâton, canne,--dans l'argot des faubouriens qui ont servi dans l'armée d'Afrique. Ils ont entendu des Arabes, s'essayant au français, dire: _ma traque_ pour _ma trique_, et ils ont pris cela pour du sabir. MAUVAIS COUCHEUR, s. m. Homme difficile à vivre. MAUVAISE TROUPE, s. f. Garnement, vagabond, fainéant,--dans l'argot du peuple. Quelquefois la même expression est employée dans un sens amical, comme, par exemple, pour convier quelqu'un au départ: _Allons, en route, mauvaise troupe!_ lui dit-on. MAUVIETTE, s. et adj. Enfant, et même grande personne d'un tempérament délicat, d'une apparence chétive. MAUVIETTE, s. f. Décoration à la boutonnière,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Trompe-l'œil_. MAYEUX, s. m. Bossu,--dans l'argot du peuple, qui se souvient du type créé par le caricaturiste Traviès, vers 1830. Se dit, par extension, de tout Homme laid au physique et au moral. MAZAGRAN, s. m. Café froid à l'eau de Seltz,--dans l'argot des garçons de café. Se dit aussi de tout café, chaud ou froid, servi dans une chope de verre, au lieu de l'être dans une tasse. MAZARO, s. m. Prison,--dans l'argot des troupiers. MAZETTE, s. f. Conscrit,--dans l'argot des troupiers. Homme de petite taille,--dans l'argot du peuple. MÉCANISER, v. a. Vexer quelqu'un, le tourmenter, se moquer de lui, et même en médire un peu,--dans l'argot des faubouriens. Francisque Michel «trouve le germe de cette locution dans un passage des _Vies des dames illustres_ de Brantôme», et ce germe, c'est _mœquaniqueté_... Le malheur est que jamais «locution ne fut plus moderne. Quant à son «germe», le premier _mécanicien_ venu le trouverait en conduisant sa _machine_. MÉCANISEUR, s. m. Railleur, médisant. MÈCHE, s. f. Possibilité de aire une chose. _Il y a mèche._ Il y a moyen. _Il n'y a pas mèche._ Cela n'est pas possible. On dit aussi elliptiquement: _Mèche!_ MÈCHE, s. f. Intrigue, secret. _Découvrir la mèche._ Tenir les fils d'une intrigue, connaître à temps un dessein fâcheux. MÈCHE, s. m. Travail, ouvrage à faire,--dans l'argot des typographes. _Chercher mèche._ Chercher de l'ouvrage. MÈCHE, s. f. Moitié, demi,--dans l'argot des voleurs. _Être de mèche._ Partager un butin avec celui qui l'a fait. Signifie aussi Demi-heure. D'où, sans doute, l'expression des faubouriens: _Et mèche_. MÉCHI, s. m. Malheur,--dans le même argot. C'est assurément le _meschief_ de notre vieille langue. MÉCHILLON, s. m. Quart d'heure. MÉDAILLE, s. f. Pièce de cinq francs en argent,--dans l'argot des artistes et des faubouriens. Le mot sort de la _Vie de Bohême_, d'Henry Murger. _Médaille d'or._ Pièce de vingt francs. MÉDAILLE DE SAINT HUBERT, s. f. Pièce de cinq francs,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui savent que ces médailles-là préservent de _la rage de dents_. MÉDAILLE EN CHOCOLAT, s. f. Médaille de Sainte-Hélène,--dans l'argot des faubouriens, par allusion à sa couleur de bronze noir. On a dit aussi _Médaille de commissionnaire_ et _Contre-marque du Père-Lachaise_. MÉDAILLON, s. m. La partie du corps où Paul de Kock fait se fendre la culotte de ses héros, ou sur laquelle il les fait volontiers tomber. C'est un mot de l'argot des voleurs, qui donnent ainsi un pendant au _portrait_ de l'argot des faubouriens. _Médaillon de flac._ Impasse, _cul-de-sac_. MÉDECIN, s. m. Avocat,--dans l'argot des voleurs, qui ont besoin d être guéris de l'accusation, souvent mortelle, qui pèse sur eux. MÉDECINE, s. f. Plaidoirie. MÉDECINE, s. f. Conseil. _Médecine flambante._ Bon conseil, avis salutaire. MÉDECINE, s. f. Personne ennuyeuse, obsédante, dont on avale à contre-cœur les discours. Argot du peuple. MÉDIANIMIQUE, adj. Qui appartient au médium. _Facultés médianimiques._ Celles que possèdent les médiums et qui leur permettent d'entrer en communication avec les Esprits,--à ce qu'ils disent. L'expression a été forgée par Delaage. MÉDIUM, s. m. Individu qui évoque les Esprits,--les _lémures_, auxquelles les modernes croient avec la même foi aveugle que les anciens. Le mot est nouveau, si la chose est vieille. Argot des spirites. MEG, s. m. Maître, roi,--dans l'argot des voleurs, qui, quoique _affranchis_, sont volontiers les esclaves de quiconque est plus fort, plus rusé, plus coquin qu'eux. _Meg des megs._ Dieu. _Meg de la rousse._ Le préfet de police. Les Bescherelles de la haute pègre prétendent qu'il faut écrire et prononcer _mec_ et non _meg_. MÊLÉ, s. m. Mélange d'eau-de-vie et de cassis, ou d'anisette et d'absinthe,--dans l'argot des faubouriens. MELET, TE, adj. Petit, petite,--dans l'argot des voleurs. MÉLI-MÉLO, s. m. Confusion, mélange chaotique,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression au propre et au figuré. MELON, s. et adj. Imbécile, nigaud. Cette injure,--quoique le melon soit une chose exquise,--a trois mille ans de bouteille, et son parfum est le même aujourd'hui que du temps d'Homère: «Thersite se moquant des Grecs, dit Francisque Michel, les appelle [grec: pepones].» Il y a longtemps, en effet, que l'homme, «ce Dieu tombé», ne se souvient plus des cieux, puisqu'il y a longtemps que la moitié de l'humanité méprise et conspue l'autre moitié. MELON, s. m. Elève de première année,--dans l'argot des Saint-Cyriens. MEMBRE DE LA CARAVANE, s. m. Fille ou femme de mœurs douteuses,--dans l'argot du peuple, qui emploie une périphrase pour dire _camelus_. MENÉE, s. f. Douzaine,--dans l'argot des voleurs. MENER LARGE (N'en pas). Avoir peur, se faire humble et petit,--dans l'argot des faubouriens. MENER LES POULES PISSER. Se dit,--dans l'argot du peuple, d'un homme qui s'amuse aux menus soins du ménage et porte le jupon au lieu de porter la culotte. L'expression date du XVIIe siècle. Dans un ballet de la cour de Gaston, duc d'Orléans, on voit _Jocrisse_ qui mène les poules pisser. Jocrisse est là le type du genre. MENER PAR LE BOUT DU NEZ, v. a. Faire ce qu'on veut d'une femme, quand on est homme, d'un homme quand on est femme. _Se laisser mener par le bout du nez._ Être d'une faiblesse extrême, faire la volonté des autres et non la sienne propre. MENER PISSER, v. a. Forcer un homme à se battre en duel. Argot des troupiers. _On ne le mène pas pisser!_ Une phrase de l'argot du peuple, qui l'emploie pour indiquer le caractère d'un homme qui ne fait que ce qu'il veut, et non ce que les autres veulent. Elle se trouve dans Restif de La Bretonne. MENESSES, s. f. pl. Filles de maison,--dans l'argot des soldats. MENESTRE, s. f. Soupe, potage,--dans l'argot des voleurs et des honnêtes gens. «Mon docteur de menestre en sa mine altérée, Avoit deux fois autant de mains que Briarée,» dit Mathurin Régnier, en sa satire du _Souper ridicule_. «L'ingrat époux lui fit tater D'une menestre empoisonnée,» dit Scarron, en sa satire contre Baron. MENGIN, s. m. Charlatan politique et littéraire. Encore un nom d'homme devenu un type applicable à beaucoup d'hommes. MENOTTES, s. f. pl. Mains,--dans l'argot des enfants, des mères et des amoureux. On disait _mainettes_ au temps jadis, comme le prouvent ces vers de Coquillart: «Tousjours un tas de petits ris, Un tas de petites sornettes. Tant de petits charivaris, Tant de petites façonnettes, Petits gants, petites mainettes. Petite bouche à barbeter...» MENTEUSE, s. f. La langue,--dans l'argot des voleurs, dont M. de Talleyrand s'est fait le plagiaire prolixe en disant: La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée.» Les voleurs anglais ont la même expression; ils appellent la langue _prating cheat_ (la trompeuse qui bavarde, ou la bavarde qui ment). MENTON DE GALOCHE, s. m. Long, pointu et recourbé comme celui de Polichinelle. Argot du peuple. MENUISIÈRE, s. f. Redingote longue, très longue, trop longue, comme les affectionnent les ouvriers, pour prouver qu'ils ne ménagent pas plus le drap que les bourgeois. Argot des rapins. MÉQUARD, s. m. Commandant, _mec_, dans l'argot des voleurs. MÉQUER, v. a. Commander. MER, s. f. Le fond du théâtre, quel que soit le décor. Argot des coulisses. _Aller voir la mer._ Remonter la scène jusqu'au dernier plan. MER A BOIRE (C'est la). Se dit--dans l'argot du peuple--de toute chose ennuyeuse ou difficile à faire; et,--dans l'argot des bourgeois--de toute affaire qui traîne en longueur et ne peut aboutir. _Ce n'est pas la mer à boire._ Se dit, au contraire, de toute chose facile à faire, de toute entreprise qu'on peut aisément mener à bonne fin. MERCADET, s. m. Nom d'un personnage de Balzac qui est devenu celui de tous les brasseurs d'affaires véreuses, de tous les pêcheurs de goujons en eau trouble. MERCANDIER, s. m. Boucher qui ne _trafique_ que sur les viandes de qualité inférieure. MERCENAIRE DE L'IMMOBILITÉ, s. m. Modèle,--dans l'argot des rapins. MERDAILLON, s. m. Homme sans conséquence, méprisable, poltron. Argot du peuple. On dit aussi _Merdeux_. MERDAILLE, s. f. Troupe importune de petits enfants. MERDE! Exclamation énergique dont Cambronne ne s'est servi qu'une fois, le 18 juin 1815, et dont le peuple se sert tous les jours,--dix fois plutôt qu'une. _Ah! merde alors!_ Exclamation qui n'échappe que dans les situations critiques, fatales, comme, par exemple, lorsqu'on perd au jeu, lorsqu'on casse sa pipe, etc. MERDE, s. f. Homme sans consistance, sur lequel il n'y a pas moyen de compter dans les circonstances graves. MERDEUX (Bâton), s. m. Homme d'un caractère inégal, fantasque, ombrageux, désagréable, qu'on ne sait par quel bout prendre pour lui parler et le faire agir. MÈRE-ABBESSE, s. f. Grosse femme qui tient un pensionnat de demoiselles--indignes d'orner leur corsage du bouquet de fleurs d'oranger traditionnel. L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne. MÈRE AU BLEU, s. f. La guillotine,--dans l'argot des voleurs, qui veulent faire croire aux autres que c'est le chemin du _ciel_, sans le croire eux-mêmes. MÈRE D'OCCASION, s. f. Chaperon que se choisit une actrice jeune qui veut se faire respecter--des gens pauvres. C'est ordinairement une vieille drôlesse chevronnée par le vice. «Dont le menton fleurit et dont le nez trognonne,» et dont la principale fonction consiste à conclure les marchés avec les nobles étrangers attirés autour de sa fille--adoptive--comme les papillons autour d'une lampe. MÉRINOS, s. m. Personne qui a l'_haleine forte_,--dans l'argot des faubouriens, qui se plaisent aux calembours. MERLAN, s. m. Coiffeur,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis l'invention de la poudre à poudrer, parce qu'alors les perruquiers étaient toujours enfarinés comme prêts à mettre en la poêle à frire. Le _Journal de Barbier_ en fait mention, ce qui lui donne plus d'un siècle de circulation. MÉRUCHE, s. f. Poêle,--dans l'argot des voleurs. _Méruchée._ Poêlée. _Méruchon._ Poêlon. MESS, s. m. Table où mangent en commun les officiers d'un même régiment. Encore un mot d'importation anglaise, à ce qu'il paraît: _The Mess_, dit le Dictionnaire de Spiers; _to mess_, ajoute-t-il. C'est plutôt un mot que nous reprenons à nos voisins, qui pour le forger ont dû se servir, soit de notre Mense (_mensa_), qui a la même signification, soit de notre Messe (_missa_), où le prêtre sacrifie sous les espèces du pain et du vin. MESSE DU DIABLE, s. f. Interrogatoire,--dans l'argot des voleurs, qui sont volontiers athées. MESSIÈRE, s. m. et f. Victime,--dans le même argot. _Messière franc._ Bourgeois. _Messière de la haute._ Homme comme il faut. Ne serait-ce pas le _Messire_ du vieux temps? MESSIRE LUC, s. m. Anagramme facile à deviner,--dans l'argot des érudits amis de la scatologie. MÉTAL, s. m. Argent,--dans l'argot du peuple, qui, sans s'en douter, se sert de la même expression qu'Horace: _Metallis potior libertas_ (La liberté vaut tout l'or du monde). MÉTAUX, s. m. pl. L'argent; or, argent ou cuivre,--dans l'argot des francs-maçons. MÉTHODE CHEVÉ, s. f. Manière de jouer au billard contraire à l'usage: y jouer avec une cuiller, avec les doigts, avec deux queues, etc. Argot des bohèmes. S'applique aussi au Bilboquet, quand on le prend par la boule et qu'on veut faire entrer le manche dedans. MÉTIER, s. m. Habileté d'exécution, adresse de main,--dans l'argot des artistes. _Avoir un métier d'enfer._ Être d'une grande habileté. METTRE A L'OMBRE, v. a. Mettre en prison,--dans l'argot du peuple. Tuer,--dans l'argot des voleurs. METTRE A MÊME. Tromper,--dans l'argot des faubouriens. «Voyez quel emblême! Sa nièc' d'Angoulème Nous met tous à même!» dit une chanson de 1832. METTRE A PIED, v. a. Suspendre un employé de ses fonctions pendant plus ou moins de temps. Argot des bourgeois. METTRE A QUELQU'UN (Le), v. a. Le tromper; lui conter des bourdes qu'il accepte pour des vérités,--dans l'argot des faubouriens. METTRE A TABLE (Se). Être disposé à dénoncer ses complices; être sur le point de faire des révélations,--dans l'argot des voleurs qui veulent _manger le morceau_. METTRE A TOUTES LES SAUCES (Se), v. réfl. Faire tous les métiers pour gagner sa vie,--dans l'argot du peuple. METTRE AVEC QUELQU'UN (Se), v. réfl. Vivre maritalement,--dans l'argot des ouvriers et des grisettes. METTRE BIEN (Se), v. réfl. Ne rien se refuser,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos de tout, excepté à propos de vêtements. Ainsi, en voyant quelqu'un boire beaucoup, il lui dira: «Tu te mets bien, toi!» METTRE DANS DE BEAUX DRAPS, v. a. Engager quelqu'un dans une affaire scabreuse, dans un mauvais pas, dans un danger quelconque. On dit aussi: _Être dans de beaux draps_. METTRE DANS LA POMMADE, v. a. Gagner quelqu'un au jeu. Argot des faubouriens. Signifie aussi Tromper, jouer un tour. METTRE DANS LE MILLE, v. a. Réussir dans une entreprise. Se dit aussi pour: Donner un coup de pied au derrière de quelqu'un. METTRE DANS SON SAC. Recevoir des injures ou des coups sans y répondre; encaisser des soufflets ou des sottises sans en donner reçu. METTRE DEDANS, v. a. Mettre en prison. Signifie aussi Tromper. METTRE DE L'EAU DANS SON VIN, v. a. S'humilier après avoir été arrogant; reconnaître ses torts. METTRE DU BEURRE DANS SES ÉPINARDS, v. a. Introduire un peu de gaieté dans sa vie; avoir des chances heureuses. METTRE EN BRINGUE, v. n. Mettre en morceaux, briser. METTRE EN PATE, v. a. Renverser un ou plusieurs _paquets_ en les transportant ou en imposant,--dans l'argot des typographes. On dit aussi _Tomber en pâte_. METTRE EN QUATRE (Se), v. réfl. Montrer du zèle pour quelqu'un ou pour quelque chose,--dans l'argot des bourgeois. METTRE EN RANG D'OGNONS (Se). Se placer les uns derrière les autres,--dans l'argot du peuple. On disait autrefois d'un homme, qu'il se mettait en rang d'ognons quand il se plaçait dans celui où il y avait des gens de plus grande condition que lui. METTRE LA MAIN A LA PATE. Aider à un vol et participer à ses bénéfices. METTRE LA PUCE A L'OREILLE, v. a. Inquiéter quelqu'un par une fausse nouvelle. C'est l'_alicui curam et angorem animi creare_ des Latins. METTRE LA TABLE POUR LES ASTICOTS. Mourir,--dans l'argot des voyous. METTRE LA TÊTE A LA FENÊTRE, v. a. Être guillotiné,--dans l'argot des voleurs. METTRE LE CHIEN AU CRAN DU REPOS. Dormir,--dans l'argot des soldats. METTRE LE MOINE, v. a. Passer un nœud coulant au pouce du pied d'un soldat pendant son sommeil, et tirer de temps en temps la corde par petites secousses: les contorsions douloureuses qu'il fait, sans se réveiller, sont _très drôles_, au dire des troupiers farceurs. Au XVIe siècle on disait _Bailler le moine_. METTRE LES PETITS PLATS DANS LES GRANDS, v. a. Se mettre en frais pour bien recevoir ses invités,--dans l'argot des bourgeois. METTRE LES PIEDS DANS LE PLAT. Ne conserver aucun ménagement, ne prendre aucune précaution, ni garder aucune mesure en parlant ou en agissant. Argot du peuple. METTRE SOUS PRESSE, v. a. Mettre en gage. METTRE SUR LES DENTS, Épuiser, fatiguer, éreinter quelqu'un. METTRE SUR LES FONTS DU BAPTÊME (Se). Se mettre dans une position difficile, embarrassante, compromettante. Argot des voleurs. METTRE TOUS SES OEUFS DANS LE MÊME PANIER. Confier toute sa fortune à un seul banquier; aventurer tout ce qu'on a dans une entreprise. Argot des bourgeois. MEUBLANT, s. m. Entreteneur, galant homme qui met une femme galante dans ses meubles. L'expression est toute récente. MEULARD, s. m. Veau,--dans l'argot des voleurs. MEULES DE MOULIN, s. f. plur. Les dents, principalement les _molaires_, qui broient le pain,--dans l'argot du peuple, qui emploie sans s'en douter une expression tout à fait biblique. Les ouvriers anglais disent _grinders_ (les broyeuses). MEUNIER, s. m. Recéleur de plomb volé. MEURT-DE-FAIM, s. m. Misérable, pauvre diable,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Meurt-la-faim_ et _Crève-la-faim_. MEURT-DE-FAIM, s. m. Petit pain d'un sou,--dans l'argot des faubouriens. MÉZIGO, pron. pers. Moi,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Mézigue_, _Mézère_, et _Ma fiole_. MIB ou MIBRE, s. m. Tour de force quelconque, chose où l'on excelle,--dans l'argot des gamins. _C'est mon mib!_ C'est mon triomphe! Signifie aussi Défi. _C'est ton mib_, c'est-à-dire: Tu ne feras jamais cela. MICHE, s. f. Dentelle,--dans l'argot des voleurs. MICHÉ, s. f. Gros morceau de pain,--dans l'argot du peuple. Se dit aussi pour Pain entier. «Et moins encor il fait du bien Aux pauvres gens, tant il est chiche; Si il a mangé de leur miche.» (_Les Touches du seigneur des Accords._) MICHE, s. m. Homme quelconque, jeune ou vieux, laid ou beau, disposé à acheter ce qui ne devrait jamais se vendre,--dans l'argot des filles, qui emploient depuis longtemps cette expression, contemporaine de _michon_ (argent) et de _miche_ (pain). «On appelle miché... Quiconque va de nuit et se glisse en cachette Chez des filles d'amour, Barbe, Rose ou Fanchette,» dit un poème de Médard de Saint-Just (1764). _Miché de carton._ Amant de passage, qui n'offre que des gants de filoselle. _Miché sérieux._ Protecteur, ou amant généreux qui offre une boîte entière de gants. MICHÉ, s. m. Client,--dans l'argot des photographes; homme ou femme qui achète, qui _paie_,--dans plusieurs autres argots. MICHETON, s. m. Petit miché, homme à qui les marchandes d'amour font un rabais. MIC-MAC, s. m. Fourberie, tromperie cachée, intrigue,--dans l'argot du peuple. MIDI! Exclamation du même argot, employée pour signifier: Trop tard! _Il est midi!_ C'est-à-dire je ne crois pas un mot de ce que vous dites; «Je ne coupe pas dans ce pont-là!» MIE DE PAIN, s. f. Pou,--dans l'argot des voleurs, qui savent combien une miette de pain égarée sous la chemise cause de démangeaisons à la peau. MIE DE PAIN, s. f. Chose de peu de valeur,--dans l'argot des typographes. Ils disent cela à propos des gens qui ne leur conviennent pas. MIEL! Interjection de l'argot des bourgeois, amis de l'euphémisme. MIEL (C'est un). Phrase de l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos de tout, et surtout mal à propos. Une chose leur paraît bonne ou belle: _C'est un miel_. Ils entrent dans un endroit qui pue: _C'est un miel_. On se bat devant eux à coups de poing ou de couteau, et le sang coule: _C'est un miel_, etc., etc. MIETTE (Une). Un peu,--dans l'argot du peuple. MIJAURÉE, s. f. Femme dédaigneuse et plus bégueule qu'il convient,--dans l'argot des bourgeois. _Faire la mijaurée._ Faire des manières et des façons pour accepter une chose. On dit aussi _Minaudière_. MIJOTER, v. a. Entreprendre à la sourdine; préparer lentement,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe au figuré. MIKEL, s. m. Dupe,--dans l'argot des saltimbanques. MILLE-LANGUES, s. m. Personne bavarde, indiscrète,--dans l'argot du peuple. MILLERIE, s. f. Loterie,--dans l'argot des voleurs. MILLIASSES, s. f. pl. Fort grand nombre. Argot du peuple. MILORD, s. m. Homme riche, en apparence du moins,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis l'occupation de Paris par les Anglais. MILORD, s. m. Entreteneur,--dans l'argot des petites dames. Leurs mères, plus prosaïques et moins vaniteuses, disaient _Milord pot-au-feu_, comme en témoigne ce couplet de Désaugiers: «Lorsque nous aimons, Nous finançons Afin de plaire. D'où vient qu'en tout lieu On dit: «Un milord pot-au-feu.» MILORD, s. m. Cabriolet à quatre roues,--dans l'argot des cochers. MIMI, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des artistes et des bohèmes, qui ont emprunté cette expression à Henry Murger, qui l'avait empruntée à Alfred de Musset. MINABLE, adj. et s. Pauvre, misérable; mesquin; de mauvaise _mine_,--dans l'argot du peuple. MINCE, s. m. De peu de valeur, morale ou physique,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses. _Mince alors!_ MINCE, s. m. Papier à lettres,--dans l'argot des voleurs. MINCES, s. m. pl. Billets de banque,--dans l'argot des faubouriens, qui, originairement, ont donné ce nom aux assignats. MINET, s. m. Chat,--dans l'argot des enfants. Ils disent aussi _Minon_. MINOIS, s. m. Nez,--dans l'argot des voleurs. MINOTAURISER, v. a. Tromper un homme avec sa femme, comme Pâris avec la femme de Ménélas. Argot des gens de lettres. L'expression sort de la _Physiologie du mariage_ d'H. de Balzac. MINUIT, s. m. Nègre,--dans l'argot des voleurs. MIOCHE, s. m. Enfant,--dans l'argot du peuple, pour qui un nouveau-né est une _miette_ d'homme, et dont le corps pétri de lait, presque sans os et sans muscles, ressemble à de la _mie_ de pain. MIRADOU, s. m. Miroir,--dans l'argot des voleurs. MIRECOURT, s. m. Nom d'homme qui est devenu celui de tous les pamphlétaires de plus de passion que de talent. Théodore de Banville est le premier qui, en littérature, ait fait de ce nom propre un substantif courant. Il restera, il doit rester. MIRE-LAID, s. m. Miroir,--dans l'argot du peuple. MIRETTES, s. f. pl. Yeux,--dans l'argot des voyous. MIRLIFLORE, s. m. Le gandin de la Restauration, qui est toujours le _Lion_ pour le peuple. MIRLITON, s. f. La voix humaine,--dans l'argot des faubouriens. _Jouer du mirliton._ Parler, causer. MIROBOLAMMENT, adv. Merveilleusement. Cet adverbe appartient à H. de Balzac. MIROBOLANT, adj. Inouï, merveilleux, féerique. MIROIR A PUTAINS, s. m. Beau garçon,--dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le témoignent ces vers de Scarron: «Dis-lui qu'un miroir à putain, Pour dompter le Pays Latin Est un fort mauvais personnage.» MISE A PIED, s. f. Privation de fonctions et d'appointements. Argot des bourgeois. MIRQUIN, s. m. Bonnet,--dans l'argot des voleurs. MIRZALES, s. f. pl. Boucles d'oreilles,--dans le même argot. MISE (Faire sa). Payer le droit de circulation sur «le pont d'Avignon»,--dans l'argot des filles. MISE-BAS, s. f. Vêtements des maîtres qui reviennent de droit aux domestiques, lesquels se croiraient lésés et réclameraient si l'on portait trop longtemps ces vêtements. MISE-BAS, Accouchement,--dans l'argot du peuple. MISE-BAS, s. f. Grève, chômage volontaire,--dans l'argot des typographes. MISÉRABLE, s. m. Verre d'eau-de-vie d'un sou,--dans l'argot des ouvriers. MISÈRE, s. f. Petite quantité; chose de peu d'importance: petite somme,--dans l'argot des bourgeois. MISÉRER, v. n. Souffrir de la misère,--dans l'argot du peuple. On dit aussi: _Ficher la misère_. MISÈRES, s. f. pl. Taquineries, petites méchancetés,--dans l'argot des bourgeois. _Dire des misères._ Taquiner quelqu'un en lui contant des choses qui le contrarient, qui l'inquiètent. _Faire des misères._ Agacer quelqu'un, lui jouer un tour plus ou moins désagréable. MISLOQUE, s. f. Théâtre,--dans l'argot des voleurs. _Jouer la misloque._ Jouer la comédie. MISLOQUIER, ÈRE, s. Acteur, actrice. MISSISSIPI (Au), adv. Très loin,--dans l'argot du peuple, pour qui l'Amérique est un pays aussi éloigné de lui que la lune. C'est l'équivalent de: _Au diable au vert_ (ou _Vauvert_). MISTI, s. m. Apocope de _Mistigri_,--dans l'argot des brelandières de brasseries. MISTIGRI, s. m. Valet de trèfle,--dans l'argot des joueurs. Se dit aussi d'un Jeu de cartes où l'on a gagné quand on a fait brelan avec le valet de trèfle escorté de deux autres valets. MISTIGRIS, s. m. Apprenti,--dans l'argot des peintres en bâtiment. Balzac a-t-il emprunté son rapin de ce nom aux peintres en bâtiment, ou ceux-ci à l'auteur de _la Comédie humaine_? MISTOUFLE, s. f. Farce; méchanceté; trahison,--dans l'argot des typographes. MISTRON, s. m. Le jeu de mistigri,--dans l'argot de Breda-Street. MISTRONEUR, EUSE, s. et adj. Amateur de mistron. MITAN, s. m. Milieu,--dans l'argot du peuple. MITE, s. f. Chassie des yeux. MITEUX, adj. Qui a les yeux chassieux. MITON-MITAINE, s. m. Remède inoffensif, expédient inutile, secours inefficace. On dit aussi: _Onguent miton-mitaine_. MITONNER, v. a. Préparer de longue main. MITRAILLE, s. f. Monnaie, gros sous,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela depuis longtemps. MITRE, s. f. Cachot,--dans l'argot des voleurs. MITRON, s. m. Ouvrier boulanger,--dans l'argot du peuple. _Le petit mitron._ Le Dauphin, fils de Louis XVI,--du _boulanger_, comme l'appelaient les Parisiens en 1792. MOBILE, s. f. La garde nationale mobile formée en 1848 avec les fils du peuple--et aux dépens du peuple. C'est aussi le nom que portait, en 1830, la légion des Volontaires de la Charte. MOBILE, s. m. Soldat de la garde nationale mobile. MOBILIER, s. m. Les dents,--dans l'argot des voleurs, héritiers des Précieuses qui disaient l'_ameublement de la bouche_. MOBLO ou MOBLOT, s. m. Garde mobile,--dans l'argot des faubouriens. MOCASSINS, s. m. pl. Souliers,--dans l'argot des ouvriers qui ont lu les romans américains de Cooper, de Gabriel Ferry et de Gustave Aymard. MODÈLE, s. m. Homme ou femme qui pose dans les ateliers. Argot des artistes. _Modèle d'ensemble._ Qui pose pour l'Académie, pour tout le corps, au lieu de ne poser que pour la tête, ou pour n'importe quelle partie spéciale du corps. MODERNE, s. m. Fashionable,--dans l'argot des faubouriens. MOINE, s. m. Bouteille de grès que l'on remplit d'eau chaude et que l'on place au pied du lit. Argot des bourgeois. MOINE, s. m. Partie d'une épreuve qui n'a pas pris l'encre et vient blanche au lieu d'être imprimée. Argot des typographes. On dit aussi _Loup_. Les typographes anglais ont le même mot; ils en ont même deux pour un: _monk and friar_. Le _monk_, c'est notre _moine_, c'est-à-dire une feuille maculée ou imprimée trop noire Le _friar_, c'est un _moine_ blanc, c'est-à-dire une feuille qui est imprimée trop pâle. MOINEAU, s. m. Se dit par ironie,--dans l'argot du peuple,--d'un homme dont on a à se plaindre, ou qui se vante mal à propos. On ajoute un qualificatif pour renforcer l'ironie: _Tu es un joli moineau!_ C'est le pendant de: _Tu es un joli coco!_ MOINE-LAI, s. m. Invalide tombé en enfance, comme on en voit quelques-uns dans la _Salle de la Victoire_,--l'infirmerie de l'Hôtel des vieux braves. MOIS DE NOURRICE, s. m. pl. Les années qu'oublie volontairement de compter une femme qu'on interroge sur son âge. Se dit aussi de toute personne qui se trompe dans un calcul et oublie quelques fractions importantes. MOISIR, v. n. Rester longtemps à la même place, ou en possession du même emploi,--dans l'argot du peuple qui emploie surtout ce verbe avec la négative. MOITIÉ, s. f. Epouse,--dans l'argot des bourgeois, qui ne disent pas cela avec le même respect que les Anglais disant _the better half_. MOLANCHE, s. f. Laine,--dans l'argot des voleurs. MOLARD, s. m. Mucosité expectorée,--dans l'argot des faubouriens. MOLARDER, v. n. Graillonner, expectorer abondamment. MOLIÈRE, s. m. Décor de salon simple dans lequel peuvent se jouer presque toutes les comédies de feu Poquelin. Argot des coulisses. Tous les théâtres, notamment ceux de province, ont un certain nombre de décors de magasin, d'un emploi fréquent et commun: le _molière_, le _rustique_, le _salon riche_, la _place publique_, la _forêt_, la _prison_, le _palais_, et le _gothique_ (intérieur). Avec cela on peut tout représenter, les tragédies de Racine et les vaudevilles de M. Clairville. MOLLASSE, s. f. Femme lymphatique, dolente, sans énergie,--dans l'argot du peuple. MOLLUSQUE, s. m. Homme à l'esprit étroit, aux idées arriérées, qui se renferme dans la tradition comme l'escargot dans sa coquille. MOLOSSE, s. m. Gros chien,--dans l'argot des bourgeois qui ne sont pas fâchés de prouver de temps en temps qu'ils ont quelque teinture d'Histoire ancienne. MOMAQUE, s. m. Enfant,--dans l'argot des voleurs. MÔME, s. m. Petit garçon: voyou; apprenti,--dans l'argot des ouvriers. On pourrait croire cette expression moderne; on se tromperait, car voici ce que je lis dans l'_Olive_, poème de Du Bellay adressé à Ronsard, à propos des envieux: «La Nature et les Dieux sont Les architectes des hômes Ces deux (ô Ronsard) nous ont Bâtis des mêmes atômes. Or cessent donques les mômes De mordre les écriz miens...» MÔME, s. f. Jeune fille; maîtresse,--dans l'argot des voleurs, pour qui elle ressemble plus à une enfant qu'à une femme. Ils disent aussi _Mômeresse_. MÔME D'ALTÈQUE, s. m. Adolescent,--dans le même argot. MOMERIE, s. f. Hypocrisie; fausse dévotion,--dans l'argot du peuple. MOMIE, s. f. Homme ou femme sans énergie, qui n'aime pas à se remuer. MOMIÈRE, s. f. Sage-femme,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Momeuse_ et _Madame Tire-môme_. MOMIGNARD, s. m. Petit garçon, plus petit encore que le môme. On dit au féminin _Momignarde_. MÔMIR, v. n. Accoucher. MONACO, s. m. Sou de cuivre,--dans l'argot du peuple, qui consacre ainsi le souvenir d'un roitelet, Honoré V, prince de Monaco, mort de dépit en 1841, dit A. Villemot, de n'avoir pu faire passer pour deux sous en Europe ses monacos, qui ne valaient qu'un sou. MONANT, s. m. Ami,--dans l'argot des voleurs. _Monante._ Amie. MONARQUE, s. f. Pièce de cinq francs,--dans l'argot du peuple. _Monarques._ Les rois d'un jeu de cartes. MONDE RENVERSÉ, s. f. La guillotine,--dans l'argot des faubouriens. MONFIER, v. a. Embrasser,--dans l'argot des voleurs. MONNAIE, s. f. Argent,--dans l'argot du peuple. _Plus que ça de monnaie!_ Quelle chance! MON OEIL! Exclamation ironique et dédaigneuse de l'argot des faubouriens, qui l'emploient soit comme formule de refus, soit comme marque d'incrédulité. MONSEIGNEUR, s. m. Pince de voleur, qui sert à crocheter les portes. Les voleurs anglais disent de même _Bess_ ou _Betty_. MONSEIGNEURISER, v. a. Crocheter une porte. MONSIEUR, s. m. Bourgeois, homme bien mis,--dans l'argot du peuple. _Faire le Monsieur._ Trancher du maître; dépenser de l'argent; avoir une maîtresse. MONSIEUR, s. m. Entreteneur,--dans l'argot de Breda-Street. On dit aussi _Monsieur Chose_. _Monsieur bien._ Homme distingué,--qui ne regarde pas à l'argent. MONSIEUR, s. m. Verre d'eau-de-vie de quatre sous,--dans l'argot des ouvriers. MONSIEUR BAMBOU, s. m. Canne,--dans l'argot des souteneurs, qui en procurent la connaissance aux épaules des filles réfractaires à leur demande d'argent. MONSIEUR DE PARIS, s. m. L'exécuteur des hautes œuvres,--dans l'argot des bourgeois. MONSIEUR LEBON. Bon compagnon qui paye volontiers pour les autres. Argot du peuple. MONSIEUR DE PÈTESEC, s. m. Homme un peu roide, un peu orgueilleux. MONSIEUR DIMANCHE, s. m. Créancier,--dans l'argot des bohèmes, qui jouent souvent la scène de Don Juan. MONSIEUR DUFOUR EST DANS LA SALLE. Phrase par laquelle un acteur avertit un de ses camarades qu'il joue mal et va se faire siffler. Quelquefois on dit: _Le vicomte Du Four est dans la salle_. MONSIEUR HARDI, s. m. Le vent,--dans l'argot du peuple. MONSIEUR PERSONNE. Personne, nul. MONSIEUR PIGEON. Type du garde national de la Restauration. MONSIEUR RAIDILLON, s. m. Homme fier et susceptible. On dit aussi: _Monsieur Pointu_. MONSIEUR VAUTOUR, s. m. Propriétaire,--dans l'argot des bohèmes, qui disent cela depuis l'opéra comique intitulé: _Maison à vendre_, dans lequel on chante: «La maison de M. Vautour Est celle où vous voyez un âne.» MONSIEUR VETO. Louis XVI,--dans l'argot des révolutionnaires de 1792, par allusion au véto du 19 juin sur les décrets concernant le camp sous Paris et la déportation des ecclésiastiques. MADAME VÉTO. Marie-Antoinette. On connaît la chanson; «Madam' Véto s'était promis De faire égorger tout Paris; Mais son coup a manqué, Grâce à nos canonniers! Dansons la carmagnole, Vive le son Du canon!» MONSTRE, s. m. Les paroles qu'un musicien adapte à un air trouvé par lui, en attendant les paroles plus poétiques du librettiste. MONSTRE, adj. Étonnant, colossal,--dans l'argot du peuple. MONSTRICO, s. m. Personne laide comme un petit _monstre_. Le mot appartient à H. de Balzac. MONT, s. m. Établissement du Mont-de-Piété,--dans l'argot des faubouriens. _Le grand Mont._ Le Mont-de-Piété de la rue des Blancs-Manteaux. _Le Petit Mont._ Le commissionnaire au Mont-de-Piété. MONTAGNARD, s. m. Cheval de renfort destiné à être mis en flèche aux omnibus pour les montées difficiles. MONTAGNARD, s. m. Beignet au centre duquel est un peu de confitures de groseilles. L'expression date de 1848: elle a été appliquée à cette sorte de beignet, par les Associations de cuisiniers, et n'a pas plus duré qu'elles. MONTANT, s. m. Forte saveur; relief bien accusé. Se dit à propos des choses et des personnes. Une phrase a du _montant_ quand elle est énergique. Une femme a du _montant_ quand elle a du cynisme. MONTANT, s. m. Pantalon,--dans l'argot des voleurs. MONTANTE, s. f. Echelle,--dans le même argot. MONTER, v. n. S'emporter, se mettre en colère,--dans l'argot du peuple. _Faire monter quelqu'un._ L'exaspérer, l'agacer. MONTER A L'ARBRE, v. n. Être le jouet innocent de quelques farceurs qui font pour vous, homme, ce que d'autres farceurs font pour Martin, ours, au Jardin des Plantes,--sans réfléchir que, furieux d'être ainsi joué, vous pouvez leur casser les reins d'un coup de griffe. On dit aussi _Monter à l'échelle_. MONTER EN GRAINE, v. n. Vieillir,--dans l'argot des bourgeois, qui disent cela surtout à propos des filles destinées à coiffer sainte Catherine. MONTER LA TÊTE (Se), v. réfl. Se donner un courage factice, soit en buvant, soit en se répétant les outrages qu'on a subis et dont on veut tirer raison. Argot du peuple. MONTER LE COUP (Se), v. réfl. Se faire des illusions à propos de quelqu'un ou de quelque chose; s'attendre à une félicité improbable ou à une fortune impossible. On dit aussi _se monter le baluchon_. MONTER LE COUP A QUELQU'UN, v. a. Le tromper; lui promettre une chose qu'il désire et qu'on sait ne pas pouvoir lui donner; mentir. On dit aussi _Monter des couleurs_ et _monter le Job_. MONTER QUELQU'UN, v. a. L'exciter par des paroles à faire une chose qu'il ne ferait pas de lui-même. MONTER SUR LA TABLE, v. n. Lever le masque,--dans l'argot des voleurs, qui ne font cela que par bravade, comme Lacenaire s'accusant lui-même d'un crime pour entraîner dans sa chute un complice. MONTER SUR SES ERGOTS, v. n. S'emporter, faire de violents reproches à quelqu'un,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Monter sur ses grands chevaux_. MONTEUR DE COUPS, s. m. Homme qui vit de mensonges et d'expédients, chevalier d'industrie; escroc. MONTEUSE DE COUPS, s. f. Drôlesse qui joue du sentiment avec plus ou moins d'habileté et s'en fait plus ou moins de revenus. MONTMORENCY, s. f. Cerises de Montmorency,--dans l'argot du peuple, qui dit de même _Montreuil_ pour pêche, _Fontainebleau_ pour raisin de treille, _Valence_ pour orange. MONTRER LA COUTURE DE SES BAS, Rompre son engagement,--dans l'argot des cabotins. MONTRER LES TALONS, v. a. S'en aller, s'enfuir,--dans l'argot du peuple. MONTRER SON NEZ, v. a. Faire une courte apparition quelque part,--dans l'argot des employés qui, après avoir montré leur nez à leur ministère, ne craignent pas de lui montrer aussitôt les talons. MOQUER COMME DE L'AN QUARANTE (S'en). Complètement, comme d'une année qui n'arrivera jamais. Argot des bourgeois. Le peuple dit: _S'en foutre comme de l'an 40_. MORACE, s. f. Inquiétude, danger, remords,--dans l'argot des voleurs, qui ont cependant très rarement des «puces à la muette». _Battre morace._ Crier à l'assassin. MORASSE, s. f. Dernière épreuve d'un journal,--dans l'argot des typographes, qui savent mieux que personne être _moracii_, c'est-à-dire en retard, _morari_. MORCEAU D'ARCHITECTURE, s. m. Discours lu ou parlé,--dans l'argot des francs-maçons. MORCEAU DE GRUYÈRE, s. m. Figure marquée de la petite vérole,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux trous du fromage de Gruyère. MORCEAU DE ROI, s. m. Belle fille, jeune et appétissante,--dans l'argot des bourgeois, parmi lesquels on trouverait sans peine quelques Lebel, si on en avait besoin pour quelque Parc-aux-Cerfs. MORCEAU DE SALÉ, s. m. Femme chargée d'embonpoint,--dans l'argot du peuple. Se dit aussi de quelqu'un malpropre d'habits ou de discours. MORCEAU HONTEUX, s. m. Le dernier morceau d'un plat,--dans l'argot des bourgeois, qui n'osent pas y toucher, malgré les sollicitations de leur appétit, parce que la «civilité puérile et honnête» le leur défend. MORDANTE, s. f. Scie, lime,--dans l'argot des voleurs. MORDRE (Ne pas), v. n. Être sans force, sans esprit, sans beauté,--dans l'argot des faubouriens et des filles. On dit aussi, en employant la même ironie: _N'être pas méchant_. MORDRE (Se faire). Se faire reprendre, réprimander, humilier, battre,--dans l'argot du peuple. MORFE, s. f. Repas,--dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot et ses dérivés à la vieille langue des honnêtes gens. MORFIAILLER, v. n. Manger,--dans le même argot, plagiaire de la bonne langue: «Là, là, là, c'est morfiaillé, cela!» dit Rabelais au _Propos des beuveurs_. On dit aussi _Morfer_, _Morfier_ et _Morfiller_. MORFIANTE, s. f. Assiette. On dit aussi _Limonade_. MORFILLER LE DARDANT (Se). Se faire du mauvais sang, _se manger le cœur_. MORGANE, s. f. Sel,--dans le même argot. _Flouant de la morgane._ Escroquerie commise au moyen d'un paquet de sel et d'un mal de dents supposé. MORGANER, v. a. Mordre,--dans le même argot. Signifie aussi Nuire, comme le prouvent ces deux vers de la parodie du _Vieux Vagabond_ de Béranger, par MM. Jules Choux et Charles Martin: «Comme un coquillon qui morgane Que n'aplatissiez-vous l'gonsier?...» MORICAUD, s. m. Charbon,--dans le même argot. Signifie aussi Broc de marchand de vin,--qu'un long usage a noirci. MORICAUD, s. et adj. Nègre, mulâtre,--dans l'argot des faubouriens. _Moricaude._ Négresse. MORILLO, s. m. Chapeau à petits bords que portaient les royalistes au temps de la guerre entre Bolivar et Morillo, c'est-à-dire entre les Républiques de l'Amérique du Sud et le roi d'Espagne. Les libéraux, eux, portaient le bolivar. MORNANTE, s. f. Bergerie,--dans l'argot des voleurs. MORNE, s. f. Brebis, mouton. On dit aussi _Morné_, ou plutôt _mort-né_, qui est la véritable orthographe, parce que c'est la véritable étymologie du mot. MORNÉE, s. f. Bouchée. MORNIER, s. m. Berger. MORNIFLE, s. f. Soufflet, coup de poing,--dans l'argot du peuple. MORNIFLE, s. f. Monnaie,--dans l'argot des voleurs, qui se la disputent à coups de poing. _Mornifle tarte._ Fausse monnaie. MORNIFLEUR TARTE, s. m. Faux-monnayeur. MORPHÉE, s. m. Sommeil,--dans l'argot des académiciens et des bourgeois. _Se jeter dans les bras de Morphée._ Se coucher. _Être dans les bras de Morphée._ Dormir. MORPION, s. m. Gamin, enfant désagréable, _irritant_,--dans l'argot du peuple. On dit aussi, par respect humain, _morbaque_; mais la première expression vaut mieux, parce qu'elle est plus franche. Elle se trouve avec son sens _entomologique_ dans les _Touches_ du seigneur des Accords, qui dit à Barbasson: «Tu as ta barbe si rude, Et les cheveux si épais, Qu'il semble avoir deux forêts Où loge une multitude De morpions et de poux, Au lieu de cerfs et de loups.» MORT, s. m. Partner imaginaire à qui l'on réserve des cartes comme s'il était vivant,--dans l'argot des joueurs de whist et de mistigri. _Faire un mort._ Jouer le whist à trois personnes, en découvrant le jeu de la quatrième--absente. _Prendre le mort._ Changer les cartes qu'on vous a données, et qu'on trouve mauvaises, contre celles réservées au partner imaginaire. MORUE, s. f. Femme sale, dégoûtante,--dans l'argot des faubouriens. Se dit aussi, comme injure, d'une Femme laide et d'une gourgandine. MORVEUX, s. m. Gamin; homme sans conséquence,--dans l'argot du peuple, qui daigne quelquefois _moucher_ ces adversaires-là comme les autres. MORVIAU, s. m. Le nez,--dans l'argot des faubouriens. Se dit aussi pour les Mucosités qui sortent du nez. MOT, s. m. Trait spirituel, repartie plaisante,--dans l'argot des gens de lettres. _Faire des mots._ Emailler la conversation de plaisanteries et de concetti. MOT DE CAMBRONNE (Le). Ce n'est pas «La garde meurt et ne se rend pas!» mais tout simplement «Merde!» La phrase propre n'eût peut-être pas été entendue au milieu du bruit du canon, dans cette mêlée sanglante de Waterloo; tandis que le mot énergique que tout le monde connaît était la seule réponse possible en un pareil moment. MOT DE LA FIN.--La nouvelle à la main, souvent cruelle pour quelqu'un, par laquelle un chroniqueur doit terminer sa chronique. MOT DE VALEUR, s. m. Mot ou phrase d'un rôle, qu'un acteur lance avec finesse ou avec énergie, selon les cas, et qui produit un grand effet sur le public. Argot des coulisses. La _Croix de mon père ou de ma mère_,--_Je ne mange pas de ce pain-là_,--_J'ai l'habit d'un laquais, et vous en avez l'âme_, etc., etc., sont des mots de valeur. MOTIF, s. m. Sujet de paysage,--dans l'argot des artistes. MOTS, s. m. pl. Injures; reproches,--dans l'argot des ouvriers et des grisettes. _Avoir des mots avec quelqu'un._ Se fâcher avec lui. MOTS GRAS, s. m. pl. Gaillardises,--dans l'argot des bourgeois, dont le langage est taché de ces mots-là. MOTTEUX, s. m. Ouvrier en mottes à brûler,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Marchand de mottes. MOUCHAILLER, v. n. Regarder, observer sans en avoir l'air,--dans l'argot des voyous. MOUCHARD, s. m. Agent de police,--dans l'argot du peuple qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Molière. Se dit aussi de tout individu qui a l'air d'espionner, de tout ouvrier qui _rapporte_, etc. MOUCHARD, s. m. Portrait peint, parce qu'il a l'air de vous regarder, où que vous vous mettiez. MOUCHARD A BECS, s. m. Réverbère,--dans l'argot des voyous. MOUCHARDE, s. f. La lune, qui, de ses gros yeux ronds, a l'air d'assister au détroussement ou au meurtre d'un homme sur une route. MOUCHARDER, v. a. et n. Espionner la conduite de quelqu'un. MOUCHE, s. f. Agent de police,--en général et en particulier. MOUCHE, s. f. Mousseline,--dans l'argot des voleurs. MOUCHE, adj. des 2 g. Mauvais, laid, désagréable, _embêtant comme une mouche_,--dans l'argot des faubouriens. MOUCHER, v. a. Attraper, donner une correction, un soufflet,--dans le même argot. _Se faire moucher._ Se faire battre. On dit aussi _Se faire moucher le quinquet_. MOUCHER, v. a. Tuer,--dans l'argot du peuple. MOUCHER DU PIED (Ne pas se). Avoir le geste prompt et le soufflet facile. Signifie aussi Avoir des allures de bourgeois, et même de grand seigneur. On dit dans le même sens: _Ne pas se moucher du coude_. MOUCHER LA CHANDELLE, v. a. Être décidé à mourir sans postérité. On dit aussi _Effacer_. MOUCHER SA CHANDELLE. Mourir. MOUCHER SUR SA MANCHE (Se), v. réfl. N'avoir pas encore l'expérience nécessaire, la rouerie indispensable; en être à ses débuts dans la vie. _Ne pas se moucher sur sa manche._ Être hardi, résolu, expérient, «malin». Cette expression est la révélation d'un trait de mœurs certainement oublié, et peut-être même ignoré de ceux qui l'emploient: elle apprend qu'autrefois on mettait son mouchoir sur sa manche gauche pour se moucher de la main droite. MOUCHERON, s. m. Gamin, enfant, apprenti,--dans l'argot des faubouriens. MOUCHES D'HIVER, s. f. pl. Flocons de neige. _Il tombe des mouches d'hiver._ Il neige. MOUCHETTES, s. f. pl. Mouchoir,--dans l'argot des faubouriens, qui s'en servent pour les _chandelles_. MOUCHETTES (Des)! Exclamation de refus, de la même famille que _Des navets!_Du flan!_ etc. MOUCHIQUE, adj. Extrêmement _muche_,--dans l'argot de Breda-Street. MOUCHIQUE, adj. Laid, mauvais,--dans l'argot des voleurs, qui, pour forger ce mot, n'ont pas dû songer aux _moujiks_ russes de 1815, comme l'insinue Francisque Michel, mais ont eu certainement en vue leurs ennemis naturels, les _mouchards_. _Être mouchique à la section._ Être mal noté chez le commissaire de police de son quartier. MOUCHOIR, s. m. Aniterge,--dans l'argot des bourgeois. MOUCHOIR, s. m. La main,--dans l'argot des faubouriens, qui ont l'habitude de s'en servir pour _moucher_ les autres et se moucher eux-mêmes. Ils s'en servent aussi comme Aniterge. MOUCHOIR D'ADAM, s. m. Les doigts. MOUCHOIR DE POCHE, s. m. Pistolet de poche, avec lequel on peut _moucher_ les importuns de nuit à quinze pas. Argot des faubouriens. MOUDRE, v. a. et n. Jouer de l'orgue de Barbarie ou de la serinette. On dit aussi _Moudre un air_. MOUFFLET, s. m. Enfant, gamin, apprenti,--dans l'argot du peuple, qui a dit autrefois _moufflard_, dérivé du verbe _mouffler_ (enfler le visage), inusité aujourd'hui. MOUILLANTE, s. f. Soupe,--dans l'argot des voyous. MOUILLÉ (Être), v. pron. Être signalé comme suspect,--dans l'argot des agents de police. MOUILLÉ (Être), Être ivre,--dans l'argot des faubouriens. MOUILLER (Se), v. réfl. Boire avec excès. MOUISSE, s. f. Soupe économique, potage à la Rumfort,--dans l'argot des voleurs et des troupiers. MOULE A BLAGUES, s. m. La bouche,--dans l'argot des faubouriens. MOULE A BOUTONS, s. m. Pièce de vingt francs,--dans l'argot des voyous. MOULE A CLAQUES, s. m. Figure impertinente qui provoque et attire des soufflets,--dans l'argot du peuple. Se dit aussi pour la main, qui distribue si généreusement les soufflets. MOULE A GAUFRES, s. m. Figure marquée de trous de petite vérole,--par allusion cruelle aux dessins capricieux des deux plaques de fer qui servent à faire la pâtisserie légère et croquante qui nous vient des Flandres et qu'affectionnent les enfants. MOULE AUX GUILLEMETS, s. m. C'est l'_Huile de cotrets_ des troupiers. MOULE DE GANT, s. m. Soufflet,--dans l'argot des faubouriens. MOULE DU BONNET, s. m. La tête,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Rabelais. MOULIN, s. m. Maison du recéleur de plomb volé, qu'on appelle le _meunier_. MOULIN A CAFÉ, s. m. Orgue de Barbarie, qui semble en effet moudre des airs. Argot du peuple. MOULIN A MERDE, s. m. La bouche,--dans l'argot du peuple. L'expression est horriblement triviale, j'aurais mauvaise grâce à le dissimuler, mais le peuple est excusé de l'employer par certaine note du 1er volume de _la Régence_, d'Alexandre Dumas. MOULIN A VENT, s. m. Le _podex_,--dans l'argot facétieux et scatologique des faubouriens. MOULINAGE, s. m. Bavardage,--dans l'argot des voleurs. MOULINER, v. n. Bavarder. MOULOIR, s. m. La bouche,--dans l'argot des voleurs. MOUNIN, s. m. Petit garçon, apprenti,--dans l'argot des faubouriens. MOUSCAILLE, s. f. Le résultat de la digestion,--dans l'argot des voleurs. MOUSCAILLER, v. a. _Alvum deponere._ MOUSQUETAIRE GRIS, s. m. Pou,--dans l'argot du peuple, qui aime les facéties. MOUSSANTE, s. f. Bière de mars,--dans l'argot des faubouriens. MOUSSE, s. m. Apprenti commis,--dans l'argot des _calicots_. MOUSSE, s. f. Le résultat de la fonction du plexus mésentérique,--dans l'argot des marbriers de cimetière. MOUSSELINE, s. f. Fers dont on charge un prisonnier,--dans l'argot des marbriers de cimetière. MOUSSELINE, s. f. Pain blanc, léger, agréable au toucher comme au goût,--dans l'argot des faubouriens. MOUSSER, v. n. _Alvum deponere._ MOUSSER, v. n. S'emporter, être en _rage_, de dépit ou de colère,--dans l'argot des faubouriens. MOUSSER, v. n. Avoir du succès,--dans l'argot des gens de lettres et des comédiens. _Faire mousser._ Préparer le succès d'un auteur ou d'une pièce par des éloges exagérés et souvent répétés. MOUSSER (Se faire). Se vanter, parler sans cesse de ses talents ou de ses qualités. Argot du peuple. MOUSSERIE, s. f. _Water-closets_,--dans l'argot des voyous. MOUSSEUX, adj. Redondant, hyperbolique,--dans l'argot des gens de lettres et des comédiens. MOUSSU, s. m. Le sein de la femme, d'où sort le lait,--dans l'argot des voleurs. MOUSSUE, s. f. Châtaigne,--dans le même argot. MOUSTACHU, s. et adj. Homme à moustaches,--dans l'argot des bourgeois. MOUTARD, s. m. Gamin, enfant, apprenti,--dans l'argot du peuple, qui, n'en déplaise à P. J. Leroux et à Francisque Michel, n'a eu qu'à regarder la chemise du premier polisson venu pour trouver cette expression. MOUTARDE, s. f. Le _stercus_ humain. MOUTARDIER, s. m. Le _podex_. On disait autrefois _Baril à la moutarde_, et _Réservoir à moutarde_. MOUTARDIER, s. m. _Goldfinder_. On dit aussi _Parfumeur_. MOUTARDIER DU PAPE, s. m. Homme qui s'en fait accroire, imbécile vaniteux. On dit qu'_il se croit le premier moutardier du pape_. MOUTON, s. m. Matelas,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à cause de la laine dont il se compose ordinairement. _Mettre son mouton au clou._ Porter son matelas au Mont-de-Piété. MOUTON, s. m. Dénonciateur, voleur qui obtient quelque adoucissement à sa peine en trahissant les confidences de ses compagnons de prison. MOUTONNAILLE, s. f. La foule,--dans l'argot du peuple, qui sait par expérience personnelle quelle est la contagion de l'exemple. MOUTONNER, v. a. et n. Moucharder et dénoncer. MOUVER (Se), v. réfl. Se remuer,--dans l'argot du peuple. MOYEN-AGISTE, s. et adj. Amateur des choses et admirateur des idées du moyen âge. Le mot est de H. de Balzac. MOYENS, s. m. pl. Richesse,--dans l'argot des bourgeois. _Avoir des moyens._ Être à son aise. Signifie aussi: Aptitude, dispositions intellectuelles, capacités. MUCHE, s. m. Jeune homme poli, doux, aimable, réservé,--dans l'argot des petites dames qui le trouvent trop collant. MUCHE, adj. Excellent, délicieux, parfait,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des choses, à propos de la Patti comme à propos d'une soupe à l'oignon. MUETTE, s. f. La conscience,--dans l'argot des voleurs, qui ont arraché la langue à la leur. _Avoir une puce à la muette._ Avoir un remords; entendre--par hasard!--le cri de sa conscience. MUETTE, s. f. Exercice muet, c'est-à-dire pendant lequel on ne fait pas résonner les fusils, par taquinerie ou par fantaisie. Argot des Saint-Cyriens. _Donner une muette._ Faire un exercice. MUFFLE, s. m. Visage laid ou grotesque, plus bestial qu'humain,--dans l'argot du peuple, qui se sert de cette expression depuis trois cents ans. Il trouve plus euphonique de prononcer _Muffe_. MUFFLE, s. et adj. Imbécile, goujat, brutal. M. Francisque Michel à qui les longs voyages ne font pas peur, s'en va jusqu'à Cologne chercher une étymologie probable à cette expression, et il en rapporte _muf_ et _mouf_,--afin qu'on puisse choisir. Je choisis _muffle_, tout naturellement, autorisé que j'y suis par un trope connu de tous les philologues, la synecdoque, par lequel on transporte à l'individu tout entier le nom donné à une partie de l'individu. MUFFLE, s. m. Ouvrier,--dans l'argot des filles, qui n'aiment pas la blouse. MUFFLERIE, s. f. Sottise, niaiserie; brutalité. On dit aussi _Muffletonnerie_. MUFFLETON, s. m. Petit muffle, jeune imbécile. Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'on prononce _Muffeton_. MULET, s. m. Ouvrier qui aide le metteur en page,--dans l'argot des typographes. MURETTE, s. f. La giroflée des _murailles_,--dans l'argot des paysans des environs de Paris. MURGÉRISME, s. m. Littérature mal portante, marmiteuse, pleurarde; affectation de sensibilité; exagération du style et de la manière d'Henry Murger,--dont les imitateurs n'imitent naturellement que les défauts. MURGÉRISTE, s. et adj. Qui appartient à l'école de Murger, qui en a les défauts sans en avoir les qualités. MURON, s. m. Sel,--dans l'argot des voleurs. MURONNER, v. a. Saler. MURONNIER, s. m. Saunier. MURONNIÈRE, s. f. Salière. MUSARD, s. et adj. Flâneur, gobe-mouche,--dans l'argot du peuple. Nous avons, en vieux langage, _Musardie_ pour Sottise. MUSARDER, v. n. Flâner. On dit aussi _Muser_. MUSARDINE, s. f. Habituée des Concerts-Musard,--où n'allait pas précisément la fine fleur de l'aristocratie féminine. Le mot a été créé par Albéric Second en 1858. MUSCADIN, s. m. Fat, dandy plus ou moins authentique,--dans l'argot du peuple, qui a conservé le souvenir des gandins du Directoire. MUSEAU, s. m. Entonnoir en carton, au petit bout duquel est adaptée la loupe,--dans l'argot des graveurs sur bois, qui s'en coiffent le front. MUSELÉ, s. m. Imbécile, homme qui n'est bon à rien qu'à bavarder,--dans l'argot du peuple. MUSETTE, s. f. Gibecière en toile à l'usage des troupiers et des ouvriers. MUSETTE, s. f. Sac à avoine,--dans l'argot des charretiers, qui le pendent au _museau_ de leurs chevaux. Ils disent aussi _Pochet_. MUSETTE, s. f. Voix. _Couper la musette à quelqu'un._ Le forcer à se taire. MUSICIEN, s. m. Dictionnaire,--dans l'argot des voleurs. MUSICIENS, s. m. pl. Les haricots, qui provoquent le _crepitus ventris_,--dans l'argot du peuple. MUSIQUE, s. f. Ce qui reste au fond de l'auge,--dans l'argot des maçons. Par extension, Résidu d'un verre, d'un vase quelconque. MUSIQUE, s. f. Lots d'objets achetés à l'Hôtel des Ventes,--dans l'argot des Rémonencqs. MUSIQUE, s. f. Morceaux de drap cousus les uns après les autres. Argot des tailleurs. MUSIQUER, v. n. Faire de la musique d'amateur,--dans l'argot du peuple. MUSSER, v. n. Sentir, flairer. MUTUELLE, s. f. L'École mutuelle. N NA! Exclamation boudeuse de l'argot des enfants, qui l'emploient au lieu de _Là!_ NABAB, s. m. Homme immensément riche,--qu'il soit ou non gouverneur dans l'Inde. Argot des bourgeois. NABOT, s. et adj. Homme de petite taille, _nain_,--dans l'argot du peuple. On ait aussi _Nabotin_. _Nabote._ Naine. Je n'ai jamais entendu dire _Nabotine_. NAGEOIR, s. m. Poisson,--dans l'argot des voleurs. NAGEOIRES, s. f. pl. Favoris,--dans l'argot des faubouriens. NAGEOIRES, s. f. pl. Les bras,--dans l'argot des voyous qui voient des poissons partout. Les voyous anglais ont la même expression: _Fin_. NANAN, s. m. Friandise, gâteau,--dans l'argot des enfants, qui disent cela de tout ce qui excite leur convoitise. NANAN, s. m. Chose exquise, curieuse, rare,--dans l'argot des grandes personnes. _C'est du nanan!_ C'est un elzévir, ou un manuscrit de Rabelais, ou une anecdote scandaleuse, ou n'importe quoi alléchant. NARRÉ, s. m. Racontage ennuyeux, bavardage insipide. _Faire des narrés._ Faire des cancans. NASE, s. m. Nez,--dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas qu'ils parlent latin comme Ovide-_Nason_, et français comme Brantôme. NASER, v. a. et n. _Avoir quelqu'un dans le nez._ NATURE (Être). Être vrai comme la nature,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des gens et des choses. NATURE (Faire), v. n. Peindre avec exactitude,--dans l'argot des artistes, qui savent que l'Art consiste précisément à ne pas faire nature. NAUTONIER, s. m. Pilote,--dans l'argot des académiciens. Ils disent aussi _Nocher_. NAVARIN, s. m. Navet,--dans l'argot des voleurs. NAVARIN, s. m. Ragoût de mouton, de pommes de terre et de navets,--dans l'argot des restaurants du boulevard. C'est un nom nouveau donné à un mets connu depuis longtemps. NAVET, s. m. Flatuosité sonore,--dans l'argot du peuple, qui l'attribue ordinairement au _Brassica napus_, quoiqu'elle ait souvent une autre cause. NAVETS, s. m. pl. Jambes ou bras trop ronds, sans musculature apparente,--dans l'argot des artistes. NAVETS (Des)! Exclamation de l'argot des faubouriens, qui l'emploient toutes les fois qu'ils ont à dire catégoriquement non. NAYER, v. a. Noyer,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Rabelais: «Zalas! mes amis, mes frères, je naye!» s'écrie le couard Panurge durant la tempête. NAZARETH, s. m. Nez,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Nazicot_. NÈFLES (Des)! Non,--dans l'argot des faubouriens. On dit plus élégamment: _Ah! des nèfles!_ NÉGOCIANT, s. m. Bourgeois, homme à son aise,--dans l'argot des matelots, qui ne connaissent pas de position sociale plus enviable. NÉGOCIANT AU PETIT CROCHET, s. m. Chiffonnier,--dans l'argot des faubouriens. NÈGRE BLANC, s. m. Remplaçant militaire,--dans l'argot des voleurs; ouvrier,--dans l'argot du peuple. NÉGRESSE, s. f. Toile cirée,--dans l'argot des voyous. NÉGRESSE, s. f. Litre ou bouteille de vin,--dans l'argot des faubouriens. _Étouffer_ ou _Éventrer une négresse_. Boire une bouteille. On dit aussi _Éternuer sur une négresse_. NÉGRESSE, s. f. Punaise. NÉGRIOT, s. m. Coffret, d'ébène ou d'autre bois. On dit aussi _Moricaud_. NÉNETS, s. m. pl. Seins,--dans l'argot des grisettes. Quelques-uns écrivent _nénais_; mais ce mot n'est pas plus français que l'autre. NÉNETS D'HOMME, s. m. pl. Les biceps,--dans l'argot des filles. NEPS, s. m. pl. Nom d'une certaine catégorie de voleurs israélites qui, dit Vidocq, savent vendre très cher une croix d'ordre, garnie de pierreries fausses. NET COMME TORCHETTE, adj. Se dit,--dans l'argot du peuple,--des choses ou des gens excessivement propres. NETTOYER, v. a. Voler; ruiner, gagner au jeu; dépenser; battre, et même tuer,--dans l'argot des faubouriens. _Se faire nettoyer._ Perdre au jeu; se laisser voler, battre ou tuer. NETTOYER UN PLAT, v. a. Manger ce qu'il contient,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Torcher un plat_. NEZ, s. m. Mauvaise humeur. _Faire son nez._ Avoir l'air raide, ennuyé, mécontent. NEZ (Avoir dans le), v. a. Détester une chose ou quelqu'un. C'est le _Ne pouvoir sentir_ de l'argot des bourgeois. NEZ, s. m. Finesse, habileté, adresse. _Avoir du nez._ Flairer les bonnes affaires, deviner les bonnes occasions. _Manquer de nez._ N'être pas habile en affaires. NEZ (Ce n'est pas pour ton)! Ce n'est pas pour toi. On dit aussi: _Ce n'est pas pour ton fichu nez_! On trouve cette expression dans Mathurin Régnier (_Satyre XIII_): «Ils croyent qu'on leur doit pour rien la courtoisie, Mais c'est pour leur beau nez.» dit la vieille courtisane à une plus jeune qu'elle veut mettre en garde contre les faiblesses de son cœur. NEZ CREUX (Avoir le), v. a. Avoir le pressentiment d'une chose, d'un événement; flairer une bonne occasion, une bonne affaire. Signifie aussi Arriver quelque part juste à l'heure du dîner. On dit aussi _Avoir bon nez_. NEZ DANS LEQUEL IL PLEUT, s. m. Nez trop retroussé, dont les narines, au lieu d'être percées horizontalement, l'ont été perpendiculairement. C'est le _Nez en as de treuffle_ de Rabelais. NEZ-DE-CHIEN, s. m. Mélange de bière et d'eau-de-vie,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir le nez de chien._ Être gris,--parce qu'on ne boit pas impunément ce mélange. NEZ QUI A COUTÉ CHER, s. m. Nez d'ivrogne, érubescent, plein de bubelettes, qui n'a pu arriver à cet état qu'après de longues années d'un culte assidu à Bacchus. On dit aussi _Nez qui a coûté cher à mettre en couleur_. NEZ TOURNÉ A LA FRIANDISE, s. m. Nez retroussé, révélateur d'une complexion amoureuse,--dans l'argot des bourgeois qui préfèrent Roxelane à la Vénus de Médicis. NIAIS, s. m. Voleur qui a des scrupules; prisonnier qui a des remords de sa faute ou de son crime. NIB ou NIBERGUE, adv. Rien, zéro,--dans l'argot des voleurs. _Nib de braise!_ Pas d'argent. NICHÉE, s. f. Réunion d'enfants de la même famille,--dans l'argot du peuple. NICHER, v. n. Demeurer, habiter quelque part. _Se nicher._ Se placer. NICHET, s. m. OEuf de plâtre qu'on met dans un _nid_ pour que les poules y viennent pondre. NICHONNETTE, s. f. Drôlesse à la mode, coiffée _à la chien_. Argot de gens de lettres. NICHONS, s. m. pl. Seins,--dans l'argot des enfants. NICODÈME, s. m. Niais, imbécile. Argot du peuple. NICOLAS-J'-T'EMBROUILLE! Exclamation de défi,--dans l'argot des écoliers. NID A PUNAISES, s. m. Chambre d'hôtel garni,--dans l'argot du peuple. NID D'HIRONDELLE, s. m. Chapeau d'homme, rond et à bords imperceptibles, tel enfin que les élégants le portent aujourd'hui, ou l'ont porté hier. NIÈRE, s. m. Individu quelconque,--dans l'argot des voleurs._Bon nière._ Bon vivant, bon enfant. _Mon nière bobèchon._ Moi. NIGAUDINOS, s. m. Imbécile, _nigaud_,--dans l'argot du peuple, qui se souvient du _Pied de Mouton_ de Martainville. NIGUEDOUILLE, s. m. Imbécile, _nigaud_,--dans l'argot des faubouriens. C'est une des formes du vieux mot français _niau_,--le _nidasius_ de la basse latinité,--dont nous avons fait _niais_. _Gniolle_--qu'on devrait écrire _niolle_, mais que j'ai écrit comme on le prononce a la même racine. N, I, NI, C'EST FINI! Formule qu'on emploie--dans l'argot des grisettes et du peuple--pour faire mieux comprendre l'irrévocabilité d'une rupture, l'irrémédiabilité d'un dénouement, en amour, en amitié ou en affaires. NINI. Diminutif caressant d'_Eugénie_. On dit aussi _Niniche_. NIOLE, s. m. Chapeau d'occasion,--dans l'argot des marchandes du Temple. NIOLEUR, s. m. Chapelier. NIORTE, s. f. Viande,--dans l'argot des voleurs. NIQUE DE MÈCHE (Être). Sans aucune complicité,--dans le même argot. NISCO! interj. Rien, zéro, néant,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Nix_,--pour parodier le _Nicht_ des Allemands. _Nisco braisicoto!_ Pas d'argent. NISETTE, s. f. Olive,--dans l'argot des voleurs. NISETTIER, s. m. Olivier. NIVET, s. m. Chanvre.--dans le même argot. NIVETTE, s. f. Chenevière. NI VU NI CONNU, J' T'EMBROUILLE! Exclamation de l'argot du peuple, qui signifie: Cherchez, il n'y a plus rien. NOBLE ÉTRANGÈRE, s. f. Pièce de cinq francs en argent,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont lu _la Vie de Bohème_. NOC, s. et adj. Imbécile parfait. NOCE, s. f. Débauche de cabaret,--dans l'argot du peuple. _Faire la noce._ S'amuser, dépenser son argent avec des camarades ou avec des drôlesses. _N'être pas à la noce._ Être dans une position critique; s'ennuyer. NOCE DE BATONS DE CHAISES, s. f. Débauche plantureuse de cabaret,--dans l'argot des faubouriens, qui, une fois en train de s'amuser, cassent volontiers les tables et les bancs du «bazar». NOCER, v. n. S'amuser plus ou moins crapuleusement. NOCEUR, s. et adj. Ouvrier qui se dérange; homme qui se débauche avec les femmes. NOCEUSE, s. f. Drôlesse de n'importe quel quartier, qui fuit toutes les occasions de travail et recherche tous les prétextes à plaisir. NOCTAMBULE, s. et adj. Bohème, qui va des cafés qui ferment à minuit et demi dans ceux qui ferment à une heure, et de ceux-là dans les endroits où l'on soupe. NOCTAMBULER, v. n. Se promener la nuit, dans les rues, en causant d'amour et d'art avec quelques compagnons. NOEUD D'ÉPÉE, s. m. Couennes de lard rassemblées en un petit paquet,--dans l'argot des charcutiers. NOIR, s. f. Café noir,--dans l'argot des voyous. Ils disent aussi _Nègre_ pour un gloria, et _Négresse_ pour une demi-tasse. NOMBRIL, s. m. Midi, le centre du jour,--dans l'argot des voleurs, qui emploient, sans s'en douter, une expression familière aux Latins: _Ad umbilicum jam dies est_.(Il est déjà midi), écrivait Plaute il y a plus de deux mille ans. NOM D'UN! Juron innocent ou semblant de juron de la même famille que: _Nom de d'là_! _Nom de çà_! _Nom de deux_! _Nom d'un nom_! _Nom d'une pipe_! _Nom d'un chien_! _Nom d'un petit bonhomme_! _Nom d'un tonnerre_! NONNE, s. f. Encombrement volontaire,--dans l'argot des voleurs. _Faire nonne._ Simuler à huit ou _neuf_ un petit rassemblement afin d'arrêter les badauds, et, les badauds arrêtés, de fouiller dans leurs poches. NONNEUR, s. m. Compère du _tireur_ (V. ce mot); variété de voleur. _Manger sur ses nonneurs._ Dénoncer ses complices. NORDISTE, s. et adj. Partisan du gouvernement fédéral américain, et, en même temps, de l'abolition de l'esclavage et de la liberté humaine, sans distinction de couleur d'épiderme. Cette expression, qui date de la guerre de sécession aux Etats-Unis est désormais dans la circulation générale. NOS VOISINS. Les Anglais,--dans l'argot des journalistes et des bourgeois. NOS VOISINS VIENNENT. Se dit, dans l'argot des bourgeoises,--lorsque leurs _menses_ font leur apparition. NOTAIRE, s. m. Comptoir du marchand de vin,--dans l'argot des faubouriens, qui y font beaucoup de transactions, honnêtes ou malhonnêtes, et un certain nombre de mariages à la détrempe. NOUNOU, s. f. Nourrice,--dans l'argot des enfants et des mamans. NOURRICE, s. f. Femme que la nature a _avantagée_,--dans l'argot du peuple. NOURRIR LE POUPARD, v. a. Préparer un vol, le mijoter, pour ainsi dire, avant de l'exécuter. Quelques grammairiens du bagne prétendent qu'il faut dire: _Nourrir le poupon_. NOURRIR UN QUINE A LA LOTERIE. Se bercer de chimères, vivre d'illusions folles. Argot des bourgeois. NOURRISSEUR, s. m. Voleur qui indique une affaire, qui la prépare à ses complices. NOURRISSEUR, s. m. Restaurateur, cabaretier,--dans l'argot des bohèmes. NOURRISSON DES MUSES, s. m. Poète,--dans l'argot des académiciens, qui ont été allaités par des Naïades. NOUSAILLES, pr. pers. Nous,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Nosigues_. NOUVEAU, s. m. Elève récemment arrivé au collège,--dans l'argot des collégiens; soldat récemment arrivé au régiment,--dans l'argot des troupiers; ouvrier récemment embauché,--dans l'argot du peuple; prisonnier récemment écroué,--dans l'argot des voleurs. NOUVEAUTÉ, s. f. Livre qui vient de paraître,--dans l'argot des libraires, qui souvent rééditent sous cette rubrique de vieux romans et de vieilles histoires. NOUVELLE A LA MAIN, s. f. Phrase plus ou moins spirituelle, où il doit toujours y avoir un _mot_, et que le public blasé lit de préférence à n'importe quel bon article,--parce que cela se retient facilement comme les centons et peut se citer dans la conversation. NOYAUX, s. m. pl. Pièces de monnaie,--dans l'argot des faubouriens. L'expression est plus que centenaire, comme le prouvent ces deux vers de Vadé: «L'sacré violon qu'avait joué faux Voulut me d'mander des noyaux.» NUMÉRO (Être d'un bon). Être grotesque, ou ennuyeux,--dans l'argot des artistes. NUMÉRO CENT, s. m. Water-closet,--dans l'argot des bourgeois, qui ont la plaisanterie odorante. NUMÉROTE TES OS! C'est la phrase par laquelle les faubouriens commencent une rixe. Ils ajoutent: _Je vais te démolir_! NUMÉRO UN, adj. Très bien, très beau, très grand,--dans l'argot du peuple. NYMPHE, s. f. Fille de prostibulum,--dans l'argot des bourgeois. NYMPHE DE GUINÉE, s. f. Négresse,--dans l'argot des faubouriens. NYMPHE POTAGÈRE, s. f. Cuisinière. O OBÉLISQUAL, adj. Écrasant d'étonnement, «ruisselant d'inouïsme»,--dans l'argot des romantiques, amis des superlatifs étranges. OBJET, s. m. Maîtresse,--dans l'argot des ouvriers. OCCASE, s. f. Apocope d'_Occasion_,--dans l'argot des faubouriens. OCCASION, s. f. Chandelier,--dans l'argot des voleurs. OCCASION (D'). De peu de valeur, d'un prix très réduit,--dans l'argot du peuple qui dit cela à propos des choses. OCRÉAS, s. m. pl. Souliers,--dans l'argot des Saint-Cyriens, qui se souviennent de leur Virgile et de leur Horace. _Ocreatus in nive dormis_, a dit ce dernier, qui n'était pas fait pour dormir tout _botté_ sous la neige, comme un soldat, car on sait qu'à la bataille de Philippes il prit la fuite en jetant son bouclier aux orties. OEIL, s. m. Crédit,--dans l'argot des bohèmes. _Avoir l'œil quelque part._ Y trouver à boire et à manger sans bourse délier. _Faire_ ou _ouvrir un œil à quelqu'un_. Lui faire crédit. _Crever un œil._ Se voir refuser la continuation d'un crédit. _Fermer l'œil._ Cesser de donner à crédit. Quoique M. Charles Nisard s'en aille chercher jusqu'au 1er siècle de notre ère un mot grec «forgé par saint Paul» (chap. VII de l'Épître aux Éphésiens, et chap. III de l'Épître aux Colossiens), j'oserai croire que l'expression _A l'œil_--que ne rend pas du tout d'ailleurs l'[grec: ophthalmodouleia] de l'Apôtre des Gentils--est tout à fait moderne. Elle peut avoir des racines dans le passé, mais elle est née, sous sa forme actuelle, il n'y a pas quarante ans. Les consommateurs ont commencé par _faire de l'œil_ aux dames de comptoir, qui ont fini par leur _faire l'œil_: une galanterie vaut bien un dîner, madame Grégoire le savait. OEIL, s. m. Bon effet produit par une chose, bonne façon d'être d'une robe, d'un tableau, d'un paysage, etc. On dit: _Cette chose a de l'œil._ OEIL, s. m. Le _podex_,--dans l'argot des faubouriens facétieux. _Crever l'œil à quelqu'un._ Lui donner un coup de pied au derrière. OEIL (Avoir l'). Faire bonne garde autour d'une personne ou d'une chose. On dit aussi _Ouvrir l'œil_. OEIL (Faire de l'). Donner à penser des choses fort agréables aux hommes,--dans l'argot des petites dames; regarder langoureusement ou libertinement les femmes, dans l'argot des gandins. OEIL AMÉRICAIN (Avoir l'). Voir très clair là où les autres voient trouble,--dans l'argot du peuple, qui a peut-être voulu faire allusion aux romans de Cooper et rappeler les excellents yeux de Bas-de-Cuir, qui aurait vu l'herbe pousser. OEIL BORDÉ D'ANCHOIS, s. m. Aux paupières rouges et décillées,--dans l'argot des faubouriens. OEIL DE BOEUF, s. m. Pièce de cinq francs. OEIL DE VERRE, s. m. Lorgnon. OEIL EN COULISSE, s. m. Regard tendre et provocateur,--ce que Sénèque appelle en son langage sévère _oculorum fluxus_. _Faire les yeux en coulisse._ Regarder amoureusement quelqu'un. OEIL EN TIRELIRE, s. m. Regard chargé d'amour, provocateur, à demi clos. OEIL MARÉCAGEUX, s. m. Regard langoureux, voluptueux,--dans l'argot des petites dames. OFFICIER, s. m. Garçon d'office,--dans l'argot des limonadiers. OFFICIER DE LOGE, s. m. Frère chargé d'un office,--dans l'argot des francs-maçons. OFFICIER DE TOPO, s. m. Homme qui triche au jeu de la bassette,--dans l'argot des joueurs. On dit aussi _Officier de tango_. OGNON, s, m. Grosse montre, de forme renflée comme un bulbe,--dans l'argot du peuple, ami des mots-images. On remarquera que, contrairement à l'orthographe officielle, j'ai écrit _ognon_ et non _oignon_. Pour deux raisons: la première, parce que le peuple prononce ainsi; la seconde, parce qu'il a raison, _oignon_ venant du latin _unio_. J'ai même souvent entendu prononcer _union_. OGNON (Il y a de l'), On va se fâcher, on est sur le point de se battre, par conséquent de _pleurer_. Argot des faubouriens. OGNONS (Aux)! Exclamation de l'argot des faubouriens, qui l'emploient comme superlatif de bien, de bon et de beau. On dit aussi _Aux petites ognons!_ et même _Aux petites oignes!_ Cette expression et celle-ci: _Aux petits oiseaux!_ sont les descendantes de cette autre: _Aux pommes!_ qu'explique à merveille une historiette de Tallemant des Réaux. OGRE, s. m. Agent de remplacement militaire,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi: Usurier, Escompteur. OGRE, s. m. Marchand de chiffons,--dans l'argot des chiffonniers. OGRESSE, s. f. Maîtresse de tapis-franc, de maison _borgne_,--dans l'argot des voleurs, qui ont sans doute voulu faire allusion à l'effroyable quantité de chair fraîche qui se consomme là dedans. OGRESSE, s. f. Marchande à la toilette, proxénète,--dans l'argot des filles, ses victimes. OH! LA! LA! Exclamation ironique et méprisante de l'argot des faubouriens, qui la mettent à toutes sauces. OIE DU FRÈRE PHILIPPE, s. f. Jeune fille ou jeune femme,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont lu les _Contes_ de la Fontaine. L'expression tend à s'introduire dans la circulation générale: à ce titre, j'ai dû lui donner place ici. Pourquoi le peuple, qui a à sa disposition, à propos de la «plus belle moitié du genre humain», tant d'expressions brutales et cyniques, n'emploierait-il pas cette galante périphrase? Le peuple anglais dit bien depuis longtemps, à propos des demoiselles de petite vertu, les _Oies de l'évêque de Winchester_ (_The bishop of Winchester's geese_). OISEAU, s. m. Auge à plâtre.--dans l'argot des maçons. OISEAU, s. m. Original; homme difficile à vivre,--dans l'argot du peuple, qui n'emploie presque toujours ce mot que dans un sens péjoratif ou ironique. Ainsi il dira, à propos d'un homme qu'on lui vante et qu'il n'aime pas: «Oui, un bel oiseau!» Ou, à propos d'un homme taré ou suspect: «Quel triste oiseau!» Ou, à propos d'un homme laid ou ennuyeux: «Le vilain oiseau!» Ou, à propos d'un homme excentrique: «Drôle d'oiseau!» Les Anglais disent de même: _Queer bird_. OISEAUX (Aux)! Exclamation de l'argot des faubouriens, qui l'emploient comme le superlatif de bien, de beau, de bon. Une femme est aux _oiseaux_ quand elle réunit la sagesse à la beauté. Un mobilier est _aux oiseaux_ quand il réunit l'élégance et la solidité au bon marché, etc., etc. On dit aussi _Aux petits oiseaux!_ OISEAU DE CAGE, s. m. Prisonnier. Les ouvriers anglais disent: _Jail bird_ (oiseau de prison). OLIM, s. m. Suranné, académicien,--dans l'argot des romantiques, qui cherchaient et trouvaient les injures les plus corsées pour en contaminer la gloire de leurs adversaires naturels, les classiques. Celle-ci appartient à T. Gautier, qui, heureusement pour lui et pour nous, a fait _Émaux et Camées_. OLIVET, s. m. Ognon,--dans l'argot des voleurs. OLIVIER DE SAVETIER, s. m. Navet,--dans l'argot des faubouriens, qui font sans doute allusion à l'huile qu'on extrait de la _navette_, un _Brassica napus_ aussi, mais _oleifera_. OLLA PODRIDA, s. f. Représentation à bénéfice, où l'on fait entrer de tout, du chant et de la danse, du drame et du vaudeville, de l'opéra-comique et de la tragédie. _Pot-pourri._ Argot des coulisses. OMBRE (A l'). En prison,--dans l'argot du peuple. S'emploie aussi quelquefois dans un sens plus sinistre, celui de: Au cimetière, et, dans ce cas, _mettre quelqu'un à l'ombre_, c'est le tuer. OMBRES CHINOISES, s. f. pl. Revue de l'année, jouée à la façon de Séraphin, par les élèves de l'Ecole polytechnique, le jeudi qui précède Noël, et dans laquelle on n'épargne pas plus le sel aux professeurs, et même au général commandant l'Ecole, qu'Aristophane ne l'épargnait à Socrate dans ses _Nuées_. OMELETTE, s. f. Mystification militaire qui consiste à retourner sens dessus dessous le lit d'un camarade endormi. _Omelette du sac._ Autre plaisanterie de même farine qui consiste à mettre en désordre tous les objets rangés dans un havre-sac,--ce qui est une façon comme l'autre de casser les œufs et de les brouiller. OMNIBUS, s. m. Résidu des liquides répandus sur le comptoir d'un marchand de vin, et servi par ce dernier aux pratiques peu difficiles, amies des arlequins. OMNIBUS, s. m. Verre de vin de la contenance d'un demi-setier, la mesure ordinaire de tout buveur. OMNIBUS, s. m. Garçon supplémentaire pour les jours de fête,--dans l'argot des garçons de café. OMNIBUS, s. m. Femme banale,--dans l'argot du peuple, pour qui cette Dona _Sol_ au ruisseau _lucet omnibus_. OMNIBUS DE CONI, s. m. Corbillard,--dans l'argot des voleurs. ONCLE, s. m. Guichetier,--dans le même argot. ONCLE, s. m. Usurier,--dans l'argot des fils de famille, qui ont voulu marier leur _tante_ à quelqu'un. ONGLE CROCHE, s. m. Avare et même voleur,--dans l'argot du peuple, qui suppose avec raison que ce qui est bon à garder pour l'un est bon à prendre pour l'autre. _Avoir les ongles croches._ Avoir des dispositions pour la tromperie--et même pour la filouterie. ONGLES EN DEUIL, s. m. pl. Ongles noirs, malpropres. ONGUENT, s. m. Argent,--dans l'argot des voleurs, qui savent que l'on guérit tout, ou presque tout, avec cela. ON PAVE! Phrase de l'argot des bohèmes, signifiant: «Il ne faut pas passer dans cette rue, dans ce quartier, à cause des créanciers qu'on pourrait y rencontrer.» OPINEUR HÉSITANT, s. m. Juré,--dans l'argot des voyous, piliers de Cour d'assises. ORANGE A COCHONS, s. f. Pomme de terre,--dans l'argot des voleurs, qui apprennent ainsi aux gens honnêtes et ignorants qu'avant Parmentier le savoureux tubercule dont nous sommes si friands aujourd'hui, pauvres et riches, était abandonné comme nourriture aux descendants du compagnon de saint Antoine. Le peuple dit _Orange de Limousin_. ORANGER, s. m. La gorge,--dans l'argot de Breda-Street. M. Prudhomme, dans un accès de galanterie, s'étant oublié jusqu'à comparer le buste d'une belle femme au classique «jardin des Hespérides», et les fruits du jardin des Hespérides étant des pommes d'or, c'est-à-dire des oranges, on devait forcément en arriver à prendre toute poitrine féminine pour un oranger. ORANGER DE SAVETIER, s. m. Le basilic,--dans l'argot des faubouriens, qui connaissent l'odeur exquise de l'_ocymum_, bien faite pour neutraliser celle des cuirs amoncelés dans les échoppes de cordonnier. On le dit aussi du réséda. ORANGES SUR LA CHEMINÉE (Avoir des). Avoir une gorge convenablement garnie,--dans l'argot de Breda-Street. ORDINAIRE, s. m. Soupe et bœuf,--dans l'argot des ouvriers. ORDINAIRES, s. f. pl. Les _menses_ de la femme,--dans l'argot des bourgeois. OR-DUR, s. m. Cuivre,--dans l'argot des faubouriens, qui aiment à équivoquer. _Ça, de l'or?