The Project Gutenberg eBook of Tres utile et compendieulx Traicte de l'art et science d'orthographie gallicane dedans lequel sont comprinses plusieurs choses necessaires, curieuses, nouvelles et dignes de scavoir non veues auparavant. Avec une petite introduction pour congnoistre a lire le chiffre

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Title : Tres utile et compendieulx Traicte de l'art et science d'orthographie gallicane dedans lequel sont comprinses plusieurs choses necessaires, curieuses, nouvelles et dignes de scavoir non veues auparavant. Avec une petite introduction pour congnoistre a lire le chiffre

Publisher : Jean Saint-Denis

Release date : December 23, 2020 [eBook #64113]

Language : French

Credits : Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK TRES UTILE ET COMPENDIEULX TRAICTE DE L'ART ET SCIENCE D'ORTHOGRAPHIE GALLICANE DEDANS LEQUEL SONT COMPRINSES PLUSIEURS CHOSES NECESSAIRES, CURIEUSES, NOUVELLES ET DIGNES DE SCAVOIR NON VEUES AUPARAVANT. AVEC UNE PETITE INTRODUCTION POUR CONGNOISTRE A LIRE LE CHIFFRE ***

¶ Tresutile Et compendieulx Traicté de l'art et science d'orthographie Gallicane/ dedans lequel sont comprinses plusieurs choses necessaires/ curieuses nouvelles/ et dignes de sçavoir/ non veues auparavant. Avec une petite introduction pour congnoistre a lire le chiffre.

¶ A treshonnorable et excellent juge Jacques d'aoust bailly D'abbeville Salut et prosperité.

C ombien que plusieurs poetes et orateurs françoys eussent jadis par leur melliflue eloquence et abundante facunde/ tellement enrichy la doulce langue gallicane : que sus toute aultre vernacule est aujourd'huy la plus propice & copieuse pour bien deduire toute chose de quelque importance qu'elle soit si esse qu'ilz ont sus leurs escriptures : tant solutes que liees selon mesure armonieuse/ ou delaissé/ ou changé/ ou entremeslé aulcuns traictz lesquelz ont beaucoup corrumpu l'orthographie & adommagé ses bonnes painctures & estoffes naturelles. Et ce ne nous doibt point seulement desplaire ains esmouvoir & semondre pour luy faire recouvrer ses premieres & vives couleurs reputez d'estime frivole par le succroysi de l'adulterine paincture. Car s'il est ainsi que ayons veu en ce temps heureux toutes sciences plus esclarcir que jamais/ tout art florir & venir a perfection/ chascun prendre plaisir a ressouldre & augmenter son industrie sans espargner peine ne labeur. Cela doibt estre occasion suffisante de stimuler aygrir/ et ouvrir les entendemens des zelateurs de ladicte langue pour entreprendre & visiter les escriptures perverties & depravees en extirpant toutes faultes & erreurs affin de les revoquer a leur premiere et antinque integrité. Neantmoins on a jusques icy fait de ce nulle ou petite reputation : dont telles difficultez & obscurtez ont pullulé/ pour le present il n'est pas legier ne aysé de les cercler et purement nettoyer. Or entendu que les ancestres se sont deportez de entamer ceste matiere il sembleroit oultrecuder & temerité de vouloir investiguer plus avant. Mais l'utilité qui en peult suivir doibt vaincre et donner hardiesse de mettre la main a ce labeur. Au regard dequoy & aussi par les improbes exhortations d'aulcuns avec lesquelz j'ay non vulgaire familiarité suis contraint d'exposer ce petit traicté : non point que je pense qu'il soit souffisant de restaurer l'orthographie en sa dignité pristine : Mais affin que les amateurs de ladicte langue françoyse prennent cueur chascun en son endroit : & s'efforcent de la redresser & restablir en son entiere et absolute perfection. pourtant treshonnoré seigneur comme je fusse persuadé par iceulx mes amys que ceste lecture donneroit passetemps : & trouveroit lieu entre gentz de doctrine non proletaire entre lesquelz vous teniez le front devant. Ainsi soubz l'ombre de vostre protection m'a semblé chose convenable et decente & ay esté contrainct de laxer & communiquer les premices de nostre petite tenuité esperant que au moyen de vous pourront impetrer faveur et recueil devant les yeulx des benivoles lecteurs.