_ disent-ils; _de l'ordure (or-dur) oui!_ OREILLARD, s. m. Baudet,--dans le même argot. ORGANEAU, s. m. Anneau de fer placé au milieu de la chaîne qui joint entre eux les forçats suspects. ORGUE. Pronom personnel de l'argot des voleurs. _Mon orgue_, moi. _Ton orgue_, toi. _Son orgue_, lui. _Leur orgue_, eux. ORGUES, s. f. pl. Affaires,--dans le même argot. ORIENTALISTE, s. m. Homme parlant le pur argot,--qui est du sanscrit et du chinois pour les gens qui n'ont appris que les langues occidentales. ORIGINAL, s. m. Homme qui ne fait rien comme personne. Argot des bourgeois. On dit aussi _Original sans copie_. ORLÉANS, s. m. Vinaigre. ORNICHON, s. m. Poulet. ORNIE, s. f. Poule,--dans l'argot des voleurs, pour qui cette volaille est l'oiseau par excellence ([grec: ornis]), au propre et au figuré, à manger et à plumer. ORNIE DE BALLE, s. f. Dinde,--«à cause de la balle d'avoine dans laquelle elle est forcée de chercher sa nourriture, le grain étant réservé aux autres habitants de la basse-cour.» ORNIÈRE, s. f. Poulailler. ORNION, s. m. Chapon. ORPHELIN, s. m. Orfèvre,--dans l'argot des voleurs. ORPHELIN DE MURAILLE, s. m. Résultat solide de la digestion,--dans l'argot des faubouriens. ORPHELINS, s. m. pl. Bande de camarades, ou plutôt de complices,--dans l'argot des voleurs. ORPHIE, s. f. Oiseau _chanteur_ (_Orphicus_). Même argot. OS, s. m. Argent, or, monnaie,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir l'os._ Être riche. OSSELETS, s. m. Les dents,--dans l'argot des voleurs. OSTROGOTH, (on prononce _Ostrogo_) s. m. Importun; niais,--dans l'argot du peuple. OUATER, v. a. et n. Dessiner ou peindre avec trop de morbidesse et de flou,--dans l'argot des artistes, qui prétendent qu'en peignant ou en dessinant ainsi, on ne peut faire que des _bonshommes en coton_. OUICHE! adv. Oui,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot ironiquement. C'est le _ouais_ des paysans. OUI, EN PLUME! Expression de l'argot des typographes qui équivaut à cette autre plus claire: «Tu blagues!» OUI, GARIBALDI! Expression de dénégation méprisante qui a succédé, dans l'argot du peuple, depuis les événements d'Italie, à cette autre si connue: _Oui! mon œil!_ On a dit aussi _Oui! les lanciers!_ OURLER LE BEQ, v. a. Terminer sa besogne,--dans l'argot des graveurs sur bois. OURS, s. m. Vaudeville, drame ou comédie qui brille par l'absence d'intérêt, de style, d'esprit et d'imagination, et qu'un directeur de théâtre bien avisé ne joue que lorsqu'il ne peut pas faire autrement,--comme autrefois, aux cirques de Rome on ne faisait combattre les ours que lorsqu'il n'y avait ni lions, ni tigres, ni éléphants. On le dit aussi d'un mauvais article ou d'un livre médiocre. OURS, s. m. Ouvrier imprimeur,--dans l'argot des typographes. OURS, s. m. La salle de police,--dans l'argot des soldats. OURSON, s. m. Bonnet de grenadier,--dans l'argot des gardes nationaux. OUTIL DE BESOIN, s. m. Souteneur de carton,--dans l'argot des filles. OUTILS, s. m. pl. Ustensiles de table, en général,--dans l'argot des francs-maçons. OUTU, adj. Ruiné, perdu, atteint de la maladie mortelle,--dans l'argot des bourgeois désireux de ménager la chèvre de la décence et le chou de la vérité. Il y a longtemps qu'ils parlent ainsi, frisant la gaillardise et défrisant l'orthographe. On trouve dans les _Contes d'Eutrapel_: «Et bien, dit-elle, soit! Ce qui est faict est faict, il n'y a point de remède, qui est outu est outu (quelques docteurs disent qu'elle adjoucta une F).» OUVRAGE, s. m. L'engrais humain, à l'état liquide,--dans l'argot des faubouriens. _Tomber dans l'ouvrage._ Se laisser choir dans la fosse commune d'une maison. OUVRAGE, s. m. Vol,--dans l'argot des prisons. OUVRIER, s. m. Voleur,--dans le même argot. OUVRIR SA TABATIÈRE, v. a. _Crepitare_ sournoisement, sans bruit, mais non sans inconvénient,--dans l'argot du peuple, qui, en parlant de cet inconvénient, ajoute: _Drôle de prise!_ P PACANT, s. m. Paysan,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Palot_. PACHALESQUEMENT, ad. Voluptueusement,--dans l'argot des romantiques. Cet adverbe oriental appartient à Théophile Dondey, plus inconnu sous le pseudonyme de Philotée O'Neddy. PACKET, s. m. Paquebot,--dans l'argot des anglomanes et des créoles. PACLIN ou PASQUELIN, s. m. Pays natal,--dans l'argot des voleurs. _Pasquelin du Rabouin._ L'enfer, pays du diable. PACLINAGE ou PASQUELINAGE, s. m. Voyage. PACLINER, v. n. Voyager. PACLINEUR, s. m. Voyageur. PADOUE, s. f. Cordonnet rouge avec lequel les confiseurs attachent les sacs de bonbons. PAF, adj. Gris, ivre,--dans l'argot des faubouriens. PAFFER (Se), v. réfl. Boire avec excès. PAFS, s. m. pl. Chaussures, neuves ou d'occasion. PAGE BLANCHE, s. f. Homme distingué, ouvrier supérieur à son état,--dans l'argot des typographes. _Être page blanche en tout._ Ne se mêler jamais des affaires des autres; être bon camarade et bon ouvrier. PAGNE, s. m. Provisions que le malade ou le prisonnier reçoit du dehors et qu'on lui porte ordinairement dans un _panier_. Argot des voleurs. PAIE (Bonne), s. f. Homme qui fait honneur à sa parole ou à sa signature,--dans l'argot des bourgeois. _Mauvaise paie._ Débiteur de mauvaise foi. Il faut prononcer _paye_, à la vieille mode. PAÏEN, s. m. Débauché, homme sans foi ni loi, ne craignant ni Dieu ni diable,--dans l'argot du peuple, qui emploie là une expression des premiers temps de notre langue. PAILLASSE, s. f. Corps humain,--dans l'argot des faubouriens. _Se faire crever la paillasse._ Se faire tuer en duel,--ou à coups de pied dans le ventre. On dit aussi _Paillasse aux légumes_. PAILLASSE, s. f. Femme ou fille de mauvaise vie. On dit aussi _Paillasse de corps de garde_, et _Paillasse à soldats_. PAILLASSE, s. m. Homme politique qui change d'opinions aussi souvent que de chemises, sans que le gouvernement qu'il quitte soit, pour cela, plus sale que le gouvernement qu'il met. On dit aussi _Pitre_ et _Saltimbanque_. PAILLASSON, s. m. Libertin,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi souteneur de filles. Mais le premier sens est le plus usité, et depuis plus longtemps, comme en témoigne ce passage d'une chanson qui avait, sous la Restauration, la vogue qu'a aujourd'hui la chanson de l'_Assommoir_: «Chaque soir sur le boulevard Ma petit' femm' fait son trimar, Mais si elle s'port' sus l'paillasson, J'lui coup' la respiration: Je suis poisson!» PAILLE, s. f. Dentelle,--dans l'argot des voleurs. PAILLE (C'est une)! Ce n'est rien! Argot du peuple. L'expression est très ironique, et signifie toujours, dans la bouche de celui qui l'emploie, que ce rien est un obstacle sérieux. PAILLE AU CUL (Avoir la). Être réformé, congédié; mis hors de service, par allusion au bouchon de paille qu'on met aux chevaux à vendre. PAILLE DE FER, s. f. Baïonnette,--dans l'argot des troupiers. Signifie aussi: Fleuret, Epée. PAILLETÉE, s. f. Drôlesse du boulevard,--dans l'argot des voyous, qui sont souvent les premiers à fixer dans la langue une mode ou un ridicule. Pour les curieux de 1886, cette expression voudra dire qu'en 1866 les femmes du monde interlope portaient des paillettes d'or partout, sur leurs voilettes, dans leurs cheveux, sur leurs corsages, etc. Elle a été employée pour la première fois en littérature par M. Jules Claretie. J'ai entendu aussi un voyou s'écrier, en voyant passer dans le faubourg Montmartre une de ces effrontées drôlesses qui ne savent comment dépenser l'or qu'elles ne gagnent pas: _Ohé! la Dantzick_. PAILLOT, s. m. Paillasson à essuyer les pieds,--dans l'argot du peuple. PAIN, s. m. Coussin de cuir,--dans l'argot des graveurs, qui placent dessus la pièce à graver, bois ou acier. PAIN (Et du)! Exclamation ironique de l'argot du peuple, qui la coud à beaucoup de phrases, quand il veut refuser à des importuns ou se moquer de gens prétentieux. Ainsi: «As-tu cent sous à me prêter?--Cent sous! Et du pain?» Ou bien à propos d'un gandin qui passe, stick à la bouche, pince-nez sur l'œil: «Plus que ça de col! Et du pain?» etc. PAIN BÉNIT (C'est). Ce n'est que justice, c'est bien fait. PAIRE DE CYMBALES, s. f. Pièce de dix francs,--dans l'argot facétieux des faubouriens. PALABRE, s. m. Discours ennuyeux, prudhommesque,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot aux marins, qui l'avaient emprunté à la langue espagnole, où, en effet, _palabra_ signifie _parole_. PALAIS DU FOUR, s. m. Monument élevé par Charles Monselet, dans le _Figaro_, en l'honneur des victimes malheureuses de la littérature et de l'art, des artistes et des gens de lettres qui, en croyant faire une œuvre digne d'admiration, n'ont fait qu'une œuvre digne de risée. PALE, s. m. As et deux,--dans l'argot des joueurs de dominos. _Asinet._ As tout seul. PALETOT, s. m. Cercueil,--dans l'argot des marbriers de cimetière. PALETTE, s. f. Guitare,--dans l'argot des musiciens ambulants. PALICHON, s. m. Double blanc,--dans l'argot des joueurs de dominos. Ils disent aussi _Blanchinet_. PALLAS, s. m. Discours, bavardage,--dans l'argot des typographes et des voleurs. _Faire pallas._ Faire beaucoup d'embarras à propos de peu de chose. PALLASSEUR, s. m. Faiseur de discours, bavard. PALMÉ, s. et adj. Homme bête comme une _oie_,--dans l'argot du peuple. PALPER, v. a. et n. Toucher de l'argent,--dans l'argot des employés. PALPITANT, s. m. Le cœur,--dans l'argot des voleurs. PALTOQUET, s. m. Drôle, intrus, balourd,--dans l'argot des bourgeois. PAMEUR, s. m. Poisson,--dans l'argot des voleurs qui ont remarqué que les poissons une fois hors de leur élément natal, font les yeux blancs. PAMURE, s. f. Soufflet violent, à faire pâmer de douleur la personne qui le reçoit,--dans l'argot des faubouriens et des paysans de la banlieue de Paris. PANACHER, v. a. Mélanger, mêler,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe au propre et au figuré, à propos des choses et à propos des gens. PANADE, s. et adj. Chose molle, de peu de valeur; femme laide. Argot des faubouriens. PANAIS (Être en). Être en chemise, sans aucun pantalon. PANAMA, s. m. Gandin,--dans l'argot du peuple, qui dit cela par allusion à la mode des chapeaux de Panama, prise au sérieux par les élégants. Le mot s'applique depuis aux chapeaux de paille quelconques. PANAMA, s. m. Écorce d'arbre exotique qui sert à dégraisser les étoffes. PANIER A SALADE, s. m. Voiture affectée au service des prisonniers,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Souricière_. PANIER A SALADE, s. m. Petite voiture en osier à l'usage des petites dames, à la mode comme elles et destinée à passer comme elles. PANIER AU PAIN, s. m. L'estomac. Les ouvriers anglais ont la même expression: _bread basket_, disent-ils. PANIER AUX CROTTES, s. m. Le _podex_ et ses environs,--dans l'argot du peuple. _Remuer le panier aux crottes._ Danser. PANIER AUX ORDURES, s. m. Le lit,--dans l'argot des faubouriens. PANIER PERCÉ, s. m. Prodigue, dépensier,--dans l'argot des bourgeois. PANNA, s. m. Chose de peu de valeur, bonne à jeter aux ordures. PANNE, s. f. Misère, gène momentanée,--dans l'argot des bohèmes et des ouvriers, qui savent mieux que personne combien il est dur de manquer de _pain_. PANNE, s. f. Rôle de deux lignes,--dans l'argot des comédiens qui ont plus de vanité que de talent, et pour qui un petit rôle est un _pauvre_ rôle. Se dit aussi d'un Rôle qui, quoique assez long, ne fait pas suffisamment valoir le talent d'un acteur ou la beauté d'une actrice. PANNÉ, s. m. Homme qui n'a pas un sou vaillant,--dans l'argot des filles, qui n'aiment pas ces garçons-là. PANNER, v. a. Gagner au jeu,--dans l'argot des faubouriens. PANOUFLE, s. f. Vieille femme ou vieille chose sans valeur,--dans l'argot du peuple, qui fait allusion au lambeau de peau qu'on mettait encore, il y a quelques années, aux sabots pour amortir le contact du bois. Signifie aussi Perruque. PANSER DE LA MAIN, v. a. Battre, donner des coups,--dans le même argot. PANTALONNER UNE PIPE, v. a. La fumer jusqu'à ce qu'elle ait acquis cette belle couleur bistrée chère aux fumeurs. Je n'ai pas besoin d'ajouter que c'est le même verbe que _culotter_, mais un peu plus décent,--pas beaucoup. PANTALON ROUGE, s. m. Soldat de la ligne,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Pantalon garance_. PANTALONS, s. m. pl. Petits rideaux destinés à dérober au public la vue des coulisses, qui sans cette précaution s'apercevraient par les portes ou les fenêtres au fond et nuiraient à l'illusion de la mise en scène. PANTALZAR, s. m. Pantalon,--dans l'argot des faubouriens. PANTE, s. m. Le monsieur inconnu qui tombe dans les pièges des filles et des voleurs,--volontairement avec les premières, contre son gré avec les seconds. _Pante argoté._ Imbécile parfait. _Pante arnau._ Dupe qui s'aperçoit qu'on la trompe et qui renaude. _Pante désargoté._ Homme difficile à tromper. Quelques-uns des auteurs qui ont écrit sur la matière disent _pantre_. Francisque Michel, lui, dit _pantre_, et fidèle à ses habitudes, s'en va chercher un état civil à ce mot jusqu'au fond du moyen âge. Pourquoi _pante_ ne viendrait-il pas de _pantin_ (homme dont on fait ce qu'on veut), ou de _Pantin_ (Paris)? Il est si naturel aux malfaiteurs des deux sexes de considérer les Parisiens comme leur proie! Si cette double étymologie ne suffisait pas, j'en ai une autre en réserve: _Ponte_. Le ponte est le joueur qui joue contre le banquier, et qui, à cause de cela, s'expose à _payer souvent_. Pourquoi pas? _Dollar_ vient bien de _thaler_. PANTIN, n. de v. Paris,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Pampeluche_ et _Pantruche_. «_Pantin_, dit Gérard de Nerval, c'est le Paris obscur. _Pantruche_, c'est le Paris canaille.» _Dans le goût de Pantin._ Très bien, à la dernière mode. PANTIN, s. m. Homme sans caractère,--dans l'argot du peuple qui sait que nous sommes cousus de fils à l'aide desquels on nous fait mouvoir contre notre gré. PANTINOIS, s. m. Parisien. PANTOUFLE. Mot que le peuple ajoute ordinairement à _Et cætera_, comme pour mieux marquer son dédain d'une énumération fastidieuse. Sert aussi de terme de comparaison péjorative. _Bête comme ma pantoufle._ Très bête. _Raisonner comme une pantoufle._ Très mal. PANTOUFLÉ, s. m. Ouvrier tailleur,--dans l'argot des faubouriens, qui ont remarqué que ces ouvriers sortent volontiers en pantoufles. PANTUME, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,--dans l'argot des voleurs. Quelques lexicographes de Clairvaux disent _Panturne_. PAPA, s. m. Père,--dans l'argot des enfants, dont ce mot est le premier bégaiement. _Bon-papa._ Grand-père. PAPA (A la), adv. Avec bonhomie, tranquillement,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression avec une nuance d'ironie. PAPAVOINER, v. a. Assassiner aussi froidement que fit Papavoine des deux petits enfants dont il paya la vie de sa tête. L'expression, qui a eu cours il y a une trentaine d'années, a été employée en littérature par le chansonnier Louis Festeau. PAPE, s. m. Imbécile,--dans l'argot des faubouriens. PAPE COLAS, s. m. Homme qui aime à prendre ses aises, à _se prélasser_,--dans l'argot du peuple. PAPELARD, s. m. Papier,--dans l'argot des voleurs, qui ont voulu coudre une désinence de fantaisie au _papel_ espagnol. PAPIER JOSEPH, s. m. Billet de banque,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Papier de soie_. PAPIER PUBLIC, s. m. Journal,--dans l'argot des paysans de la banlieue. PAPILLON, s. m. Blanchisseur,--dans l'argot des voleurs, qui ont transporté à la profession l'épithète qui conviendrait à l'objet de la profession, les serviettes séchant au soleil et battues par le vent dans les prés ressemblant assez, de loin, à de grands lépidoptères blancs. PAPILLONNE, s. f. Amour du changement, ou plutôt Changement d'amour,--dans l'argot des fouriéristes. On dit aussi _Alternante_. PAPILLONNER, v. n. Aller de belle en belle, comme le papillon de fleur en fleur,--dans l'argot du peuple. Il y a près de deux siècles que le mot est en circulation. On connaît le mot de madame Deshoulières à propos de mademoiselle d'Ussel, fille de Vauban: «Elle papillonne toujours, et rien ne la corrige.» Fourier n'a inventé ni le nom ni la chose. PAPILLOTES, s. f. pl. Billets de banque,--dans lesquels les gens aussi riches que galants enveloppent les dragées qu'ils offrent aux petites dames. PAPOTAGE, s. m. Causerie familière; bavardage d'enfants ou d'amoureux. Argot des gens de lettres. PAPOTER, v. n. Babiller comme font les amoureux et les enfants, en disant des riens. PAQUEMON, s. m. Paquet ou ballot,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Paquecin_. PAQUET, s. m. Compte,--dans l'argot du peuple. _Avoir son paquet._ Être complètement ivre. _Recevoir son paquet._ Être congédié par un patron, ou abandonné par un médecin, ou extrême-onctionné par un prêtre. _Faire son paquet._ Faire son testament. _Risquer le baquet._ S'aventurer, oser dire ou faire quelque chose. PAQUETS, s. m. pl. Médisance, _ragots_. _Faire des paquets._ Médire et même calomnier. PARADIS, s. m. Amphithéâtre des quatrièmes,--dans l'argot des coulisses. PARADIS, s. m. La fosse commune,--dans l'argot ironique des marbriers de cimetière. PARADOUZE, s. f. Paradis,--dans l'argot calembourique du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme en témoignent ces vers extraits du _Roman du Renart_: «..... Li sainz Esperiz De la seue ame s'entremete Tant qu'en paradouse la mete, Deux lieues outre Paradiz, Où nus n'est povre ne maudis.» PARE-A-LANCE, s. m. Parapluie,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi _En-tous-cas_. Cette dernière expression, dit Vidocq,--et cela va scandaliser beaucoup de bourgeoises qui l'emploient de confiance, lui croyant une origine honnête,--cette dernière expression a été trouvée par un détenu de Bicêtre, le nommé Coco. PARAPHE, s. m. Soufflet,--dans l'argot du peuple, qui se plaît à déposer son seing sur la joue de ses adversaires. _Détacher un paraphe._ Donner un soufflet. PARÉ (Être). Avoir subi la «fatale toilette» et être prêt pour la guillotine,--dans l'argot des prisons. Les bouchers emploient la même expression lorsqu'ils viennent de _faire_ un mouton. PAREIL AU MÊME (Du). La même chose ou le même individu,--dans l'argot des faubouriens. PARER LA COQUE, v. a. Echapper par la fuite à un châtiment mérité; parer habilement aux inconvénients d'une situation, dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. PARFAIT AMOUR, s. m. Liqueur de dames,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Crème de cocu_. PARFAIT AMOUR DE CHIFFONNIER. Eau-de-vie d'une qualité au-dessous de l'inférieure. PARISIEN, s. m. Homme déluré, inventif, loustic,--dans l'argot des troupiers. PARISIEN, s. m. Niais, novice,--dans l'argot des marins. PARISIEN, s. m. Vieux cheval invendable,--dans l'argot des maquignons. PARLER BOUTIQUE, v. n. Ne s'entretenir que des choses de l'état qu'on exerce, de l'emploi qu'on remplit, contrairement aux règles de la civilité, qui veulent qu'on s'occupe peu de soi quand on cause avec les autres. Argot du peuple. PARLER CHRÉTIEN, v. n. Parler nettement, clairement, de façon que personne ne s'y trompe. PARLER EN BAS-RELIEF, v. n. A voix basse, entre ses dents. Argot des artistes. PARLER LANDSMAN, v. n. Parler la langue allemande,--dans l'argot des ouvriers. PARLER PAPIER, v. n. Écrire,--dans l'argot des troupiers. PARLER ZE-ZE, v. n. Bléser, substituer une consonne faible à une consonne forte, ou l'_s_ au _g_, ou le _z_ à l'_s_. Argot du peuple. PARLOIR DES SINGES, s. m. Parloir où les prisonniers sont séparés des visiteurs par un double grillage. Argot des voleurs. PARLOTTE, s. f. Lieu où l'on fait des commérages, que ce soit la Chambre des députés ou le Café Bouvet; tel foyer de théâtre ou telle loge de danseuse. Plus spécialement l'endroit où se réunissent les avocats. PARLOTTER, v. n. Bavarder. PARLOTTERIE, s. f. Abondance de paroles avec une pénurie d'idées. L'expression est d'Honoré de Balzac. PARLOTTEUR, s. m. Bavard. PARMESARD, s. m. Pauvre diable à l'habit râpé comme _parmesan_,--dans l'argot facétieux des faubouriens. PAROISSIEN, s. m. Individu suspect,--dans l'argot du peuple. _Drôle de paroissien._ Homme singulier, original, qui ne vit pas comme tout le monde. PAROISSIEN DE SAINT PIERRE AUX BOEUFS, s. m. Imbécile,--dans l'argot du peuple, qui sait que ce saint est le _patron des grosses bêtes_. PARON, s. m. Palier de maison, _carré_,--dans l'argot facétieux des voleurs. PAROXISTE, s. m. Écrivain qui, comme Alexandre Dumas, Eugène Sue, Paul Féval et Ponson du Terrail, recule les limites de l'invraisemblance et de l'extravagance dans le roman. Le mot est de Charles Monselet. PARQUE (La). La Mort,--dans l'argot des académiciens. PARRAIN, s. m. Avocat d'office,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Témoin. _Parrain fargueur._ Témoin à charge. _Parrain d'altéque._ Témoin à décharge. PARTAGEUSE, s. f. Femme entretenue qui a l'habitude de prendre la moitié de la fortune des hommes,--quand elle ne la leur prend pas tout entière. Argot des gens de lettres. L'expression date de 1848, et elle appartient à Gavarni. PARTAGEUX, s. m. Républicain,--dans l'argot des paysans de la banlieue. PARTI (Être). Être gris, parce qu'alors la raison s'en va avec les bouchons des bouteilles vidées. Argot des bourgeois. On dit aussi _Être parti pour la gloire_. PARTICULIER, s. m. Bourgeois,--dans l'argot des troupiers. PARTICULIER, s. m. Individu quelconque,--dans l'argot du peuple, qui prend ordinairement ce mot en mauvaise part. PARTICULIÈRE, s. f. Maîtresse, _bonne amie_,--dans l'argot des troupiers. D'après Laveaux, cette expression remonterait aux bergers du Lignon, c'est-à-dire au XVIIe siècle. «On lit à chaque instant dans l'_Astrée_: _Particulariser une dame_, _en faire sa particulière dame_, pour lui adresser des hommages. Ces locutions ont sans doute été transmises par le _Secrétaire des Amants_ à nos soldats, qui n'ont fait que les abréger.» PARTIE, s. f. Aimable débauche de vin ou de femmes. _Partie carrée._ Partie de plaisir à quatre, deux hommes et deux femmes. _Partie fine._ Rendez-vous amoureux dans un cabinet particulier. _Être en partie fine._ Être avec une dame n'importe où. PARTIE, s. f. Pièce montée où chacun paie son rôle,--dans l'argot des acteurs amateurs. C'est une sorte de pique-nique théâtral. _Monter une partie._ Monter une pièce destinée à être jouée sur un théâtre de campagne. PARTIE DE TRAVERSIN (Faire une). Dormir à deux,--dans l'argot des faubouriens. Les Anglais ont une expression analogue: _To read a curtain lecture_ (faire un cours de rideaux), disent-ils. PARTIES CHARNUES (Les). Les _nates_,--dans l'argot des bourgeois. PARTIR DU PIED DROIT. Bien commencer une affaire, l'engager gaiement et résolument. Argot du peuple. Quand on veut décider quelqu'un on dit: «Allons, partons du pied droit!» C'est un ressouvenir des superstitions païennes. Quand Encolpe et Ascylte se disposent à entrer dans la salle du banquet, un des nombreux esclaves de Trimalcion leur crie: _Dextro pede! Dextro pede!_ PASCAILLER, v. n. Prendre le tour de quelqu'un, lui enlever un avantage, le supplanter. Argot des voleurs. PAS DE ÇA, LISETTE! Formule de refus ou de négation,--dans l'argot du peuple, qui connaît son Béranger. PAS GRAND'CHOSE, s. m. Fainéant; homme sans moralité et sans courage, _vaurien_. PAS GRAND'CHOSE, s. f. Drôlesse, bastringueuse, _vaurienne_. PAS MÉCHANT, adj. Laid, pauvre, sans la moindre valeur,--dans l'argot des faubouriens et des filles, qui emploient cette expression à propos des gens comme à propos des choses. Ainsi, un chapeau qui n'est pas méchant est un chapeau ridicule--parce qu'il est passé de mode; un livre qui n'est pas méchant est un livre ennuyeux,--parce qu'il ne parle pas assez de Cocottes et de Cocodès, etc. PASSADE, s. f. Feu de paille amoureux,--dans l'argot des bourgeois. PASSADE, s. f. Action de passer sur la tête d'un autre nageur en le faisant plonger ainsi malgré lui. Argot des écoles de natation. _Donner une passade._ Forcer quelqu'un à plonger en lui passant sur la tête. PASSADE, s. f. Jeu de scène qui fait changer de place les acteurs,--dans l'argot des coulisses. _Régler une passade._ Indiquer le moment où les personnages doivent se ranger dans un nouvel ordre,--le numéro un se trouvant à la gauche du public. PASSE, s. f. Guillotine,--dans l'argot des voleurs. _Être gerbé à la passe._ Être condamné à mort. PASSE, s. f. Situation bonne ou mauvaise,--dans l'argot du peuple. PASSE, s. f. «Echange de deux fantaisies», dont l'une intéressée. Argot des filles. _Maison de passe._ Prostibulum d'un numéro moins gros que les autres. M. Béraud en parle à propos de la _fille à parties_: «Si elle se fait suivre, dit-il, par sa tournure élégante ou par un coup d'œil furtif, on la voit suivant son chemin, les yeux baissés, le maintien modeste; rien ne décèle sa vie déréglée. Elle s'arrête à la porte d'une maison ordinairement de belle apparence; là elle attend son monsieur, elle s'explique ouvertement avec lui, et, s'il entre dans ses vues, il est introduit dans un appartement élégant ou même riche, où l'on ne rencontre ordinairement que la dame de la maison». _Faire une passe._ Amener un noble inconnu dans cette maison «de belle apparence». PASSÉ AU BAIN DE RÉGLISSE (Être). Appartenir à la race nègre,--dans l'argot des faubouriens. PASSE-CARREAU, s. m. Outil de bois sur lequel on repasse les coutures des manches. Argot des tailleurs. PASSE-CRIC, s. m. Passeport,--dans l'argot des voleurs. PASSE-LACET, s. m. Fille d'Opéra, ou d'ailleurs,--dans l'argot des libertins d'autrefois, qui est encore celui des libertins d'aujourd'hui. PASSE-LANCE, s. m. Bateau,--dans l'argot des voleurs. PASSEPORT JAUNE, s. m. Papiers d'identité qu'on délivre aux forçats à leur sortie du bagne. PASSER, v. n. Mourir,--dans l'argot des bourgeois. PASSER AU BLEU, v. a. Supprimer, vendre, effacer; manger son bien. Argot des faubouriens. On disait, il y a cinquante ans: _Passer_ ou _Aller au safran_. Nous changeons de couleurs, mais nous ne changeons pas de mœurs. PASSER AU DIXIÈME, v. n. Devenir fou,--dans l'argot des officiers d'artillerie. PASSER DE BELLE (Se). Ne pas recevoir sa part d'une affaire,--dans l'argot des voleurs. PASSER DEVANT LA GLACE, v. n. Payer,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que, même dans leurs cafés populaciers, le comptoir est ordinairement orné d'une glace devant laquelle on est forcé de stationner quelques instants. PASSER DEVANT LA MAIRIE, v. n. Se marier sans l'assistance du maire et du curé,--dans l'argot du peuple. PASSER LA JAMBE, v. a. Donner un croc-en-jambe. PASSER LA JAMBE A THOMAS, v. n. Vider le baquet-latrine de la chambrée,--dans l'argot des soldats et des prisonniers. PASSER LA MAIN SUR LE DOS DE QUELQU'UN, v. a. Le flatter, lui dire des choses qu'on sait devoir lui être agréables. Argot du peuple. On dit aussi _Passer la main sur le ventre_. PASSER L'ARME A GAUCHE, v. a. Mourir,--dans l'argot des troupiers et du peuple. On dit aussi _Défiler la parade_. PASSER LA RAMPE (Ne point). Se dit--dans l'argot des coulisses--de toute pièce ou de tout comédien, littéraire l'une, consciencieux l'autre, qui ne plaisent point au public, qui ne le passionnent pas. PASSÉ-SINGE, s. m. Roué, _roublard_,--dans l'argot des voleurs. PASSEUR, s. m. Individu qui _passe_ les examens de bachelier à la place des jeunes gens riches qui dédaignent de les passer eux-mêmes,--parce qu'ils en sont incapables. PAS SI CHER! Exclamation de l'argot des voleurs, pour qui c'est un signal signifiant: «Parlez plus bas» ou: «Taisez-vous.» PASSIFLEUR, s. m. Cordonnier,--dans le même argot. PASSIFS, s. m. pl. Souliers d'occasion,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. Le mot est expressif: des souliers qui ont longtemps servi ont naturellement pâti, souffert,--_passifs_, _passivus_, passif. On dit aussi _Passifles_. PAS TANT DE BEURRE POUR FAIRE UN QUARTERON! Phrase populaire par laquelle on coupe court aux explications longues mais peu probantes, aux raisons nombreuses mais insuffisantes. Elle appartient à Cyrano de Bergerac, qui l'a mise dans la bouche de Mathieu Gareau, du _Pédant joué_. PASTIQUER, v. a. Passer,--dans l'argot des voleurs. _Pastiquer la maltouze._ Faire la contrebande. PATAFIOLER, v. a. Confondre,--dans l'argot du peuple. Ce verbe ne s'emploie ordinairement que comme malédiction bénigne, à la troisième personne de l'indicatif:--«Que le bon Dieu vous patafiole!» PATAGUEULE, s. m. Homme compassé, oui _fait sa tête_ et surtout _sa gueule_,--dans l'argot des sculpteurs sur bois. PATAPOUF, s. m. Homme et quelquefois Enfant bouffi, épais, lourdaud. On dit aussi _Gros Patapouf_ mais c'est un pléonasme inutile. PATAQUÈS, s. m. Faute de français grossière, liaison dangereuse,--dans l'argot des bourgeois, qui voudraient bien passer pour des puristes. PATARASSES, s. f. pl. Tampons que les forçats glissent entre leur anneau de fer et leur chair, afin d'amortir la pesanteur de la manicle sur les chevilles et le cou-de-pied. PATARD, s. m. Pièce de monnaie, gros sou,--dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas qu'ils emploient là une expression du temps de François Villon: «Item à maistre Jehan Cotard Auquel doy encore un patard... A ceste heure je m'en advise.» (_Le Grand-Testament._) PATAUD, s. et adj. Lourdaud, grossier, niais,--dans l'argot du peuple. PATAUGER, v. n. Ne pas savoir ce qu'on fait ni ce qu'on dit. PATE, s. m. Apocope de _patron_,--dans l'argot des graveurs sur bois. PATÉ, s. m. Tache d'encre sur le papier,--dans l'argot des écoliers, qui sont de bien _sales pâtissiers_. On dit aussi _Barbeau_. PATÉ, s. m. Mélange des caractères d'une ou plusieurs pages qui ont été renversées,--dans l'argot des typographes. _Faire du pâté_, c'est distribuer ou remettre en casse ces lettres tombées. PATÉ D'ERMITE, s. m. Noix,--dans l'argot du peuple, qui sait que les anachorètes passaient leur vie à mourir de faim. PATÉE, s. f. Nourriture,--dans l'argot des faubouriens. _Prendre sa pâtée._ Déjeuner ou dîner. PATÉE, s. f. Correction vigoureuse et même brutale. _Recevoir une pâtée._ Être battu. PATE FERME, s. f. Article sans alinéas,--dans l'argot des journalistes. PATENTE, s. f. Casquette,--dans l'argot des faubouriens, qui ont traduit à leur façon le _patent_ qui se trouve sur tous les produits anglais, chapeaux, manteaux, etc. PATIENCE, s. f. Jeu de cartes,--ou plutôt série de jeux de cartes, car il y a une trentaine de jeux de patience: _la Loi salique_, _la Blocade_, _la Nivernaise_, _la Gerbe_, _le Crapaud_, _la Poussette_, _la belle Lucie_, etc., etc. PATINER, v. a. et v. n. Promener indiscrètement les mains sur la robe d'une femme pour s'assurer que l'étoffe de dessous en est aussi moelleuse que celle du dessus. Argot du peuple. PATINEUR, adj. et s. Homme qui aime à patiner les femmes. PATIRAS, s. m. Souffre-douleur de l'atelier. Les gens distingués disent _Patito_, comme à Florence. PATOCHE. s. f. Férule,--dans l'argot des enfants, dont les _mains_ en conservent longtemps le souvenir. PATOCHES, s. f. pl. Mains. PATOUILLER, v. a. Manier, peloter. Argot du peuple. PATOUILLER, v. n. Barboter, patauger. On dit aussi _Patrouiller_. Ce verbe est dans Rabelais. PATOUILLEUR, s. m. _Peloteur_. PATRAQUE, s. f. Vieille montre qui marche mal; machine usée, sans valeur. PATRAQUE, adj. Malade ou d'une santé faible, dans l'argot des bourgeois. PATRES (Ad), adv. Au diable,--dans l'argot du peuple, qui se soucie peu de ses «pères.» _Envoyer ad patres._ Tuer. _Aller ad patres._ Mourir. PATRIE, s. f. Commode,--dans l'argot des bohèmes, qui serrent leurs hardes dans les grands journaux comme _la Patrie_, _le Siècle_, etc., leurs seuls meubles souvent. PATRON-MINETTE (Dès), adv. Dès l'aube,--dans l'argot du peuple. PATRON-MINETTE, s. f. Association de malfaiteurs, célèbre il y a une trentaine d'années, à Paris comme la _Camorra_, à Naples. PATROUILLE (Être en). Courir les cabarets, ne pas rentrer coucher chez soi. Argot du peuple. PATROUILLER, v. a. et n. _Peloter_. PATROUILLER, v. n. Faire patrouille,--dans l'argot des bourgeois, soldats-citoyens. PATTE, s. f. Main,--dans l'argot des faubouriens. Le coup de _patte_, au figuré, est plutôt un coup de langue. PATTE, s. f. Grande habileté de _main_,--dans l'argot des artistes. _Avoir de la patte._ Faire des tours de force de dessin et de couleur. PATTE-D'OIE, s. f. Les trois rides du coin de l'œil, qui trahissent ou l'âge ou une fatigue précoce. Argot du peuple. PATTE-D'OIE, s. f. Carrefour,--dans l'argot du peuple et des paysans des environs de Paris. PATTE-MOUILLÉE, s. f. Vieux chiffon imprégné d'eau, qui, à l'aide d'un carreau chaud, sert à enlever les marques du lustre sur le drap. Expression de l'argot des tailleurs. PATTES, s. f. pl. Jambes,--dans l'argot des faubouriens. _Fournir des pattes._ S'en aller, s'enfuir. On dit aussi _Se payer une paire de pattes_, et _Se tirer les pattes_. PATTES, s. f. pl. Pieds,--dans l'argot des bourgeois. PATTES (A), adv. Pédestrement. PATTES DE MOUCHE, s. f. pl. Lettre de femme ou grimoire d'avocat. Argot du peuple. PATINER (Se). Se sauver, _Jouer des pattes_,--dans l'argot des faubouriens. PATTU, adj. Épais, lourd,--dans l'argot du peuple. PATURER, v. n. Manger,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Prendre sa pâture_. PATURONS, s. m. pl. Les pieds,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela au moins depuis Vadé: «A cet ensemble on peut connoître L'élégant et le petit-maître Du Pont-aux-Choux, des Porcherons, Où l'on roule ses paturons.» _Jouer des paturons._ Se sauver. PATUROT, s. m. Bonnetier, homme crédule,--dans l'argot des gens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir du roman de Louis Reybaud. PAUME, s. f. Perte, échec quelconque,--dans l'argot des faubouriens. _Faire une paume._ Faire un pas de clerc. PAUMER, v. a. Perdre,--dans l'argot des voleurs. _Paumer la sorbonne._ Devenir fou, perdre la tête. PAUMER, v. a. Empoigner, prendre--avec la _paume_ de la main. S'emploie au propre et au figuré. _Être paumé._ Être arrêté. _Être paumé marron._ Être pris en flagrant délit de tricherie, de vol ou de meurtre. PAUVRARD, e, adj. et s. Excessivement pauvre. PAVÉ, s. m. Bonne intention malheureuse, comme celle de l'ours de la Fontaine. _Réclame-pavé._ Eloge ridicule à force d'hyperboles, qu'un ami,--ou un ennemi,--fait insérer à votre adresse dans un journal. PAVÉ, adj. Insensible,--dans l'argot du peuple. _Avoir le gosier pavé._ Manger très chaud ou boire les liqueurs les plus fortes sans sourciller. PAVÉ MOSAÏQUE, s. m. Le sol de la salle des réunions,--dans l'argot des francs-maçons. PAVILLON, s. et adj. Fou,--dans l'argot des faubouriens. PAVILLONNER, v. n. Avoir des idées flottantes; déraisonner. On dit aussi _Être pavillon_. PAVOIS, adj. et s. En état d'ivresse. _Être pavois._ Être gris, déraisonner à faire croire que l'on est gris. PAVOISER (Se). S'endimancher. Argot des marins. _S'endimancher_, pour les faubouriens, a un double sens: il signifie d'abord mettre ses habits les plus propres; ensuite s'amuser, c'est-à-dire boire, comme ils en ont l'habitude à la fin de chaque semaine. PAYER (Se), v. réfl. S'offrir, se donner, se procurer,--dans l'argot des petites dames et des faubouriens. _Se payer un homme._ Avoir un caprice pour lui. _Se payer une bosse de plaisir._ S'amuser beaucoup. PAYER BOUTEILLE. Offrir à boire chez le marchand de vin. Argot des ouvriers. PAYER LA GOUTTE (Faire), Siffler,--dans l'argot des coulisses. PAYER UNE COURSE (Se). Courir,--dans l'argot des faubouriens. PAYOT, s. m. Forçat chargé d'une certaine comptabilité. PAYS, s. m. Compagnon,--dans l'argot des ouvriers. PAYS, s. m. Compatriote,--dans l'argot des soldats. PAYS-BAS, s. m. pl. Les possessions de messire Luc,--métropole et colonies. PAYS BRÉDA. Le quartier Bréda, une des Cythères parisiennes. Argot des gens de lettres. PAYS DES MARMOTTES (Le). La terre,--dans l'argot du peuple. _S'en aller dans le pays des marmottes._ Mourir. On dit aussi le _Royaume des taupes_. PAYSE, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des soldats, qui sont volontiers du même pays que la bonne d'enfants qu'ils courtisent. PAYS LATIN. Le quartier des Ecoles, _genus latinum_. On dit plutôt le _Quartier latin_. PEAU, s. f. Fille ou femme de très mauvaise vie,--dans l'argot des faubouriens. C'est le jeu de mots latins: _pellex et pellis_. On dit aussi _Peau de chien_. PEAU D'ANE, s. f. Tambour,--dans l'argot des troupiers, qui ne savent pas que cet instrument de percussion est plus souvent recouvert d'une peau de chèvre ou de veau. _Faire chanter_ ou _ronfler la peau d'âne_. Battre le rappel,--dans l'argot du peuple, à qui cette chanson cause toujours des frissons de plaisir. PÊCHE A QUINZE SOUS, s. f. Lorette de premier choix,--dans l'argot des gens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir du _demi-Monde_ d'Alexandre Dumas fils. PÊCHER UNE FRITURE DANS LE STYX. Être mort,--dans l'argot des faubouriens qui ont lu M. de Chompré. _Aller pêcher une friture dans le Styx._ Mourir. PÉCUNE, s. f. Argent,--dans l'argot du peuple, fidèle à l'étymologie (_pecunia_) et à la tradition: «Repoignet-om nostre tresor el champ, et nostre pecune allucet-om el sachet.» (_Sermons_ de saint Bernard.) PÉDÉ, s. m. Apocope de _Pédéraste_,--dans l'argot des voyous, imitateurs inconscients de ces grammairiens toulousains du VIe siècle, qui disaient tantôt _ple_ pour _plenus_, tantôt _ur_ pour _nominatur_. PÉDÉRO, s. f. Non conformiste,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent quelquefois aussi, facétieusement, _Don Pédéro_. PÉGOCE, s. m. Pou,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Puce d'hôpital_. PÉGRAINE, s. f. Faim,--dans l'argot des vagabonds et des voleurs. A proprement parler, cela signifie, non qu'on n'a rien du tout à manger, mais bien qu'on n'a pas trop de quoi,--une nuance importante. _Caner la pégraine._ Mourir de faim. PÈGRE, s. m. Voleur. Ce mot est fils du précédent, comme le vice est fils de la misère--et surtout de la fainéantise (_pigritia_,--_piger_). _Pègre à marteau._ Voleur de petits objets ou d'objets de peu de valeur. PÈGRE, s. f. Le monde des voleurs. _Haute pègre._ Voleurs de haute futaie, bien mis et reçus presque partout. _Basse pègre._ Petits voleurs en blouse, qui n'exercent que sur une petite échelle et qui ne sont reçus nulle part--qu'aux Madelonnettes ou à la Roquette. PÉGRER, v. n. Voler. Signifie aussi: Être misérable, souffrir. PÉGRIOT, s. m. Apprenti voleur, ou qui vole des objets de peu de valeur. PEIGNE, s. m. Clé,--dans l'argot des voleurs. PEIGNE-CUL, s. m. Fainéant, traîne-braies,--dans l'argot du peuple. PEIGNE DES ALLEMANDS, s. m. Les cinq doigts. PEIGNÉE, s. f. Coups échangés,--dans l'argot des faubouriens, qui se prennent souvent aux _cheveux_. On dit aussi _Coup de peigne_. _Se foutre une peignée._ Se battre. PEIGNER (Se), v. réfl. Se battre. C'est le verbe _to pheese_ des Anglais. On dit aussi _Se repasser une peignée_. PEINARD, s. m. Vieillard; homme souffreteux, usé par l'âge ou les chagrins,--dans l'argot du peuple. PEINDRE EN PLEINE PATE, v. a. Peindre à pleines couleurs,--dans l'argot des artistes. PEINTRE, s. m. Balayeur,--dans l'argot des troupiers. PEINTURLURE, s. f. Mauvaise peinture,--dans l'argot du peuple. PEINTURLURER, v. a. et n. Barbouiller une toile sous prétexte de peindre. PEINTURLURER (Se). _Se maquiller._ PEINTURLUREUR, s. m. Barbouilleur, mauvais peintre. PÉKIN, s. m. Bourgeois,--dans l'argot des troupiers, qui ont le plus profond mépris pour tout ce qui ne porte pas l'uniforme. On écrit aussi _Péquin_. PÉLAGO, n. de l. La prison de Sainte-Pélagie,--dans l'argot des voleurs. PELARD, s. m. Foin,--dans le même argot. PELARDE, s. f. Faulx. PELÉ, s. m. Sentier battu. PELOTE, s. f. Gain plus ou moins licite,--dans l'argot du peuple. _Faire sa pelote._ Amasser de l'argent. PELOTER, v. a. Manquer de respect à une femme honnête en se livrant de la main, sur sa personne, aux mêmes investigations que Tartufe sur la personne d'Elmire. Par extension, Amadouer par promesses quelqu'un dont on attend quelque chose. PELOTER (Se), v. réfl. Se disputer et même se battre,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Peloter avec quelqu'un_. PELOTER SA BUCHE, v. a. Travailler avec soin, avec goût, avec amour du métier. Argot des tailleurs. PELOTEUR, adj. et s. Homme qui aime à flatter les femmes--de la main. PELURE, s. f. Habit ou redingote,--dans l'argot des faubouriens. PENDANTES, s. f. pl. Boucles d'oreilles,--dans l'argot des voleurs. PENDRE AU NEZ. Se dit--dans l'argot du peuple--à propos de tout accident, heureux ou malheureux, coups ou million, dont on est menacé. On a dit autrefois _Pendre aux oreilles_. (V. _le Tempérament_, 1755.) PENDU GLACÉ, s. m. Réverbère. Argot des voleurs. PENDULE A PLUMES, s. f. Coq,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont lu _la Vie de Bohème_. PENTE (Avoir une), v. a. Être gris ou commencer à se griser,--dans l'argot des faubouriens. PÉPÉE, s. f. Poupée,--dans l'argot des enfants. PÉPÈTE, s. f. Pièce d'un sou,--dans l'argot des ouvriers; de cinquante centimes,--dans l'argot des voleurs; d'un franc,--dans l'argot des filles. PÉPIE (Avoir la). Avoir soif,--maladie des oiseaux, état normal des ivrognes. _Mourir de la pépie._ Avoir extrêmement soif. PÉPIN, s. m. Vieux parapluie,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Rifflard_. PÉPIN, s. m. Enfant--dans l'argot des fantaisistes qui ont lu Shakespeare (_Conte d'Hiver_). De l'enfant-pépin sort en effet l'homme-arbre. PERCER D'UN AUTRE (En). Raconter une autre histoire; faire une plaisanterie d'un meilleur _tonneau_. PERCHER, v. n. Habiter, loger au hasard,--dans l'argot des bohèmes, qui changent souvent de _perchoir_, et qui devraient bien changer plus souvent de chemise. PERDRE LE GOUT DU PAIN. Mourir,--dans l'argot du peuple. _Faire perdre à quelqu'un le goût du pain._ Le tuer. PERDRE LE NORD, v. a. Se troubler; s'égarer; dire des sottises ou des folies,--dans l'argot du peuple, qui n'a pas inventé pour rien le mot _boussole_. Autrefois on disait _Perdre la tramontane_, ce qui était exactement la même chose, _tramontane_ étant une corruption de _transmontane_ (_transmontanus_, ultramontain, au delà des monts, d'où nous vient la lumière). PERDRE SES BAS. Ne plus savoir ce que l'on fait, par distraction naturelle ou par suite d'une préoccupation grave. PERDRE SON BATON. Mourir,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela probablement par allusion au bâton, ressource unique des aveugles pour marcher droit. PERDRE UN QUART, v. a. Aller au convoi d'un camarade,--dans l'argot des tailleurs, qui, pendant qu'ils y sont, perdent bien toute la journée. PERDU (L'avoir). N'avoir plus le droit de porter à son corsage le bouquet de fleurs d'oranger symbolique. Argot des bourgeois. On dit de même, en parlant d'une jeune fille vierge: _Elle l'a encore_. Je n'ai pas besoin d'ajouter que, dans l'un comme dans l'autre cas, il s'agit de Pucelage. PERDU SON BATON (Avoir). Être de mauvaise humeur,--dans l'argot des coulisses. L'expression date d'Arnal et du _Sergent Mathieu_, sa pièce de début au théâtre du Vaudeville. Il s'était choisi, pour jouer son rôle, un bâton avec lequel il avait répété et auquel il paraissait tenir beaucoup. Malheureusement, le jour de la première représentation, au moment où il allait entrer en scène, impossible de retrouver le bâton magique! Arnal est furieux et surtout troublé; il entre en scène, il joue, mais sans verve,--et l'on siffle! PÈRE AUX ÉCUS, s. m. Homme riche,--dans l'argot du peuple. PÈRE FAUTEUIL, s. m. Le cimetière du Père _Lachaise_,--dans l'argot facétieux des marbriers. PÈRE FRAPPART, s. m. Marteau,--dans l'argot du peuple. PÈRE LA TUILE (Le). Dieu,--dans l'argot des faubouriens, qui ne sont pas plus irrévérencieux que les peintres qui l'appellent le _Père Eternel_. PÈRE LA VIOLETTE (Le). L'empereur Napoléon Ier,--dans l'argot des bonapartistes, qui disaient cela sous la Restauration, à l'époque où mademoiselle Mars était forcée d'arracher une guirlande de violettes qu'elle avait fait coudre à sa robe dans une pièce nouvelle. PÉRITORSE, s. m. Paletot ou redingote,--dans l'argot des étudiants, qui, frais émoulus du collège, n'ont pas de peine à parler grec. PERLER, v. a. Travailler avec soin, avec minutie,--dans l'argot des bourgeois. _Perler sa conversation._ N'employer, en parlant, que des expressions choisies--et prétentieuses. PERLOTTE, s. f. Boutonnière,--dans l'argot des tailleurs, qui _perlent_ ordinairement cette partie des vêtements. PERMISSION DE DIX HEURES, s. f. Pardessus de femme, à capuchon, taillé sur le patron du manteau des zouaves, et fort à la mode il y a vingt-ans. PÉROU (Ce n'est pas le). Expression de l'argot du peuple, qui l'emploie ironiquement à propos d'une chose qui ne lui paraît pas difficile à faire, ou qu'on lui vante trop. Se dit aussi à propos d'une affaire qui ne paraît pas destinée à rapporter de gros bénéfices. PERPÈTE, s. f. Apocope de _Perpétuité_,--dans l'argot des forçats. PERROQUET, s. m. Homme qui ne sait que ce qu'il a appris par cœur. Argot du peuple. PERROQUET, s. m. Verre d'absinthe,--dans l'argot des troupiers et des rapins, qui font ainsi allusion à la couleur de cette boisson, que l'on devrait prononcer à l'allemande: _poison_. _Étouffer un perroquet._ Boire un verre d'absinthe. L'expression a été employée pour la première fois en littérature par Charles Monselet. PERROQUET DE SAVETIER, s. m. Le merle,--dans l'argot des faubouriens. On le dit quelquefois aussi de la Pie. PERRUQUE, s. f. Cheveux en broussailles, mal peignés,--dans l'argot des bourgeois, ennemis des coiffures romantiques. PERRUQUE, s. f. Détournement de matériaux appartenant à l'Etat,--dans l'argot des invalides, souvent commis à leur garde. _Faire une perruque._ Vendre ces matériaux. PERRUQUE, adj. et s. Vieux, suranné, classique,--dans l'argot des romantiques, qui avaient en horreur tout le siècle de Louis XIV. _Le parti des perruques._ L'École classique,--qu'on appelle aussi l'École du Bon Sens. PERRUQUEMAR, s. m. Coiffeur,--dans l'argot des faubouriens. PERRUQUER (Se). Porter de faux cheveux pour faire croire qu'on en a beaucoup. Argot du peuple. Du temps de Tabourot, on disait _une perruquée_ en parlant d'une Coquette à la mode qui ajoutait de faux cheveux à ses cheveux naturels,--comme faisaient les coquettes du temps de Martial, comme font les femmes de notre temps. D'où vient cette épigramme du seigneur des Accords: «Janneton ordinairement Achepte ses cheveux, et jure Qu'ils sont à elle entièrement: Est-elle à vostre advis perjure?» Vous devinez la réponse: Non, elle n'est point «perjure» parce que ce que nous achetons est nôtre. PERSIENNES, s. f. pl. Lunettes,--dans l'argot des voyous. PERSIL DANS LES PIEDS (Avoir du). Se dit d'une femme qui a les pieds sales--à force d'avoir marché. PERSILLER, v. n. Raccrocher,--dans l'argot des souteneurs de filles. On dit aussi _Aller au persil_ et _Travailler dans le persil_. Francisque Michel, qui se donne tant de peine pour retrouver les parchemins de mots souvent modernes qu'il ne craint pas, malgré cela, de faire monter dans les carrosses du roi, reste muet à propos de celui-ci, pourtant digne de sa sollicitude. Il ne donne que _Pesciller_, prendre. En l'absence de tout renseignement officiel, me sera-t-il permis d'insinuer que le verbe _Persiller_ pourrait bien venir de l'habitude qu'ont les filles d'exercer leur déplorable industrie dans les lieux déserts, dans les terrains vagues--où pousse le persil? PERSILLEUSE, s. f. Femme publique. Se dit aussi du Jeune homme qui joue le rôle de Giton auprès des Encolpes de bas étage. PERTUIS AUX LÉGUMES, s. m. La gorge,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. D'où: _Faire tour-mort et demi-clef sur le pertuis aux légumes_, pour: Etrangler quelqu'un. PESCILLER D'ESBROUFFE, Prendre de force, d'autorité--dans l'argot des voleurs. PÈSE ou PÈZE, s. f. Résultat d'une collecte faite entre voleurs libres au profit d'un voleur prisonnier; résultat _pesant_. PESSIGUER, v. a. Ouvrir, soulever,--dans l'argot des voleurs. _Pessiguer une lourde._ Ouvrir une porte. PET, s. m. Incongruité sonore, jadis honorée des Romains sous le nom de _Deus Crepitus_, ou dieu frère de _Stercutius_, le dieu merderet. _Glorieux comme un pet._ Extrêmement vaniteux. _Lâcher quelqu'un comme un pet._ L'abandonner, le quitter précipitamment. PET, s. m. Embarras, manières. _Faire le pet._ Faire l'insolent; s'impatienter, _gronder_. _Il n'y a pas de pet._ Il n'y a rien à faire là dedans; ou: Il n'y a pas de mal, de danger. PÉTARADE, s. f. Longue suite de sacrifices au dieu Crépitus,--dans l'argot des faubouriens, amis des joyeusetés scatologiques, et grands amateurs de _ventriloquie_. PÉTARD, s. m. Derrière de l'homme ou de la femme. Se dit aussi pour Coup de pied appliqué au derrière. PÉTARD, s. m. Bruit, esclandre. «N'bats pas l'quart, Crains l' pétard, J'suis Bertrand l'pochard!» dit une chanson populaire. PÉTARDS, s. m. pl. Haricots. PÉTASE, s. m. Chapeau ridicule,--dans l'argot des romantiques, qui connaissent leur latin (_petasus_). Employé pour la première fois en littérature par Bonnardot (_Perruque et Noblesse_, 1837). PÉTAUDIÈRE, s. f. Endroit tumultueux, où l'on crie tellement qu'il est impossible de s'entendre,--dans l'argot des bourgeois, qui connaissent de réputation la cour du roi Pétaud. PET A VINGT ONGLES, s. m. Enfant nouveau-né,--dans l'argot du peuple. _Faire un pet à vingt ongles._ Accoucher. PÉTER, v. n. Se plaindre à la justice. Argot des voleurs. PÉTER DANS LA MAIN, v. n. Être plus familier qu'il ne convient. Argot du peuple. Signifie aussi: Manquer de parole; faire défaut au moment nécessaire. PÉTER PLUS HAUT QUE LE CUL, v. n. Faire le glorieux; entreprendre une chose au-dessus de ses forces ou de ses moyens; avoir un train de maison exagéré, ruineux. _Faire le pet plus haut que le cul_, c'est ce que Henry Monnier, par un euphémisme très clair, appelle _Sauter plus haut que les jambes_. PÉTER SON LOF, v. n. Mourir,--dans l'argot des marins, pour qui c'est changer de lof, c'est-à-dire naviguer sur un autre bord. Ils disent aussi _Virer de bord_. PÉTER SUR LE MASTIC, v. n. Renoncer à travailler; envoyer promener quelqu'un. Argot des faubouriens. PÈTE-SEC, s. m. Patron sévère, chef rigide, qui gronde toujours et ne rit jamais. PÉTEUR, adj. et s. Homme qui se plaît à faire de fréquents sacrifices au dieu Crépitus. PÉTEUX, s. m. Messire Luc, l'éternelle cible aux coups de pied. PÉTEUX, s. m. Homme honteux, timide, sans énergie. PETIT, s. m. Enfant,--dans l'argot du peuple, qui ne fait aucune différence entre la portée d'une chienne et celle d'une femme. PETIT BLANC, s. m. Vin blanc. PETIT BONHOMME D'UN SOU, s. m. Jeune soldat. PETIT BORDEAUX, s. m. Cigare de cinq centimes, de la manufacture de Tonneins. Argot du peuple. PETIT BORDEAUX, s. m. Petit verre de vin de Bordeaux. PETIT CAMARADE, s. m. Confrère malveillant, débineur,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression aux acteurs. Pour la rendre plus ironique, on dit: _Bon petit camarade_. PETIT CAPORAL, n. d'h. Napoléon,--dans l'argot des vieux troupiers. Ils disaient encore: _l'Autre_, _le Petit Tondu_ et _le Père la Violette_. PETIT COCHON, s. m. Dame qu'on n'a pu rentrer assez vite et qui se trouve bloquée dans le camp de l'adversaire. Argot des joueurs de jacquet. _Engraisser des petits cochons._ Avoir plusieurs dames bloquées. PETITE BIÈRE (Ce n'est pas de la)! Expression de l'argot du peuple qui l'emploie le plus souvent avec ironie, en parlant de choses d'importance ou qu'on veut faire passer pour importantes. PETITE CHATTE, s. f. Drôlesse qui joue avec le cœur des hommes comme une véritable chatte avec une véritable souris,--dans l'argot de M. Henri de Kock, romancier, élève et successeur de son père. PETITE DAME, s. f. Fille ou femme, grande ou petite, qui depuis plus ou moins de temps, a jeté son bonnet par-dessus les moulins et sa pudeur par-dessus son bonnet et qui fait métier et marchandise de l'amour. PETITE FILLE, s. f. Bouteille. Argot des faubouriens. PETIT LAIT, s. m. Chose de peu d'importance; vin faible,--dans l'argot des bourgeois. PETIT MANTEAU BLEU, s. m. Homme bienfaisant,--dans l'argot du peuple, qui a ainsi consacré le souvenir des soupes économiques de M. Champion. PETIT MONDE, s. m. Les membres de la famille, femme et enfants. Se dit aussi à propos d'une Maîtresse. PETIT MONDE, s. m. Lentille,--dans l'argot des voleurs. PETIT NOM, s. m. Prénom, nom patronymique,--dans l'argot du peuple, et spécialement celui des petites dames. C'est le _short name_ des biches anglaises. PETIT-NOMMER, v. a. Appeler quelqu'un par son petit nom. PETIT PÈRE NOIR, s. m. Broc de vin rouge,--dans l'argot des faubouriens. _Petit père noir de quatre ans._ Broc de quatre litres. PETITS PAINS (Faire des). Faire l'aimable, le gentil, afin de se rabibocher. Argot des coulisses. PETIT TONDU (Le). L'empereur Napoléon Ier,--dans l'argot des invalides. PÉTONS, s. m. pl. Pieds,--dans l'argot des enfants, des mères et des amoureux. PÉTRA, s. m. Paysan, homme grossier,--dans l'argot des bourgeois. PÉTRIN, s. m. Embarras, position fausse; misère,--dans l'argot du peuple, qui _geint_ alors. _Être dans le pétrin jusqu'au cou._ Être dans une misère extrême. PÉTROUSQUIN, s. m. La partie du corps sur laquelle on tombe le plus souvent,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Petzouille_. Privat d'Anglemont (_Paris-Anecdote_) donne à ce mot la signification de Bourgeois, public. Il s'est trompé. PEUPLE, s. m. Public,--dans le même argot. _Se foutre du peuple._ Insulter à l'opinion reçue, accréditée. Un faubourien dit volontiers à un autre, lorsqu'il est molesté par lui ou lorsqu'il en reçoit une _blague_ un peu trop forte: _Est-ce que tu te fous du peuple_? PEUPLE, s. et adj. Commun, vulgaire, trivial,--dans l'argot des bourgeoises, qui peut-être s'imaginent être sorties de la cuisse de Jupiter ou d'un Montmorency. _Être peuple._ Dire ou faire des choses de mauvais goût. PHARAMINEUX, adj. Etonnant, prodigieux, inouï,--dans l'argot du peuple. PHARAON, s. m. Roi de n'importe quel pays,--dans l'argot gouailleur des gens de lettres. PHARE, s. m. Lampe,--dans l'argot des typographes. PHÉNOMÈNE, s. m. Parent qui vient pleurer sur une tombe, ou seulement la visiter,--dans l'argot cruel et philosophique des marbriers de cimetière. PHILANTHROPE, s. m. Filou,--dans l'argot des voyous. PHILIPPE, s. m. Pièce de cent sous en argent à l'effigie de Louis-Philippe, de Charles X ou de Napoléon,--dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu avoir leurs _louis_ comme les gentilshommes. PHILISTIN, s. m. Bourgeois,--dans l'argot des romantiques. PHILISTIN, s. m. Vieil ouvrier abruti,--dans l'argot des tailleurs. PHILOSOPHE, s. m. Misérable,--dans l'argot du peuple. PHILOSOPHES, s. m. pl. Souliers d'occasion,--dans l'argot des ouvriers. PHILOSOPHES DE NEUF-JOURS. Souliers percés. PHILOSOPHIE, s. f. Misère. PHRASEUR, s. m. Beau diseur de _phrases_, c'est-à-dire bavard,--dans l'argot du peuple. PIAFFE, s. f. Orgueil, vantardise, _esbrouffe_. PIAILLER, v. a. Crier. PIAILLEUR, s. m. Homme qui aime à gronder, à crier après les gens. On dit aussi _Piaillard_. PIANE-PIANE, adv. Doucement, _piano-piano_,--dans l'argot des bourgeois. PIANOTER, v. n. Toucher du piano, médiocrement ou non,--dans l'argot du peuple, ennemi de cet instrument de bourgeois. PIANOTEUR, adj. et s. Amateur qui connaît le piano pour en avoir entendu parler et qui tape dessus comme s'il était sourd--et ses voisins aussi. Au féminin _Pianoteuse_. PIAU, s. f. Mensonge, histoire, _blague_,--dans l'argot des typographes. PIAULE ou PIOLLE, s. f. La maison, le logis,--dans l'argot des voleurs, qui peut-être ont voulu faire allusion aux nombreux enfants qui y _piaillent_ comme autant de moineaux affamés. _La piaule a l'air rupin._ L'appartement est bon à dévaliser. PIAUSSER, v. n. Mentir, blaguer,--dans l'argot des typographes. PIAUSSER (Se), v. réfl. Revêtir un vêtement nouveau, une nouvelle _peau_,--dans l'argot des voyous. Quelques-uns, puristes du ruisseau, disent _Peausser_. PIAUSSEUR, s. m. Menteur, blagueur. PIAUTRE, s. m. Mauvais garnement,--dans l'argot du peuple. _Envoyer au piautre._ Envoyer au diable. Vieille expression se trouvant dans Rétif de la Bretonne. PIC (A), adv. A point nommé, à propos, heureusement. _Venir_ ou _Tomber à pic_. Arriver au moment le plus opportun. PICAILLONS, s. m. pl. Pièces de monnaie,--dans l'argot des faubouriens. PICHENET, s. m. Petit vin de barrière agréable,--dans l'argot des ouvriers. PICHET, s. m. Litre de vin. PICK-POCKET, s. m. Voleur,--dans l'argot des anglomanes et des gens de lettres. PICORAGE, s. m. _Travail_ sur les grandes routes,--dans l'argot des voleurs. PICOTIN, s. m. Déjeuner ou souper,--dans l'argot du peuple, qui travaille en effet comme un cheval. Le slang anglais a le mot équivalent dans le même sens (_peck_). _Gagner son picotin._ Travailler avec courage. PICOURE, s. f. Haie,--dans l'argot des voleurs, qui, en leur qualité de vagabonds, ont eu de fréquentes occasions de constater que les oiseaux y viennent _picorer_. _Déflotter la picoure._ Voler le linge qui flotte sur les haies. _La picoure est fleurie._ Le linge sèche sur les haies. On dit aussi _Picouse_. PICTON, s. m. Vin bleu, suret--dans l'argot du peuple, qui se _pique_ la langue et le nez en en buvant, surtout comme il en boit. «Il en boit comme un _Poitevin_,» dirait un étymologiste en s'appuyant sur les habitudes d'ivrognerie qu'on prête aux _Pictones_. PICTONNER, v. n. Boire ferme et longtemps. On dit aussi _Picter_ et _Pictancer_. PIÈCE, s. m. Lentille,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Entière_ et _Petit Monde_. PIÈCE A TIROIRS, s. f. Drame à changements à vue, vaudeville à travestis. Argot des coulisses. PIÈCE D'ARCHITECTURE, s. f. Discours en prose ou pièce de vers,--dans l'argot des francs-maçons. PIÈCE DE BOEUF, s. f. Drame, comédie ou vaudeville où l'on a le plus de succès. Argot des coulisses. On dit aussi _Rôle de bœuf_. PIÈCE DE BOEUF, s. f. «Grand article de pathos sur les choses du moment qui ouvre les colonnes de Paris.» Argot des journalistes. On dit aussi _Pièce de résistance_. PIÈCE DE DIX SOUS, s. f. Le derrière du corps humain,--dans l'argot des troupiers. On dit aussi _Double six_. PIÈCE D'ÉTÉ, s. f. Vaudeville ou drame médiocre,--dans l'argot des comédiens, qui ne jouent leurs bonnes pièces que l'hiver. PIÈCE D'ESTOMAC, s. f. Amant,--dans l'argot des filles. L'expression a plus d'un siècle. PIED BLEU, s. m. Conscrit,--dans l'argot des troupiers. PIED DE BANC, s. m. Sergent,--dans le même argot. PIED DE COCHON, s. m. Pistolet. PIED DE NEZ, s. m. Polissonnerie des gamins de Paris, que connaissaient déjà les gamins de Pompéi. _Faire des pieds de nez à quelqu'un._ Se moquer de lui. _Avoir un pied de nez._ Ne pas trouver ce qu'on cherche; recevoir de la confusion d'une chose ou d'une personne. PIED DE NEZ, s. m. Pièce d'un sou,--dans l'argot des voyous. PIED-PLAT, s. m. Homme du peuple; goujat,--dans l'argot des bourgeois, qui s'imaginent peut-être avoir le fameux cou-de-pied à propos duquel lady Stanhope fit à Lamartine ces prophéties de grandeurs que devait réaliser en partie la révolution de Février. PIEDS A DORMIR DEBOUT, s. m. pl. Pieds plats et spatulés,--dans l'argot du peuple. PIEDS DE MOUCHE, s. m. pl. Notes d'un livre, ordinairement imprimés en caractères minuscules,--dans l'argot des typographes. Et, à ce propos, qu'on me permette de rappeler le quiproquo dont les bibliophiles ont été victimes. On avait attribué à Jamet l'aîné, bibliographe, un livre en 6 vol. in-8º, intitulé: _Les Pieds de mouche, ou les Nouvelles Noces de Rabelais_ (V. _la France littéraire_ de 1769). Or, savez-vous, lecteur, ce que c'était que ces _nouvelles noces_ de maître Alcofribas Nasier? C'étaient les _notes_--en argot de typographes, _pieds de mouche_--qui se trouvent dans l'édition de Rabelais de 1732, en 6 vol. pet. in-8º. Faute d'impression au premier abord, et plus tard ânerie dont eût ri François Rabelais à ventre déboutonné. PIEDS DE PHILOCTÈTE, s. m. pl. Pieds fâcheusement sudateurs,--dans l'argot des gens de lettres, qui font allusion à l'empoisonnement de l'île de Lemnos par l'exécuteur testamentaire d'Hercule. _Avoir avalé le pied de Philoctète._ Avoir une haleine digne du pied du fils de Pœan. PIE-GRIÈCHE, s. f. Femme criarde et querelleuse,--dans l'argot du peuple, qui a souvent le malheur de tomber, comme Trimalcion, sur une Fortunata _pica pulvinaris_. PIERRE A AFFÛTER, s. f. Le pain,--dans l'argot des bouchers. PIERRE A DÉCATIR, s. f. Farce des tailleurs à l'usage de tout nouveau. C'est leur _huile de cottrets_. PIERRE BRUTE, s. f. Pain,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disent aussi _Manne_. PIERRE DE TOUCHE, s. f. Confrontation,--dans l'argot des voleurs. PIERREUSE, s. f. Fille ou femme qui, dit F. Béraud, même dans sa sphère de turpitudes, est tombée au plus bas degré de l'abjection. Son nom lui vient de ce qu'elle exerce dans les lieux déserts, derrière des monceaux de démolition, etc. PIERROT, s. m. Vin blanc,--dans l'argot des faubouriens. _Asphyxier le pierrot._ Boire un canon de vin blanc. PIERROT, s. m. Collerette à larges plis, du genre de celle que Debureau a rendue classique. PIERROT, s. m. Couche de savon appliquée à l'aide du blaireau sur la figure de quelqu'un,--dans l'argot des coiffeurs, qui emploient ce moyen pour débarbouiller un peu leurs _pratiques_ malpropres, auxquelles ils veulent éviter le masque de crasse que laisserait le passage du rasoir. Le _pierrot_ n'est en usage que dans les faubourgs, où la propreté est une sainte que l'on ne fête pas souvent. PIERROT! Terme de mépris, fréquemment employé par les ouvriers, et qui sert de prologue à beaucoup de rixes,--celui qui est traité de pierrot voulant prouver qu'il a la _pince_ d'un aigle. Les femmes légères emploient aussi ce mot,--mais dans un sens diamétralement opposé au précédent. PIEU, s. m. Lit, couchette,--dans l'argot des faubouriens. _Aller au pieu._ Aller se coucher. _Se coller dans le pieu._ Se coucher. _Être en route pour le pieu._ S'endormir. PIEUVRE, s. f. Petite dame, femme entretenue,--dans l'argot des gens de lettres, qui disent cela depuis l'apparition des _Travailleurs de la mer_, où V. Hugo décrit si magistralement le combat de Giliatt contre un poulpe monstrueux. L'analogie est heureuse: jamais les drôlesses n'ont été plus énergiquement caractérisées. PIEUVRISME, s. m. Métier de fille, corruption galante, commerce d'amour. PIF, s. m. Nez, dans l'argot du peuple. N'en déplaise à Francisque Michel qui veut faire ce mot compatriote de Barbey d'Aurevilly, je le crois très parisien. On disait autrefois _se piffer de vin_, ou seulement se piffer: «On rit, on se piffe, on se gave!» chante Vadé en ses _Porcherons_. Se piffer de vin, c'est s'empourprer le visage et spécialement le nez,--le _pif_ alors! On dit aussi _Piton_. PIFFARD, s. et adj. Homme d'un nez remarquable, soit par son volume, soit par sa couleur. PIGE, s. f. Année,--dans l'argot des voleurs. PIGE, s. f. Défi,--dans l'argot des écoliers. _Faire la pige._ Se défier à jouer, à courir, etc. PIGE, s. f. Le nombre de lignes que tout compositeur de journal doit faire dans une heure. _Prendre sa pige._ Prendre la longueur d'une page, d'une colonne. PIGEON, s. m. Homme qui se laisse volontiers duper par les hommes au jeu et par les femmes en amour. _Avoir son pigeon._ Avoir _fait_ un amant,--dans l'argot des petites dames. _Plumer un pigeon._ Voler ou ruiner un homme assez candide pour croire à l'honnêteté des hommes et à celle des femmes. On dit aussi _Pigeonneau_. Le mot est vieux,--comme le vice. Sarrazin (_Testament d'une fille d'amour mourante_, 1768), dit à propos des amants de son héroïne, Rose Belvue: «.....De mes pigeonneaux Conduisant l'inexpérience, Je sus, dans le feu des désirs, Gagner par mes supercheries Montres, bijoux et pierreries, Monuments de leurs repentirs.» PIGEON, s. m. Acompte sur une pièce à moitié faite,--dans l'argot des vaudevillistes. PIGEONNER, v. a. Tromper. PIGER, v. n. Mesurer,--dans l'argot des écoliers lorsqu'ils _débutent_. On dit aussi _Faire la pige_. PIGER, v. a. Prendre; appréhender au collet,--dans l'argot du peuple. _Se faire piger._ Se faire arrêter, se faire battre. Signifie aussi S'emparer de... _Piger une chaise. Piger un emploi._ PIGER, v. a. et n. Considérer, contempler, admirer. _Piges-tu que c'est beau?_ C'est-à-dire: Vois-tu comme c'est beau? PIGET, s. m. Château,--dans l'argot des voleurs. PIGNOCHER, v. n. Manger avec dégoût, trier les morceaux qu'on a sur son assiette. Argot du peuple. On disait autrefois _Epinocher_. PIGNOCHER, v. a. Peindre ou dessiner avec un soin méticuleux,--dans l'argot des artistes, ennemis de l'art chinois. PIGNOUF ou PIGNOUFLE, s. m. Paysan,--dans l'argot des voyous. Voyou,--dans l'argot des paysans de la banlieue de Paris. Apprenti,--dans l'argot des ouvriers cordonniers. Homme mal élevé,--dans l'argot de Breda-Street. PIGOCHE, s. f. Morceau de cuivre, et ordinairement Écrou avec lequel les gamins font sauter un sou placé par terre, en le frappant sur les bords. _Jouer à la pigoche._ Faire sauter un sou en l'air. C'est l'enfant qui le fait sauter le plus loin qui a gagné. PILE, s. f. Correction méritée ou non,--dans l'argot des faubouriens. PILE! Exclamation du même argot, lorsque quelque chose tombe et se casse. PILER, v. a. Pousser plus ou moins brutalement,--plutôt plus que moins,--dans l'argot des gamins. Signifie aussi Battre. PILER DU POIVRE. Avoir des ampoules et marcher sur la pointe des pieds, par suite d'une très longue marche,--dans l'argot du peuple. Se dit également des cavaliers ou amazones novices, par suite d'exercices équestres trop prolongés. S'emploie aussi pour signifier Médire de quelqu'un en son absence, et S'ennuyer à attendre. _Faire piler du poivre à quelqu'un._ Le jeter plusieurs fois par terre, en le maniant avec aussi peu de précaution qu'un pilon. PILER LE POIVRE. Monter une faction,--dans l'argot des troupiers. PILIER, s. m. Homme qui ne bouge pas plus d'un endroit que si on l'y avait planté. Argot du peuple. _Pilier de cabaret._ Ivrogne. _Pilier d'estaminet._ Culotteur de pipes. _Pilier de Cour d'assises._ Qui a été souvent condamné. PILIER DE BOUTANCHE, s. m. Commis,--dans l'argot des voleurs. _Pilier de paclin._ Commis voyageur. _Pilier du creux._ Patron, maître du logis. PILONS, s. m. pl. Les doigts, et spécialement le pouce,--dans le même argot. PILOTER, v. a. Conduire, guider,--dans l'argot du peuple. PIMBÊCHE, s. f. Femme dédaigneuse,--dans l'argot des bourgeois. PIMPELOTTER (Se). S'amuser, rigoler, _gobichonner_,--dans l'argot des faubouriens. PIMPIONS, s. m. pl. Pièces de monnaie,--dans l'argot des voleurs. PINÇANTS, s. m. pl. Ciseaux,--dans le même argot. PINCEAU, s. m. Plume à écrire,--dans l'argot des francs-maçons. PINCEAU, s. m. La main ou le pied,--dans l'argot des faubouriens, qui ont entendu parler du peintre Ducornet. _Détacher un coup de pinceau._ Donner un soufflet. PINCEAU, s. m. Balai,--dans l'argot des troupiers. PINCE-CUL, s. m. Bastringue de la dernière catégorie. Argot du peuple. PINCE-DUR, s. m. Adjudant,--dans l'argot des soldats, qui ont la mémoire des punitions subies. PINCER, v. n. Être vif,--dans l'argot du peuple. _Cela pince dur._ Il fait très froid. PINCER, v. a. Voler, filouter,--dans l'argot des faubouriens. PINCER, v. a. Prendre sur le fait, arrêter. _Pincer au demi-cercle._ Arrêter quelqu'un, débiteur ou ennemi, que l'on guettait depuis longtemps. PINCER, v. a. Exécuter. _Pincer le cancan._ Le danser. _Pincer de la guitare._ En jouer. _Pincer la chansonnette._ Chanter. PINCER DE LA GUITARE, v. n. Être prisonnier,--par allusion à l'habitude qu'ont les détenus d'étendre les mains sur les barreaux de leur prison ou sur le treillage en fer du parloir grillé. On dit aussi _pincer de la harpe_. PINCER UN COUP DE SIROP, v. a. Boire à s'en griser un peu,--dans l'argot des faubouriens. PINCE-SANS-RIRE, s. m. Homme caustique, qui blesse les gens sans avoir l'air d'y toucher, ou qui dit les choses les plus bouffonnes sans se dérider. On dit aussi _Monsieur Pince-sans-rire_. PINCE-SANS-RIRE, s. m. Agent de police,--dans l'argot des voleurs. PINCETTES, s. f. pl. Mouchettes,--dans l'argot des francs-maçons, qui disent aussi _Pinces_. PINCETTES, s. f. pl. Les jambes,--surtout lorsqu'elles sont longues et maigres. Argot des faubouriens. PINCHARD, E, adj. De mauvais goût, un peu canaille,--dans l'argot des gens de lettres. Se dit surtout à propos de la Voix de certaines filles habituées à parler haut dans les soupers de garçons. PINCHARD, s. m. Siège pliant,--dans l'argot des artistes. PINGRE, s. et adj. Avare; homme qui pousse l'économie jusqu'au vice. Argot du peuple. Signifie aussi Voleur. PINGRERIE, s. f. Ladrerie. PINTER, v. n. Boire abondamment. PINXIT, s. m. Peintre,--dans l'argot des artistes, qui font ainsi allusion au verbe latin qu'ils ajoutent toujours à leur nom au bas de leurs toiles. PIOCHE, s. f. Le no 7,--dans l'argot des joueurs de loto. PIOCHE, s. f. Fourchette,--dans l'argot des francs-maçons. PIOCHE, s. f. Travail, besogne quelconque,--dans l'argot des ouvriers. _Se mettre à la pioche._ Travailler. PIOCHE, s. f. Etude, apprentissage de la science des mathématiques,--dans l'argot des Polytechniciens. _Temps de pioche._ Les quinze jours qui précèdent les interrogations générales et pendant lesquels les élèves repassent soigneusement l'analyse, la géométrie et la mécanique. PIOCHE (Être). Être bête comme une pioche,--dans l'argot du peuple. PIOCHER, v. a. et n. Étudier avec ardeur, se préparer sérieusement à passer ses examens,--dans l'argot des étudiants. _Piocher son examen._ Se préparer à le bien passer. PIOCHER, v. n. Avoir recours au tas,--dans l'argot des joueurs de dominos, dont la main _fouille_ ce tas. On dit aussi _Aller à la pioche_. PIOCHER, v. a. Battre, donner des coups à quelqu'un,--dans l'argot des faubouriens. _Se piocher._ Se battre. PIOCHEUR, s. m. Etudiant qui se préoccupe plus de ses examens que de Bullier, et des cours de l'Ecole que des demoiselles des bastringues du quartier. PION, s. m. Maître d'études,--dans l'argot des collégiens, qui le font _marcher_ raide, cet âge étant sans pitié. PION (Être). Avoir bu, être ivre-_mort_,--dans l'argot des typographes. PIONCE, s. f. Sommeil,--dans l'argot des faubouriens. PIONCER, v. n. Dormir. PIONCEUR, adj. et s. Homme qui aime à dormir. PIOU, s. m. Soldat. On dit plutôt _Pioupiou_. PIPE, s. f. Tête, visage. «Ils dis'nt en la voyant picter: Sa pipe enfin commence à s'culotter!» dit une chanson qui court les rues. PIPÉ, s. m. Château,--dans l'argot des voleurs. PIPELET, s. m. Concierge,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression, qui est une injure, depuis la publication des _Mystères de Paris_ d'Eugène Sue. _Chapeau-Pipelet._ Chapeau de forme très évasée par le haut, comme en porte, dans le roman d'Eugène Sue, la victime de Cabrion. PIPER, v. n. Fumer la pipe ou le cigare. PIPI, s. m. Résultat du verbe _meiere_,--dans l'argot des enfants. _Faire pipi._ Meiere. PIPIT, s. m. L'alouette,--dans l'argot des paysans de la banlieue de Paris. PIQUANTE, s. f. Epingle,--dans l'argot des voleurs. PIQUE, s. f. Petite querelle d'amis, petite brouille d'amants,--dans l'argot des bourgeois. PIQUÉ DES VERS (N'être pas). Être bien conservé, avoir de l'élégance, de la grâce,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens et des choses. On dit aussi _N'être pas piqué des hannetons_. PIQUE-EN-TERRE, s. f. Volaille quelconque vivante,--dans l'argot des faubouriens. PIQUELARD, s. m. Charcutier. Le mot sort du _Théâtre italien_ de Ghérardi (_les Deux Arlequins_). PIQUE-POUX, s. m. Tailleur,--dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu faire une allusion au mouvement de l'aiguille sur l'étoffe. On dit aussi _Pique-puces et Pique-prunes_. Pourquoi ne dit-on pas plutôt _Pique-Pouce_? PIQUER, v. a. Faire quelque chose,--dans l'argot des Polytechniciens. _Piquer l'étrangère._ S'occuper d'une chose étrangère à la conversation. PIQUER EN VICTIME, v. n. Plonger dans l'eau, les bras contre le corps, au lieu de plonger les mains en avant au-dessus de la tête. PIQUER LE NEZ (Se), v. réfl. Boire avec excès, à en devenir ivre,--dans l'argot du peuple. PIQUER SA PLAQUE, v. a. Dormir,--dans l'argot des tailleurs. Signifie aussi, par extension, Mourir. PIQUER SON CHIEN. Dormir,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi, _Piquer un chien_. D'où vient cette expression? S'il faut en croire M. J. Duflot, elle viendrait de l'argot des comédiens et sortirait de l'_Aveugle de Montmorency_, une pièce oubliée. Dans cette pièce, l'acteur qui jouait le rôle de l'aveugle, tenant à ne pas s'endormir, avait armé l'extrémité de son bâton d'une pointe de fer qui, par suite du mouvement d'appesantissement de sa main, en cas de sommeil, devait piquer son caniche placé entre ses jambes, et chaque fois que son chien grognait, c'est qu'il avait _piqué son chien_, c'est-à-dire qu'il s'était laissé aller au sommeil. PIQUER UN CINABRE, v. n. Rougir subitement, du front aux oreilles et des oreilles aux mains. Argot des artistes. PIQUER UN SOLEIL, v. n. Rougir subitement,--dans l'argot du peuple. PIRONIEN, adj. et s. Homme enclin à la gaieté comme les Byroniens à la tristesse; disciple de _Lord Piron_, le poète gaillard. Argot des gens de lettres. PIRONISME, s. m. La gaie science--où excellait Piron. PIS, s. m. La gorge de la femme,--dans l'argot malséant du peuple: «Les femmes, plus mortes que vives, De crainte de se voir captives, Et de quelque chose de pis De la main se battent le pis.» dit Scarron dans son _Virgile travesti_. PISSAT, s. m. Résultat du verbe _Meiere_. PISSAT DE VACHE, s. m. Mauvaise bière. PISSE-FROID, s. m. Homme lymphatique, tranquille qui ne se livre pas volontiers,--dans l'argot du peuple, ennemi des flegmatiques. PISSER (Envoyer). Congédier brutalement un ennuyeux. On dit aussi _Envoyer chier_. PISSER A L'ANGLAISE, v. n. Disparaître sournoisement au moment décisif. PISSER AU CUL DE QUELQU'UN, v. a. Le mépriser.--dans l'argot des voyous. PISSER CONTRE LE SOLEIL, v. n. Faire des efforts inutiles, se tourmenter vainement. On connaît l'enfance de Gargantua, lequel «mangeoit sa fouace sans pain, crachoit au bassin, petoit de gresse, pissoit contre le soleil,» etc. PISSER DES LAMES DE RASOIR EN TRAVERS (Faire). Ennuyer extrêmement quelqu'un,--dans l'argot des faubouriens, qui n'ont pas d'expression plus énergique pour rendre l'agacement que leur causent certaines importunités. On dit aussi _Faire chier des baïonnettes_. PISSER DES OS, v. a. Accoucher,--dans l'argot du peuple. On dit aussi d'une femme qui met au monde un enfant qu'_Elle pisse sa côtelette_. PISSE-TROIS-GOUTTES, s. m. Homme qui s'arrête à tous les rambuteaux. On dit parfois: _Pisse-trois-gouttes dans quatre pots de chambre_, pour désigner un homme qui produit moins de besogne qu'on ne doit raisonnablement en attendre de lui. PISSEUSE, s. f. Petite fille. PISSOTE, s. f. Endroit où l'on conjugue le verbe _Meiere_. Le petit café situé vis-à-vis le théâtre du Palais-Royal n'est pas désigné autrement par les artistes. PISSOTER, v. n. Avoir une incontinence d'urine. PISTOLE, s. f. Cellule à part,--dans l'argot des prisons, où l'on n'obtient cette faveur que moyennant argent. _Être à la pistole._ Avoir une chambre à part. PISTOLET, s. m. Homme qui ne fait rien comme personne. On dit aussi _Drôle de pistolet_. PISTOLET, s. m. Demi-bouteille de champagne. PISTON, s. m. Interne ou externe qu'affectionne, que protège le médecin en chef d'un hôpital. Argot des étudiants en médecine. PISTON, s. m. Préparateur du cours de physique,--dans l'argot des lycéens. PISTON, adj. et s. Remuant, tracassier, ennuyeux,--dans l'argot des aspirants de marine. PISTONNER, v. a. et n. Diriger, protéger, aider. PISTONNER, v. a. Ennuyer, tracasser, tourmenter. PITANCHER, v. n. Boire,--dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le prouvent ces vers de Vadé: «Le beau sexe lave sa gueule Et pitanche tout aussi sec Que si c'étoit du Rometsec.» On dit aussi _Pictancer_. PITON, s. m. Nez d'un fort volume et coloré par l'ivrognerie. Argot des faubouriens. PITRE, s. m. Paillasse de saltimbanque; bouffon de place publique. Par extension on donne ce nom à tout Farceur de société, à tout homme qui amuse les autres--sans être payé pour cela. PITRE DU COMME, s. m. Commis voyageur,--dans l'argot des voleurs. Quant ils veulent être plus clairs, ils disent: _Pitre du commerce_. PITROU, s. m. Pistolet, fusil,--dans le même argot. PITUITER, v. d. Médire, faire des indiscrétions, _bavarder_. Argot des faubouriens. PIVERT, s. m. Scie faite d'un ressort de montre,--dans l'argot des voleurs. PIVOINER, v. n. Rougir,--dans l'argot du peuple. PIVOIS ou PIVE, s. m. Vin,--dans l'argot des voleurs, qui l'appellent ainsi peut-être parce qu'il est rouge comme une _pivoine_, ou parce qu'il est _poivré_ comme l'eau-de-vie qu'ils boivent dans leurs cabarets infects. En tout cas, avant de leur appartenir, ce mot a appartenu au peuple, qui le réclamera un de ces jours. _Pivois maquillé._ Vin frelaté. _Pivois de Blanchimont._ Vin blanc. On dit aussi _Pivois savonné_. _Pivois citron._ Vinaigre. PIVOT, s. m. Plume,--dans le même argot. PLACARDE, s. f. La place où se font les exécutions,--dans le même argot. Avant 1830, c'était la place de Grève; sous Louis-Philippe, ç'a été la barrière Saint-Jacques; depuis une douzaine d'années, c'est devant la prison de la Roquette. On dit aussi _Placarde au quart d'œil_. PLACE, s. f. Chambre meublée ou non,--dans l'argot des ouvriers qui ont été travailler en Belgique. A Bruxelles, en effet, une chambre seule est une _place_; deux chambres sont un _quartier_. (V. ce mot.) PLACIER, s. m. Homme qui fait la place de Paris; courtier en marchandises. Argot des marchands. PLAFOND, s. m. Crâne, cerveau,--dans l'argot des faubouriens. _Se crever le plafond._ Se brûler la cervelle. PLAMOUSSE, s. f. Soufflet,--dans l'argot du peuple, qui a dit jadis _Mouse_ pour Visage. PLAN, s. m. Le Mont-de-Piété,--dans l'argot des faubouriens. _Être en plan._ Rester comme otage chez un restaurateur, pendant qu'un ami est à la recherche de l'argent nécessaire à l'acquit de la note. _Laisser en plan._ Abandonner, quitter brusquement quelqu'un, l'oublier, après lui avoir promis de revenir. _Laisser tout en plan._ Interrompre toutes ses occupations pour s'occuper d'autre chose. PLAN, s. m. Prison,--dans l'argot des voleurs. _Être au plan._ Être en prison. _Tomber au plan._ Se faire arrêter. «Quoi tu voudrais que je grinchisse Sans traquer de tomber au plan?» dit une chanson publiée par le _National_ de 1835. PLAN, s. m. Arrêts,--dans l'argot des soldats. _Être au plan._ Être consigné. PLAN, s. m. Moyen, imagination, _ficelle_,--dans l'argot des faubouriens. _Tirer un plan._ Imaginer quelque chose pour sortir d'embarras. _Il n'y a pas plan._ Il n'y a pas moyen de faire telle chose. PLANCHE (Faire sa). Témoigner du dédain, _faire sa Sophie_,--dans l'argot des faubouriens. _Sans planche._ Avec franchise, rondement. PLANCHE A TRACER, s. f. Table,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disent aussi _Plate-forme_ et _Atelier_. PLANCHE A TRACER, s. f. Feuille de papier blanc,--dans le même argot. Signifie aussi Lettre, missive quelconque. PLANCHE AU PAIN, s. f. Le banc des accusés,--dans l'argot des prisons. _Être mis sur la planche au pain._ Passer en Cour d'assises. PLANCHÉ (Être). Être condamné,--dans l'argot des voleurs. PLANCHER, v. n. Se moquer, rire,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi _Flancher_. PLANCHER DES VACHES, s. m. La terre,--dans l'argot du peuple, à qui Rabelais a emprunté cette expression pour la mettre sur les lèvres de ce poltron de Panurge. PLANCHES, s. f. La scène, le théâtre en général,--dans l'argot des acteurs. _Balayer les planches._ Jouer dans un lever de rideau; commencer le spectacle. _Brûler les planches._ Cabotiner. Signifie aussi Débiter son rôle avec un entrain excessif. PLANCHES, s. f. L'établi,--dans l'argot des tailleurs. _Avoir fait les planches._ Avoir été ouvrier avant d'avoir été patron. PLANÇONNER, v. a. Bredouiller,--dans l'argot des coulisses, où l'on a conservé le souvenir du brave Plançon, acteur de la Gaîté. PLANQUÉ, s. f. Cachette,--dans l'argot des voleurs. _Être en planque._ Être prisonnier. Signifie aussi Être en observation. PLANQUER, v. a. Cacher. Signifie aussi Emprisonner. PLANQUER, v. a. et n. Mettre quelque chose de côté,--dans l'argot des typographes. PLANQUER, v. a. et n. Engager quelque chose au Mont-de-Piété, mettre au _plan_. Argot des faubouriens. PLANTER LÀ QUELQU'UN, v. a. Le quitter brusquement, soit parce qu'il vous ennuie, soit parce qu'on est pressé. C'est l'ancienne expression: _Planter là quelqu'un pour reverdir_, mais écourtée et plus elliptique. PLANTER LE HARPON, v. a. Lancer une idée, avancer une proposition,--dans l'argot des marins. PLANTER SON POIREAU, v. a. Attendre quelqu'un qui ne vient pas,--dans l'argot des faubouriens. PLAQUER, v. a. et n. Abandonner, laisser là. PLAT D'ÉPINARDS, s. m. Paysage peint,--dans l'argot du peuple et des bourgeois, dédaigneux des choses d'art presque au même degré. Ils devraient varier leurs épigrammes. Je vais leur en indiquer une, que j'ai entendu sortir de la bouche d'un enfant que l'on interrogeait devant un Corot: «Ça, dit-il, c'est de la salade!» PLATEAU, s. m. Plat,--dans l'argot des francs-maçons. PLATÉE, s. f. Grande quantité de choses ou de gens,--dans l'argot du peuple, par corruption de _Plenté_, vieille expression qu'on trouve dans le roman d'_Aucassin_: »Se je vois u gaut ramé. Jà me mengeront li lé, Li lion et sengler Dont il i a _plenté_.» (beaucoup.) PLATÉE, PLATELÉE, s. f. La quantité de mets contenue dans un _plat_. PLATINE, s. f. Faconde, éloquence gasconne,--dans le même argot. _Avoir une fière platine._ Parler longtemps; mentir avec assurance. PLÂTRE, s. m. Argent monnayé,--dans l'argot des voleurs. PLATUE, s. f. Galette,--dans le même argot. PLEIN (Être). Être ivre--à ne plus pouvoir avaler une goutte, sous peine de répandre tout ce qu'on a précédemment ingéré. Argot du peuple. On dit aussi explétivement _Plein comme un œuf_ et _Plein comme un boudin_. PLEIN DE SOUPE, s. m. Homme dont le visage annonce la santé. On dit aussi _Gros plein de soupe_. PLEINE LUNE, s. f. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc. On dit aussi _Demi-lune_. PLEURANT, s. m. Ognon,--dans l'argot des voleurs. PLEURER EN FILOU. Hypocritement, sans larmes,--dans l'argot du peuple. PLEURNICHER, v. a. Pleurer mal à propos ou sans sincérité. PLEURNICHERIE, s. f. Plainte hypocrite, larmes de crocodile. PLEURNICHEUR, s. et adj. Homme qui pleure mal, qui joue la douleur. _Pleurnicheuse._ Femme qui tire son mouchoir à propos de rien. PLEUTRE, s. m. Pauvre sire, homme méprisable. S'emploie aussi adjectivement dans le même sens. PLEUVOIR A VERSE. Aller mal, très mal,--en parlant des choses ou des gens. Argot des faubouriens. S'emploie surtout à la troisième personne de l'indicatif présent: _Il pleut à verse_. PLEUVOIR COMME DU CHIEN, v. n. A verse. Les Anglais ont à peu près la même expression: _To rain cats and dogs_ (Pleuvoir des chiens et des chats), disent-ils. C'est l'équivalent de: _Il tombe des hallebardes_. PLEUVOIR DES CHASSES, v. n. Pleurer. Argot des faubouriens et des voleurs. PLIER SES CHEMISES, v. n. Mourir,--dans l'argot du peuple. PLIS (Des)! Exclamation faubourienne de la même famille que _Des navets! du flan!_ PLOMB, s. m. Gorge, gosier,--dans l'argot des faubouriens. L'expression est juste, surtout prise ironiquement, le _plomb_ (pour Cuvette en plomb) étant habitué, comme la gorge, à recevoir des liquides de toutes sortes, et la gorge, comme le plomb, s'habituant parfois à renvoyer de mauvaises odeurs. _Jeter dans le plomb._ Avaler. PLOMB, s. m. Hydrogène sulfuré qui se dégage des fosses d'aisances,--dans l'argot du peuple. PLOMB, s. m. Sagette empoisonnée décochée par le «divin archerot.» PLOMBE, s. f. Heure,--dans l'argot des voleurs. _Mèche._ Demi-heure. _Méchillon._ Quart d'heure. PLOMBER, v. n. Exhaler une insupportable odeur,--dans l'argot des faubouriens, qui se souviennent des _plombs_ du vieux Paris, plus funestes que ceux de Venise. _Plomber de la gargoine._ Fetidum halitum emittere. PLOMBER, v. n. Donner à quelqu'un des raisons de se plaindre du «divin archerot». PLOMBER, v. n. Être lourd, pesant--comme du plomb. PLONGEUR, adj. et s. Homme misérable, déguenillé,--dans l'argot des voleurs. Celui qui lave la vaisselle,--dans l'argot des cuisiniers. PLOYANT, s. m. Portefeuille,--dans l'argot des voleurs. PLUME, s. f. _Monseigneur_,--dans le même argot. PLUME DE BEAUCE, s. f. La paille,--dans le même argot. PLUMER UN HOMME, v. a. Le dépouiller au jeu de l'amour ou du hasard. PLUMET, s. m. Ivresse,--dans l'argot des ouvriers. _Avoir son plumet._ Être gris. On dit aussi _Avoir son panache_. PLUS-FINE, s. f. Le _stercus_ humain séché et pulvérisé. L'expression est vieille--comme toutes les plaisanteries fécales. «Et dit-on que de la plus fine Son brun visage fut lavé?...» (_Cabinet satyrique._) PLUS SOUVENT! Jamais! Terme de dénégation et de refus. Argot du peuple. PLUS SOUVENT, s. m. Sacrifice au Dieu Crépitus. POCHARD, s. m. Homme qui a l'habitude de s'enivrer. Malgré tout mon respect pour l'autorité de la parole de mes devanciers et mon admiration pour leur ingéniosité, à propos de ce mot encore, je suis forcé de les prendre à partie et de leur chercher une querelle--non d'Allemand, mais de Français. L'un, fidèle à son habitude de sortir de Paris pour trouver l'acte de naissance d'une expression toute parisienne, prend le coche et s'en va en Normandie tout le long de la Seine, où il pêche un _poisson_ dans les entrailles duquel il trouve, non pas un anneau d'or, mais l'origine du mot _pochard_: des frais de voyage et d'érudition bien mal employés! L'autre, qui _brûle_ davantage, veut qu'un pochard soit un homme «qui en a plein son sac ou sa _poche_». Si cette étymologie n'est pas la bonne, elle a au moins le mérite de n'être pas tirée par les cheveux. Mais, jusqu'à preuve du contraire, je croirai que l'ivrogne ayant l'habitude de se battre, de se _pocher_, on a dû donner tout naturellement le nom de _pochards_ aux ivrognes. POCHARDER (Se), v. réfl. S'ivrogner, vivre crapuleusement. POCHARDERIE, s. f. Ivrognerie. POCHE, s. f. Ivrognesse,--dans l'argot des faubouriens, qui de _cochon_ a déjà fait _coche_. On dit aussi _Poche_, au masculin, à propos d'un ivrogne. POCHE-OEIL, s. m. Coup de poing appliqué sur l'œil,--dans l'argot au peuple. On dit aussi _Pochon_. POCHER, v. a. Meurtrir, donner des coups. _Se pocher._ Se battre, surtout à la suite d'une débauche de vin. POÊLE A CHATAIGNES, s. f. Visage marqué de petite vérole,--par allusion aux trous de la poêle dans laquelle on fait rôtir les marrons. POÉTRIAU, s. m. Mauvais poète, rapin du Parnasse. Le mot est d'H. de Balzac, à qui il répugnait sans doute de dire _poétereau_,--comme tout le monde. POGNE, s. f. Apocope de _Poignet_,--dans l'argot du peuple. _Avoir de la poigne._ Être très fort--et même un peu brutal. POGNE-MAIN (A), ad. Lourdement, brutalement, à la main pleine. POGNON, s. m. Argent, monnaie qu'on remue à _poignée_,--dans l'argot des faubouriens. POIGNARD, s. m. Retouche à un vêtement terminé,--dans l'argot des tailleurs et des couturières. POIGNARDER LE CIEL, v. a. Se dit--dans l'argot du peuple--de tout ce qui se redresse: cheveux, nez, col, pointe de cravate, etc., etc. POIL, s. m. Paresse, envie de flâner,--dans le même argot. _Avoir un poil dans la main_, ou tout simplement _le poil_. N'avoir pas envie de travailler. Nos pères disaient d'un homme fainéant: «Il est né avec un poil dans la main, et on a oublié de le lui couper.» POIL, s. m. Réprimande, objurgation,--dans l'argot des ouvriers _paresseux_. POIL, s. m. Courage,--dans l'argot du peuple, qui, sans croire, comme les Anciens, aux gens qui naissent avec des poils sur le cœur (V. Pline, _Histoire naturelle_), a raison de supposer que les gens velus de corps sont plus portés à l'énergie que ceux a corps glabre. D'où les deux expressions: _Avoir du poil_, c'est-à-dire du courage, et _Être à poils_, c'est-à-dire résolu. POIL (Faire le). Surpasser, faire mieux ou plus vite,--dans le même argot. Signifie aussi: Jouer un tour. Supplanter. Autrefois on disait _Faire la barbe_. POILS (Être à). Être nu. _Monter à poils._ Monter un cheval sans selle. POINT, s. m. Pièce d'un franc,--dans l'argot des marchands d'habits. POINT DE CÔTÉ, s. m. Tiers gêneur,--celui qui, par exemple, vous empêche, par sa présence, de _lever_ une femme ou de l'emmener après l'avoir levée. Signifie aussi Créancier. POINT DE JUDAS, s. m. Le nombre _treize_,--dans l'argot du peuple. POINTE, s. f. Demi-ivresse,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir sa pointe._ Être gris. _Avoir une petite pointe._ Avoir bu un verre de trop. POINT GAMMA. Epoque des examens de fin d'année,--dans l'argot des Polytechniciens, pour qui c'est le temps de l'_équinoxe_ c'est-à-dire celui où le travail de nuit est égal à celui du jour. POINT M, s. m. Expression en usage à l'Ecole polytechnique, et qui sert à indiquer la limite dans laquelle on accepte, soit des faits, soit des idées. Ainsi, quand un élève demande à un autre: «Aimes-tu la tragédie?--Euh! répond l'autre, je l'aime jusqu'au _point M_.» POINT Q, s. m. Le derrière humain,--dans l'argot des Polytechniciens. POINTU, s. et adj. Homme qui ne plaisante pas volontiers, désagréable à vivre,--dans l'argot du peuple. POINTU, s. m. Evêque,--dans l'argot des voyous. POINTU, s. m. Clystère,--dans l'argot des bourgeois. POIQUE, s. m. Auteur, faiseur de pièces ou de romans. Argot des voleurs. POISON, s. f. Femme désagréable, ou de mauvaises mœurs,--dans l'argot du peuple, qui trouve cette _polio_ amère à boire et dure à avaler. POISSARDE, s. f. Femme grossière,--dans l'argot des bourgeoises, qui n'aiment pas les gens «un peu trop forts en gueule». POISSE, s. m. Voleur,--dans l'argot des voyous. POISSER, v. a. Voler. _Poisser des philippes._ Dérober des pièces de cinq francs. POISSER (Se), v. réfl. S'enivrer,--dans l'argot des faubouriens. POISSON, s. m. Grand verre d'eau-de-vie, la moitié d'un demi-setier,--dans l'argot du peuple. Vieux mot certainement dérivé de _pochon_, petit pot, dont on a fait peu à peu _poichon_, _posson_, puis _poisson_. POISSON, s. m. Entremetteur, souteneur, _maquereau_. POISSON D'AVRIL, s. m. Mauvaise farce, attrape presque toujours de mauvais goût, comme il est encore de tradition d'en faire, chez le peuple le plus spirituel de la terre, le 1er avril de chaque année,--sans doute en commémoration de la PASSION de Jésus-Christ. POISSON FRAYEUR, s. m. Souteneur de filles,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui ont observé que ces sortes de gens _frayaient_ volontiers, eux pas fiers! POITOU, adj. Point, non, nullement,--dans l'argot des voleurs. POITOU, s. m. Le public,--dans le même argot. POITRINAIRE, adj. Femme qui a beaucoup de gorge. Argot du peuple. POIVRE, s. m. Poisson de mer, parce que _salé_,--dans le même argot, parfois facétieux. POIVRE, adj. Complètement ivre,--dans l'argot des faubouriens, habitués à boire des vins frelatés et des eaux-de-vie _poivrées_. _Être poivre._ Être abominablement gris. POIVRE ET SEL (Être). Avoir les cheveux moitié blancs et moitié bruns,--dans l'argot du peuple. Se dit aussi de la barbe. POIVREMENT, s. m. Payement, compte,--dans l'argot des voleurs. POIVRER, v. a. Payer. POIVRER, v. a. Charger une note, une addition,--dans l'argot des consommateurs. _C'est poivré!_ C'est cher. On dit de même: _C'est salé_. POIVRER QUELQU'UN, v. a. Lui faire regretter amèrement la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb et l'expédition de Naples par Charles VIII. Argot du peuple. POIVREUR, s. m. Payeur,--dans l'argot des voleurs. POIVRIER, s. m. Ivrogne,--dans le même argot. C'est aussi le nom qu'on donne aux voleurs qui dévalisent les ivrognes. POIVRIÈRE, s. f. Fille ou femme galante punie par où elle a péché et exposée à punir d'autres personnes par la même occasion. Argot du peuple. «Va, poivrière de Saint-Côme, Je me fiche de ton Jérôme.» dit un poème de Vadé. POIVROT, s. m. Ivrogne,--dans l'argot des faubouriens. POLICHINELLE, s. m. Homme amusant, excentrique,--dans l'argot des bourgeois. POLICHINELLE, s. m. Enfant,--dans l'argot des faubouriens et des petites dames. _Avoir un polichinelle dans le tiroir._ Être enceinte. POLICHINELLE, s. m. L'hostie,--dans l'argot des voyous. _Avaler le polichinelle._ Communier; recevoir l'extrême-onction. POLICHINELLE, s. m. Grand verre d'eau-de-vie,--dans l'argot des chiffonniers, qui aiment à _se payer une bosse_. _Agacer un polichinelle sur le zinc._ Boire un verre d'eau-de-vie sur le comptoir du cabaretier. POLI COMME UNE PORTE DE PRISON, adj. Brutal,--dans l'argot ironique du peuple, qui sait avec quel sans-façon les guichetiers vous rejettent la porte au nez. POLISSON, s. m. Gamin. POLISSON, s. m. Impertinent,--dans l'argot des bourgeois. POLISSON, s. m. Libertin,--dans l'argot des bourgeoises. POLISSON, s. m. Amas de jupons pour avantager les hanches. Le mot est de madame de Genlis. Aujourd'hui on dit mieux _Tournure_. POLISSONNER, v. n. Faire le libertin,--dans l'argot des bourgeois. POLITESSE, s. f. Offre d'un verre de vin sur le comptoir,--dans l'argot du peuple qui entend la civilité à sa manière. _Une politesse en vaut une autre._ Un canon doit succéder à un autre canon. POLKA, s. m. Petit jeune homme qui suit trop religieusement les modes, parce qu'en 1843-44, époque de l'apparition de cette gigue anglaise croisée de valse allemande, il était de bon goût de s'habiller à la polka, de chanter à la polka, de marcher à la polka, de dormir à la polka, etc. A Paris, les ridicules poussent comme sur leur sol naturel: ils ont pour fumier la bêtise. POLKA, s. m. Photographie à deux personnages dans un costume non autorisé par la Morale. Argot des modèles. POLKA (A la). Très bien, à la mode du jour. POLKA, s. f. Correction, _danse_,--dans l'argot des faubouriens. _Faire danser la polka à quelqu'un._ Le battre. POLONAIS, s. m. Ivrogne, dans l'argot du peuple. L'expression, quoique injurieuse pour une nation héroïque, mérite d'être conservée, d'abord parce qu'elle est passée dans le sang de la langue parisienne, qui s'en guérira difficilement; ensuite parce qu'elle est, à ce qu'il me semble, une date, une indication historique et topographique. Ne sort-elle pas, en effet, de l'ancienne rue d'Errancis,--depuis rue du Rocher,--au haut de laquelle était le fameux cabaret-guinguette dit de _la Petite-Pologne_, et ce cabaret n'avait-il pas été fondé vers l'époque du démembrement de la Pologne? POLONAIS, s. m. Epouvantail dont on menace les perturbateurs dans les maisons suspectes, mais _tolérées_. Quand la dame du lieu, à bout de prières, parle de _faire descendre le Polonais_, le tapage s'apaise comme par enchantement. «Et le plus souvent, dit l'auteur anonyme moderne auquel j'emprunte cette expression, le _Polonais_ n'est autre qu'un pauvre diable sans feu ni lieu, recueilli par charité et logé dans les combles de la maison.» POLYTECHNICIEN, s. m. Elève de l'Ecole polytechnique,--dans l'argot des bourgeois. POLYTECHNIQUE, s. m. _Polytechnicien_,--dans l'argot du peuple. POMAQUER, v. a. Perdre,--dans l'argot des voleurs. _Être pomaqué._ Être arrêté. POMMADER, v. a. Battre quelqu'un,--dans l'argot des faubouriens, qui _peignent_ ainsi les gens. POMMADER, v. a. Amadouer, peloter. POMMADER (Se). Se saoûler. POMMADIN, s. m. Coiffeur. Signifie aussi ivrogne. POMMADIN, s. m. Gandin, imbécile musqué,--dans l'argot du peuple. L'expression a été employée pour la première fois en littérature par M. Fortuné Calmels. POMME, s. f. Tête,--dans l'argot des faubouriens. _Pomme de canne._ Figure grotesque, physionomie bouffonne. POMMÉ, - ÉE. Excessif, exorbitant, remarquable. _Bêtise pommée._ Grande ou grosse bêtise. _C'est pommé!_ C'est réussi à souhait. L'expression ne date pas d'aujourd'hui, puisque je trouve dans _le Tempérament_ (1755): «Admirez le pouvoir de ce Dieu fou pommé: Je l'adore et je meurs si je ne suis aimé.» POMME-A-VERS, s. m. Fromage de Hollande,--dans l'argot des voleurs. POMME D'ADAM, s. f. Le cartilage thyroïde,--que le peuple regarde comme la marque de la pomme que le premier homme mangea dans le Paradis à l'instigation de la première femme, et dont un ou deux quartiers lui restèrent dans la gorge. POMMELER (Se), v. réfl. Grisonner. POMMES (Aux)! Exclamation de l'argot des faubouriens, qui l'emploient comme superlatif de Bien, de Bon et de Beau. On dit aussi _Bath aux pommes!_ pour renchérir encore sur l'excellence d'une chose. Cette expression est l'aïeule des _petits ognons_ et autres _petits oiseaux_ en circulation à Paris. POMMIER, s. m. La gorge. _Pommiers en fleurs._ Seins de jeune fille. _Pommier stérile._ Poitrine maigre et plate. C'est aux poètes poudrés du XVIIIe siècle que nous devons cette expression faubourienne. Ils ont comparé les seins à des pommes, rappelant à ce propos, en les interprétant à leur façon, le Jugement de Pâris sur le mont Ida et la séduction d'Adam par Eve dans le Paradis terrestre. Il était tout naturel que les pommes ainsi semées par eux produisissent un pommier. OEuf implique forcément l'idée de poule. POMPADOUR, adj. Suranné, _rococo_,--dans l'argot des gens de lettres. Dans l'argot des artistes, c'est le synonyme de Prétentieux. POMPADOUR, adj. Du dernier galant,--dans l'argot des bourgeois. POMPAGE, s. m. Action de boire, c'est-à-dire de se griser,--dans l'argot du peuple. POMPE, s. f. Retouche,--dans l'argot des tailleurs. _Petite pompe._ Retouche des pantalons et des gilets. _Grande pompe._ Retouche des habits et des redingotes. POMPER, v. a. et n. Boire continuellement,--dans l'argot du peuple. C'est le _to guzzle_ anglais. POMPER. Travailler dur,--dans l'argot des typographes. POMPER LE GAZ, v. a. Être le jouet d'une mystification,--dans l'argot des calicots, qui se plaisent à faire monter tout nouveau sur le comptoir et à lui faire manœuvrer des deux mains un mètre à coulisse, la prétendue pompe à gaz. POMPETTE, adj. Gris,--dans l'argot du peuple. L'expression a des chevrons, car on la trouve dans la première édition du Grand Dictionnaire de Pierre Richelet. POMPIER, s. m. Ivrogne,--dans l'argot des faubouriens. POMPIER, s. m. Mouchoir,--dans l'argot des voyous. POMPIER, s. m. Scie chantée à certaines fêtes de l'Ecole polytechnique. _Pompier d'honneur._ Scie musicale, spécialement chantée le jour des élections du bureau de bienfaisance de l'Ecole, au commencement du mois de mai. POMPIER, s. m. Ouvrier chargé de faire les _poignards_,--dans l'argot des tailleurs. _Pompière._ Ouvrière qui a la même spécialité pour les petites pièces. POMPON, s. m. Tête,--dans l'argot des faubouriens. _Dévisser le pompon à quelqu'un._ Lui casser la tête d'un coup de poing ou d'un coup de pied. C'est la même expression que _Dévisser le trognon_. POMPON, s. m. Supériorité, mérite, primauté. _A moi le pompon!_ A moi la gloire d'avoir fait ce que les autres n'ont pu faire. _Avoir le pompon de la fidélité._ Être le modèle des maris ou des femmes. POMPONNER (Se), v. réfl. S'attifer, s'endimancher. PONANT, s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc,--dans l'argot du peuple. Ce sont les marins qui ont imaginé le vent du ponant, _poner_ signifiant _vesser_ dans le vieux langage. «La vieille ponoit,» dit Rabelais. PONANTE, s. f. Fille publique,--dans l'argot des voleurs. PONCIF, s. m. «Formule de style, de sentiment, d'idée ou d'image, qui, fanée par l'abus, court les rues avec un faux air hardi et coquet.» L'expression, ainsi définie par Xavier Aubryet, est de l'argot des peintres et des gens de lettres. _Faire poncif._ Travailler, peindre, écrire sans originalité. PONDEUSE, adj. et s. Femme féconde,--dans l'argot du peuple. PONDRE SUR SES OEUFS, v. n. S'enrichir encore, quand on est déjà suffisamment riche. PONDRE UN OEUF, v. a. Déposer discrètement, le long d'un mur ou d'une haie, le _stercus_ humain,--dans l'argot du peuple, ami de toutes les plaisanteries qui roulent sur les environs du périnée. On connaît cette anecdote: Une bonne femme était accroupie, gravement occupée à remplir le plus impérieux de tous les devoirs, car _omnes cacant, etiam reges_; passe le curé, elle le reconnaît, et, confuse, veut se relever pour lui faire sa révérence; mais le saint homme, l'en empêchant de la voix et de la main, lui dit en souriant: «Restez, ma mie, j'aime mieux voir la poule que l'œuf.» PONIFLE, s. f. Fille publique,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Magnuce_ et _Ponisse_. PONIFLE, s. f. Femme,--dans l'argot des voyous. PONIFLER, v. a. Aimer. PONSARDISER, v. a. Ennuyer les gens,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont gardé rancune à l'auteur de _Lucrèce_ et _d'Agnès de Méranie_. PONT, s. m. Congé que s'accorde l'employé pour joindre deux autres congés qui lui ont été accordés par ses chefs ou par le calendrier. _Faire le pont._ Ne pas venir au bureau le samedi ou le lundi, lorsqu'il y a fête ou congé le vendredi ou le mardi. PONT D'AVIGNON, s. m. Fille publique,--dans l'argot des gens de lettres. PONTER, v. n. Payer,--dans l'argot des bohèmes. PONTES POUR L'AF, s. f. pl. «Galerie des étouffoirs, fripons réunis,»--dit Vidocq. PONTEUR, s. m. Entreteneur, _miché_. PONTIFE, s. m. Patron, maître,--dans l'argot des cordonniers. PONTONNIÈRE, s. f. Fille de mauvaises mœurs qui exerce sous les _ponts_. POPOTE, s. f. Cuisine,--dans l'argot des troupiers, qui ont trouvé là une onomatopée heureuse: le clapotement du bouillon dans le pot-au-feu, des sauces dans les casseroles, etc. Signifie aussi Table d'hôte. POPOTE, adj. Médiocre,--dans l'argot des gens de lettres et des artistes. POPOTER, v. n. Faire sa cuisine. POPULO, s. m. Le peuple,--dans l'argot des bourgeois, qui disent cela avec le même dédain que les Anglais _the mob_. POPULO, s. m. Marmaille, grand nombre d'enfants,--dans l'argot des ouvriers. PORC-ÉPIC, s. m. Le Saint-Sacrement,--dans l'argot des voleurs. POREAU, s. m. Poireau,--dans l'argot du peuple, qui parle beaucoup mieux que ceux qui se moquent de lui, _poreau_ venant d'_allium porrum_, comme légume, ou de [grec: poros], comme excroissance verruqueuse de la main. PORTANCHE, s. m. Portier,--dans l'argot des voleurs. PORTANT, s. m. Armature en bois qui forme l'entrée des coulisses et sur laquelle se placent les appliques. PORTE-CHANCE, s. m. Le _stercus_ humain,--dans l'argot du peuple, chez qui il est de tradition, depuis un temps immémorial, que marcher là dedans est un signe d'argent et porte bonheur. PORTEFEUILLE, s. m. Lit,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux différentes épaisseurs formées par les couvertures et les draps. _S'insérer dans le portefeuille._ Se coucher. PORTE-LUQUE, s. m. Portefeuille,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Porte-mince_. PORTE-LYRE, s. m. Poète,--dans l'argot ironique des gens de lettres. PORTE-MAILLOT, s. m. Figurante,--dans l'argot des coulisses. PORTE-MANTEAU, s. m. Epaules,--dans l'argot des faubouriens. PORTE-PIPE, s. m. Bouche,--dans le même argot. PORTER (En). Être trompé par sa femme,--dans l'argot du peuple, qui fait allusion aux _cornes_ dont la tradition orne depuis si longtemps le front des maris malheureux. _En faire porter._ Tromper son mari. PORTER A LA PEAU, v. n. Provoquer à l'un des sept péchés capitaux,--dans l'argot de Breda-Street. On dit aussi _Pousser à la peau_. PORTER LA FOLLE ENCHÈRE, v. n. Payer pour les autres,--dans l'argot des bourgeois. PORTER LE BÉGUIN, v. a. Celui des deux époux, nouvellement mariés, qui perd le premier les couleurs de la santé,--dans l'argot du peuple, un peu trop indiscret. PORTER LE DEUIL DE SA BLANCHISSEUSE, v. n. Avoir une chemise sale,--dans le même argot. PORTER SA MALLE, v. a. Être bossu. Argot des faubouriens. On dit aussi _Porter son paquet_. PORTER UNE CHOSE EN PARADIS (Ne pas). La payer avant de mourir,--dans l'argot du peuple, qui dit cela surtout à propos des mauvais tours qu'on lui a joués et dont il compte bien tirer vengeance un jour ou l'autre. PORTÉ SUR SA BOUCHE (Être). Ne songer qu'à boire et à manger plutôt qu'à travailler,--dans l'argot des bourgeois. Le peuple--sans connaître le _gulæ parens_ d'Horace--dit: _Être porté sur sa gueule_. PORTE-TRÈFLE, s. m. Pantalon,--dans l'argot des voleurs. PORTIER, s. m. Homme qui se plaît à médire,--dans l'argot des artistes. PORTRAIT, s. m. Visage,--dans l'argot du peuple. _Dégrader le portrait._ Frapper au visage. POSE, s. f. Affectation de sentiments qu'on n'a pas,--vices ou vertus; étalage de choses qu'on ne possède pas,--maîtresses ou châteaux. Lacenaire a bien imaginé la pose au meurtre! POSE, s. f. Tour,--dans l'argot du peuple qui a emprunté ce mot aux joueurs de dominos qui _posent_ le leur à tour de rôle. _A moi la pose!_ dit parfois un ouvrier, qui vient de recevoir un coup de pied, en lançant un coup de poing à son adversaire. POSER, v. n. Afficher des sentiments ou des vices qu'on n'a pas; se vanter de succès et de richesses imaginaires. Signifie aussi Tirer avantage de qualités morales ou physiques qu'on a ou qu'on croit avoir. _Poser pour le torse._ Passer pour un garçon bâti comme l'Antinoüs. _Poser pour la finesse._ Se croire très fin, très malin. POSER, v. a. Mettre en évidence. _Se poser._ Faire parler de soi. POSER (Faire). Faire attendre, mystifier, se moquer des gens. POSER UN GLUAU, v. a. Préparer une arrestation, trouver un individu que l'on cherchait, savoir où il loge et où il fréquente, pour n'avoir plus qu'à le _grappiner_ à la première occasion. Argot des voyous et des voleurs. _Se faire poser un gluau._ Se faire mettre en prison. POSSÉDER SON EMBOUCHURE. Savoir bien jouer de la parole,--cette flûte traversière. Argot des faubouriens. POSTE-AUX-CHOUX, s. f. Le canot aux provisions,--dans l'argot des marins. POSTÉRIEUR, s. m. Le derrière,--dans l'argot des bourgeois. POSTICHE, s. m. Histoire douteuse,--discours ennuyeux, _blague_,--dans l'argot des typographes. POSTICHE, s. f. Rassemblement sur la voie publique,--dans l'argot des voleurs. POSTIGE, s. f. Travail sur les places publiques,--dans l'argot des saltimbanques. POSTILLON, s. m. La première dame mise en circulation,--dans l'argot des joueurs de jacquet. POSTILLON, s. m. Éclaboussure de salive ou de nourriture que lancent en parlant les gens à qui il manque des dents ou ceux qui ont la malhonnête habitude de parler en mangeant. «Ces postillons sont d'une maladresse!» POSTILLONNER, v. n. Envoyer des _postillons_ au nez des gens,--qui n'aiment pas à voyager. POT, s. m. Trou fait au pied d'un mur ou au pied d'un arbre pour bloquer les billes. Argot des gamins. POT, s. m. Cabriolet,--dans l'argot des voleurs. Ils disent aussi _Cuiller à pot et Potiron roulant_. POTACHE, s. m. Camarade ridicule et bête comme un pot,--dans l'argot des lycéens. Voir dans un autre sens _Potasseur_. On dit aussi _Pot-à-chien_. POTAGE AVEUGLE, s. m. Potage qui devrait être gras, avoir des _yeux_ de graisse, et qui est maigre. Argot du peuple. POTAGER, s. m. _Prostibulum_,--dans l'argot des voyous, pour qui, sans doute, les femmes sont vraiment les _choux_ sous lesquels poussent les enfants. POTARD, s. m. Pharmacien,--dans l'argot des faubouriens. Plus spécialement Pharmacien militaire. POTASSER, v. n. S'impatienter, bouillir de colère ou d'ennui,--dans le même argot. POTASSER, v. n. Travailler beaucoup,--dans l'argot des Saint-Cyriens et des lycéens. POTASSEUR, s. m. Elève très bien coté à son cours et très mal quant aux aptitudes militaires. POT-AU-FEU, s. m. L'endroit le plus charnu du corps humain,--dans l'argot des faubouriens, qui l'ont pris depuis longtemps pour cible de leurs plaisanteries et de leurs coups de pied. POT-AU-FEU, s. et adj. Commun, vulgaire, bourgeois,--dans l'argot des petites dames. _Être pot-au-feu._ Être mesquin. _Devenir pot-au-feu._ Se ranger épouser un imbécile ou un myope incapable de voir les taches de libertinage que certaines femmes ont sur leur vie. POT-BOUILLASSER (Se). Se marier de la main gauche ou de la main droite,--dans l'argot des troupiers. POT-BOUILLE, s. f. Cuisine,--ou plutôt chose cuisinée. Argot des ouvriers. Au figuré, _Faire sa petite pot-bouille_. Arranger ses petites affaires dans l'intérêt de son propre bien-être. POTENCE, s. f. Homme ou femme d'une grande rouerie, qui ne vaut pas la corde qu'on achèterait pour les pendre. On dit aussi _Roué comme une potence_. POTEAUX, s. m. pl. Jambes solides,--dans l'argot des faubouriens. On se souvient de la définition, par Gavarni, d'une danseuse maigre de partout, et ayant la réputation de ruiner ses amants: «Deux poteaux qui montrent la route de Clichy.» POTET, s. et adj. Maniaque, radoteur, vieil imbécile. On dit aussi _Vieux potet_,--même à un jeune homme. Ne serait-ce pas une syncope d'_empoté_? ou une allusion à la vieille toupie qui sert de _potet_ aux enfants? POTIN, s. m. Bavardage de femmes, cancan de portières,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté ce mot au patois normand. _Faire des potins._ Cancaner. _Se faire du potin._ Se faire du mauvais sang, s'impatienter à propos de médisance ou d'autre chose. POTINER, v. n. Bavarder, faire des cancans, des potins. POU AFFAMÉ, s. m. Ambitieux à qui l'on a donné un emploi lucratif et qui veut s'y enrichir en peu de temps. POUCE (Avoir du). Avoir de la vigueur; être fièrement campé, crânement exécuté,--dans l'argot des artistes. POUDRE DE PERLINPINPIN, s. f. Remède sans efficacité; graine d'attrape,--dans l'argot du peuple. POUDRE D'ESCAMPETTE, s. f. Fuite. _Prendre la poudre d'escampette._ S'enfuir. C'est ce qu'on appelait autrefois _Faire escampativos_. POUDRE FAIBLE, s. f. Eau,--dans l'argot des francs-maçons. On disait autrefois _Huile blanche_. _Poudre forte._ Vin. On disait autrefois _Huile rouge_. _Poudre fulminante._ Eau-de-vie. _Poudre noire._ Café noir liquide. POUDRER, v. a. et n. Se moquer,--dans l'argot des gamins, qui font le geste bien connu par lequel ils ont l'air de poudrer la tête de la personne dont ils se moquent. On dit aussi _Poudrer à blanc_. POUF, s. m. Dette qu'on ne paye pas; crédit qu'on demande et auquel on ne fait pas honneur. Argot du peuple. Signifie aussi Banqueroute. Quoique _pouf_ ait l'air de venir de _puff_, comme la malhonnêteté vient du mensonge, ce sont des mots d'une signification bien différente, et on aurait tort de les confondre. POUFFIASBOURG, n. d. v. Asnières,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que ce village est le rendez-vous de la Haute-Bicherie parisienne. On dit aussi plus élégamment: _Gadoûville_. POUFFIASSE, s. f. Fille ou femme de mauvaise fille. POUFFIASSER, v. n. Mener une conduite déréglée--quand on est femme. Fréquenter avec les drôlesses--quand on est homme. POUIC! Rien! non!--dans l'argot des voleurs. POUILLARD, s. m. Dernier perdreau d'une couvée ou dernier levraut d'une portée. Argot des chasseurs. POUILLEUX, adj. et s. Homme pauvre,--dans l'argot méprisant des bourgeois. Signifie aussi Econome--et même avare. POULAILLER, s. m. Partie du théâtre la plus voisine du plafond, ordinairement désignée sous le nom d'Amphithéâtre. Argot du peuple. POULAINTE, s. f. Vol par échange. POULE LAITÉE, s. f. Homme sans énergie,--dans l'argot du peuple. Il dit aussi _Poule mouillée_. POULES, s. f. pl. La population d'une abbaye des S'offre-à-tous. POULET, s. m. Billet doux, ou lettre raide,--dans l'argot du peuple, qui se sert du même mot que Shakespeare (_capon_). POULET DE CARÊME, s. m. Hareng saur. Les gueux de Londres appellent le hareng saur _Yarmouth capon_ (chapon de Yarmouth). POULET D'HOSPICE, s. m. Homme maigre. POULET D'INDE, s. m. Cheval. POULET D'INDE, s. m. Imbécile, maladroit. POULETTE, s.f. Grisette, femme légère qui se laisse prendre au _cocorico_ des séducteurs bien accrêtés. _Lever une poulette._ «Jeter le mouchoir» à une femme, dans un bal ou ailleurs. POULEUR, s. m. Souscripteur de poules, parieur de courses. POUPARD, s. m. Affaire préparée de longue main,--dans l'argot des voleurs. POUPARD, s. m. Nourrisson bien portant,--dans l'argot du peuple. _Gros poupard._ Se dit d'un homme aux joues roses, sans barbe, ressemblant à un nourrisson de belle venue. On dit aussi _poupon_. On a dit autrefois _poupin_, comme en témoigne cette épigramme du seigneur des Accords: «Estant popin et mignard, Tu veus estre veu gaillard; Mais un homme si popin Sent proprement son badin.» POUPÉE, s. f. Morceau de linge dont on enveloppe un doigt blessé. On dit aussi _Cathau_. POUPÉE, s. f. Concubine,--dans l'argot du peuple, qui sait que ces sortes de femmes se prennent et se reprennent par les hommes comme les poupées par les enfants. C'est la _mammet_ des ouvriers anglais. On dit aussi,--quand il y a lieu: _Poupée à ressorts_. POUPÉE, s. f. Soldat,--dans l'argot des voleurs. POUPOUILLE, s. f. Cuisine, _popote_,--dans l'argot des faubouriens. POUPOULE, s. f. Chère amie,--dans l'argot des bourgeois. POUR, adv. Peut-être,--dans l'argot des voleurs. POUR-COMPTE, s. m. Vêtement marqué dont le client ne veut pas,--dans l'argot des tailleurs. _Armoire aux Pour-compte._ C'est le _carton aux ours_ chez les vaudevillistes. POUR DE VRAI, adv. Véritablement, sérieusement,--dans l'argot du peuple. _Femme pour de vrai._ Femme légitime. _Ami pour de vrai._ Ami sûr. On dit aussi _Pour de bon_. POURRI, adj. et s. Homme vénal, _corrompu_, ambitieux, qui a laissé pénétrer dans sa conscience le ver du scepticisme et dans son cœur le taret de l'égoïsme. POURRI DE CHIC, adj. A la dernière mode et de la première élégance,--dans l'argot des gandins et des petites dames. POURRITURISME, s. m. Etat des esprits et des consciences à Paris, ville où l'on s'effémine trop facilement,--dans l'argot du caricaturiste Lorenz, qui affectionne la désinence _isme_. POUSSE, s. f. Les gendarmes,--dans l'argot des voleurs. POUSSE (Ce qui se), s. m. Argent, or ou monnaie,--dans l'argot du peuple. Substantif bizarre,--mais substantif. J'ai entendu dire: «Donne-moi donc de ce qui se pousse.» POUSSE-AU-VICE, s. f. Cantharide, et généralement tous les aphrodisiaques. Argot des voleurs. POUSSE-CAFÉ, s. f. Petit verre d'eau-de-vie ou de rhum pris après le café,--dans l'argot des bourgeois. POUSSE-CAILLOUX, s. m. Fantassin,--dans l'argot des faubouriens. POUSSE-CUL, s. m. Sergent de ville,--dans l'argot du peuple, qui sait que ces agents de l'autorité ne prennent pas toujours des mitaines pour faire circuler la foule. Les aïeux de celui-ci disaient, en parlant d'un des aïeux de celui-là: _Chien courant du bourreau_. POUSSÉE, s. f. Bourrade; coups de coude dans la foule. Par extension: Reproches, réprimande. POUSSÉE, s. f. Besogne pressée, surcroît de travail,--dans l'argot des ouvriers. POUSSÉE DE BATEAUX, s. f. Se dit ironiquement--dans l'argot du peuple--d'une chose vantée d'avance et trouvée inférieure à sa réputation, ainsi que de toute besogne ridicule et sans profit. On dit mieux: _Une belle poussée de bateaux_! POUSSE-MOULIN, s. f. Eau courante,--dans l'argot des voleurs. POUSSER, v. n. Surenchérir,--dans l'argot des habitués de l'Hôtel des ventes. POUSSER, v. a. et n. Parler,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi: _Pousser son glaire_. POUSSER DE L'AIR (Se). S'en aller de quelque part. On dit aussi: _Se pousser un courant d'air_. POUSSER DU COL (Se), v. réfl. Être content de soi, et manifester extérieurement sa satisfaction,--dans l'argot des faubouriens, qui ont remarqué que les gens fats remontaient volontiers le col de leur chemise. Une chanson populaire--moderne--consacre cette expression; je me reprocherais de ne pas la citer ici: «Tiens! Paul s'est poussé du col! Est-il fier, parc'qu'il promène Sarah, dont la douce haleine Fait tomber les mouch's au vol.» Signifie aussi S'enfuir. POUSSER LE BOIS, v. a. Jouer aux échecs ou aux dames,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce verbe _au neveu de Rameau_. POUSSER DANS LE BATTANT (Se). Boire ou manger, mais surtout boire. POUSSER LE BOUM DU CYGNE. Mourir,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des garçons de café et de leur fatigant _boum! pas de crème, messieurs?_ POUSSER SA POINTE, v. ac. S'avancer dans une affaire quelconque,--mais surtout dans une entreprise amoureuse. «Que de projets ma tête avorte tour à tour! Poussons toujours ma pointe et celle de l'amour.» dit une comédie-parade du XVIIIe siècle (_le Rapatriage_). POUSSER SON ROND, v. a. _Alvum deponere_,--dans l'argot des maçons. POUSSER UN BATEAU, v. a. Avancer une chose fausse, inventer une histoire, mentir. Argot des faubouriens. On dit aussi: _Monter un bateau_. POUSSER UNE GAUSSE, v. a. Faire un mensonge,--dans l'argot du peuple. On dit aussi: _Pousser une histoire_. POUSSIER, s. m. Monnaie,--dans l'argot des voleurs. POUSSIER, s. m. Lit d'auberge ou d'hôtel garni de bas étage,--dans l'argot des faubouriens. POUSSIER DE MOTTE, s. m. Tabac à priser. On dit aussi simplement _Poussier_. POUSSIF, adj. Qui n'a plus de souffle, qui n'en peut plus,--dans l'argot du peuple, qui, travaillant comme un cheval, en a naturellement les infirmités. POUVOIR EXÉCUTIF, s. m. Enorme canne en spirale que portaient les Incroyables sous le Directoire. L'expression est encore employée de temps en temps. POUVOIR VOIR QUELQU'UN EN PEINTURE (Ne). Le haïr; le détester extrêmement,--dans l'argot des bourgeois. PRANDION, s. m. Repas copieux,--dans l'argot des artistes, dont quelques-uns, je pense, savent que cette expression est le mot latin (_prandium_) francisé par quelque écrivain fantaisiste. C'est un provincialisme, maintenant naturalisé parisien. PRANDIONNER, v. n. Faire un repas plantureux. PRAT, s. f. Fille de mauvaise vie,--dans l'argot du peuple. PRATICABLE, s. m. Partie de décors accessible aux acteurs, montagnes, rochers, etc. Argot des coulisses. PRATIQUE, s. f. Petit instrument plat, composé de deux lames d'ivoire jointes, à l'aide duquel les saltimbanques imitent la voix stridente de Polichinelle. PRATIQUE, s. f. Libertin; homme d'une probité douteuse; débiteur qui ne paye pas ses dettes; soldat qui passe son temps à la salle de police, etc. Quand un homme a dit d'un autre homme: «C'est une pratique!» c'est qu'il n'a pas trouvé de terme de mépris plus fort. PRÉ, s. m. Bagne,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi le _Grand pré_. _Aller au pré._ Être condamné aux travaux forcés. On dit aussi: _Aller faucher au pré_. PRÉ-CATELANIÈRE, s. f. Petite dame, drôlesse, habituée de bals publics, du pré Catelan et de Mabille. Hors d'usage. PRÊCHI-PRÊCHA, s. m. Sermonneur ennuyeux,--dans l'argot du peuple. PRÉDESTINÉ, s. m. Galant homme qui a épousé une femme trop galante. PRÉFECTANCHE, s. f. Préfecture de police,--dans l'argot des voyous. PREMIÈRE, s. f. Manière elliptique de désigner la _première_ représentation d'une pièce de théâtre,--dans l'argot des comédiens et des gens de lettres. PREMIÈRES, s. f. pl. Wagons de première classe. On dit de même _Secondes_ et _Troisièmes_, pour les voitures de 2e et de 3e classe. PREMIER NUMÉRO, adj. Excellent, parfait, _numéro un_. PREMIER-PARIS, s. m. Article de tête d'un journal politique où l'on voit, d'après Alphonse Karr, «une série de longues phrases, de grands mots qui, semblables aux corps matériels, sont sonores à proportion qu'ils sont creux». PRENDRE AU SOUFFLEUR. Jouer son rôle le sachant mal, en s'aidant du souffleur. Argot des coulisses. On dit aussi: _Prendre du souffleur_. PRENDRE DE BEC (Se), v. pron. Se dire des injures,--dans l'argot des bourgeois. PRENDRE DES MITAINES, v. a. Prendre des précautions pour dire ou faire une chose,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression avec ironie. On dit aussi: _Prendre des gants_. PRENDRE DES TEMPS DE PARIS. Augmenter l'effet d'un mot par une pantomime préalable,--dans l'argot des comédiens de la banlieue et de la province. PRENDRE LA TANGENTE. S'échapper de l'Ecole,--dans l'argot des Polytechniciens. PRENDRE LE COLLIER DE MISÈRE, v. a. Se mettre au travail,--dans l'argot du peuple, qui prend et reprend ce collier-là depuis longtemps. _Quitter le collier de misère._ Avoir fini sa journée et sa besogne et s'en retourner chez soi. PRENDRE SES INVALIDES, v. n. Se retirer du commerce,--dans l'argot des bourgeois. PRENDRE SES JAMBES A SON COU. Courir. PRENDRE SON CAFÉ AUX DÉPENS DE QUELQU'UN. Se moquer de lui par parole ou par action. PRENDRE UN BILLET DE PARTERRE, v. a. Tomber sur le dos,--dans l'argot facétieux du peuple. PRENDRE UN PINÇON, v. a. Se laisser _pincer_ le doigt entre deux pierres ou deux battants. PRÉSOMPTIF, s. m. Enfant--qui est toujours l'héritier présomptif de quelqu'un. PRESSE, s. f. Nécessité à faire ou dire une chose; empressement. _Il n'y a pas de presse._ Il n'est pas nécessaire de faire cela,--du moins pour le moment. Cela ne presse pas. PRESSER A CARREAU FROID, v. a. Faire ce qu'un autre ne pourrait pas faire,--dans l'argot des tailleurs, qui savent qu'on ne peut venir à bout d'une pièce qu'avec un carreau très chaud. PRÊT, s. m. Paie,--dans l'argot des soldats. PRÊTER CINQ SOUS A QUELQU'UN. Lui donner un soufflet, c'est-à-dire les cinq doigts sur le visage,--dans l'argot des faubouriens. PRÊTER LOCHE. Prêter l'oreille, écouter,--dans l'argot des voleurs. PREU, s. et adj. Premier--dans l'argot des enfants et des ouvriers. PRÉVÔT, s. m. Chef de chambrée,--dans l'argot des prisons. PRIANTE, s. f. Eglise,--dans l'argot des voleurs. PRINCE, s. m. Galeux,--dans l'argot facétieux et elliptique des faubouriens. Ils disent _Prince_, mais ils sous-entendent _de Galles_. _Princesse._ Galeuse. PRINCE DU SANG, s. m. Meurtrier,--dans l'argot sinistrement facétieux du peuple. PRINCE RUSSE, s. m. Entreteneur,--dans l'argot de Breda-Street, où il semble que la générosité, comme la lumière, vienne exclusivement du Nord. PRINCESSE DE L'ASPHALTE, s. f. Petite dame,--dans l'argot des gens de lettres. On dit aussi _Princesse du trottoir_. PRISE, s. f. Mauvaise odeur respirée tout à coup,--dans l'argot du peuple. PRISE DE BEC, s. f. Engueulement. PRISON DE SAINT-CRÉPIN (Être dans la). Être dans des souliers trop étroits. PRIX DOUX, s. m. Prix modéré,--dans l'argot des bourgeois. PRODUISANTE, s. f. La terre,--dans l'argot des voleurs, reconnaissants envers la vieille Cybèle. PROFANE, s. m. Étranger,--dans l'argot des francs-maçons, qui ont leurs mystères comme autrefois les païens, avec cette différence que la révélation n'en est pas punie de mort et qu'on s'y occupe de toute autre chose que des _farces_ spéciales aux mystères de la _Bonne Déesse_, ou à ceux d'Isis, ou à ceux de Bacchus, ou à ceux de Mithra. PROFOND, s. m. Fossé, trou,--dans l'argot des paysans des environs de Paris. PROFONDE, s. f. Poche de pantalon,--dans l'argot des voyous et des voleurs. PROFONDE, s. f. Cave,--dans l'argot des voyous. PROMENER QUELQU'UN. Se moquer de lui,--dans l'argot du peuple. PROMONT, s. m. Procès,--dans l'argot des voleurs. PROMONTOIRE NASAL, s. m. Le nez,--dans l'argot des romantiques, qui avaient, eux aussi, l'horreur du mot propre, tout comme les classiques, leurs ennemis. Théophile Gautier a le premier employé cette expression, qu'emploient depuis longtemps les médecins zagorites: [grec: to mpourno]. PROPRE, adj. Antiphrase de l'argot du peuple, qui l'emploie au figuré. _Être propre_: pour lui, est l'équivalent de: _Être dans de beaux draps_. PROPRE-A-RIEN, s. m. Lâche canaille, misérable digne de la roue,--dans l'argot du peuple, qui ne connaît pas, après _feignant_, d'injure plus sanglante à jeter à la tête d'un homme, fût-il le plus honnête et le plus brave des hommes. PROTE A TABLIER, s. m. Prote qui lève la lettre comme les autres ouvriers,--dans l'argot des typographes. PROTECTEUR, s. m. Galant homme qui entretient une femme galante. On dit aussi _Milord protecteur_. Les actrices disent _Bienfaiteur_. PROTÉGER, v. a. Entretenir une femme. PROUE, s. f. L'arrière du navire-homme,--dans l'argot des marins. _Filer le cable de proue._ Alvum deponere. PROUTE, s. f. Plainte, gronderie,--dans l'argot des voleurs. PROUTER, v. n. Porter plainte, gronder. PROUTER, v. a. et n. Appeler, héler,--dans l'argot du peuple, qui crie souvent: _Prout! prout!_ Se dit aussi--dans le même argot--des sacrifices faits au dieu Crépitus. C'est une onomatopée. PROUTEUR, s. et adj. Plaignant, grondeur. PROUTEUR, s. et adj. Qui fait de fréquents sacrifices au dieu Crépitus. PRUDHOMME, s. m. Imbécile solennel dont le type a été inventé par Henry Monnier. On se rappelle et l'on cite souvent en riant, dans la conversation, cette phrase supercoquentieuse, digne du bourgeois sur les lèvres duquel elle est éclose: «Si cela peut faire votre bonheur, soyez-le.» _Soyez-le_ pour _soyez heureux_! L'ellipse est un peu forte. Un chroniqueur parisien, M. Jules Maillot, plus inconnu sous le nom de Jules Richard, s'est rendu coupable d'une phrase de la même famille: «Il ne faut pas traiter sérieusement les choses qui ne le sont pas,» a-t-il dit _très sérieusement_ dans le _Figaro_ du 7 décembre 1865. PRUNE, s. f. Balle ou boulet,--dans l'argot des soldats, qui ne se battent vraiment que pour des prunes. Le mot a des chevrons. Un jour, Sully, accourant pour prévenir Henri IV des manœuvres de l'ennemi, le trouve en train de secouer un beau prunier de damas blanc: «Pardieu! Sire! lui cria-t-il du plus loin qu'il l'aperçut, nous venons de voir passer des gens qui semblent avoir dessein de vous préparer une collection de bien autres _prunes_ que celles-ci, et un peu plus dures à digérer.» On dit aussi _Pruneau_. _Gober la prune._ Recevoir une blessure mortelle. PRUNE, s. f. Griserie,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis la création de rétablissement de la Mère Moreaux, c'est-à-dire depuis 1798. _Avoir sa prune._ Être saoul. PRUNEAU, s. m. Chique de tabac,--dans l'argot des faubouriens. PRUNEAU, s. m. _Alvi dejectio._ _Poser un pruneau._ Levare ventris onus. PRUNEAUX, s. m. pl. Yeux. _Boucher ses pruneaux._ Dormir. PRUNE DE MONSIEUR, s. f. Archevêque,--dans l'argot des voleurs, qui savent que ces prélats sont habillés de violet. PRUNES DE PROPHÉTIE, s. f. pl. _Fumées_ d'un animal,--dans l'argot des chasseurs. PRUSSIEN, s. m. Un des trop nombreux pseudonymes de Messire Luc,--dans l'argot des troupiers, dont les pères ont eu sous la République et sous l'Empire, de fréquentes occasions d'appliquer leurs baïonnettes dans les reins des soldats prussiens. On connaît la chanson: «Le général Kléber, A la barrièr' d'Enfer, Rencontra un Prussien Qui lui montra le sien.» C'est à tort qu'un étymologiste va chercher à ce mot, jusque chez les Zingaris, une étymologie--toute moderne. PUANT, s. et adj. Fat,--dans l'argot du peuple, qui fait peut-être allusion aux odeurs de musc et de patchouli qu'exhalent les vêtements des élégants. PUCEAU, adj. et s. Naïf, innocent; peu dégourdi,--_plus sot_ qu'il ne convient. PUCELAGE (Avoir encore son). Être un peu neuf dans une affaire; n'avoir pas encore la rouerie nécessaire dans un métier. Les marchandes emploient la même expression pour dire qu'elles n'ont pas étrenné, qu'on ne leur a encore rien acheté de la journée. PUCE TRAVAILLEUSE, s. f. Lesbienne,--dans l'argot des faubouriens. PUER AU NEZ, v. n. Déplaire, ennuyer,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des choses et des gens qui souvent puent le moins. PUER BON, v. n. Sentir bon. PUFF, s. m. Charlatanerie. Vient du verbe anglais _to puff_, bouffer, boursoufler, faire _mousser_. PUFFISTE, s. et adj. Charlatan, inventeur de pommades impossibles, d'élixirs invraisemblables; montreur de _phénomènes_ c'est-à-dire, par exemple, d'un cheval à toison de brebis, d'un veau à deux têtes, d'une Malibran noire, de frères spirites, etc. Les Français vont assez bien dans cette voie; mais ils ne sont pas encore allés aussi loin que les Anglais, et surtout les Américains. parmi lesquels il faut citer M. Barnum, le _prince de la blague_ (_prince of humbug_). PUISSANT, adj. Gros, fort,--dans l'argot du peuple, qui ne s'éloigne pas autant du sens latin (_potens_) que seraient tentés de le croire les bourgeois moqueurs. PUITS DE SCIENCE, s. m. Homme _profond_ par son savoir--ou par ses apparences de savoir. PUNAISE, s. f. Fille ou femme de mauvaises mœurs,--dans l'argot des gens de lettres. _Encore une punaise dans le beurre!_ Encore une drôlesse qui du trottoir passe sur les planches d'un petit théâtre pour y _faire_ des hommes plus _respectables_,--comme argent. Cette expression sort du théâtre du Petit Lazari. On jouait une pièce à poudre (une pièce à poudre à Lazari!). la soubrette entre en scène, va droit à une armoire, l'ouvre et recule en s'écriant: «Madame la marquise! encore une punaise dans le beurre!» L'auteur de la pièce, qui n'avait pas écrit cette phrase, fut très étonné; mais le public, habitué aux choses abracadabrantes, ne fut pas étonné du tout. C'était une interpolation soufflée dans la coulisse par Pelletier, un acteur affectionné des titis. PUNAISE, s. f. Fleur de _lit_,--dans l'argot des voyous, qui ne sont pas précisément légitimistes. PUNAISE, s. f. Femme hargneuse, acariâtre, _puante_ de méchanceté,--dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas qu'il se sert là de l'expression même employée par le prince des poètes latins: _Cimex_, dit Horace. PUNAISIÈRE, s. f. Café borgne, caboulot spécialement hanté par des gigolettes et leurs gigolos. PUNAISIN, adj. et s. Homme dont le corps ou les vêtements sont nidoreux. Tabourot a donné ce nom a une de ses victimes. PUR, s. m. Homme sévère et injuste; Prudhomme politique ou philosophique intraitable, qui n'admet pour honnêtes que ceux qui partagent ses opinions, pour philosophes que ceux qui avec Strauss nient la divinité de Jésus, pour républicains que ceux qui avec Alibaud ont un peu tiré sur le Roi. Le type existe à côté des plus nobles et des plus généreux, comme le bouledogue à côté du caniche, comme le loup à côté du lion. J'aurais regretté d'oublier ce mot et ce type--modernes. PURÉE, s. f. Cidre,--dans l'argot des voleurs. PURÉE DE MARRONS, s. f. Meurtrissures du visage,--dans l'argot des faubouriens. _Faire de la purée de marrons._ Appliquer un vigoureux coup de poing en pleine figure. PURGATION, s. f. Plaidoyer,--dans l'argot des voleurs. PUR-SANG, s. m. Vin rouge naturel, sans addition d'eau ni d'alcool,--dans l'argot des cabaretiers. PUR-SANG, s. m. Cheval de race,--dans l'argot du Jockey-Club. PUR-SANG, s. f. Fille entretenue et qui mérite de l'être à cause de sa beauté--et de ses vices. Argot des viveurs. PUT! Interj. qui sert à marquer, soit le doute, soit le mépris,--plus souvent encore le mépris que le doute. PUTAIN, s. f. Femme qui vend l'amour--ou qui le donne trop facilement. Argot du peuple. L'expression est vieille, comme la légèreté du sexe féminin. Il n'est peut-être pas un seul poète français--un ancien--qui ne s'en soit servi. _Putain comme chausson._ Extrêmement débauchée. On dit aussi en parlant d'un Homme dont l'amitié est banale: _C'est une putain._ _Avoir la main putain._ Donner des poignées de main à tout le monde, même à des inconnus. PUTASSIER, s. et adj. Libertin. PUTINER, v. n. Courir les gueuses. PUTINERIE, s. f. Libertinage,--en parlant des femmes. Amitié banale,--en parlant des hommes. PUTIPHARISER, v. a. Essayer de séduire un jouvenceau,--dans l'argot de Breda-Street. Le mot date de 1830 et de Pétrus Borel. Champfleury, à qui l'on doit quelques néologismes malheureux, a écrit _putipharder_. Q QUAND IL FERA CHAUD, adv. Jamais,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Quand les poules auront des dents_. QUANT A SOI, s. m. Réserve exagérée, fierté, suffisance. QUANTUM, s. m. Argent, somme quelconque, caisse. QUART D'AGENT DE CHANGE, s. m. Personne intéressée pour un quart dans une charge d'agent de change. Argot des boursiers. Il y a aussi des _cinquièmes_, des _sixièmes_ et même des _dixièmes d'agent de change_. QUART D'AUTEUR, s. m. Collaborateur pour un quart dans une pièce de théâtre. Argot des coulisses. QUART-D'OEIL, s. m. Commissaire de police,--dans l'argot des faubouriens. Se dit aussi de l'habit noir de ce fonctionnaire. QUARTIER, s. m. Logement de trois ou quatre pièces,--dans l'argot des ouvriers qui ont été travailler en Belgique. QUASIMODO, s. m. Homme fort laid, plus que laid, contrefait,--dans l'argot du peuple, qui a lu _Notre-Dame de Paris_. QUATORZIÈME ÉCREVISSE, s. f. Figurante,--dans l'argot des coulisses. L'expression est récente. Elle sort du théâtre des Folies-Marigny, aux Champs-Elysées, où l'on a joué je ne sais quelle revue-féerie où paraissaient beaucoup de femmes chargées de représenter, celles-ci des légumes, et celles-là des poissons,--crustacés ou non. Vous avez compris? QUATRE-COINS, s. m. Mouchoir,--dans l'argot des voleurs. QUATRE SOUS. Etalon à l'aide duquel le peuple apprécie la valeur des choses--qui n'en ont pas pour lui. _Fichu_ ou _Foutu comme quatre sous_. Mal habillé. QUATRE-SOUS, s. m. Cigare de vingt centimes. QUATRE-VINGT-DIX, s. m. Truc, secret du métier,--dans l'argot des marchands forains. _Vendre le quatre-vingt-dix._ Révéler le secret. QUATRE-Z-YEUX, s. m. Homme qui porte des lunettes,--dans l'argot du peuple. QUATUOR, s. m. Le quatre,--dans l'argot des joueurs de dominos. QUELPOIQUE, adv.--Rien,--dans l'argot des voleurs. QUELQUE PART, Adverbe de _lieux_,--dans l'argot des bourgeois. QUELQUE PART, adv. L'endroit du corps destiné à recevoir des coups de pied,--dans l'argot du peuple. _Avoir quelqu'un quelque part._ En être importuné,--en _avoir plein le dos_. QUELQU'UN, s. m. Personnage, homme d'importance ou se donnant de l'importance. _Se croire un quelqu'un._ S'imaginer qu'on a de la valeur, de l'importance. _Faire son quelqu'un._ Prendre des airs suffisants. _Faire ses embarras._ QUÉMANDER, v. a. et n. Mendier, au propre et au figuré,--dans l'argot du peuple, qui pourtant n'a pas lu les _Aventures du baron de Fœneste_. QUÉMANDEUR, s. m. Mendiant. QUENOTTES, s. f. pl. Dents,--dans l'argot des enfants. Ils les appellent aussi _Louloutes_. QUENOTTIER, s. m. Dentiste,--dans l'argot des faubouriens. QUEUE, s. f. Infidélité faite à une femme par son amant, ou à un homme par sa maîtresse. _Faire une queue à sa femme._ La tromper en faveur d'une autre femme. QUEUE, s. f. Escroquerie, farce de mauvais goût, _carotte_. Argot des soldats. _Faire sa queue._ Tromper. QUEUE, s. f. Reliquat de compte,--dans l'argot des débiteurs. _Faire une queue._ Redevoir quelque chose sur une note, qui arrive ainsi à ne jamais être payée, parce que, de report en report, cette queue s'allonge, s'allonge, s'allonge, et finit par devenir elle-même une note formidable. QUEUE DE POIREAU, s. f. Ruban de Saint-Maurice et Lazare, lequel est _vert_. Argot des faubouriens. QUEUE DE RAT, s. f. Bougie roulée en corde,--dans l'argot des bourgeois. QUEUE DE RAT, s. f. Tabatière en écorce d'arbre s'ouvrant au moyen d'une longue et étroite lanière. QUEUE DE RENARD, s. f. Témoignages accusateurs d'un dîner mal digéré. Argot du peuple. QUEUE D'UN CHAT (Pas la). Solitude complète. QUEUE-LEU-LEU (A la), adv. L'un après l'autre, en s'entre-suivant comme les _loups_. QUEUE ROUGE, s. f. Jocrisse, homme chargé des rôles de niais,--dans l'argot des coulisses. Signifie aussi Homme qui se fait le bouffon des autres, sans être payé par eux. QUEUES, s. f. pl. Phrases soudées ensemble à la queue-leu-leu,--dans l'argot des typographes, dont c'est le _javanais_. Un échantillon de ce système de coquesigruïtés, que l'on pourrait croire moderne et qui est plus que centenaire, sera peut-être plus clair que ma définition. Quelqu'un dit, à propos de quelque chose: «Je la trouve _bonne_.» Aussitôt un loustic ajoute _d'enfant_, puis un autre _ticide_, puis d'autres _de Normandie,--t-on--taine--ton ton--mariné--en trompette--tition--au Sénat--eur de sanglier--par la patte--hologie--berne--en Suisse--esse--vous que je vois_, etc., etc., etc. Lesquelles coquesigruïtés, prises isolément, donnent: Bonne d'enfant,--infanticide,--cidre de Normandie,--dit-on,--ton taine ton ton,--thon mariné,--nez en trompette,--pétition au Sénat,--hure de sanglier, etc. QUI A DU ONZE CORPS-BEAU? Question qui ne demande pas de réponse, pour annoncer l'entrée d'un prêtre dans l'atelier. Même argot. QUIBUS, s. m. Argent,--dans l'argot du peuple. QUI EST-CE QUI VOUS DEMANDE L'HEURE QU'IL EST? Phrase du même argot, souvent employée pour répondre à une importunité. QUIGNON, s. m. Gros morceau de pain. QUILLER, v. a. et n. Lancer des pierres, soit pour attraper quelqu'un qui s'enfuit, soit pour abattre des noix, des pommes, etc. Argot des gamins. QUILLER A L'OIE, v. a. Envoyer un bâton dans les jambes de quelqu'un,--par allusion à un jeu cruel qui était encore en honneur chez nous il y a une vingtaine d'années. Argot du peuple. QUILLES, s. f. pl. Jambes,--dans l'argot des faubouriens. QUIMPER, v. n. Tomber,--dans l'argot des voleurs. QUIMPER LA LANCE, v. a. _Meiere_. Même argot. QUINQUETS, s. m. pl. Les yeux,--dans l'argot des faubouriens. _Belle paire de quinquets._ Yeux émerillonnés. _Allumer ses quinquets._ Regarder avec attention. _Éteindre les quinquets._ Crever les yeux. QUINTE-ET-QUATORZE, s. m. Mal au traitement duquel est affecté l'hôpital du Midi. _Avoir quinte-et-quatorze._ N'avoir pas su écarter la dame de cœur,--ou plutôt la dame de pique. QUINTETTE, s. m. Le cinq,--dans l'argot des joueurs de dominos. QUINZE ANS, TOUTES SES DENTS ET PAS DE CORSET! Phrase souvent ironique de l'argot des faubouriens, qui l'emploient à propos des femmes jeunes et bien faites, ou de celles qui se croient ainsi. QUINZE-VINGT, s. m. Aveugle,--dans l'argot du peuple. QUIQUI, s. m. Abatis de toutes sortes de choses, têtes de chats, os de lapins, cous d'oies, etc.,--dans l'argot des chiffonniers, qui vendent cela aux gargotiers, lesquels «en font de fameux potages». QUI-VA-LA, s. m. Passeport,--dans l'argot des faubouriens. QUI-VA-VITE, s. f. _Ventris fluxus_, courante,--dans l'argot des bourgeois. QUONIAM BON TRAIN, adv. Rapidement, avec empressement,--dans l'argot du peuple. QUOQUANTE, s. f. Armoire,--dans l'argot des voleurs. QUOQUARD, s. m. Arbre,--dans le même argot. QUOQUERET, s. m. Rideau--dans le même argot. R RABACHAGE, s. m. Bavardage,--dans l'argot du peuple. Redites inutiles, vieux clichés,--dans l'argot des gens de lettres. RABACHER, v. n. Ne pas savoir ce qu'on dit; se répéter, comme font d'ordinaire les vieillards. RABACHEUR, s. m. Bavard, homme qui dit toujours la même chose, qui raconte toujours la même histoire; mauvais écrivain. RABAT-JOIE, s. m. Homme mélancolique ou grondeur,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Père Rabat-joie_. RABIAGE, s. m. Rente,--dans l'argot des voleurs. RABIAU, s. m. Résidu; reste de portion,--dans l'argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot à l'argot des marins. On dit aussi _Rabiautage_. RABIAU, s. m. Malade qui, dans certains hôpitaux, rend certains services à ses camarades de salle, comme de faire leurs lits, de brosser leurs effets, etc. On lui donne quelquefois de l'argent et, le plus souvent, des _restes_ de soupe. RABIAU, s. m. Temps qui _reste_ à faire,--dans l'argot des troupiers. On dit aussi _Surcroît de punition_. RABIAUTER, v. n. Boire ce qui reste dans le bidon. Je ne sais pas d'où vient _rabiau_, mais _rabiauter_ vient certainement de _rebibere_ (boire de nouveau). RABIBOCHAGE, s. m. Boni, dédommagement, consolation,--dans l'argot des enfants, qui font entre eux ce que M. Bénazet fait pour les décavés de Bade: à celui qui a perdu toutes ses billes à la bloquette ils en rendent une douzaine pour qu'il puisse en aller gagner d'autres--à d'autres. RABIBOCHER, v. a. Réconcilier des gens fâchés,--dans l'argot des bourgeois. _Se rabibocher._ Se réconcilier. RABLÉ, adj. Homme solide des épaules et des reins,--dans l'argot du peuple. RABOTER LE SIFFLET (Se). Boire un verre d'eau-de-vie ou de vin. RABOUILLÈRE, s. f. Maison de triste apparence, comme il y en a tant encore dans le faubourg Marceau, nids à rats et à punaises, trous à lapins plutôt que demeures humaines. RABOUIN, s. m. Le Diable,--dans l'argot des voleurs. RABOULER, v. n. Revenir, _abouler_ de nouveau,--dans l'argot des faubouriens. RABROUER, v. a. Gronder, brutaliser, parler rudement,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Rembarrer_. RACAILLE, s. f. Individu ou Collection d'individus crapuleux,--_populi fex_. C'est le _tag-rag_ des Anglais. RACCORD, s. m. Répétition partielle d'une pièce,--dans l'argot des coulisses. RACCOURCI, s. m Chemin de traverse,--dans l'argot des paysans des environs de Paris. RACCOURCIR, v. a. Guillotiner,--dans l'argot des voleurs. On disait autrefois _Raccourcir d'un pied_, ce qui est une longueur de tête. On dit aussi _Rogner_. RACCROCHER, v. a. Se promener sur le trottoir en robe décolletée et en bas bien tirés,--dans l'argot du peuple. RACCROCHEUSE, s. f. Fille de mauvaises mœurs. RACINES DE BUIS, s. f. pl. Dents jaunes, avariées, esgrignées,--comme celles que Bilboquet arracha jadis devant «Monsieur et madame le maire de Meaux». RACLÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot du peuple. RACLER, v. a. Prendre; perdre. On dit aussi _Rafler_. RACLER LE BOYAU, v. a. Jouer du violon,--dans l'argot des musiciens. RACLETTE, s. f. Agent de la police secrète,--dans l'argot des voleurs. RACONTAINE, s. f. Récit familier, _cancan_. RACONTARS, s. m. pl. Bruits de salons et de clubs, _échos_,--dans l'argot des journalistes. C'est Aurélien Scholl qui a employé le premier cette expression: je lui en laisse la responsabilité. RADE OU RADEAU, s. m. Tiroir de comptoir où sont les _radis_,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Boutique. RADE, s. m. Apocope de _Radis_,--dans l'argot des voyous. RADEAU DE LA MÉDUSE, s. m. Misère extrême,--dans l'argot des bohèmes, qui souffrent parfois de la faim et de la soif autant que les naufragés célèbres peints par Géricault. _Être sur le radeau de la Méduse._ N'avoir pas d'argent. RADIN, s. m. Gousset de montre ou de gilet,--dans l'argot des voleurs. _Friser le radin._ Le débarrasser de sa montre. RADIS, s. m. Pièce de monnaie, argent quelconque,--dans l'argot des faubouriens. _N'avoir pas un radis_: Être tout à fait pauvre. RADOUBER (Se), v. réfl. Réparer sa fortune ou sa santé,--dans le langage des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. On dit aussi: _Passer au grand radoub_. RADURER, v. a. Repasser sur la meule,--dans l'argot des voleurs. RADUREUR, s. m. Repasseur de couteaux. RAFALE, s. f. Misère,--dans l'argot du peuple, en proie aux bourrasques continuelles de la vie. RAFALÉ, adj. et s. Misérable, pauvrement vêtu ou de triste mine. Ne faudrait-il pas dire plutôt _affalé_? Je crois que oui. Les marins, voulant peindre le même état d'ennui, d'embarras, de misère, disent au figuré _Être affalé sur la côte_,--ce qui est, en somme, _être à la côte_. RAFALER, v. a. Abaisser, humilier,--dans l'argot des voleurs, qui savent mieux que personne combien la misère ou des vêtements pauvres peuvent _ravaler_ un homme. RAFALER (Se), v. réfl. Devenir pauvre; porter des vêtements usés,--dans l'argot du peuple. RAFFURER, v. a. Regagner,--dans l'argot des voleurs. RAFFUT, s. m. Tapage,--dans l'argot du peuple. RAFIAU, s. m. Domestique d'hôpital, infirmier. RAFIOT, s. m. Chose de peu d'importance; camelotte. Cette expression est empruntée au vocabulaire des marins, qui appellent ainsi tout Bâtiment léger. RAFISTOLER, v. a. Raccommoder. RAFISTOLER (Se), v. réfl. S'habiller à neuf, ou seulement Mettre ses habits du dimanche. RA-FLA, s. m. pl. Notes fréquemment exécutées sur le tambour. RAFLE, s. f. Arrestation d'une bande de gens; main basse faite sur une certaine quantité de choses. Argot du peuple. RAFLER, v. a. Prendre, saisir, _chiper_. RAFRAÎCHIR (Se), v. réfl. Se battre au sabre,--dans l'argot des troupiers. On dit aussi: _Se rafraîchir d'un coup de sabre_. RAGE DE DENTS, s. f. Grosse faim,--dans l'argot du peuple. RAGOT, s. m. Cancan, médisance,--sans doute par allusion aux grognements des sangliers de deux à trois ans, moins inoffensifs que ceux des marcassins. RAGOTER, v. n. Murmurer, gronder sourdement. On dit aussi _Ragonner_. RAGOÛT, s. m. Assaisonnement d'un plaisir quelconque. S'emploie souvent en mauvaise part: «J'aurois un beau teston pour juger d'une urine, Et, me prenant au nez, loucher dans un bassin Des ragousts qu'un malade offre à son médecin,» dit Mathurin Régnier en sa satire _la Poésie toujours pauvre_. RAGOÛT, s. m. Relief, accentuation de couleur, hardiesse de brosse,--dans l'argot des artistes. RAGOÛT, s. m. Soupçon,--dans l'argot des voleurs. _Faire des ragoûts._ Éveiller des soupçons. RAGOÛTANT, TE, adj. Plaisant, agréable,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens comme à propos des choses. _Vieillard ragoûtant._ Qui est propre,--et surtout sans infirmités. _Femme ragoûtante._ Qui excite l'appétit des amoureux. RAGOÛTER, v. a. Remettre en appétit, réveiller le désir. RAIDE, s. m. Eau-de-vie,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Rude_. RAIDE, adj. Invraisemblable, difficile à croire,--c'est-à-dire à avaler. Se dit à propos d'un Mot scabreux, d'une anecdote croustilleuse. _La trouver raide._ Être étonné ou offensé de quelque chose. RAIDE, adj. Complètement gris,--parce que l'homme qui est dans cet état abject fait tous ses efforts pour que cela ne s'aperçoive pas, en se raidissant, en essayant de marcher droit et avec dignité. On dit aussi _Raide comme la Justice_. RAIDE COMME BALLE, adv. Rapidement. RAIDIR, v. n. Mourir. On dit aussi _Raidir l'ergot_, ou _les ergots_. RAILLE, s. f. Les agents de police en général,--dans l'argot des voleurs. RAILLE, s. m. Mouchard. RAISINÉ, s. m. Sang,--dans le même argot. RAISINÉ (Faire du), v. a. Saigner du nez,--dans l'argot du peuple, qui n'a pas emprunté cette expression aux voleurs. RAJOUTER, v. a. Ajouter,--dans l'argot des bourgeois, qui parlent souvent le français des réalistes, émaillé de pléonasmes. RALEUR, s. m. Faux amateur de livres qui bouscule les boîtes sans rien acheter. Argot des bouquinistes. RALEUSE, s. et adj. Femme qui marchande tout sans rien acheter,--dans l'argot des boutiquiers. RALEUSE, s. f. Courtière, femme chargée d'arrêter les passants pour leur proposer de la marchandise. Argot des marchandes du Temple. RAMA, s. m. Grelot que les artistes trouvaient drôle, vers 1838, d'attacher à tous leurs mots, pour parodier les Dioramas, les Panoramas et autres Géoramas alors en vogue. C'était leur _javanais_. _Parler en rama._ Ajouter _rama_ à toutes les phrases. RAMASSER, v. a. Arrêter; conduire en prison,--dans l'argot des faubouriens. _Se faire ramasser._ Se faire arrêter. RAMASSER (Se), v. réfl. Se relever lorsqu'on est tombé. RAMASSER SES OUTILS. Mourir,--dans l'argot des ouvriers. RAMASTIQUER, v. a. Ramasser,--dans l'argot des voleurs. RAMASTIQUEUR, s. m. Variété de filous décrite par Vidocq. RAMBUTEAU, s. m. Colonne _ad usum lotii_ des promeneurs, établie le long de nos boulevards sous l'édilité du comte de Rambuteau. RAME, s. f. Plume,--dans l'argot des voleurs. RAMENEUR, s. m. Homme affligé de calvitie, qui essaye de la dissimuler en _ramenant_ habilement ses derniers cheveux sur le devant de sa tête--et «empruntant ainsi un qui vaut dix». RAMENEUSE, s. f. Petite dame dont la spécialité est de faire espalier à la porte des cafés du boulevard, vers l'heure de la fermeture, afin d'y nouer connaissance avec quelque galant homme. RAMICHER, v. a. Réconcilier des gens fâchés--dans l'argot du peuple. _Se ramicher._ Se dit des amants qui se reprennent après s'être quittés. RAMOLLI, s. et adj. Imbécile, ou simplement Ennuyeux,--dans l'argot des faubouriens. RAMONA, s. m. Petit Savoyard, qui, aux premiers jours d'automne, s'en vient crier: _haut en bas_, par les rues des villes, barbouillé de suie, raclette à la ceinture et sac au dos. C'est parfois un petit Auvergnat. RAMONER, v. n. Murmurer, marmotter, parler entre ses dents,--par allusion au bruit désagréable que fait le _ramona_ en montant et en descendant dans la cheminée qu'il nettoie. RAMPE, s. f. Le cordon des lumières qui éclairent la scène,--dans l'argot des coulisses. Se dit aussi pour: Théâtre, scène, coulisses. _Princesse de la rampe._ Actrice. _Se brûler à la rampe._ Jouer pour soi,--s'approcher trop près du public, sans s'occuper des autres acteurs en scène. RAMPEAU! Coup nul,--dans l'argot des enfants, lorsqu'ils jouent aux billes ou à la balle. Les vieux joueurs de boule emploient la même expression à propos du second coup d'une partie en deux coups de boule. RAMPONER, v. n. Boire, s'enivrer. L'expression date évidemment du fameux Ramponneau, le cabaretier de la Courtille. RANCART, v. _Rencart._ RANG, s. m. Armature de bois qui supporte toujours les casses, et quelquefois les ouvriers typographes. RAPATRIER (Se). Se réconcilier,--dans l'argot du peuple. RAPE, s. f. Le dos,--dans l'argot des voleurs. RAPIAT, s. m. Auvergnat, Savoyard. Même argot. RAPIAT, s. et adj. Cupide, avare, un peu voleur même,--dans l'argot du peuple. RAPIN, s. m. Mauvais peintre,--dans l'argot des bourgeois. RAPIOT, s. m. Pièce mise à un habit ou à un soulier,--dans l'argot des faubouriens. RAPIOTER, v. a. Rapiécer. RAPIOTER, v. a. Fouiller,--dans l'argot des voleurs. RAPIQUER, v. n. Revenir quelque part, retourner à quelque chose. Argot des faubouriens. On dit aussi et mieux _Rappliquer_. RAPPORTEUR, s. m. Elève qui dénonce ses camarades au maître. Argot des écoliers. RASER, v. a. Ennuyer, être importun,--comme le sont ordinairement les barbiers, gens qui se croient obligés, pour distraire leurs pratiques sur la sellette, de leur raconter des fariboles, des cancans, des anas aussi vieux que Mathusalem. Argot du peuple et des gens de lettres. On disait il y a cent ans: _Faire la barbe_. RASIBUS, prép. Tout près, tout contre, _au ras_,--dans l'argot du peuple. RASOIR, s. m. Homme ennuyeux. _Rasoir anglais._ Le plus ennuyeux,--les rasoirs qui viennent de Londres ayant la réputation d'être les plus coupants du monde. On dit aussi _Raseur_. RASOIR! Exclamation de la même famille que _Des navets!_ RASOIR NATIONAL, s. m. La guillotine,--dans l'argot des révolutionnaires de 1793. _Passer sous le rasoir national._ Être exécuté. RAT, s. m. Petit voleur qui entre dans une boutique un peu avant sa fermeture, se cache sous le comptoir en attendant que les maîtres du logis soient couchés, et, lorsqu'il est assuré de l'impunité, ouvre la porte à ses complices du dehors. On dit aussi _Raton_. _Courir le rat._ Voler la nuit dans une auberge ou dans un hôtel garni. RAT, s. m. Caprice,--dans l'argot du peuple, qui dit cela aussi bien à propos des serrures qui ne vont pas que des gens qui font mauvaise mine. Autrefois, _Avoir des rats_ c'était «avoir l'esprit folâtre, bouffon, étourdi, escarbillard, farceur et polisson». RAT, s. et adj. Avare; homme intéressé. RAT, s. m. Bougie cordelée et repliée de façon à tenir dans la poche. On l'appelle aussi, _rat de cave_. RAT, s. m. Retardataire,--dans l'argot des Polytechniciens. _Rat de ponts._ Celui qui, après son examen de sortie, est exclu par son rang des Ponts-et-Chaussées. _Rat de soupe._ Celui qui arrive trop tard au réfectoire. RAT, s. m. Petite fille de sept à quatorze ans, élève de la danse qui est à la première danseuse ce que le saute-ruisseau est au notaire, et qui devient bien plus facilement célèbre comme courtisane que comme rivale de Fanny Essler. Le mot date de la Restauration, quoique quelques personnes--mal informées--lui aient donné, comme date, 1842, et comme père, Nestor Roqueplan. RATA, s. m. Ragoût de pommes de terre et de lard,--dans l'argot des troupiers. RATAFIAT DE GRENOUILLE, s. m. L'eau,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Anisette de barbillon_ et _Bourgogne de cheval_. RATAPOIL, s. et adj. Partisan quand même du 1er Empire et admirateur aveugle de l'empereur Napoléon. RATATOUILLE, s. f. Mauvais ragoût, plat manqué. RATATOUILLE, s. f. Coups donnés ou reçus. RAT DE CAVE, s. m. Employé de la régie,--dans l'argot des marchands de vin V.