¶ Donné d'abbeville le .xxii. de septembre. Mil cinq centz vingt neuf.

O rthographie est ung terme grec fait par longue espace de temps commun & comme propre a nostre langue dont pour le present il nous suffira de la diffinition Orthographie doncques est une science & industrie de sçavoir bien escripre. Non point que ce soit de bien farder ou paindre sa lettre mais de non changer/ adjouter ou diminuer une lettre pour l'autre en son escripture. On congnoit suffisamment les lectres requises a bien escripre par l'a bé cé lesquelles sont devisez en voielles a/ e/ i/ o/ u/ avec y grec : les autres sont dictes consonantes Nous appellons une lectre voielle quand de soymesme elle fournit pleine voix Consonante quand de soymesme n'a point sa voix mais la mendie de la voielle comme b/ de/ e/ car il est impossible de pronuncer b sans e/ et ainsi des aultres. Toutes lettres au franchois sont de une seulle syllabe laquelle chose est manifeste en la prolation des voielles et qu'il soit ainsy des aultres nous le comprehendrons facillement. Car la lettre est dicte consonante puis qu'elle sonne avec la voielle comme d/ avec e et non point avec deux ou plusieurs. Je dis ce affin de abolir la folle usance ou plus tost l'abuz de nostre picardie en laquelle nous proferons effe l'ache/ emme/ enne/ erre esse/ iux/ zetdre/ pour ef ha em en et ex. Et me tairay des parisiens qui dient boy/ choy/ doy & ce. En passant les aultres subdivisions lesquelles ne servent rien a nostre propos car ceste seule suffit a bien furnir & discerner de l'escripture gallicane.

¶ De ces lettres figurees ou elementaires c'est a dire escriptes ou proferees depend & efflue nostre langue franchoise car des lettres/ la sillabe : & des sillabes est la vocale composé.

¶ Il est requis a la sillabe une ou plusieurs consonantes avec une seule voielle combien que la voielle (a raison de sa pleine sonorité) fait souvent de soymesme une sillabe.

¶ Or s'il advient que en une sillabe deux voielles avec leur vertu & leur force vocale lesdites deux voielles ainsy cousues & liees sont appellees diphthongue. et sont seullement quatre au latin ae/ oe/ au/ eu avec ei grec mais on n'a point encoire arresté en nostre langue le nombre neantmoins s'ensuyt celles que avons amoncellé premierement.

aa Comme aage dissyllabe escript coustumierement par double aa en sa premiere nomnobstant je escriproye eage.
Ae Du latin comme praeferer. &c.
Ai vel ay Plait/ hait/ mais/ feray
Ao Aorner
Au Au chault hault
Ea Eage aneanter/ changea .&c.
On a jusques icy escript barbarement jehan/ lequel en sa prolation & mesmement en mesure rithmique est monosyllabe comme si eha fut dipthongue : combien qu'il soit requis de riens interposer entre deux voielles apprengnent doncques les jennins a escripre leurs noms.
Ee Orneement de ornate . On escripra double ee devant ment quand on le proferera en pleine sonorité masculine il est masculin par tout ou il resone comme en trinité facilité/ faculté. Il est feminin quand il a le son remis et doulx comme france/ doctrine/ divine. Sy e doncques devant (ment) est feminin il est simple/ comme fermement/ ornement de ornatus . S'il est masculin il est double comme affermeement orneement (de ornate ) si vous n'aymez mieulx escripre ornement par ae et ainsi des aultres.
Ei Feit/ pareil conseil
Eo George jugeons
Eu Cheut deux courageulx
Ia Diable
Ie liege siege pierre douziesme
Io Consternions estions
¶ Notez que la coustume des gros picardz proferent souvent io ou il affiert seullement o comme (niom) monosyllabe pour nom/ pourquoy si nous voulions escripre selon leur prolation/ nous aurions (comme les flamens) double ii dipthongue.
Oa Comme coac mais ce est rare
Oe Du latin
Oi vel oy Bois besoing roy
Ou Bourg court tours
Vi vel uy Huile huy