--_Rat._ RAT DE PRISON, s. m. Avocat,--dans l'argot des voleurs. RATER, v. a. Echouer dans une entreprise, manquer une affaire,--amoureuse ou autre. Argot du peuple. _Rater une femme._ Ne pouvoir réussir à s'en faire aimer après l'avoir _couchée en joue_. RATICHON, s. m. Abbé, prêtre,--dans l'argot des voyous et des voleurs. _Serpillière de ratichon._ Soutane de prêtre. On dit aussi _Rasé_ ou _Rasi_. RATICHON, s. m. Peigne,--dans l'argot des faubouriens. RATICHONNER, v. a. Peigner. RATICHONNIÈRE, s. f. Eglise. RATISSER, v. a. Prendre, _chiper_,--dans l'argot des faubouriens. _Se faire ratisser._ Se laisser duper, ou voler, ou gagner au jeu. RATISSER (En), v. a. Se moquer de quelqu'un,--dans l'argot du peuple. On n'emploie guère ce verbe qu'à la première et à la troisième personne de l'indicatif présent. RATON, s. m. Petit voleur. RATTRAPAGE, s. m. Fin de la copie donnée à un typographe. Il est tenu de composer (on dit _rattraper_) jusqu'au nom de son camarade écrit sur la copie suivante. RAVAGE, s. m. Débris métalliques volés. RAVAGEUR, s. m. Dragueur à la main, qui exploite les bords de la Seine au-dessous de Paris avec l'espérance d'y faire des trouvailles heureuses. Les ruisseaux de Paris avaient aussi, il y a une vingtaine d'années, leurs ravageurs, pauvres diables à l'affût de toutes les ferrailles que charriait la pluie. RAVAUDER, v. a. Raccommoder du linge, des vêtements,--dans l'argot du peuple. RAVAUDER, v. n. Être lent à faire quelque chose; s'amuser au lieu de travailler. RAVIGNOLE, s. f. Récidive,--dans l'argot des voleurs. RAVIGOTE (A la), adv. D'une façon piquante. Argot du peuple. RAVIGOTER, v. a. Soulager; refaire, remettre en bon état; réjouir. RAYON DE MIEL, s. m. Dentelle,--dans l'argot des voleurs. RAZZIA, s. f. Rafle,--dans l'argot du peuple, retour d'Afrique. RÉAC, adj. et s. Bourgeois, _réactionnaire_,--dans l'argot des faubouriens. Le mot date de 1848. REBATIR, v. a. Tuer,--dans l'argot des voleurs. RÉBECCA, s. f. Fille ou femme qui ne répond qu'avec aigreur aux observations qu'on lui fait,--qui se _rebèque_ en un mot. Argot des bourgeois. On dit aussi _Mademoiselle Rébecca_. (Rien de la Bible.) REBÉQUER (Se), v. réfl. Se révolter, répondre avec fierté, avec colère,--dans l'argot du peuple, à qui Saint-Simon et Diderot ont fait l'honneur d'emprunter ce verbe expressif. REBÉQUER, v. n. Répéter,--dans l'argot des faubouriens. REBIFFER (Se), v. réfl. Regimber, protester plus ou moins énergiquement,--dans l'argot du peuple. REBIFFER (Se), v. réfl. Se présenter avec avantage,--dans l'argot des troupiers, tous plus ou moins cocardiers. REBONNETAGE, s. f. Réconciliation,--dans l'argot des faubouriens. REBONNETER, v. a. Aduler, flatter,--dans l'argot des voleurs. _Rebonneter pour l'af._ Flatter ironiquement. REBONNETER (Se), v. réfl. Devenir meilleur,--dans l'argot des faubouriens, qui emploient ce verbe à propos des choses et des gens. REBONNETEUR, s. m. Confesseur,--dans l'argot des voleurs. REBOUIS, adj. Mort, _refroidi_,--dans le même argot. REBOUISER, v. a. Tuer,--dans le même argot. A signifié autrefois, dans le langage des honnêtes gens: Déniaiser quelqu'un; jouer un tour, faire une fourberie. REBOUISER, v. a. Remarquer, distinguer,--dans l'argot des faubouriens. Le verbe est désormais consacré pour eux par la chanson de l'_Assommoir_ (_o lepida cantio!_) où l'on dit: «Faut pas blaguer, le treppe est batte; Dans c'taudion i' s'trouv' des rupins. Si queuq's gonziers train'nt la savate, J'en ai r'bouisé qu'ont d's escarpins. REBOUISER, v. a. Réparer, ravauder. Argot du peuple. REBOUISEUR, s. m. Savetier,--dans l'argot des revendeurs. REBOURS, s. m. Déménagement clandestin,--dans l'argot des voyous. (V. Vidocq, p. 55.) REBOUTER, v. a. Remettre un membre, réduire une fracture. Argot du peuple. REBOUTEUR, s. m. Chirurgien sans diplôme. RECALER, v. a. Rectifier, corriger. Argot des artistes. RECALER (Se), v. réfl. S'habiller à neuf, ou reprendre des forces quand on a été malade,--dans l'argot du peuple. RECARRER (Se), v. réfl. Faire le paon, le suffisant. RECEVOIR LA PELLE AU CUL, v. a. Être renvoyé de quelque part ou d'un emploi. «Mon rival, j'en suis convaincu, Va recevoir la pelle au cul!» dit une chanson du temps de l'Empire. RECEVOIR SON DÉCOMPTE. Mourir,--dans l'argot des troupiers. RECHANGER (Se), v. réfl. Changer de linge ou d'habit; quitter les vêtements de travail pour mettre les vêtements du dimanche. Argot des ouvriers. RÉCHAUFFANTE, s. f. Perruque,--dans l'argot des voleurs. RÉCHAUFFÉ, s. m. Chose tardive, résolution intempestive, bonne inspiration venue après coup. Argot du peuple. Signifie aussi: Vieux vaudeville, vieille plaisanterie, etc. RÉCHAUFFER, v. a. Ennuyer,--dans l'argot des voleurs. RÊCHE, s. m. Sou,--dans l'argot des faubouriens, qui trouvent le billon _rude_. RÊCHU, adj. et s. Homme désagréable, grincheur,--dans l'argot du peuple. RÉCLAME, s. f. Eloge pompeux et ridicule que les journaux décernent--moyennant cinq francs la ligne--à toute œuvre ou à tout médicament qui est le moins digne d'être loué. RECONDUIRE, v. a. Siffler,--dans l'argot des coulisses. RECONDUIRE QUELQU'UN. Le renvoyer à coups de pied ou à coups de poing,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Faire la conduite_. RECONOBRER, v. a. Reconnaître,--dans l'argot des voleurs. RECOQUER (Se), v. réfl. S'habiller à neuf; reprendre de nouvelles forces, revenir à la santé. Argot du peuple. RECORDER, v. a. Prévenir quelqu'un de ce qui doit lui arriver,--dans l'argot des voleurs. RECTA, adv. Net, sans rien laisser ni devoir,--dans l'argot du peuple. _Payer recta._ Payer jusqu'au dernier sou. C'est l'adverbe latin détourné de son sens. RÉCURER (Se), v. réfl. Se purger. _Se faire récurer._ Se faire traiter à l'hôpital du Midi. RÉDAM, s. f. Grâce,--dans l'argot des voleurs, qui cependant ne croient pas à leur _rédemption_. REDOUBLEMENT DE FIÈVRE, s. m. Révélation d'un nouveau fait à charge,--dans le même argot. REDRESSE, s. f. Institution toute parisienne, composée de bohèmes qui ne veulent pas demander au travail les moyens d'existence qu'il ne leur refuserait pas, et préfèrent s'adresser pour cela au Hasard, ce dieu des paresseux et des fripons. _Chevalier de la Redresse._ Industriel qui _carotte_ le vivre et le couvert à tout gobe-mouches disposé à écouter ses histoires. REFAIRE, v. a. Tromper, duper, et même voler,--dans l'argot des faubouriens. REFAIRE (Se), v. réfl. Reprendre des forces, recouvrer la santé,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Regagner au jeu après s'y être ruiné. REFAIT AU MÊME (Être). Être joué par quelqu'un à qui l'on avait précédemment joué quelque méchant tour. REFAITE, s. f. Repas,--dans l'argot des voleurs. _Refaite du mattois._ Déjeuner. _Refaite de jorne._ Dîner. _Refaite de sorgue._ Souper. _Refaite de côni._ Extrême-onction, ou, plus cyniquement, la nourriture que prend le condamné à mort avant son exécution. REFAITER, v. n. Manger. REFILER, v. a. Rendre, restituer,--dans l'argot des voyous. REFILER, v. a. Suivre, rechercher,--dans l'argot des voleurs. REFOULER, v. n. Hésiter, renoncer à faire une chose,--dans l'argot des ouvriers. _Refouler au travail._ Fêter la Saint-Lundi. RÉFRACTAIRE, s. m. Bohème, homme de talent qui regimbe à suivre les modes morales de son temps. L'expression n'est pas de Jules Vallès,--comme on serait excusable de le croire, d'après l'intéressant ouvrage qui porte ce mot pour titre, attendu que voilà une quinzaine d'années qu'on appelle _Camp des réfractaires_ un petit café borgne de la rue Vavin, hanté par des rapins littéraires et artistiques. De même, le garni situé à quelques pas de là est appelé par ses hôtes l'_Hôtel des réfractaires_, les chambres ressemblant, paraît-il, à des casemates. REFROIDI, s. m. Noyé, pendu; cadavre,--dans l'argot des voleurs. REFROIDIR, v. a. Tuer. RÉGALADE, s. f. Petite ripaille,--dans l'argot du peuple. _A la régalade._ Boire en renversant la tête en arrière et en élevant la bouteille de façon que les lèvres ne touchent pas celle-ci. RÉGALER, v. a. et n. Donner à dîner, payer à boire. RÉGALER SON SUISSE, v. a. C'est, quand on joue à deux, à un jeu quelconque, une consommation, ne perdre ni gagner, être chacun pour son écot. REGARDANT, adj. Économe, avare,--dans l'argot des domestiques, habitués à considérer le bien de leurs maîtres comme le leur, peu généreux,--dans l'argot des petites dames, qui veulent bien faire payer l'amour, mais ne veulent pas qu'on le marchande. RÉGENCE, adj. Galant, libertin, audacieux,--en parlant des choses et des gens. _Être régence._ Se donner des airs de roué. _Souper régence._ Souper où les femmes légères sont spécialement admises. RÉGIMENT DES BOULES DE SIAM, s. m. La confrérie abjecte dont le docteur Tardieu a décrit les mœurs et les maladies dans une brochure que tout le monde a lue,--quoiqu'elle n'eût été écrite que pour un petit nombre de personnes. Argot des faubouriens. REGINGLADE, s. f. Jeu d'enfants qui consiste à chasser celui qui glisse le premier en lui tombant sur le dos les deux bras en avant. REGINGLER, v. n. Jouer à la reginglade. RÉGLÉ COMME UN PAPIER DE MUSIQUE, adj. Ponctuel, rangé, régulier dans ses habitudes. Argot des bourgeois. C'est le pendant de _Sage comme une image_. REGON, s. m. Dette,--dans l'argot des voleurs. REGONCER, v. a. Devoir. REGOUT, s. m. Inquiétude, crainte, remords,--dans le même argot. _Faire du regout._ Être arrêté. RÉGUISÉ (Être). Être battu, ou ruiné, ou volé, ou condamné par la Faculté ou par le Jury. Argot des faubouriens. RÉJOUISSANCE, s. f. Os de bœuf arbitrairement glissés dans la viande pesée par les bouchers. RELEVANTE, s. f. Moutarde,--dans l'argot des voleurs. RELEVER, v. n. Sortir d'un état de gêne,--dans l'argot des faubouriens, à qui il coûte sans doute de dire _Se relever de la misère_. On dit aussi _Être à la relève_. RELICHER (Se). S'embrasser tendrement. On dit aussi _Se relicher le morviau_. RELUIRE DANS LE VENTRE, v. n. Exciter la convoitise, ou l'envie,--dans l'argot du peuple. RELUIT, s. m. OEil,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Jour. RELUQUER, v. a. Considérer, regarder avec attention,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Faire les yeux doux. REMBINER, v. a. Rétracter une calomnie; un _débinage_,--dans l'argot des voyous. REMBROCAGE DE PARRAIN, s. m. Confrontation,--dans l'argot des voleurs. REMBROQUER, v. a. Reconnaître. Signifie aussi Regarder. REMÈDE L'AMOUR, s. m. Figure grotesque ou repoussante,--dans l'argot du peuple, qui ne sait pas que Mirabeau a été adoré de Sophie. REMERCIER, v. a. Renvoyer un domestique; donner son congé à un ouvrier,--dans l'argot des bourgeois. REMERCIER SON BOUCHER, v. a. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Remercier son boulanger_. REMETTEZ DONC LE COUVERCLE! disent les voyous à quelqu'un qui a l'haleine fétide, pour l'empêcher de parler davantage. REMETTRE QUELQU'UN A SA PLACE. Répliquer vertement à quelqu'un qui vous manque de respect, lui faire comprendre son impertinence. Argot des bourgeois. REMISER SON FIACRE. Se taire,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi, par extension, Mourir. REMISIER, s. m. Variété d'Agent de change: homme qui touche une remise sur les affaires qu'il procure à un agent de change. RÉMONENCQ, s. m. Revendeur auvergnat, _chineur_,--dans l'argot des gens de lettres, qui se souviennent de _la Comédie humaine_ de Balzac. REMONTER SA PENDULE, v. a. Battre de temps en temps sa femme,--dans l'argot des ouvriers. REMONTER SUR SA BÊTE, v. n. Rétablir ses affaires, sa fortune, son bonheur,--dans l'argot du peuple. REMOUCHER, v. a. Apercevoir, remarquer, admirer,--dans l'argot des faubouriens. Les Italiens disent _rimorchiare_, donner des regards pour allécher. REMOUCHICOTER, v. n. Chercher les aventures galantes--ou des prétextes à rixe. REMPIÉTER, v. a. Mettre des talons et des bouts aux bas--dans l'argot des ménagères. REMPLIR LE BATTANT (Se). Manger,--dans l'argot des faubouriens. REMPLISSAGE, s. m. Prose inutile, destinée à allonger un article, un volume,--dans l'argot des gens de lettres. REMPLUMER (Se), v. réfl. Engraisser, s'enrichir,--dans l'argot des faubouriens. RENACHÉ, s. m. Fromage,--dans l'argot des voleurs. RENACLER, v. n. Bouder au travail; ne pas se sentir en disposition de faire une chose. Argot des faubouriens. Signifie aussi: Crier après quelqu'un, gronder, murmurer. RENARD, s. m. Aspirant compagnon,--dans l'argot des ouvriers. RENARD, s. m. Pourboire,--dans l'argot des marbriers de cimetière, forcés d'employer toutes les _ruses_ de leur imagination pour en obtenir un des familles inconsolables, mais «dures à la détente». RENARD, s. m. Résultat d'une indigestion,--dans l'argot du peuple. _Piquer un renard._ Vomir. Du temps de Rabelais et d'Agrippa d'Aubigné, on disait _Ecorcher le renard_. Les Anglais ont une expression analogue: _to shoot the cat_ (décharger le chat). RENARDER, v. n. Rendre le vin bu ou la nourriture ingérée avec excès ou dans de mauvaises dispositions d'estomac. RENARÉ, adj. et s. Malin, homme habile. RENAUD, s. m. Reproche, esclandre,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi: Danger, péril. RENAUDER, v. n. Se refuser à faire quelque chose, être de mauvaise humeur. Argot du peuple. C'est le verbe _arnauder_ de la langue romane. _Renauder_ signifie aussi Se plaindre. RENCART ou RANCART (Au) A l'écart, au rebut. RENDÈVE, s. m. Apocope de _Rendez-vous_,--dans l'argot des faubouriens. RENDOUBLÉ, ÉE, adj. Plein, pleine,--dans l'argot des voleurs. RENDRE SA BÛCHE, v. a. Livrer une pièce au patron,--dans l'argot des tailleurs. Au figuré, Mourir,--rendre son âme au _Grêle d'en haut_. RENDRE SA CANNE AU MINISTRE. MOURIR,--dans l'argot des troupiers, qui disent cela à propos des tambours-majors. RENDRE SA CLEF. Mourir,--dans l'argot des bohèmes. RENDRE SON CORDON. Mourir,--dans l'argot des rapins, qui disent cela à propos des concierges. RENDRE SON LIVRET. Mourir,--dans l'argot des domestiques. RENDRE SON PERMIS DE CHASSE. Mourir,--dans l'argot du peuple, qui dit cela à propos des médecins, de qui l'homme malade est le gibier naturel. RENDRE UNE FÈVE POUR UN POIS, v. a. Riposter à un coup de langue ou à un coup de poing par un autre coup de langue plus aigu ou par un autre coup de poing plus violent. Argot du peuple. Signifie aussi: Rendre le bien pour le mal; agir avec générosité envers des gens qui ont montré de la parcimonie. RENDRE VISITE A M. DU BOIS. Aller «où le Roi va à pied»,--dans l'argot des faubouriens. RENFONCEMENT, s. m. Coup de poing. RENFRUSQUINER (Se), v. réfl. S'habiller à neuf avec des vêtements d'occasion,--dans l'argot des ouvriers. RENGAÎNE, s. f. Phrases toutes faites à l'usage des apprentis journalistes ou vaudevillistes,--telles que «l'étoile de l'honneur, la croix de ma mère, l'épée de mon père, le nom de mes aïeux», etc., etc. RENGAÎNER SON COMPLIMENT, v. a. Se taire,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi, par extension, Mourir. RENGRACIER, v. n. Renoncer au métier, redevenir honnête homme,--dans l'argot des voleurs, gens peu rengraciables. _Rengraciez!_ Taisez-vous! faites silence! RENIFLANTES, s. f. pl. Bottes éculées et percées,--dans l'argot des voyous. RENIFLER, v. n. Reculer, se refuser à faire une chose,--dans l'argot des faubouriens, qui ont eu l'occasion d'observer les chevaux peureux. RENIFLER, v. a. Respirer, sentir. Signifie aussi, au figuré: Pressentir, deviner, avoir soupçon de... RENIFLER, v. a. et n. Boire. Il faudrait n'avoir pas été enfant pour ne pas se rappeler le maternel: «Renifle, Pierrot, Y a du beurre au pot.» RENIFLER, v. n. Faire un effet rétrograde,--dans l'argot des joueurs de billard. RENIFLER LA POUSSIÈRE DU RUISSEAU, v. a. Tomber dans le ruisseau,--dans l'argot des voyous. RENQUILLER, v. n. Rentrer. RENQUILLER (Se), v. réfl. Réussir; engraisser; s'enrichir,--dans l'argot des typographes. RENSEIGNEMENT, s. m. Verre de vin ou d'eau-de-vie,--dans l'argot des canotiers. _Prendre un renseignement._ S'arrêter au cabaret. RENTIER A LA SOUPE A L'OGNON, s. m. Ouvrier,--dans l'argot des faubouriens. RENTOILER (Se). Revenir à la santé quand on a été malade; devenir riche quand on a été pauvre. RENTRER BREDOUILLE. Rentrer sans avoir _levé_ personne,--dans l'argot des petites dames, dont la chasse n'est pas toujours heureuse, bien que Paris soit un pays fort giboyeux. RENTRER BREDOUILLE. Rentrer ivre-mort. Argot des faubouriens. RENTRER DE LA TOILE, v. n. Prendre du repos par suite d'infirmités ou de vieillesse,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. RENTRER SES POUCES. Mourir,--dans l'argot des étudiants en médecine, qui ont eu de fréquentes occasions de remarquer que lorsque la mort arrive, la main du moribond se ferme toujours de la même manière, le pouce se plaçant en dedans des autres doigts. RENVERSANT, adj. Étonnant, extraordinaire.--dans l'argot du peuple et des gandins. RENVERSER, v. n. Rejeter ce qu'on a bu ou mangé avec excès ou mal à propos. RENVERSER LA MARMITE, v. a. Cesser de donner à dîner,--dans l'argot des bourgeois. RENVERSER SA MARMITE. Mourir,--dans l'argot des ouvriers. RENVERSER SON CASQUE. Mourir,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des saltimbanques, probablement depuis la mort du fameux marchand de crayons Mengin. RÉPANDRE (Se), v. réfl. S'étaler dans le ruisseau; tomber, soit par accident, soit parce qu'on est ivre. L'expression est âgée de plus d'un siècle. Elle signifie aussi Mourir. REPASSE, s. f. Mauvais café,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Cafetiau_. REPASSER, v. a. Céder quelque chose à quelqu'un, donner,--dans l'argot du peuple. _Repasser une taloche._ Donner un soufflet. REPAUMER, v. a. Reprendre, arrêter de nouveau. REPÉSIGNER, v. a. Arrêter de nouveau,--dans l'argot des voleurs. RÉPÉTER, v. n. Aimer,--dans l'argot des cabotins. On dit aussi _Aller à la répétition_. REPIGER, v. a. Rattraper, retrouver,--dans l'argot des faubouriens. REPIQUER, v. n. Reprendre courage, se tirer d'embarras. Signifie aussi: Revenir à la charge; retourner à une chose. _Repiquer sur le rôti._ En demander une nouvelle tranche. RÉPLIQUE, s. f. Les derniers mots d'une tirade, d'un couplet quelconque,--dans l'argot des coulisses. _Envoyer la réplique._ Prononcer ces derniers mots de façon à appeler l'attention de l'acteur qui doit reprendre le dialogue. REPORTER SON FUSIL A LA MAIRIE, v. a. Commencer à vieillir,--dans l'argot du peuple, qui sait qu'à cinquante ans on cesse de faire partie de la garde nationale. REPORTER SON OUVRAGE. Assister, quand on est médecin, à l'enterrement d'une personne qu'on a t...,--pardon! qu'on n'a pas pu guérir. Argot des faubouriens. REPORTER, s. m. Journaliste en quête de nouvelles. REPOUSSANT, s. m. Fusil,--dans l'argot des voleurs. REPOUSSER DU TIROIR, v. n. Avoir l'haleine cousine germaine du lac Stymphale. Argot des faubouriens. On dit aussi _Repousser du corridor_. REPRENDRE DU POIL DE LA BÊTE, v. a. Continuer le lendemain les débauches de la veille. Argot du peuple. REPRENDRE SON PIVOT, v. a. Retrouver son aplomb, son sang-froid,--dans l'argot du peuple, qui se sert de cette expression depuis longtemps, car on la trouve dans les _OEuvres diverses_ de Cyrano de Bergerac. REQUIN DE TERRE, s. m. Huissier,--dans l'argot des faubouriens, qui ont voulu faire allusion à la voracité de ce fonctionnaire, pour qui tout est bon, meubles et bijoux, le portrait de votre première maîtresse aussi bien que le berceau de votre dernier né. On l'appelle aussi _Macaron_. REQUINQUER (Se), v. réfl. S'habiller à neuf, ou seulement s'endimancher, dans l'argot du peuple. RESSERRER SON LINGE, v. a. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. RESTANT DE NOS ÉCUS (Le). Se dit à propos des Gens qui surviennent quelque part quand on ne les attend pas. Argot du peuple. RESTE (Donner son). Achever un homme en le tuant de n'importe quelle façon. RESTE (Ne pas demander son). C'est, quand on a été battu, fuir sans exiger d'explications--et surtout sans demander le supplément de coups de pied ou de poing auxquels on pourrait avoir droit. RESTER EN FIGURE. Rester coi, ne savoir que dire. Signifie aussi: Rester seul, être abandonné de ses compagnons. RESTER EN PLAN, v. n. Rester comme otage quelque part, lorsqu'on n'a pas d'argent pour payer sa consommation. RESTITUER SA DOUBLURE. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. RESUCÉE, s. f. Chose qu'on a déjà goûtée, lue, entendue, ou vue plusieurs fois. On dit aussi _C'est de la troisième_ ou _de la quatrième resucée_. RÉSURRECTION (La), n. de l. La prison de Saint-Lazare,--dans l'argot des faubouriens. RETAPE, s. f. Raccrochage,--dans l'argot des filles et de leurs souteneurs. _Aller à la retape._ Raccrocher. On dit aussi _Faire la retape_. RETAPÉ, adj. Vêtu proprement,--dans l'argot du peuple. RETIRATION (Être en). Avoir plus de quarante ans, vieillir,--dans l'argot des typographes. RETIRER LE PAIN DE LA BOUCHE, v. a. Ruiner quelqu'un, lui enlever son emploi, les moyens de gagner sa vie. Argot du peuple. RETOURNE, s. f. Atout,--dans l'argot des joueurs. _Chevalier de la Retourne._ Joueur passionné--jusqu'à en être grec. RETOURNER (S'en). Vieillir,--dans l'argot de Breda-Street. RETOURNER SA VESTE, v. a. Faire faillite, et, par extension, Mourir,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Rendre son tablier_ et _Retourner son paletot_. REVENDRE, v. a. Répéter ce qu'on a appris de quelqu'un, commettre une indiscrétion. Argot des voleurs. REVENIR, v. n. Se dit--dans l'argot des bourgeois--de tout ce qui plaît, choses ou gens. REVENIR DE PONTOISE, v. n. Avoir l'air étonné, ahuri; dire des sottises,--dans l'argot du peuple. _Faire_ ou _dire une chose comme en revenant de Pontoise_. La dire ou la faire mal, gauchement, niaisement. REVENIR SUR L'EAU, v. n. Rétablir ses affaires, sortir d'un mauvais pas; occuper de nouveau l'attention publique. REVERS DE LA MÉDAILLE, s. m. La partie du corps sur laquelle on tombe le plus souvent lorsqu'on a l'habitude de marcher sur les talons. C'est une expression de l'argot du peuple parisien, qui appartient également à l'argot du peuple napolitain: _Il revescio de la medaglia_, disent les fils de Mazaniello. REVIDAGE, s. m. Opération qui consiste à se partager, entre brocanteurs, les lots achetés trop cher à l'hôtel Drouot, mais achetés par eux pour les enlever aux bourgeois. REVIEWER, s. m. Écrivain de revues,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression à l'Angleterre. REVOIR LA CARTE, v. a. Rendre son déjeuner ou son dîner,--ce qui est une façon désagréable de s'assurer de ce qu'on a mangé. Argot du peuple. RHUME, s. m. Maladie sœur du Quinte-et-quatorze. On disait autrefois _Rhume ecclésiastique_. RIBAMBELLE, s. f. Troupe nombreuse de choses ou de gens. RIBOTE, s. f. Griserie, petite débauche. _Être en ribote._ Être ivre. RIBOTER, v. n. Hanter les cabarets. RIBOUIS, s. m. Savetier,--dans l'argot des faubouriens. Francisque Michel a raison: on devrait dire _Rebouis_, ce mot venant de l'opération par laquelle le cordonnier communique du lustre à une semelle en _donnant le bouis_. Le _rebouis_ donne un second _bouis_, ou second lustre, aux chaussures avariées par l'usage. RIC-A-RIC, adv. Chichement, morceau par morceau,--dans l'argot du peuple. _Payer ric-à-ric._ Par acompte. Autrefois cela signifiait au contraire, Payer rigoureusement, jusqu'au dernier sou. RICHE, adj. Bon, agréable, amusant. S'emploie ordinairement en mauvaise part et avec la négative. _Ce n'est pas riche!_ Ce n'est pas honnête, ce n'est pas bien. C'est, me semble-t-il, le _luculentus_ des Latins: _hæreditas luculenta_, riche succession, dit Plaute; _luculentus scriptor_, excellent écrivain, dit Cicéron. RICHE EN IVOIRE, adj. Qui a de belles dents,--dans l'argot des faubouriens. _Montrer son ivoire._ Montrer ses dents. Les ouvriers anglais ont la même expression: _Flash his ivory_. RICHE EN PEINTURE, adj. et s. Homme glorieux, plus riche en paroles qu'en réalité. Argot du peuple. On dit de même d'un Fanfaron qu'il _est brave en peinture_. RICHELIEU, adj. Galant, magnifique, entreprenant,--dans l'argot des bourgeois, dont les grand'mères ont conservé bon souvenir du vainqueur de Mahon. RICHEMENT, adv. Extrêmement. RICHONNER, v. n. Rire,--dans l'argot des voleurs. RIDEAU ROUGE, s. m. Cabaret,--dans l'argot du peuple, qui se rappelle toujours les maisons à boire du vieux temps, reconnaissables à leurs rideaux de percale de couleur pourpre. Les ouvriers anglais disent de même _Red-lattice_, parce que chez eux c'est le treillage extérieur du cabaret qui est peint en rouge. RIDEAUX DE PERSE, s. m. pl. Rideaux déchirés, _percés_ de trous,--dans l'argot des bourgeois plaisantins. On dit de même _Mouchoir de Perse_, _chemise de Perse_, etc. RIEN, s. m. Garde-chiourme, argousin,--dans l'argot des forçats. RIEN. Mot de l'argot des faubouriens, qui l'emploient comme selle à tous chevaux, pour donner plus de force et de couleur à leurs discours. Ainsi, ils disent: _Il n'a rien l'air de_... pour: Il a extrêmement l'air de... _Il n'est rien paf_, pour: Il est très gris. _Ce n'est rien mauvais_, pour: On ne saurait imaginer chose plus détestable, etc. Une autre négation, sœur de celle-ci, et valant comme elle une affirmation, c'est _n'être pas_. Ainsi: _Tu n'es pas blagueur!_ signifie: «Comme tu es menteur!» RIEN, s. m. Un peu, très peu,--dans l'argot du peuple. _En un rien de temps._ En très peu de temps. _Rien de rien._ Moins que rien. RIF ou RIFLE, s. m. Feu,--dans l'argot des voleurs. RIFFAUDANTE, s. m. Flamme. RIFFAUDATE, s. m. Incendie. RIFFAUDER, v. a. Incendier, brûler. RIFFAUDEUR, s. m. Chauffeur. RIFFLARD, n. m. Bourgeois,--dans le même argot. RIFFLARD, s. m. Parapluie,--dans l'argot du peuple. Ce mot date de Picard et de sa _Petite Ville_, comédie dans laquelle il y a un personnage nommé Rifflard, qui ne marche qu'escorté d'un parapluie. RIFLER, v. a. et n. Brûler.--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Riffauder_. RIFLER, v. a. Prendre, saisir, _chiper_,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi: Passer tout près; effleurer. RIFOLARD, adj. Amusant, _rigolo_. RIGOLADE, s. f. Amusement, réjouissance, plaisanterie. _Coup de rigolade._ Chanson. RIGOLBOCHADE, s. f. Drôlerie dite ou faite, écrite ou peinte,--dans l'argot des faubouriens. Ici encore se pose l'éternelle question: Quel est le premier né de l'œuf ou de la poule? Est-ce mademoiselle Marguerite la Huguenote--plus généralement oubliée aujourd'hui sous le nom de _Rigolboche_--qui a donné naissance à ce substantif, ou est-ce ce substantif qu'on a décerné comme un brevet à cette aimable bastringueuse? J'inclinerais volontiers à admettre cette dernière hypothèse. La foule se laisse parfois imposer certains noms, mais elle a pour habitude d'en inventer. Quant aux _Mémoires_ de mademoiselle Marguerite, où elle prétend que c'est elle qui a créé le mot en question, il me suffit que ce soient des _Mémoires_ pour que je ne leur accorde pas la moindre créance. RIGOLBOCHE (Être). Être excentrique, amusant, drôle. RIGOLBOCHER, v. n. S'amuser, soit en buvant, soit en dansant. RIGOLE, s. f. Bonne chère,--dans l'argot des voleurs. RIGOLER, v. n. S'amuser, se réjouir, boire, danser, rire,--dans l'argot du peuple. Un vieux mot de notre vieille langue, que beaucoup de personnes, j'en suis sûr, s'imaginent né d'hier. Un hier qui a six cents ans! Les gens du monde croiraient parler argot en employant ce mot employé par Jean de Meung, par Rabelais, par l'auteur de la _Farce de Maistre Pathelin_ et par d'autres écrivains qui font autorité. RIGOLETTE, s. f. Habituée de bals publics, amie de la danse et de la gaieté. RIGOLEUR, adj. et s. Ami de la joie et de la bouteille. RIGOLO, s. et adj. Bon enfant, homme gai. _Rigolo-pain-de-seigle_ ou _pain-de-sucre_. Extrêmement amusant. On dit aussi d'une chose: _C'est rigolo_, pour signifier: c'est plaisant, c'est drôle. RIGRI, s. m. Ladre, méticuleux,--dans l'argot du peuple. RIGUE, s. f. Apocope de _Rigueur_,--dans l'argot des voyous. RINCÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot du peuple. RINCER, v. a. Battre, donner des coups. Signifie aussi Gagner quelqu'un au jeu. RINCER, v. a. Dévaliser, _nettoyer_,--dans l'argot des voleurs. RINCER (Se), v. réfl. Se purger,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Se rincer le fusil_. RINCER (Se faire). Recevoir la pluie; se laisser voler; perdre au jeu. RINCER LA DALLE, v. a. Offrir à boire à quelqu'un,--dans l'argot des faubouriens. _Se faire rincer la dalle._ Accepter à boire sans offrir la réciproque. On dit aussi _Rincer la dent_, ou _le bec_, ou _le fusil_, ou _le tube_, ou _la gargote_, ou _la corne_. RINCETTE, s. f. Petit verre d'eau-de-vie pris comme supplément au gloria,--dans l'argot des bourgeois. RIOLE, s. f. Rivière, ruisseau,--dans l'argot des voleurs. RIOLE, s. f. Joie, divertissement, débauche,--dans l'argot du peuple. _Être en riole._ Être en train de s'amuser, être gris. _Se mettre en riole._ Se griser. En wallon. _Être en riolle_ ou _riotte_, c'est Se quereller. RIPATONNER, v. a. Raccommoder quelque chose ou quelqu'un,--dans l'argot des Polytechniciens, qui ont ainsi consacré la mémoire d'un concierge de l'Ecole, M. Ripaton, tailleur. RIPATONS, s. m. pl. Souliers,--dans l'argot des faubouriens. RIPER, v. a. Embrasser tendrement. RIPEUR, s. m. Libertin. RIPOPÉE, s. f. Mauvais vin,--dans l'argot du peuple. Se dit aussi à propos de Toute chose médiocre ou mal faite. Ce mot a été autrefois masculin, et tantôt substantif et tantôt adjectif: _Du ripopé, du café ripopé_. RIQUIQUI, s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure,--dans l'argot des ouvriers. RIQUIQUI, adj. et s. Chose mal faite ou de qualité inférieure,--dans l'argot des ouvrières. _Avoir l'air riquiqui._ Être ridiculement habillée, ou n'être pas habillée à la dernière mode. Je ne suis pas bien sûr que ce mot ainsi employé ne soit pas une contrefaçon de _Rococo_. RIRE AUX ANGES. Sourire doucement en dormant,--dans l'argot du peuple. RIRE COMME UN CUL. Rire sans desserrer les dents. RIRE JAUNE, v, n. Rire à contre-cœur, quand on voudrait ou pleurer de douleur ou écumer de rage. RISETTE, s. f. Sourire,--dans l'argot des bourgeois. _Faire des risettes._ Faire des avances aimables. RISQUER LE PAQUET, v. a. Se hasarder à faire une chose délicate, aventureuse,--dans l'argot du peuple. RIVANCHER, v. a. Aimer,--dans l'argot des voleurs. RIVER SON CLOU A QUELQU'UN, v. a. Lui dire vertement son fait, lui tenir tête dans une lutte de paroles ou de gestes. Argot des bourgeois. RIVETTE, s. f. Fille publique,--dans l'argot des voleurs. RIZ-PAIN-SEL, s. m. Fournisseur militaire,--dans l'argot des troupiers. ROBERT-MACAIRE, s. f. Danse fort en honneur dans les bals publics il y a vingt-cinq ou trente ans. C'était une variété de la Chahut. ROBIGNOL, adj. Très bien, très beau, très amusant,--dans l'argot des voleurs, qui emploient ce superlatif à propos des choses et des gens. ROBIN, s. m. Taureau communal,--dans l'argot des paysans de Paris. ROBINSON, s. m. Parapluie,--dans l'argot du peuple, qui a gardé bon souvenir du naufragé de Daniel de Foë. On dit aussi _Pépin_. ROCAMBOLADE, s. f. Farce littéraire dans le goût des _Exploits de Rocambole_ de Ponson du Terrail. ROCAMBOLE, s. f. Chose sans valeur; promesse en l'air qu'on sait devoir n'être pas tenue, gasconnade. ROCANTIN, s. m. Vieillard libertin. ROCHET, s. m. Evêque,--dans l'argot des voleurs. ROCOCO, adj. Suranné, arriéré, démodé, grotesque à cause de cela,--comme si le goût d'autrefois ne valait pas bien le goût d'aujourd'hui! Se prend aussi en bonne part. _Pendule rococo._ Pendule Louis XV ou faite sur le modèle de cette époque. _Tentures rococo._ Etoffes en vieille perse à ramages. ROEDERER, s. m. Vin de Champagne,--dans l'argot des gens de lettres qui tiennent à faire une réclame à la maison de commerce dont les produits portent cette signature. ROGNEUR, s. m. Fourrier,--dans l'argot des troupiers. ROGNONNER, v. n. Bougonner,--dans l'argot des bourgeois. ROGNURES DE FER-BLANC. (V. _Troupe de fer-blanc_.) ROGOME, s. m. Eau-de-vie,--dans l'argot du peuple. _Voix de Rogome._ Voix éraillée par l'ivrognerie. ROGOMIER, s. m. Buveur d'eau-de-vie. ROGOMISTE, s. m. Liquoriste. ROMAGNOL, ou ROMAGNON, s. m. Trésor caché,--dans l'argot des voleurs. ROMAIN, s. m. Soldat d'infanterie. ROMAIN, s. m. Applaudisseur gagé,--dans l'argot des coulisses, sans doute par allusion aux claqueurs de Néron. ROMANCIER, s. m. Chanteur qui a la spécialité des romances et autres «choses du cœur»,--dans l'argot des cafés-concerts. _Fort romancier._ Premier chanteur de romances d'un café-concert. _Forte romancière._ Grosse femme qui chante avec efforts, et très mal, de petites choses sentimentales, très faciles à chanter. ROMANICHEL, s. m. Bohémien,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Romamitchel_, _Romanitchel_, _Romonichel_ et _Romunichel_. Suivant le colonel Harriot, «_Romnichal_ est le nom que portent les hommes de cette race en Angleterre, en Espagne et en Bohême, et _Romne-chal_, _Romaniche_, est celui par lequel on désigne les femmes». RONCHONNER, v. n. Être grognon, maussade; bougonner,--dans l'argot du peuple. ROND, s. m. Sou, pièce de monnaie,--dans l'argot des voyous. On dit aussi _Rotin_. ROND, adj. Ivre,--dans l'argot des faubouriens. _Rond comme une futaille._ Ivre mort. On dit aussi _Rond comme une pomme_. RONDE BOSSE, adj. Hardi, audacieux, frisant l'immoralité,--dans l'argot des gens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir de l'_Aristide Froissard_ de Léon Gozlan. RONDELET, s. m. Sein,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Rondin_. RONDIN, s. m. _Stercus_ (V. _étron_)--dans l'argot du peuple. RONDIN, s. m. Bâton, _gourdin_. RONDINE, s. f. Bague,--dans l'argot des voleurs. RONDINER, v. a. Boutonner,--dans le même argot. RONDINER, v. n. Dépenser de l'argent, des _ronds_,--dans l'argot des voyous. On dit aussi _Se dérondiner_. RONDINER, v. a. Battre à coups de bâton,--dans l'argot du peuple. RONDINER DES YEUX, v. n. Faire les gros yeux. RONDIN JAUNE, s. m. Pièce d'or,--dans l'argot des voleurs. _Rondin jaune servi._ Or volé, caché par son voleur. RONFLER DU BOURRELET, v. n. _Crepitare_, ou _alvum deponere_,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Faire ronfler le bourrelet_. RONRONNER, v. n. Faire le joli-cœur auprès d'une femme,--dans l'argot des ouvriers. RONRONNER, v. n. Ecrire de petits articles qui ne produisent qu'un bien petit bruit. Argot des gens de lettres. ROQUET, s. m. Homme de petite taille, et, à cause de cela, hargneux. Argot du peuple. ROSE DES VENTS, s. f. Le _podex_,--dans l'argot facétieux des faubouriens. ROSSARD, adj. et s. Mauvais compagnon. ROSSE, adj. des deux g. Homme sans consistance, femme sans pudeur. _Il n'est rien rosse!_ Se dit pour: Est-il canaille! ROSSÉE, s. f. Coups donnés ou reçus. ROSSER, v. a. Frapper, battre, étriller à coups de poing ou de bâton. ROSSIGNANTE, s. f. Flûte,--dans l'argot des voleurs. ROSSIGNOL, s. f. Fausse clé,--dans le même argot. ROSSIGNOL, s. m. Livre qui ne se vend pas,--dans l'argot des libraires. Marchandise qui n'est pas de bonne défaite,--dans l'argot des boutiquiers. ROSSIGNOL D'ARCADIE, s. m. Ane,--dans l'argot des académiciens, à qui le mot propre répugne tant. Ils disent aussi «_Le patient animal qui_...,» etc. ROTIN, s. m. Pièce de cinq centimes, sou,--dans l'argot des ouvriers. C'est sans doute une contrefaçon ironique du _radis_,--à cause de l'éructation. RÔTIR LE BALAI, v. a. Mener une vie obscure et misérable,--dans l'argot du peuple. _Avoir rôti le balai._ Se dit d'une fille qui a eu de nombreuses aventures galantes, par allusion aux chevauchées sabbatiques des sorcières. ROTOTO, s. m. Coups de bâton, de _rotin_,--dans l'argot des faubouriens. _Coller du rototo._ Battre quelqu'un. ROTOTO! Exclamation de refus ou de mépris. ROUATRE, s. m. Lard,--dans l'argot des voleurs. ROUBIGNOLE, s. f. Petite boule de liège dont se servent certains voleurs pour faire des dupes. (Voy. _Cocangeur_.) ROUBIGNOLEUR, s. m. Voleur qui a de la _Roubignole_ et des _Cocanges_, et, par extension, Homme madré. Argot des faubouriens. ROUBLARD, adj. Laid, défectueux, pauvre,--dans l'argot des voleurs. ROUBLARD, adj. et s. Rusé, adroit, qui a vécu, qui a de l'expérience,--dans l'argot des faubouriens. Si ce mot vient de quelque part, c'est du XVe siècle et de _ribleux_, qui signifiait Homme de mauvaise vie, vagabond, coureur d'aventures. ROUBLARDERIE, s. f. Ruse, astuce, expérience de l'homme qui a vécu et qui remplace l'argent qu'il n'a pas par l'ingéniosité qu'il aura jusqu'au bout de son rouleau. Signifie aussi: Pauvreté, gêne, misère. ROUCHI, s. m. Homme sans morale et sans honnêteté, voyou,--dans l'argot du peuple. ROUCHIE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie. ROUCOUCOU, s. m. Lapin mort-né,--dans l'argot des chiffonniers et de leurs gargotiers. ROUE, s. f. Juge d'instruction,--dans l'argot des voleurs. ROUE DE DERRIÈRE, s. f. Pièce de cinq francs en argent,--dans l'argot des cochers, qui emploient cette expression depuis longtemps, puisqu'on la trouve dans les _OEuvres badines du comte de Caylus_. Les Anglais ont la même expression: _A hind-coach-wheel_, disent-ils à propos d'une pièce de cinq shillings (une couronne). ROUE DE DEVANT, s. f. Pièce de deux francs. Les Anglais disent _A fore-coach-wheel_ pour une demi-couronne. ROUFFION, s. m. Dernier employé du magasin,--dans l'argot des calicots. On dit _Mousse_. ROUFFLE, s. f. Coup de poing ou coup de pied,--dans l'argot des voleurs. ROUGE, s. m. Républicain,--dans l'argot des bourgeois. ROUGET, s. m. Homme à barbe rouge ou à cheveux d'un blond ardent. ROUGET, s. m. Cuivre volé. ROUGETS, s. m. pl. Les _menses_ des femmes,--dans l'argot du peuple, à qui le seigneur de Cholières n'a pas craint d'emprunter cette expression pour un de ses _Contes_. ROUILLARDE, s. f. Bouteille,--dans l'argot des voleurs. ROUILLER (Se), v. réfl. Vieillir,--dans l'argot du peuple. ROULANCE, s. f. Bruit de pieds, ou de marteaux, ou de composteurs, que font entendre les typographes pour accueillir quelqu'un à son entrée dans l'atelier. _Donner une roulance._ Faire ce bruit, qui est tantôt une moquerie, tantôt une marque de sympathie. ROULANT, s. m. Fiacre,--dans l'argot des voyous. _Roulant vif._ Chemin de fer. ROULANTS, s. m. pl. Pois,--dans l'argot des voleurs. ROULÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot des faubouriens. _Ereintement_,--dans l'argot des gens de lettres. ROULER, v. a. Battre quelqu'un. Signifie aussi: Tromper, agir malignement. ROULER, v. n. Aller bien comme santé ou comme commerce. Ne s'emploie guère qu'à la troisième personne de l'indicatif présent: _cela roule_. C'est l'équivalent de: _Cela boulotte_. ROULER, v. a. Se moquer, lutter d'esprit et d'impertinences,--dans l'argot des gens de lettres. _Se faire rouler._ Avoir le dessous dans une affaire, dans une discussion. ROULER, v. n. Vagabonder, voyager,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Rouler sa bosse_. ROULER DANS LA FARINE, v. a. Tromper, jouer un tour, user de finesse envers des gens trop simples. ROULER SA VIANDE DANS LE TORCHON, v. a. Se coucher,--dans l'argot des faubouriens. ROULEUR, s. m. Vagabond, homme suspect. ROULEUR, s. m. Chiffonnier. ROULEUR, s. m. Compagnon du tour de France chargé de présenter les ouvriers aux maîtres et de consacrer leur engagement. ROULEUSE, s. f. Femme de mauvaise vie qui roule de quartier en quartier à la recherche de l'homme philosophal. Argot du peuple. ROULOTIN, s. m. Roulier,--dans l'argot des voleurs. ROULOTTE, s. f. Voiture. _Grinchir une roulotte en salade._ Voler sur une voiture. ROULOTTIER, s. m. Voleur qui a pour spécialité de dévaliser les voitures. ROULURE, s. f. Fille de la dernière catégorie,--dans l'argot des faubouriens. ROUMICHIPOTEUSE, s. f. Mijaurée, _chipie_. ROUPANÉ, adj. et s. Décavé aux billes ou à tout autre jeu exigeant une mise. Argot des gamins. ROUPIE, s. f. Punaise,--dans l'argot des voyous. ROUPIE, s. f. Mucosité de couleur ambrée qui sort du nez des priseurs, et tombe tantôt sur leur chemise, tantôt dans leur potage. Argot des faubouriens. ROUPIE DE SINGE, s. f. Rien,--dans l'argot des voleurs. ROUPILLER, v. n. Dormir,--dans l'argot des faubouriens, qui emploient ce verbe depuis plus d'un siècle. Signifie aussi Avoir continuellement une _roupie_ au nez. ROUPILLEUR, s. m. Grand dormeur--ou grand priseur. ROUPIOU, s. m. Élève en médecine qui s'essaye au métier dans les hôpitaux, sans être interne ni externe. C'est lui qui pose les cataplasmes et les vésicatoires. Argot des étudiants. On l'appelle aussi _Bénévole_. ROUSCAILLER, v. a. Aimer,--dans l'argot des voleurs. ROUSCAILLER BIGORNE, v. n. Parler argot. ROUSCAILLEUR, s. m. Libertin. ROUSSE, s. f. La police,--dans l'argot des voyous. ROUSSE, s. m. Agent de police; sergent de ville. On dit aussi _Roussin_. _Rousse à l'arnache._ Agent de police de sûreté, qui reçoit une gratification proportionnée à l'utilité des renseignements qu'il donne ou à l'importance des captures qu'il fait faire. ROUSSIN, s. m. Baudet,--dans l'argot du peuple. Se dit aussi d'un Cheval qui fait en marchant de fréquents sacrifices au dieu Crépitus. ROUSSINER, v. n. Faire de fréquents sacrifices au dieu Crépitus, sans plus de façon qu'un baudet. ROUSTIR, v. a. Tromper, duper,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi _Dévaliser_. ROUSTISSEUR, s. m. Voleur. ROUSTISSEUSE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,--dans l'argot des faubouriens. ROUSTISSURE, s. f. Escroquerie. ROUSTISSURE. s. f. Blague peu heureuse, rôle de peu d'importance,--dans l'argot des comédiens, qui sans doute ont voulu faire allusion au mot italien _rostita_, rôtie, maigre chose. ROYAUME DES TAUPES, s. m. La terre,--dans l'argot du peuple. _Partir pour le royaume des taupes._ Mourir. RU, s. m. Ruisseau,--dans l'argot du peuple et des paysans des environs de Paris. On dit aussi _Rio_. L'expression coule de source: [grec: reô]. «Or beuvez fort tant que rû peut courir, Ne reffusez, chassant ceste douleur, Sans empirer un povre secourir,» dit François Villon à sa maîtresse. RUBAN DE QUEUE, s. m. Long chemin, route qui n'en finit pas. RUBIS SUR PIEU, loc. adv. Argent comptant,--dans l'argot des faubouriens. RUDE, s. f. Chose difficile à croire, événement subit, désagréable,--dans l'argot du peuple. RUDE, adj. Courageux. RUDEMENT, adv. Extrêmement, remarquablement. RUE, s. f. L'espace réservé entre deux portants et figurant un chemin entre deux costières, Argot des coulisses. RUE AU PAIN, s. f. Le gosier,--dans l'argot du peuple. RUE BARRÉE, s. f. Rue où demeure un créancier,--dans l'argot des débiteurs. On dit aussi _Rue où l'on pave_. A en croire Léo Lespès, cette dernière expression serait due au duc d'Abrantès, fils de la duchesse d'Abrantès, et viveur célèbre. RUE DU BEC DÉPAVÉE, s. f. Bouche à laquelle des dents manquent,--dans l'argot des faubouriens. RUINE-MAISON, s. m. Homme prodigue, extravagant,--dans l'argot du peuple. RUISSELANT D'INOUÏSME, adj. _Extraordinairement inouï._ L'expression appartient à M. Philoxène Boyer,--à qui on fera bien de ne pas la voler. RUOLZÉ, adj. Ce qui brille sans avoir de valeur intrinsèque, ce qui a une élégance ou une richesse de surface,--par allusion au procédé de dorure et d'argenture découvert par Ruolz. _Existence ruolzée._ Vie factice, composée de fêtes bruyantes, de soupers galants, d'amis d'emprunt et de femmes d'occasion, mais dont le bonheur est absent. _Jeunesse ruolzée._ C'est notre _Jeunesse dorée_, et elle vaut moins, quoiqu'elle soit aussi corrompue. RUP, adj. Grand, noble, élevé, beau, riche, élégant,--dans l'argot des faubouriens et des filles. Francisque Michel fait venir ce mot du bohémien anglais _rup_ et de l'indoustan _rupa_, argent,--d'où _roupie_. Pendant qu'il y était, pourquoi n'a-t-il pas fait descendre ce mot d'un rocher (_rupes_) ou d'une falaise (_rupina_) quelconque? On dit aussi _Rupart_. RUPIN, s. et adj. Homme riche; fashionable, mis à la dernière mode,--ou plutôt à la prochaine mode. C'est le superlatif de _Rup_. «Le rupin même a l'trac de la famine. Nous la bravons tous les jours, Dieu merci!» dit la chanson trop connue de M. Dumoulin. On dit aussi _Rupiné_. RUPINE, s. f. Drôlesse, fille à grands tralalas de toilette et de manières. RUSTIQUE, s. m. Greffier,--dans l'argot des voleurs. RUSTIQUE, s. m. Décor représentant un intérieur villageois. Argot des coulisses. RUSTU, s. m. Greffe. RUTIÈRE, s. f. Fille publique d'une catégorie à part décrite par Vidocq (p. 73). S SABLE BLANC, s. m. Sel,--dans l'argot des francs-maçons. _Sable jaune._ Poivre. SABLER, v. a. Tuer avec une peau remplie de sable,--dans l'argot des voleurs. SABLON, s. m. Cassonade,--dans l'argot des faubouriens. SABOCHE, s. f. Mauvais ouvrier, personne maladroite,--dans l'argot du peuple. SABOCHER, v. a. Travailler sans soin, avec trop de hâte. SABOT, s. m. Mauvais billard. Signifie aussi Mauvais violon. SABOT, s. m. Homme qui aime à dormir. SABOT, s. m. Toupie plate,--dans l'argot des gamins. SABOT, s. m. Canot, barque,--dans l'argot des voleurs. _Aller au sabot._ S'embarquer. SABOTER, v. a. Bousiller, travailler sans soin, à la hâte. Argot des ouvriers. SABOULER, v. a. Gronder, faire des reproches, battre. Argot du peuple. Signifie aussi: Travailler sans soin, faire de la mauvaise besogne. L'expression a des chevrons: «De ton épé' tranchante Perce mon tendre cœur, Saboule ton amante, Ou rends-lui son honneur,» dit Vadé dans sa chanson des _Gardes françaises_. SABOULER, v. a. Décrotter,--dans l'argot des voyous. SABOULEUR, s. m. Décrotteur. SABRE, s. m. Bâton,--dans l'argot des voleurs. SABRE (Avoir un). Être gris,--dans l'argot des faubouriens. SABRENAS, s. m. Savetier,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi Mauvais ouvrier, _bousilleur_. SABRENASSER, v. n. et a. Travailler sans goût, _bousiller_ l'ouvrage. On dit aussi _Sabrenauder_. SABRER, v. a. Faire une chose à la hâte, et, à cause de cela, la mal faire. SABREUR, s. m. Matamore, homme qui ne parle que de tuer. SABREUR, s. m. _Bousilleur_, ouvrier qui travaille trop vite pour travailler avec soin. SABRI, s. m. Bois, forêt,--dans l'argot des voleurs. SABRIEU, s. m. Voleur de bois. SAC, s. m. Argent,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent le contenant pour le contenu. _Avoir le sac._ Être riche, ou seulement avoir de l'argent. _Homme au sac._ Homme qui vient d'hériter. SAC, s. m. Renvoi, congé,--dans l'argot des ouvriers. _Avoir son sac._ Être renvoyé d'un atelier. _Donner son sac._ Remercier un patron. SAC (Avoir dans son). Posséder, être pourvu ou doué. Argot du peuple. _N'avoir rien dans son sac._ N'avoir pas de ressources d'esprit; être sans imagination, sans talent. _Avoir une mauvaise pierre dans son sac._ Ne pas jouir d'une bonne santé, être atteint de mélancolie ou de maladie grave. SAC (Être ou n'être pas dans le). Être laide ou jolie. Argot des faubouriens. Cette expression devrait se chanter, comme cette autre, de la même famille: «Ell' n'est pas mal Pour foutr' dans l'canal.» SAC-A-PAPIER! Juron bourgeois, qui marque l'ennui qu'on éprouve, l'embarras dans lequel on se trouve. SACARD, adj. et s. Homme à son aise, ayant le _sac_. SAC AU LARD, s. m. Chemise,--dans l'argot des faubouriens, qui se sont rencontrés dans la même expression avec les voleurs anglais: _flesh-bag_, disent ceux-ci. SAC-A-VIN, s. m. Ivrogne,--dans l'argot du peuple. C'est le _guzzler_ anglais. SAC PLEIN (Avoir le). Être complètement ivre. Se dit aussi à propos d'une Femme enceinte. SACQUÉ (Être). Avoir de l'argent. SACQUER, v. a. Congédier, renvoyer,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Donner le sac_. _Sacquer un bœuf._ Renvoyer un ouvrier,--dans l'argot des tailleurs. SACRÉ CHIEN, s. m. Eau-de-vie de mauvaise qualité qui emporte le gosier. Argot du peuple. On dit aussi _Sacré chien tout pur_. SACRÉ CHIEN, s. m. _Feu sacré_,--dans l'argot des rapins et des cabotins. _Avoir le sacré chien._ Jouer d'inspiration et avec succès. Peindre avec emportement. SACREMENT, s. m. Le mariage,--dans l'argot du peuple. _Offrir le sacrement._ Se proposer comme mari, courtiser une fille pour le bon motif. SACRER, v. n. et a. Affirmer. SACRISTAIN, s. m. Mari de l'abbesse du couvent des S'offre-à-tous,--dans l'argot des filles. SACRISTI! Juron de l'argot du peuple. Il dit aussi _Cristi!_ Les bourgeois, eux, disent _Sapristi!_--ce qui les éloigne un peu de l'étymologie (_sacrarium_.) SAFRAN, s. m. Jaunisse conjugale,--dans l'argot des bourgeois. _Accommoder au safran._ Tromper son mari en faveur d'un autre homme, ou sa femme en faveur d'une autre. On dit aussi _Vouer au jaune_. SAGE COMME UNE IMAGE, adj. Extrêmement sage,--c'est-à-dire ne parlant pas. Argot du peuple. SAGOUIN, s. m. Homme malpropre, grossier,--dans l'argot du peuple, qui calomnie les callitriches. _Vilain sagouin._ Pléonasme que les femmes du peuple adressent volontiers à un nomme qui leur débite des gaudrioles et des plaisanteries grasses, dont elles ne se fâchent pas le moins du monde. SAIGNER, v. a. Blesser quelqu'un volontairement, le tuer même,--dans l'argot des prisons. SAIGNER, v. a. Emprunter de l'argent,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Faire_ ou _Pratiquer une saignée_. _Saigner à blanc._ Abuser de la bonté des gens à qui on emprunte. On dit aussi _Faire une saignée blanche_. SAIGNER (Se), v. réfl. Donner de l'argent,--qu'on en doive ou non. _Se saigner à blanc._ S'épuiser pour fournir aux dépenses d'un enfant ou d'une maîtresse. SAINT-CRÉPIN, s. m. Outils de cordonnier, et, par extension, de toute autre profession. SAINT-CRÉPIN, s. m. Économies, _peculium_,--dans l'argot du peuple. SAINT DE CARÊME, s. m. Homme qui se fâche, hypocrite. SAINT-DENAILLE, n. de l. Saint-Denis,--dans l'argot des voleurs. SAINT-DIFFICILE, s. m. Enfant, et même grande personne faisant la dégoûtée à propos de la nourriture ou à propos d'autre chose. Argot des bourgeois et du peuple. SAINTE ESPÉRANCE, s. f. La veille de la _Sainte Touche_. SAINTE MOUSSELINE, s. f. Une sainte de la création de Victorien Sardou (_La Famille Benoiton_), et qu'invoquent aujourd'hui, par genre, les mères de famille qui suivent les modes de la morale comme elles suivent les modes... de la Mode. Voici donc l'oraison que murmurent à cette heure de jolies lèvres parisiennes: «Ah! Mousseline, blanche Mousseline, des mères ingrates qui te devaient leurs maris t'ont reniée pour leurs enfants! Sainte Mousseline, vierge de la toilette, sauve nos filles qui se noient dans des flots de dentelles!» _Amen!_ SAINTE-NITOUCHE, s. f. Fille ou femme qui «fait sa sucrée» ou «sa Sophie»,--dans l'argot du peuple, qui sait à quoi s'en tenir sur les «giries» des bégueules. Les ouvriers anglais disent de même: _to sham abram_ (jouer l'innocence patriarcale, feindre la pudeur révoltée). Cette expression s'est employée jadis en parlant d'un Homme timide, mou, irrésolu, en amour comme en autre chose: «Il estoit ferme de roignons. Non comme ces petits mignons Qui font la Saincte Nitouche,» dit Mathurin Régnier. SAINTE-TOUCHE, s. f. La fin du mois,--dans l'argot des employés. La fin de la quinzaine,--dans l'argot des ouvriers. SAINT-JEAN, s. m. Signal,--dans l'argot des voleurs. _Faire le Saint-Jean._ Lever l'index et le médium pour avertir un complice. SAINT-JEAN, s. m. Outils, vêtements, affaires,--dans l'argot des typographes. _Emporter son Saint-Jean._ S'en aller d'une imprimerie en emportant composteur, pinces, etc. SAINT JEAN-BAPTISTE, s. m. Cabaretier,--dans l'argot du peuple, qui fait allusion à l'eau baptismale que l'on ajoute au vin pour le rendre digne d'être bu par des chrétiens. SAINT JEAN BOUCHE-D'OR, s. m. Bavard qui, pour le plaisir de parler, ne craint pas de commettre des indiscrétions. SAINT JEAN LE ROND, s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc. SAINT LACHE, s. m. Le patron des paresseux. SAINT-LAZE. Apocope de _Saint-Lazare_, prison de femmes,--dans l'argot des voyous. SAINT-LUNDI, s. f. Jour choisi chaque semaine par les ouvriers pour aller ripailler aux barrières et dépenser en quelques heures le plus clair de leur gain, celui que la ménagère attend toujours en vain pour faire «bouillir la marmite». _Fêter la Saint-Lundi._ Se griser--et même se soûler. SAINT-MARCEAUX, s. m. Vin de Champagne,--dans l'argot des gens de lettres qui veulent faire une réclame à la maison de commerce de M. de Saint-Marceaux riche viticulteur d'Epernay. SAINT PÈRE, s. m. Tabac à fumer,--dans l'argot des marbriers de cimetière. SAINT SACREMENT (Et tout le). C'est l'et _cætera_ de l'argot du peuple: Il comprend tout--et une foule d'autres choses. SAISISSEMENT, s. m. Les liens dont l'exécuteur lie les bras et les jambes du condamné à mort. Le saisissement est une pièce essentielle de la _toilette_. SAISON, s. f. Laps de temps plus ou moins long, mais ordinairement de 21 jours, que l'on passe dans les villes d'eaux par ordonnance de médecin. _Faire une saison._ Rester une vingtaine de jours à Vichy ou toute autre station thermale, et y prendre des bains minéraux. SALADE, s. f. _Raiponce_ à une question,--dans l'argot des voleurs, facétieux à leurs heures. SALADE DE GASCON, s. f. Corde, _ficelle_, dans l'argot du peuple. A signifié autrefois, plus spécialement, Corde de pendu. SALADIER, s. m. Bol de vin sucré,--dans l'argot des ouvriers. SALAMALECS, s. m. pl. Politesse exagérée,--dans l'argot du peuple, qui ne pratique pas précisément la _Civilité puérile et honnête_. SALAUD, adj. et s. Enfant malpropre; homme ordurier. SALBRENAUD, s. m. Mauvais cordonnier; savetier,--dans l'argot des voleurs. SALE, adj. Laid, mauvais, malhonnête. Argot du peuple. _Sale intérêt._ Intérêt sordide. _Sale monsieur._ Individu d'une moralité équivoque ou d'un caractère insociable. _Sale pâtissier._ Homme qui n'est ni sale ni pâtissier, mais dont, en revanche, la réputation aurait grand besoin d'une lessive. On dit aussi _Sale bête_. SALÉ, s. m. Travail payé d'avance,--dans l'argot des typographes. _Morceau de salé._ Acompte. Se dit aussi, par une analogie facile à saisir, d'un Enfant venu avant le mariage. Les ouvriers anglais disent: _to work for the dead horse_ (travailler pour le cheval mort). SALER, v. a. Adresser de violents reproches à quelqu'un,--dans l'argot du peuple. SALER, v. a. Faire payer trop cher. _Saler une note._ En exagérer les prix. On dit aussi _Répandre la salière dessus_. SALETÉ, s. f. Mauvais tour, action vile, entachée de plus d'improbité que de boue,--dans l'argot des bourgeois, qui emploient ce mot dans le même sens que les Anglais leur _sluttery_. _Faire des saletés._ Faire des tours de coquin, d'escroc. SALIÈRES, s. f. pl. Cavités de la clavicule,--dans l'argot du peuple. _Montrer ses salières._ Se dit d'une Femme maigre qui se décollète trop. SALIGAUD, E, s. et adj. Personne malpropre au propre, et malhonnête au figuré,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot dans le même sens que les Anglais leur _slut_. SALIVERNE, s. f. Écuelle, gamelle,--dans l'argot des voleurs, qui y laissent volontiers tomber leur _salive_ pour dégoûter les camarades. Ils disaient autrefois _Crolle_. SALLE A MANGER, s. f. La bouche,--dans l'argot des faubouriens. _N'avoir plus de chaises dans sa salle à manger._ N'avoir plus de dents. SALONNIER, s. m. Critique d'art, chargé du compte rendu du Salon. Argot des journalistes. Le mot est de création récente. SALOPE, s. f. Fille ou femme du genre de celles que Shakespeare traite de _drabs_ dans _Winter's Tale_, et que, comme on le voit, le peuple parisien traite presque aussi mal. SALOPERIE, s. f. Ordure,--au propre et au figuré, _spucritia_ et _obscenitas_. _Dire des saloperies._ Employer un langage ordurier. _Faire des saloperies._ Se conduire en goujat. SALOPERIE, s. t. Vilain tour, lésinerie, _crasse_. SALOPIAUD, s. m. Homme malpropre d'esprit et de costume, en actions et en paroles. Au féminin, _Salopiaude_. SALTIMBE, s. m. Apocope de _Saltimbanque_,--dans l'argot des faubouriens. SALUER LE PUBLIC, Mourir,--dans l'argot des comédiens, ces gladiateurs de l'Art. C'est un ressouvenir de l'_Ave, Cæsar, morituri te salutant_. SANG DE POISSON, s. m. Huile,--dans l'argot des faubouriens. SANGLÉ, adj. A court d'argent. SANGLER, v. a. Réprimander vertement, et même Battre. SANGLER, v. a. _Permolere uxorem quamlibet aliam_,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Sauter_. SANGLER (Se), v. réfl. Se priver de quelque chose au profit de quelqu'un, par exemple, se ruiner pour élever un entant ou pour entretenir une maîtresse. SANGLIER, s. m. Prêtre,--dans l'argot des voleurs. SANGSUE, s. f. Maîtresse qui ruine son amant par ses prodigalités; neveu qui tire à boulets rouges sur la cassette avunculaire. Argot du peuple. SANGSURER, v. a. Faire de nombreuses _saignées_ à la bourse de quelqu'un,--dans l'argot des ouvriers, pour qui les parasites sont des sangsues. _Se sangsurer._ Se ruiner pour élever un enfant ou pour entretenir une drôlesse. SANS-BEURRE, s. m. Chiffonnier,--dans l'argot des faubouriens. SANS-BOUT, s. m. Cerceau,--dans l'argot des voleurs. SANS CANNE (Être). En rupture de ban,--dans le même argot. SANS-CHASSES, s. m. Aveugle. SANS-COEUR, s. m. Usurier,--dans l'argot des fils de famille. SANS-CULOTTE, s. m. Républicain,--dans l'argot des bourgeois, pour qui _Terreur_ est inséparable de _République_. SANS-CULOTTERIE, s. f. Doctrine des sans-culottes. Le mot est de Camille Desmoulins. On dit aussi _Sans-culottisme_. SANS DOS, s. m. Tabouret,--dans l'argot des faubouriens. SANS-FEUILLE, s. f. Potence,--dans l'argot des voleurs. SANS-GÊNE, s. m. Homme indiscret, mal élevé,--dans l'argot des bourgeois. SANS-LE-SOU, s. m. Artiste, ou Homme de lettres,--dans l'argot des petites dames. SAP, s. m. Apocope de _Sapin_, cercueil,--dans l'argot des voyous. _Taper dans le sap._ Être mort et enterré,--dormir du dernier somme. M. Louis Festeau, qui a chanté tout, a naturellement consacré quelques loisirs de sa muse au _Sap_: «Avant d'être mis dans le sap, Vous voulez, orné de lunettes, Me décalquer de pied en cap.» SAPAJOU, s. m. Galantin, suborneur en cheveux gris,--dans l'argot des harengères, qui sont plus «fortes en gueule» qu'en histoire naturelle. SAPEUR, s. m. Homme qui ne respecte rien,--dans l'argot des bourgeoises, qui n'aiment pas les gens barbus. D'où la fameuse chanson à la mode: «Rien n'est sa..a..cré pour un sapeur!» SAPIN, s. m. Fiacre,--dans l'argot du peuple, qui sait que ces voitures-là ne sont pas construites en chêne. SAPIN, s. m. Cercueil de pauvre. _Sentir le sapin._ Être atteint d'une maladie mortelle. SAPIN, s. m. Plancher; grenier,--dans l'argot des voleurs. _Sapin de muron._ Grenier à sel. _Sapin des cornants._ La terre,--_plancher des vaches_. SAPINIÈRE, s. f. La fosse commune, exclusivement réservée aux cercueils de _sapin_. Argot des faubouriens. SAQUET, s. m. Secousse,--dans l'argot du peuple. Le vieux français avait _Saquer_, tirer l'épée. SARDINES, s. f. pl. Galons de laine ou d'or aux manches de l'uniforme,--dans l'argot des soldats. _Sardines blanches._ Galons de gendarme, ou d'infirmier militaire. SARRASIN, s. m. Ouvrier qui consent à travailler au-dessous du tarif. Argot des typographes. On dit aussi _Faux frère_. SATISFAIT, s. m. Député conservateur, ami quand même du gouvernement du moment--et des gouvernements à venir. Argot des journalistes. SATOU, s. m. Bois débité,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Bâton. SATOUSIER, s. m. Menuisier. SAUCE, s. f. Correction ou simplement Réprimande,--dans l'argot du peuple. _Gare à la sauce!_ Prenez garde à ce qui va arriver de fâcheux. _Gober la sauce!_ Être puni pour les autres; recevoir la correction, la réprimande méritée par d'autres. SAUCÉ (Être). Recevoir la pluie. On dit aussi _Être rincé_ et _Être trempé_. SAUCER, v. a. Réprimander. On disait autrefois _Faire la sauce à quelqu'un_. SAUCISSE MUNICIPALE, s. f. Viande empoisonnée que l'on jette dans les rues pour détruire les chiens errants non muselés. SAUTE-MOUTON, s. m. Jeu d'enfants qui consiste à sauter les uns par-dessus les autres. On dit aussi _Faire un saute-mouton ou Jouer à saute-mouton_. SAUTER (Faire). Dérober, chiper et même Voler. Argot des faubouriens. D'où _Faire sauter la coupe_ au jeu. SAUTER, v. n. Cacher le produit d'un vol à ses complices,--dans l'argot des prisons. _Sauter à la capahut._ Assassiner un complice pour lui enlever son _fade_. SAUTER A LA PERCHE, v. n. Ne pas savoir où manger,--dans l'argot des faubouriens, par allusion aux efforts souvent vains des singes de bateleurs pour atteindre les friandises placées à l'extrémité d'un bâton. SAUTERELLE, s. f. Puce,--dans l'argot des voleurs. SAUTERELLE, s. f. Petite dame,--dans l'argot des gens de lettres qui ont emprunté ce mot à N. Roqueplan. C'est un des plus heureux qu'on ait inventés jusqu'ici pour désigner ces femmes maigres qui s'abattent chaque jour, par nuées, sur les boulevards, dont elles sont la plaie. SAUTERIE, s. f. Danse,--dans l'argot du peuple. SAUTE-RUISSEAU, s. m. Petit clerc. C'est le trottin de l'avoué, comme le trottin est le saute-ruisseau de la modiste. SAUTER LE PAS, v. a. Se décider à faire une chose, sans se préoccuper de ses conséquences. Argot du peuple. SAUTER LE PAS, v. a. Faire faillite et, par extension, Mourir,--dans l'argot des bourgeois. Signifie aussi Faire banqueroute à la vertu,--en parlant d'une jeune fille qui se laisse séduire. On dit aussi _La sauter_. SAUTEUR, s. m. Filou. SAUTEUR, s. m. Homme politique qui change d'opinion toutes les fois que cela peut lui profiter personnellement. Argot du peuple. Se dit aussi de tout Homme sans consistance, sans parole, sur lequel on ne peut pas compter. SAUTEUSE, s. f. Drôlesse. SAUVAGE, s. m. Garde national de la banlieue, avant 1870--dans l'argot des faubouriens. SAUVER BIEN (Se). Bien courir,--dans l'argot des maquignons, qui disent cela à propos des chevaux qu'ils essayent. SAUVER LA CAISSE, v. a. Se sauver avec la caisse dont on est le gardien,--par allusion au mot d'Odry dans les _Saltimbanques_. SAUVER LA MISE A QUELQU'UN. Lui éviter une humiliation, un ennui; lui prêter à temps de l'argent. Argot du peuple. SAUVETTE, s. f. Jeu d'enfants qui consiste à se _sauver_ et ne pas se laisser attraper. On dit aussi _Sauvinette_. SAUVETTE, s. f. Mannette d'osier,--dans l'argot des chiffonniers. SAVATE, s. f. Boxe française,--«avec cette différence, dit Th. Gautier, que la savate se travaille avec les pieds et la boxe avec les poings.» (V. _Chausson_.) SAVATE, s. f. Correction militaire, qui consiste à fouetter le soldat coupable à tour de bras et de souliers. Le Conseil de guerre, on le devine, n'a rien à voir là dedans: c'est une petite justice de famille et de caserne. SAVATE, s. f. Ouvrage mal fait; chose abîmée, gâchée,--dans l'argot du peuple. SAVATER, v. a. Travailler sans soin, faire une chose à la hâte. On dit aussi _Saveter_. SAVETIER, s. m. Mauvais ouvrier; homme qui fait une chose sans goût, sans soin, à la hâte. SAVOIR CE QUE QUELQU'UN A DANS LE VENTRE. Découvrir ses sentiments, ses projets; connaître le faible et le fort de son caractère. Argot des bourgeois. SAVOIR DE QUOI IL RETOURNE. Connaître l'état financier d'une maison, la situation morale d'une famille; être au courant des affaires politiques et littéraires et savoir quel journal ce gros homme va fonder et quel ambassadeur on va envoyer en Prusse. Même argot. SAVOIR LIRE. Connaître toutes les ruses du métier,--dans l'argot des voleurs. SAVON, s. m. Réprimande,--dans l'argot des domestiques _malpropres_. _Foutre un savon._ Gronder, objurguer quelqu'un. SAVONNER, v. a. Réprimander--et même Battre. SAVOYARD, s. m. Homme mal élevé, brutal,--dans l'argot des bourgeois, injurieux envers les Allobroges. SAVOYARDE, s. f. Malle,--dans l'argot des voleurs. SCÈNE DE L'ABSINTHE (Faire la). Jouer son verre d'absinthe avec un camarade, ou lui en offrir un. Argot des coulisses. On dit de même, à propos de toutes les consommations: _Faire_ ou _jouer la scène du cigare, du café, de la canette_, etc. SCHAFFOUSE, s. m. Le derrière, parce qu'à la chute du _Rein_,--dans l'argot facétieux du peuple, qui connaît la géographie. SCHLAGUE, s. f. Correction brutale qu'un père donne volontiers à son enfant, un mari à sa femme, etc. SCHLAGUER, v. a. Corriger, battre. Encore un mot allemand,--_schlagen_. SCHLOFFER, v. n. Dormir, se coucher,--dans l'argot des faubouriens, qui ont appris cette expression dans la fréquentation d'ouvriers alsaciens ou allemands (_schlafen_). Ils disent aussi _Faire schloff_. SCHNICK, s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Schnaps_. SCHNIQUER, v. n. Se griser d'eau-de-vie. SCHNIQUEUR, s. m. Buveur d'eau-de-vie. SCIANT, adj. Ennuyeux,--dans l'argot du peuple. SCIE, s. f. Ennui, contre-temps fâcheux. SCIE, s. f. Femme légitime. _Porter sa scie._ Se promener avec sa femme au bras. SCIE, s. f. Mystification, plaisanterie agaçante,--dans l'argot des artistes. Le chef-d'œuvre du genre, c'est: «Il était quatre jeunes gens du quartier, Eh! eh! eh! eh! Ils étaient tous les six malades, Ade! ade! ade! ade! On les mit tous sept dans un lit, Hi! hi! hi! hi! Ils demandèrent du bouillon, On! on! on! on! Qui n'était ni salé ni bon, On! on! on! on! C'est l'ordinair' de la maison, On! on! on! on! Ça commence à vous embêter, Eh! eh! eh! eh! Et bien je vais recommencer, Eh! eh! eh! eh!» Et l'on recommence en effet jusqu'à ce que l'importun que l'on scie ainsi comprenne et s'en aille. _Faire_ ou _Monter une scie_. Imaginer une mystification contre quelqu'un. SCIER, v. a. Importuner, obséder sans relâche. On dit aussi _Scier le dos_. SCIER DU BOIS, v. a. Jouer du violon ou de la contrebasse,--dans l'argot des faubouriens. SCIEUR DE BOIS, s. m. Violoniste ou contrebassiste. SCION, s. m. Baguette et même Bâton,--dans l'argot du peuple. SCIONNER, v. a. Battre quelqu'un, le bâtonner. SCIONNER, v. a. Tuer,--dans l'argot des voleurs. SCIONNEUR, s. m. Meurtrier. SCRIBOUILLAGE, s. m. Mauvais style,--style à la Scribe. Argot des gens de lettres. SCULPSIT, s. m. Sculpteur,--dans l'argot des artistes. SCULPTURE RONFLANTE, s. f. Sculpture tourmentée, colorée, entre la sagesse et l'exagération. SEC, s. m. Élève qui a passé des examens de fin d'année déplorables. Argot des Polytechniciens. On dit aussi, mais moins: _Fruit sec_. SÉCHÉ (Être). N'être plus gris,--dans l'argot des faubouriens. SÉCHER, v. n. Être fruit _sec_,--dans l'argot des Polytechniciens. SÉCOT, s. et adj. Homme maigre et sec,--dans l'argot du peuple. SECOUER, v. a. Gronder quelqu'un, et même le battre,--dans le même argot. On dit aussi _Secouer les puces_. SECOUER LA COMMODE, v. a. Jouer de l'orgue de Barbarie,--dans l'argot des faubouriens. SECRET DE POLICHINELLE, s. m. Secret connu de tout le monde,--dans l'argot du peuple. SEIGNEUR ET MAITRE, s. m. Mari,--dans l'argot des bourgeois: _protecteur_,--dans l'argot de Breda-Street. SEMAINE DES QUATRE JEUDIS, s. f. Semaine fantastique, dans laquelle les mauvais débiteurs promettent de payer leurs dettes, les femmes coquettes d'être fidèles, les gens avares d'être généreux, etc. C'est la _Venue des Coquecigrues_ de Rabelais. On dit aussi: _La semaine des quatre jeudis, trois jours après jamais_. SEMAINES, s. f. pl. Sous de poche distribués le samedi et le dimanche.--dans l'argot des collégiens. SEMER QUELQU'UN, v. a. S'en débarrasser,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi: Le renverser, le jeter à terre d'un coup de poing ou d'un coup de pied. SENS DEVANT DIMANCHE. adv. De travers, sens dessus dessous,--dans l'argot du peuple. SENTINELLE, s. f. Résultat de la digestion. _Stercus._ _Poser une sentinelle._ Alvum deponere. SENTIR, v. a. Aimer,--dans l'argot du peuple, qui emploie surtout ce verbe avec la négative. _Ne pas pouvoir sentir quelqu'un._ Avoir répugnance à le rencontrer, à lui parler, le haïr enfin. On dit aussi _Avoir dans le nez_. SENTIR LE COUDE A GAUCHE. v. n. Avoir confiance en soi et dans l'amitié de ses camarades; se sentir appuyé, soutenu, encouragé, etc. SENTIR LE LAPIN. Suer abondamment et désagréablement des aisselles. SENTIR MAUVAIS, v. n. Devenir grave, sérieux; se gâter,--en parlant des choses. _Cela sent mauvais_ est une phrase de la même famille que _Le torchon brûle_. SEPT, s. m. Crochet,--dans l'argot des chiffonniers. SÉQUELLE, s. f. Grand nombre de gens ou de choses,--dans l'argot du peuple, qui n'emploie ce mot que péjorativement. Signifie aussi: Gens ou choses qui font suite à quelqu'un ou à quelque chose. _Toute la séquelle._ Tous les membres de la famille, et surtout les enfants. SER, s. m. Signal donné en crachant,--dans l'argot des voleurs. (V. _Serpent_.) SERGOLLE, s. f. Ceinture,--dans le même argot. SÉRIEUX, adj. Excellent, convenable,--dans l'argot des gens de lettres et des petites dames. _Homme sérieux._ Qui ne refuse rien aux femmes qui ne refusent rien aux hommes--riches. _Souper sérieux._ Où rien ne manque de ce qui doit en faire l'attrait: vins exquis, chère non-pareille, femmes charmantes, hommes d'esprit, etc. Le peuple emploie aussi cet adjectif dans l'acception de Copieux: _un beefsteak sérieux_, _un dessert sérieux_, etc. SERIN, s. m. Gendarme de la banlieue,--dans l'argot des voyous. S'est dit aussi, à une certaine époque du règne de Louis-Philippe, des compagnies de voltigeurs de la garde nationale qui avaient des parements jaunes, des passe-poils jaunes, des torsades jaunes, tout jaune, au point qu'en les passant un jour en revue dans la cour des Tuileries, et les voyant se débander, le maréchal Lobau s'écria: «Fermez donc les grilles, mes serins vont s'envoler!» SERIN, s. et adj. Imbécile, ou seulement Homme naïf,--dans l'argot des faubouriens. SERINER, v. a. Répéter à satiété une chose à quelqu'un, afin de la lui loger dans la mémoire. SERINETTE, s. f. Homme qui fait _chanter_ d'autres hommes,--dans l'argot des voleurs. SERINGUE, s. f. Voix fausse, aigre, criarde,--dans l'argot du peuple. _Chanter comme une seringue._ Chanter très mal. SERPENT, s. m. Ceinture de cuir,--dans l'argot des troupiers, qui y serrent leur argent. On dit aussi _Anguille_. SERPENT, s. m. Crachat,--dans l'argot des voleurs. SERPENTIN, s. m. Matelas,--dans le même argot. SERPETTES, s. f. pl. Les jambes,--dans l'argot des troupiers. SERPILLIÈRE, s. f. Soutane,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Serpillière à ratichon_. SERRANTE, s. f. Serrure,--dans l'argot des voleurs. SERRÉ, adj. Pauvre; sans argent, momentanément ou par habitude,--dans l'argot des bourgeois. Signifie aussi Avare. SERRER, v. a. Mettre en prison,--dans l'argot des faubouriens. SERRER LA VIS. Achever une affaire, presser un travail. Étrangler quelqu'un. Argot du peuple. SERRER LE NOEUD. Se marier,--dans l'argot des bourgeois et des vaudevillistes. SERRER LES POUCES A QUELQU'UN, v. a. Le presser vivement de questions pour lui faire avouer la vérité. Argot du peuple. SERT, s. m. Signe fait par un compère,--dans l'argot des saltimbanques. SERVIETTE, s. f. Portefeuille,--dans l'argot des avocats. SERVIETTE, s. f. Aniterge en papier,--dans l'argot des bourgeois. SERVIR, v. a. et n. Trahir, dénoncer,--dans l'argot des voleurs. _Servir de belle._ Dénoncer à faux. SERVIR, v. a. Arrêter, prendre,--dans l'argot des faubouriens. Vidocq, lorsqu'il était chef de la police de sûreté, avait l'habitude de dire tranquillement au malfaiteur pris dans une souricière, ou ailleurs: «Monsieur, vous êtes servi!...»» SÉSIÈRE, pr. pers. Soi, lui, elle,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Sésigue_ et _Sésingard_. SEU, s. m. Second,--dans l'argot des enfants, qui pratiquent l'apocope comme des hommes. SÉVÈRE, s. f. Chose étonnante; événement inattendu,--dans l'argot des faubouriens. SEXE, s. m. Les femmes en général,--dans l'argot du peuple, qui, sans tomber à leurs pieds, comme le recommande M. Legouvé, sait qu'il leur doit une mère, la seule créature digne de ses respects. _Ami du sexe._ Homme de complexion amoureuse. SHOCKING! Exclamation qui, de la langue des pudiques Anglaises, a passé dans l'argot ironique des gouailleurs parisiens. Ce qui est _choquant_ de l'autre côté du détroit cesse de l'être de ce côté-ci. SHOCKINER (Se), v. réfl. Se scandaliser. SIBIJOITE, s. f. Cigarette,--dans l'argot des marbriers de cimetière, parfois trop fantaisistes. _Orpheline._ Cigarette presque fumée. SIFFLE, s. f. Voix,--dans l'argot des voleurs. SIFFLER, v. a. et n. Boire ou manger, mais surtout boire,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce verbe depuis plus d'un siècle, comme le prouvent ces vers d'une chanson du commencement du XVIIe siècle: «Lorsque je tiens une lampée Pleine de vin, le long de la journée, Je siffle autant que trois.» SIFFLER, v. a. Dépenser. _Avoir tout sifflé._ Être ruiné. SIFFLER LA LINOTTE, v. a. Appeler sa maîtresse avec un cri ou un air convenus; faire le pied de grue. SIFFLET, s. m. Gorge, gosier,--entonnoir à air et à vin. _S'affûter le sifflet._ Boire. On dit aussi _Se rincer le sifflet_. _Couper le sifflet à quelqu'un._ Le forcer à se taire, soit en lui coupant le cou, ce qui est un moyen extrême, soit en lui prouvant éloquemment qu'il a tort de parler, ce qui vaut mieux. SIGNE D'ARGENT, s. m. Le stercus humain,--dans lequel il est bon de marcher, paraît-il, parce que cela porte bonheur. SIGNER DES ORTEILS (Se), v. réfl. Se pendre ou être pendu,--dans l'argot du peuple, qui fait allusion aux derniers tressaillements des suicidés ou des condamnés. SILENCE, s. m. Audiencier,--dans l'argot des voyous, habitués de police correctionnelle ou de cour d'assises. SIME, s. f. Patrouille,--dans l'argot des voleurs. SIMON, s. m. Propriétaire,--dans l'argot des ouvriers viveurs. _Aller chez Simon._ Aller «où le roi va à pied»,--dans l'argot des bourgeoises. SIMPLE, s. et adj. Niais,--dans l'argot du peuple, qui a un faible pour les _roublards_. Les Anglais ont la même expression: _Flat_, plat,--nigaud. SINGE, s. m. Patron,--dans l'argot des charpentiers, qui, les jours de paye, exigent de lui une autre monnaie que celle de son nom. SINGE, s. m. Ouvrier compositeur,--dans l'argot des imprimeurs. SINGE BOTTÉ, s. m. Homme amusant, gros farceur,--dans l'argot des bourgeoises. SINGERIES, s. f. Grimaces, mines hypocrites, comédie de la douleur,--dans l'argot du peuple, qui n'aime pas les gens simiesques. SINGULIER PISTOLET, s. m. Homme bizarre, original, qui ne fait rien comme tout le monde, _part_ quand il faudrait rester, et reste quand il faudrait partir. SINVE, s. m. Homme simple, imbécile, bon à duper,--dans l'argot des voleurs. Quelques lexicographes de la rue affirment qu'on écrit et prononce _sinvre_. _Affranchir un sinve._ Faire d'un paresseux un voleur, ou d'un débauché un escarpe. SINVINERIE, s. f. Niaiserie. SIROP, s. m. Vin,--dans l'argot des faubouriens, qui ont l'honneur de se rencontrer avec Rabelais: «Après s'être bien antidoté l'haleine de sirop vignolat,» dit l'immortel Alcofribas Nasier. _Avoir un coup de sirop de trop._ Être ivre. SIROTER, v. a. Boire plus que de raison. Signifie aussi Boire à petits coups. SIROTER, v. n. et a. Nettoyer à fond la tête de quelqu'un, la bien peigner, friser et pommader. Argot des coiffeurs. SIROTER LE BONHEUR, v. a. Être dans la lune de _miel_. Argot des faubouriens. SIROTEUR, s. m. Ivrogne. SIX, s. f. Une des six chandelles dont se compose un paquet d'une livre. _Brûler des six._ N'employer que ces chandelles-là. SIX-FRANCS, s. m. Outil de bois sur lequel on repasse les habits,--dans l'argot des tailleurs. SIX-QUATRE-DEUX (A la), adv. Sans soin, sans grâce, à la hâte,--dans l'argot des bourgeois. SMALA, s. f. Famille, ménage,--dans l'argot des troupiers qui ont fait les campagnes d'Afrique. Se dit depuis la prise de la _smala_ d'Abd-el-Kader par le duc d'Aumale. SNOB, s. m. Fat, ridicule, vaniteux,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression au _Livre des Snobs_ de Thackeray, comme si nous n'avions pas déjà le même mot sous une douzaine de formes. SNOBISME, s. m. Fatuité, vanité. SNOBOYE, adj. Parfait, excellent, _chocnosof_,--dans l'argot des faubouriens. SOCIÉTÉ DU DOIGT DANS L'OEIL, s. f. Association pour rire, formée par Nadar, dans laquelle on enrégimente à leur insu les gens qui «se fourrent le doigt dans l'œil». SOCIÉTÉ DU FAUX COL, s. f. Société de secours mutuels que forment entre eux les comédiens pour se débarrasser des _raseurs_, des importuns, des gêneurs. Le signe de détresse que font entre eux les membres de la _Société du faux col_ consiste à passer le doigt sur le col de la chemise. Cette société s'appelle aussi la _Société du rachat des captifs_. SODA, s. m. Mélange de sirop de groseille et d'eau de seltz (_soda-water_). SOEUR, s. f. Maîtresse,--dans l'argot des soldats et des voyous, qui, sans s'en douter, se servent du même mot que les Romains, dans le même sens, _soror_. Les Romains avaient de plus le mâle de la sœur, qui était le _frater_. On dit aussi: _Nos sœurs du peuple_, pour désigner certaines victimes cloîtrées, qui ne se plaignent pas de l'être. Au XVIe siècle, on disait: _Nos cousines_. _Sœur_ se trouve, avec cette dernière acception, dans le _Dictionnaire_ de Leroux. SOEUR, s. f. Fille ou femme,--dans l'argot des francs-maçons. SOEURS BLANCHES, s. f. pl. Les dents,--dans l'argot des voleurs. SOIFFARD, s. m. Ivrogne,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Soiffeur_. SOIFFER, v. n. Boire outre mesure,--sous prétexte de soif. SOIGNÉ, s. m. Chose de qualité supérieure, vin ou chapeau, tabac ou salade, etc. SOIGNÉE, s. f. Chose étonnante, difficile à croire; événement extraordinaire. Signifie aussi elliptiquement. Correction violente,--_pile_ donnée avec soin. SOIGNER, v. a. Battre quelqu'un avec un _soin_ dont il n'est nullement reconnaissant. SOIGNER SES ENTRÉES. Se faire applaudir à son entrée en scène par les chevaliers du lustre. Argot des coulisses. SOIR, s. m. Journal du soir,--dans l'argot des gandins. Cette ellipse est à la mode depuis quelque temps dans les cafés des boulevards. SOISSONNAIS, s. m. pl. Haricots,--dans l'argot des voleurs, qui savent que Soissons est la patrie de ce farineux. SOLDAT DU PAPE, s. m. Mauvais soldat,--dans l'argot du peuple. SOLDATS, s. m. pl. De l'argent,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que l'argent est le nerf de la guerre. Dans _les Joyeuses Commères de Windsor_, Shakespeare fait dire par Falstaff à Ford: _Money is a good soldier, Sir, and will on_. (L'argent est un bon soldat; il pousse en avant.) SOLDE, s. m. Restant d'étoffe; coupon,--dans l'argot des marchands. SOLDE, s. m. Chose de médiocre valeur,--dans l'argot des gens de lettres. _Cigare de solde._ Mauvais cigare. _Dîner de solde._ Exécrable dîner. SOLFÉRINO, adj. et s. Couleur rouge violacée, fort à la mode depuis la guerre d'Italie. SOLIR, v. a. Vendre,--dans l'argot des voleurs. _Solir sur le verbe._ Acheter à crédit,--c'est-à-dire sur _parole_. SOLITAIRE, s. m. Spectateur qui ne paye sa place que moitié prix, mais à la condition d'entrer au théâtre dans les rangs de la Claque, sans être forcé d'applaudir comme elle. Argot des coulisses. SOLLICEUR, s. m. Marchand,--dans l'argot des voleurs. _Solliceur à la pogne._ Marchand, ambulant. _Solliceur de lacets._ Gendarme. _Solliceur de loffitudes._ Homme de lettres. SONDE, s. f. Médecin,--dans le même argot. SONDEUR, adj. et s. Sournois, prudent, malin,--dans l'argot des faubouriens. _Aller en sondeur._ S'informer avant d'entreprendre une chose, écouter une conversation avant de s'y mêler. _Père sondeur._ Bonhomme rusé, dont personne ne se méfie, et qui se joue de tout le monde. SONNETTE DE BOIS, s. f. Sonnette d'hôtel garni que l'on bourre de chiffons pour l'empêcher de sonner lorsqu'on veut s'en aller clandestinement. D'où l'expression _Déménager à la sonnette de bois_. SONNETTE DE NUIT, s. f. Houpette de soie blanche que les petites dames portent au capuchon de leurs caracos (1865). SONNETTES, s. f. pl. Pièces d'or ou d'argent, d'une musique supérieure à celle de Rossini--pour les oreilles des petites dames. SONNETTES, s. f. pl. Gringuenaudes de boue qui pendent aux poils des chiens. Argot des chasseurs. SORBONNE, s. f. La tête,--parce qu'elle «médite, raisonne et conseille le crime». Argot des voleurs. SORCIÈRE, s. f. Femme mal mise ou d'une figure ravagée,--dans l'argot des bourgeoises. Elles disent aussi _Vieille sorcière_. SORGUE, s. f. Nuit,--dans l'argot des voleurs. Les Maurice La Châtre de Poissy prétendent qu'il faut écrire _Sorgne_. SORGUER, v. n. Passer la nuit. SORGUEUR, s. m. Voleur de nuit. SORTE, s. f. Mauvaise raison, faux prétexte, _balançoire_,--dans l'argot des typographes. SORTIE, s. f. Discours inconvenant; emportement plus ou moins violent. Argot du peuple. SORTIR, v. a. Transporter un mobilier _extra-muros_,--dans l'argot des déménageurs. _Le rentrer._ Le ramener à Paris. On dit de même _Sortie_ pour un déménagement _extra-muros_, et _Rentrée_ pour le contraire. SORTIR, v. n. Avoir des absences d'esprit, être distrait,--dans l'argot du peuple. On dit mieux _Être sorti_ ou _Être ailleurs_, pour n'être pas à la conversation, ne pas savoir ce qu'on dit autour de soi. SORTIR, v. n. Être insupportable,--dans l'argot des faubouriens. Ce verbe ne s'emploie guère qu'à la troisième personne de l'indicatif présent: _il me sort_,--c'est-à-dire, je ne peux pas le voir sans en être blessé, offusqué. Quelques-uns, pour être plus expressifs, disent: _Il me sort par le cul_. SORTIR D'UNE BOITE, v. n. Être vêtu avec une propreté méticuleuse,--dans l'argot des bourgeois, qui ont des notions de blanchisseuse sur l'élégance. Ils disent aussi _Avoir l'air de sortir d'une boîte_. SORTIR LES PIEDS DEVANT, v. n. Être emporté mort, «cloué sous la lame»,--dans l'argot du peuple, qui sait de quelle façon un cercueil sort d'une maison. SOT-L'Y-LAISSE, s. m. Le croupion d'une volaille,--dans l'argot des bourgeois. SOUDRILLARD, s. et adj. Libertin,--dans l'argot des voleurs. Le vieux français avait _Soudrille_ (soldat, ou plutôt _soudard_). SOUFFLANT, s. m. Pistolet,--dans le même argot. SOUFFLER, v. a. Prendre, s'emparer de quelque chose,--dans l'argot du peuple. _Souffler la maîtresse de quelqu'un._ La lui enlever,--et, dans ce cas-là, souffler, c'est jouer... un mauvais tour. SOUFFLER DES POIS, v. n. Agiter ses lèvres en dormant pour expirer l'air par petits coups secs. Les étudiants en médecine disent: _Fumer sa pipe_. Dans l'argot du peuple, _Souffler des pois_, c'est Faire l'important. SOUFFLER SON COPEAU, v. a. Travailler,--dans l'argot des ouvriers. SOUFFLET, s. m. Le _podex_. SOUFFLEUR DE BOUDIN, s. m. Homme à visage rubicond. SOUILLON, s. f. Femme malpropre, fille à soldats. C'est la _malkin_ des voyous anglais. SOUILLOT, s. m. Ivrogne, débauché, _arsouille_,--dans l'argot des faubouriens. SOULAGER, v. a. Alléger la poche de son voisin de la montre ou de la bourse qu'elle contenait. SOULAGER (Se), v. réfl. _Meiere_. Argot du peuple. Se dit aussi à propos de la fonction du plexus mésentérique. SOULARD, adj. et s. Ivrogne. SOÛLER (Se). Se goinfrer de vin ou d'eau-de-vie à en perdre la raison. SOULEUR, s. f. Frayeur subite et violente, qui remue le cœur et _soûle_ l'esprit au point que, pendant qu'elle dure, on ne sait plus ce que l'on fait. _Faire une souleur à quelqu'un._ Lui faire peur. SOULEVER, v. a. Dérober adroitement,--dans l'argot des faubouriens. SOULIERS A MUSIQUE, s. m. pl. Qui craquent lorsqu'on les porte pour la première fois. SOULIERS-SEIZE, s. m. pl. Souliers très étroits (13 et 3),--dans l'argot ridiculement facétieux des bourgeois. SOULIERS SE LIVRANT A LA BOISSON, s. m. pl. Souliers usés, prenant l'eau,--dans l'argot des faubouriens. SOULOGRAPHE, s. m. Ivrogne abject. Argot des typographes. SOULOGRAPHIE, s. m. Ivrognerie dégoûtante. SOULOGRAPHIER (Se), v. réfl. S'enivrer crapuleusement. SOUPÇON, s. m. Très petite quantité,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Idée_. SOUPE AU LAIT, s. f. Homme qui s'emporte pour un rien. SOUPE DE PERROQUET, s. f. Pain trempé dans du vin. SOUPE-ET-LE-BOEUF (La), Bonheur conjugal,--c'est-à-dire _ordinaire_. C'est une expression de la même famille que _Pot-au-feu_. SOUPENTE, s. f. Le ventre,--dans l'argot des faubouriens. Le mot a été recueilli par Traviès. SOUPE-SEPT-HEURES, s. m. Homme qui a des habitudes de repas régulières,--dans l'argot du peuple, qui, en conservant cette expression, a conservé aussi la coutume qu'elle consacre. SOUPEUR, s. et adj. Viveur,--dans l'argot des gens de lettres. SOUPEUSE, s. f. Femme galante qui a pour spécialité de _lever les hommes au souper_,--c'est-à-dire de faire espalier avec d'autres à la porte des cafés du boulevard, vers les onze heures du soir, afin d'être priée à souper par les gens qui n'aiment pas à rentrer seuls chez eux. La soupeuse a une prime par chaque tête de bétail qu'elle amène au restaurant. SOUPIER, adj. et s. Grand mangeur de soupe. Argot du peuple. SOUPIR, s. m. _Crepitus ventris_,--dans l'argot des bourgeois. _Soupir de Bacchus._ Éructation. SOUPIRER, v. n. _Crepitum reddere._ SOUQUER, v. a. Battre ou seulement Rudoyer. Argot du peuple. SOURICIÈRE, s. f. Cabaret suspect où se réunissent les voleurs et où ils se font arrêter par les agents de police, au courant de leurs habitudes. _Tendre une souricière._ Surveiller les abords d'un de ces mauvais lieux-là. SOURICIÈRE, s. f. Crinoline, ou Tournure exagérée,--dans l'argot des petites dames, qui savent combien les hommes se laissent _prendre_ à cela. SOURICIÈRES, s. f. pl. Ce sont, d'après Vidocq, de grandes pièces souterraines dont on peut voir les fenêtres garnies d'énormes barreaux de fer sur le quai de l'Horloge, et dans lesquelles les prévenus extraits des différentes prisons de Paris sont déposés pour attendre le moment de paraître devant le juge d'instruction. SOURIS, s. f. Baiser sur l'œil,--dans l'argot des faubouriens, qui savent que ce baiser fait moins de bruit que les autres. SOUS, s. m. pl. Argent, fortune,--dans l'argot des ouvriers. _Avoir des sous._ Être riche. SOUS DE POCHE, s. m. pl. Monnaie à dépenser,--dans l'argot des collégiens et des grandes personnes qui n'aiment pas à sortir sans argent. SOUS LE LIT (Être). N'être pas au courant d'un métier ou au fait d'une chose; se tromper. Argot des faubouriens. SOUS-LIEUTENANT, s. m. Résultat moulé d'une évacuation alvine,--dans l'argot des royalistes ennemis de la première Révolution. «Je m'accroupis en gémissant Au coin d'une boutique. Je mis bas un sous-lieutenant D'une figure étique?» dit une chanson du comte Barruel de Beauvert, publiée dans les _Nouveaux Actes des Apôtres_. On disait aussi _Un représentant_. Avant de s'entre-tuer, les hommes que divisent les opinions politiques s'entre-souillent d'épigrammes ordurières. SOUS-OFF, s. m. Apocope de _Sous-Officier_,--dans l'argot des troupiers. SOUS PRESSE (Être). Être occupée,--dans l'argot de Breda-Street. SOUSSOUILLE, s. et adj. Débauché, ivrogne, _arsouille_,--dans l'argot des faubouriens. SOUTADOS, s. m. Pièce de cinq centimes. SOUTE AU PAIN, s. f. L'estomac,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. Les ouvriers anglais ont la même expression: _Bread-basket_ (panier au pain), disent-ils. SOUTELLAS, s. m. Cigare d'un sou,--dans l'argot des voyous qui ont voulu se moquer des panatellas. SOUTENANTE, s. f. Canne,--dans l'argot des voleurs. SOUTENEUR, s. m. Homme qui vit aux dépens des filles,--dans l'argot du peuple. SOUTIRER AU CARAMEL, v. a. Tirer de l'argent de quelqu'un en employant la douceur. SPECK, s. m. Lard,--dans l'argot des voleurs, qui ont _emprunté_ ce mot à la langue allemande. SPEECH, s. m. Discours, bavardage,--dans l'argot du peuple et des gens de lettres. SPER, s. m. Carreau dont on vient de se servir, mais qui possède encore assez de chaleur pour être de nouveau utilisé. Expression de l'argot des tailleurs. SPHINX, s. m. Mets imaginaire comme le monstre auquel fut forcé de répondre OEdipe, et qu'on demande facétieusement dans certains restaurants qui prétendent avoir de tout. Alphonse Karr, ou Méry, eut un jour la curiosité d'en exiger;--«Nous venons de donner la dernière portion,» lui répondit tranquillement le garçon. Léon Gozlan fut plus heureux, ou plus malheureux; il en demanda--et on lui en servit. SPICKEL, s. f. Épée de fantaisie,--dans l'argot des Polytechniciens, qui l'achètent ordinairement chez le marchand qui porte ce nom, et dont le magasin est rue Saint-Honoré, ou rue Richelieu. SPIRITE, s. et adj. Homme qui ne croit peut-être pas à Dieu mais qui croit aux _esprits_, afin de prouver l'insanité du sien. SPIRITISME, s. m. _Dada_, à l'usage des gens sérieux qui tiennent à passer pour grotesques. Ils évoquent Voltaire et ils le font parler comme Eugène de Mirecourt. SPORT, s. m. Science de la haute vie et des nobles amusements, courses, paris, etc.,--dans l'argot des anglomanes. SPORTIF, IVE, adj. Qui a rapport aux choses du sport. Mot barbare qui a fait récemment son apparition dans les journaux. SPORTSMAN, s. m. Homme de cheval, habitué des courses. SPORTSMANIE, s. f. La _manie_ des courses,--dans l'argot des bourgeois. STALLE, s. f. Chaise ou fauteuil,--dans l'argot des francs-maçons. STERLING, adj. Pur, de bon aloi; riche,--dans l'argot du peuple, qui n'a pas le moins du monde «emprunté ce superlatif au système monétaire anglais», par l'excellente raison que ce «superlatif» a, en anglais, la même signification qu'en français: _Sterling wit_ (esprit de bon aloi), _sterling merit_ (mérite remarquable), disent nos voisins. M. Ch. Nisard s'est trompé. STICK, s. m. Petite canne,--dans l'argot des «young gentlemen», qui mettent cela dans leur bouche comme un sucre d'orge, au lieu d'appuyer leurs mains dessus comme sur un bâton. Ce mot entrera sans peine dans la prochaine édition du Dictionnaire de l'Académie, plus hospitalier pour les mots anglais que pour les mots français. Même observation à propos de _derby_, _turf_, _studbook_, _handicap_, _steeple-chase_, _match_, etc. STOCKFISH, s. m. Anglais,--dans l'argot des faubouriens. STOP! Expression de la langue anglaise qui est passée dans l'argot des canotiers parisiens. Elle signifie, on le sait: «Arrêtez!» STOPPER, v. n. Arrêter, faire escale. C'est le verbe anglais _To stop_. STROC, s. m. Chopine,--dans l'argot des voleurs. _Demi-stroc._ Demi-setier. On dit aussi _Stron_. STUC, s. m. Part d'un vol,--dans l'argot des voleurs, qui doivent s'estimer heureux de ne plus vivre au XVIIIe siècle, à une époque où un arrêt de la Cour du Parlement (22 juillet 1722) condamnait à être rompu vif un sieur Cochois, pour avoir recélé des vols, en avoir eu le _stuc_, et acheté le stuc des autres. J'ai vu écrit _Lestuc_ sur feuillet de garde du _Langage de l'argot réformé_, avec mention du sens dans lequel _stuc_ est employé. STUCQUER, v. a. et n. Renseigner, styler,--dans l'argot des faubouriens. _Être stuqué._ Être instruit. STYLER QUELQU'UN, v. a. Lui faire la leçon, lui apprendre ce qu'il doit dire ou faire. Argot du peuple. SUAGE, s. m. Assassinat,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Chauffage. SUAGEUR, s. m. Chauffeur. SUBLIME COUP DE L'ÉTRIER, s. m. Le viatique, qu'on donne aux mourants avant leur départ pour le grand voyage,--dans l'argot de lord Pilgrim, _aliàs_ Arsène Houssaye, qui a employé cette expression, d'un goût contestable, à propos des derniers moments de Proudhon. SUBLIMER, v. n. Travailler avec excès, la nuit spécialement,--dans l'argot des polytechniciens. SUBLIMER (Se). Se corrompre davantage, mais avec art,--dans l'argot des petites dames, qui ont une façon à elles de s'élever (_sublimare_). SUBTILISER, v. a. Dérober quelque chose, une tabatière ou un foulard,--dans l'argot des faubouriens. SUCCÈS D'ESTIME, s. m. Succès douteux, et pour ainsi dire nul,--dans l'argot des coulisses. SUCE-LARBIN, s. m. Bureau de placement pour les domestiques--dans l'argot des voleurs. SUCER LA FINE CÔTELETTE, v. a. Déjeuner à la fourchette.--dans l'argot des faubouriens. SUCER LA POMME (Se), v. réfl. S'embrasser; se bécotter. On dit aussi _Se sucer le trognon_. SUCER UN VERRE, v. a. Le boire. SUCEUR, s. m. Parasite, homme qui boit et mange aux dépens des autres. Argot des coulisses. SUÇON, s. m. Pince faite à même le drap pour obtenir un bombage,--dans l'argot des tailleurs. SUÇON, s. m. Baiser-ventouse,--dans l'argot des grisettes. SUÇON, s. m. Sucre d'orge,--dans l'argot des petites dames, habituées des Délass Com, et du théâtre Déjazet. SUCRE! Exclamation de l'argot des bourgeoises, à qui--naturellement--répugne celle de Cambronne. SUCRÉE! s. f. Bégueule,--dans l'argot du peuple. _Faire sa sucrée._ Se choquer des discours les plus innocents comme s'ils étaient égrillards, et des actions les plus simples comme si elles étaient indécentes. L'expression est vieille,--comme l'hypocrisie. Perrot d'Ablancourt, dans sa traduction de Lucien, dit: «Et cette petite sucrée de Sapho...» SUDISTE, s. et adj. Partisan des Etats de l'Union qui ont brisé cette union pour se constituer, sans y réussir, en République à part, dite _République du Sud_. On dit aussi _Confédéré_, _Esclavagiste_, _Sécessionniste_ et _Séparatiste_. SUÉE, s. f. Réprimande,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi Peur. SUÉE DE MONDE, s. f. Foule, grand nombre de personnes. SUER (Faire). Assassiner,--dans l'argot des voleurs. _Faire suer sur le chêne._ Tuer un homme. SUER (Faire). Ennuyer outrageusement par ce qu'on fait ou par ce qu'on dit; faire lever les épaules de pitié ou de dédain. Argot du peuple. SUER SON ARGENT (Faire). Lui faire rapporter gros; se livrer à l'usure. Argot des bourgeois. SUER THÉMIS (Faire). Étudier le Code, de manière à pouvoir éluder la loi,--dans l'argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens d'affaires, des avocats marrons. SUEUR DE CANTONNIER, s. f. Chose rare parce que chère, ou chère parce que rare,--les cantonniers étant connus généralement pour des gens qui en prennent à leur aise. SUIF, s. m. Réprimande de maître à valet, ou de patron à ouvrier. Argot des faubouriens. _Gober son suif._ Recevoir les reproches auxquels on s'attendait. SUIF, s. m. Graisse, la partie adipeuse du corps humain. _Être tout en suif._ Être fort gras. SUIF, s. m. Argent, _beurre_. SUIFFARD, adj. et s. Homme mis avec élégance, avec _chic_. SUIFFARD, s. m. Richard. SUIFFÉ, adj. Soigné, remarquable, très beau. _Femme suiffée._ Très jolie ou très bien mise. SUIFFÉE, s. f. Coups donnés ou reçus. SUISSE, s. m. Invité, convive,--dans l'argot des troupiers. _Faire Suisse._ Boire ou manger seul. SUISSESSE, s. f. Verre d'absinthe,--dans l'argot des bohèmes. SUIVEUR, s. m. Galantin de n'importe quel âge, homme qui suit les femmes dans la rue. Mot créé par Nestor Roqueplan. SUIVEZ-MOI, JEUNE HOMME, s. m. Rubans très minces et très longs que les petites dames laissent flotter sur leur dos. SUIVRE LE SOLEIL, v. a. Aller travailler à la journée chez les particuliers,--dans l'argot des tailleurs, qui ont rarement des expressions aussi imagées et aussi poétiques. SULFATE DE CUIVRE, s. m. Absinthe de cabaret,--dans l'argot des bohèmes, qui n'en sont que plus coupables puisqu'ils boivent obstinément un liquide dont ils connaissent les désastreux effets. J'ai entendu demander par un ivrogne _un verre de sulfate de cuivre_ et j'ai vu le garçon lui apporter un verre d'absinthe. Empoisonneurs et empoisonnés rient de leur poison. C'est parfait! SULTAN (Le). Le public,--dans l'argot des coulisses. L'expression est juste surtout à propos des actrices, ces odalisques dont les tiroirs regorgent de mouchoirs. SUPERLIFICOQUENTIEUX, a. Merveilleux, étonnant, inouï,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Superlificoquentiel_. SURBINE, s. f. Surveillance,--dans l'argot des voleurs. SURETTE, s. f. Pomme,--dans le même argot. SURGERBER, v. a. Condamner en appel,--dans le même argot. SURIN, s. m. Couteau,--dans le même argot. _Surin muet._ Canne plombée; casse-tête. SURINER, v. a. Assassiner quelqu'un avec un surin. V. _Chouriner_. SURINEUR, s. m. Spécialiste du genre de Lacenaire. V. également _Chourineur_. SURJUIN, s. m. _Insurgé_ de juin 1848,--dans l'argot des campagnards de la banlieue de Paris, pour qui un mot nouveau n'est facile à retenir qu'autant qu'il est court et sonore. SURMOULEUR, s. m. Ecrivain qui, volontairement ou à son insu, pastiche d'autres écrivains, et emploie tout son talent à exagérer les mauvais côtés du talent des autres. Argot des gens de lettres. SUR-RINCETTE, s. f. Supplément à la _rincette_,--dans l'argot des bourgeois. SUR SEIZE! Exclamation de l'argot des calicots, qui l'emploient pour se prévenir mutuellement d'un péril quelconque, comme par exemple de l'arrivée subite du patron, etc. SYMBOLE, s. m. Crédit chez le marchand de vin,--dans l'argot des typographes, qui veulent sans doute faire allusion à l'œil du fameux triangle maçonnique. _Avoir le symbole._ Avoir un compte ouvert chez le cabaretier. SYMBOLE, s. m. La tête,--dans l'argot des voyous. Se dit aussi pour Chapeau. SYSTÈME, s. m. L'ensemble des fonctions du corps humain, et, plus spécialement, le _système nerveux_. Argot du peuple. _Agacer le système._ Ennuyer. _Taper sur le système._ Agacer les nerfs; exaspérer. T TABAC, s. m. Vieil étudiant,--culotté comme une pipe qui a beaucoup servi. TABAC, s. m. Ennui, misère,--dans l'argot des faubouriens. _Être dans le tabac._ Être dans une position critique. _Foutre du tabac à quelqu'un._ Le battre--de façon à lui faire éternuer du sang. _Fourrer dans le tabac._ Mettre dans l'embarras. _Manufacture de tabac._ Caserne. TABAC DE DÉMOC, s. m. Tabac fait avec les détritus de cigares ramassés par les voyous jeunes et vieux, dont c'est la spécialité. TABAR, s. m. Manteau,--dans l'argot des voleurs. Ils disaient autrefois _Volant_. TABATIÈRE, s. f. Le podex,--dans l'argot du peuple. _Ouvrir sa tabatière._ Faire un sacrifice muet, mais odore, au dieu Crépitus. D'où: _Quelle prise!_ TABLEAU-RADIS, s. m. Toile qui _revient_, invendue, du Salon ou de la boutique du marchand. Argot des artistes et des gens de lettres. On dit de même _Livre-radis_. TABLEAUTIN, s. m. Tableau sans valeur. TABLETTE, s. f. Brique,--dans l'argot des voleurs. TABLIER DE CUIR, s. m. Cabriolet,--dans l'argot des faubouriens. TABLIER LÈVE (Le). Se dit--dans l'argot des bourgeois--d'une fille qui ne peut plus dissimuler sa grossesse. _Intumescit alvus._ _Faire lever le tablier._ Engrosser une fille ou une femme. TACHE D'HUILE, s. f. Accroc à une robe, déchirure d'habit,--dans l'argot du peuple. TACHE D'HUILE, s. f. Mauvais tour,--_crasse_ impardonnable, ineffaçable, faite par un ami à son ami. TAF, s. m. Peur,--dans l'argot des voleurs. _Avoir le taf._ Avoir peur. _Coller le taf._ Faire peur. On dit aussi _Tafferie_. Il n'y a pas à douter que ce mot ne vienne d'une expression proverbiale ainsi rapportée par Oudin: «_Les fesses luy font taf taf_, ou _le cul lui fait tif taf_, c'est-à-dire: _Il a grand peur, il tremble de peur_.» On dit aussi _Taffetas_. _Avoir le taffetas du vert._ Être frileux, avoir peur du froid. TAFFER, v. n. Avoir peur,--dans l'argot des faubouriens. TAFFEUR, s. m. Poltron. _Le Royal-Taffeur._ Régiment aux cadres élastiques, où l'on incorpore à leur insu tous les gens qui ont donné des preuves de couardise. TAILLER DES BAVETTES, v. a. Bavarder comme font les commères à la veillée,--dans l'argot du peuple, qui sait que les femmes déchirent plus de réputations à coups de langue qu'elles ne cousent de robes à coups d'aiguille. TAILLER DES CROUPIÈRES, v. a. Donner de l'inquiétude à son ennemi, le harceler sans cesse. TAILLER LES MORCEAUX A QUELQU'UN, v. a. Limiter ce qu'il doit manger ou dépenser; lui prescrire ce qu'il doit faire. TAILLEUSE, s. f. Nom générique de la corporation des tailleurs. TAIRE SON BEC, v. a. Se taire,--dans l'argot du peuple. TALBIN, s. m. Billet de complaisance,--dans l'argot des voleurs. _Talbin d'altèque._ Billet de banque. _Talbin d'encarade._ Billet d'entrée dans un théâtre. TALBIN, s. m. Huissier,--dans le même argot. TALBINER, v. a. Assigner devant le tribunal. TALOCHE, s. f. Soufflet ou coup de poing,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Molière. TALOCHER, v. a. Donner des soufflets. TALOCHON, s. m. Petite taloche. TALONNER, v. a. Presser, tourmenter; poursuivre. TALON ROUGE, s. m. Aristocrate. _Être talon rouge._ Avoir la suprême impertinence. TALONS COURTS (Avoir les). Se dit de toute femme ou fille qui ne sait pas défendre assez vigoureusement son honneur, et qui succombe trop aisément. TAMBOUILLE, s. f. Ragoût, _fricot_,--dans l'argot des faubouriens. _Faire sa tambouille._ Faire sa cuisine. TAMBOUR, s. m. Chien,--dans l'argot des voleurs. _Roulement de tambour._ Aboiement. TAMPON, s. m. Poing,--dans l'argot du peuple. TAMPONNER (Se), v. réfl. Se battre à coups de poing. On dit aussi _Se foutre des coups de tampon_. TANGENTE, s. f. Épée,--dans l'argot des Polytechniciens. Ils l'appellent aussi: _La tangente au point Q_. TANNANT, E, adj. Ennuyeux, assommant,--dans l'argot des faubouriens. TANNER, v. n. Ennuyer. TANNER LE CUIR, v. a. Battre quelqu'un à coups redoublés. Au XVIIe siècle on disait: _Faire péter le maroquin_. TANTE, s. f. Individu du _troisième sexe_,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Tapette_. TANTE (Ma). Mont-de-Piété,--dans l'argot des petites dames et des bohèmes qui croient avoir inventé là une expression bien ingénieuse, et qui se sont contentés de contrefaire une expression belge: car au XIIe siècle, dans le pays wallon, on appelait un usurier _mon oncle_. On dit aussi _Casino_. TANTINET, adv. Un peu,--dans l'argot du peuple qui emploie ce mot depuis quelques siècles. On dit aussi TANTET. TANT QUE TERRE, adv. En abondance, beaucoup. TAP ou TAPIN, s. m. Poteau du pilori,--dans l'argot des voleurs. _Faire le tapin._ Être exposé. On dit aussi _Faire le singe_. TAPAGE, s. m. Amour,--dans l'argot des typographes. TAPAGEUR, EUSE, adj. Eclatant, voyant, _criard_,--dans l'argot des gens de lettres et des artistes. _Couleurs tapageuses._ Couleurs trop vives qui tirent l'œil et l'agacent. _Toilette tapageuse._ Toilette d'un luxe de mauvais goût, dressée pour faire retourner les hommes et «crever de jalousie» les femmes. TAPAMORT, s. m. Tambour,--dans l'argot des voyous. TAPANCE, s. f. Maîtresse ou femme légitime,--dans l'argot des typographes. _La tapance du meg._ La femme du patron. TAPE, s. f. Coup de la main, à plat ou fermée. Argot du peuple. TAPÉ, adj. Réussi, émouvant, éloquent,--c'est-à-dire bourré de grosses phrases sonores et d'hyperboles de mauvais goût, comme le peuple les aime dans les discours de ses orateurs, dans les livres de ses romanciers et dans les pièces de ses dramaturges. _Tapé dans le nœud._ Excessivement beau, ou extrêmement remarquable. TAPE-A-L'OEIL, s. m. Homme qui a une pétéchie sur l'œil; chien blanc qui a du poil noir sur les yeux. TAPECUL, s. m. Voiture mal suspendue qui secoue les voyageurs. TAPE-CUL, s. m. Planche en équilibre sur laquelle on se balance à deux. Argot des gamins. TAPEDUR, s. m. Serrurier,--dans l'argot des voleurs. TAPÉE, s. f. Foule, grande réunion de personnes,--dans l'argot des faubouriens. TAPER, v. a. Frapper, battre. TAPER, v. a. et n. _Permolere uxorem, quamlibet aliam_,--dans l'argot des typographes. TAPER, v. a. Demander de l'argent,--dans l'argot des ouvriers. _Taper son patron de vingt francs._ Lui demander une avance d'un louis. TAPER, v. n. Prendre sans choisir,--dans l'argot des faubouriens. _Taper dans le tas._ Prendre au hasard dans une collection de choses ou de femmes. _Taper sur les vivres._ Se jeter avec avidité sur les plats d'une table; manger gloutonnement. _Taper sur le liquide._ S'empresser de boire. TAPER DANS LE TAS. Avoir de la rondeur dans les allures, de la franchise dans le caractère. TAPER DANS L'OEIL, v. a. Séduire,--en parlant des choses et des femmes. TAPER DE L'OEIL, v. n. Dormir. L'expression est plus vieille qu'on ne serait tenté de le croire, car on la trouve dans les OEuvres du comte de Caylus (_Histoire de Guillaume Cocher_). TAPER SUR LA BOULE, v. a. Griser, étourdir, à propos d'un liquide. TAPETTE, s. f. Verve, entrain, _platine_. _Avoir une fière tapette._ Être grand parleur,--ou plutôt grand bavard. TAPETTE, s. f. Individu faisant partie du _troisième sexe_. TAPIN, s. m. Tambour,--dans l'argot des troupiers. Le mot a au moins cent ans de bouteille. TAPIQUER, v. n. Habiter,--dans l'argot des voleurs. TAPIS, s. m. Conversation, causerie,--dans l'argot des bourgeois. _Être sur le tapis._ Être l'objet d'une causerie, le sujet d'une conversation. _Amuser le tapis._ Distraire d'une préoccupation sérieuse par une causerie agréable. TAPIS, s. m. Cabaret, auberge, hôtel,--dans l'argot des voleurs, qui se servent là d'un vieux mot de la langue romane, _tapinet_ (lieu secret), dont on a fait _tapinois_. Ils disent aussi _Tapis franc_, c'est-à dire Cabaret d'_affranchis_. _Tapis de grives._ Cantine de caserne. _Tapis de malades._ Cantine de prison. _Tapis de refaite._ Table d'hôte. TAPIS BLEU, s. m. Paradis,--dans l'argot des faubouriens, qui voient par avance le dedans du ciel semblable au dehors. TAPIS BRÛLE (Le). Expression de l'argot des joueurs, pour exciter quelqu'un à se mettre au jeu. TAPIS DE PIED, s. m. Courtisan,--dans l'argot énergique du peuple, qui sait que les gens qui veulent parvenir essuient sans murmurer, de la part des gens parvenus, toutes les humiliations et toutes les mortifications. Il dit aussi _Lèche-tout_. TAPISSERIE, s. f. Femmes laides ou vieilles qu'on n'invite pas à danser,--dans l'argot des bourgeois. _Faire tapisserie._ Regarder faire, ou écouter parler les autres. TAPISSERIE (Avoir de la). Avoir beaucoup de figures en main,--dans l'argot des joueurs. TAPISSIER, s. m. Cabaretier. TAPIS VERT, s. m. Tripot,--dans l'argot des voleurs et des bourgeois. _Jardiner sur le tapis vert._ Jouer dans un tripot. TAPON, s. m. Amas de choses,--et spécialement d'étoffes, de chiffons. Argot du peuple. _Mettre sa cravate en tapon._ La chiffonner, la mettre sans goût, comme si c'était un chiffon. L'expression sort évidemment du vocabulaire des marins, qui appellent _Tapon_ une pièce de liège avec laquelle on bouche l'âme des canons pour empêcher l'eau d'y entrer. TAPOTER DU PIANO. Toucher médiocrement du piano. Argot des bourgeois. TAPOTEUR DE PIANO, s. m. Pianiste médiocre. TAPOTEUSE DE PIANO. Femme qui fait des gammes. TAPPE, s. f. La marque qu'on appliquait avant 1830 sur l'épaule des condamnés aux travaux forcés. TAQUER, v. a. Hausser,--dans l'argot des voleurs. TARAUDER, v. n. Faire un bruit agaçant en remuant mal à propos des meubles, en secouant des tiroirs, etc. Argot du peuple. TARAUDER, v. a. Battre, donner des coups,--dans l'argot des faubouriens. TARD-A-LA-SOUPE, s. m. Convive qui se fait attendre,--dans l'argot du peuple. TAROQUE, s. f. Marque du linge,--dans l'argot des voleurs. TAROQUER, v. a. Marquer. TARTARE, s. m. Apprenti; médiocre ouvrier,--dans l'argot des tailleurs. On dit aussi _Chasseur_. TARTARE, s. m. Fausse nouvelle, _canard_ politique,--dans l'argot des journalistes et des boursiers. Se dit depuis la dernière guerre de Crimée. Un peu avant que le résultat de la bataille de l'Alma fût connu, le bruit courut,--et ce furent évidemment des spéculateurs qui le firent courir qu'un cavalier tartare était arrivé à franc étrier au camp d'Omer-Pacha, annonçant la victoire des armées alliées contre les Russes. On le crut à Paris, et les fonds montèrent. Quelques jours après, la nouvelle apocryphe devenait officielle. TARTE, adj. Qualité bonne ou mauvaise d'une chose,--dans l'argot des voleurs. TARTE BOURBONNAISE, s. f. Résultat du verbe _alvum deponere_,--dans l'argot du peuple, qui a la plaisanterie fécale. Il a pour excuse l'exemple de Rabelais (_Pantagruel_, liv. II, chap. XVI). TARTINE, s. f. Article bon ou mauvais, mais surtout mauvais. Argot des journalistes. Signifie aussi Long discours, homélie ennuyeuse. _Débiter des tartines._ Parler longtemps. TARTINER, v. n. et a. Ecrire des articles. _Tartiner une brochure._ La rédiger. TARTINES, s. f. pl. Souliers éculés, pantoufles,--dans l'argot des voyous. TARTIR, v. n. _Levare ventris onus_,--dans l'argot des voleurs. TAS DE PIERRES, s. m. Prison,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Boîte aux cailloux_. TATA, s. f. Tante,--dans l'argot des enfants. C'est également le mot qu'ils répètent le plus souvent pour appeler leur père. On le retrouve jusque dans les épigrammes de Martial. TATA, s. f. Femme plus bavarde que ne le permet son sexe; belle diseuse de riens; précieuse; mijaurée. _Faire sa tata._ Se donner de l'importance; être une commère écoutée. TATE-POULE, s. m. Innocent, et même imbécile. Se dit aussi d'un Homme qui s'amuse aux menus soins du ménage. TATER, v. a. et n. _Peloter_. TATEUR, s. m. _Peloteur_. TATEZ-Y, s. m. Croix à la Jeannette, ou petit cœur d'or qui pend sur la gorge des demoiselles et même des dames. TATILLON, s. et adj. Homme méticuleux à l'excès, s'occupant de riens comme s'ils étaient importants et négligeant les choses importantes pour des riens. Argot du peuple. On dit aussi _Tatillonneur_. L'expression a une centaine d'années de bouteille. TATILLONNER, v. n. S'occuper de choses qui n'ont pas d'importance; faire la mouche du coche. TATOUILLE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot des faubouriens. TATOUILLER, v. a. Battre, donner des coups. TAUDE, s. f. Apocope de _Taudion_,--dans l'argot des voyous. TAUDION, s. m. Endroit quelconque; logement malpropre, _taudis_. Argot des faubouriens. TAULE, s. m. Le bourreau,--d'après Victor Hugo, à qui j'en laisse la responsabilité. TAULE ou TÔLE, s. f. Maison,--dans l'argot des voleurs et des voyous. C'est la _piaule_, moins les enfants. TAUPAGE, s. m. Egoïsme, existence _cachée_,--dans le même argot. TAUPE, s. f. Fille de mauvaises mœurs,--dans l'argot peu chrétien des bourgeois. On dit aussi _gaupe_. TAUPER, v. a. et n. Battre, Accabler de coups,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Tauper dessus_. TAUPER, v. n. Travailler,--dans l'argot des faubouriens. TAUPIER, s. m. Egoïste. TAUPIN, s. m. Candidat à l'Ecole polytechnique,--peut-être parce qu'on a remarqué que la plupart des jeunes gens qui se destinent à cette école, travailleurs plus acharnés que les autres avaient de bonne heure la vue aussi faible que celle des _taupes_. _Taupin carré._ Taupin de 2e année. _Taupin cube._ Taupin de 3e année. TAUPIN VAUT MAROTTE. Se dit ironiquement--dans l'argot du peuple--de deux personnes qui ont les mêmes vices ou la même laideur physique. On dit aussi _Taupin vaut Taupine_. TEIGNE, s. f. Fille ou femme acariâtre, hargneuse dont on ne peut pas se débarrasser. On dit aussi _Gale_. TEINTÉ (Être). Commencer à être gris,--dans l'argot des ouvriers. TEINTURIER, s. m. Homme de lettres qui met en français un travail littéraire fait par un illettré, et lui donne du style, de la poésie, de la _couleur_. Il y a aussi les teinturiers politiques, c'est-à-dire des gens supérieurs que les hommes d'Etat inférieurs s'attachent par tous les moyens pour profiter de leurs lumières et s'assimiler leurs talents. Voltaire a employé ce mot, très clair, très significatif. TEMPLE, s, m. Salle de réunion,--dans l'argot des francs-maçons. TEMPLE, s. m. Manteau,--dans l'argot des faubouriens. TEMPS DE BÛCHE, s. m. Epoque qui précède les examens,--dans l'argot des étudiants. TEMPS DE CHIEN. Mauvais temps, pluie ou neige,--_temps à ne pas mettre un chien dehors_. Argot du peuple. TEMPS DE DEMOISELLE, s. m. Quand il ne fait ni pluie ni soleil, ni poussière ni vent. TEMPS SALÉ, s. m. Temps chaud, qui fait boire. TENDRE LA PERCHE, v. a. Venir en aide à quelqu'un qui se trouble dans une conversation ou dans un discours. TENDRON, s. m. Grisette, jeune fille à laquelle il est permis de manquer de respect,--dans l'argot des bourgeois. TENIR (En). Avoir de l'amour pour quelqu'un,--dans l'argot des bourgeois. TENIR A 40 SOUS AVEC SON CROQUE-MORT (Se). Se débattre dans l'agonie, ne pas vouloir mourir. Cette expression, aussi cynique que sinistre, est du pur argot de voyou. Si je ne l'avais entendue de mes oreilles, je l'aurais crue inventée. TENIR A QUATRE (Se). Se contenir tout en enrageant; ne pas oser éclater. Argot du peuple. On dit aussi _Être à genoux devant sa patience_. TENIR BIEN SUR SES ANCRES, v. n. Être en bonne santé,--dans l'argot des marins. TENIR LA CHANDELLE, v. a. Être témoin du bonheur des autres, sans en avoir sa part; servir, sans le savoir, ou le sachant, une intrigue quelconque. Argot du peuple. TENIR LA CORDE, v. a. Être le succès, le héros du jour,--dans l'argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression aux sportsmen. TENIR SUR LES FONTS. Déposer comme témoin contre un accusé,--dans l'argot des voleurs. (V. _Parrain_.) TENUE, s. f. Assemblée, réunion,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disent aussi _Convent_,--mais surtout à propos de réunions d'un caractère particulier, plus solennel que les tenues. _Tenue d'obligation._ Jour fixé pour les assemblées de la loge. _Tenue extraordinaire._ Réunion pour une fête d'adoption, pour une réception d'urgence, etc. TERNAUX, s. m. Cachemire français,--dans l'argot des lorettes, qui ne savaient pas que ce nom de choses est un nom d'homme, celui d'un industriel qui le premier en France entreprit de fabriquer des châles avec la laine d'un troupeau de chèvres du Tibet amenées en 1818 à ses frais. TERREAU, s. m. Tabac à priser,--dans l'argot des marbriers de cimetière. _Se flanquer du terreau dans le tube._ Priser. TERRER, v. a. Tuer,--dans l'argot des voleurs, pour qui c'est une façon de mettre en _terre_ les gens qui les gênent. Le patois normand a _Terrage_ pour Enterrement. TERRION, s. m. Habitant du continent,--dans l'argot des marins. On dit aussi _Terrien_. TÉSIÈRE, pron. pers. Toi,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Tésigue_, _Tésigo_ et _Tésingard_. TESSON, s. m. La tête,--dans l'argot des voyous. _Nib de douilles sur le tesson._ Pas de cheveux sur la tête. TÉTAIS, s. m. pl. Seins,--dans l'argot des enfants, qui conservent longtemps aux lèvres, avec les premières gouttes de lait bues, les premiers mots bégayés. Ils disent _Tettes_. TÉTARD, s. et adj. Entêté,--dans l'argot des faubouriens. TÉTASSES, s. f. pl. Seins de fâcheuse apparence,--dans l'argot irrévérencieux du peuple, qui dit cela depuis longtemps comme en témoigne cette épigramme de Tabourot des Accords: «Jeannette à la grand'tetasse Aux bains voulut une fois Enarrher pour deux la place: On luy fit payer pour trois.» On dit aussi _Calebasses_. TÉTASSIÈRE, s. f. Femme dont la gorge n'a aucun rapport avec celle de la Vénus de Milo. L'expression se trouve aussi dans Tabourot. TÊTE, s. f. Air, physionomie. _Avoir une tête._ Avoir de la physionomie, de l'originalité dans le visage. TÊTE, s. f. Air rogue, orgueilleux, prétentieux, de mauvaise humeur. _Faire sa tête._ Faire le dédaigneux; se donner des airs de grand seigneur ou de grande dame. TÊTE CARRÉE, s. f. Allemand ou Alsacien. On dit aussi _Tête de choucroute_. TÊTE D'ACAJOU, s. f. Nègre. TÊTE DE BUIS, s. f. Crâne complètement chauve. TÊTE DE HOLZ, s. f. Allemand,--dans l'argot des marbriers de cimetière, qui croient que les braves Teutons ont la tête dure comme du _bois_. TÊTE DE TURC, s. f. Homme connu par ses mœurs timides et par son courage de lièvre, sur lequel on s'exerce à l'épigramme, à l'ironie, à l'impertinence,--et même à l'injure,--assuré qu'on est qu'il ne protestera pas, ne réclamera pas, ne régimbera pas, et ne vous cassera pas les reins d'un coup de canne ou la tête d'un coup de pistolet. C'est une expression de l'argot des gens de lettres, qui l'ont empruntée aux saltimbanques. TÉTER, v. n. Vider une bouteille, dans l'argot du peuple, qui prétend que le vin est «le lait des vieillards». Oui, des vieillards--et surtout des adultes. TÊTES DE CLOU, s. f. pl. Caractères déformés par un long usage. Argot des typographes. TETINES, s. f. pl. Gorge avachie,--_sumen_ plutôt qu'_uber_. Argot des faubouriens. Nous sommes loin du «Tétin, qui fait honte à la rose, Tétin, plus beau que nulle chose,» de Clément Marot. TETONNIÈRE, s. f. Femme ou fille que la Nature a richement _avantagée_,--dans l'argot du peuple, fidèle à sa langue nourricière. TETONS, s. m. pl. La gorge de la femme. _Tetons de satin blanc tout neufs. Virgo pulchro pectore._ C'est un vers de Marot resté dans la circulation. TETTES, s. f. pl. Seins,--dans l'argot des enfants. Ce sont autant les _mamillæ_ que les _papillæ_. TÊTUE, s. f. Épingle,--dans l'argot des voleurs. THÉÂTRE ROUGE, s. m. La guillotine,--dans l'argot des révolutionnaires un peu trop avancés. «Demain, relâche au Théâtre rouge,» écrivait à Lebon Duhaut-Pas, un de ses émissaires. THÉ DE LA MÈRE GIBOU, s. m. Mélange insensé de choses et de mots; discours incohérent; pièce invraisemblable. Argot des coulisses. THÉMIS, s. f. La Justice,--dans l'argot des Académiciens. THÊTA X, s. m. Élève de seconde année,--dans l'argot des Polytechniciens. On l'appelle aussi _Ancien_. THOMAIN, s. m. Mauvais rôle,--dans l'argot des coulisses, où l'on a trouvé sans doute _panne_ bien usée. THOMAS, s. m. «Pot qu'en chambre on demande»,--dans l'argot du peuple. _Passer la jambe à Thomas._ Vider le goguenot. _La veuve Thomas._ La chaise percée. THUNE, s. f. Pièce de cinq francs,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Thune de cinq balles_. TIC, s. m. Manie, _toquade_,--dans l'argot du peuple. L'expression a des cheveux blancs. TICHE, s. f. Bénéfices plus ou moins réguliers,--dans l'argot des commis de nouveautés. TICKET, s. m. Billet de chemin de fer,--dans l'argot des gandins, anglomanes par genre. Pourquoi alors ne disent-ils pas aussi _single ticket_ (billet simple) et _return ticket_ (billet d'aller et de retour)? TIERS ET LE QUART (Le). Celui-ci et celui-là, les premiers venus,--_unusquisque_. Argot des bourgeois. _Médire du tiers et du quart._ Médire de son prochain. TIGNASSE, s. f. Chevelure abondante, épaisse, bien ou mal peignée,--dans l'argot du peuple, pour qui ces chevelures-là sont autant de nids à _teigne_. A signifié au début Perruque. On dit aussi _Tignon_. TIGNE, s. f. Foule,--dans l'argot des voleurs. _S'ébattre dans la tigne._ Chercher à voler dans la foule. Signifie aussi Réunion, Cénacle. Quelques Vaugelas de la Roquette veulent qu'on écrive _Tine_. TIGRE, s. m. Groom, petit gamin en livrée,--dans l'argot des fashionables. TIGRE, s. m. _Rat_, qui commence à sortir de la foule et devient troisième, puis second, puis premier sujet de la danse. Argot des coulisses. TIMBALLE (La). Dîner mensuel des artistes du théâtre de l'Opéra-Comique. Il a lieu le troisième jeudi de chaque mois. TIMBRÉ, adj. et s. Fou, maniaque, excentrique,--dans l'argot des bourgeois. _Grand timbré._ Extravagant aimable, fou plaisant. A l'origine, cette expression signifiait juste le contraire de ce qu'elle signifie aujourd'hui: un nomme timbré était un sage, un homme ayant bonne tête. TIMBRE-POSTE, s. m. Cartouche,--dans l'argot des chasseurs. Est-ce parce que chaque cartouche revient à vingt centimes environ, ou parce qu'elle sert à marquer le gibier? TINETTE, s. f. Hotte en bois qui sert aux vidangeurs pour monter les matières solides d'une fosse. _Chevalier de la tinette._ Vidangeur. TINETTE, s. f. Bouche à l'haleine déplorable, sœur de celle à propos de laquelle Martial dit (Lib. I, ep. 51): «_Os et labra tibi lingit, Manuella, catellus, Nil mirum merdas si libet esse cani._» TINTOUIN, s. m. Souci, tracas d'esprit; embarras d'argent ou d'affaire,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Rabelais. TINTOUINER (Se), v. réfl. Se mettre martel en tête; se chagriner à propos de rien ou de quelque chose. TIRAGE, s. m. Difficulté, obstacle, rémora. _Il y aura du tirage dans cette affaire._ On ne la mènera pas à bonne fin sans peine. TIRANTES, s. f. pl. Jarretières,--dans l'argot des voleurs. TIRANTS, s. m. pl. Bas,--dans le même argot. _Tirants radoucis._ Bas de soie. _Tirants de trimilet._ Bas de fil. _Tirants de filsangue._ Bas de filoselle. TIRÉ A QUATRE ÉPINGLES (Être). Être vêtu avec un soin et une recherche remarquables,--dans l'argot des bourgeois, pour qui «avoir l'air de sortir d'une boîte» est le dernier mot du dandysme. TIRE-BOGUE, s. m. Voleur qui a la spécialité des montres. TIRE-JUS, s. m. Mouchoir de poche,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Tire-moelle_. TIREJUTER, (Se). Se moucher. TIRE-LARIGOT (A), adv. Abondamment, beaucoup,--dans l'argot du peuple, qui a eu l'honneur de prêter cette expression à Rabelais. Si j'étymologisais un peu? _Larigot_ était jadis pris, tantôt pour le gosier, tantôt pour une petite flûte, _Arigot_; d'autant plus une flûte que souvent on employait ce mot au figuré dans un sens excessivement gaillard. (V. Saint-Amant). Donc, _Boire à tire-larigot_, c'était, c'est encore Boire de grands verres de vin hauts comme de petites flûtes. On a étendu le sens de cette expression: on ne boit pas seulement à tire-larigot, on chante, on joue, on frappe à tire-larigot. TIRE-LIARD, s. m. Avare. TIRELIRE, s. f. Le _podex_,--dans l'argot ironique des ouvriers. TIRELIRE, s. f. La tête,--où se mettent les économies de l'Étude et de l'Expérience. Argot des faubouriens. TIRE-MOLARD, s. m. Mouchoir,--dans l'argot des voyous. TIRER, v. a. Peindre, spécialement le portrait,--dans l'argot du peuple. TIRER (Se la), v. réfl. Fuir. TIRER A BOULETS ROUGES SUR QUELQU'UN, v. n. Le poursuivre inexorablement, lui envoyer des monceaux de papier timbré,--dans l'argot des bourgeois, qui deviennent corsaires avec les _flibustiers_. On dit aussi _Poursuivre à boulets rouges_. TIRER A LA LIGNE, v. n. Ecrire des phrases inutiles, abuser du dialogue pour allonger un article ou un roman payé à tant la ligne,--dans l'argot des gens de lettres, qui n'y tireront jamais avec autant d'art, d'esprit et d'aplomb qu'Alexandre Dumas, le roi du genre. TIRER AUX GRENADIERS, v. n. Emprunter de l'argent à quelqu'un en inventant une histoire quelconque,--dans l'argot du peuple. TIRER DE LONGUEUR (Se). Se dit--dans l'argot des faubouriens--d'une chose qui tarde à venir, d'une affaire qui a de la peine à aboutir, d'une histoire qui n'en finit pas. TIRER D'ÉPAISSEUR (Se), v. réfl. Se tirer d'un mauvais pas,--dans l'argot des ouvriers. Signifie aussi diminuer,--en parlant d'une besogne commencée. TIRER DES PIEDS (Se), v. réfl. S'en aller, s'enfuir. TIRER LA DROITE, v. a. Traîner la jambe droite par habitude de la manicle qu'elle a portée au bagne,--dans l'argot des agents de police, qui se servent de ce diagnostic pour reconnaître un ancien forçat. TIRER LA LANGUE, v. a. Être extrêmement pauvre,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Tirer la langue d'un pied_. TIRER LE CANON, v. a. Conjuguer le verbe _pedere_,--dans le même argot. On dit aussi _Tirer le canon d'alarme_. TIRER LE CHAUSSON, v. a. S'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi se battre. TIRER LE DIABLE PAR LA QUEUE, v. a. Mener une vie besogneuse d'où les billets de banque sont absents, remplacés qu'ils sont par des billets impayés. Argot des bohèmes. On dit aussi _Tirer la Ficelle ou la corde_. TIRER LES PATTES (Se), v. réfl. S'ennuyer,--dans l'argot des typographes, à qui il répugne probablement de _s'étirer les bras_. TIRER SA COUPE. S'en aller, s'enfuir,--dans l'argot des faubouriens. TIRER SA LONGE, v. a. Marcher avec difficulté par fatigue ou par vieillesse,--dans l'argot des faubouriens. TIRER SES GUÊTRES, v. a. S'en aller de quelque part, s'enfuir,--dans l'argot du peuple. On disait autrefois _Tirer ses grègues_. TIRER SON PLAN. Faire son temps de prison ou de bagne,--dans l'argot des voleurs. TIRER UNE DENT, v. a. Escroquer de l'argent à quelqu'un en lui contant une histoire. TIREUR, s. m. _Pick-pocket_. TIREUSE DE VINAIGRE, s. f. Femme de mauvaises mœurs; drôlesse,--dans l'argot du peuple. TIROIR DE L'OEIL, s. m. Celui qui contient le produit de la _gratte_,--dans l'argot des tailleurs. TISANIER, s. m. Infirmier d'hôpital, chargé de distribuer la tisane aux malades. TITI, s. m. Gamin, voyou,--dans l'argot des gens de lettres. TOC, s. m. Cuivre,--dans l'argot des faubouriens. Signifie aussi Bijoux faux. TOC, adj. et s. Laid; mauvais--en parlant des gens et des choses. Argot des petites dames et des bohèmes. _C'est toc._ Ce n'est pas spirituel. _Femme toc._ Qui n'est pas belle. TOCANDINE, s. f. Femme entretenue; drôlesse à la mode,--_toquée_. Le mot date de 1856-57. TOCARD, s. m. Vieux galantin. TOCARDE, s. f. Vieille coquette. TOCASSE, adj. Méchant,--dans l'argot des voleurs. TOCASSERIE, s. f. Méchanceté. TOCASSON, s. f. Femme laide, ridicule et prétentieuse,--dans l'argot de Breda-Street. On dit aussi _Tocassonne_. TOILE D'EMBALLAGE, s. f. Linceul,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion à la serpillière de l'hôpital. TOILES SE TOUCHENT (Les) Se dit--dans l'argot du peuple--lorsqu'on n'a pas d'argent en poche. TOILETTE, s. f. Morceau de serge verte dans lequel les cordonniers enveloppent les souliers qu'ils portent à leurs pratiques: morceau de percaline noire dans lequel les tailleurs enveloppent les vêtements qu'ils portent à leurs clients. TOILETTE, s. f. Coupe des cheveux et de la barbe des condamnés à mort,--dans l'argot des prisons. On dit aussi _Fatale toilette_. TOISER, v. a. Juger des qualités ou des vices de quelqu'un,--dans l'argot du peuple, pour qui un _homme toisé_ est un homme jugé et souvent condamné. TOISON, s. f. Chevelure opulente, absalonienne,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Rabelais: «Comme tomba la rousée sus la toison de Gédéon,» dit Panurge effrayé des paroles dégelées qui planent au dessus de sa tête. (Liv. IV, ch. LV.) Signifie aussi _Pudenda mulieris_. TOITURE, s, f. Chapeau, coiffure quelconque,--dans l'argot des faubouriens. TOLÈDE (De). Excellent, de premier choix,--dans l'argot des gens de lettres, qui disent cela à propos de tout, en souvenir ironique des fameuses _lames de Tolède_ des Romantiques. TOLLARD, s. m. Bureau,--dans l'argot des voleurs. TOMBEAU, s. m. Le lit,--dans l'argot des ouvriers, qui s'y enterrent chaque soir avec plaisir, et s'en relèvent chaque matin avec ennui. TOMBER, v. a. Faire tomber; terrasser;--dans l'argot des amis du pugilat. TOMBER, v. a. Écraser sous le poids de son éloquence ou de ses injures,--dans l'argot des gens de lettres. TOMBER A PIC, v. n. Arriver à propos,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression aussi bien à propos des gens que des choses. TOMBER DANS LE BOEUF, v. n. Devenir pauvre, misérable,--dans l'argot des ouvriers. TOMBER DE LA POÊLE DANS LA BRAISE, v. n. N'éviter un petit ennui que pour tomber dans un plus grand; n'avoir pas de chance. Argot du peuple. C'est l'_Incidit in Scyllam, cupiens vitare Charybdim_ des lettrés. TOMBER DESSUS, v. n. Maltraiter en paroles ou en action. TOMBER EN FIGURE. Se trouver face à face avec un individu qu'on cherche à éviter, ennemi ou créancier. TOMBER MALADE, v. n. Être arrêté. Argot des voleurs. TOMBER PILE, v. n. Choir sur le dos. Argot du peuple. TOMBER SOUS LA COUPE DE QUELQU'UN, v. n. Être à sa merci; vivre sous sa dépendance. TOMBER SUR LE DOS ET SE CASSER LE NEZ. Se dit d'un homme à qui rien ne réussit. TOMBER SUR LE DOS ET SE FAIRE UNE BOSSE AU VENTRE. Se dit d'une jeune fille qui, comme Ève, a mordu dans la fatale pomme, et, comme elle, en a eu une indigestion de neuf mois. TOMBER SUR UN COUP DE POING. Recevoir un coup de poing sur le visage et mettre les avaries qui en résultent sur le compte d'une chute. TOMBER UNE BOUTEILLE. La vider, la boire. TOMBEUR, s. m. Lutteur; homme qui _tombe_ ses rivaux. TOMBEUR, s. m. Acteur plus que médiocre, et, à cause de cela, habitué à compromettre le succès des pièces dans lesquelles il joue. Argot des coulisses. TOMBEUR, s. m. Éreinteur, journaliste hargneux. TONDEUR D'OEUFS, s. m. Homme méticuleux, tracassier, insupportable par ses minuties, par sa recherche continuelle de la petite bête. Argot du peuple. TONDRE, v. a. Tailler les cheveux, les raser,--dans l'argot du peuple, qui prend les hommes pour des chiens et les industriels à sellette du Pont-Neuf pour des Figaros. C'est ainsi que les vieux grognards, par une sorte d'irrévérence amicale, appelaient Napoléon le _Petit Tondu_... La Fontaine a employé cette expression dans un de ses _Contes_: «Incontinent de la main du monarque Il se sent tondre...» Au fait, pourquoi rougirait-on de dire _Tondre_, puisque l'on ne rougit pas de dire _Tonsure_? TONNEAU, s. m. Degré; qualité d'une chose ou d'une personne, ironiquement. _Être d'un bon tonneau._ Être ridicule. TONNER, v. n. _Crepitare_,--dans l'argot facétieux des petits bourgeois. TONISSIME, PRONOM PERS. INVENTÉ PAR NADAR, qui ne peut se décider à _vostrissimer_ les gens qu'il connaît. TONTON, s. m. Oncle,--dans l'argot des enfants. TOPER, v. n. Consentir à quelque chose,--dans l'argot du peuple. TOPER, v. n. Questionner un compagnon qu'on rencontre,--dans l'argot des ouvriers qui font leur tour de France. TOPO, s. m. Plan _topographique_,--dans l'argot des officiers d'état-major. Se dit aussi pour Officier d'état-major. TOQUADE, s. f. Manie, _dada_. TOQUADE, s. f. Inclination, caprice,--dans l'argot de Breda-Street. TOQUADEUSE, s. f. Drôlesse qui s'amuse à la moutarde du sentiment au lieu de songer aux protecteurs sérieux. TOQUANTE, s. f. Montre,--dans l'argot des faubouriens, à qui Vadé a emprunté cette expression: «Il avait la semaine Deux fois du linge blanc, Et, comme un capitaine, La toquante d'argent.» Les voleurs disaient autrefois _Toque_, une onomatopée--_tic-toc_. TOQUÉ, adj. et s. Fou plus ou moins supportable; maniaque plus ou moins aimable; original. Argot du peuple. Le patois normand a _Toquard_ pour Têtu. TOQUEMANN, s. m. Excentrique, extravagant, toqué,--dans l'argot des petites dames. TOQUER (Se), v. réfl. S'enthousiasmer pour quelqu'un ou pour quelque chose; s'éprendre subitement d'amour pour un homme ou pour une femme. TORCHE-CUL, s. m. Journal,--dans l'argot du peuple, qui ne prise la politique et la littérature que comme aniterges. TORCHER (Se), v. réfl. Se battre. TORCHER (Se). Se servir d'une aniterge. TORCHER DE LA TOILE, v. a. Se hâter de faire une chose, aller rapidement vers un but,--dans l'argot des ouvriers qui ont servi dans l'infanterie de marine. TORCHER LE CUL DE... (Se). Faire peu de cas, mépriser profondément,--dans l'argot du peuple, qui, par une hyperbole un peu forte, dit cela à propos des gens comme à propos des choses. TORCHER LE NEZ (S'en). Se passer d'une chose. TORCHON BRÛLE (Le). Se dit de deux amants qui se boudent, ou de deux amis qui sont sur le point de se fâcher. TORDRE LE COU A UNE BOUTEILLE. La boire,--dans l'argot du peuple. TORDRE LE COU A UN LAPIN. Le manger. TORD-BOYAUX, s. m. Eau-de-vie,--dans l'argot des faubouriens. TORGNOLE, s. f. Soufflet ou coup de poing,--dans l'argot du peuple. TORPIAUDE, s. f. Femme de mauvaise vie,--dans l'argot des paysans de la banlieue. TORPILLE, s. f. Femme galante. Circé parisienne qui ravit les hommes et les change en bêtes. Le mot est de H. de Balzac, qui l'a appliqué à une de ses héroïnes, la courtisane Esther. _Torpille d'occasion._ Fille de trottoir. TORSE, s. m. Estomac,--dans l'argot des faubouriens. _Se rebomber le torse._ Manger copieusement. _Se velouter le torse._ Boire un canon de vin ou d'eau-de-vie. TORSE, s. m. Tournure, élégance,--dans l'argot des artistes et des gens de lettres. _Poser pour le torse._ Marcher en rejetant la poitrine en avant pour montrer aux hommes, quand on est femme, combien on est _avantagée_, ou pour montrer aux femmes quand on est homme, quel gaillard solide on est. TORSEUR, s. m. Homme qui fait des effets de torse. Expression créée par N. Roqueplan. TORTILLARD, s. m. Fil de fer,--dans l'argot des voleurs. TORTILLARD, s. m. Boiteux,--dans l'argot des faubouriens. TORTILLER, v. a. et n. Manger. TORTILLER, v. n. Faire des façons, hésiter,--dans l'argot du peuple, qui n'emploie jamais ce verbe qu'avec la négative. _Il n'y a pas à tortiller._ Il faut se décider tout de suite. On dit aussi _Il n'y a pas à tortiller des fesses ou du cul_. TORTILLER, v. n. Avouer, dans l'argot des voleurs. TORTILLER DE L'OEIL, v. n. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. Ils disent aussi _Tourner de l'œil_ et _Être tortillé_. TORTILLETTE, s. f. Bastringueuse, fille qui se déhanche exagérément en dansant. Se dit aussi d'une Petite dame qui tortille de la crinoline en marchant, pour _allumer_ les hommes qui la suivent. TORTILLON, s. m. Petite servante, fillette. TORTORER, v. a. et n. Manger,--dans l'argot des marbriers de cimetière. TORTU (Le), s. m. Le vin,--dans l'argot des voleurs, qui, fils de la terre pour la plupart, savent que la vigne est une plante sarmenteuse, contournée, torte, et qui ont voulu donner son nom à son produit. TOUCHE, s. f. Physionomie, façon d'être, allure,--dans l'argot du peuple, qui emploie ordinairement ce mot en mauvaise part. _Bonne touche._ Tête grotesque. _Avoir une sacrée touche._ Être habillé ridiculement ou pauvrement. TOUCHE, s. f. Coup de poing ou coup de couteau. TOUCHÉ, adj. Réussi, éloquent,--dans l'argot des faubouriens et des gens de lettres. _Article touché._ Bien écrit. _Parole touchée._ Impertinence bien dite. TOUCHER LES FRISES. Obtenir un grand succès, s'élever à une grande hauteur tragique ou comique. Argot des coulisses. TOUCHER SON PRÊT, v. a. Être l'amant en titre d'une fille,--dans l'argot des souteneurs, qui ne craignent pas de faire leur soupe avec cette _marmite_. On dit aussi _Aller aux épinards_. TOUILLAUD, adj. et s. Gaillard, et même paillard. Argot du peuple. TOUILLER, v. a. et n. Remuer, agiter un liquide,--dans l'argot du peuple. C'est une expression provinciale. TOUPET, s. m. Aplomb, effronterie. _Payer de toupet._ Ne pas craindre de faire une chose. TOUPET, s. m. La tête. _Se foutre dans le toupet._ S'imaginer, s'entêter à croire. TOUPIE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, qui tourne au gré du premier venu,--dans l'argot du peuple, cruel pour les drôlesses, ses filles. Les voyous anglais emploient la même expression (_gig_) à propos des mêmes créatures. TOUPIE, s. f. La tête,--dans l'argot des faubouriens. _Avoir du vice dans la toupie._ Être très malin, savoir se tirer d'affaire. TOUPILLER, v. n. Aller et venir, tourner comme une _toupie_. Beaumarchais l'a employé dans _le Barbier de Séville_. On dit aussi _Toupier_. TOUPIN, s. m. Boisseau,--dans l'argot des voleurs. TOUPINIER, s. m. Boisselier. TOUR, s. m. Farce; tromperie. _Faire voir le tour._ Tromper. _Connaître le tour._ Être habile, malin, ne pas se laisser tromper. TOUR DE BABEL, s. f. Chambre des Députés,--dans l'argot des faubouriens. TOUR DE BÊTE (Au), adv. A l'ancienneté,--dans l'argot des troupiers. _Passer capitaine à son tour de bête._ Être nommé à ce grade, non à cause des capacités militaires qu'on a montrées, mais seulement parce qu'on a vieilli sous l'uniforme. TOUR DE BÂTON, s. m. Profit illicite sur une affaire, ressources secrètes. Argot des bourgeois. TOURLOURER, v. a. Tuer, assassiner,--dans l'argot des voleurs. TOURLOUROU, s. m. Soldat d'infanterie,--dans l'argot du peuple. Francisque Michel pousse une pointe jusqu'au XIVe siècle et en rapporte les papiers de famille de ce mot: _turlereau_, _turelure_, _tureloure_, dit-il. Voilà bien de la science étymologique dépensée mal à propos! Pourquoi? Tout simplement parce que le mot _tourlourou_ est moderne. TOURMENTE, s. f. Colique,--dans l'argot des voleurs. TOURNANT, s. m. Moulin,--dans le même argot. TOURNANTE, s. f. Clé,--dans le même argot. TOURNÉ, adj. Mou,--dans le même argot. _Tournée._ Molle. TOURNE-A-GAUCHE, s. m. Homme sur le caractère duquel on ne peut compter, _girouette_. Argot du peuple. TOURNE-AUTOUR, s. m. Tonnelier,--dans le même argot. TOURNÉE, s. f. Rasade offerte sur le comptoir du marchand de vin,--dans l'argot du peuple. _Offrir une tournée._ Payer à boire. TOURNÉE, s. f. Coups reçus ou donnés. _Payer une tournée._ Battre. TOURNER AUTOUR DU POT, v. n. N'oser parler franchement d'une chose; hésiter avant de demander une grâce, un service. TOURNER DE L'OEIL. Se pâmer, s'évanouir de plaisir. TOURNER DE L'OEIL. S'endormir. Signifie aussi, par extension, Mourir. TOURNER EN EAU DE BOUDIN, v. n. Se dit d'une chose sur laquelle on comptait et qui vous échappe, d'une entreprise qui avorte, d'une promesse qu'on ne tient pas. _Faire tourner quelqu'un en eau de boudin._ Se moquer de lui, le berner par des promesses illusoires. TOURNER LA VIS, v. a. Tordre le cou à quelqu'un. TOURNIQUET, s. m. Chirurgien,--dans l'argot des marins. TOURNIQUET, s. m. Moulin,--dans l'argot des voleurs. TOURTOUSE, s. f. Corde, lien,--dans le même argot. C'était autrefois une expression et une chose officielles, le _funis strangulatorius_ qu'employait M. de Paris pour lancer les criminels dans l'éternité. TOURTOUSER, v. a. Lier, garrotter. TOURTOUSIER, s. m. Cordier. TOUSSER, v. n. Ce verbe--de l'argot des faubouriens--ne s'emploie qu'à un seul temps et dans les deux acceptions suivantes: «C'est de l'or comme je tousse,»--c'est-à-dire: Ce n'est pas de l'or. «Elle n'est pas belle, non! c'est que je tousse!» c'est-à-dire: Elle est très belle. TOUT DE CÉ, adv. Très bien, tout de go,--dans l'argot des voleurs. TOUTES FOIS ET QUANTES, adv. Toutes les fois,--dans l'argot du peuple. Une vieille et très française expression, presque latine (_toties quoties_), dont se moquent les gens qui s'imaginent bien parler. TOUTIME, adj. Tout,--dans l'argot des voleurs. TOUTOU, s. m. Chien,--dans l'argot des enfants, qui disent cela à propos d'un terre-neuve aussi bien qu'à propos d'un King's Charles. Les enfants ont bien le droit d'employer un mot que Mme Deshoulières a consacré: «Bonjour, le plus gras des toutous, Si par hasard mon amitié vous tente, Je vous l'offre tendre et constante: C'est tout ce que je puis pour vous.» TRAC, s. m. Peur,--dans l'argot du peuple. _Avoir le trac._ Avoir peur. Le _trac_, autrefois, c'étaient les équipages de guerre; _traca_, dit Du Cange. «Compagnons, j'entends le trac de nos ennemis,»--dit Gargantua. TRACQUER, v. n. Avoir peur. TRACQUEUR, s. m. Poltron. TRADITION, s. f. Effet non indiqué dans la pièce écrite ou imprimée, mais qui, trouvé par un acteur, se transmet à ceux qui jouent le rôle après lui. Se dit aussi pour Addition à un rôle. Les traditions--à la Comédie française,--sont des conventions auxquelles il ne saurait être dérogé sans blesser le goût... des vieux amateurs de l'orchestre. TRAIN, s. m. Vacarme, rixe de cabaret,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi Émeute. _Il y aura du train dans Paris._ On fera des barricades et l'on se battra. Originairement le mot signifiait _Prostibulum_, et, par une métonymie fréquente dans l'Histoire des mots, la cause est devenue l'effet. De même pour _Bousin_. TRAIN (Du)! Vite!--dans l'argot des petites dames. TRAIN (Être en). Commencer à se griser,--dans l'argot des bourgeois. TRAÎNE, s. f. Queue de robe exagérée mise à la mode, en ces derniers temps, par les _traînées_, qui s'ingénient à gaspiller les étoffes. TRAÎNÉE, s. f. Fille de mauvaise vie,--dans l'argot du peuple. TRAÎNE-GUÊTRES, s. m. Vagabond; flâneur. TRAÎNE-PAILLASSE, s. m. Fourrier,--dans l'argot des troupiers. On dit aussi _Gratte-papier_ et _Rogneur de portions_. TRAÎNER LA SAVATE, v. a. Être misérable, n'avoir rien à se mettre sous la dent ni aux pieds,--dans l'argot des bourgeois, qui ne manquent ni de bottes, ni de pain. C'est le _to shuffle along_ des Anglais. TRAÎNER LE CHEVAL MORT, v. a. Avoir du travail payé d'avance,--dans l'argot des ouvriers. On dit aussi _Faire du chien_. TRAÎNER SA SAVATE QUELQUE PART, v. a. Aller quelque part, se promener,--dans l'argot du peuple. On dit aussi _Traîner ses guêtres_. TRAÎNEUR DE SABRE, s. m. Soldat fanfaron qui croit faire beaucoup d'effet en faisant beaucoup de bruit et qui ne réussit qu'auprès des filles, amies des soudards. Type aussi vieux que le monde, puisque les anciens avaient aussi leur _machærophorus_... Mais, eurêka! me voilà sans le vouloir sur la piste de _maquereau_. Qu'en pensent messieurs les étymologistes?... TRAIN-TRAIN, s. m. Train ordinaire de la vie; habitudes. _Suivre son petit train-train._ Ne pas interrompre ses habitudes. On dit aussi _tran-tran_. TRAIT, s. m. Caprice amoureux,--dans l'argot des filles et de leurs souteneurs. _Avoir un trait pour un miché._ Ne rien exiger de lui que son amour, se passer de _gants_. TRAITER, v. a. et n. Donner à dîner; régaler,--dans l'argot des bourgeois. TRAITER DU HAUT EN BAS. Parler à quelqu'un avec colère,--et même avec mépris. TRAITS, s. m. pl. Infidélité conjugale,--dans l'argot des bourgeoises. _Faire des traits à sa femme._ La tromper en faveur d'une autre, la _trahir_. TRALALA, s. m. Embarras, cérémonies; luxe de toilette.--dans l'argot du peuple. _Se mettre sur son tralala_ ou _sur son grand tralala_. S'habiller coquettement, superbement. TRANCHE-ARDENT, s. m. Mouchettes,--dans l'argot des voleurs, qui ont _emprunté_ cette expression aux Précieuses. TRANQUILLE COMME BAPTISTE, adj. Extrêmement sage, calme, tranquille,--dans l'argot du peuple. TRAPILLON, s. m. Bande de bois qui bouche les coulisseaux ou rainures dans lesquelles glissent les décors, lorsqu'on enlève ces décors. Argot des machinistes. TRAVAIL, s. m. Chose difficile à faire,--dans l'argot des saltimbanques. _Beau travail._ Tour extraordinaire ou nouveau. TRAVAIL, s. m. Action de manger,--dans l'argot des francs-maçons. TRAVAILLER, v. n. Voler. TRAVAILLER, v. n. _Aller au persil._ TRAVAILLER LE CADAVRE, v. a. Battre quelqu'un, au propre, ou en médire, au figuré,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _travailler les côtes_. TRAVAILLER LE SUCCÈS, v. a. Être chef de claque dans un théâtre. Argot des coulisses. TRAVAILLER POUR LE ROI DE PRUSSE, v. n. Faire un travail mal payé, ou pas payé du tout,--dans l'argot du peuple, à qui sans doute on a fait croire que les successeurs du grand Frédéric payaient leurs soldats fort chichement. On dit aussi _Travailler pour la gloire_ et _Travailler gratis pro Deo_. TRAVAILLER POUR M. DOMANGE, v. n. Manger. TRAVAILLER QUELQU'UN, v. a. L'obséder d'une chose, insister afin d'obtenir ce qu'on lui demande; revenir souvent à la charge auprès de lui. TRAVAILLEUSE, s. f. Giton,--dans l'argot des voleurs. TRAVERSE (En), adv. Travaux forcés à perpétuité,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _A perte de vue_. TRAVESTI, s. m. Rôle d'homme joué par une femme, amoureux ou page. Argot des coulisses. TRAVIATA, s. f. Fille _perdue_,--dans l'argot des élégants qui n'osent pas dire _cocotte_. Introduit pour la première fois en littérature par l'_Evénement_ (1er octobre 1866). TRAVIOLE (De), adv. De travers,--dans l'argot du peuple. TRÈFLE ou TREF, s. m. Tabac,--dans l'argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi _Tréfoin_. _Longuette de tref._ Tabac en carotte. On dit aussi _Trifois_,--d'où _Trifoissière_ pour Tabatière. TRÈFLE, s. m. Le _podex_,--dans l'argot des faubouriens. _Vise-au-trèfle._ Apothicaire. TREMBLANT, s. m. Lit de sangle,--dans l'argot des faubouriens. TREMBLEMENT, s. m. Bataille,--dans l'argot des troupiers. TREMBLEMENT (Et tout le), adv. Au complet,--dans l'argot du peuple. TREMPE, s. f. Vigoureuse et brutale correction. On dit aussi _Trempée_. TREMPÉ (Être). Être mouillé par la pluie. TREMPER, v. a. Battre. TREMPER, v. n. Souper, manger,--dans l'argot des ouvriers. TREMPER SON PIED DANS L'ENCRE, v. a. Être consigné,--dans l'argot des vieux troupiers. TREMPER UNE SOUPE A QUELQU'UN, v. a. Le maltraiter rudement, par paroles ou par action. Argot du peuple. TREMPETTE, s. f. Biscuit ou morceau de pain _trempé_ dans un doigt de vin. _Faire la trempette._ Déjeuner d'un morceau de pain trempé dans un verre de vin. TREMPETTE, s. f Pluie,--dans l'argot des faubouriens. TREMPLIN, s. m. La scène--dans l'argot des coulisses. TRENTE-ET-UN, s. m. Dernière élégance, suprême bon ton,--dans l'argot du peuple. _Se mettre sur son trente-et-un._ Se vêtir de son plus bel habit ou de sa plus belle robe,--l'_habit à manger du rôti_ et _la robe à flaflas_. On dit aussi _Se mettre sur son trente-six_ et _sur son quarante-deux_. TRENTE-SIXIÈME DESSOUS, s. m. Le _troisième dessous_ des gens amis de l'hyperbole. TRÉPIGNÉE, s. f. Coups donnés ou reçus. TRÉPIGNER, v. a. Accabler de coups. TREPPE, s. m. Peuple; foule,--dans l'argot des voleurs. _S'esbattre dans le treppe._ Se mêler à la foule. J'ai bien envie de faire descendre ce mot du grec [grec: trepô] (tourner, s'agiter en désordre comme fait la foule). TRIANGLE, s. m. Chapeau,--dans l'argot des francs-maçons. TRIANGLE, s. m. La bouche,--dans l'argot des rapins, qui se rappellent leurs _principes_ de dessin, s'ils oublient ceux de la bienséance. _Clapoter du triangle._ Avoir l'haleine homicide. TRIAU, s. m. Ennui, _trimage_,--dans l'argot des ouvriers. TRIBOULET, s. m. Homme grotesque, servant de jouet aux autres,--en souvenir du fou de Louis XII et de François Ier. TRIBOUILLER, v. n. Tressaillir, sauter d'aise, remuer de joie. Argot du peuple. TRICHARD, adj. et s. _Tricheur_. TRICHER, v. a. _Moucher la chandelle_,--dans l'argot des bourgeois. TRICHINE, s. f. Petite dame, naturellement mêlée à toutes les _cochonneries_ sociales, et qui peut empoisonner les imprudents qui la consomment, la trouvant appétissante. TRICHINER (Se). Déjeuner avec de la charcuterie. L'expression est de l'année 1866, qui datera dans les fastes de la peur par l'invention des trichines que certains médecins allemands--ou iroquois--affirment être par milliers dans la viande de porc. Les jambons sont tombés en discrédit! TRICOTER, v. a. Battre. On dit aussi _Tricoter les côtes_. TRICOTER, v. n. Danser. TRICOTER DES JAMBES, v. n. Courir. TRIFOUILLER, v. n. Remuer, chercher en bousculant tout. TRIMAR, s. m. Chemin.--dans l'argot des voleurs, qui y _triment_ souvent en attendant leurs victimes. _Grand trimar._ Grande route. On dit aussi _Grande tire_. TRIMAR (Faire son). Raccrocher,--dans l'argot des filles. TRIMARDE, s. f. Rue. On dit aussi _Trime_. TRIMARDER. Voyager. TRIMBALLER, v. n. Se promener,--dans l'argot des faubouriens. TRIMBALLER, v. a. Promener quelqu'un, traîner quelque chose. TRIMBALLEUR, s. m. Homme qui _fait aller_ son monde. TRIMBALLEUR, s. m. Cocher,--dans l'argot des voleurs. _Trimballeur des refroidis._ Cocher des pompes funèbres. TRIMER, v. a. Aller ou venir inutilement; se morfondre dans l'attente. Argot des faubouriens. TRIMER (Faire), v. a. Se moquer des gens en les faisant _poser_,--dans l'argot de Breda-Street. TRIMMER, v. n. Écrire comme Léo Lespès,--dans l'argot des gens de lettres, jaloux du succès inouï de _Timothée Trimm_, chroniqueur du _Petit Journal_. Quelques-uns disent aussi _Timothéetrimmer_. TRIMOIRES, s. f. pl. Les jambes,--dans l'argot des voleurs. TRINGLE! adv. Rien, non, zéro,--dans l'argot des voyous. TRINGLO, s. m. Soldat du _train_,--dans l'argot des troupiers. TRIPASSE, s. f. Vieille femme,--dans l'argot du peuple, qui emploie cette expression depuis longtemps, comme on peut en juger par les vers suivants: «Si elle estoit dure et poupine, Voulentiers je la regardasse; Mais elle semble une tripasse Pour quelque varlet de cuysine.» TRIPES, s. f. pl. Gorge mal faite,--ou trop fournie. TRIPES, s. f. pl. Les entrailles de l'homme. «Quand Renaud de la guerre vint, Tenant ses tripes dans ses mains,» dit une vieille chanson populaire. TRIPIÈRE, adj. et s. Fille ou femme trop _avantagée_. TRIPOLI, s. m. Eau-de-vie,--dans l'argot des faubouriens, qui s'imaginent peut-être qu'ils se nettoient la poitrine avec cela. _Coup de tripoli._ Verre d'eau-de-vie. TRIPOTÉE, s. f. Coups donnés ou reçus,--dans l'argot du peuple. TRIPOTÉE, s. f. Grande quantité de choses. TRIPOTER, v. n. Hanter les tripots,--dans l'argot des faubouriens. TRIPOTER, v. a. et n. Toucher à tort et à travers, aux choses et aux gens; _farfouiller_. _Tripoter une femme._ S'assurer, comme Tartufe, que l'étoffe de sa robe--de dessous--est moelleuse. TRIPOTER LA COULEUR, v. a. Peindre,--dans l'argot des artistes. TRIPOTER LE CARTON. Jouer aux cartes. TRIQUAGE, s. m. _Triage des_ matières,--dans l'argot des chiffonniers. TRIQUE, s. f. Canne, bâton, gourdin,--dans l'argot du peuple. On disait autrefois _Tricot_; d'où la _loi du Tricot_, pour signifier l'Argument brutal, le syllogisme du poignet, non prévu par Aristote. TRIQUER, v. a. Trier les chiffons. TRIQUER, v. a. Donner des coups de canne ou de bâton. TRIQUEUR, s. m. Maître chiffonnier, qui trie ce que lui apportent les autres. TROGNE, s. f. Visage,--dans l'argot du peuple, qui le dit surtout de toute _tuberosa facies_. _Belle trogne._ Visage empourpré et embubeletté, comme le sont presque tous les visages d'ivrognes. Le mot a des chevrons: «Il faut être Jean Logne Pour n'aimer pas le vin; Pour moi, dès le matin J'enlumine ma trogne De ce jus divin!» a chanté le goinfre Saint-Amand. TROGNON, s. m. Tête,--dans l'argot des faubouriens, moins polis que les gueux anglais, qui eux disent _Costard_ (grosse pomme). _Dévisser le trognon._ Tordre le coup à quelqu'un. TROGNON, s. f. Petite fille, le _cœur_ d'une femme,--dans l'argot du peuple. TROIS-ÉTOILES. Nom qu'on donne--dans l'argot des gens de lettres--aux personnes que l'on ne veut pas nommer. On dit aussi _Monsieur_ ou _Madame Trois-Étoiles_. TROISIÈME DESSOUS, s. m. La dernière cave pratiquée sous les planches d'un théâtre pour recevoir la rampe, les trucs, les machines, etc. _Tomber dans le troisième dessous._ Se dit d'une pièce sifflée, dont la chute est irrémédiable. TROISIÈME DESSOUS, s. m. Le monde des coquins, «la dernière sape, _inferi_», de la société, «la fosse des ténèbres, la grande caverne du mal», dit Victor Hugo, qui la peint à grands coups de brosse, comme Dante, son _Enfer_. «Cette cave est au-dessous de toutes et est l'ennemie de toutes. C'est la haine sans exception. Elle a pour but l'effondrement de tout,--de tout, y compris les sapes supérieures, qu'elle exècre. Elle ne mine pas seulement, dans son fourmillement hideux, l'ordre social actuel: elle mine la philosophie, elle mine la science, elle mine le droit, elle mine la pensée humaine, elle mine la civilisation, elle mine le progrès. Elle est ténèbres et elle sent le chaos. Sa voûte est faite d'ignorance. Elle s'appelle tout simplement vol, prostitution, meurtre et assassinat. Détruisez la cave-ignorance, vous détruirez la taupe-crime.» TROISIÈME RÊNE, s. f. La crinière du cheval,--dans l'argot des maquignons. TROISIÈME SEXE, s. m. Celui qui déshonore les deux autres. «Il suffira de rapporter ce mot magnifique du directeur d'une maison centrale à feu lord Durham, qui visita toutes les prisons pendant son séjour à Paris. Le directeur, après avoir montré toute la prison, désigne du doigt un local en faisant un geste de dégoût: «Je ne mène pas là Votre Seigneurie, dit-il, car c'est le quartier des tantes.--Hao! fit lord Durham, et qu'est-ce?