Despautere dit huy interjection estre monosyllabe & baille pour tesmoing feretus en quoy luy et son tesmoing c'est abusé : car on ne treuve point au latin uy dipthongue : pareillement u aprés h ne perd point vertu de consonante parquoy il est necessairement dyssillabe.

¶ Comment v/ perd aulcuneffoys vertu de voielle & consonante.

¶ Or affin que ne jugeons mal dipthongue pour non dipthongue nous noterons icy que u aprés g/ q/ &/ s/ suyvant quelque voielle en la mesme syllabe perd nom de voielle & de consonante & despautere l'appelle lors liquide. Car il ne se profere point (dit il) comme voielle & n'est point totalement supprimé ains est pronuncé comme en son languissant laquelle chose nous cognoissons signamment aprés g suyvante/ & i/ comme en distinguer languir car si u. estoit du tout supprimé on profereroit distinger/ langir. Et ainsi perdre vertu de consonante est une lettre ne pouoir avoir sonorité ou pleine resonance avec la voielle de elle mesme si devant ladicte lettre ne procede quelque aultre consone qui soit en la mesme syllabe/ car sy nous rejectons g/ de distinguer ou languir. il sera impossible de proferer leurs dernieres sillabes.

¶ Et si v. estoit consonante on profereroit lang vir disting ver ou g. ne tiendroit point de la derniere sillabe v. donques n'est poin en ce consonante attendu qu'il ne consone point & qu'il n'a point plein son avec la voielle neantmoins ne perd point non de lettre comme nous monstrerons cy aprés.

¶ Selon la prolation observee des Franchois u. aprés lesdictes consonantes/ suyvant a/ &/ o/ voielles en la mesme sillabe a le son mort car nous proferons aqua distinguo comme sy on escripvoit aqa distingo sans u : neantmoins selon la prolation italienne ou germanicque on oit u. avoir son de voielle et semblablement suyvant e/ & i/ v/ perd telle force au latin aprés g/ q/ et s/ seullement : mais en nostre langue aprés toutes consonantes moyennant que en la mesme syllabe suyve quelque voielle comme buire/ cuire/ conduit/ fuir/ distinguer/ juillet luire/ nuison/ nuisant/ puis/ quelle/ bruit/ poursuit/ truaulx vualon auquel v : premier est consonante comme i/ en juillet. Aprés x/ et z/ vous le trouverez en aulcuns noms de regions et termes forains.

¶ Et combien que u en ce semble avoir comme sonorité de voielle sy esse qu'il ne resone non plus aprés lesdictes consonantes que aprés s.

¶ Or puis qu'il est ainsi que aprés perd vertu vocale & de consone : il s'ensuyt necessairement (attendu qu'il ne change point de sonorité ains retient pareille resonance comme fuir suir & ainsy des aultres) que la debvons juger perdre telle vertu dessoubz les lettres predictes : mais je suys icy plus long qu'il ne appartient a matiere isagogique.

¶ Oultreplus v perd aulcuneffoys telle vertu aprés h : comme en huytiesme aulcuneffoys que non comme en huile laquelle est impossible de discerner a la prolation : veu que la sonorité n'en change point : mais de ce parlerons cy aprés.

¶ De i : et u. consonante.

¶ Il ne seroit point besoing descripre ce que les enfans ne ignorent c'est que i : et : u. sus toutes voielles faisans les premieres lettres de la syllabe sont consonantes comme juste adjuteur vertu/ converser : Mais maistre pierre Fabry treuve sus v en (vulgaire) dipthongue en quoy il n'est pas digne d'estre reprins.