--C'est le troisième sexe, milord.» (H. de Balzac.) TROIS-SIX, s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure, âpre au gosier,--dans l'argot des bourgeois. TROIS-SOUS, s. m. _Water-closets_. On dit aussi Un _quinze-centimes_. TROLLER, v. n. Remuer; aller çà et là, trimer. Argot du peuple. TROLLER, v. a. Porter,--dans l'argot des voleurs. TROLLEUR, s. m. Marchand de peaux de lapin,--_chineur_ quand il achète et _trolleur_ quand il revend. TROMBILLE, s. f. Bête,--dans l'argot des voleurs. TROMBINE, s. f. Tête, visage,--dans l'argot des faubouriens. TROMBOLER LES GONZESSES, v. a. Aimer les filles,--dans l'argot des maquignons. TROMPE, s. f. Nez,--dans l'argot des faubouriens, qui prennent l'homme pour un proboscidien. TROMPE-CHASSES, s. m. Peinture, tableau quelconque,--dans l'argot des voleurs. TROMPE-L'OEIL, s. m. Accessoire d'un tableau, tel que clou, déchirure, etc., si bien peint, qu'on le croirait naturel. Argot des artistes. TROMPETTE, s. f. Visage,--dans l'argot des faubouriens. TROMPETTE, s. f. Le nez,--à cause du bruit qu'il fait lorsqu'on se mouche. TROMPETTE, s. f. Cigare,--parce qu'on le tient continuellement à la bouche, comme si on voulait jouer un air quelconque. TROMPETTER, v. a. Divulguer, publier une chose qui devait être tenue secrète,--dans l'argot du peuple. TRONCHE, s. f. Visage; tête,--dans l'argot des voleurs. TRONCHER, v. a. Embrasser. TRONCHINETTE, s. f. Figure de jeune fille; physionomie agréable; petite _tête_. Argot des voyous. TRÔNE, s. m. Ce qu'on appelait autrefois «chaise d'affaires», et, longtemps auparavant, _trulla_. Argot des bourgeois. _Être sur son trône._ Alvum deponere. TROTTANT, s. m. Rat,--dans l'argot des voleurs. On dit aussi _Trotteur_. TROTTANTE, s. f. Souris. TROTTE, s. f. Course,--dans l'argot du peuple. _Sacrée trotte._ Course fort longue, que l'on ne peut faire qu'en beaucoup de temps. TROTTIN, s. m. Cheval, parce qu'il _trotte_. Argot des voleurs. TROTTIN DE MODISTE, s. m. Jeune garçon ou jeune fille, domestique ou apprentie, qui va porter les chapeaux et faire les commissions des modistes. Argot des bourgeois. Il y a longtemps que ce mot signifie _petit domestique_, car Scarron a dit: «Ensuite il appelle un trottin, Fait amener son guilledin Orné d'une belle fontange.» TROTTINES FEUILLETÉES, s. f. pl. Bottes ou souliers dont la semelle est en mauvais état. Argot des voyous. TROTTINS, s. m. pl. Les pieds,--dans le même argot. TROTTOIR, s. m. Répertoire,--dans l'argot des coulisses. _Grand trottoir._ Répertoire classique. _Petit trottoir._ Répertoire courant, drames et vaudevilles. _Grand trottoir_ se dit aussi de la Haute-Bicherie, et _Petit trottoir_ du fretin des drôlesses. TROU, s. m. Chambre insalubre, logis incommode,--dans l'argot du peuple. TROU, s. m. Logis, habitation,--dans l'argot des bourgeois, qui disent souvent cela, par fausse modestie, d'une fort jolie maison de campagne. TROU, s. m. Emploi, position sociale. _Faire son trou._ Réussir dans la vie; asseoir sa réputation, sa fortune, son bonheur. TROU, s. m. Entr'acte d'un long déjeuner ou d'un long dîner pendant lequel on sert le cognac ou le madère. _Faire un trou._ Boire un verre de cognac ou de madère au milieu d'un repas, afin de pouvoir le continuer avec plus d'appétit. TROU AUX POMMES DE TERRE, s. m. La bouche,--dans l'argot des faubouriens. C'est la même expression que celle des ouvriers anglais: _Potatoe trap_. TROUBADE, s. m. Apocope de _Troubadour_. TROUBADOUR, s. m. Soldat de l'infanterie,--dans l'argot du peuple. Est-ce à cause de la _clarinette_ de cinq pieds? TROU DE BALLE, s. m. Le _podex_,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Trou du souffleur_ et _Trou de bise_. TROU DU CUL, s. m. Imbécile, homme incapable,--dans l'argot du peuple. TROUÉE, s. f. Dentelle,--dans l'argot des voleurs. TROUFIGNON, s. m. Le _podex_,--dans l'argot du peuple, qui employait déjà cette expression du temps de Béroalde de Verville. TROUILLARDE, s. f. Femme de mauvaise vie,--dans l'argot des faubouriens. TROUILLE, s. f. Domestique malpropre; femme du peuple rougeaude et avachie. TROUILLOTTER, v. n. Exhaler une mauvaise odeur. _Trouillotter du goulot._ Avoir l'haleine homicide. TROUPE D'ARGENT, s. f. Troupe de second ordre,--dans l'argot des coulisses. TROUPE DE CARTON, s. f. Troupe plus que médiocre. TROUPE DE FER-BLANC, s. f. Troupe composée d'acteurs médiocres. Rédacteurs très ordinaires,--dans l'argot des journalistes. On dit aussi _Troupe d'été_, parce qu'à ce moment de l'année, les Parisiens riches étant en voyage ou à la campagne, il est inutile de se mettre en frais pour ceux qui restent à Paris. TROUPE D'OR, s. f. Excellente troupe,--dans l'argot des comédiens. Les meilleurs rédacteurs,--dans l'argot des journalistes. On dit aussi _Troupe d'hiver_, parce que c'est ordinairement dans cette saison--la meilleure de l'année théâtrale et journalistique--que les directeurs de théâtres et de journaux renforcent leur troupe et donnent leurs pièces et leurs articles à succès. TROUSSÉ (Être). Mourir subitement, ou en peu de jours, sans avoir eu le temps d'être malade. Argot du peuple. TROUSSEQUIN, s. m. La partie du corps qui sert de cible aux coups de pied,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Pétrousquin_, mais ce dernier mot est moins étymologique que l'autre, qui est proprement le Morceau de bois cintré qui s'élève sur l'arçon de derrière d'une selle. TROUSSER, v. a. Expédier promptement une chose ou une personne,--dans l'argot du peuple. TROUVÉ, adj. Neuf, original, réussi,--dans l'argot des gens de lettres. _C'est trouvé._ C'est ingénieux. TROUVER DES PUCES. Rencontrer une dispute--et même des coups. Argot du peuple. C'est la conséquence de cette autre expression _Chercher des poux à quelqu'un_. TROUVER MAUVAISE (La). Se dit--dans l'argot des faubouriens et des petites dames--d'une histoire désagréable, d'un acte déplaisant, d'un événement ennuyeux. Un faubourien se casse le bras: _Je la trouve mauvaise!_ dit-il. On enlève son amant à une petite dame: _Je la trouve mauvaise!_ dit-elle. TROYEN, s. m. Le trois,--dans l'argot des joueurs de dominos. TRUC, s. m. Tromperie; malice,--dans l'argot du peuple. _Avoir du truc._ Avoir un caractère ingénieux. _Connaître le truc._ Connaître le secret d'une chose. Le truc était, au commencement du XVIIIe siècle, un billard particulier, plus long que les autres, et pour y jouer proprement il fallait en connaître le _secret_. TRUC, s. m. _Ficelle_, secret du métier,--dans l'argot des saltimbanques. _Débiner le truc._ Révéler le secret d'un tour. TRUC, s. m. Machine destinée à produire un changement à vue,--dans l'argot des coulisses. Signifie aussi Entente des détails et de la mise en scène. TRUCHE, s. f. Manière de voler,--dans l'argot des prisons. TRUCHEUR, s. m. Voleur. TRUCSIN, s. m. _Prostibulum_,--dans l'argot des voleurs. TRUCULENT, adj. Enorme; farouche, sauvage,--dans l'argot des romantiques, cette fois néologistes (_truculentus_). Le mot a été employé pour la première fois par Théophile Gautier. TRUELLE, s. f. Cuiller,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disent aussi _Pelle_. _Manier la truelle._ Manger. TRUFFARD, s. m. Soldat,--dans l'argot des faubouriens. TRUFFE, s. f. Nez d'ivrogne,--dans l'argot des faubouriens, qui trouvent que ces nez-là ressemblent beaucoup au _tuber cibarium_. Ils ont raison. TRUFFÉ, adj. et s. Imbécile, homme bourré de sottises--comme un dindon de truffes. TRUFFE DE SAVETIER, s. f. Marron. TRUFFES (Aux)! C'est le: _Aux ognons!_ des gandins. TRUMEAU, s. m. Comédie ou vaudeville Louis XV,--dans l'argot des gens de lettres et des gens de théâtre. TRUQUER, v. n. Tromper; ruser,--dans l'argot des voleurs. Signifie aussi Mendier. TRUQUEUR, s. m. Homme qui passe sa vie à courir de foire en foire, de village en village, n'ayant pour toute industrie qu'un petit jeu de hasard. TRUQUEUR, s. m. Trompeur; homme qui vit de trucs. TUBE, s. m. Le gosier,--dans l'argot des faubouriens. _Se rincer le tube._ Boire. _Se coller quelque chose dans le tube._ Manger. Signifie aussi _Voix_. TUBE, s. m. Nez,--dans l'argot des marbriers de cimetière. _Se flanquer du terreau dans le tube._ Priser. TUBÉREUSE, s. f. _Ventris flatus malè olens_,--dans l'argot des faubouriens. _Lâcher une tubéreuse._ Ventris flatum emittere. TUDOR, s. m. Chapeau de femme ressemblant au chapeau andalou, avec une garniture de plumes de paon tout autour. Il est à la mode au moment où j'écris: il n'y sera plus peut-être quand ce livre paraîtra. TUÉ (Être). Être mis hors du jeu par ses adversaires,--au billard à trois. TUER LES MOUCHES AU VOL, v. n. Avoir l'haleine aussi cruelle que Domitien,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Tuer les mouches à quinze pas_, et, pour rajeunir un peu cette vieille formule, _Faire mouche à tout coup_. TUER LE TEMPS. Le passer d'une façon quelconque,--mais plus en se divertissant qu'en travaillant: _carpere diem_. On dit volontiers, en manière de proverbe: _Il vaut mieux tuer le temps que d'être tué par lui_. TUER LE VER, v. a. Étouffer ses remords,--dans l'argot des voleurs, qui ne commettent pas souvent de ces meurtres-là, le vol étant leur élément naturel. Les Anglais ont la même expression, ainsi qu'il résulte de ce passage de _Much Ado about nothing_, où Shakespeare appelle la Conscience le Seigneur Ver (_Don Worm_). TUER LE VER, v. a. Boire un verre de vin blanc en se levant,--dans l'argot des ouvriers, chez qui c'est une tradition sacrée. On dit aussi _Tuer un colimaçon_. TUILE, s. f. Accident, événement désagréable, visite inattendue, qui tombe dans votre existence comme une tuile sur votre tête. Argot du peuple. TUILE, s. f. Assiette,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disent aussi _Platine_. TUILE, s. f. Chapeau,--dans l'argot des voyous, qui prennent la tête pour le toit du corps humain. Les voyous anglais ont le même mot: _Tile_. TUILEAU, s. m. Casquette. TUILER, v. n. Mesurer quelqu'un ou quelque chose; juger du caractère ou de la qualité. Argot du peuple. TUILER (Se), v. réfl. S'enivrer; succomber sous l'ivresse comme sous une averse de tuiles, ou boire à en avoir bientôt le visage érubescent, c'est-à-dire couleur de tuile neuve. TUILEUR, s. m. Frère examinateur,--dans l'argot des francs-maçons. TULIPE ORAGEUSE, s. f. Variété de cancan ou de chahut. TU ME LA TUMES! Tu m'ennuies!--dans l'argot des voyous, qui ont retenu, pour se l'approprier, ce refrain d'une chanson des rues célèbre il y a quinze ans. TUNE, n. de l. Bicêtre,--l'ancien refuge naturel des sujets du roi de Thunes. Argot des voleurs. TUNE, s. f. Argent, monnaie,--dans le même argot. TUNEÇON, s. m. Prison; violon. TUNER, v. n. Mendier. TUNEUR, s. m. Mendiant, vagabond. TURBIN, s. m. Travail; besogne en général,--dans l'argot des faubouriens et des voleurs. _Aller au turbin._ Aller travailler. On dit aussi _Turbinement_ et _Turbinage_. TURBINER, v.n. Travailler. TURBINEUR, s. m. Travailleur. TURC, s. m. Tourangeau,--dans l'argot des voleurs. TURC, s. m. Homme idéalement fort,--dans l'argot du peuple, qui emploie ce mot aussi bien à propos de la robusticité du corps que de l'adresse des mains. Les Anglais, eux, ont le _Tartare_, l'homme qui excelle dans une spécialité quelconque, à la boxe ou au billard. _He is quite a Tartar at billiards_, disent-ils en leur argot à propos d'un rival de Berger. _To catch a Tartar_ (prendre un Tartare), c'est, pour eux, s'attaquer à une personne de force ou de capacité supérieure. TURCAN, n. de l. Tours. TURCO, s. m. Tirailleur indigène dans l'armée d'Afrique, aujourd'hui aussi connu et aussi apprécié des bonnes d'enfants et des lorettes que jadis le zouave. TURF, s. m. Champ de course,--dans l'argot des sportsmen. Par extension, Arène quelconque. _Le turf littéraire._ La littérature; les journaux. TURFISTE, s. m. Habitué des courses, propriétaire de chevaux coureurs, parieur. TURIN, s. m. Pot de terre,--dans l'argot des voleurs. TURLUPINER, v. a. Agacer, ennuyer quelqu'un, se moquer de lui,--dans l'argot du peuple. TURLURETTE, s. f. Grisette, fille ou femme amie de la joie--et des hommes. TURLUTAINE, s. f. Fantaisie, caprice, lubie. TURNE, s. f. Chambre malpropre, logis de pauvre,--dans l'argot des faubouriens. TURQUIE, n. de l. Touraine,--dans l'argot des voleurs. TUTOYER, v. a. S'emparer sans façon, _familièrement_, d'une chose. Argot du peuple. TU VAS ME LE PAYER, AGLAÉ! Expression de l'argot des filles et des faubouriens, qui l'emploient à propos de tout--et surtout à propos de rien. Quelqu'un annonce une nouvelle ou dit un mot drôle: _Tu vas me le payer, Aglaé!_ Il pleut ou il neige: _Tu vas me le payer, Aglaé_... On tombe ou l'on voit tomber quelqu'un: _Tu vas me le payer_... Etc. TUYAU, s. m. Gorge, gosier,--dans l'argot des faubouriens. _Se jeter quelque chose dans le tuyau._ Manger ou boire. _Le tuyau est bouché._ Quand on est enrhumé. Se dit aussi pour Oreille. TUYAU DE POÊLE, s. m. Chapeau rond, qui semble, en effet, plus destiné à coiffer des cheminées que des hommes. Ce sont les romantiques, Théophile Gautier en tête, qui l'ont ainsi baptisé. TUYAUX, s. m. pl. Les jambes,--dans l'argot des faubouriens. _Ramoner ses tuyaux._ Se laver les pieds. TUYAUX DE POÊLE, s. m. pl. Bottes usées par le bout. TYPO, s. m. Apocope de _Typographe_,--dans l'argot des compositeurs d'imprimerie. TYRAN, s. m. Roi,--dans l'argot du peuple, qui ne peut s'en passer, quoiqu'il fasse une révolution tous les vingt ans, pour détrôner celui qui règne. _Sous le règne du tyran._ Sous le règne de Louis-Philippe, disait-on, après 1848 et avant l'Empire. U ULTRA, s. m. Royaliste,--dans l'argot des libéraux. Libéral,--dans l'argot des royalistes. Bonapartiste,--dans l'argot des conservateurs. ULTRAMONTAIN, s. m. et adj. Catholique plus papiste que le pape,--dans l'argot des voltairiens. Cagot,--dans l'argot des abonnés du _Siècle_. UN DE PLUS, s. m. Galant homme qui a eu le malheur d'épouser une femme galante,--dans l'argot pudibond des bourgeois, qui n'osent pas dire _Cocu_. UNITÉ SALUTAIRE, s. f. Unité qui, dans le classement, à l'Ecole polytechnique, sert à maintenir un rang, au lieu d'avoir un zéro. URGE, s. m. Mot de l'argot des petites dames, qui s'en servent entre elles pour coter un homme devant lui-même sans qu'il s'en doute. Ainsi un gandin passe d'un air dégagé sur le boulevard, lorgnant les femmes qui font espalier à la porte des cafés. _Trois urges!_ diront celles-ci en l'apercevant. Trois urges, c'est-à-dire; «Ce monsieur n'est pas généreux, il _gante_ dans les numéros bas.» Si, au contraire, elles disent: _Six urges!_ ou _huit urges!_ ou _dix urges!_ oh! alors, c'est un banquier mexicain qui passe là, elles le savent, il leur en a donné des preuves la veille ou l'avant-veille. L'échelle n'a que dix échelons: le premier urge s'emploie à propos des _pignoufs_; le dixième urge seulement à propos des grands seigneurs. USAGER, s. et adj. Homme poli, bien élevé, ayant l'_usage_ du monde,--dans l'argot du peuple. UTILITÉ, s. f. Acteur qui joue tout ce qui se présente, les premiers rôles comme les comparses. Argot des coulisses. V VACHE, s. f. Fille ou femme, de mauvaises mœurs,--dans l'argot du peuple. On dit souvent _Prendre la vache et le veau_, pour Épouser une femme enceinte des œuvres d'un autre,--_uxorem gravidam nubere_. VACHE, s. f. Homme sans courage, _avachi_. VACHE A LAIT, s. f. Dupe qu'on ne se lasse pas de duper; père trop faible qui ne se lasse pas de payer les dettes de son fils; maîtresse trop dévouée qui ne se lasse pas de fournir aux dépenses de son amant. VACHER, s. m. Homme mal élevé,--dans l'argot des bourgeois. VACHERIE, s. t. Nonchalance, _avachissement_. VADE, s. f. Foule; rassemblement,--dans l'argot des voleurs. VA-DE-LA-GUEULE, s. m. Gourmand,--dans l'argot du peuple. VA-DE-LA-LANCE, s. m. Ami de la gaudriole, en paroles et en action,--dans l'argot des faubouriens. VA DONC! Expression signifiant: «Va te promener! tu m'ennuies!» On dit aussi _Va donc te laver!_ ou _Va donc te chier!_ VADROUILLE, s. f. Drôlesse; fille ou femme de peu. VAGUE, s. m. Flânerie, _Vagabondage_. On dit aussi _Coup de vague_. VAGUE (Du)! Rien! Néant! Terme de refus. VAGUE, s. m. Promenade intéressée,--dans l'argot des filles et de leurs souteneurs. _Envoyer une femme au vague._ Lui faire faire le trottoir. VAGUER, v. n. Sortir sans savoir avec qui on rentrera;--dans l'argot des petites dames. On dit aussi _Aller au vague_. VALOIR SON PESANT D'OR. Se dit,--dans l'argot du peuple,--de toute bêtise un peu forte, de tout mensonge un peu violent. VAISSELLE DE POCHE, s. f. Argent, monnaie,--dans l'argot des faubouriens. VALADE, s. f. Poche,--dans l'argot des voleurs. _Sonder les valades._ Fouiller les poches dans la foule. Le patois normand a le même mot pour signifier Blouse. VALOIR CHER (Ne pas). Être d'un caractère désagréable,--dans l'argot des faubouriens. VALSER, v. n. S'enfuir, ou seulement s'en aller. _Faire valser quelqu'un._ Le mettre brutalement à la porte. VALTREUSE, s. f. Valise,--dans l'argot des voleurs. VALTREUSIER, s. m. Voleur de valises. VANER, v. n. S'en aller,--dans l'argot des voyous. VANNAGE, s. m. Piège, amorce,--dans l'argot des voleurs. _Faire un vannage._ Allécher par un petit profit l'homme qu'on se réserve de dépouiller. VANTERNE, s. f. Lanterne,--dans le même argot. _Vanterne sans loches._ Lanterne sourde. VAPEREAU, s. m. Livre fort épais,--beaucoup plus fait pour servir de tabouret que pour être consulté,--dans l'argot des gens de lettres qui ne sont pas oubliés par l'auteur du _Dictionnaire des Contemporains_. On ait aussi _Bottin_. VASE ÉTRUSQUE, s. m. «Pot qu'en chambre on demande»,--dans l'argot des romantiques. VASE NOCTURNE, s. m. _Vase étrusque_,--dans l'argot des bourgeois. VA T'ASSEOIR SUR LE BOUCHON! Expression ironique qu'on emploie,--dans l'argot des faubouriens,--envers les gens que l'on veut congédier ou dont on veut se moquer. On dit aussi _Va t'asseoir sur ma veste et ne casse pas ma pipe_. VA-TE-LAVER, s. m. Soufflet aller et retour,--dans le même argot. VAUDEVILLIÈRE, s. f. Cabotine, femme qui se fait engager sur un théâtre de vaudeville quelconque, non pour jouer, mais pour être vue et appréciée à sa juste valeur--comme fille égrillarde--par les habitués de l'orchestre, fins appréciateurs de l'art dramatique, surtout en cabinet particulier. Le mot a été créé par Jules Noriac. VEAU, s. m. Jeune fille qui a des dispositions pour le rôle de _fille_. Argot des faubouriens. VEAU, adj. Paresseux, nonchalant,--dans l'argot du peuple. Il ne faut pas croire l'expression nouvelle. _Galli socordes et_ _stultos vituli nomine designare soliti sunt_, dit Arnoult de Féron dans son _Histoire de France_. Et Régnier, dans sa satire à Mottin, dit de même: «Ce malheur est venu de quelques jeunes veaux Qui mettent à l'encan l'honneur dans les bordeaux.» VÉCU, adj. Arrivé, véridique,--dans l'argot des gens de lettres. _Roman vécu._ Roman qui est l'histoire réelle de quelqu'un. VÉCU (Avoir). Avoir joyeusement dépensé sa vie à boire, à manger, à aimer, etc.,--dans l'argot des bourgeois. VEDETTE, s. f. Nom imprimé en caractères très gros, sur une affiche de théâtre,--dans l'argot des coulisses. _Être en vedette._ Avoir son nom en tête d'une affiche comme acteur plus important que les autres. VEILLER AU GRAIN, v. n. Surveiller ses domestiques quand on est maître, ses ouvriers quand on est patron, afin qu'il n'y ait pas de détournements et de gaspillage. Argot des bourgeois. VEINARD, s. et adj. Homme heureux en affaires ou en amour,--dans l'argot des faubouriens. VEINARDE, adj. et s. Drôlesse qui a du succès en hommes sérieux. Argot de Breda-Street. VEINE, s. f. Chance heureuse, bonheur imprévu,--dans l'argot du peuple. VÊLER, v. n. Accoucher. VELO, s. m. Postillon,--dans l'argot des voleurs. VÉLOZE, s. f. Poste aux chevaux. VELOURS, s. m. Tapis,--dans l'argot des joueurs de cartes. _Eclairer le velours._ Déposer son enjeu sur le tapis. Je n'ai pas besoin d'ajouter que ce _velours_ est en cuir ou en drap, en n'importe quoi,--excepté en velours. VELOURS, s. m. Liaison dangereuse, abus fréquent et intempestif des _s_ dans la conversation. Argot des bourgeois. VENDANGEUSE D'AMOUR, s. f. Drôlesse--_bacchante_ moderne--qu'on rencontre souvent ivre dans les Vignes de Cythère. J'ai créé l'expression il y a quelques années: elle est aujourd'hui dans la circulation. VENDEUR DE CHAIR HUMAINE, s. m. Agent de remplacement militaire,--dans l'argot du peuple. VENDEUR DE FUMÉE, s. m. Homme qui fait de grandes promesses et qui n'en tient aucune. Se dit aussi de tout Rêveur, de tout poète, de tout abstracteur de quintessence. VENDRE, v. a. Trahir quelqu'un. _Vendre la mèche._ Dévoiler un secret, ébruiter une affaire. VENDRE SES GUIGNES, v. a. Loucher, _guigner_ de l'œil. VENDRE SON PIANO, v. a. Jouer de façon à faire pleurer les spectateurs,--dans l'argot des coulisses, où Bouffé (rôle de _Pauvre Jacques_) a laissé des souvenirs et des traditions. Par extension, dans la vie réelle, on dit d'une Femme qui pleure hypocritement: _Elle vend son piano_. VENDU, s. m. Remplaçant militaire,--dans l'argot du peuple, qui attache à ce mot un sens extrêmement méprisant. VÉNÉRABLE, s. m. Premier officier dignitaire d'une loge,--dans l'argot des francs-maçons. VÉNÉRABLE, s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc,--dans l'argot du peuple. VENETTE, s. f. Peur. _Avoir une fière venette._ Avoir une grande peur. _Docteur Venette._ Poltron fieffé. VENIR AU RAPPORT. Se dit--dans l'argot des bourgeois--de tout ce qui provoque l'éructation. VENT, s. m. _Ventris flatus malè olens_. _Moulin à vents._ Podex. VENT (Du)! Terme de refus,--dans l'argot des faubouriens. On dit aussi _Du vent! De la mousse!_ VENT DESSUS, VENT DEDANS (Être). Être en état d'ivresse,--dans l'argot des marins. VENTERNE, s. f. Fenêtre par où passe le _vent_,--dans l'argot des voleurs. _Doubles venternes._ Lunettes. VENTERNIER, s. m. Voleur qui s'introduit dans les maisons par la fenêtre au lieu d'y entrer par la porte. VENTRE BÉNIT, s. m. Bedeau, chantre, sacristain,--dans l'argot du peuple, qui suppose à tort que les gens d'église se nourrissent exclusivement de pain bénit. VENTRE DE MA MÈRE (C'est le). Expression du même argot signifiant: Je ne retournerai plus dans cet endroit, je ne me mêlerai plus de cette affaire. VENTRE D'OSIER, s. m. Ivrogne. VENTRÉE, s. f. Réfection copieuse. _Se foutre une ventrée._ Se donner une indigestion. VENTRILOQUE, s. et adj. _Crepitator_ et même _emittens ventris flatum_. VENTROUILLER, v. n. _Ventris flatum emittere_. VENTRU, s. m. Député du centre, _satisfait_,--dans l'argot des journalistes libéraux du règne de Louis-Philippe. VER COQUIN, s. m. Caprice, fantaisie, _hanneton_,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Régnier: «.... Mon vice est d'être libre, D'estimer peu de gens, suivre mon ver coquin, Et mettre au même taux le noble et le faquin.» a dit le vieux Mathurin. VÉREUX, se, adj. Homme d'une probité douteuse; chose d'une honnêteté problématique. VERGNE, s. f. Ville,--dans l'argot des voleurs. _Deux plombes crossent à la vergne._ Deux heures sonnent à la ville. VERMICHELS, s. m. pl. Les veines du corps,--dans le même argot. VERMILLON, s. m. Anglais,--dans le même argot. VERMINE, s. f. Avocat.--dans le même argot. VERMINE, s. f. La populace,--dans l'argot des bourgeois. VERMOIS, s. m. Sang,--dans l'argot des voleurs. VERMOISE, adj. De couleur rouge. VÉROLE, s. f. Syphilis,--dans l'argot du peuple, qui parle comme écrivait Marot: «Il mourut l'an cinq cens et vingt De la verolle qui lui vint.» On dit aussi _Grosse vérole_, pour la distinguer de l'autre--la _Petite vérole_. VÉROLEUSE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, qui s'expose à donner ce qu'elle est exposée à recevoir. VERRE DE MONTRE, s. m. Le derrière de l'homme,--dans l'argot des faubouriens. _Casser le verre de sa montre._ Tomber sur le derrière. VER RONGEUR, s. m. Voiture de remise ou de place a l'heure,--dans l'argot des petites dames. VERSEUR, s. m. Garçon chargé de verser le café aux consommateurs. VERSIGO, n. de l. Versailles, dans l'argot des voleurs. VERSIONNAIRE, s. m. Humaniste qui, pour vivre, compose en version latine pour les candidats bacheliers dont la bourse est mieux garnie que la cervelle. VERT, s. m. Froid,--dans l'argot des voleurs. _Il fait vert._ Il fait froid. VERTE, s. f. Verre d'absinthe,--dans l'argot des absintheurs. _Heure où la verte règne dans la nature._ Cinq heures du soir. VERTIGO, s. m. Lubie, caprice,--dans l'argot du peuple, à qui les gens fantasques semblent justement atteints de _vertige_, qu'au XVIe siècle on prononçait _vertigue_. VERTU, s. f. Femme vertueuse,--ou affichant un grand rigorisme de conduite. VERVER, v. n. Pleurer,--dans l'argot des voleurs. VERVEUX, s. m. Crinoline,--dans l'argot des paysans des environs de Paris, qui trouvent une ressemblance entre ce filet à cerceaux et cette jupe à cage. VESPASIENNES, s. f. pl. _Water-closets_ montés sur essieux, qui circulaient dans Paris vers les premières années du règne de Louis-Philippe. Ce nom leur avait été donné en souvenir de l'empereur romain qui spéculait sur toutes les gadoues de son empire. Encore une chose que M. Louis Festeau n'a pas failli à chanter: «La Vespasienne Parisienne A l'observateur arrêté Offre asile et _commodité_.» VESSARD, s. m. Poltron, homme sans énergie,--dans l'argot des faubouriens. VESSE, s. f. Peur. _Avoir la vesse._ Avoir peur. VESSER DU BEC, v. n. Avoir l'haleine «pire que cade»,--dans l'argot des faubouriens, plus cyniques que l'_Aventurier Buscon_. C'est plus grave, c'est-à-dire plus désagréable que le _leve peditum_ reproché par Catulle à Libon dans une de ses épigrammes _In Cæsaris cinædos_. VESSIE, s. f. Fille ou femme de mauvaises mœurs. VESTALE, s. f. Desservante du Dieu des Jardins. On disait autrefois _Vestale de marais_. VESTE, s. f. Echec honteux, Waterloo de la vie bourgeoise ou littéraire auquel on ne s'attendait pas,--dans l'argot des gens de lettres et des comédiens. M. Joachim Duflot fait dater cette expression de la pièce des _Etoiles_, jouée au Vaudeville, dans laquelle l'acteur Lagrange, en berger, faisait asseoir mademoiselle Cico sur sa veste pour préserver cette aimable nymphe de la rosée du soir, ce qui faisait rire le public et forçait le berger à reprendre sa veste. Mais il y a une autre origine: c'est _la Promise_, opéra-comique de Clapisson, dans lequel Meillet chantait au Ier acte, un air (l'air de la veste) peu goûté du public; d'où cette expression attribuée à Gil-Pérez le soir de la première représentation: _Meillet a remporté sa veste_. _Ramasser ou remporter une veste._ Echouer dans une entreprise, petite ou grande.--Se faire siffler en chantant faux ou en jouant mal.--Ecrire un mauvais article ou un livre ridicule. On dit aussi _Remporter son armoire_, depuis le 13 septembre 1865, jour de la première représentation à la salle Hertz des prétendus _phénomènes spirites_ des frères Davenport. VESTIGES, s. m. pl. Légumes,--dans l'argot des voleurs. VÉSUVIENNE, s. f. Femme galante. L'expression date de 1848, et elle n'a pas survécu à la République qui l'avait vue naître. Les Vésuviennes ont défilé devant le Gouvernement Provisoire; mais elles n'auraient pas défilé devant l'Histoire si un chansonnier de l'époque, Albert Montémont, ne les eût chantées sur son petit turlututu gaillard: «Je suis Vésuvienne, A moi le pompon! Que chacun me vienne Friper le jupon?» VEULE, adj. des 2 g. Mou, paresseux, lâche,--dans l'argot au peuple, qui emploie ce mot depuis des siècles, comme le prouvent ces vers de _Gauthier de Coinci_: «Mais tant iert plains de vaine gloire Tout iers fiers, cointes et veules, Qu'il sembloit bien qu'en ses esteules Eust trové tout le païs.» C'est sans doute une antiphrase, de _volo_, vouloir, avoir volonté: _volo_, _volvis_, _volui_. VEUVE (La). La guillotine,--dans l'argot des voleurs qui se marient quelquefois avec elle sans le vouloir. _Epouser la veuve._ Être guillotiné. VEUVE POIGNET (La). L'onanisme,--dans l'argot du peuple. _Epouser la veuve Poignet._ Se livrer à l'onanisme. VÉZOUILLER, v. n. Puer,--dans l'argot des faubouriens. _Vézouiller du bec._ Avoir une haleine à la Paixhans. VIANDE, s. f. La chair,--dans l'argot du peuple. _Montrer sa viande._ Se décolleter excessivement, comme font les demoiselles du demi-monde dans la rue et les dames du grand monde aux Italiens. Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on emploie cette expression froissante pour l'orgueil humain. Tabourot, parlant du choix d'une maîtresse, disait il y a trois cents ans: «Une claire brune face Qui ne soit maigre ny grasse, Et d'un gaillard embonpoint, Ne put ny ne picque point: Voilà la douce viande Qu'en mes amours je demande.» VICE, s. m. Imagination; ingéniosité; astuce,--dans l'argot du peuple, qui sait que l'intelligence est un don souvent fatal. _Avoir du vice._ Être très malin,--c'est-à-dire sceptique en amour, en amitié, en politique et en morale. On dit aussi: _Avoir du vice dans la toupie_. VICELOT, s. m. Petit vice, défaut peu grave. VICTOIRE, s. f. Chemise,--dans l'argot des chiffonniers, qui ont voulu consacrer ainsi le souvenir d'une marchande du faubourg chez laquelle ils se fournissaient. VICTORIA, s. f. Voiture découverte à quatre roues,--dans l'argot des cochers. C'est une façon de _milord_. VIDANGE, s. f. Accouchement,--dans l'argot des voleurs. _Largue en vidange._ Femme en couches. VIDER (Se), v. réfl. Mourir,--dans l'argot des faubouriens. VIDER UN HOMME, v. a. Le ruiner,--dans l'argot des petites dames. VIDER LE PLANCHER, v. a. S'en aller de quelque part,--dans l'argot du peuple. VIE (Faire la). S'amuser plus que la morale et la santé ne le permettent; se débaucher, les femmes avec les hommes, les hommes avec les femmes. VIE DE CHIEN, s. f. Conduite déréglée, crapuleuse. _Faire_ ou _Mener une vie de chien_. Vivre dans le désordre et le vagabondage. Les Anglais ont la même expression, dans le même sens: _to lead a dog's life_. On dit aussi _Faire une vie de polichinelle_. VIEILLE, s. f. Eau-de-vie qui devrait avoir cent sept ans et qui n'a que quelques mois. VIEILLE (Ma), s. f. Expression de tendresse banale employée entre hommes,--je me trompe, entre cabotins. VIEILLE CULOTTE DE PEAU, s. f. Général en retraite,--dans l'argot des troupiers. VIEILLE MÉDAILLE, s. f. Vieille femme usée par le frottement de la vie. Argot des faubouriens. VIERGE DE COMPTOIR, s. f. Demoiselle de caboulot,--dans l'argot ironique du peuple, qui ne se doute pas qu'il a emprunté ce mot à John Bull: _Bar-maids_, disent les Anglais à propos des mêmes Hébés. VIEUX, s. m. Amant en cheveux blancs ou gris, et même sans cheveux,--dans l'argot des petites dames. _Avoir son vieux._ Être entretenue. VIEUX (Se faire). S'ennuyer, attendre plus qu'il ne faudrait; rester longtemps quelque part. Argot du peuple. VIEUX COMME LES RUES, adj. Extrêmement vieux. On dit aussi _Vieux comme Mathieu-salé_,--par corruption de _Mathusalem_, un patriarche. VIEUX JEU, s. m. Méthode classique, procédé d'autrefois pour faire des chansons, des vaudevilles, des romans. Argot des gens de lettres. VIEUX MEUBLE, s. m. Vieillard, personne impotente, bonne à mettre au rancart de la vie. VIEUX STYLE, s. m. Se dit de toute chose démodée, de tout procédé tombé en désuétude, de toute idée arriérée, etc. VIEUX TISON, s. m. Galantin, vieillard amoureux. VILLOIS, s. m. Village,--dans l'argot des voleurs. VINAIGRE (Du)! Exclamation de l'argot des enfants, garçons et petites filles, lorsqu'ils sautent à la corde, afin d'en accélérer le mouvement. _Grand vinaigre!_ Le superlatif de la vitesse. VINAIGRE DES QUARANTE VOLEURS, s. m. Acide acétique cristallisé,--dans l'argot des bourgeois. _Historiquement_, ce devrait être _Vinaigre des quatre voleurs_. VIN CHRÉTIEN, s. m. Vin coupé de beaucoup trop d'eau.--dans l'argot du peuple, assez païen pour vouloir boire du vin pur. VIN D'UNE OREILLE, s. m. Bon vin. _Vin de deux oreilles._ Mauvais vin. VINGT-CINQ-FRANCO-JOURIEN, s. m. Représentant du peuple,--parce que payé _vingt-cinq francs par jour_. Le mot date de 1848 et de Théophile Gautier. VINGT-CINQ FRANCS PAR TÊTE (A), adv. Extrêmement, remarquablement,--dans l'argot des faubouriens. _Rigoler à vingt-cinq francs par tête._ S'amuser beaucoup. _S'emmerder à vingt-cinq francs par tête._ S'ennuyer considérablement. VINGT-DEUX, s. m. Poignard,--dans l'argot des voleurs. _Jouer du vingt-deux_, Donner des coups de poignard. VIOC, s. m. Vieux,--dans le même argot. VIOCQUE, s. f. Vie débauchée,--dans le même argot. VIOLON, s. m. Partie d'un corps de garde réservée aux gens arrêtés pendant la nuit et destinés à être, soit relâchés le lendemain, soit conduits à la Préfecture de police. L'expression a un siècle de bouteille. _Sentir le violon._ Être sans argent. Argot des voleurs. VIRGULE, s. f. Barbiche,--dans l'argot du peuple. Signifie aussi Cicatrice. VIRGULE, s. f. Trace que les faubouriens se plaisent à laisser de leur passage dans certains _lieux_. VISAGE COUSU, s. m. Homme très maigre,--dans l'argot du peuple. VISAGE DE BOIS, s. m. Porte fermée. VISAGE DE BOIS FLOTTÉ, s. m. Mauvaise mine, figure pâle, allongée. L'expression a des ancêtres: «Je ne suis pas un casse-mottes, Un visage de bois flotté: Je suis un Dieu bien fagotté,» a dit d'Assoucy. VISAGE DE CUIR BOUILLI, s. m. Figure grotesque. VISAGE SANS NEZ, s. m. Messire Luc. On dit aussi tout simplement _Visage_, ainsi que le constatent ces vers de Voiture à une dame: «. . . . Ce visage gracieux Qui peut faire pâlir le nôtre, Contre moi n'ayant point d'appas, Vous m'en avez fait voir un autre Duquel je ne me gardois pas.» VISCOPE, s. f. Visière,--dans l'argot des voyous. VISITEUR, s. m. Frère qui se présente à une loge qui n'est pas la sienne,--dans l'argot des francs-maçons. VITELOTTE, s. f. Le nez,--du moins le nez de certains buveurs, qui affecte en effet la forme de cette variété de pomme de terre. Argot du peuple. VITRES, s. m. pl. Yeux,--dans l'argot des faubouriens, qui ne savent pas se rencontrer si juste avec les gueux anglais, lesquels disent aussi _Glaziers_. _Carreaux de vitres._ Lunettes. VITRIERS, s. m. pl. Les chasseurs de Vincennes,--dans l'argot du peuple, qui a emprunté cette expression aux zouaves, heureux de rendre à leurs rivaux la monnaie de leurs _chacals_. On croit généralement que cette appellation ironique date de 1851, époque à laquelle les chasseurs de Vincennes dégarnirent à coups de fusil une notable quantité de fenêtres parisiennes. On croit aussi qu'à cette occasion leur fut appliqué le couplet suivant, encadré dans une de leurs sonneries de clairon: «Encore un carreau d' cassé! V' là l' vitrier qui passe. Encore un carreau d' cassé! V' là l' vitrier passé!» On se trompe généralement. L'expression date de 1840, époque de la formation des chasseurs de Vincennes au camp de Saint-Omer, et elle venait du sac de cuir verni que ces soldats portaient sur leur dos à la façon des vitriers leur sellette. Ce qui ajoutait encore à la ressemblance et justifiait le surnom, c'étaient le manteau roulé et le piquet de tente qui formaient la base du sac des chasseurs, comme le mastic et la règle plate la base de la sellette des vitriers. VITRINE, s. f. Lorgnon, lunettes,--dans le même argot. VIVRE D'AMOUR ET D'EAU FRAÎCHE, v. n. Se dit ironiquement--dans l'argot de Breda-Street--de l'amour pur, désintéressé, sincère, celui «Qu'on ne voit que dans les romans Et dans les nids de tourterelles.» VIVRE DE L'AIR DU TEMPS, N'avoir pas de quoi vivre. Argot du peuple. VOILE, s. m. Nappe,--dans l'argot des francs-maçons. Ils disent aussi _Grand drapeau_. VOIR, v. a. _Permolere uxorem quamlibet aliam_,--dans l'argot des bourgeois. VOIR, v. n. Se dit de l'indisposition mensuelle des femmes,--dans l'argot des bourgeoises. VOIR (Se). _Concubare._ VOIR A LA CHANDELLE. Se dit d'une chose que l'on croit ou que l'on dit bonne, mais qu'on n'ose pas déclarer telle trop haut de peur de se tromper. Cette expression de l'argot du peuple, M. J. Duflot la fait venir de l'argot des comédiens. «Avant le règne du gaz, dit-il, avant même que l'huile à quinquet fût en usage, la rampe du théâtre était éclairée par une rangée de chandelles. Quand on répétait une pièce, les comédiens de ce temps-là n'osaient pas affirmer que c'était un chef-d'œuvre qu'ils allaient jouer; aussi créèrent-ils cette phrase qu'ils nous ont transmise: _Il faudra voir cela à la chandelle_.» VOIRIE, s. f. Fille ou femme de mauvaise vie,--dans l'argot des faubouriens. VOIR LA FARCE (En). Satisfaire sa curiosité ou son caprice. Argot du peuple. VOIR LA FEUILLE A L'ENVERS, v. a. Le couplet suivant, tiré d'une très vieille chanson reproduite par Restif de la Bretonne dans sa LXXII-CLXXVIIe. _Contemporaine_, expliquera cette expression mieux que je ne le pourrais faire: «Sitôt, par un doux badinage, Il la jeta sur le gazon. --Ne fais pas, dit-il, la sauvage, Jouis de la belle saison. Pour toi, le tendre amour m'engage Et pour toi je porte ses fers; Ne faut-il pas, dans le jeune âge. Voir un peu la feuille à l'envers?» chante le berger Colinet à la bergère Lisette, chapitre des _Jolies Crieuses_. VOIR QUE DU FEU (N'y). Être trompé par un beau parleur; être ébloui par des promesses brillantes. VOIR LE COUP DE TEMPS. Deviner à temps les intentions malveillantes de quelqu'un, de façon à être prêt à la riposte, soit qu'il s'agisse d'un coup de poing ou d'une question embarrassante. VOIR SOPHIE, v. a. Avoir ses _menses_,--dans l'argot des ouvrières. VOIR TRENTE-SIX CHANDELLES, v. a. Avoir un éblouissement occasionné par un coup sur la tête ou par une émotion subite. Argot du peuple. _Faire voir trente-six chandelles._ Appliquer un vigoureux coup de poing en plein visage. VOIR VENIR QUELQU'UN AVEC SES GROS SABOTS. Se dit--dans le même argot--de quelqu'un qui est deviné avant d'avoir parlé ou agi, par son inhabileté ou sa gaucherie. VOITE, s. f. Apocope de _Voiture_,--dans l'argot des voyous. VOITURE A TALONS (La). Les jambes avec lesquelles on se passe de voiture. Argot du peuple. VOIX D'EN BAS, s. f. Le _peditum_ de Catulle, ou plutôt son _leve petitum_,--dans l'argot facétieux des faubouriens qui ignorent que Savinien Lapointe a publie sous ce titre un recueil de poésies fort estimables. VOLAILLE, s. f. Femme ou fille débauchée,--dans l'argot du peuple, qui sait que la plupart des drôlesses sont bêtes comme des oies. VOLAILLE, s. f. Homme sans consistance; aimable sceptique qui ne croit qu'à lui. Argot des gens de lettres. VOLAILLER, v. n. Argot des gens de lettres. VOLAILLER, v. n. Courir les gueuses. VOLAILLER, v. n. N'avoir pas de stabilité dans ses affections, se faire l'ami du premier venu. VOLE-AU-VENT, s. f. Plume,--dans l'argot des voleurs. VOLÉ (Être). Mystifié, trompé, déçu,--dans l'argot du peuple. VOLÉE, s. f. Coups donnés ou reçus. C'est le _Banging_ des ouvriers anglais. VOLTIGEANTE, s. f. La boue,--dans l'argot des voyous. VOLTIGEUR DE LA CHARTE, s. m. Homme qui croit encore à la Charte-Vérité comme les Juifs croient au Messie. Argot des journalistes. VOLTIGEUR DE LOUIS XIV, ou DE LOUIS XVIII, s. m. Emigré, retour de Gand ou de Coblentz. Se dit depuis 1815. VOLTIGEUR DE 89, s. m. Prudhomme politique qui a toujours à la bouche les «immortels principes» de la première Révolution. VOUÉ AU BLANC (Être). Se dit--dans l'argot des faubouriens--d'un apprenti qui n'aime pas à travailler et qui préfère polissonner avec les voyous et les filles du faubourg. VOUSAILLE, pron. pers. Vous,--dans l'argot des voleurs. VOUS-N'AVEZ-RIEN, s. m. Employé de l'octroi,--dans l'argot des faubouriens, par allusion à sa phrase habituelle: «Vous n'avez rien à déclarer?». VOÛTE AZURÉE, s. f. Le ciel,--dans l'argot des académiciens, qui ont des lunettes bleues. VOÛTE D'ACIER, s. f. Partie du cérémonial maçonnique. VOYAGE (Le). Le tour de France,--dans l'argot des saltimbanques. _Se connaître sur le voyage._ Pendant la tournée départementale. VOYAGEUR, s. m. Insecte parasite,--dans l'argot des faubouriens. VOYAGEUR, s. m. Amateur,--dans l'argot des saltimbanques, qui donnent ce nom à celui des spectateurs qui consent à leur servir de compère dans un tour de force ou d'adresse. VOYAGES, s. m. pl. Épreuves de réception,--dans l'argot des francs-maçons. VOYOU, s. m. Gamin de Paris, enfant perdu de la _voie_ publique; produit incestueux de la boue et du caillou; fumier sur lequel pousse l'héroïsme: hôpital ambulant de toutes les maladies morales de l'humanité; laid comme Quasimodo, cruel comme Domitien, spirituel comme Voltaire, cynique comme Diogène, brave comme Jean Bart, athée comme Lalande,--un monstre en un mot. Type vieux--comme les rues. Mais le mot est moderne, quoiqu'on ait voulu le faire remonter jusqu'à Saint-Simon, qui traite de _voyous_ les petits bourgeois de son temps. VOYOUCRATE, s. m. Démocrate qui exagère la Démocratie, et dont l'Idéal, au lieu de plonger dans l'éther de l'abbé de Saint-Pierre, barbote dans la fange du sans-culottisme. VOYOUCRATIE, s. f. Gouvernement de la blouse sale; tyrannie du ruisseau; démocratie qui ferait regretter aux républicains sincères «le despotisme de nos rois»--lequel du moins était un despotisme aimable. VOYOUTE, s. f. Petite drôlesse qui s'accouple avec le voyou avant l'âge de la nubilité,--afin de n'en pas laisser perdre la graine. Fleur fanée qui ne se nouera jamais en fruit,--fille qui ne sera jamais que _fille_. J'ai créé le mot il y a quelques années: il est maintenant dans la circulation. VOYOUTISME, s. m. État crapuleux, abject,--la satire boueuse de l'humanité. VRILLE, s. f. Lesbienne,--dans l'argot des souteneurs. W WAGON, s. m. Verre de vin d'une contenance plus grande que l'_omnibus_. WAGON, s. m. Femme de mauvaise vie,--de _troisième classe_. Il y aussi des _wagons de première_, réservés aux gandins riches. WATER-CLOSET, s. m. Endroit où, moyennant 15 centimes, tout le monde a le droit d'aller--mais à pied, comme le roi. WATERLOO, s. m. Échec subi; défaite éprouvée, en amour, en art, en littérature,--par allusion à la néfaste journée du 18 juin 1815. WATRIPONNER, v. n. Écrire dans les petits journaux; en fonder. Expression créée par Firmin Maillard. (_Hist. anecdot. de la Presse_, p. 130), et qui est une allusion à la fécondité journalistique de feu Antonio Watripon. X X, s. m. Polytechnicien,--dans l'argot des collégiens. _Fort en X._ Elève qui a des dispositions pour les mathématiques. _Tête à X._ Tête organisée pour le calcul; cerveau à qui le _Thêta X_ est familier. X. s. m. Secret,--dans l'argot des gens de lettres. Y YANKEE, adj. et s. Américain vu par ses mauvais côtés. Dans la bouche d'un Anglais c'est un terme de mépris. Y AVOIR PASSÉ. Se dit--dans l'argot du peuple--d'une jeune fille qui n'est plus digne de porter à son corsage le bouquet de fleurs d'oranger emblématique. YEUX AU BEURRE NOIR, s. m. pl. Yeux pochés par suite d'une chute ou d'une rixe,--dans l'argot des faubouriens. YEUX DE LAPIN BLANC (Avoir des). Rouges, avec des cils blancs. YEUX SUR LE PLAT, s. m. pl. Se dit des yeux blancs que font certaines femmes grimacières, et qui ressemblent assez, en effet, à deux œufs dont on ne verrait que l'albumine. YOUTRE, s. m. Israélite,--dans l'argot des faubouriens, qui prononcent presque bien, sans s'en douter, le mot allemand _Iude_. _Jardin des youtres._ Cimetière juif,--par antiphrase sans doute, car il y a plus de pierres que de verdure. Z ZE-ZE, s. des 2 g. Homme ou femme qui blèse, qui prononce _Ze_ pour _Je_ et parle _Ze-ze_. Argot du peuple. ZÉPHIR, s. m. Soldat indiscipliné ou bon pour les compagnies de discipline. Argot des troupiers. ZÉRO, s. m. Homme sans valeur, sans énergie, sans consistance, sans rien. Argot du peuple. On dit aussi _Zéro en chiffre_. ZIF, s. m. «Marchandise supposée dont certains industriels font intervenir le nom dans leurs opérations.» ZIG ou ZIGUE, s. m. Ami, camarade de bouteille,--dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux zigzags du lundi soir. _Bon zigue._ Homme joyeux,--mauvais mari peut-être, mauvais fils ou mauvais père, mais bon ami de cabaret et de débauche. _C'est un zigue._ Phrase consacrée par laquelle un ouvrier répond d'un autre ouvrier comme de lui-même. ZIG-ZAG, s. m. Boiteux, bancal,--dans l'argot des voleurs. ZINC, s. m. Maladie vénérienne,--dans l'argot des faubouriens. ZINC, s. m. _Chic_,--dans le même argot. _Avoir du zinc._ Avoir une brillante désinvolture. ZINC, s. m. Voix métallique et solide,--dans l'argot des coulisses. _Avoir du zinc._ Avoir une voix sonore. On dit aussi _Être zingué_. ZINGO, s. m. Bon _Zigue_,--dans l'argot des marchands de vin. ZOÏLE, s. m. Ecrivain envieux, et même un peu calomniateur,--dans l'argot des académiciens et des apprentis écrivains, qui éternisent ainsi, sans s'assurer si elle est méritée, la mauvaise réputation dont jouit, depuis deux mille ans, le contempteur de l'_Odyssée_ et de l'_Iliade_. ZOUAVE, s. m. Pardessus de femme, à capuchon, taillé sur le patron du manteau des zouaves. On dit aussi _Une Permission de dix heures_. ZOUZOU, s. m. Zouave,--dans l'argot des faubouriens. ZUT! Exclamation qui est une formule de refus ou de congé. Depuis 1865, on dit: _Ah! zut alors si ta sœur est malade!_ C'est plus long, mais c'est plus canaille--et, à cause de cela, préférable. ZUT AU BER... GER! Exclamation de l'argot des gamins, par laquelle ils se défient à courir, à jouer, etc. PRÉFACETTE AU SUPPLÉMENT En 1883, alors que parut la troisième édition, longtemps attendue, de cet ouvrage, nous expliquions ainsi les motifs qui avaient amené les éditeurs à ajouter à ce _Dictionnaire_ un Supplément spécial: «C'est en 1866 que parut la première édition du _Dictionnaire de la Langue verte_. A son apparition, l'ouvrage de Delvau fit quelque tapage et eut un grand succès de curiosité. «M. Larcher qui sous ce titre: _Excentricités du langage français_, avait déjà fait paraître un recueil d'expressions argotiques, accusa Delvau de plagiat. Un procès faillit intervenir entre les deux auteurs. Le litige fut porté devant la Société des Gens de Lettres qui reconnut le bien-fondé de certaines réclamations de M. Larcher et obligea son rival à modifier la seconde édition de son _Dictionnaire_. «Cette seconde édition parut en 1867 avec une préface différente de celle qui se trouvait dans la première; toutefois on n'y trouve aucune trace du dissentiment qui s'éleva entre les deux écrivains. C'est cette seconde édition, très rare aujourd'hui, et qu'il faut payer, quand on la rencontre dans les ventes, quarante et cinquante francs, que viennent de rééditer MM. Marpon et Flammarion. «Avant d'entreprendre cette troisième édition, ils ont été amenés à se demander s'il fallait réimprimer tel quel le _Dictionnaire_ ou s'il ne conviendrait pas de le refondre en ajoutant les nouveaux termes dont s'est accru en ces dernières années le langage populaire et trivial. On sait les progrès faits par la _langue verte_ et quelle place elle a prise aussi bien au salon qu'à l'atelier. Des centaines d'expressions inconnues en 1867 sont aujourd'hui couramment employées. Devait-on les intercaler dans l'œuvre de Delvau? Les éditeurs ne l'ont pas pensé et ils ont, avec raison, croyons-nous, préféré respecter le texte primitif. «Toutefois, désireux de mettre l'ouvrage à la hauteur des révolutions du jour, comme dit M. Larcher, ils ont tenu à y ajouter un Supplément. Sachant que nous préparons depuis de longues années un travail sur le bas langage que nous nous proposons d'intituler _Les Orphelins de la langue_, ils ont bien voulu nous demander de nous charger de ce Supplément. Ne pouvant donner à notre travail qu'une importance secondaire, nous nous sommes attachés à choisir, parmi ces irréguliers du langage, ceux-là seulement qui ne figurent dans aucun dictionnaire d'argot. «Les romans de l'école naturaliste nous ont fourni, ainsi que certains articles de journaux, de nombreux renseignements que nous avons utilisés en prenant toujours soin d'indiquer la source où nous les puisions.» Nous n'avons que peu de chose à ajouter à cette Préfacette. Disons seulement que le Supplément à cette nouvelle édition a été modifié en grande partie. Certains mots qui se trouvaient dans l'édition de 1883 ayant passé de mode depuis cette époque ne figurent plus ici; d'autres au contraire y ont été ajoutés qui ont, depuis quatre ans, enrichi la Langue verte. GUSTAVE FUSTIER. SUPPLÉMENT A ABATTOIR. Cercle de jeu. On y immole en effet force _pigeons_. ABBESSE. Maîtresse d'une maison de tolérance. On dit plus communément: Madame. ABOULÉE. Accouchée. _Aboulement_: accouchement. ABRUTIR SUR (S'). Faire traîner un ouvrage en longueur, dit Rigaud. J'y ajouterai le sens de: étudier longuement, avec soin. _Je me suis abruti sur mes math._ ACTEUSE. «Cette petite variante me fit trouver le mot acteuse qui, depuis, a été naturalisé dans l'argot parisien. Nana n'est pas une actrice, c'est une acteuse. Elle a une ligne, du chic et non du talent. On ne l'entend pas, on la voit. L'acteuse est entière dans cette nuance.» (Champsaur: _Evénement_, février 1887.) ADJUDANT (TREMPER UN). Plonger un morceau de pain dans le premier bouillon, celui qui contient le plus de graisse. Un vrai régal pour le cuisinier en pied et le caporal de planton. Les adjudants sous-officiers sont ceux que les cantiniers ont pour divers motifs le plus d'intérêt à satisfaire; aussi leur réservent-ils les meilleurs morceaux. N'est-ce pas dans ce rapprochement qu'il faut chercher l'origine de cette expression? (Merlin, _La langue verte du troupier_.) ADJUGER UNE BANQUE A UN OPÉRATEUR. Argot de cercle. Voler ou tricher au jeu. (V. _Revers_.) AFFRANCHIR. Terme de joueur: On dit qu'une carte est affranchie lorsqu'elle n'est plus exposée à être prise. J'ai fait prendre mon roi pour affranchir ma dame.--Mettre au courant des ruses des grecs. Il y a des professeurs d'affranchissement. AFISTOLER. Arranger. AGACEUR. Boute-en-train,--argot de sport. AGENOUILLÉE. Femme de mœurs faciles. Le mot, lancé il y a trois ans, n'a point fait fortune. «Pas de coin de rue qui n'ait maintenant sa douzaine d'agenouillées, toutes prêtes, moyennant salaire convenable, à adresser leurs prières à Vénus.» (_Evénement_, août 1884.) AGRAFER. Indépendamment du sens de arrêter, consigner, donné par Delvau et ses continuateurs, agrafer signifie aussi prendre, voler. «C'est clair et net, vois-tu, comme les jaunets que tu as négligé d'agrafer cette nuit-là.» (Belot et Dautin: _Le Parricide_.) ALLER SE FAIRE LANLAIRE. Se débarrasser d'un importun. L'envoyer promener, «... Votre cœur? Il n'y a que les gens qui n'ont que ça qui le proposent... Ça ne suffit pas... Vous pouvez aller vous faire lanlaire...!» (Huysmans: _Les sœurs Vatard_.) ALLER CHEZ FALDÈS. Partager. ALLUMEUR. Voleur. Les allumeurs ont pour mission de racoler les ouvriers les samedis de paye et de les emmener chez le marchand de vin. Là, ils leur offrent libéralement à boire jusqu'à ce que les malheureux rentrent chez eux complètement ivres. Alors commence le rôle des _meneuses_ et des _travailleurs_. V. ces mots.--Grec dont les fonctions consistent à mettre une partie en train. «Maintenant les deux allumeurs qui se trouvent mêlés à la partie reçoivent également une subvention.» (_Gil Blas_, 29 mars 1882.) ALPHONSISME. Le métier (?) de l'Alphonse. «L'Alphonsisme brutal ne disparaîtra qu'avec la prostitution.» (_La Bataille_, mai 1882.) AMAZONE. Grec de race femelle. «Le grec de la classe moyenne, autrement dit le grec nomade,... travaille rarement seul; il s'adjoint des compères appelés _comtois_ et des auxiliaires féminins appelés _amazones_. (_Le Baccarat_, 1881.) AMÉRICAIN. Breuvage qui tient le milieu entre le grog et le punch. «Garçon! un américain!» (Véron, _Paris vicieux_.) AMINCI. Elégant, à la mode, dans l'argot boulevardier. L'_aminci_ a été le frère du _boudiné_; tous deux n'ont fait qu'une courte apparition dans le jargon des précieux. «De jeunes amincis, à court de distractions, avaient eu l'intention de visser sur un tuyau de gaz... l'annonce en lettres de feu du bal à l'Elysée...» (_Echo de Paris_, février 1885). «Tous les soirs (dans la baraque d'un lutteur) au milieu d'horizontales de grande marque, au milieu d'amincis en frac et cravate blanche, il y a des luttes épiques.» (_Univers illustré_, juillet 1884.) ANGLAIS. Terme de sport. On dit qu'un cheval a de l'anglais lorsque sa conformation se rapproche de celle du cheval anglais de pur sang. ANGUILLE. Mouchoir roulé en façon de fouet et dont se servent les enfants au jeu de l'anguille. APÉRITIVE. Femme galante qui est à la grande demi-mondaine ce que la chrysalide est au brillant papillon. Comme son nom l'indique, l'apéritive fréquente d'ordinaire les grands boulevards, les cafés à la mode à la recherche de qui voudra bien lui offrir un rafraîchissement, un _apéritif_, comme on dit dans la langue boulevardière. «Le bal a été ouvert par une Hongroise superbe, encore à l'état d'apéritive... mais qui ne tardera pas à devenir une des étoiles les plus brillantes du firmament demi-mondain.» (_Gil Blas_, mai 1887.) ARAIGNÉE. Vélocipède à deux roues dont l'une, celle de devant, est très grande, et l'autre, celle de derrière, d'un diamètre très petit. ARAIGNÉE DE TROTTOIR. Boutiquier en plein vent, camelot. «Il (le promeneur) a fait aux araignées de trottoir une rente qui, suivant la position, varie de 10 sous à 10 francs par jour.» (_Estafette_, 1881.) ARC-EN-CIEL (FAIRE L'). Argot des Grecs. «J'ai fait l'arc-en-ciel.--Qu'entendez-vous par là?--Je vous ai jeté les cartes très loin, d'une façon négligée avec une sorte de désinvolture. Lancées ainsi, elles ont décrit un cercle et j'ai pu les voir lorsqu'elles sont arrivées à leur point culminant.» (Belot: _Le Roi des Grecs_.) ARCHICUBE. Ancien élève de l'Ecole normale. «Monsieur, vous êtes mon archicube et je vous dois le respect. J'explique, pour les profanes, ce terme rébarbatif: vous êtes entré à l'Ecole plus de trois ans avant moi.» ARRANGEUR. Argot de cercle. Individu qui, lorsqu'un chef de partie ne sait pas séquencer les cartes, les arrange et touche 10, 15 ou 20 % pour sa... collaboration. ARROSAGE. Action de boire, de _s'arroser le gosier_. ARTISTE. Dans le jargon des ouvriers: camarade, compagnon. ARTISTE. Cadavre exposé à la Morgue. Argot des voyous pour qui la Morgue est, en effet, un théâtre. «La salle d'exposition... est divisée en deux parties par une cloison vitrée derrière laquelle sont rangées... douze dalles destinées à recevoir les cadavres que les affreux gavroches, habitués de ce lugubre théâtre, appellent les artistes. Quand toutes les places sont vides, ils disent qu'on fait relâche.» (Du Boisgobey: _Le fils de Monsieur Lecoq_.) ASSEOIR (S') SUR QUELQU'UN. Le faire taire. _Asseyez-vous dessus_, dit-on en parlant d'un gamin qui crie et gêne ainsi les personnes avec lesquelles il se trouve.--_S'asseoir sur quelque chose_, n'en pas faire cas. «Tous tes discours, tout's tes promesses d'autrefois, tu t'asseois dessus! » (_L'esclave Ivre_, no 1.) ASSESSEUR. Joueur complaisant qui, placé au baccarat à côté du _tailleur_, paye et encaisse pour le compte de celui-ci. ASTIQUER. Fourbir, nettoyer, se pomponner. «C'est qu'on est un peu beau, mon vieux Quand on s'astique.» (_Le Caïd_, opéra-bouffon, act. I, sc. X.) ASTIQUER (S'). Se masturber. ATOUTS (Le plus d'). Sorte de jeu de filous qui se joue dans les cafés de bas étage. AVALE-TOUT. Femme qui ne recule devant aucune extrémité. AVOINE (Donner de l'). Battre, rouer de coups. De la langue des charretiers, l'expression est passée dans celle des souteneurs et des gens sans aveu. «Alphonse ne recule pas à lui donner de l'avoine (à sa maîtresse), c'est-à-dire à lui administrer une volée» (_Voltaire_, 1882). AVOIR UN COUP DE MARTEAU. Ne pas jouir de la plénitude de ses facultés. AVOIR LA CUISSE GAIE. Être de mœurs faciles. «Très gentille avec son petit nez en l'air; je parie qu'elle a la cuisse gaie, hein!» (_Vie Parisienne_, 1er octobre 1881.) AVOIR SON VIN AU CROC. Être privé de la ration de vin réglementaire. Argot des matelots. «Aussi lui était-il arrivé souvent d'être privé de sa ration de vin; en terme de marin, d'avoir son vin au croc.» (_Patrie_, février 1887.) AVOIR UNE BELLE PRESSE. Être complimenté par tous les journaux. «Madame est en train de lire ses journaux... Madame, à ce qu'il paraît, n'a jamais eu une si belle presse!» (De Goncourt: _La Faustin_.) B BADINGATEUX. Terme de mépris employé par les adversaires du régime impérial pour désigner un partisan de ce régime. «Solde de vestes. On prend mesure; blouses blanches pour braillards, gueulards, badingateux...» (_Temps_, 1881.) BAFOUILLAGE. Conversation sans suite, confuse, incohérente. A vrai dire, ce mot rentre plus dans le langage trivial que dans l'argot; toutefois comme les dictionnaires spéciaux ont jusqu'ici enregistré _bafouiller_ et _bafouilleur_, j'ai pensé que bafouillage avait également droit d'asile. «J'ai entendu nombre de phrases sans suite, d'exclamations vides, de bafouillages incohérents.» (_Echo de Paris_, mai 1884). BAFRER. Manger. «C'était une sorte de vivandière qui bâfrait comme un roulier et buvait comme quatre.» (Huysmans: _A vau-l'eau_.) BAGNOLLE, mauvaise voiture. BAGUETTE EST CASSÉE (La). Cette expression a remplacé le _Zut au berger_. (V. _Delvau_.) BAJOTER. Bavarder, jacasser. BAL. Peloton de punition. Argot militaire. BALEINE. Femme de mauvaise vie. BALINSTRIQUER. Argot des malfaiteurs. Tuer, assassiner. «Tu sais, lui avait-il dit, j'ai fait un sale coup, j'ai balinstriqué une femme dans les fortifications. Si jamais tu le dis, c'est ma tête qui est à couper.» (_Gazette des Tribunaux_, septembre 1884.) BALLE (Faire). Être à jeun. «Les forçats ne sont pas dégoûtés et quelques taches dans un quart de pain ne sont pas pour faire reculer un fagot de bon appétit et qui fait balle.» (A. Humbert: _Mon bagne_.) BALLON. Art de tournoyer en dansant.--Verre de bière. BALOUSTIQUER. Lever, soulever, arracher. Argot de malfaiteurs. BALUCHONNEUR. Voleur. Ainsi que son nom l'indique, ce malfaiteur vole de préférence les objets faciles à cacher, les petits paquets, par exemple (en argot _baluchon_ est synonyme de paquet). C'est aussi lui qui _travaille_ aux étalages des magasins et qui pratique parfois le vol dit à la bousculade. «La nuit seulement, un certain nombre de baluchonneurs s'y donnent rendez-vous (dans un cabaret) pour faire l'échange ou la vente du produit de leur vol.» (_Nation_, juillet 1885.) BANDISTE. «On appelle ainsi les tâcherons qui sont employés à rédiger les adresses pour circulaires, prospectus, manifestes électoraux.» _Soleil_, 16 nov. 1888. BARAQUE. Sorte de jeu en vogue il y a quelque temps, et dans lequel les filous avaient la partie belle. «Le jeu de la baraque se compose d'une planchette de cuivre casée à l'angle d'un billard et percée de 25 petites cuvettes numérotées de 1 à 25. Vous faites une poule à 2, à 5 ou à 20 francs et, si vous avez la chance, pardon! l'adresse de pousser votre bille dans la cuvette cotée le plus haut, c'est vous qui touchez les enjeux. Le baraqueur ne prélève que 10 p. 100 sur le montant de chaque poule. C'est pour rien! Toutefois ce petit impôt me paraît plus dur que le zéro de la roulette.» (_Paris-Journal_, 1882.) BARAQUEUR. Joueur de baraque. BARBE. Répétition. «Une barbe, c'est une répétition de bachot donnée à un aspirant au diplôme. Il s'assied, on le rase, il paye, c'est une barbe!» (Richepin.) BARBE (Faire sa). Argot théâtral. Gagner de l'argent. «Sa barbe faite, comme on dit en argot théâtral, c'est-à-dire son argent gagné, notre chanteuse s'empresse de quitter le salon.» (_Gaulois_, 3 octobre 1881.) BARBE (Femme à). Argot militaire. «Terme sous lequel on désigne une beauté sur le retour généralement unique dans chaque ville de garnison, qu'une étrange et irrésistible passion pour le biscuit militaire laisse sans défense contre les assauts du soldat.» (Ginisty: _Manuel du Parfait réserviste_.) BARBIFIER (Se). Se griser. Argot des typographes. V. Delvau au mot Barbe. «Il s'est barbifié hier; il a mal aux cheveux aujourd'hui.» (_Typologie-Tucker_, juin 1885.) BARBOTER. Parler sans savoir ce que l'on dit. BARBOTTAGÉ. Vol. «Le droit au barbottage est absolu.» (A. Humbert: _Mon bagne_.) BASSINOIRE. «A Paris, il est de ces hôtels où, pour quelques sous, couchent les maçons, qui s'en vont à leur travail, à l'aube. Eh bien! par les nuits d'hiver, il est de pauvres diables qui attendent, l'onglée aux mains, que ces maçons soient partis pour se glisser, au rabais, dans leurs draps encore chauds. Ils font queue devant le logeur, comme devant un théâtre. Ils battent la semelle en attendant le sommeil. Ils appellent, dans leur argot, les compagnons maçons qui leur cèdent ainsi leur couche, les _bassinoires_.» (J. Claretie: _La Vie à Paris_.) BÂTIR. Terme de couturière; coudre peu solidement avec du fil blanc, du coton à bâtir, une toilette quelconque, de façon à se rendre compte, à l'essayage, des retouches à opérer. «Deuxième séance; essayage des toilettes bâties.» (_Gaulois_, 1881.) BÂTONS DE CHAISE (Noce de). Orgie. BÂTON DE RÉGLISSE. Gardien de la paix. Prêtre. BÂTON ROMPU. «--Quels gens appelez-vous vieilles cannes?--Les repris de justice.--Et bâtons rompus?--Les surveillés de la haute police en rupture de ban.» (Barron: _Paris-Etrange_.) BATTRE LE BEURRE. Mener une conduite déréglée. Argot des voyous.--«Et ta sœur?--Ma sœur? elle bat l'beurre!» BATTRE A LA PARISIENNE. Voler ou tricher au jeu. BATTRE SON PLEIN. Être dans tout l'éclat de son talent ou de sa beauté. «Jamais l'artiste de la Renaissance ne fut plus jolie qu'à présent; elle bat son plein.» (_Evénement_, 1872.) BAVAROISE. Infusion de thé et de sirop de capillaire.--_Bavaroise au chocolat_, tasse de chocolat à la crème; _bavaroise aux choux_, mélange d'absinthe et d'orgeat; _bavaroise de cocher_, verre de vin. BAVER DES CLIGNOTS. Pleurer. BAVEUX. Qui ne sait ce qu'il dit; qui bafouille. BAZAR. Lycée, pension. «Les jeunes citoyens de l'avenir, _vulgo_ les potaches, ont réintégré avant-hier leurs prisons respectives. Ils se sont acheminés vers le bazar.» (_Evénement_, 1881.) BÉCARRE. Cet adjectif qui, il y a trois ans, fit florès dans le monde boulevardier comme synonyme d'élégant, n'est plus guère usité aujourd'hui. «Le parisien, en tant que langue vient de s'enrichir d'un nouveau mot.... Le _pschuk_ qui succédait au _chic_ a fait son temps. C'est le _bécarre_ qui gouverne. On est ou on n'est pas bécarre, comme on était jadis ou l'on n'était pas élégant. Il est _bécarre_ de faire telle chose et non bécarre d'en faire telle autre.... _Bécarre_, à tout prendre, ne veut rien dire, à moins que le bécarre qui, en musique, remet la note dans son ton naturel, ne signifie que le ton naturel de Paris est ce qui est élégant, agréable, distingué.» (_Illustration_, novembre 1885.) BÉGUEULISME. Le mot est de F. Sarcey qui l'a employé pour la première fois dans un de ses feuilletons, en 1869. «C'est, dit-il, dans la vie ordinaire, l'art de s'offenser pour le compte des vertus qu'on n'a pas; en littérature, l'art de jouir avec des goûts qu'on ne sent point; en politique, en religion et en morale, l'art d'affecter des opinions dont on ne croit pas un mot.» BENEDICAMUS. Enfant de chœur. Terme populaire: «Il s'imaginait naïvement que les vainqueurs ramenaient avec eux M. le curé, les vicaires, l'organiste, les petits benedicamus.» (_Figaro_, nov. 1885.) BIBELOT. Argot d'imprimerie. Travaux de peu d'importance; factures, prospectus, têtes de lettre, etc. BIBELOTEUR. Collectionneur; amateur de bibelots. BIBELOTIER. Ouvrier imprimeur, spécialement chargé des bibelots. BIBOIRE. Petit récipient en caoutchouc ou en cuir bouilli en forme de bateau et dont on se sert en voyage ou à la chasse pour boire. Les écoliers disent _coupe-gueule_. BIDARD. Heureux, veinard. _Être bidard_, avoir de la chance, réussir dans ce que l'on entreprend. BIÈRE. Boîte aux dominos. BIGORNIAU. Auvergnat. BIJOU. Nom donné, par antiphrase, chez les restaurateurs de Paris, à toutes les dessertes des plats et des assiettes; c'est le profit des laveurs de vaisselle.» (_Journal des Débats_, 1876, cité par Littré.) BILLARD ANGLAIS (Jouer au). Pratiquer l'onanisme. BILLE DE BILLARD. Crâne dénudé et, par extension, vieillard. «Ah! mince alors! si les billes de billard se mettent à moucharder la jeunesse!...» (Meilhac et Halévy, _Lolotte_.) BILLET DIRECT POUR CHARENTON. Absinthe pure. «L'autre jour, le patron m'a payé un billet direct pour Charenton.» (_Gil Blas_, 1882.) BINCE. Couteau (Richepin.) BISCOP. Casquette. BISCUIT. Argot de joueurs. Le biscuit est une série de cartes fraudées, bizeautées que le grec a toujours sur lui pour s'en servir quand il juge le moment favorable. On dit: _servir, préparer un biscuit_. BLANC D'ESPAGNE. Sous le nom du parti des Blancs d'Espagne, on désigne ainsi, dans le jargon politique et dans le langage de la presse, l'ensemble des légitimistes qui, après la mort du comte de Chambord, se sont ralliés à la cause du fils aîné de don Carlos, don Jayme. A cette dénomination plaisante, mise en circulation par un journaliste toulousain, les Blancs d'Espagne répondirent par cet autre sobriquet à l'adresse de leurs adversaires, partisans du comte de Paris: _Blancs d'Eu_. «Le parti des Blancs d'Espagne ne sera jamais sérieux.» (Ed. Hervé: _Soleil_, juillet 1884.) «Mr. E. Veuillot est un Blanc d'Espagne encore un peu honteux de proposer à la France de se soumettre à un étranger.» (_Matin_, juillet 1884.) BLAFARDE. La mort. BLOCKAUS. Chapeau de haute forme. BLONDE, BRUNE. Verre de bière de couleur brune ou blonde. «Les garçons (de café) libérés avant leurs confrères dépouillent rapidement la veste et le tablier blanc, se mettent en civil comme ils disent, et s'en vont boire des bocks dans les brasseries attardées. Seulement, ils ne sont pas assez naïfs pour donner en s'en allant le pourboire d'usage; ils demanderaient plutôt, quand vient le quart d'heure de Rabelais, une remise sur le prix des _brunes_ et des _blondes_ qu'ils ont absorbées.» (_Figaro_, 1882.) BOEUF. Joli, agréable. _C'est rien bœuf!_ dit le peuple. BOISSONNEUR. Pilier de cabaret. «Que sa sœur lâchât un boissonneur comme Anatole, rien de plus naturel.» (Huysmans: _Les Sœurs Vatard_.) BOÎTE. Argot militaire. Salle de police. _Coucher à la boîte, boulotter de la boîte_: être souvent puni; _avoir une tête à boîte_: être affligé d'une maladresse qui attire sur vous les préférences de l'instructeur.--_Grosse boîte_, prison. BOÎTE A VIOLON. Cercueil, allusion de forme. BOMBER. Frapper, battre. Argot de souteneur. «Si tu prends des airs de bégueule, Gare à ta peau... J'te vas bomber.» BONDE. Maison centrale. «Il a filé deux ou trois berges aux bondes.» (A. Humbert: _Mon bagne_.) BON-DIEU. «On m'avait réservé la copie d'un petit état récapitulatif des corvées du jour, dont j'avais à faire une douzaine d'exemplaires. J'en avais pour trois quarts d'heure environ... Cela s appelait des bon-dieu. Je n'ai jamais pu savoir pourquoi.» (A. Humbert: _Mon bagne_.) BONNE! Exclamation qu'emploient les enfants dans la plupart de leurs jeux pour signifier à leur adversaire que le coup qu'il vient de jouer compte et ne saurait être annulé. (V. _Mauvaise_.) BONNEFORTANCHE. (V. _Infra Frangeuse_.) BON PREMIER. Argot de courses. Un cheval arrive bon premier quand il a fourni la course bien avant ses concurrents. Il est _bon dernier_ quand il arrive non seulement le dernier, mais encore avec un retard considérable sur les autres chevaux. BOOKMAKEUSE. Bookmaker femelle. «La bookmakeuse se rend aux courses en petite charrette anglaise; elle conduit elle-même, et ses commis, d'autres femmes de même tournure, occupent le siège de derrière.» (_Figaro_, 12 juin 1881.) BORDEL. Outils, instruments, objet quelconque. BOSSER. Rire, s'amuser. BOSTON. Képi, chapeau, coiffure d'homme. «Restait à choisir un képi. Impossible; tous couvraient la tête jusqu'aux épaules et Pompignan dut aller jusqu'à la réserve où parmi les anciens bostons, il en trouva un qui pouvait servir.» (_Revue alsacienne_, juillet 1887.) BOUCHE-TROU. Ecolier qui se tient prêt à remplacer un de ses camarades qu'une cause quelconque empêche de prendre part aux concours qui ont lieu entre les lycées. «L'ouverture des boîtes du grand concours réserve, parfois, des surprises étranges, comme par exemple, celle du bouche-trou remportant le prix d'honneur.» (_Télégraphe_, août 1885.) BOUCHER LA LUMIÈRE. Donner un coup de pied dans le derrière. BOUCHON. Bouteille de vin cacheté. (Richepin.) BOUDINÉ. Une des dernières incarnations du gommeux. Le mot est de Richepin. «Voici que les ex-lions, les anciens dandys, les feus crevés, les ci-devant gommeux prétendent au nom élégant de boudinés. Ce vocable leur paraît rendre d'une façon imagée l'étroitesse de leur costume; il répond... à cet ensemble de tenue qui leur donne l'air de boudins montés sur pattes. (_Siècle_, 1883.) Encore un mot qui n'a eu qu'une existence bien éphémère. BOUGIE. Argent. BOUILLONNEUSE. Femme qui, dans certains restaurants, est spécialement préposée à la confection des potages. BOULE DE C... Argot militaire. Idiot. BOULEAU, BUCHE. (V. Delvau: _Bucherie_). BOULEVARDER. Fréquenter les boulevards. «Il y a des gens à qui la science vient en boulevardant.» (Cherbuliez: _Revue des Deux Mondes_, 15 janvier 1876, cité par Littré.) BOULOTTE. Grosse petite femme, bien en chair. «C'est eun'boulotte, une chic artisse Qui vous a d'la réponse, mon vieux!» (_L'entr'acte à Montparnasse._) BOUM (Faire). Copuler. «Il n'ignorait certainement pas comment se pratique cette agréable chose que les petites ouvrières appellent: faire boum!» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) BOURDE. Mensonge, faute grossière. «On te dit... que t'es venu coller des bourdes aux pauvres bougres.» (_L'Esclave ivre_, no 1.) BOURRER UNE (En). Fumer une pipe. «Après déjeuner, M. Cherbuliez revient à son cabinet, et,--détail naturaliste,--allume une pipe; en bourre une, dirait Zola.» (_Evénement_, 1882.) BOUT. Congé, renvoi. BOUT-DE-CIGARE. Homme de petite taille. Argot militaire. BOUTEILLE. V. CASSER SA BOUTEILLE. BOUTONNER. Terme de salle d'armes; toucher à coups de fleuret. BRACONNER. Argot de cercle. Tricher, voler au jeu. BRIDAUKIL. Chaîne d'or. BRIDER. Interdire, défendre. Argot des marchands forains. «Il m'a expliqué le fonctionnement de son jeu de courses, un divertissement qui, après avoir été bridé, vient d'être débridé depuis qu'on a constaté l'impossibilité d'arnaquer.» (_Temps_, avril 1887.) BRIFFE. Pain. (Richepin.) BRINDE. Femme grande et déhanchée. «Tenez, là à gauche, regardez cette grande brinde qui s'étale, avec son nez si retroussé qu'on lui voit la cervelle.» (Chavette.) BRISURE. Escroquerie. BRODAGE. Ecriture. BRODEUR. Escroc, faussaire. Argot des voleurs. Au sens d'écrivain public qu'ont donné à ce mot _brodeur_ Delvau et ses continuateurs, il convient d'ajouter celui d'escroc et de faussaire. «Dans le langage spécial de la haute pègre, on désigne sous le nom de brodeurs les individus qui, moyennant une jolie pièce de vingt à quarante sous signent des valeurs de complaisance lancées dans la circulation et qui, naturellement, ne sont jamais payées.» (_Figaro_, octobre 1885.) BRODEUR. Prêteur d'un cercle qui vous donne 10,000 francs et vous en réclame 12,000 à l'aide d'un bon, en vous soutenant effrontément qu'il vous a prêté 12,000 francs et non 10,000 francs. Vous êtes encore son obligé. BROUILLARD (Faire du). Fumer. «Il n'était pas de semaine que quelques-uns ne se fissent prendre et ne payassent chèrement le court plaisir qu'ils avaient goûté à faire du brouillard.» (A. Humbert: _Mon bagne_.) BRULANT. Foyer, feu. (Richepin.) BRUTION. Élève du Prytanée militaire de La Flèche. (V. l'article suivant.) BRUTIUM. Le Prytanée militaire de La Flèche. «Tout le monde connaît le Prytanée militaire de La Flèche; la règle y est grave et la discipline aussi sévère qu'au régiment même. Les classiques d'il y a cinquante ans imaginèrent que c'était là une éducation à la Brutus, d'où le terme _Brutium_ pour caractériser l'école, d'où celui de Brutions pour qualifier les privilégiés soumis à cette éducation.» (_Le Siècle_, 1880.) BUS. Omnibus. Mot très usité à Paris chez le peuple qui, par une anomalie étrange, fait _bus_ du masculin et _omnibus_ du féminin. _Prendre le bus_, _monter en bus_ sont des expressions qu'on entend journellement. «--J'prends un sapin!--T'es rien tourte, Gugusse! J'ter trente-cinq ronds à c'te tête de faïence, quand pour trois jacques en bus t'en vois la farce!» (_Le Monde comique_, 1883.) C CABE. Elève de troisième année à l'Ecole normale. CABOT. Argot militaire. _Elève-cabot_, élève caporal. _Cabot_ pris absolument dans le sens de caporal est inusité. (Ginisty: _Manuel du réserviste_.) CABRIOLET. Petite boîte servant à classer des fiches. CADRE. «Le personnel du service de la police de sûreté.--Lettre supposée, écrit apocryphe. «J'estime qu'aucun de vous, quand vous en aurez pris connaissance, ne s'imaginera que c'est une lettre supposée, un cadre, comme nous disons dans notre argot de journalisme.» (XIXe _Siècle_, 1881.) CAFARD. Argot militaire. Insecte qui travaille la tête d'un officier et le rend intolérable pour ses hommes. Par extension, l'officier lui-même, atteint de cette infirmité. (Ginisty: _Manuel du réserviste_.) CAGE. Tête. _Ne plus avoir de mouron sur la cage_, être chauve. CAGNE. Mauvais chien. «Dans la bonté des chiens, il y a des bizarreries inouïes; les disgraciés sont quelquefois les intelligents et, dans la même portée, il y a trois cagnes pour un bon chien.» (Carteron: _Premières chasses_.) CAGNER. Faire la cagne; reculer devant une besogne difficile ou dangereuse. (Littré). CAÏMAN. Maître, surveillant. Argot des élèves de l'Ecole normale. «Je rentrai si en retard, que le père Estiévant, le portier, qui me vendait du chocolat, fut obligé de me marquer tout comme un autre sur sa liste. Je pensais avoir une excuse et je l'exposai au caïman...» (_Gaulois_, 1880.) CAISSE NOIRE. Fonds secrets mis à la disposition du Ministre de l'Intérieur et du Préfet de police. «Croyez-vous que l'argent de la caisse noire ne pourrait pas être plus utilement employé?» (_Figaro_, 1882.) CALEBASSE. Secret. _Vendre la calebasse_, révéler le secret. (Littré.) CALÉ (Être). Dans l'argot des écoles, cette expression est synonyme de savoir ses leçons, ses cours, connaître à fond les matières d'un examen. CALIC. Commis de magasin de nouveautés. Abr. de _Calicot_. CALIN. Tonnelet d'étain dont se servent les marchands de coco. Le tonnelet lui caresse, lui câline le dos. (Richepin.) CALOT. Argot des commis de nouveautés: acheteur difficile, ennuyeux à servir. «Dans notre argot, nous appelons la femme qui nous énerve, un calot.» (P. Giffard.) V. Delvau. Suppl. _Madame Canivet_. CALOTTE. Assiette creuse. Sorte de pâtisserie où il entre des confitures. «Vous vous imaginez peut-être qu'il est question de quelques petites friandises dont on nous donnait de nombreuses indigestions durant notre jeunesse et qui portaient ce nom si joli, si gracieux, si adorable de petites calottes; il y avait là-dedans des confitures.» (_Gazette des Tribunaux._)--Pot de confiture ayant la forme d'une grande calotte sans anse ni oreilles. (Littré.) «Les calottes dont nous nous entretenons sont des pots de confitures.» (_Gazette des Tribunaux_, avril 1874.) CALYPSO (Faire sa). Faire des manières, des embarras. C'est la variante savante de _faire sa tête_. «Tu peux r'tourner à ton potage! Ah! monsieur fait sa Calypso! En v'la z'un muf!...» (_L'entr'acte à Montparnasse._) CAMBRIOLE. Boutique. (Richepin.) CAMBROUSER. Servir comme domestique. (Richepin.) CAMEMBERT. Montre. Argot du peuple.--«Quelle heure avez-vous à votre camembert?--Mon ca...?--Ah! c'est vrai! vous parlez correctement, vous. J'ai voulu dire votre montre.» (_Vie parisienne_, novembre 1883.) CAMERLUCHE. Camarade. (Richepin.) CAMOUFLÉ (Être). Avoir reçu les derniers sacrements. «Dès qu'il fut, suivant la pittoresque expression, camouflé, c'est-à-dire dès qu'il eut reçu le sacrement de l'Extrême-Onction...» (Humbert: _Mon bagne_.) CAMPÊCHE. Vin. «Pourvu qu'on ait du campêche à douze sous le litre...» (_Figaro_, 1882.) CANNE (Vieille). «Quels gens appelez-vous vieilles cannes?--Les repris de justice.» (Barron: _Paris-Etrange_.) CANULARIUM. Argot des élèves de l'Ecole normale. Sorte d'investiture; épreuves que subissent à l'Ecole les nouveaux venus. Dans le numéro du 13 novembre 1887 du journal _La Paix_, M. Joseph Montet a fait une curieuse description de cette cérémonie. CANULEUR. (V. Delvau, _Canule_.) CAP (Doubler le). Faire un détour pour éviter un créancier. (V. Delvau: _Rue barrée_.) CAPITAL. Vertu, virginité de la femme. Le mot a été créé par M. Alexandre Dumas. «Généralement, c'est une femme dont le capital s'est perdu depuis de longues années.» (Théo-Critt: _Nos farces à Saumur_.) CAPONNER. Argot des écoles. Rapporter au maître les fautes de ses condisciples. CARABINIER DE LA FACULTÉ. Pharmacien. CARFOUILLER. Fouiller jusqu'au fond, dans tous les sens. «Il délibéra longtemps avec lui-même pour savoir... s'il lui carfouillerait le cœur avec son épée ou s'il se bornerait à lui crever les yeux.» (_Figaro_, 1882.) CAROTTAGE. (V. Delvau: _Carotte_.) CAROUBLAGE. Sorte de vol. (V. Delvau: _Caroubleur_.) CARPE (Faire la). S'évanouir, se pâmer. CARRÉ. Elève de seconde année à l'Ecole normale. CARTOUCHIÈRE A PORTÉE. Réservoir de cartes que les grecs placent sous leur gilet et où ils trouvent classées et numérotées toutes les portées possibles. CASER. Abrév. de casernement. Argot des élèves de l'Ecole Polytechnique. CASQUEUR. Argot des coulisses. Le public payant, par opposition aux billets de faveur et au service de presse. CASSER SON LACET. Abandonner sa maîtresse, rompre toutes relations avec elle. «Alors, c'est dit, nous cassons notre lacet?» (Huysmans: _Les Sœurs Vatard_.) CASSER (A tout). Considérable, fantastique, inouï. «Le public voit la quatrième page de son journal occupée par la réclame à tout casser du grand bazar.» (Giffard: _Les grands bazars_.) CASSER SA BOUTEILLE. Expression populaire datant de l'année 1885; c'est vouloir se donner de l'importance, se gonfler, se faire aussi gros que le bœuf... et n'y point réussir. CASSEROLE. Prostituée. «La casserole en argent est celle qui constitue à son amant de cœur un revenu quotidien de vingt à cinquante francs.» (_Réveil_, juin 1882.) CASTAPIANNE. Blennorrhée. Argot militaire. CASTORISER (Se). Argot des officiers de marine. Ne pas embarquer; rester sur le plancher des vaches, pourvu d'un poste soit au ministère, soit autre part. CATO. Maîtresse. «Alors comme il (le souteneur) n'a plus d'argent, il en demande à sa cato qui devient rapidement sa marmite.» (_Voltaire_, 1881.) CAVALERIE (Grosse). Cureurs d'égout. Allusion à leurs bottes. CAVALIER SEUL. Danse plus ou moins échevelée qu'on exécute seul, dans un quadrille, en face des trois autres personnes qui complètent la figure. «Peu à peu, elle se laissa aller à exécuter un étourdissant cavalier seul.» (_Vie Parisienne_, 1881.) CAVIAR. Ce mot, sans doute trouvé dans un restaurant à la mode, avait la prétention de détrôner _V' lan_, _Pschutt_ et _Bécarre_, tous vocables aussi idiots d'ailleurs et synonymes d'élégance, de chic. Comme ses aînés, _Caviar_ n'a point eu de succès; il est mort en bas-âge. «On dit d'une demoiselle ultra-chic qu'elle est on ne peut plus Caviar.» (_Charivari_, 1886.) CENTRAL. Bureau télégraphique de la place de la Bourse, à Paris. Argot des employés du ministère des Postes. _Être nommé au Central._--Elève de l'Ecole centrale; un central, des centraux. «Les élèves de l'Ecole centrale se sont livrés hier à une fantaisie que la police a eu le bon goût de ne pas gêner... Les centraux se sont réunis sur la place de la Bastille, et, se formant en monome...» (_Rappel_, 1881.) CENTRIOT. Surnom, sobriquet, «Il a surtout le génie des centriots (surnoms). C'est lui qui a donné à un pâle gringalet, mauvaise langue et joueur de méchants tours... le joli surnom de Fleur de teigne.» (Humbert: _Mon bagne_.) CERISE. Ouvrier maçon des environs de Paris (Littré). «Messieurs, ce n'est pas là une appellation insultante; nous appelons marchands de cerises, les ouvriers de la banlieue de Paris, ceux qui nous environnent.» (Nadaud: _Journal officiel_.) CERISIER. Petits chevaux de louage, ainsi nommés parce qu'ils portent ordinairement les cerises de Montmorency aux marchés de Paris. «Sterny sur un cerisier, Sterny en compagnie d'une grosse dame à âne.» (Soulié: _Le Lion amoureux_.) «Les Cerisiers de Montmorency sont les petits chevaux pacifiques qu'on loue pour se promener dans les environs; autrefois, ils transportaient des cerises; de là leur nom.» (_Rappel_, 1874. V. Littré.) CHABROL. Mélange de bouillon et de vin. CHA-FUST. Cours de machine professé à l'Ecole navale. Argot de l'Ecole. «Chacun de ces cours, outre son titre officiel, porte un nom spécial pour les élèves du _Borda_. Le cours de machine est le cha-fust, mot formé par onomatopée... Naturellement les professeurs empruntent leur titre au nom du cours.» On dit: le _chafustard_... (_Illustration_, septembre 1885.) CHAIREZ! Hardi! Courage! Cette interjection se trouve dans l'ouvrage d'Alph. Humbert intitulé: _Mon bagne_. CHALEUR! Exclamation qui sert à marquer la surprise, le mépris, l'intention de ne pas faire telle ou telle chose. S'emploie toujours ironiquement; elle est synonyme de _Maladie!_ ou de _ça ne serait pas à faire!_ «Dans le Casino susdit, on jouerait le baccarat et les dames seraient admises! Oh! chaleur!» (Le _Joueur_, 1881.) CHAMBARD. Bruit, tapage, «Il est de tradition à l'Ecole (Polytechnique) que, à la rentrée, les anciens démolissent les meubles des nouveaux, jettent leurs oreillers et leurs matelas par les fenêtres et dispersent leurs affaires. C'est ce qu'on appelle faire le chambard.» (_Temps_, 1881.) CHAMBARDEMENT. Renversement, bris. «Gambetta, vil objet de mon ressentiment, Ministres ennemis de tout chambardement, Sénateurs que je hais...» (_Événement_, 1881.) CHAMBARDER. Faire du bruit, du _chambard_. «Vous aurez la complaisance cette année de ne pas tout chambarder dans l'Ecole (Polytechnique), comme vous en avez l'habitude...» (XIXe _Siècle_, 1881.) On dit familièrement en Bretagne _chambarder_ pour: remuer, bousculer quelqu'un ou quelque chose. (V. Delvau: _Chambarder_.) CHAMBRER. Perdre, voler. Argot des grecs. CHAMP. Argot de sport. L'ensemble des chevaux qui se présentent pour figurer dans la même épreuve. Parier pour un cheval contre le champ, c'est parier pour un cheval contre tous ses concurrents. (Littré.) CHAMPS. Champs-Elysées. Argot des filles, des souteneurs et de toute la population interlope qui, la nuit venue, fait élection de domicile aux Champs-Elysées. CHAND, CHANDE. Marchand, marchande. CHANDELLE (Faire une). Lancer une balle en hauteur de telle sorte qu'elle puisse facilement retomber dans les mains des joueurs. Argot des enfants. Allusion à la chandelle romaine, sorte de fusée. CHANDELLE (Faire fondre une). Boire une bouteille de vin. «La chiffonnière faisait alors un bout de toilette avant d'aller faire fondre une chandelle dans le sous-sol du père Grandesomme.» (_Réveil_, 1882.) CHANDELIER. Souteneur de filles. «Dans l'argot des voleurs, un chandelier signifie un souteneur de filles.» (_Figaro_, janvier 1886. V. _Infra_: _Relever le chandelier_.) CHANOINE. Récidiviste des maisons centrales. CHAPEAU. Homme de paille, remplaçant sans titre sérieux. «Ce ne sont pas des chapeaux que j'ai laissés à mon siège d'administrateur (de compagnie financière), mais bien des titulaires réels.» (_Journal officiel belge_, mars 1874, cité par Littré.) Cet emploi vient de l'habitude, dans les bals, de marquer sa place en y laissant son chapeau. CHAPELLE. Coterie. CHARGER. Verser du vin, remplir un verre de liquide. «Charge-moi vite une gobette de champoreau.» Traduction: Sers-moi un verre de café additionné d'eau-de-vie. (_Réveil_, 1882.) CHARRETÉE. (En avoir une). Être complètement ivre. CHARRIER. Chercher à savoir. CHARRIEUR, adj. Curieux.--Subst. Individu qui se tient aux abords de certains cercles pour le compte desquels il racole les joueurs. «Ces nobles personnes ont toujours deux ou trois _grecs_ à leur solde. Elles ont aussi des _charrieurs et des charrieuses_ qui sont chargés de rabattre les pigeons.» (_Henri IV_, 1881.) CHARTREUSE DE VIDANGEUR. Demi-setier de vin rouge. CHASSELAS. Vin. «Je prendrais bien quelque chose de chaud. Est-ce qu'il y a du chasselas sur le feu, madame Antoine?» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) CHASSEUR. Domestique, petit groom qui, dans les cafés et restaurants bien tenus, est à la disposition des consommateurs, pour faire leurs commissions. CHATEAU. Abrév. de _Châteaubriand_. (V. Delvau.) CHATON. Petit chat. Individu charmant. (Richepin.) CHATOUILLAGE AU ROUPILLON. Vol au poivrier. CHATTE. Pédéraste. Argot des voleurs. Terme injurieux que s'adressent les enfants des rues. CHAUFFER UN ÉLÈVE. Lui appliquer des moyens d'instruction qui hâtent ses connaissances aux dépens du développement total. (Littré.) «Il ne réussit qu'après avoir été chauffé dans une maison spéciale, par un professeur qui lui mâchait ses devoirs.» (Pellerin: _Le roman d'un blasé_.) CHEF DE CALOTTE. «Dans les pensions militaires, on appelle chef de calotte le plus ancien et le plus élevé en grade des officiers qui mangent ensemble...» (H. Malot: _Le lieutenant Bonnet_.) CHEMISE RONDE. Argot des troupiers qui désignent ainsi le civil, l'individu qui n'est pas soldat. _Engager dans les chemises rondes_, ne pas s'engager ou se réengager, rester dans la vie civile. CHEVAL DE CORBILLARD (Faire son). Faire le malin, poser. CHEVALIER DU BIDET. Souteneur. CHEVEU. Argot des coulisses. Mot dit pour un autre quand la langue vous fourche: «Majesté, votre sire est bien bonne!»--Travail difficile, ennuyeux.--_Voilà le cheveu_; voilà la difficulté. CHEVEUX (Se faire des). S'inquiéter, se tourmenter. CHIBIS! Attention! CHIEN (Faire le). Dans l'argot des cordons bleus, c'est suivre Madame au marché avec un panier dont, en pareil cas, on ne peut faire danser l'anse. «Une cuisinière à une de ses amies: Du moment qu'on ne fait pas le chien, la maison me va!» (_Figaro_, 1882.) CHIER. Mot élégant qu'emploient les enfants qui, jouant aux billes, manquent leur coup. _J'ai chié_, je n'ai pas attrapé la bille. CHIER DANS LA VANETTE. Argot militaire. Être sans gêne. CHIFFONNAGE. Le contenu de la hotte du chiffonnier. «On trouva une quantité étonnante de chiffonnage dans les trois hottes.» (_Clairon_, 1881.) CHINAGE. Action de faire la chine.--Plaisanterie. CHINE. Sorte de vol. CHINER. Travailler. (Richepin.)--Plaisanter. CHIOTTES. Cabinets d'aisances. CHIPOTER. Être regardant, liarder. «Il doit également ne jamais chipoter sur le prix des consommations.» (_Frondeur_, 1880.) CHIQUE (Coller sa). Argot des enfants qui se servent surtout de cette expression au jeu dit de saute-mouton. _Colle ta chique et fais le mort._ CHOCOLAT. Naïf, crédule. Argot des voleurs et principalement des joueurs de bonneteau. «Ils (les bonneteurs) s'associent à trois: celui qui _fait le chocolat_ et qui est chargé de commencer la partie, de l'allumer en jouant; l'_enquilleur_ ou _lourdier_ qui tient la portière de la voiture, invitant les voyageurs à monter dans le compartiment, et, enfin, le _patineur_, qui monte lorsqu'il n'y a plus qu'une place et qui doit tenir les trois cartes.» (_Temps_, 1886.) CHOLÉRA. Débris de fromages. Argot du peuple. «--Que désire monsieur? «--Deux sous de choléra, s'il vous plaît! «On peut entendre cette demande et cette réponse s'échanger chez certains marchands de fromage, soit aux alentours des halles, soit dans les grands quartiers populeux. «Or, qu'est-ce que le choléra? Ce sont les rognures, les bribes, les miettes des divers fromages que les marchands recueillent à la fin de chaque journée à l'étalage et sur les tables de service.» (_Figaro_, oct. 1886.) CHOUTER. Caresser. (Richepin.) CIBOULOT. Tête. Argot du peuple. CINQ A SEPT. Argot des gens mondains. Réceptions, visites entre intimes. Elles ont lieu avant le dîner, de cinq à sept heures du soir. «Madame du Deffand qui fut une des fondatrices de ce que nous appelons de nos jours des cinq à sept. (_Gaulois_, 1882.) CINTIÈME. Casquette à ponts. (Richepin.) CIRAGE. Eloge; réclame élogieuse, compte rendu sur le mode dithyrambique. CIRER. Faire un éloge outré de quelqu'un ou de quelque chose. CITADELLE (Grande). Gardien-chef dans une prison. Argot des malfaiteurs. «Il paraît que, dans le Dictionnaire de la prison, grande citadelle signifie gardien chef.» (_Gazette des Tribunaux_, août 1883.) CITROUILLE. Argot militaire. Cavalier-dragon. CLAQUE. CLAQUE-DENTS. Restaurant de bas étage. CLAQUE-PATIN. Individu dont la savate claque contre le talon. (Richepin.) CLEF (Perdre sa). Avoir la colique. CLEPTOMANIE, «On imagina le mot de cleptomanie, ou manie du vol, pour désigner l'état de ces voleuses maladives.» (Giffard: _Les grands bazars_.) CLICHÉ (Tirer son). Argot des typographes. «Quand un compositeur fait une réplique ou un propos toujours le même, on dit: c'est un cliché. _Tirer son cliché_ est synonyme d'avoir toujours la même raison à objecter, dire constamment la même chose.» (_Typologie-Tucker_, juin, 1886.) CLIGNOT. OEil. _Baver des clignots._ Pleurer. CLIQUE. Argot militaire. Le soldat qui joue du clairon.--Musique militaire. CLIQUETTE. Oreille. COCASSE. Drôle, amusant. COCOTER. Faire la cocote, la fille galante. COL-DE-ZING. Qualificatif qu'avaient reçu il y a deux ans les jeunes élégants. Le mot n'a pas vécu. «Gaston de Chauvigné, un de nos cols-de-zing les plus affirmés...» (_Charivari_, avril 1887.) COLLER UNE DOUCE (Se). Se masturber. Rigaud dit: _Se coller un rassis_. COLLETINER. A aussi, dans le peuple, le sens plus étendu de porter un fardeau quelconque. COLON (Petit). Argot militaire. Abréviation de lieutenant-colonel. COLTINEUR, EUSE. Fainéant, mauvais ouvrier. «C'est sûrement pas pour des coltineuses de votre espèce qu'on ferait des sacrifices!» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) CON. Monosyllabe injurieux que le peuple a constamment à la bouche et qu'il emploie à propos de tout et à propos de rien. CONDÉ. Influence. «Ils avaient accaparé les meilleurs postes, ceux qui procurent le plus de condé (influence). (Humbert: _Mon bagne_.) CONFORTABLE. Verre de bière. CONNAÎTRE DANS LES COINS (La). C'est la variante de l'expression citée par Delvau: _Connaître le numéro_. CONSCRAR. Elève de première année à l'Ecole Polytechnique. «C'est la première chose que les anciens apprennent aux conscrars lorsqu'ils arrivent à l'école.» (_Gil Blas_, 1882. V. Delvau: _Conscrit_.) CONSCRIT. Normalien de première année. CONSOLATION. Jeu de hasard à l'usage des filous. «Au lieu du rendez-vous, on jouait la consolation, partie qui consiste à diviser un tapis vert en cases, au moyen de lignes tracées à la craie, à numéroter chaque compartiment depuis un jusqu'au chiffre maximum que peuvent produire un certain nombre de dés et à payer enfin à chaque individu le montant de la mise qui se trouve dans la case que désigne la somme des points amenés par le coup de dés.» (_La Loi_, 1882). CONSULTER LAROUSSE, ou, pour parler plus clairement: consulter le Dictionnaire rédigé par M. Larousse. Argot des écoles. Je vais consulter Larousse à la bibliothèque, disent à leurs parents les jeunes collégiens de seize à dix-huit ans. Et au lieu de se rendre à la bibliothèque Sainte-Geneviève ou dans un cabinet de lecture, ils s'en vont tout droit... à la plus proche brasserie desservie par des femmes. «Les tout jeunes gens y vont (dans ces brasseries) sous prétexte de boire un bock et de consulter le Dictionnaire Larousse. Aujourd'hui, ces deux mots: _Consulter Larousse_ ont, dans le langage des lycées, un sens sur lequel je n'ai pas besoin d'insister.» (_La Ligue_, juillet 1885.) CONTER QUELQUE CHOSE AU PERRUQUIER DES ZOUAVES. Argot militaire. Ne pas croire à cette chose. COPURCHIC. Elégant, homme qui donne le ton à la mode. Ce mot, un des derniers mis en circulation, vient de «pur» et de «chic», le premier indiquant la perfection absolue du second. La syllabe _co_ ne vient là que pour l'euphonie. «Le copurchic ne parle plus argot; il se contente de parler doucement, lentement...» (_Figaro_, 1886.) «Le petit vicomte de X, un de nos plus sémillants copurchics...» (_Gil Blas_, juillet 1886.) De _copurchic_ est dérivé _copurchisme_ qui désigne l'ensemble des gens asservis à la mode. «Les élégantes de copurchisme veulent, elles aussi, donner une fête au profit des inondés.» (_Illustration_, janvier 1887.) COQUEMART. Chaudron. (Richepin.) COQUILLARD. OEil. _S'en tamponner le coquillard_, s'en battre l'œil, s'en moquer. CORBILLARD DE LOUCHERBEM. «Et voici, pour corser tous ces parfums et leur donner la note aiguë, voici passer au galop le corbillard de loucherbem, l'immonde voiture qui vient ramasser dans les boucheries la viande gâtée.» (Richepin.) CORIO. Fontaine. Argot des élèves de l'Ecole Polytechnique. C'est le général Coriolis qui fit installer des fontaines dans les cours de l'Ecole. CORPS DE POMPE. L'ensemble des professeurs de l'Ecole de Saint-Cyr. «Ceux qui savent quelques bribes de dessin, pochent en quatre traits la caricature du corps de pompe.» (Maizeroy: _Souvenirs d'un Saint-Cyrien_.) CORRECTEUR. Argot des établissements pénitentiaires. Détenu qui est chargé d'exercer une surveillance sur ses camarades. COSTUME (Faire un). Argot théâtral. Applaudir un acteur dès son entrée en scène et avant même qu'il ait pu prononcer une parole. COTE. Terme de course. Tableau sur lequel les bookmakers indiquent les alternatives de hausse et de baisse qui ont lieu sur les chevaux qui prennent part à des courses. «Les paris à la cote sont les seuls autorisés, depuis que les paris mutuels, reconnus jeux de hasard ont sombré par-devant la police correctionnelle.» (_Carnet des courses._) CÔTIER. Cheval de renfort. Homme qui le conduit. «Plus curieux encore sont les côtiers, c'est-à-dire les chevaux de renfort pour les montées.» (_Estafette_, 1882.) COUCHE (En avoir une). Sous-entendu, de bêtise. Être inintelligent. COUDE (Ne pas se moucher du). Se faire valoir. Expression ironique. COUP (Valoir le). Mériter attention. Valoir la peine. COUP DE CACHET. «Un jeune premier suivant le cœur de M. Zola... a sournoisement introduit un couteau entre les épaules de son rival... en imprimant à son arme, s'il en faut croire l'acte d'accusation, un mouvement de rotation destiné à donner au coup une force inévitablement mortelle. C'est ce que M. Huysmans appelle le coup de cachet.» (L. Chapron.) COUPE-FILE. Carte délivrée par la Préfecture de police aux membres du corps diplomatique, aux ministres, aux personnages de distinction et qui sert à couper les files de voitures, à circuler ou à stationner dans des endroits où le public ne peut ni circuler, ni stationner. «Tu ne verras pas, conduisant Leur bois peint, tout frais reluisant, Un groom en croupe, Avec un coupe-file, au Bois, Des gens qui faisaient autrefois Filer la coupe!» (_Clairon_, 1882.) COUPE-GUEULE. V. _Biboire_. COUPER DANS LE CEINTURON. Même signification que _Couper dans le pont_. (V. Delvau.) «Une vieille ambitieuse qui est simple marchande des quatre saisons, et que j'ai coupé dans son ceinturon.» (_Gazette des Tribunaux_, 1881.) COUPER LA VERTE, L'ALFA. Argot militaire. Boire de l'absinthe. COURRIER DE LA PRÉFECTURE. Voiture cellulaire. COUTURES (Rabattre les). Battre. Argot des écoliers. «Selon l'usage, on voulut commencer par lui rabattre les coutures, c'est-à-dire le brimer à coups de poing.» (A. Theuriet: _Michel Verneuil_.) COUVERTURE.--Dans le jargon militaire, la couverture, mot tout récent, signifie l'ensemble des troupes et des ouvrages de fortification qui couvrent une frontière et sont destinés à soutenir un premier choc. «Surtout ne dites pas que le général Février a le commandement de la couverture.» (_Figaro_, mars 1887.) CRAMPONNER (Se). Être saisi d'étonnement, d'admiration. _Cramponne-toi, Gugusse_, est une phrase ironique que le peuple emploie souvent en s'adressant à quelqu'un pour l'avertir qu'il va voir ou entendre quelque chose d'extraordinaire. CRAN. (Se serrer d'un). Se priver de. Se serrer le ventre, ne pas manger à sa faim. CRAYON. Commis boursier, employé d'agent de change, «Habile, finaud, un des malins crayons de la coulisse, Luzy n'avait pas le grand flair de Blancheron.» (De Goncourt: _La Faustin_.) CRAVACHE (Être à la).--On se sert aussi de cette expression d'abord pour exprimer l'état de quelqu'un qui, riche, se trouve dans une situation sinon précaire, tout au moins bien au-dessous de celle qu'il possédait, au point de vue de la fortune s'entend. «La nouvelle du jour est le mariage d'une demi-mondaine très décatie, mais fort riche, avec un clubman très titré, mais fortement à la cravache depuis le krack.» (_Gil Blas_, juin 1887.) CRÉTINISÉ (Être). Être ébaubi, stupéfait d'admiration, «--C'est la plus belle créature de notre temps.--J'en suis crétinisé!» (_Vie Parisienne_, 1882.) CREVANT. Très drôle, à crever de rire. CROIX DE DIEU. Alphabet. «Je connaissais la croix de Dieu. La croix de Dieu, vous le savez, n'est rien moins que l'alphabet avec une belle croix au commencement.» (B. Pifteau.) CROTAL. Sergent à l'Ecole Polytechnique. «L'on s'installe par demi-section présidée par un crotal. Le crotal c'est le sergent.» (_Gil Blas_, juin 1882.) CROTTARD. Trottoir. V. plus bas _Magasin_. CUIRE (Se faire). Se faire arrêter. CUL LEVÉ. Partie d'écarté à trois où deux des joueurs s'entendent pour dépouiller le troisième. CULASSES MOBILES (Revue des). Argot militaire. Inspection médicale qui a lieu tous les mois. CULBUTANT. Pantalon. (Richepin.) CULOTTE ROUGE (Donner dans la). Choisir ses amants dans l'élément militaire. CYLINDRE. Chapeau haute forme. D DANDÉE. Coup, frottée. (V. Delvau: _Dandinette_.) «Qui a composé cette chanson? C'est un Cotric tourangeau Par joie et satisfaction D' la dandée de ce Morvandiau.» (Chanson, 1884.) DANSE. Puanteur. (V. Delvau, _Danser_.) DARIOLE. Pâtisserie commune. _Darioleur_: pâtissier. DAVID. Casquette de soie. Du nom du bon faiseur. «Parlant argot, portant les rouflaquettes bien cirées, la blouse de fil tirée aux épaules, le David crânement posé sur le front...» (Humbert: _Mon bagne_.) DÉBALLER DES FONDS DE CHAPEAUX (Faire). Ennuyer, obséder quelqu'un, dans l'argot des placiers et des commis voyageurs. DÉBECTANT. Ennuyeux, désagréable. «Mentor qui connaissait tout le fourbi, dit alors à Télémaque: C'est débectant, mais au fond, ça ne fait rien...» (A. Leroy: _Les mistouf's de Télémaque_.) DÉBECQUETER. Vomir. DÉBOULER. Accoucher. DÉBOUCLEUR DE LOURDES. Voleur qui a la spécialité de fracturer tes portes. DÉBOURRER. Jargon des maquignons. Cheval débourré, cheval qui a perdu l'embonpoint factice qu'on lui avait donné pour le vendre. «Au bout de quelque temps, les fraudes se découvrent, l'embonpoint factice s'affaisse, les côtes reparaissent, et la bête est ce qu'on appelle débourrée...» (_Siècle_, 1867. Cité par Littré.) DÉBRIDER. Autoriser, permettre. Argot des forains. (V. _supra_, Brider.) DÉBROUILLE. Argot des enfants. Débarras. S'emploie surtout dans le jeu de billes. Quand devant une bille visée se trouve un obstacle quelconque, un caillou, du sable, l'enfant qui vise s'écrie: _débrouille!_ et aussitôt il ôte l'objet qui le gênait, à moins que son camarade n'ait crié avant lui: _sans débrouille!_ DÉCARREMENT. Evasion. (V. Delvau: _Décarrade_.) DÉCATISSEMENT. Mot plus trivial qu'argotique et synonyme de décrépitude, d'affaiblissement. «De là,--toujours style des jolis gommeux,--ce décatissement inouï, accompagné de phénomènes comateux...» (De Montépin: _Sa Majesté l'Argent_.) DÉCIMADORÈS. Cigare de dix centimes. «--Cochon de cigare!--En voulez-vous un autre?--Volontiers. Les miens sont pourtant d'une bonne marque; des décimadorès de choix!» (_Charivari_, juillet 1884.) DÉCOLLER (Se). Manquer, ne pas réussir, ne pas avoir lieu. «Voilà que le banquet du 13 se décolle!» (_Bataille_, 1882.) DÉCULOTTER. Faire faillite. DÉFLAQUE. Excrément. (Richepin.) DÉGLINGUER. Détériorer. DÉGOMMER. Mourir. _Dégommé_, mort. _Quart des dégommés_, commissaire des morts. DÉGRINGOLER DE LA MANSARDE. Sentir mauvais de la bouche. DÉGRINGOLEUR, EUSE. Voleur, euse. «Malgré la réputation de dégringoleuse de la prévenue, le vol du chronomètre n'a pas été suffisamment établi à sa charge.» (_Gazette des Tribunaux_, août 1884.) DÉGUEULATOIRE. Repoussant, dégoûtant, qui donne envie de dégueuler. DÉGUEULADE, DÉGUEULAGE, DÉGUEULIS. Vomissement. Dégueulage a aussi, dans le peuple, le sens de cravate. DEMI-CASTOR. «Demi-castor est devenu un terme courant sous lequel on désigne une personne suspecte, équivoque, sous des dehors soignés; mais en grattant le castor on trouverait le lapin.» (_Figaro_, janvier 1887.) DEMI-POIL. Demi-vertu. «Allez donc établir une distinction quelconque entre une marquise célébrée par les reporters de salon et une fille de demi-poil.» (L. Chapron.) DEMI-TOUR. Jargon des élèves de l'école de Saint-Cyr. Le demi-tour est une sorte de brimade qui consiste à jeter bas de leurs lits les nouveaux élèves et à renverser leur literie. «Le soir, les élèves se livrèrent à ce qu'ils appellent le demi-tour.» (_Evénement_, juillet 1884.) DÉPOTER. Accoucher. «Une tante qui, sans être sage-femme, était experte en ce genre d'ouvrage, dépota l'enfant.» (Huysmans: _A vau-l'eau_.) DÉRAILLER. Divaguer. DÉROBER. Argot de turf. Un cheval se dérobe quand il s'écarte de la piste. DESCENDRE. Expression théâtrale en usage dans les répétitions. C'est aller dans la direction de la rampe.--Terme de turf; quand un cheval appelé à courir acquiert une plus value, on dit qu'il descend, parce qu'en effet la proportion dans laquelle on pariait contre lui tombe. Ainsi, un cheval qui hier était coté à 7 contre--1, et qui est aujourd'hui à 5 contre--1 est un cheval qui descend (Littré.) DESCENDRE DES TRAVAUX. Argot ouvrier. Travailler d'arraché pied. «Le patron avec qui nous avons traité... était étonné de la façon dont nous avons descendu les travaux...» (_Enquête de la Commission extra-parlementaire des associations ouvrières._) DÉTACHÉ. Argot de sport. Qui est en avant des autres chevaux. Tel cheval est arrivé second, mais il était complètement détaché du reste du champ, c'est-à-dire qu'à l'exception du vainqueur, tous ses rivaux étaient loin derrière lui. DÉTAR. Veston. Argot du peuple. DEUIL (Très). Homme du monde ou mieux voulant se faire passer comme tel. Le mot, d'usage boulevardier, n'a fait qu'une courte apparition en 1886. Il faisait allusion au deuil porté avec ostentation par certaines personnes à l'occasion de la mort de la comtesse de Chambord. DEUX GALONS. Lieutenant. Argot militaire. «Comment, disait-on, un médecin de deuxième classe qui n'a que le grade de lieutenant dans l'armée, un deux galons va commander des amiraux!» (_Evénement_, juin 1884.) DÉVISSER (Se). «C'était l'école préparatoire de Sainte-Barbe qui dévissait. Et pourquoi dévissait-elle l'école préparatoire? Parce que beaucoup d'élèves étaient mécontents de ce que quelques-uns de leurs camarades avaient été renvoyés...» (_Constitutionnel_, février 1883.) DIFFICULTÉ. Argot de sport. Être en difficulté, se dit d'un cheval qui a de la peine à garder son avance. «Au dernier tournant _Gladius_ était en difficulté pour conserver son rang à côté de _Bivouac_ qui prenait le dessus.» (_Journal officiel._) DISCRÉTION. Pari. «Des paris gagnés ou perdus qui, le plus souvent, prennent la forme compromettante et le titre étrange de discrétion.» (_Indépendance belge_, 1868.) DISQUALIFIÉ. Argot de turf. Cheval disqualifié, cheval mis hors concours par suite d'une infraction au règlement commise par son propriétaire ou par son jockey. (Littré.) DISTINGUÉ. Verre de bière. DOMINO. (V. _Retaper le domino_.) DONNER (La). Penser, croire, juger. Argot des voyous. DONNER DU CHASSE A LA ROUSSE. Faire le guet. «Tu donneras du chasse à la rousse, au moment Où le patron fera son petit boniment.» (De Caston: _Le Voyou et le Gamin_.) DONNER DU FLAN, DE LA GALETTE. Argot des grecs. Jouer honnêtement. DORÉE (Petite). Femme de mœurs légères. Ce mot lancé vers l'année 1884 n'a point été adopté et a duré autant que la mode qui, à cette époque aussi bien pour les femmes honnêtes que pour celles qui ne le sont pas, était de porter des vêtements brodés, soutachés, pailletés d'or. «On a déjà débaptisé certaines parisiennes qu'on appelait hier encore des horizontales; le nom qu'elles portent est les petites dorées.» (_Temps_, octobre 1885.) «Le _Soir_ a pris pour des ouvrières les petites dorées, autrement dit: les cocottes.» (_Bataille_, novembre 1884.) DRAINER. Ruiner. Le mot est expressif et fait image. «--Il se fera remisier ou il vendra des lorgnettes.--A moins qu'il n'épouse Coralie quand elle aura drainé le planteur et le fils du fabricant.» (Du Boisgobey: _Paris-Bandit_.) DRAP MORTUAIRE. Filet. Argot des braconniers. «La perdrix grise est ensevelie chaque jour dans le drap mortuaire.» (_France_, octobre 1885.) DRINGUE. Vêtement, redingote. DUC. Grande voiture se rapprochant de la victoria. Le duc est à deux places avec un siège par derrière et un par devant pour deux domestiques sur chaque.--Petit chapeau rond, de la forme du _melon_ et que portent les souteneurs qui ont des prétentions à l'élégance. DUVAL. Argot des filles. On désigne ainsi les petites mendiantes, bouquetières ou autres qui, arrêtées par les agents, sont depuis le préfectorat de M. Ferdinand Duval placées à Saint-Lazare, dans un local spécial bien entendu, et cela jusqu'à leur majorité à moins que leurs parents ne les viennent réclamer. E EAU DE SAVON. Absinthe. Argot du peuple. EAUX GRASSES (Être dans les). Occuper une haute situation dans une administration. ÉCAILLÉ. Souteneur. Allusion aux écailles de poisson. ÉCOLE PRÉPARATOIRE. Prison. ÉDUQUER. Elever, instruire, donner de l'éducation. «Nous sommes trop bien éduqués pour refuser de boire un petit verre à votre intention.» (De Montépin.) EFFONDRER. Battre, assommer. Argot du peuple. «Te souviens-tu de cette lutte en plein champ? Pauvre garçon, avec tes vingt-cinq ans, j'en aurais effondré quatre comme toi.» (Belot et Dantin: _Le Parricide_.) ÉGAILLER LES CARTES. Les étaler. Argot des cercles. ÉGRENÉ. «Quand on (un journal) est installé, c'est d'une simplicité extrême... Pour le _Clairon_, il a fallu, durant ces premiers jours écrire les bandes à la main, les affranchir et les porter au bureau central d'où elles partent individuellement au lieu de partir par paquets. On appelle cela le service des égrenés et le service des égrenés se fait après le service des classés. (_Clairon._) ÉLECTEUR. Client,--dans l'argot des commis voyageurs. Quand la tournée a donné de bons résultats, l'électeur a bien voté; si les commandes ont été rares, il a mal voté. ÉLECTEUR (Se mettre en). Argot de caserne. C'est, pour le soldat, revêtir des habits civils. ÉLÉPHANT. Argot du Quartier latin. On appelle ainsi l'étudiant en médecine à la veille de passer sa thèse ou le jeune docteur qui suit bénévolement les cours d'un professeur dans un hôpital. EMBAU. Embauchage. Argot des ateliers. «Vous savez bien, aux environs de l'Hôtel de Ville, là où il y a de si grandes places que les ouvriers sans travail arrivent à s'y tasser, attendant l'_embau_.» (_Cri du peuple_, août 1884.) EMBAUCHE. Travail, ouvrage, emploi quelconque. Terme populaire. Pourquoi avoir laissé tomber dans le bas langage ce mot parfaitement usité au XVIIe siècle? «Viens avec moi; mon frère a un peu de galette; nous le taperons de quelques ronds et nous irons chercher de l'embauche.» (_Gagne-petit_, avril 1886.) EMBAUMÉ. Jeune homme élégant dans le jargon parisien. L'_embaumé_ est le descendant direct du _faucheur_ qui, lui-même, succédait au _bécarre_ qui descendait des _boudinés_, _grelotteux_ et autres _pschutteux_. _Embaumé_ qui donnait assez bien l'idée du jeune élégant pommadé, mais exsangue, fit fureur pendant la saison d'été 1885-1886 et a été détrôné à son tour par de nouveaux vocables, «De la Bastille à la Madeleine, l'embaumé règne en maître absolu.» (_Voltaire_, décembre 1885.) EMBOÎTER. Insulter.--_Se faire emboîter_, argot théâtral, être sifflé. EMBOUCANER (S'). S'ennuyer. Argot des voyous. EMBUSQUÉ. Argot militaire. Soldat dispensé, en raison de fonctions spéciales, du service commun. «Pas plan de carotter la revue, tous les embusqués, soldats de cantine, garçons du mess, secrétaires du major, tout le monde est là.» (_Monde comique_, no 195.) ÉMÉCHEUR DE PARTIES. Certains fondateurs de cercles ou maisons de jeux réunissent un capital qui leur sert à spéculer sur les petits pontes qu'ils gagnent presque toujours. En argot des joueurs, on nomme ceux qui se livrent à des opérations de ce genre des _voraces_ ou des _émécheurs de parties_. ÉMOUSSÉ. Encore un des nombreux surnoms qui ont été donnés à la fleur de nos jeunes élégants. «Quant aux jeunes étriqués, efféminés, rachitiques dérivés des grelotteux, crevés, rez-de-chaussée, ils s'appelleront désormais des _émoussés_.» (_Voltaire_, mars 1887.) EMPIERGEONNER. S'empêtrer. (Richepin.) EMPLUCHER. Piller. ENCADRER QUELQU'UN (Faire). Se dit d'une personne qui présente quelque particularité prêtant à rire. ENCAMBRONNER. Ennuyer considérablement. C'est une variante adoucie de l'autre verbe dont le peuple a plein la bouche. «Quant aux politiciens qui battent la grosse caisse autour de quelques noms, ils nous encambronnent supérieurement.» (L'_Egalitaire_, journal 1885.) ENDORMEUR. Homme ennuyeux. ENFIFRÉ. Non-conformiste. ENFILER. _Se faire enfiler_, se faire arrêter. ENGAGER. Argot de turf. Prendre inscription pour faire participer à une course publique un cheval dont on est propriétaire. ENGUEULER LE TROTTOIR. Porter des chaussures éculées, percées. «Des souliers éculés avec des semelles... qui engueulent le trottoir.» (_Vie Parisienne_, 1882.) ENQUILLEUR. Argot des voleurs et surtout des bonneteurs. (V. _Chocolat_.) ENTRÉE. Argot de turf. Somme versée par le propriétaire qui engage un cheval pour une course. ENVIANDER. Copuler. On dit aussi, _tremper sa mouillette_. ÉPATOUFFLER. Variante d'_épater_. «On est un peu épatoufflé--pour employer une expression familière de Mme de Rémusat elle-même--par ce sans-gêne mondain.» (_Liberté_, novembre 1883.) ÉPINGLER. Arrêter. ÉPOUFFER (S'). Fuir, se sauver. ÉPROUVÉ. Condamné qui, ayant déjà subi la moitié de sa peine s'est, par une bonne conduite, recommandé à l'administration. ESBIGNER DANS SA BOITE A PUCES (S'). Rentrer chez soi. «Si c'est comme ça qu'on vous reçoit dans le monde chic, des mâches! J'aime mieux m'esbigner dans ma boite à puces.» (Mahalin: _La patte de fer_.) ESBLOQUER. Etonner, stupéfier. ESCAVER. Empêcher. ÉCRABOUILLER. Écraser; réduire en morceaux, en miettes. ESCOUADE (Parapluie de l'). Argot militaire. _Envoyer chercher le parapluie de l'escouade_: moyen poli de se débarrasser d'un importun. (Ginisty: _Manuel du parfait réserviste_.) ESSENTIEL. «Dans le quart du monde, ces demoiselles ont trouvé une nouvelle façon d'appeler leur monsieur sérieux. Elles le nomment l'essentiel,» (_Evénement_, décembre 1886.) _Essentiel_ fait penser à ce que les joueurs de profession appellent leur _matérielle_. (V. _infra_ ce mot.) ESTAPHE. Poule. Jargon des voleurs. ESTOMAC (Avoir beaucoup d'). Argot des cercles. Jouer gros jeu.--Avoir une grosse fortune; présenter des garanties sérieuses au point de vue commercial. C'est une variante de: _Avoir les reins solides_. «Blancheron, un coulissier et un des plus fiers estomacs de la Bourse.» (De Goncourt: _La Faustin_.) ÉTAGÈRE. Femme qui dans les restaurants parisiens est préposée au service des desserts qui sont en général exposés sur une étagère. ÉTANCHE (Avoir le goulot en). Avoir le gosier altéré. «Charge-moi vite une gobette de champoreau; j'ai le gosier en étanche! (_Réveil_, 1882.) ÉTAT-MAJOR. Argot de caserne. Boisson composée de vin, d'eau-de-vie et de sirop de groseille. (P. Ginisty: _Manuel du parfait réserviste_.) ÉTEINT. Une des dernières incarnations du bon jeune homme à la mode. «Rastaquouères fraîchement débarqués, jeunes éteints du dernier cri, millionnaires sans le sou...» (_France libre_, juillet 1885.) ÉTOUFFÉ. C'est ainsi qu'on a surnommé pendant quelque temps les jeunes poseurs qui ont la prétention de représenter l'élégance, le bon ton et les belles manières. «Songez que cela ne s'adresse point aux petits étouffés qui amènent dix-sept ou dix-huit au dynamomètre.» (_France libre_, juillet 1884.) ÉTEINDRE SON GAZ. Mourir. ÉTOUFFAGE. Vol. _Etouffer_, voler. _Étouffeur_, grec, voleur. Argot des joueurs. (V. Delvau: _Étouffoir_.) ÊTRE AU SAC. Avoir de l'argent. «Les deux amis se tombent dans les abatis l'un de l'autre et Hégésippe qui était au sac propose à Philoclès de venir prendre un petit quelque chose sur le pouce.» (_Les mistouf's de Télémaque._) ÉVACUER DU COULOIR. Sentir mauvais de la bouche. EXÉCUTION. V. Delvau: _Exécuter quelqu'un_. EXHIBITIONNISTE. Non conformiste. EXTRAVAGANT. Verre de bière d'une capacité plus qu'ordinaire. F FABRIQUER. Faire, dans le sens général. _Qu'est-ce que tu fabriques là?_ FACILE A LA DÉTENTE. Généreux. «Mon mari, dit une marquise, Hier s'est généreusement Fendu d'une parure exquise. --C'est fort aimable, assurément, Dit une comtesse charmante; Mon époux, malheureusement, Est moins facile à la détente.» (Marcellus: _Le langage d'aujourd'hui_.) FAIRE. Arrêter. Argot des voleurs. _Être fait_, être arrêté. «Le lendemain matin, il questionne la Lie-de-Vin... puis il part. Dans l'après-midi il était fait.» (_Gil Blas_, juin, 1886.) FAIRE QUATRE CHIFFRES. Argot de théâtre. Faire une recette d'au moins mille francs. «On se frottait les mains au théâtre, le soir, quand, par hasard, on avait atteint ce qu'on appelait les quatre chiffres. Les quatre chiffres cabalistiques, c'était mille francs.» (F. Sarcey: _Temps_, 1882.) FAIRE SIPHON. Argot des voyous. Vomir. FAIRE SON CHEVAL DE CORBILLARD. Faire le malin. Poser. FAISAN. On appelle ainsi, dans le commerce parisien, des filous qui ont cette spécialité: exploiter des fonds de commerce qu'ils se repassent entre eux tous les trois mois, au moment de l'échéance des traites, soldant les marchandises qu'ils se sont procurées à crédit. Le _faisan_ est proche parent du _fouilleur_. (V. ce mot.) «Certains inculpés, tels que Colson, ont joué le rôle de faisans.» (_Droit_, août, 1886.) FAISEUSE D'ANGES. Nourrice qui, de propos délibéré, laisse mourir les enfants qu'on lui confie. FALLOPHAGE. Argot des savants. (V. _Avale-tout_.) FALOURDE. Réclusionnaire. Argot des malfaiteurs. «Tous ces filous font partie d'une bande parfaitement organisée, embrigadée; une véritable association avec ses chefs, ses banquiers, ses professeurs dont le maître suprême est un falourde répondant au surnom de Dragon.» (_Temps_, 1886.) FANTASBOCHE. Fantassin. FAUCHEUR. Type de l'homme à la mode qui a fleuri en l'an de grâce 1885. Ça a été le successeur au _grelotteux_. «Paris a eu ses dandys, ses lions, ses gommeux, ses pschutteux. Il a maintenant un type nouveau qui s'appelle le _faucheur_. Le faucheur est cet individu, situé entre vingt et vingt-cinq ans, que vous rencontrez sur les boulevards une canne à la main et qui représente à vos yeux la quintessence du chic parisien. Le _faucheur_ est ainsi nommé à cause de sa façon de marcher et surtout de porter sa canne. Il la tient par le petit bout, laissant traîner la pomme à terre; le bras droit qui se balance énergiquement de gauche à droite ou bien du nord-ouest au sud-est, rappelle l'allure des gens de la campagne fauchant les blés murs et les foins odorants. De là le sobriquet.» (_Figaro_, 1885.) FAUCONNIER, ou mieux GREC FAUCONNIER. Grec qui taille des banques pour le compte d'un gérant ou d'un président de cercle véreux. FÉDÉRÉ DANS LA CASEMATE (Avoir un). Être enceinte. FEMME AU PETIT POT. Concubine. Argot des chiffonniers. FERBLANTERIE. Brochette de décorations. FERBLANTIER. Commissaire de la marine. Ainsi nommé à cause de ses galons d'argent. «Une amertume gâtait toujours ses satisfactions d'employé: l'accès des commissaires de marine, des ferblantiers, comme on disait à cause de leurs galons d'argent, aux emplois de sous-chef et de chef.» (Guy de Maupassant.) On désigne aussi de ce nom, depuis la révélation de scandales qu'on n'a point oubliés les individus qui se livrent au trafic des décorations. Pendant que les ferblantiers et les ferblantières continuent à accaparer l'attention publique...» (_National_, octobre 1887.) FER A REPASSER. Soulier. FERMER SON PLOMB. Se taire. FERRÉ (Être). Argot des écoles: connaître parfaitement les matières qui figurent au programme d'un examen; être instruit. FESSE. Argot des voyous. Prostituée. FÊTARD. Le langage populaire qui avait déjà _fêteur_ a trouvé que cela ne suffisait pas. _Fêtard_, _fêteur_, qui fait la fête, la noce, en un mot qui passe son temps à s'amuser. «Le fêtard est un être particulier dont toute l'occupation en ce monde est de se divertir. «Le fêtard ne se met jamais martel en tête que lorsque le grand H... ou la petite Valérie se font excuser au prochain souper.» (_Illustration_, nov. 1885.) FEU (Avoir du). Argot des enfants qui se servent, dans un sens ironique, de cette locution au jeu dit des quatre-coins. As-tu du feu? signifie: Es-tu prêt à échanger ton coin contre le mien. Voici, je suppose, l'origine de cette expression: on sait que les gamins ne se gênent pas pour fumer. Or, l'un d'eux ayant un jour une cigarette éteinte, voulut prendre du feu à la cigarette allumée d'un des trois autres joueurs et, pendant ce temps se vit prendre sa place par le cinquième, le patient, le pot. FEUILLE. «Les filles d'Eve ont reçu différents noms, suivant les époques, les règnes et les modes... A Saumur, leur nom ne varie plus. On les appelle des Feuilles.» (Théo-Critt: _Nos farces à Saumur_.) FEUILLES (Bonnes). Les passages les plus remarquables d'un livre, d'une brochure. FEUILLÉES. Latrines. Argot du régiment. Allusion aux branches d'arbres que l'on place, au camp, autour des cabinets pour les dissimuler. FICHER DANS LA DOUANE (S'en). S'ennuyer énormément. Argot de ces messieurs de la douane. FIGNOLE. Joli. (Richepin.) V. Delvau, _Fignoler_. FIGURANT DE LA MORGUE. Cadavre. FILER UNE PURGE. Battre, rouer de coups. Argot des rôdeurs. «Les inculpés reconnaissent qu'ils ont été chargés par l'inconnu de frapper M. L..., de lui filer une purge, dit Baylac (un inculpé).» (_Autorité_, janvier 1888.) FILLE (Petite). Demi-bouteille de vin. FILS D'ARCHEVÊQUE. Argot des élèves des écoles spéciales qui nomment ainsi ceux de leurs camarades qui sont les fils de leur père, c'est-à-dire dont la famille est haut placée et pour lesquels protection et passe-droits ne font pas défaut. «Une promotion (à l'Ecole navale) aussi forte que celle qui était annoncée ne se justifiait... que par le nécessité de faire une position à quelque fils d'archevêque.» (_Mot d'ordre_, 1887.) FIOLE. _Souper de la fiole de quelqu'un_, en être fatigué, importuné. FIOLER. Dévisager. FISTOT. Elève de première année à l'Ecole navale. «Les anciens attendaient leurs fistots pour les piloter et commencer leur éducation maritime.» (_Illustration_, octobre 1885.) FLAMBÉ (Être). Être perdu. (V. Delvau.) «Avec votre loi, mes cent écus auraient été flambés!» (_Journal officiel_, juin 1882.) FLAMBEAU. Factionnaire. Argot des soldats. FLAQUIN. Recherché dans sa mise. FLAUPER. Battre. FLEUR DE MACADAM. Fille galante qui bat le trottoir. «Encore eût-elle (madame de Metternich) éclipsé cette fleur de macadam par la crânerie de sa désinvolture.» (_Evénement_, 1880.) FLÛTE. Verre de bière. FOIES BLANCS (Avoir les). Être timide, manquer de courage, d'audace. FOIRER. Avoir la dysenterie. Expression très triviale. (V. Foire au _Dictionnaire_.) FOIRER. Avoir la foire. FOIRON. Derrière. FORTIFES. Fortifications. «C'est tout en haut de la rue d'Allemagne, près des fortifes, comme dit le voyou.» (_Evénement_, juillet 1887.) FOUILLE. Poêle. Delvau donne _Fouillouse_ et Littré _fouilleuse_. FOUILLEUSE. Argot de police. Femme chargée de fouiller dans les prisons soit les détenues soit les visiteuses qui les viennent voir. «Le soir, la Fouilleuse du Dépôt explore les poches et les vêtements de la femme...» (_Gazette des Tribunaux_, 1875.) FOULE (Faire). Avoir du succès; attirer la foule. FOUR A BACHOT. «Déjà, dès cette époque, il s'était créé à Paris et même en province des établissements spéciaux que l'on connaissait alors sous le nom pittoresque de fours à bachots; leur spécialité, c'était de gaver en quelques mois les jeunes gens de toutes les connaissances que comportait un programme qui devait se répartir sur dix années d'études.» (_XIXe Siècle_, mai 1884.) Le _Four à bachot_ existe encore aujourd'hui sous cette appellation plaisante et vraie. FOURCHETTE (Lancer un coup de). Porter à l'adversaire avec lequel on se bat un coup dans les deux yeux à la fois en y enfonçant, d'un mouvement rapide, l'index et le doigt majeur écartés. FOURNAISE. «Ils fabriquaient des pièces de deux francs à l'effigie de la République qu'ils vendaient soixante-quinze centimes à des fournaises; c'est ainsi qu'on désigne ceux qui écoulent de la fausse monnaie.» (_Figaro_, mars 1884.) FOURNEAU. Vagabond,--dans l'argot des saltimbanques. FOUTOIR. Petite maison ou petite chambre réservée et discrète. Se dit aussi d'un lieu public ou d'une maison privée qui admettent une grande licence. FRAIS (Mettre au). Emprisonner. On dit aussi _Mettre à l'ombre_. FRANC. Argot militaire. Bon, agréable. Pas d'exercice, demain! c'est franc! (Ginisty: _Manuel du parfait réserviste_.) FRANGEUSE. Nécromancienne. «Il apprit que le mot frangeuse voulait dire magicienne et que Mme Bailly lisait l'avenir dans le marc de café.» (_Gil Blas_, juillet 1884.) FRÉQUENTÉE. Femme galante et à la mode. «Le baccarat, les belles fréquentées, le krack ont réduit à la misère un nombre considérable de viveurs et de boursiers.» (_Evénement_, septembre 1884.) FRICOTER. «Les secrétaires, les commis d'état-major qu'on appelle fricoteurs au régiment, sont assis dans une salle au rez-de-chaussée, autour d'une immense table.» (_Constitutionnel_, août 1882.) FROTTEUR. Argot de Police. «Maniaques qui suivent la foule pour se frotter à elle; pour toucher d'une main frémissante les femmes de toutes catégories qui se pressent autour d'eux.» (Giffard: _Les grands bazars_.) FRUCHE. Objet disqualifié. Argot des commis de nouveautés. FUMERON. Repasseuse. FUMEUSE. Siège où l'on s'assied pour fumer commodément.--Chandelier. FUMEUX. Sobriquet donné en 1884 pour désigner les jeunes gens du monde où l'on s'amuse. «Tout le monde pschutteux s'était donné rendez-vous à cette solennité parisienne entre toutes: les petits fumeux et les horizontales de toutes marques s'écrasaient dans le promenoir.» (_Evénement_, juillet 1884.) FUMISTER. Mentir. FUMISTERIE. Mauvaise plaisanterie. FURET. «Une des grèves les plus curieuses de Paris est celle qui se tient rue Vaucanson. Les hommes qui la composent se nomment furets. C'est à cette grève que les personnes qui ont besoin d'un individu pour porter un fardeau ou qui désirent faire faire un grossier ouvrage, se rendent et choisissent un de ces malheureux...» (_Rappel_, octobre 1884.) FUSÉE. Argot des gens de Bourse. La fusée est l'enlevée en hausse d'une valeur. On entend dire couramment à la Bourse: Le Trois vient de faire une fusée de quinze sous. FUSIL. Chasseur. «Ils (les reporters) n'appellent pas un chat, un chat; ils ne disent pas d'un chasseur, un chasseur, ils disent un fusil. J'ai lu, cette semaine, à propos d'une battue chez une demi-mondaine fort célèbre, cette phrase étonnante: «Invités: douze fusils des deux sexes.» (Claretie.) FUSIL A DEUX COUPS. Pantalon. FUSILLEUR. On appelle ainsi, dans l'argot des commerçants, les filous qui achètent argent comptant, mais à vil prix, des marchandises à des escrocs qui, eux-mêmes, les ont obtenues à crédit avec l'intention de ne jamais les payer. «Les fusilleurs ont été certainement de mauvaise foi, mais les précautions prises par eux pour masquer leurs agissements n'ont point permis de relever contre eux des faits assez précis pour établir leur entière culpabilité.» (_Droit_, août 1886.) G GAFF. Gardien de la paix en bourgeois. V. plus bas _Guignol_. GAFFER. Commettre des fautes, des sottises. GAFFEUR, EUSE. Du verbe argotique _gaffer_, commettre des impairs. «J'en connais (une femme) une qui est fort jolie, et qui possède un salon fort convenablement fréquenté... Un peu gaffeuse, par exemple.» (_Charivari_, avril 1887.) GAFFIER. Synonyme de l'argot _gaffeur_. «Lucien D..., soixante ans, député de la Seine-Inférieure, terriblement maladroit; réputation méritée de gaffier.» (_Bataille_, nov. 1885.) _Gaffeur_ est beaucoup plus usité. GAFILLER. Ecouter attentivement; prêter attention à... Argot des rôdeurs. GALETTE. Petit pain rond et plat qu'on sert dans certains restaurants. GALOPIN. Petit verre de bière. GALUPE. Femme, fille de mauvaise vie. «Les galup's qu'a des ducatons Nous rincent la dent.» (Richepin.) GALUPIER. Qui entretient des galupes. (Richepin.) GAMAHUTER. Assassiner. Argot du peuple. Du nom de l'assassin Gamahut. «B... est venu gamahuter dans les bureaux du _Cri du Peuple_ et il a été acquitté.» (_Cri du Peuple_, avril 1885.) GAMBETTE. Jambe. _Jouer des gambettes_, fuir. GAMBIER. Pipe en terre. Du nom du fabricant. GAMELLE (Ramasser une). Argot militaire. Tomber. GANDIN. Honnête, convenable, gentil. Argot du peuple. «Autrefois on avait deux sous de remise par douzaine. A présent, on les prend (des pièces de cuivre) chez Touchin. Il ne donne rien, ce muffle-là. Vrai! c'est pas gandin!» (Fournière: _Sans métier_.) GANTIÈRE. «En langage parisien, ce mot est un pavillon qui couvre certain commerce où il ne se débite pas que de la peau de chien ou de la peau de chevreau.» (_Voltaire._) GARGAROUSSE. Gosier. (Richepin.) GATEAU. Séquence. Argot des joueurs. V. _infra_: séquence. GATEZAR. Elève de l'Ecole des arts et métiers. Il est facile de voir dans ce mot une corruption de _Gars des Arts_. Le mot est employé dans toutes les écoles d'arts et métiers et aussi par le peuple des villes où se trouvent ces écoles. GAVE. Estomac. (Richepin.) GÉNÉ. Général. Argot de l'Ecole polytechnique. «L'habitude est à l'école d'abréger tous les mots. On ne dit pas le colonel, mais le _colo_, le général, mais le géné... (_Gil Blas_, juin 1882.) GIBERNEUR. «On appelle vulgairement giberneurs des industriels qui se livrent au commerce des herbes, telles que fougères, pervenches, feuilles de vigne, etc., servant à l'étalage des fruits et à l'ornementation des vitrines des restaurateurs et marchands de comestibles.» (_Journal des Débats_, déc. 1882.) Ils ont aussi reçu le nom d'_hommes sauvages_, car beaucoup d'entre eux n'ont d'autres moyens de se procurer de la marchandise que les déprédations qu'ils commettent dans les propriétés de la banlieue. GLU. Ce mot a été inspiré par la pièce de M. Richepin, _La Glu_, jouée au théâtre de l'Ambigu. La Glu, c'est l'ancienne cocotte, la _belle petite_ ou la _tendresse_ d'hier. «Depuis quelques jours, on appelle ces dames des _Glus_. Le mot fera-t-il fortune? Une jeune glu... une vieille glu... Parmi les glus à la mode... Cela a le défaut de faire pour l'oreille un peu calembourg avec les grues. _Bis in idem._ Cela a l'avantage, par contre, de définir en désignant et surtout de ne pas poétiser le sujet.» (_Monde illustré_, 1883.) GNIASSE (Mon). Je, moi, me. (Richepin.) GNIOLE. V. Delvau. _Gnon._ GONDOLE. «Gondole est passé dans la langue; on le dit couramment de l'objet qui a cessé de plaire, de la toilette de la femme et du talent que l'actualité récuse et dont la mode ne veut plus.--Non, trop gondole! a remplacé le canaille: A Chaillot! d'autrefois.» (_Evénement_, mai 1887.) GONDOLER (Se). C'est, dans l'argot courant, l'équivalent exact de notre expression familière: rire à se tordre. GOSSINET. Petit enfant dans le langage du peuple. «Y a pas classe à la laïque, tantôt; puisque tu es d'enterrement, emmène donc le gossinet; ça l'amusera, c' t' enfant.» (_Petite République française_, février 1887.) GOUPILLONNARD. Clérical, religieux. «Il ne pourra faire autrement... pour obtenir du bon Dieu le service dont a besoin le correspondant du journal goupillonnard.» (_République anti-cléricale_, août 1882.) GOURDE. Niais, imbécile. GRAND SINGE. Président de la République. GRAS. Latrines. (Richepin.) GRATE. Le bénéfice accordé aux commis de nouveautés sur la vente de certains articles. GRATIN. Le gratin, c'est dans l'argot boulevardier l'ensemble du monde élégant ou soi-disant tel. «Les échotiers mondains ont trouvé un mot assez pittoresque, mais par trop irrespectueusement culinaire, pour désigner ce que nos pères--non moins pittoresques, mais plus fleuris dans leur langage--appelaient le dessus du panier. Le mot des échotiers sus-mentionnés, c'est le _gratin du gratin_.» «Elles (les jolies femmes) essaiment comme des papillons. Plus de thés au coin du feu, plus de raoûts intimes où elles ne reçoivent que le gratin.» (Du Boisgobey: _Le Billet rouge_.) De _gratin_, on a forgé le verbe _gratiner_, suivre la mode, être à la mode et l'adjectif _gratinant_, signifiant beau, joli, distingué. «La toquade pour l'instant, c'est la fête de Neuilly, c'est là qu'on gratine. Ce qui veut dire en français moins gommeux: c'est là que le caprice du chic amène tous les soirs hommes et femmes à la mode.» (_Monde illustré_, juillet 1882.) «Grand raoût chez la comtesse S..., un des plus gratinants de la saison. Tout le faubourg y est convié.» (_Figaro_, mars 1884.) GRELOTTEUX, GRELOTTEUSE. Homme, femme à la mode. Le grelotteux et sa compagne la grelotteuse ont succédé en 1884 au gommeux et à la gommeuse. Et maintenant pourquoi grelotteux? Sans doute parce que le plus souvent, épuisés par les orgies, énervés par la vie qu'ils mènent, grelotteux et grelotteuses n'ont plus qu'un sang appauvri, une santé délabrée qui les font trembler à la moindre intempérie. «On rencontre des grelotteux (c'est, je crois, le dernier terme en usage) avec l'habit noir et la cravate blanche chez Bidel...» (_Moniteur universel_, juillet 1884.) «La baraque à Marseille (un lutteur) continue à être chaque soir le rendez-vous du gratin de nos horizontales et de nos grelotteuses.» (_Echo de Paris_, juillet 1884.) «Aujourd'hui le clubman est remplacé par le grelotteux qui dîne au bouillon Duval.» (_Gil Blas_, octobre 1885.) GRECQUER. Tricher au jeu. _Se faire grecquer_, se faire voler au jeu. «J'ai rencontré mon vieux camarade Mavernot qui venait de se faire grecquer dans un tripot clandestin.» (_Gil Blas_, juillet 1884.) GRÈVE. Lieu d'embauchage pour les ouvriers. Pris dans ce sens, le mot n'a point la consécration du _Dictionnaire de l'Académie_ et ne se trouve pas davantage dans le _Dictionnaire_ de Littré. C'est d'ailleurs moins un terme d'argot qu'un néologisme employé aussi bien par le peuple que par l'Administration qui s'en sert dans ses avis officiels, ainsi qu'en témoignent les _Ordonnances de Police_. «Une des grèves les plus curieuses de Paris (ici le mot grève est pris dans le sens de lieu d'embauchage où se réunissent les ouvriers), est celle qui se tient rue Vaucanson, au coin de la rue Réaumur.» (_Rappel_, octobre 1884.) GRILLANTE. Cigarette. Argot du peuple. GRILLER (Se faire). Se faire arrêter, se faire mettre en prison. Les fenêtres du poste de la prison sont garnies de grilles. GRIMACE. Petite boîte en usage dans les administrations publiques et qui renferme des pains à cacheter. Le dessus de la boite sert de pelote à épingles. GRIPPART. Chat. (Richepin.) GROS CUL. Chiffonnier aisé. GRUBLER. Grogner. (Richepin.) GUEULARD. Argot du peuple, de celui surtout qui, par métier, fréquente les Halles. Le _gueulard_ est un individu à la voix claire et forte que louent certains marchands des quatre-saisons pour annoncer le contenu de leurs petites voitures. Ce n'est point une profession à dédaigner que celle de gueulard, et je sais de ces industriels qui gagnent plus de trois francs par jour. Ce sont, il est vrai, les forts ténors de la partie! «... Les autres s'emploient comme gueulards, profession non classée dans le Bottin...» (_Français_, nov. 1884.) GUIGNOL. Gendarme. Argot des voleurs. «Survient-il dans une foire quelque figure rébarbative, le teneur flaire un gaff (un gardien de la paix en bourgeois), ou un guignol (un gendarme en civil)... _Petit Journal_, mai 1886. GUINDER LES PORTES. Argot théâtral. En attacher les deux battants à l'aide de cordes dites _fils_ de façon à pouvoir aisément manœuvrer les décors. H HARICOTER. Spéculer. «Il négocie sur tout, spécule sur tout, gagne sur tout, se mêle à toutes les entreprises, s'immisce à tous les négoces. On appelle cela haricoter.» (_Echo de Paris_, nov. 1884.) HARNACHÉ. Terme de joueurs. Préparé d'avance, falsifié. _Roulette harnachée_, roulette pipée, machinée clandestinement. «Cette affaire de roulette harnachée a fait grand bruit il y a quelques années à Paris...» (_Henri IV_, 1881.) HARNAQUÉ. Même sens que le mot précédent dont il est une déformation. «Il m'a expliqué le fonctionnement de son jeu de courses... qui vient d'être débridé depuis qu'on a constaté l'impossibilité de harnaquer les petits chevaux.» (_Temps_, avril 1887.) HIRONDEAU. Les tailleurs qui changent fréquemment de maisons reçoivent la qualification d'hirondeau. (_Henri IV_, 1882.) HIRONDELLE. Bateau qui, sur la Seine, sert au transport des voyageurs. (V. _Mouche._)--Dans les stations balnéaires, en Bretagne surtout, on désigne sous le nom d'_hirondelle_ le voyageur, le touriste qui vient se promener, prendre des bains de mer ou _faire_ une saison. Comme l'hirondelle, le voyageur vient aux approches du beau temps et disparaît avec la belle saison. HORIZONTALE. Femme galante. Il y a plusieurs sortes d'horizontales. D'abord _l'horizontale de haute marque_, celle dont certains journaux narrent les faits et gestes et qui fait partie du Tout-Paris où l'on s'amuse; puis, _l'horizontale de moyenne marque_, moins haut cotée sur le turf de la galanterie; enfin l'_horizontale de petite marque_ qui n'a pas su réussir comme ses sœurs. Le mot _horizontale_ a été bien accueilli et s'est aujourd'hui répandu un peu partout. Il date de 1883 et fut mis à cette époque en circulation par M. Aurélien Scholl. Voici comment, d'après l'auteur même de _Denise_, les horizontales virent le jour. «Depuis longtemps le baron de Vaux (un rédacteur du _Gil Blas_) qualifiait du doux nom de _tendresse_ les marchandes de sourire. Il disait «une tendresse» comme on dit un steamer, par abréviation. «Désireux de trouver une formule nouvelle, je cherchais un vocable qui pût détrôner la tendresse. Le _Voyage autour de ma chambre_, de X. de Maistre consacre un chapitre entier à la _position horizontale_. J'ai pris le mot de X. de Maistre pour l'appliquer à celles qui sont de son avis. L'_horizontale_ fit fortune. Le baron de Vaux lui servit de parrain... Je n'en ai pas moins le droit de revendiquer ce mot dans l'intérêt des glossateurs...» Cette explication n'a pas été trouvée suffisante par certains étymologistes et d'aucuns veulent que ce mot _horizontale_ soit une réminiscence de ce passage des _Reisebilder_ où Henri Heine parle de la femme qui enseigne à Rauschenwasser la _philosophie horizontale_. Un abonné de _La République française_ fait remonter jusqu'à Casanova l'emploi de ce mot horizontale dans l'acception spéciale qu'il a ici. Je trouve, en effet, dans le numéro du 10 mars 1887 de ce journal la note suivante: «On a discuté ces jours derniers la paternité du mot _horizontale_ qui désigne les vieilles et jeunes personnes d'accès facile. On ne s'est pas avisé, au milieu de tous ces débats, de rechercher si le mot tant revendiqué n'appartient pas de prime-abord à l'un de nos grands amoureux. Celui-ci est Casanova qui parle deux fois des horizontales. V. à ce sujet l'édition italienne de Périno, à Rome.» «Les grandes dames, les cocodettes et celles que, dans leur langage extraordinaire, les mondains appellent les horizontales de la grande marque...» (_Illustration_, juin, 1883.) D'_horizontale_ est dérivé _horizontalisme_, désignant les usages, les habitudes, les mœurs des horizontales et aussi l'ensemble de ce monde spécial. «Le vrai monde ma foi, tout ce qu'il y a de plus pschutt... et aussi tout le haut horizontalisme...» (_Figaro_, juillet, 1884.) HOUSETTE. Botte. HUILE. Officier supérieur, dans la langue verte du troupier. «Le général convie demain dans un repas de trente couverts tous les gros bonnets militaires, ceux que les soldats appellent indifféremment les Huiles ou les Grosses légumes.» (_Figaro_, sept. 1887.) HUILE (A l'). Gratis, pour rien. Argot de coulisses. «Comme un figurant doit toujours faire la première semaine à l'œil, c'est-à-dire à l'huile, en terme de métier...» (_Figaro_, déc. 1885.) HUITRERIE. «C'est la drôlerie de pensée, l'erreur de plume, qui, par précipitation, par manque de réflexion, échappe surtout à l'écrivain.» (J. Claretie: _Le Temps_, avril 1882.) Le mot a été précédemment employé par V. Jacquemont. HURF. Beau, joli. On écrit aussi _urph_. HURLUBIER. Vagabond, idiot, fou. I IGNORANTIN. Frère des Ecoles de la Doctrine chrétienne. On dit aussi _Ignoramus_. «Les ignoramus auxquels la plus grande partie des municipalités ont la faiblesse de confier l'enseignement de la jeunesse ouvrière...» (_Anti-clérical_, mai 1880.) ILOTIER. Ce mot, dans le langage policier, désigne le gardien de la paix chargé de surveiller continuellement un certain nombre de rues, toujours les mêmes et qui forment, pour ainsi dire, les limites d'un îlot. «Il est clair qu'après le passage de l'îlotier en un point déterminé, ce point reste un certain temps dégarni.» (_Petite République française_, mai 1882.) IMPÉRATRICE (Faire l'). Le français ne bravant pas l'honnêteté dans les mots, il est impossible de traduire ici cette locution fort usitée chez les non-conformistes. Aux lecteurs trop curieux, je rappellerai les singulières relations de Julia et Pompée, et les renverrai, les lecteurs, à un ouvrage aussi curieux que rare: _Centuria librorum absconditorum_. pp. 404 _et circa_. INDIENNE. Vêtements, effets. Argot des voleurs. «De quoi! de quoi! il va me fusiller mes indiennes! Veux-tu laisser ça ou je te mets une pouce.» (Humbert: _Mon Bagne_.) INFLUENCÉ (Être). Être légèrement ivre. INSECTE. Gamin. INSÉPARABLES. Cigares qui se vendent quinze centimes les deux; les débitants n'en délivrent pas moins de deux à la fois. «Cela lui permet, l'aristo, de fumer orgueilleusement des inséparables de choix.» (_Dix-neuvième Siècle_, avril 1885.) INTERVIEWER. Encore un mot d'importation anglaise qui joue chez nous le double rôle de verbe et de substantif. Il signifie selon le cas, _interroger_, _questionner_ ou _reporter_, _courriériste_. Ex.: «Félicie L... est passée de vie à trépas, sans accompagnement de chroniqueur. Aucun reporter n'est allé _interwiever_ la regrattière d'en bas, ou la repasseuse du cinquième.» (L. Chapron.) «Je vous dérange, mademoiselle, mille excuses! Blowitz, interwiever... le grand interwiever Blowitz... C'est ma spécialité de tirer les vers du nez aux personnalités en vue.» (P. Ferrier.) INVITEUSE. Fille qui sert dans les brasseries. «L'inviteuse, c'est l'agente provocatrice du consommateur.» (_Citoyen_, avril 1882.) J JABLO (Grand). Lumière électrique. Argot du peuple qui trouve trop difficile à prononcer le nom de Jablockoff. JACOBITE. Argot politique. On appelle ainsi tout légitimiste dissident du comte de Paris et rallié à la cause de don Jayme, c'est-à-dire Jacques, fils aîné de don Carlos. «M. Cornély consacre dans le _Matin_ un article aux Jacobites ainsi que ce journal quatricolore nomme les rares partisans de la candidature royale des princes de la maison d'Anjou.» (_Univers_, juillet 1884.) JACQUES (Faire le). Argot militaire. Manœuvrer et, plus spécialement, manœuvrer en décomposant. S'applique de préférence aux exercices de l'Ecole du soldat. (Ginisty: _Manuel du parfait réserviste_.) JAM' DE LAV'. Traduction: Jamais de la vie! Expression couramment usitée il n'y a point longtemps encore et qui tend à tomber en désuétude: «On lui dit... qu'il serait bien aimable de verser une cinquantaine de francs à la caisse de l'agence.--Jam' de lav'! répond le jeune homme.--Comment! jamais de la vie? reprend l'employé de l'agence, qui comprenait le parisien.» (_Figaro_, 1886.) JÉROMISTE. Partisan du prince Jérôme Napoléon. «Et en effet la dégringolade des intransigeants, collectivistes et anarchistes est tout aussi marquée que celle des ultramontains et des jéromistes.» (_Henri IV_, 1881.) JOSEPH. Couteau. Argot des malfaiteurs. «Bébé, condamné a mort pour un simple coup de Joseph.» (A. Humbert: _Mon Bagne_.) JOSÉPHINE. La cagnotte, dans le jargon des joueurs. _Bourrer Joséphine_; entretenir la cagnotte. «Le gérant propriétaire du cercle ne tolère cette débauche que parce que ledit croupier bourre fortement Joséphine.» (_Tricolore_, mars 1884.) V. sur une autre acception de _Joséphine_, _infra_ au mot princesse. JOUER LE POINT DE VUE. Argot de cercle ou mieux de tripot. «De la même famille est la «ficelle» qui consiste à suivre les cartes pendant leur distribution; il y a des banquiers qui les donnent très haut, et l'on peut arriver, avec une certaine habitude, à les voir par-dessous. Si l'on aperçoit un neuf, on ajoute (à sa mise) tout ce qu'on peut ajouter. Cette grosse indélicatesse s'appelle jouer le point de vue.» (Carle des Perrières: _Le Monde qui triche_.) JOUER LE MOT. Argot théâtral. Souligner chaque mot à effet au point d'atténuer le caractère général du personnage qu'on représente. JOUER A L'AVANT-SCÈNE. Argot théâtral. Dire son rôle le plus près possible de la rampe de façon à se mettre en plus intime communication avec le public. JUS. Voici un mot qui, en argot, a plusieurs sens et notamment deux acceptions bien opposées. On le trouve, en effet, dans Delvau et Larchey comme synonyme de vin, mais il sert aussi à désigner l'eau. Je l'ai plusieurs fois entendu prononcer avec ce dernier sens. Les uns disaient _jus de grenouille_ et les autres _jus_, tout court. «L'autre le suit, l'empoigne par sa ceinture et le lance dans la Seine en disant: Va dans le jus.» (_Gazette des Tribunaux_, août 1884.) L LAD. Garçon d'écurie. «Autour du favori un cercle s'est formé pendant que les lads sellent le cheval sous la surveillance de l'entraîneur.» (_Vie Parisienne_, 1882.) LAÏQUE (La). L'école laïque. «Ya pas classe à la laïque, tantôt, puisque tu es d'enterrement, emmène donc le gossinet; ça l'amusera c't'enfant.» (_Petite République française_, février 1887.) LAMA (Grand). Chef, maître suprême. «Le grand lama est arrivé hier soir. Pendant que M. Raynal se couchait, affolé par les toasts et les feux d'artifice à Montauban, M. Ferry débarquait à Cahors.» (_Figaro_, avril 1884.) LAMPION ROUGE. Poste de police. Allusion aux réverbères à vitres rouges qui indiquent les postes et les commissariats de police. LANGOUSTE. Argot du peuple. Chaussettes. LANCINER. Ennuyer. _Lancinant_, ennuyeux. LANGUILLEUR. «Joseph, deux fois par semaine, exerce au marché de la Villette la profession peu connue de languilleur. Le languilleur est l'homme auquel on amène, avant de les tuer, les cochons vivants. Il les empoigne par le cou et les serre jusqu'à ce qu'ils tirent la langue. Il la saisit et y cherche une tache qui, si elle existe, prouve que la bête n'est pas saine et doit être refusée par les bouchers.» (_Paris-Journal_, 1882.) LANTERNER. N'être plus apte aux choses de l'amour. «--Dis-moi, petite... crois-tu que...?--Dame! vous savez, monsieur, avec mamz'elle, faut pas lanterner...--Ben oui! mais voilà! à présent c'est que j'lanterne!...» (_Almanach des Parisiennes_, 1882.) LAOUTH. Cheval. Argot des régiments d'Afrique. LAPIN DU BOIS DE BOULOGNE. Filles publiques qui, l'été venu, font élection de domicile au Bois de Boulogne, _quaerentes quos devorent_. «Ces amoureuses vagabondes, qu'on appelle en langage familier les lapins du Bois de Boulogne et qui ont à leur arc plusieurs cordes...» (_République française_, juin 1885.) LARDON. Jeune homme. Argot du peuple. «C'que c'est que la vie! On était quat'cinq lardons. On a tiré ensemble quinze berges de rigolade, de flemme et de jeunesse.» (_Mirliton_, journal, oct. 1885.) LARGE (Envoyer quelqu'un au). L'envoyer promener. «Hier, je comptais presque sur lui... Ah! bien ouiche! il m'a envoyé au large.» (_Vie Parisienne_, 1882.) LAVER! (Va te). Expression injurieuse, synonyme de: Vous m'ennuyez! LEDRU-ROLLIN. Ouvrier ébéniste. Argot du peuple et notamment des ouvriers du faubourg Saint-Antoine. «Plusieurs maisons du côté de la rue de Charonne sont toutes pleines d'ouvriers de ce genre qui ont leur établi chez eux et qui travaillent pour la trôle. Quelques-uns portent un nom spécial. On les appelle les _Ledru-Rollin_, parce que les bâtiments où ils ont leur nid appartenaient à l'ancien montagnard de 1848 et sont encore aujourd'hui la propriété de sa veuve.» (J. Vallès: _Tableau de Paris_.) LÉGITIMARD. Partisan du comte de Chambord, de la monarchie légitime.--Qui se rapporte à la monarchie. «De Chambord, le vingt-neuf septembre, Les légitimards ont fêté Par un petit banquet en chambre L'anniversaire peu vanté.» (_L'Esclave Ivre_, no 4.) LÉSÉE. Femme. «La frangine! Je n'y ai seulement pas parlé! Elle ferait bien mieux de s'occuper de ses lésées (femmes)!» (A. Humbert: _Mon bagne_.) LÉGUME. Fonctionnaire. _Gros légume._ Fonctionnaire puissant et haut placé. LEVER. Trouver. «Il avait appris par un de ces industriels de son monde qui ont la spécialité de lever les chopins (de dénicher des affaires)...» (Humbert: _Mon bagne_.) LICHE-A-MORT. Buveur intrépide. Langage plus que familier. «Il absorbe une bouteille qui file gentiment, puis une seconde; jamais on n'avait vu un liche-à-mort de sa force.» (_Gazette des Tribunaux_, juillet 1884.) LICHER LE MORVIAU. (Se). S'embrasser. LICHOTER UN RIGOLBOCHE. Argot du peuple. Faire un bon dîner. «On va trimballer sa blonde, mon vieux; nous irons lichoter un rigolboche à la place Pinel.» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) LICO. Immédiatement. Abrév. d'_illico_. LIGNE. Bande d'individus. LIGOT. Grande ficelle dont se servent les agents de police et qui entoure le poignet droit, puis le corps, à la ceinture. LITTÉRAL. Argot des élèves des écoles militaires qui désignent ainsi le petit livre où se trouvent la théorie, les principes de la manœuvre, livre qu'il faut savoir littéralement par cœur. «Salle affreuse, où de la théorie Nous avons tant beuglé le littéral, Adieu...» (_Echo de Paris_, avril 1884.) LOCATIS. Mauvaise voiture de louage. LOUFLON. Fils de franç-maçon. LOUP. Dans l'argot théâtral, défaut que produit un vide dans l'enchaînement des scènes. «Les auteurs ont fort bien senti qu'il y avait là un loup comme on dit en style de coulisse, et ils ont essayé de le faire disparaître...» (A. Daudet.) LOURDIER. Concierge, portier. Argot des voleurs, des joueurs de bonneteau. V. _Chocolat_. LUIS. Jour. Delvau donne _luisant_. LUISANT. Le descendant direct du _dandy_ et du _lion_. De mode en 1884, ce qualificatif n'a point tardé à être délaissé. «De toutes les appellations données depuis le commencement du siècle aux créateurs de la mode et de l'élégance, celle qui se rapproche le plus du type baptisé aujourd'hui _luisant_ est le _lion_.» (_Gaulois_, 1884.) LUNDISTE. V. Delvau: _Lundicrate_. «Ce fut cette fois un succès éclatant. J'ai voulu lire les appréciations des lundistes d'alors, j'y ai trouvé ce que j'attendais.» (P. Perret.) LUNE. Pièce de vingt sous. Argot du bagne. «On arrivait à supprimer tout risque en achetant à la fois le servant et l'argousin. L'un ne coûtait pas plus cher que l'autre. C'était affaire de quelques lunes.» (Humbert: _Mon bagne_.) LUNETTES (Donner une paire de). Argot des joueurs de billard. Livrer deux billes tellement rapprochées que l'adversaire ne peut manquer de caramboler. LURETTE (Belle). Longtemps: Corruption de _belle heurette, il y a belle heure que_... LUX. Jargon des lycéens, qui entendent parler ainsi du jardin du Luxembourg. M MABOUL. Niais, un peu fou. «Suivant l'expression d'Eugène Tourte, elle était un peu maboule, rêvassant près de son bon ami à des amours câlins. (Huysmans: _Les Sœurs Vatard_.) «Le père? dit Landart, il ne peut pas gagner sa vie; malheureusement il est un peu maboul.» (Sirven et Siegel: _Les Drames du Mont-de-Piété_, 1886.) MACARONI. C'est ainsi que les gens de bourse désignent plaisamment dans leur jargon le fonds d'Etat italien. «Le Macaroni se cramponne; il voudrait se fixer, ou, si vous aimez mieux, se figer au pair.» (_Gil Blas_, juin 1887.) «Le bourgeois commerçant ou boursicotier dit: Je prends ferme; le macaroni se soutient; les huiles fléchissent.» (_Gazette de France_, octobre 1886.) MAGASIN. Trottoir, dans le jargon des filles et de leurs souteneurs. «C'est là (dans un cabaret) que les macs vont régler leurs affaires avec leurs marmites lorsqu'elles arrivent du magasin.» (_Courrier Français_, nov. 1888.) MAGNUM. Bouteille de capacité plus qu'ordinaire. Argot de restaurant. «Quelques-uns des prix méritent d'être cités. Ce sont d'abord six bouteilles de Château-Lafitte, 1865--de ces doubles bouteilles qu'en style de sommelier on appelle des magnum...» (_Lanterne_, décembre 1884.) MAHOMET. Petit sac de cuir que les forçats portent suspendu sur la poitrine, entre la peau et la chemise et qui leur sert à enfermer leurs économies.» (V. Humbert: _Mon bagne_.) MAIN (Acheter à la). Acheter comptant. «Il joignait à ce commerce connu... les prêts usuraires à la petite semaine et la vente au bazar avec de gros bénéfices, d'objets fabriqués en salle et qu'il achetait à la main, bien au-dessous de leur valeur.» (Humbert: _Mon bagne_.) MALFRAT. Argot des vagabonds. Le malfrat est un ouvrier travaillant parfois dans les carrières situées aux environs de Paris, mais qui cherche surtout dans ces carrières un gîte et un abri pour échapper aux recherches de la police. Le malfrat s'appelle aussi _malfera_ ou _malfranc_. MALGACHE. Argot boulevardier. Ce mot, synonyme de chic, d'élégant, n'a pas vécu. D'ailleurs il n'était pas né viable et avait été mis en circulation en 1886, alors qu'un certain nombre de Malgaches étaient venus s'exhiber au Jardin d'acclimatation. «De mondaines, peu ou point; en revanche, plusieurs de nos mousseuses les plus malgaches étaient là.» (_Evénement_, février 1887.) MALHEUREUX. C'est ainsi que dans les gargotes, dans les restaurants à bas prix, le consommateur nomme le dessert connu sous le nom de quatre mendiants. «Garçon, un lapin chasseur, un panaché, quatre-malheureux et un litre de piccolo, cria notre voisin de table.» (_Gagne-Petit_, mai 1886.) MALLE EN CUIR. Solliciteur. Argot des officiers de marine qui désignent ainsi ceux de leurs camarades sans cesse voyageant... sur la ligne de Paris, une petite valise à la main, pour aller solliciter une faveur quelconque au Ministère. MANGEUR. Dénonciateur, espion. Argot des prisons. «Ce sont les révélateurs qu'on appelle les mangeurs, la musique.» (J. Vallès.) MANIER (Se). Se masturber.--Se sauver, fuir. MANTEAU. Argot théâtral. Rôle où l'acteur porte un manteau. (Littré.) «Il avait, comme artiste, une scène de composition, une autorité de manière qui, jointes à une excellente diction, faisaient de son jeu dans les rôles proprement appelés les manteaux un sujet d'études des plus attrayants.» (_Revue britannique._) MAQUIGNON A BIDOCHE. Variété de souteneur. MARCHAND DE CIRAGE. Commandant d'un navire. Argot du bagne. «Est-ce que le marchand de cirage (elles appelaient ainsi le commandant) nous faisait peur?» (Humbert: _Mon bagne_.) MARCHAND DE PUCES. Argot militaire. Individu qui a dans les régiments la fourniture des lits. MARCHÉ DES PIEDS HUMIDES. La petite Bourse qui pendant longtemps s'est tenue en plein air; les spéculateurs étaient ainsi exposés à toutes les intempéries, et, quand il pleuvait, pataugeaient dans les flaques d'eau. «Le marché des pieds humides qu'on est venu plaisanter, est bien plus loyal qu'on ne le pense. Là, pas d'affaires à terme; argent contre titres; titres contre argent.» (_Le Mercure_, journal, 1882.) MARCHFELD. C'est ainsi que les élèves de l'Ecole de Saint-Cyr appellent le champ de manœuvres. «Que les jours d'hiver nous parurent longs, les après-midi sombres pendant lesquels nous épelions le _b a ba_ du métier dans le marchfeld que balayaient âprement les bises.» (Maizeroy: _Souvenirs d'un Saint-Cyrien_.) MARGOUILLAT. Argot militaire. Spahis. MARIAGE DE GARNISON. Liaison qu'un militaire en garnison contracte avec une femme et qui n'a pas d'autre durée que celle du séjour dans la garnison. MARIE-JE-M'EMBÊTE. (Faire sa). Faire des façons; se faire prier. «Ah çà! voyons! quand tu resteras là à faire ta Marie-je-m'embête! Ça n'avancera à rien! Venez-vous oui ou non? (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) MARIE-MANGE-MON-PRÊT. Argot militaire. Maîtresse du soldat. MARINE. Argot des lycéens. Est _marine_ dans leur jargon, le camarade qui se prépare à l'école navale. MARQUE. Femme qui a deux cordes à son arc: la prostitution et le vol. MARQUE-MAL. Individu contrefait.--Variété de souteneur. MARTIN. Argot des marchands de vin qui désignent ainsi un horrible breuvage composé d'eau-de-vie de marc teintée de cassis; d'où marc teint et de là Martin. «Si parfois un étranger vers les deux heures du matin, vous offre un martin, prenez garde! Cette boisson traîtresse en diable produit sur l'organisme les effets les plus désastreux.» (_Charivari_, octobre 1885.) MASSEPAIN. Individu sur lequel on fait, dans certaines maisons, des... expériences, _in anima vili_.--Argot militaire: Valet d'un jeu de cartes. MATATANE. Argot militaire. Salle de police. MATÉRIELLE. «Et alors, quelques malheureux pontes... se sont livrés au terrible travail qui consiste à gagner avec des cartes le pain quotidien, ce que les joueurs appellent la matérielle.» (Belot: _La Bouche de Madame X_.) MATH. Mathématiques. Argot des collégiens. «Ils (les médecins) démolissent l'infranchissable barrière qui, dès le collège, sépare les forts en math des forts en thème.» (_Evénement_, août 1885). «Je suis obligé de les bûcher très dur, ces sales math!» (_Vie Parisienne_, février 1888.) MATHURIN. Matelot. «Je veux parler du simple matelot à qui l'on donne le nom de mathurin, de même qu'on gratifie le soldat du surnom de Dumanet.» (_Figaro_, 1882.) MATHURIN. Nom que les marins, par plaisanterie, donnent aux navires en bois. «Est-ce que vous voudriez rétablir ces vieux mathurins, comme nous les appelons, pour remplacer les bateaux à vapeur?» (Amiral Saisset: _Journal officiel_, janvier 1872.) MATRICULER (Se faire). Se faire punir. Argot militaire. MAUBERT, MAUBERTE. Argot des voyous qui désignent ainsi l'homme, la femme nés dans le quartier de la place Maubert, la place _Maube_: comme ils disent, ou y habitant. «Celle-ci est née rue Galande. C'est une Mauberte, et les Maubertes ne rompent jamais tout à fait avec leur famille...» (Du Boisgobey: _Paris-Bandit_.) MAUVAISE! Exclamation qu'emploient les enfants dans la plupart de leurs jeux pour signifier à leur adversaire que le coup qu'ils viennent de jouer ne compte pas. (V. _Bonne_.) MEC. Souteneur. «C'est tout d'même chouette pour [une pierreuse] D'avoir un mec comme celui-là? (De Gramont: _La Femme à Polyte_.) MEC A LA REDRESSE. Tout individu qui en impose par ses qualités ou ses vices. «Seules, quelques individualités hors pair, des mecs à la redresse, parviennent à se faire dans l'opinion une haute place.» (Humbert: _Mon bagne_.) Aujourd'hui le mot _mec_ a pris une très grande extension. Il s'emploie pour désigner avec mépris un individu quelconque. MÉDAILLE (Avoir la). Argot de sport. «Il y a une expression consacrée dans l'argot du turf et qui est très significative: _Avoir la médaille_. On dit d'un monsieur qu'il a la médaille quand il fait une _commission_ pour le compte du propriétaire. Cela veut dire qu'il est _commissionnaire_. Il a la médaille. Dès qu'on s'aperçoit qu'un monsieur a la médaille, c'est-à-dire qu'il a reçu mission du propriétaire de parier pour son cheval, il ne reste plus qu'à lui emboîter le pas...» (_Paris Illustré_, 1884.) MÉGOTTIER. Industriel qui ramasse les bouts de cigares, les _mégots_. «Là, sont réunis pêle-mêle des biffins... le mégottier avec son pistolet à la saindhomme.» (_Réveil_, 1882.) MÉLASSON. Niais, imbécile. «Faut-il que vous soyez mélasson pour vous être ainsi fourré la gueule dans le beurre!» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) MELON. On appelle ainsi au prytanée militaire tout élève faisant partie du troisième bataillon. «C'est au troisième bataillon des élèves, c'est-à-dire au bataillon des melons que l'agitation est très grande.» (_Revue alsacienne_, juillet 1887.) (V. _Melon_ au Dictionnaire.) MÉNAGE À LA COLLE. V. Delvau: Mariage à la détrempe. «Les commissaires iront-ils vérifier le désintéressement de 60,000 ménages à la colle qui se cachent dans les faubourgs?» (_Télégraphe_, 1882.) MENDIGOT. «Le mendigot n'est pas tout à fait le mendiant. Le mendigot est une sous-variété du trimardeur. Il va mendier dans les châteaux ou dans les maisons aisées et renseigne les _Monteurs de coups_.» (Clairon, 1882.) MENEUSE. Femme qui attire le passant dans une rue écartée pour le livrer à des _travailleurs_ qui le volent toujours et l'assassinent quelquefois. MENFOUTISTE. Indifférent, sceptique. La paternité de ce mot qui a jusqu'ici vécu appartient à M. Aurélien Scholl. «Le grand parti des menfoutistes fait chaque jour de nouvelles recrues. L'indifférence a gangrené tous les cœurs.» (_Evénement_, 1884.) De _menfoutiste_ est dérivé _menfoutisme_, synonyme d'indifférence, de scepticisme. «Le menfoutisme a soufflé aujourd'hui sur toutes les conventions, sur tous les partis sociaux, sur toutes les illusions, sur toutes les croyances.» (_Evénement_, 1884.) Il parut en cette même année 1884 au mois de janvier un canard qui avait pour titre: _Le Jemenfoutiste_. MÉQUILLON. Variété de souteneur. MERDE DE PIE. Pièce de cinquante centimes. Argot du bagne. «Un blavin! Tu me le redemanderas demain pour une merde de pie.» (Humbert: _Mon bagne_.) METTRE EN BRASSERIE (Se). Servir dans une brasserie. «Cédant à des suggestions funestes, elle se mit en brasserie, c'est l'expression consacrée.» (F. Sarcey: _XIXe Siècle_, 1881.) METTRE DU LINGE SUR SES SALSIFIS. Mettre des gants. METTRE DU PAIN DANS LE SAC DE QUELQU'UN. Lui faire son affaire; le battre, le tuer. METTRE UNE POUCE. Frapper, battre. «De quoi, de quoi, il va me fusiller mes indiennes (me voler mes vêtements). Vas-tu laisser ça? ou je te mets une pouce.» (Humbert: _Mon bagne_.) MEUBLER. Réparer des ans l'irréparable outrage, se mettre de faux mollets, de faux appas. «--Je suis devenue si maigre que je n'ose mettre une robe décolletée.--On met un corsage carré.--Impossible aussi, car il faut encore meubler le carré et avoir des bras.» (_Le Voltaire_, 1882.) MIC-MAC. Difficulté, complication, chose inintelligible. «C'est un mic-mac où personne ne comprend rien.» (Zola: _Pot-Bouille_.) MIGNOTER. Cajoler, embrasser, faire mignon. «Elle mignotait Céline, sa préférée, dont la tignasse jaune de chrome l'intéressait.» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) MILLE. Argot des libraires. L'édition totale d'un ouvrage, d'un roman quelconque, étant donné--ce qui est une supposition--que cet ouvrage est tiré à mille exemplaires. «Depuis quelque temps on lit sur la couverture des volumes d'une maison de librairie: _Premier mille_ ou _sixième mille_ ou _dixième mille_. Mille quoi? Mille exemplaires, cela se devine, mais cela n'en est pas moins de l'argot et quel argot!» (_Evénement_, 1883). «Le dernier roman de M. Daudet a eu une envolée heureuse. Le cinquantième mille est depuis longtemps dépassé.» (_Français_, juillet 1884.) MILLE (Mettre dans le). Réussir pleinement. MILLE-PATTES. Fantassin. MINCE! Exclamation qui répond à zut! ou à: ah! non! alors! «Ah! mince alors! si les billes de billard se mettent à moucharder la jeunesse.» (Meilhac et Halévy: _Lolotte_.) A aussi le sens de _beaucoup_. MINERVE. Argot de joueurs. Filouterie qui rappelle celle dite du _neuf de campagne_. (V. cette expression). «D'ordinaire, le baccara se joue avec deux cartes dont l'assemblage forme le point et, si le banquier veut bien y consentir, une troisième qu'il donne découverte au tableau qui la demande. Quelquefois dans ces trois cartes il n'y a pas de quoi gagner sa vie, au contraire. Les malins en ont ajouté une quatrième, cachée celle-là qu'ils tiennent dans leur main gauche et que, par un travail analogue à celui dont j'ai parlé plus haut, ils arrivent à substituer à l'une de celles qui leur sont données régulièrement. D'habitude, les prestidigitateurs qui font la minerve adoptent un quatre ou un cinq, une carte qui peut s'adapter à toutes les combinaisons pour faire un point très honorable.» (C. des Perrières: _Paris qui triche_.) MITAINE. Voleuse, détourneuse à la mitaine. Femme portant des souliers très plats, sans talons et qui, dans un magasin, fait tomber des objets qu'elle ramasse avec le pied déchaussé et cache dans son soulier. Cette sorte de voleuse ne s'attaque, en général, qu'aux dentelles de prix. MITRAILLEUSE (Etouffer une). Boire un verre de vin. MIXTE. Argot des gens à la mode pour qui cet adjectif, détourné de son vrai sens, a remplacé le mot _épicier_ qu'on prit en 1830 et longtemps après cette époque pour désigner toute chose commune, de mauvais goût, toute personne ayant un genre vulgaire. L'expression _être mixte_ couramment employée en 1886 est aujourd'hui abandonnée. «Quant au rire, n'en parlons pas; rire n'est plus seulement canaille, c'est mixte.» (_Gazette de France_, janvier 1886.) MOBILISER (Se). Faire un voyage. Allusion à l'essai de mobilisation fait en 1887 dans le sud-ouest. «Je me suis mobilisé; j'ai bouclé une valise, pris une voiture...» (_Voltaire_, septembre 1887.) MOC-AUX-BEAUX. Quartier de la place Maubert.--On dit aussi _Mocaubocheteau_. «Les mèques de la Mocaubocheteau, v'là des mèques sérieux, des gonsiers qui crachent noir comme de l'encre... (Humbert: _Mon bagne_.) MODÈLE (Vieux). Grand-parent. «Il avait éloigné tous les vieux modèles, comme nous disons au couvent, pour désigner les grands-parents.» (_Vie Parisienne_, 1882.) MODISTE EN RAGOÛT. Cuisinière. Argot des garçons bouchers. MOELONNEUSE. Femme qui se prostitue dans les chantiers. MOL ou MOLLE (Être). Argot du peuple. N'avoir pas d'argent; être sans le sou. MÔME BASTAUD. Individu aux mœurs inavouables et qui se prête à toutes les exigences. «--Et de la môme?--De la môme bastaud, oui, tant que tu voudras... les autres, de la peau.--Chouette alors.» (Humbert: _Mon bagne_.) MOMENTANÉE. Femme galante avec laquelle on n'a qu'un entretien d'un moment. Deux journalistes ont réclamé la paternité de ce mot. M. Pierre Véron d'abord qui l'aurait imprimé tout vif dans le _Charivari_ du 17 août 1885; M. Guillaume Livet, ensuite, qui l'a inventé et donné dans le _Figaro_ en 1884. MONÔME. Promenade qu'exécutent à Paris et à l'époque des examens, les candidats aux diverses écoles du gouvernement. Le monôme consiste à marcher l'un derrière l'autre, en file indienne. Le monôme le plus connu est celui de l'X. MONSIEUR BAZAR. Argot de l'école de Saint-Cyr. Le Saint-Cyrien lui-même. «La dernière quinzaine a été dure pour Monsieur Bazar, ainsi que se qualifie l'élève de l'Ecole militaire.» (_Soleil_, 1887.) MONTER LE BALUCHON (Se). (V. Delvau.) Se monter le coup. MONTER UN CHOPIN. Argot des voleurs. Préparer un mauvais coup, un vol. MORT. Malade. Argot des élèves de l'Ecole de Saint-Cyr. _Se faire porter élève-mort._ MOUCHE. On désigne ainsi à Paris les bateaux à vapeur qui font sur la Seine un service de transport à l'usage des voyageurs. «Malgré... les chiens et les chevaux qu'on baigne... les bateaux qu'on décharge, les mouches qui passent en fouettant l'eau de leurs ailes et en la troublant de leur fumée, la Seine largement engraissée par les détritus de la grande ville abonde en poissons.» (Bernadille.) On désigne aussi ces bateaux sous le nom d'_hirondelles_. MOUCHE A MIEL. Argot des écoles. Se dit des aspirants à l'Ecole centrale. MOUF. Abréviation de Mouffetard. _La rue Mouf_, la rue Mouffetard. «Le garçon du marchand de vin d'à côté secouait un panier à salade et quelques gouttes d'eau atteignirent le front de la jeune fille qui se retourna et s'écria avec une voix de rogomme et le plus pur accent mouf-mouf: Ah! mince... tu pourrais donc pas secouer tes pissenlits d'équerre, espèce ed'mastroc empaillé!» (_Clairon_, 1882.) MOUFION. Mouchoir; _Moufionner_, se moucher. MOUILLER. Argot théâtral. Jouer bien.--_Mouiller à_ ou _dans_; toucher des droits d'auteur. MOUILLER LES PIEDS (Se). Aller à Nouméa. «Interrogé, il s'écria: Vous me ferez faucher le pré, mais je ne veux pas que les camarades se mouillent les pieds.» (_Evénement_, 1882.) MOUKALA. Fusil. Argot des régiments d'Afrique. MOUSCAILLEUR. Vidangeur. «Là sont réunis pêle-mêle des biffins... des mouscailleurs.» (_Réveil_, 1882.) MOUQUETTE. Femme galante. Le mot a été pour la première fois, croyons-nous, lancé par M. Delpit. Le romancier était-il alors hanté par le souvenir de l'héroïne de _Germinal_, la _Mouquette_, car le livre de Zola venait de paraître, cela est possible, mais nous n'affirmons rien. Toujours est-il que peu de temps après l'apparition de ce mot, un rédacteur du journal _Le Dix-neuvième siècle_ en donnait cette étymologie, très vraisemblable d'ailleurs: «Les Arabes appellent les femmes _moukair_; les _soldats_ d'Afrique ont rapporté ce mot en France, et, chez les ouvriers qui ont fait campagne en Algérie, il n'est pas rare d'entendre adresser aux femmes l'appellation de _mouquerre_, corruption évidente de moukair. C'est d'ailleurs le mot espagnol _mujer_ prononcé avec l'accent guttural. C'est _mouquerre_ qui est le père de _mouquette_. La généalogie du nouveau mot peut donc ainsi s'établir: _moukair_, mot arabe ou espagnol; _mouquerre_, mot d'argot de barrière; _mouquette_, mot d'argot pschutteux.» Qu'en pense M. Delpit? «La mouquette de haute marque qui vient de faire sa vente...» (_Evénement_, 1885.) MOUSSEUSE. Femme galante, à la mode. «Mousseuse est pimpant, léger, provocant, vaporeux; mousseuse donne bien l'idée du bruissement de la soie, du froufrou du satin, de la joyeuse envolée des jupes de batiste et de dentelles. La mousse est ce qui brille, scintille, pétille, émoustille. Voilà pourquoi _mousseuse_, un mot significatif et complet, mérite droit de cité; voilà pourquoi _mousseuse_ court grand'chance d'être adopté par la gent boulevardière... Les débutantes ès-galanterie deviendront des _moussettes_.» (_Voltaire_, mars 1887.) MOUVEMENT (Être dans le). «Cet hôte arrivait de Paris; il avait un nom connu presque célèbre, il était dans le mouvement...» (De Montépin: _Sa Majesté l'Argent_.) MUFFÉE. Argot du peuple pour qui ce mot est synonyme de verrée. «D'temps en temps, un' pauv' muffée au Caveau ou chez les bistros de la Révolte.» (_Mirliton_, journal, octobre 1885. ) MUFFÉE (En avoir une vraie). Être gris, en état d'ivresse. MUSELER. Imposer silence.--_Se museler_, se taire. MUSIQUE. Dénonciateur. «Il est trop musicien!» (_Gil Blas_, 1882.) «Bon enfant au surplus, du sang et pas de musique (incapable d'une dénonciation).» (Humbert: _Mon bagne_.) MUSIQUE. (Faire, jouer de la). Dénoncer. N NAVARIN. «L'étalier connaît les clients, leur mesure les égards et vend aux pauvres le navarin, c'est-à-dire les rognures, les balayures de l'étal, à raison de dix sous la livre.» (_L'Esclave ivre_, no 3.) NÉGOCIANT EN VIANDE CHAUDE. Souteneur. NET. Dans le langage des ouvriers, atelier net, atelier que des ouvriers mettent en interdit et où ils défendent à leurs camarades d'aller travailler. NETTOYER UN BOCART. Piller une maison. NETTOYER LES LUCARNES. Dessiller les yeux. «O Mentor, vous me nettoyez les lucarnes, s'écria Idoménée.» (_Les mistouf's de Télémaque._) NEUF DE CAMPAGNE. Argot de joueurs. Procédé peu délicat employé par le ponte vis-à-vis du banquier et que dévoile ainsi M. Carle des Perrières dans son livre: _Paris qui triche_. «Dans sa poche il (le ponte) a son neuf tout prêt; valet de pique, neuf de cœur; rien n'est plus simple. Lorsque la main arrive à son tour, le _neuf de campagne_ est extrait de sa poche pour passer dans sa main gauche; le banquier donne les cartes; le ponte s'en empare comme c'est son droit et sous prétexte d'empêcher ses voisins de voir son point, parce que, dit-il, cela lui porte la guigne, il fait disparaître les deux cartes qu'on vient de lui donner dans ses deux mains rapprochées; il substitue son valet de pique et son neuf de cœur aux deux cartes qu'il a reçues et abat sur le tapis un magnifique neuf de campagne...» (V. _Minerve_.) NID A POUSSIÈRE. Nombril. NINGLE. Fille publique. «Les souteneurs... se réjouissent de voir les jours diminuer et par conséquent les nuits augmenter, double avantage pour les fils de Neptune et leurs ningles.» (_Estafette_, 1882.) NOCER EN PÈRE PENARD. S'amuser tout seul. Faire un bon dîner ou une orgie seul. L'expression est usitée surtout dans le quartier Saint-Antoine. NOIRE-FONTAINE. Encrier. Argot des élèves de l'École de Saint-Cyr. NOIX (Être dans la). Avoir de la chance, être heureux. Un boucher aurait lancé cette expression, d'ailleurs peu usitée, que cela ne serait point surprenant. Le gîte à la noix n'est-il pas un des meilleurs morceaux du bœuf et ne recommandez-vous pas à votre cuisinière de vous choisir un morceau dans la noix? _Être dans la noix_ a donc tout d'abord et naturellement signifié ce qui est bon, puis a dévié peu à peu de ce sens pour prendre celui que nous indiquons. «Quinze cent louis de bénéfice! Très pur! Vous êtes dans la noix, dites, alors? Donnez-moi un cheval. Soyez assez blêche pour me prendre dix louis du gagnant?» (_Vie parisienne_, juin 1884). NOUNE. Argot du bagne. Receleur qui suit le voleur à la tire et reçoit la _camelotte_ à mesure que son associé opère. (V. Humbert: _Mon bagne_.) NOURRIR. En argot de Bourse, «_nourrir_ des titres c'est les conserver de liquidation en liquidation en les faisant reporter. On paye les différences, les reports, les courtages, on nourrit. A force de nourrir, on arrive même quelquefois à en mourir de faim.--X... nourrit deux cents Lombards depuis le mois de juin et Y... cinq mille Italiens--il ne faut pas prendre l'expression au pied de la lettre». (_Don Quichotte_, 1884.) NOURRISSEUR. Voleur qui dévalise les appartements dont les maîtres sont en voyage. La banlieue de Paris est pendant l'hiver infestée de nourrisseurs qui _déménagent_ les villas. NOURRISSON. Argot des employés de la Banque de France qui désignent ainsi le négociant gêné qui ne demande que du temps pour rétablir son crédit et auquel un banquier a prêté de l'argent. NOVEMBRE 33 (Un). Officier à cheval sur tous les règlements militaires dont la loi fondamentale est celle du 2 novembre 1833; et aussi, en terme de pension, un ragoût qui contient toute espèce de choses, sans doute parce que le règlement de 1833 prévoyait tous les cas du métier militaire. (Merlin: _La langue verte du troupier_.) NUAGE. C'est, croyons-nous, le mot le plus récent usité dans le langage populaire pour désigner la tournure, cet objet de toilette que portent les femmes autour de leurs reins de façon à faire bouffer la robe. Pourquoi _nuage_? me demanderez-vous. Les irrévérencieux vous répondront: Parce qu'il cache la _lune_. O OFF, Officier. «Il a tout pris, le vieil off, et le lit du major et sa femme.» (A. Delpit: _Figaro_, février 1887.) OISEAU DES ILES MARQUISES. Absinthe. Rapprochement de couleur. OMNIBUS. Les employés des télégraphes à Paris appellent ainsi les cartes-télégrammes fermées qui sont expédiées par les tubes. «Le temps qu'ils (les télégraphistes) distribuent les courses aux facteurs, les cartes et les omnibus à tuber attendent aussi.» (_Cri du Peuple_, août 1885.) Ces cartes-télégrammes sont aussi nommées _petit-bleu_ à cause de la couleur du papier sur lequel elles sont rédigées. OMNIUM. Argot du turf. Course réservée aux chevaux de toute provenance âgés de trois ans et au-dessus. L'omnium se court au bois de Boulogne, à la réunion d'automne. ORATEUR. Argot des francs-maçons. L'un des officiers d'une loge. Il y joue un rôle analogue à celui du ministère public dans les tribunaux. OS A MOELLE. Lorgnette. OUSTE! Synonyme de zut! «Dis-lui: Ouste pour l'Allemagne!» (De Goncourt: _La Faustin_.) OUTIL. Maladroit, gauche. Argot du peuple. «Fais donc attention, outil!» est une de ces phrases qu'on entend journellement dans la rue et à l'atelier. «L'autre, sûr de l'impunité, répondra: Va donc, eh! outil!» (_Figaro_, nov. 1883.) P PAGE D'ALPHAND. Égoutier au service des travaux de la ville de Paris dont M. Alphand est le directeur. PAGNOTER. Coucher. _Pagnoter avec une grognasse._ Coucher et faire la noce avec une femme. PALET. Argent. PALETOT COURT. Une des dernières incarnations du gommeux. «Les poisseux essayèrent de prévaloir, mais ils n'étaient en somme que des gommeux déguisés; ils n'eurent aucun succès. A présent, nous avons les _paletots courts_.» (_La Comédie moderne_, journal, 1882.) PALMÉ (Être). Avoir les palmes d'officier d'Académie. Locution ironique et plus que familière. «Quand le maire ne reçoit pas le ruban rouge, il reçoit le ruban violet, il est palmé.» (_Illustration_, juillet 1885.) PALPER (Pouvoir se). Ne pas obtenir ce que l'on désire. C'est une variante de _pouvoir se fouiller_. (V. ce mot au _Dictionnaire_.) «C'est pour ça que vous m'avez fait monter? Ah bien! Vous pouvez vous palper, par exemple!» (_Evénement_, octobre 1885.) PANACHÉ. Plat de haricots verts et de flageolets mélangés. «Dans l'estomac de la victime on a trouvé des haricots verts et des flageolets. Si le plat se composait de ces deux légumes, un panaché, comme on dit...» (_Figaro_, 1882.) PANTALON. _Faire pantalon_, dans le langage des écrivains, c'est ne pas atteindre le bas de la feuille de papier sur laquelle on écrit. PANTHÈRE. Individu qui professe des idées révolutionnaires, anarchistes. Il faut voir dans ce mot une allusion à une société d'anarchistes fondée à Paris sous ce titre: La Panthère des Batignolles. «Les rentes de M. Clémenceau sont, en somme, aussi enviées par les panthères que celles de M. de La Rochefoucauld.» (_Figaro_, mars 1887.) PAQUET. Injure employée surtout dans la classe ouvrière et qui est synonyme d'imbécile. «Tout à coup deux... braves gens, porteurs de deux belles casquettes neuves, les abordent et l'un d'eux, sur un air connu, en fixant Joseph: Oh! regarde-moi donc ce paquet!» (_Gazette des Tribunaux_, 1882.) PAQUET (Faire le). Argot de grecs. Ranger les cartes en les battant de façon à se donner les bonnes. PARFAITE ÉGALITÉ. Sorte de jeu de hasard. PARIGOT. «C'est le surnom qu'on donne à la campagne au malheureux enfant de Paris, placé par l'Assistance publique.» (_Bibliothèque universelle_, novembre 1887.) Mme de Pressensé a écrit une nouvelle qui a pour titre: _Parigot_. PARTICULIÈRE. Femme légitime. Argot du peuple. _Trimballer sa particulière_, promener son épouse. PASSADE. Femme galante. On l'appelait autrefois _fille à parties_. Quant à ce mot de _passade_, il n'est point difficile à expliquer pour celui qui sait sous quelle appellation triviale on désigne les maisons dites de rendez-vous. «Nous ne saurions trop féliciter l'Administration, puisqu'on veut une soirée tout à fait bécarre, d'exclure de cette représentation (une soirée de gala à l'Opéra) toutes les passades qui sont aux grandes courtisanes ce que sont les souteneurs de Montmartre aux petits rez-de-chaussée.» (_Gil Blas_, décembre 1886.) «Elle est d'un maintien très décent et, sans être absolument jolie, peut être considérée comme une passade fort aimable.» (_Gil blas_, Février 1888.) PASSER SUR LE BANC. Expression qu'emploient les forçats quand ils vont, pour une infraction au règlement, recevoir des coups de corde. «Combien j'ai vu d'hommes passer sur le banc et s'en relever, atteints pour jamais dans les sources de la vie, parce qu'ils avaient, en présence d'un argousin, imprudemment laissé tomber de leur poche un mince cahier ou simplement quelques feuilles de papier à cigarette!» (Humbert: _Mon bagne_.) PASSER A LA SORGUE. Dormir. (V. Delvau: _Sorgue_.) PATELIN. Compatriote. «En qualité de patelins, nous avions été assez bien accueillis...» (Humbert: _Mon bagne_.)--Signifie aussi pays, lieu de naissance,--dans l'argot militaire. PATENTÉ. Souteneur. PATINAGE. Attouchement indécent. (V. Delvau: _Patiner_.) PATINEUR. Argot des voleurs et notamment des joueurs de bonneteau. Le _patineur_, c'est le banquier, celui qui tient les cartes, les _patine_ et peut ainsi se livrer à toutes les tricheries. (V. _Chocolat_.) PATRON. Colonel. Argot militaire. PAYER. Argot des lycées. S'exonérer, au moyen d'une exemption, d'un satisfecit, d'une punition encourue. Payer ses arrêts, sa retenue. _Sortie payante_, sortie de faveur accordée à l'élève qui remet en _paiement_ une ou plusieurs exemptions que son travail, sa bonne conduite lui ont fait obtenir. «Depuis longtemps, la _France_ a protesté contre les sorties dites payantes ou de faveur et contre les punitions actuellement en vigueur.» (_France_, 1881.) PAYER UN MOOS, LA GOUTTE (Se faire). Argot théâtral. Jouer un rôle à emboîtage. PEAU (De la)! Non! Rien! PEAU DE BOUC. Sein. Argot des régiments d'Afrique qui donnent aussi le nom de peau de bouc aux petites outres goudronnées qui leur servent de bidons. PÊCHE. Tête, physionomie. PÊCHE (Poser une). _Alvum deponere._ PÈLERIN. Gardien de la paix. Argot du peuple. Allusion aux pèlerines en caoutchouc que les gardiens portent depuis l'année dernière. PÉNITENCE (Être en). «Un autre coin amusant est celui des femmes en pénitence. On appelle _Être en pénitence_, à Monte-Carlo, ne pas jouer. Elles sont en pénitence pour la journée, la semaine ou la fin du mois, parce qu'elles ont perdu ce qu'elles avaient à jouer et que leurs maris ou leurs fils ne veulent plus desserrer les cordons de leurs bourses. C'est un véritable enfer que de voir jouer et de ne pas jouer.» (_Revue politique et littéraire_, 1882.) PERDRE SA CLEF. Avoir la colique. PERFORMANCES. Argot de turf. Manière de courir d'un cheval, de se comporter pendant la course. PERMANENCE. Argot de joueurs. Série de numéros qui sortent à la roulette ou au trente et quarante, «Il (le marqueur) a d'abord ses abonnés à qui il vend les _permanences_ vingt francs par semaine.» (_Revue politique et littéraire_, 1882.) PERMISSION (Se faire signer une). Argot militaire. Présenter une feuille de papier à cigarette et se faire donner le tabac. (Ginisty: _Manuel du parfait réserviste_.) PERMISSION DE 24 HEURES (Avoir une). Argot militaire. Prendre la garde. PERPIGNAN. Nom que les charretiers donnent au manche de leur fouet. Les meilleurs manches de fouet se fabriquent, paraît-il, en cette ville. PERROQUET DE FALAISE. Douanier. Allusion de couleur. PET-EN-L'AIR. Petit veston court. «Contre l'habit léger et clair La loutre a perdu la bataille: Nous arborons le pet-en-l'air, Et les femmes ne vont qu'en taille.» RICHEPIN. PÉTARD. Sou. A droite, un comptoir en étain Qu'on astique chaque matin. C'est là qu'on verse Le rhum, les cognacs et les marcs A qui veut mettre trois pétards Dans le commerce. (_Gaulois_, 1882.) PÉTARD. Argot des artistes et des gens de lettres. Succès bruyant. «Pourquoi ce qui n'avait pas réussi jusqu'alors, a-t-il été, cette fois, un événement de librairie? ce qu'on appelle, en argot artistique, un pétard.» (_Gazette des Tribunaux_, 1882.) PETIT-BLEU. Carte-télégramme. V. _Omnibus_. PETITE-MAIN. Il est assez difficile de définir exactement ce que, dans l'argot des ateliers, on entend par cette expression. L'exemple suivant le fera comprendre: «Ils n'étaient que sept pour suffire à cela: un homme, un contre-maître, une femme, la monteuse et sept enfants, les petites-mains. On appelle petites-mains des jeunes gens, filles et garçons qui ne sont plus des apprentis et ne sont pas encore des ouvriers. Il y en a beaucoup même qui n'ont jamais été des apprentis et ne seront jamais des ouvriers. On les reconnaît à ceci: qu'ils reçoivent un salaire d'apprenti pour un travail d'ouvrier.» (Fournière: _Sans métier_.) PEUPLE (Faire un). Argot des voyous. Faire partie de la figuration dans un théâtre quelconque. PEUPLIER. Gros fragment de tabac. PHALANGE. Main. Ils vous ont des façons étranges, Pires que des étaux de fer. De vous écraser les phalanges, En vous disant: «Bonjour, mon cher!» (_Frondeur_, déc. 1879.) PHILISTIN. Ouvrier tailleur, «Les ouvriers aux pièces, les plus gais, ont la qualification de philistins.» (_Henri IV_, 1882.) PHILOSOPHE. Argot des lycéens. Elève de la classe de philosophie. PIAFFEUSE. La dernière expression du chic est celle de piaffeuse pour désigner la femme élégante et bien prise dans le harnais de la mode. Le mot n'a rien de désobligeant; piaffeuse: qui se tient droite et porte beau.» (_Gaulois_, sept. 1887.) PIÈCE GRASSE. Argot militaire. Cuisinier. PIÈCE DE SEPT. Individu corpulent. PIED. Part. Ce à quoi on a droit, «Mon pied! ou je casse! Ma part ou je te dénonce.» (Humbert: _Mon bagne_.) PIED DE COCHON. Farce, tromperie. _Jouer un pied de cochon à quelqu'un_, lui faire une plaisanterie d'un goût douteux. PIEDS (Où mets-tu tes). Locution militaire voulant dire: De quoi te mêles-tu? PIERRE BLANCHE. Échafaud. Guillotine. Allusion aux pierres blanches qui se voient encore sur la place de la Roquette et sur lesquelles reposaient autrefois les montants de la guillotine.» Je sais ce qui m'attend, les trois pierres blanches ou la perpett.» (_Gazette des Tribunaux_, août 1883.) PIERROT. Argot d'école. Dans les écoles d'arts et métiers on désigne ainsi l'élève de première année. «Les anciens ont tous démissionné. Nous ne sommes plus que des pierrots et des conscrits.» (_Univers_, 1886.) PIGER. Lutter. Se mesurer avec quelqu'un. «Je ne vois guère que le Président de la République qui pourra piger avec lui, et encore!» (_Figaro_, 1882.)--Battre. PIGNOCHER. Peindre minutieusement. Argot des artistes.--Manger du bout des dents. «Un soir qu'il pignochait des œufs qui sentaient la vesse.» (Huysmans: _A vau-l'eau_.) PIGNOUF. Elève reçu à l'École normale, mais qui n'a pas encore subi l'épreuve du _canularium_. (V. ce mot.) PIGUT. Argot des lycées. Lieux d'aisances. _Piguter_, aller aux lieux d'aisances. PILLEROT. Voleur. PILON. Argent. Argot du peuple. _Pilonner_, tuer pour avoir de l'argent. PINÇARD. Bon cavalier. Argot des élèves de l'école de Saumur. «Il s'en va de la queue au crâne de la bête, Tantôt penche à tribord, tantôt penche à bâbord. S'il est vraiment pinçard, il entre dans le port. Mais s'il est maladroit, hélas! pique sa tête.» (_Nos farces à Saumur._) PINGOUIN. Terme injurieux. Synonyme d'imbécile, de propre à rien. PIQUE-CHIEN. Argot des élèves de l'Ecole polytechnique. Le _pique-chien_ n'est point, à proprement parler, comme le dit Rigaud dans son _Dictionnaire d'argot moderne_, le concierge de l'Ecole. C'est un adjudant chargé de surveiller la sortie et la rentrée des élèves. Comme là se borne presque toutes ses occupations, il a tout le loisir de dormir, de _piquer son chien_. PIQUER UNE MUETTE. Faire silence. Argot de Saint-Cyr. «Aujourd'hui, il sera piqué une muette au réfectoire.» (Maizeroy: _Souvenirs d'un Saint-Cyrien_.) PIQUER UNE PLATE. Ne pouvoir, ne savoir répondre aux questions posées à un examen. Jargon des élèves de l'École navale. Nos lycéens disent: _piquer une sèche_. «Le timonier apparaît.--M. A..., au cabinet de babord!--M. A... court un grand danger de piquer une plate. Heureusement l'interrogation est remise à huitaine.» (_Illustration_, octobre 1885.) PIQUER L'ÉTRANGÈRE. Argot du régiment. Tomber de cheval. PIQUER UNE ROMANCE. Dormir. Argot militaire. PIQUER UNE SÈCHE. Argot des lycéens et des élèves des Écoles. Avoir un zéro, c'est-à-dire la note très mal, pour une des parties d'un examen. «Il est constant que tout pipo qui est sorti sans piquer une sèche, de ses examens généraux, se croit parfaitement apte à régenter l'État.» (_Gaulois_, mars 1881. V. Delvau: _Sec_.) PIQUER LE TASSEAU (Se). V. Delvau: _Se piquer le nez_. PISSER DESSUS. Pisser sur quelqu'un. Le mépriser, n'en pas faire cas. «J'en demande pardon à M. le maire et à mes collègues du conseil: Je les couvre de mon mépris et je leur pisse dessus.» (_Moniteur universel_, 1883.) PISTOLET A LA SAINDHOMME. Petit crochet avec lequel le _mégottier_ exerce son industrie. PISTER. Suivre les voyageurs à la piste lors de leur arrivée dans une ville et leur offrir un hôtel qu'on leur vante. PIVOTER. Argot militaire. Manœuvrer dur et beaucoup. PLACÉ. Argot de turf. Un cheval est placé quand il n'est distancé par le gagnant que de quelques longueurs. «Si votre patriotisme vous pousse à prendre un cheval gaulois gagnant, gardez-vous à carreau en prenant en même temps les goddems placés.» (_Voltaire_, juin 1882.) PLANCHE (Faire la). «Ta maîtresse? il y a un mois qu'elle vient faire la planche dans mon garni!» (_Evénement_, 1885.) PLANTER. _Coïre._ PLANTER UN CHOU. Tromper indignement. «Mon ci-devant m'a planté un chou colossal.» (_Réveil_, 1882.) PLAQUER SA VIANDE SOUS L'ÉDREDON. Se coucher. «A onze heures et demie on a levé la séance. Le fait est qu'il était bien temps d'aller plaquer sa viande sous l'édredon.» (_Henri IV_, 1882.) PLEIN. Argot des joueurs de roulette. L'un des casiers sur lesquels se trouvent inscrits les numéros correspondant à ceux de la roulette. _Faire un plein_, c'est placer sa mise en plein sur un numéro, au lieu de la disposer soit à _cheval_, soit d'une façon _transversale_. PLEUVOIR. Être abondant. POCHETÉE. Inintelligence. _En avoir une pochetée_, avoir la compréhension difficile. POIREAUTER. Attendre quelqu'un dans la rue. POISSEUX. Gandin; fashionable. Le successeur du petit-crevé. «Ils se réunissent six ou sept viveurs ou poisseux au café.» (_Siècle_, 1882.) _Poisseuse_, compagne du poisseux. «Dans un boudoir de la rue des Martyrs, une jeune poisseuse, étendue sur une chaise longue, lit...» (_Henri IV_, 1882.) POIVROTTER (Se). Se griser. POLKA. «Polka ne veut pas seulement dire danse: c'est sous ce nom que les photographes et les dessinateurs désignent certains sujets décolletés.» (_Evénement_, 1882.) POLONAIS. Souteneur.--Sorte de fer à repasser. Argot des blanchisseuses. POMPE. Étude. Cours. Argot des Élèves de l'École de Saumur. «La Pompe! A ce grand mot votre intellect se tend Et cherche à deviner... La Pompe, c'est l'étude, La Pompe, c'est la longue et funeste habitude De puiser chaque jour chez messieurs les auteurs Le suc et l'élixir de leurs doctes labeurs.» (_Nos farces à Saumur._) POMPIER. Membre de l'Institut de France. «Des jeunes gens riaient en apercevant là-bas le profil de quelque professeur de l'Institut. Au feu! au feu! Voilà un pompier.» (J. Claretie: _Le Million_.) POMPIER. Dans l'argot spécial des marchands de vin le _pompier_ est une boisson apéritive composée de vermouth et de cassis. POMPIER (Faire). Cette expression s'applique à toutes les compositions littéraires et artistiques où le convenu, le lieu commun et la formule sont substitués à l'inspiration originale et à l'étude de la nature. C'est ainsi qu'on peut être nouveau et moderne dans l'interprétation d'un sujet emprunté à l'_Iliade_ et qu'on peut, au contraire, _faire pompier_ en représentant une scène de la vie réelle qui s'est passée hier. (V. Le _Gil Blas_ du mois de novembre 1880.) PONT (Faire le). Cette expression est surtout usitée chez les employés d'administration. Quand un jour non férié se trouve entre deux jours de fête et qu'on ne vient pas à son bureau le jour de travail, on fait le pont. PORTE-CRÈME. Vidangeur. PORTEUR DE CAMOUFLE. Souteneur. POSE (Être à la). Afficher de grandes manières, des prétentions de grand seigneur. «Elle est bonapartiste, la famille à papa; c'est pas à la pose du tout.» (_Vie parisienne_, 1882.) POSER UN RAMOLL. Argot des voyous non conformistes qui désignent ainsi la mise en action de certaine pratique honteuse dont parle le livre du Dr Tissot, et sur laquelle il est inutile d'insister. Cette expression, véritablement imagée, fait songer au ramollissement du cerveau ou de la moelle épinière dont finissent par être atteints la plupart du temps les disciples d'Onan. POTEAU. Chef de bande,--dans l'argot des voleurs. POTIRON. Argot des élèves de l'Ecole de Saint-Cyr. Ils appellent ainsi les jeunes gens qui, bien que de nationalité étrangère, sont admis à suivre les cours de l'Ecole. «Shérif-Bey vient de recevoir sa nomination d'élève de Saint-Cyr, à titre d'étranger. Les élèves de cette catégorie sont appelés à l'Ecole des Potirons.» (_Paris_, octobre 1885.) _Pouce!_ Exclamation que poussent les enfants dans leurs jeux en tenant le bras levé et les doigts fermés, moins le pouce. Les gamins indiquent ainsi avec cette sorte de drapeau parlementaire qu'ils cessent momentanément de jouer et qu'on n'a aucune prise sur eux. Ils disent aussi _trèfle_, par corruption de _trêve_. POULAINE. Cabinets d'aisance. Argot du bagne. «On s'entassait à la poulaine (lieux d'aisance) où une pompe, installée tout exprès, fournissait en grande abondance l'eau nécessaire à ces ablutions.» (Humbert: _Mon bagne_.) POUR CHIQUER! Allons donc! Plaisanterie! Argot du bagne. POURLICHE. Pourboire. Jargon du peuple. POUSSER LA GOUALANTE. Chanter. (V. Delvau: _Goualer_.) POUSSER DANS LE CORNET, L'ESCARCELLE, LE FUSIL (S'en). Boire, manger. (V. Delvau: _S'en pousser dans le battant_.) POUSSER UNE BLAGUE. Fumer une pipe. Argot de l'Ecole Polytechnique. POUSSIÈRE (Faire de la). Faire des embarras. POUVOIR SIFFLER. Ne pas obtenir ce qu'on demande; se passer de quelque chose. PRÉFECTANCE. Préfecture de police. «Sans doute, tant qu'il y aura une préfectance et un préfet de police, on cognera...» (J. Vallès.) Delvau donne _Préfectanche_. PREMIER, ÈRE. De qualité supérieure. «Puis ils inaugurèrent l'argot, parlèrent nègre et proposèrent aux dîneurs une _douzaine_, une chablis _première_, au lieu de dire: une douzaine d'huîtres, du vin de Chablis, première qualité.» (G. Claudin.) PRENDRE. Terme de turf. Parier. Prendre un cheval à 6 contre 1 en admettant que le pari soit de 10 louis, signifie; si le cheval perd, je vous donnerai 10 louis, s'il gagne vous me donnerez 60 louis. PRENDRE QUELQUE CHOSE A LA BLAGUE. S'en moquer; la tourner en ridicule. «C'est dans le pauvre peuple qu'on l'a prise (une pièce de théâtre) tout d'abord à la blague.» (F. Sarcey.) PRENDRE SES DRAPS. Prendre le chemin de la salle de police. Argot des élèves de l'Ecole Saint-Cyr. «Le bazof court le long des lits secouant de la phrase sacramentelle: _Prenez vos draps_, les malheureux qui n'ont pas eu le temps de rapporter leurs matelas.» (Maizeroy: _Souvenirs d'un Saint-Cyrien_.) PRIME. Premier. Argot des enfants. PRINCESSE. Nom que donnent les employés de l'Etat à l'administration à laquelle ils appartiennent. «Un employé du ministère, qui fait une course pour le service du ministère et qui profite de la voiture pour faire une visite pour son propre compte, peut passer pour avoir malversé des fonds de l'Etat en faisant payer à la princesse (c'est comme cela qu'on dit dans les administrations) 2 fr. 25 de fiacre.» (_XIXe Siècle_, avril 1887.) On dit aussi _Joséphine_. PROCHAINE (La). La prochaine Commune. Argot des partisans de la Révolution sociale qui désignent ainsi la revanche à laquelle ils aspirent depuis 1871. PROLO. Prolétaire, ouvrier. «M. Jules Ferry, qui est un riche bourgeois, confie aux gendarmes la garde de sa caisse et la surveillance des prolos.» (_Journal de l'Instruction publique_ 1882.) PSCHUTT. «Le chic est mort, vive le pschutt.» Qu'est-ce que le pschutt? On ne le sait pas exactement, et c'est ce mystère qui en fait tout le mérite. Le pschutt, c'est le chic ou à peu près. Il y avait trop longtemps qu'on disait: «M. de un tel a du chic.» On a imaginé de dire: «M. de un tel a du pschutt.» (_Gaulois_, janvier 1883.) PUBLIC. Dans le langage des bureaux, un public est la première personne venue qui se présente dans ces bureaux pour y traiter une affaire. «L'individu qui se présente au Mont-de-Piété, pour emprunter, s'appelle un public.» (Max. du Camp: _Paris, ses organes_.) PUR. Elégant, dandy. «Vous ignorez complètement que de ne pas mettre de pardessus constitue actuellement ce que nous appelons être pur, ou, si vous aimez mieux, le chic anglais.» (_Evénement_, 1882.) PURÉE DE CORINTHE. Vin. Q QUATRE A SIX. Réception. Argot des gens du monde. «Il croyait même parfois qu'Olga avait deviné son désir, et lorsqu'à ces quatre à six de Mme de Barberine.» (F. Coppée.) Actuellement le _quatre à six_ a fait place au _cinq à sept_; c'est toujours la même chose; il n'y a que l'heure de changée. «Les soirées du reste ne sont pas difficiles à passer; dès qu'arrivent les _cinq à sept_ on a maint salon accueillant et mainte potinière mondaine.» (_Illustration_, janvier 1888.) QUITOURNE. Fenêtre. R RABATTEUSE. Petite voiture qui va chercher des voyageurs dans les communes avoisinant Paris. RABIAU. Bénéfice. «Les pourboires cachés;... les rabiaus sur le fourrage...» (Huysmans; _Sœurs Vatard_.) RADIS NOIR. Gardien de la paix. RAMASSER UNE PELLE. Tomber. Jargon des voyous. «M... alors...; j'ramasse une pelle... C'est c'cui-là qui m'a poussé.» (R. Ponchon.) RAFRAÎCHIR (Se faire). Se faire couper les cheveux, la barbe. «L'autre soir, j'étais entré chez un coiffeur du boulevard, avec l'intention de me faire rafraîchir...» (_Gil Blas_, 1881.) RANCART. Objet de peu de valeur. «La plupart des volumes entassés dans les caisses étaient des rancarts de librairie, des rossignols sans valeur; des romans mort-nés...» (Huysmans: _A vau-l'eau_.) _Mettre au rancart_, abandonner, jeter dans un coin. C'est le synonyme de _mettre au cabinet_, d'Alceste. RAMONER (Se faire). Se confesser. RANCKÉ. Pièce de deux francs. RASSEMBLER (Se faire). Argot militaire. Se faire réprimander, punir. RATEAU. Gendarme, agent, dans l'argot des malfaiteurs. «Le terme est nouveau; veuillez ne pas l'oublier et remarquer toute la justesse de l'expression. L'agent de police en effet nous ratisse et nous englaise dans la piaule.» (A. Belot: _Le Roi des Grecs_). «Faut suriner les pantres A coups d'couteaux dans le ventre Et crever d'coups d'marteaux La cervelle aux rateaux.» (Chanson, 1884.) RATISSÉ. Gandin, fashionable. Ç'a été le nom à la mode en 1885 pour désigner le continuateur du poisseux, du genreux. «Les jeunes ratissés (le terme est nouveau pour dire gommeux ou petit crevé), les ratissés ont couru et courent encore, comme un seul homme, lorgner, applaudir, rappeler La Goulue et Grille d'Egout... Pourquoi les ratissés? Est-ce parce que le jeu, le baccarat, les petits-chevaux des bords de la mer ou les steeple-chases leur vident à la fois la bourse et la cervelle et les _ratissent_ comme le rateau du croupier? Est-ce au contraire parce que le coiffeur sue sang et eau à les épiler, les coiffer, les brosser et leur ratisse les favoris, la moustache et la chevelure (quand ils en ont), comme le jardinier ratisse les allées d'un jardin bien entretenu? «Je n'en sais rien; le fait est que les petits crevés sont devenus les ratissés. «Le ratissé a son féminin: la ratissée. Et je m'imagine qu'aussi bien que le croupier, la ratissée ratisse le ratissé. Le nouveau nom doit venir de là.» (_Illustration_, octobre 1885.) RAVINE. Plaie. Cicatrice. «Est-elle bête de suivre un homme qui la bat! C'est moi qui le ficherais en plan! Et elles-mêmes arrivaient avec un pochon ou des ravines sur le visage...» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) RÉCENT (Avoir l'air). Marcher droit, avoir l'air de pouvoir se tenir sur ses jambes, quand on a trop fêté Bacchus. «Allons Ringuet, faut être sérieux; v'là qu' t'approche de ta turne; faut qu' t'aies l'air récent.» (_Monde plaisant_, 1880.) RÉFEC. Réfectoire. Argot de Polytechnique. RELANCEUR DE PLEINS. Variété de _grec_. «Plus nombreux encore ceux qui n'ont jamais soupçonné l'existence du relanceur de pleins.» (_Henri IV_, 1881.) RELEVER LE CHANDELIER. Argot de souteneurs. Vivre de la prostitution d'une fille. RELEVEUR DE FUMEUSE. Souteneur. REMUER LA CASSEROLE. Faire partie de la préfecture de police. Argot des voleurs. RENACLE. Police de sûreté. RENDU. «Petit ou gros, cher ou bon marché, l'objet qui déplaît au public rentre dans le grand bazar, et le caissier qui a reçu l'argent rend cet argent... Dans le sous-sol on appelle ces objets les rendus.» (Giffard: _Les grands bazars_.) RENIFLETTE. La police. Argot des malfaiteurs. Le mot est joli, imagé et rend bien l'idée de l'agent qui renifle, donne du nez comme le chien en quête de gibier. RENIQUER. Être de mauvaise humeur, rager. Argot de barrières. RENIFLER. Aspirer, prendre l'eau. «La plus jeune avait... des bottines qui renifflaient l'eau.» (Goncourt: _La Faustin_.) RENOUVELLEMENT. Argot de café-concert. Dans ces établissements, le prix de la place occupée donne droit à une «consommation» gratuite. Si vous désirez prendre de nouvelles _consommations_ vous les payez suivant le tarif des cafés ordinaires. Ce sont ces nouvelles consommations oui prennent le nom de _renouvellement_.--«Au dedans, la salle était comble... les garçons ne savaient où donner de la tête; les renouvellements pleuvaient. Les bocks et les flacons vides s'amoncelaient sur les comptoirs...» (_Gaulois_, 1882.) RÉPARER. Argot des collèges et pensions. _Réparer_, c'est apprendre à nouveau une leçon qui n'est pas suffisamment sue. REPOSOIR. Hôtel garni. Argot des voyous. «Les garnis sont le plus bel ornement de la rue. Ils ont aussi leurs noms: reposoirs ou assommoirs!» (_Henri IV_, 1882.) REPOUSSER DU GOULOT. V. Delvau: _Repousser du tiroir_. RESPECTER SES FLEURS. Garder sa virginité. «Ma sœur ne peut pas respecter ses fleurs jusqu'à la fin du monde...» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) REQUINQUAGE. Mise, accoutrement ridicule. «Elle ne songeait pas le moins du monde à lui reprocher son requinquage qui n'avait rien à voir avec la dernière mode.» (Barot: _Le fort de la halle_.) RESSORTS. Parties génitales de la femme. RETAPER LE DOMINO (Se faire). Se faire arranger la denture. On dit aussi _Se faire repaver la rue du bec_. REVERS (Faire un). Argot de Grecs. Perdre volontairement en taillant une banque et céder la place à un compère auquel on a le soin de donner des séquences. REVOLVER A DEUX COUPS. Arc rot des voyous. Le membre viril. REVOYURE (A la). Expression parisienne synonyme de: Au revoir. «Les opinions sont libres... Comme tu voudras... adieu... à la revoyure.» (Job: _L'homme à Toinon_.) REZ-DE-CHAUSSÉE (Petit). «On appelle petits rez-de-chaussée les jeunes gens à la mode qui ont, en quelque coin de Paris, un rez-de-chaussée, la plupart du temps meublé avec un grand goût et où les jolies visiteuses peuvent entrer. Les petits rez-de-chaussée sont les élégants et les gommeux du moment.» (_Illustration_, juillet 1887.) RICHE (Être bien). Se griser. RIGADE. Soulier. RIGOLADE (Être à la). S'amuser. «Le vieux ronchonnait contre les jeunes gens qui sont trop à la rigolade, et pas assez à l'étude.» (_Réveil du Père Duchêne_, 1881.) RIGOLO. Revolver. Argot du peuple. «Les expulsés furieux cherchèrent à enfoncer la porte (du cabaret). Vacheron sortit armé d'un bâton pour les repousser. A ce moment, l'un des agresseurs dit à Gauthier (un inculpé): Prends ton rigolo.» (_Le Droit_, avril 1886.) RINCER L'OEIL (Se). Regarder complaisamment quelque chose ou quelqu'un. «Depuis notre arrivée, vous n'avez cessé de vous rincer l'œil de toutes ces créatures éhontées...» (Chavette.) RINCLEUX. Avare. Terme d'atelier. ROGNURE. «Quand le concours (du Conservatoire) est achevé, quand le dernier élève a fini d'envoyer son morceau, sa _rognure_, comme disent ces jeunes gens dans leur argot, alors vient se placer l'instant pénible et douloureux de la délibération.» (_Figaro_, juillet 1884.) ROND DE CUIR. Vieil employé. Fonctionnaire inintelligent. _S'endormir sur son rond de cuir_, ne pas faire son chemin. RONDE DES GUEUX. «La police, en son argot pittoresque, appelle ronde des gueux le voyage circulaire qu'accomplissent autour de la capitale, en bande organisée, les sans-logis de la banlieue.» (_National_, janvier 1888.) RONDIER. Surveillant. Il fait des rondes. Argot du bagne. RONGEUR. Voiture de place prise à l'heure. ROSSIGNOLISER. Vendre des objets défraîchis, sans valeur, des rossignols. ROUEN (Faire un). Argot des commis de nouveauté. _Id est_ faire l'article à un client qui part sans acheter; le _Rouen_ c'est le client. «Ça paraît vouloir s'allumer un peu, dit Hutin à Favier; je n'ai pas de chance, il va des jours de guignon, ma parole. Je viens encore de faire un Rouen; cette tuile ne m'a rien acheté.» (Zola: _Au bonheur des Dames_.) ROUFLAQUETTE. Souteneur de bas étage. ROULANTE. Fille publique. On dit plus communément _rouleuse_. ROULER LA BROUETTE A BIRIBI. Être envoyé dans un régiment de discipline. Argot de caserne. «Il amassa un nombre incalculable de jours de consigne et de salle de police, et vint enfin, comme disent les troupiers, rouler la brouette à biribi, c'est-à-dire qu'il fut envoyé aux compagnies de discipline.» (_Triboulet_, mars 1884.) ROULIER. V. Delvau. _Roulottier._ ROUPION. Commis de nouveautés. Il tient le milieu entre le commis vendeur et le bistot. ROUPILLON. V. Delvau. _Roupilleur._ ROUPIOU. Dans les hôpitaux de Paris, étudiant en médecine qui remplace bénévolement un externe dans son service. ROUSTONS. Le _scrotum_. ROUTIÈRE. Prostituée qui exerce son métier sur les grandes routes. S SAC (En avoir son). Ne plus pouvoir supporter quelqu'un ou quelque chose. «Entre nous, le mari d'Emma! j'en ai mon sac!» (Cadol: _La colonie étrangère_.) SAC A CHARBON. Prêtre,--dans l'argot des voyous. «Le prêtre qui tout à l'heure leur a fait entrevoir (aux enfants) la douce figure du Jésus évangélique, ils le rencontrent; du coin d'un carrefour, ils crieront: _couac_, l'appelleront _corbeau_ ou, d'un mot plus à la mode en ce moment: _sac à charbon_.» (_Figaro_, août 1884.) SACHET. Bas, chaussette. SALBINET. Argot de l'Ecole Polytechnique. «Salbinet!» crie un tambour, en ouvrant la porte d'une salle où travaillent une dizaine d'élèves. Cela veut dire: Le capitaine prie le sergent de la _salle_ de passer au _cabinet_ du chef de service pour y entendre une communication du commandant de l'école et la transmettre à ses camarades. SALÉ. Mordant, violent. «Le lendemain, M. Cassemajou écrivait à M. Ventéjoul une lettre un peu salée.» (Armand Silvestre.) SALER (Se faire). Contracter une maladie vénérienne. SALIR LE NEZ (Se). Se griser. SALOPER. Argot des élèves de l'école des Beaux-Arts. «La seule chose qui soit interdite, c'est de saloper. Ne vous effarouchez pas de ce mot, c'est le mot usuel, adopté. M. Dubois (le directeur de l'école) met son nom au bas d'un avis dans lequel on lit: Il est formellement interdit de saloper avant tel jour. Qu'est-ce donc que saloper? C'est entrer dans la loge les uns des autres pour y formuler son appréciation sur l'œuvre du voisin.» (_Liberté_, août 1883.) SANDWICH. Le mot date de 1884, époque à laquelle on vit à Paris, pour la première fois, de pauvres diables se promener, moyennant une modique rétribution, sur les boulevards et dans les endroits les plus fréquentés avec deux grandes pancartes, fixées l'une sur la poitrine et l'autre sur le dos, pancartes sur lesquelles sont collées des réclames de maisons de commerce. Le mot est assez bien trouvé et la comparaison serait encore plus juste si les malheureux qui exercent cette industrie n'étaient haves et déguenillés et ne rappelaient qu'approximativement le gros jambon placé entre les deux tartines beurrées qu'aimait si fort le comte Sandwich. «On s'amusa d'abord des sandwiches qui déambulaient mélancoliquement, à la file indienne, enserrés dans des espèces de carapaces couvertes de réclames bariolées.» (_Dix-neuvième siècle_, décembre 1886.) SANG DE BOEUF. Saladier de vin chaud. Argot du peuple. «Assise à une table graisseuse, vis-à-vis d'un homme en accroche-cœurs, elle aspire les parfums grossiers d'un saladier de vin chaud, d'un sang de bœuf, comme cela s'appelle là-bas.» (_Evénement_, septembre 1885.) SANSONNET. Gendarme. Argot des rôdeurs de barrière. SANTARELLE (Faire une). Argot des grecs. Lancer à son partenaire les cartes aussi haut que possible afin de pouvoir jeter un coup d'œil en dessous, ce qui permet de les voir et de jouer en conséquence. SATISFAIRE (Se). Aller à la selle.--_Copulare._ «Sa faim charnelle lui permettait d'accepter les rebuts de l'amour. Il y avait même des soirs où, sans le sou, et par conséquent sans espoir de se satisfaire...» (Huysmans: _A vau-l'eau_.) SAUMURIEN. Elève de l'Ecole de Saumur. «Tout Saumurien qui se respecte ne lit que le _Figaro_, l'_Union_ et la _Gazette de France_.» (_Nos farces à Saumur._) SAUVETTE. Argent. SAVONNER. Argot de chanteurs. Faire des ports de voix. «Mademoiselle S... a de l'habileté quoiqu'elle ait savonné certains traits.» (_Liberté_, 1882.) SCHNAPPS. Eau-de-vie. SCOLO. C'est ainsi que le peuple, à Paris, appelle l'enfant qui fait partie d'un bataillon scolaire. _Scolo_ est d'un usage courant. «Vous connaissez les scolos, n'est-ce pas? C'est ainsi que l'on nomme en langage populaire, les bataillons scolaires.» (_Liberté_, février 1886.) SCORPION. «On appelle ainsi, paraît-il, à l'école de la rue des Postes, les minorés qui suivent les cours des élèves.» (_Figaro_, avril 1887). Il a paru, en 1887, sous ce titre: _Le Scorpion_, un roman de M. Marcel Prévost. SÉCHER. Boire. «Sa plus grande privation était de ne plus pouvoir sécher une douzaine de bocks chaque soir.» (_Figaro_, 1882.) SECOUER LE PETIT HOMME. Polluer. SECOUSSE (N'en pas f... une). Argot militaire. Paresser, ne rien faire. On dit plus communément: _N'en pas f... un coup_. SECOUER SES PUCES. Danser. «Elle s'était trémoussée dans un ballet de la Porte-Saint-Martin; maintenant, elle secouait ses puces, comme elle disait élégamment, dans tous les bastringues voisins.» (_Gaulois_, 1881.) SEMAINE. Expression empruntée au service des caporaux et des sous-officiers. Ex.: C'est à moi que tu contes cela? je ne suis pas de semaine.--Moyen expéditif de _faire rompre_ un fâcheux. (Ginisty: _Manuel du parfait réserviste_.) SEMPERLOT. Tabac.--«Eh! Rocambole, par ici! Un cornet de semperlot.» (Humbert: _Mon bagne_.) SÉNATEUR. On appelle ainsi les malheureux qui, dans les garnis du dernier degré, ont des planches particulières au lieu de coucher à la corde. Ce sont les richards de l'hôtel. La planche coûte un sou par jour. (_Voltaire_, 1882.) SERGENT DE CROTTIN. Sous-officier à l'Ecole de Saumur. «Quant aux malheureux sous-officiers, baptisés du nom poétique de sergents de crotin...» (_Nos farces à Saumur._) SHOOTER. Qui fait partie d'une société de tir aux pigeons. _Shooting_, tir aux pigeons. Encore l'anglomanie. «Aucun des shooters qui fréquentent le Gun Club n'a quitté Paris.» (_Bien Public_, 1882.)--«Mon devoir de chroniqueur m'oblige à signaler les épreuves internationales qui viennent d'avoir lieu dans les deux grands centres de shooting d'Outre-Manche.» (_Union_, 1882.) SIBIGEOISE. Cigarette. «Parmi eux, pas une pipe; c'est trop commun! La sibigeoise (cigarette), à la bonne heure.» (Humbert: _Mon bagne_.) SILOS. Punition infligée aux soldats des compagnies de discipline. SIPHON (Faire). Argot du peuple. Vomir. SLAZE. Ivrogne. SOCE. Société. SOIRÉE BLANCHE. Soirée où il n'y a que des intimes, où se trouve banni l'apparat des grandes réceptions. «Chaque hiver, elle donnait plusieurs grandes fêtes...; entre temps, elle conviait ses intimes à des soirées blanches.» (H. Tessier: _Madame Vidocq_.) SOIREUX, SOIRISTE. Nous avions déjà les _lundistes_ et les _salonniers_, voici maintenant les _soireux_ et les _soiristes_ (l'un et l'autre se dit ou se disent), c'est-à-dire, dans le jargon du jour, les journalistes chargés de faire ce genre d'articles, qu'Arnold Mortier inventa dans le _Figaro_ sous cette rubrique: _La Soirée parisienne_. C'est, je crois, à M. E. Bergerat que revient la paternité de ces deux nouveaux vocables. «Quelles patraquées petites femmes que vos confrères éminents, les soireux sympathiques!» (_France libre_, janvier 1886.) SOIXANTE-SIX. Variété de souteneur. SOMMIER DE CASERNE. Fille à soldats. SONNETTE. Auxiliaire, femme de service, chargée, à la prison de Saint-Lazare, de se tenir à la disposition des employées et des sœurs et de répondre à leur appel. Les sonnettes vont chercher dans les cours, dans les préaux, dans les bâtiments et amènent dans les bureaux les détenues dont on a besoin pour un service quelconque. SOUBROCHE. Souteneur. Argot des voyous. SOUPER DE. Avoir assez de quelque chose. Argot militaire. SOURDE. Prison. SOURNOISE. Dans le langage spécial des employés, qu'ils appartiennent à une administration publique ou particulière, la _sournoise_ est ce que leurs chefs et eux-mêmes appellent en style correct la feuille de présence, feuille traîtresse sur laquelle on doit plusieurs fois par jour et à des moments imprévus apposer sa signature de façon à prouver qu'on est bien à son bureau et non au café voisin. Le plus souvent par une malchance fréquente la _sournoise_ passe quand la plupart des employés sont illégalement absents. SOUS-DERN. Argot des écoliers. Avant-dernier. STARTER. Argot de courses. Celui qui donne aux jockeys le signal au départ. STRAPONTIN. Petit matelas en galette, étroit et plat. STRAPONTIN. Ce mot, en langage très familier, désigne l'objet de toilette que les femmes appellent du nom de tournure. «Grande bataille! Entre qui? Entre les strapontinistes et les antistrapontinistes. On appelle strapontin en langue fantaisiste, l'appendice proéminent que les dames portent en ce moment au-dessous de la taille.» (_Monde illustré_, novembre 1885.) (V. les mots _nuage_ et _tapez-moi ça_ dans le _Supplément_.) SUBLIMEUR. Bon écolier. SUBURBAIN. Le public qui suit les courses de chevaux appelle ainsi dans son jargon particulier tout champ de courses situé dans la banlieue de Paris; celui de Saint-Ouen, par exemple. «Elle ne manquait pas une journée de courses; oh! à Longchamps et à Chantilly, tout au plus à Vincennes; elle ne se commettait pas dans les suburbains, là où l'écurie n'était pas représentée.» (_Vie Parisienne_, septembre 1887.) SUIFFARD. Argot de cercles, de tripots. Le suiffard est un grec qui fréquente des établissements borgnes, des tripots, des claque-dents. Suiffard est en quelque sorte un diminutif de graisseur (filou en argot) le suif étant fait avec de la graisse. SURFINE. Femme qui s'introduit chez les personnes âgées et les vole sous prétexte de quêter en faveur des pauvres. SURMENEUSE. C'est ainsi qu'on désigne maintenant les les filles à la mode. Elles surmènent de toutes façons les heureux mortels qu'elles ont daigné distinguer. Allusion au surmenage intellectuel dont on parle tant aujourd'hui. «Une voiture emportant une de nos surmeneuses connues croise une victoria où sont deux de ses collègues.» (_Charivari_, nov. 1888.) SURNU. Surnuméraire. Argot des employés d'administration, en général. T TABLEAU DES IDIOTS (Être sur le). Être pourvu d'un conseil judiciaire. Jargon des clercs de notaire. On sait que dans chaque étude se trouve à la disposition du public, un tableau ou un livre sur lequel figurent les interdits, les prodigues, tous ceux enfin qui ne jouissent pas de la plénitude de leurs droits. TALA. Elève de l'Ecole normale ayant des principes religieux et pratiquant. TAMBOUILLE. Delvau donne à ce mot le sens de ragoût, de fricot, ce qui est exact; _tambouille_ s'emploie aussi chez les soldats d'Afrique qui appellent ainsi leur gamelle. TAPEZ-MOI ÇA. Le tapez-moi ça, désigne dans le langage plus que familier cet objet de toilette qu'on nomme une tournure. «Voici que nous sommes toutes contraintes de porter la tournure, l'ajustement qu'on a appelé irrévérencieusement le tapez-moi ça.» (_Gil Blas_, octobre 1885.) On dit aujourd'hui _nuage_; v. _Supra_. TAMPONNER LE COQUILLARD. (Se). Se moquer de. TAMPONNER. Rudoyer. «Ah! tu me tamponnes, s'écrie-t-il, je te reconnaîtrai à la prochaine.» (_Figaro_, 1880.) TAPE-CUL. Argot militaire. Manœuvre sans étriers. TAPER (Se). Se voir refuser quelque chose; s'en passer.--Se masturber. TAPEUSE. Prostituée qui, sans faire payer ses services, emprunte aux clients des sommes plus ou moins élevées qu'elle ne rend bien entendu jamais. (_Réveil._) TATEUR. Fausse clef. TAUPINER. Assassiner. TÉLÉGRAPHE (Faire le). «A cette énumération il faut ajouter le truc du télégraphe qui s'emploie pour tous les jeux de cartes. _Faire le télégraphe_, envoyer le _duss_ ou le sert (V. Delvau, _Sert_), c'est faire connaître au complice qui tient les cartes, le jeu de la victime derrière laquelle on se tient à cet effet en paraissant prendre un grand intérêt à sa partie.» (_Henri IV_, 1881.) TENIR. Argot théâtral. _Tenir l'affiche_, se dit d'un auteur qui a du succès et dont les pièces reparaissent souvent sur l'affiche. «Voici maintenant dix-sept ans bien comptés qu'il (M. V. Sardou) tient l'affiche, comme on dit dans le familier langage des coulisses.» (_Revue des Deux-Mondes_, 1er mars 1877.) TÉNOR. Argot de journaliste. Ecrivain qui rédige habituellement l'article de tête du journal. TERRASSE. La partie du trottoir envahie par les tables et les chaises de MM. les cafetiers. TÊTE A L'HUILE. Chef de la figuration dans un théâtre. TÊTE DE PATÈRE. Variété de souteneur. TÊTE DE PIPE. Idiot. La variante est: _moule à chenets_. TIERCE. Argot de bagne. Bande d'individus. TIFFES. Cheveux. TOMBAGE. Critique, éreintement. Mot très familier. (V. _Tomber_ dans le corps du _Dictionnaire_.) «On s'attendait à un rapport de M. M... et à un tombage du préfet et l'on s'est perdu dans des broutilles.» (_Gil Blas_, juillet 1886.) TOMBER DANS LA DÈCHE. (V. Delvau au mot _Dèche_.) «Certains naïfs libidineux se laissent duper par les macettes qui ont la spécialité de fournir aux bons jeunes gens tout ce qu'il y a de mieux en fait de femmes du monde tombées dans la dèche.» (_Figaro_, mars 1887.) TOMPIN. _Tompin_ qui, en 1882, n'était qu'un adjectif a passé depuis au rang de substantif argotique et est devenu synonyme d'homme élégant, à la mode. Au féminin on dit, ou plutôt on a dit (car le mot n'est plus usité) _tompinette_. «Le vrai bel air est aujourd'hui de s'étudier à paraître simple et de laisser aux tompins et aux tompinettes les exhibitions de quatre ou cinq toilettes par jour.» (_Figaro_, août 1885.) TOPO. Circulaire; proposition, motion. Argot des élèves de l'Ecole polytechnique. TOQUARD. Argot de courses. Cheval sur lequel on a placé son argent, d'inspiration, sans savoir pourquoi. «Il y a trois manières de jouer très en usage. L'inspiration, c'est-à-dire prendre un toquard, parce qu'il porte le nom de la personne aimée, celui de votre chien ou le numéro d'un cabinet particulier...» (_Vie parisienne_, juin 1884.) TORCHÉE. Coups. Rixe. TORCHER. Faire vite et mal.--Manger. _Torcher les plats._ Avoir appétit. TORCHON. Argot de cabotins. La toile, le rideau. TORTILLER LE CARTON. Jouer aux cartes. «Parfois deux sociétés font alliance pour tortiller le carton. C'est l'expression consacrée par les joueurs de besigue, de piquet à quatre, ou de rams.» (_Réveil_, 1882.) V. Delvau: _Carton_. TORTILLER LA VIS. Étrangler. «Je l'avais prévenu que s'il faisait un mouvement, j'allais lui tortiller la vis.» (_Gazette des Tribunaux_, 1864.) TORTORAGE. Nourriture. TOUPIE. Dame d'un jeu de cartes. TOUR (La). La Préfecture de Police. TOUR DE CLEF (Se donner un). Se reposer, se refaire, se mettre au vert. «Apollinaris est venu passer cinq ou six semaines à Aix-les-Bains, histoire de se redonner un tour de clef.» (Raoul Nest: _Les mains dans mes poches_.) TOURLOUSINE (Administrer une). Battre, rouer de coups. Argot des rôdeurs. «Les inculpés reconnaissent qu'ils ont été chargés par l'inconnu de frapper M. P..., de lui administrer une tourlousine, dit Zulpha (un des inculpés).» (_Autorité_, janvier 1888.) TOURNÉE PASTORALE. Tournée qui a lieu en bande, le soir, après un bon dîner, dans des maisons hospitalières. La tournée pastorale implique ordinairement la _flanelle_. TOURNE-VIS. Gendarme. Argot des malfaiteurs. «Le gendarme est naturellement l'obsession du repris de justice; il le voit partout et l'a baptisé d'un nom caractéristique; le tourne-vis.» (_Figaro_, février 1885.) TRAIN (Être dans le). Suivre les caprices de la mode; accepter toutes les innovations. Nous avions déjà dans la langue familière: _être dans le mouvement_, _suivre le mouvement_, cela ne suffit plus et, le progrès aidant, il faut _être_ aujourd'hui _dans le train_!--«Je crois devoir avertir Monsieur qu'il n'est plus dans le train.--...?--Encore un progrès, Monsieur, les voyages n'ont rien à faire ici; être dans le train veut dire: suivre le progrès.» (_National_, décembre 1886.) TRAIN JAUNE. «Elles (les femmes de mœurs faciles) commencent à persiller dans les trains de chemins de fer; il y en a même qui ne font qu'exploiter les trains jaunes qui emmènent chaque samedi de Paris, pour les ramener le lundi, les commerçants dont les femmes sont aux bains de mer.» (_Figaro_, 1882.) TRAINARDS (Faire les). Argot des cercles, des tripots. C'est ramasser les masses, les jetons oubliés sur les tables de jeux. TRANCHE (En avoir une). Être inintelligent. TRANSVERSALE. Argot de joueurs. On joue la _transversale_, quand, à la roulette, on place son enjeu transversalement, c'est-à-dire sur la ligne qui sépare deux numéros entre eux. TRAVAILLEUR. Voleur. TRÈFLE! Argot des enfants. (V. _Pouce_.) TRÈFLE. Argent monnayé. Argot des gavroches. TREMBLEUSE. Sonnette électrique. TRIMARDEUR. Voleur de grand chemin. (V. Delvau: _Trimar_.) TRIMBALLEUR DE ROUCHIES. Souteneur. TRINQUER. Ce verbe, qui, dans l'argot, a le sens propre de être battu, s'emploie aussi au figuré comme synonyme de: être malmené, être tancé. «Il faut que M. B... (qui a fortement trinqué dans cette séance) et les actionnaires résilient leurs baux.» (_Intransigeant_, sept. 1888.) TRIPATOUILLER. Manier maladroitement quelque chose; mêler, embrouiller, rendre confus, tripoter. N'en déplaise à M. Bergerat qui a lancé ce verbe au commencement de cette année 1888, ce mot est un barbarisme, barbarisme voulu, je le veux bien, mais enfin barbarisme. Que ne se servait-il pour exprimer sa pensée, du mot _touiller_, inusité aujourd'hui, sauf dans le centre de la France, où il signifie crotter, salir. _Touiller_ a ses quartiers de noblesse puisqu'au temps de Charles VII, c'est-à-dire au XVe siècle, on l'employait aux sens de _salir_ et _brouiller_. Il y avait même le substantif _touilleur_, brouillon, qu'on trouve dans Cotgrave et qui est aujourd'hui remplacé par _tripatouilleur_. On a même inventé _tripatouille_ et _tripatouillage_. «Il (M. Bergerat) a accusé M. Porel, directeur du théâtre de l'Odéon, d'avoir voulu tripatouiller dans sa comédie. Notez le verbe, il est pittoresque.» (_Illustration_, janvier 1888.) «C'est à vous, Caliban, à qui je veux parler. Vous avez un défaut que je ne puis céler. Vous créez chaque jour quelque néologisme Qui n'est, le plus souvent, qu'un affreux barbarisme. Ainsi tripatouillage est votre enfant nouveau; Tripatouille est de mode. On ne sait ce qu'il vaut Mais on s'en sert...... On dit: je tripatouille et nous tripatouillons. Tripatouiller est donc le vocable à la mode.» (_Événement_, janvier 1888.) TROIS-PONT. Casquette en soie assez haute; à l'usage de MM. les voyous. «Je les (les Alphonses) rencontre encore qui rôdent en bande, les cheveux effilés, en corne de bœuf, sur les tempes obscurcies par le trois-pont.» (Huysmans: _Une goguette_.) TROLIER. Individu, commissionnaire qui va offrir de porte en porte aux marchands de meubles le travail de l'ouvrier qui est à son compte. Dans l'argot du faubourg Saint-Antoine on appelle cet ouvrier un _choutier_. TRONC D'ARBRE. Nervure de la feuille de tabac que l'on trouve dans le scaferlati non trié. (V. _Peuplier_.) TRUC (Faire le). Argot des filles. Raccoler. TRUQUEUR. Individu du troisième sexe qui vit de son... industrie. TUILER. Regarder quelqu'un d'un œil soupçonneux. TURBAN (Valeur à). Valeur turque. «Les valeurs à turban résistent difficilement.» (_Presse_, 1882.) TUTOYER. Dérober; on dit aussi _effaroucher_. TUYAU. Argot de sport. Renseignement. «De plus, sportwoman passionnée et renseignée admirablement. Elle possède, comme on dit, les meilleurs tuyaux.» (_Gazette de Cythère_, journal, 1882.)--En argot financier, avoir un tuyau signifie avoir reçu confidence d'un mouvement préparé par les banquiers, maîtres du parquet. «Rachetons, avait dit Léontin.--Pas encore, avait répondu le fils Marleroi. Ça n'est pas fini. La panique gagne les départements. J'ai un tuyau. Nous pouvons racheter plus bas encore.» (Cadol, _La colonie étrangère_.) U UN, DEUX, TROIS, etc... Argot théâtral. Acte premier, deuxième, troisième, etc... d'une pièce. «A partir du _quatre_, mademoiselle Sarah Bernhardt est supérieure à elle-même.» (_Evénement_, 1882.) «Il suffit d'obtenir un engagement de M. Montrouge et de venir annoncer à la fin du _deux_ que le dîner est servi.» (_Evénement_, 1881.) _C'est le deux, le trois, qui marche._ C'est le deuxième, le troisième acte que l'on joue. URBAINE. Fiacre; voiture de place appartenant à la Compagnie dite l'_Urbaine_. «Une Urbaine accoste, une tête de femme paraît à la portière.» (_Vie Parisienne_, 1882.) V VACHARD. Paresseux, fainéant; qui s'étend paresseusement comme une vache au lieu de travailler. VACHE. Qui se vend à la police, mouchard. VACHER. Paresser. VALSER DU BEC. Avoir l'haleine fétide. VANDALE. Poche vide. VAUTOUR. Grec. «Tous les joueurs ont commencé par être d'honnêtes joueurs; ils ont été _pigeons_ avant d'être _vautours_.» (_Henri IV_, 1881.) VELOURS (Jouer sur le). Cette expression fait aussi partie de l'argot du turf. «En Angleterre, les grandes écuries ont presque toutes une personne de confiance qui s'occupe spécialement des paris à faire sur leurs chevaux. Ces spécialistes ont besoin d'aides, car si l'on donne de gros ordres, il faut qu'ils soient exécutés simultanément dans les divers cercles de Londres. De cette façon, on écrème le marché dans une matinée et quand le cheval sur lequel on fonde des espérances arrive en bon état au poteau, on peut le rendre à une cote très inférieure et, de cette façon, gagner beaucoup en ne risquant guère. C'est ce qu'on appelle en argot du turf: jouer sur le velours.» (_Charivari_, avril 1884.) VENDÔME. «Il est défendu (à Nouméa) de jouer à des jeux de hasard. Cependant, toutes les nuits, dans l'une de ces chambrées, on joue le vendôme, sorte de lansquenet spécial.» (_Nouvelle Revue_, 1er avril 1884.) VENTRE D'OSIER. Homme maigre. On dit aussi _sac d'os_. VERRE EN FLEURS (Donner un beau). Donner de belles cartes à son adversaire. «Cette locution n'a cours que dans les tripots et parmi les joueurs qui les fréquentent. «Je vous ai relevé par un beau verre en fleurs,» c'est-à-dire que je vous ai distribué de belles cartes pour vous donner du courage, vous allumer, vous faire augmenter votre enjeu.» (Belot: _Le Roi des Grecs_.) VERSEUSE. «Il fréquente les établissements dits cafés à femmes, où les garçons sont remplacés par des demoiselles appelées verseuses.» (_Frondeur_, 1880.) VÉSUVE (Faire son). Faire des manières, des embarras; poser. «Plantin, rappelle-toi que le vol conduit aux plus grandes fautes et même au vice!--Plantin: Fais donc pas ton Vésuve!...» (_Petit Journal._) VÉSUVER. Donner largement, libéralement. «Tu as un nourrisseur qui te vésuve des jaunets quand tu lui dis: Mon Prince.» (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) VEUVE. Non conformiste qui se prête... aux plus bizarres exigences. VIATIQUE. «Littré appelle viatique l'argent qu'on donne aux religieux pour leurs dépenses de voyage. Enlevez les religieux, expulsez-les, remplacez-les par des joueurs et vous aurez la véritable signification du mot en langage monégasque.» (_Revue politique et littéraire_, 1882.) VIATIQUE VERT. Absinthe. «Le commandant Monistrol se versant, au moment d'expirer, le viatique vert.» (Th. de Banville.) VIDER. Assommer, tuer. «On dut s'interposer; la mère Teston perdant toute mesure, ne parlait de rien moins que de le vider. (Huysmans: _Sœurs Vatard_.) VIGOUSSE. Vigueur, entrain. «Ça ne va pas, mais ça ne va pas du tout aujourd'hui... pour l'amour de Dieu, Mesdames et Messieurs, un peu de vigousse, donc!...» (De Goncourt: _La Faustin_.) VIEILLISSEUSE. «J'ai fait la connaissance d'une vieille femme qui exerce aujourd'hui la profession de vieillisseuse... nos boulevards, vous le savez, sont sillonnés de petites marchandes d'amour que leur extrême jeunesse expose souvent aux indiscrétions de la police... A l'aide de certains onguents, elle (la vieillisseuse) parvient à donner aux traits trop tendres des gamines l'expression d'un visage de 18 à 25 ans.» (_Figaro._) VINAIGRETTE. Argot des voyous et des malfaiteurs. La vinaigrette est cette voiture, peinte en vert foncé, que nous avons vu circuler par les rues et qui va prendre dans les différents postes de police, pour les conduire au Dépôt près la Préfecture, les personnes qui, après avoir été arrêtées, sont retenues par le commissaire de police ou le chef de poste. VINASSE. Vin. VINGT-HUIT JOURS. Soldat faisant la période d'exercice exigée de ceux qui font partie de la réserve de l'armée active, parce que cette période dure vingt-huit jours. On dit aussi _réservoir_. VISQUEUX. Souteneur de bas étage. VITRINE (Faire). Se parer, se faire beau, s'endimancher. V'LAN. «Au temps où le Grand-Seize s'emplissait chaque soir, au café Anglais, d'une société qu'on ne remplacera pas, car les gens d'esprit d'alors ont été remplacés par des imbéciles, on avait trouvé mieux que _pchutt_. On disait de quelqu'un, homme ou femme, qui se distinguait par une attitude, par un parti pris, un laisser-aller, une originalité tranchée: Il a du _v'lan_! Elle a du _v'lan_. C'était net, cassant, absolu.» (_Evénement_, 1883.)--Ce terme, abandonné depuis longtemps, vient de reprendre faveur.--«Soirée dansante très réussie, très animée et très v'lan hier, chez la comtesse de L.» (_Gil Blas_, 1883.) VOLAILLE. Terme de mépris à l'adresse d'une femme quelconque.--Etudiant, dans le jargon des écoles. «Des collégiens et quelques étudiants; des volailles, comme on dit sur la montagne Sainte-Geneviève.» (_XIXe Siècle._) VOYANTE. «Un autre type amusant (à la roulette de Monaco) c'est la Voyante. Elle indique les numéros qui vont sortir et se loue moyennant 20 francs par heure.» (_Revue politique et littéraire_, 1882.) VOYAGEUR SEC. Voyageur qui ne fait aucune dépense dans l'hôtel où il est descendu. VOYAGEUSE. Femme galante qui travaille (?) sur les paquebots et les lignes de chemin de fer. VRIGNOLE. Viande. W WATERLOO (Avoir son). «Il (M. Ad. Belot) lui restait à étudier pour la dernière partie de son drame le _grec_ en liberté. Il s'adressa pour cela à un ancien inspecteur du service des jeux... Cet inspecteur lui apprit, entre autre révélations étonnantes, qu'il y avait, à Paris seulement, plus de deux mille grecs, parfaitement connus et classés à la Préfecture et que malgré la vigilance la plus excessive, il y avait bien peu de cercles, même parmi les plus grands, qui n'eussent _eu leur Waterloo_. Un cercle qui _a son Waterloo_, en langage technique, est un cercle où l'on prend un grec la main dans le sac. (_Figaro_, 1883.) WATRINER. Tuer, assassiner et, par extension, détruire, renverser par force. Allusion au meurtre que commirent, au mois de février 1886, les mineurs de Decazeville sur la personne de leur sous-directeur, M. Watrin, dont ils prétendaient avoir à se plaindre. «Il ne manque dans ma boutique Que le tonnerre et les éclairs Pour watriner toute la clique Des exploiteurs de l'univers.» (_Gazette anecdotique_, février 1887.) «En avant! et watrinez les obstacles qui entravent votre mouvement. (_Grève sociale_, février 1886.) De _watriner_ on a fait _watrinade_ qui, pour les révolutionnaires, est synonyme de vengeance, de représailles et qui, pour les honnêtes gens, signifie tout simplement crime, meurtre, assassinat. «Hier encore, un ouvrier jugeait à propos de tirer sur son patron. Le _Cri du Peuple_, naturellement, exalte le courage de l'assassin et qualifie de watrinade ce qui est un crime.» (_Parti national_, mars 1887.) Z ZINGUOT. Hangar, préau. Jargon de l'Ecole de Saint-Cyr. ZUTANT. Ennuyeux. «C'est rien zutant d'n'être pas libre.» (_Evénement_, août 1885.) ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HÉRISSEY End of Project Gutenberg's Dictionnaire de la langue verte, by Alfred Delvau *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DICTIONNAIRE DE LA LANGUE VERTE *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for an eBook, except by following the terms of the trademark license, including paying royalties for use of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the trademark license is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. 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International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate. Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For forty years, he produced and distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our website which has the main PG search facility: www.gutenberg.org. This website includes information about Project Gutenberg™, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.