¶ De sinaerese.

¶ Nous noterons icy affin de discerner la dipthongue de non dipthongue que deux voielles naturellement separees s'estraindent et joingnent en une syllabe par sinaerese Jean le maire en l'epytaphe de bissipat.

Veez cy le corps de l'ung de plus gentilz.

¶ Item

le bien naissant de subtile poesie.

¶ Item.

Voulzit bransler par art de geometrie/

ee/ en veez oe en poesie & geometrie ne sont point dipthongues ains sont naturellement dyssillabes & sont ainsi noees en une par ladicte figure inventee seullement pour mettre : sinaerese doncques aultrement appellee Episgualophe est quand deux voielles naturellement separees se serrent en une syllabe.

¶ De diaerese.

¶ Nous avons une aultre figure opposite par laquelle la dipthongue est desnoee & partie en deux syllabes George chastellain aux epytaphes D'hector

Las est cheute en terre & pourriture.

¶ Item le maire en ung traicté de cupido et atropos.

Print sa niepce en ses bras desja froide

& en plusieurs aultres lieux : Car cheute sont en ce trisyllabe aultrement la mesure ne seroit point observee. Diaerese est division d'une syllabe en deux assez usitee tant au françoys que au latin Ovyde.

Nunc quoque te salvo persoluenda michi.

¶ Item

debuerant fusos evoluisse dies.

¶ Item en l'hystoire de sainct vulfran.

Prudenter moderans fortis iustus erat.

En quoy iustus est trisyllabe comme persoluenda & evoluisse de cinq. J'ay icy parlé desdictes figures affin que les ignorans se doybvent garder de condempner ce qu'il n'entendent pas & d'icelles on doibt user sobrement : car elles furent pour necessité de mesure inventees. Pour consuyvir nostre propos encommencé en nostre langue vulgaire les voielles s'entreayment tellement que trois nerfvees naturellement ensemble font seullement une syllabe laquelle chose ne se faict point au latin comme.

Aou Aoust saouller
Eay vel eai Changeay jugeai
Eau Beau nouveau
Eoi Bourgeois liegeois
Iei Vieillard
Ieu vel yeu Dieu lieu lieu
Oei Voeil oeil
Oeu Coeur soeur oeuvre
Oue Coueffe/ mirouers comme escripvent aulcuns.
ouy vel oui Ouy de ita/ souillon Brouillon.

¶ Je dis devant naturellement nerfvees a cause que par sinaerese trois voielles se serrent en une syllabe qui de leur nature font deux syllabes Jean le maire.

Elle va veoir la noble germanie.

¶ Item en l'epitaphe de bissipat.

Par foys sus luy puis l'eslevoient aux cieulx
soient preservez ja pieça ne leut on.

Et m'est advis selon que estoient descriptz en quoy trois voielles font (non point naturellement) mais par figure troys syllabes. On use semblablement icy de diaerese en decoppant lesdictes trois voielles en deux si esse qu'il en fault user sobrement.

¶ Des lettres en particulier et premierement de c/ k/ &/ qu.

¶ Pour descendre aux lettres particulierement nous debvons entendre que les grecz ont une lettre dicte cappa pour laquelle nous avons c/ k/ &/ qu/ lesquelles trois devant a/ o/ et u/ tant au latin comme en nostre vernacule ont semblable sonorité car catherine/ comment/ curieux/ se proferent et resonnent comme sy on escripvoit katharine/ komment/ kurieux/ ou quatharine/ quomment quurieux neantmoins il se fault donner de garde/ d'escripre une lettre pour l'autre k et qu. sus e/ et y ont semblable prolation et resonance car question resonne comme sy on escripvoit kestion kyrie comme sy on escrivoit quyrié. Mais c devant lesdictes deux voielles change de sonorité aultrement vous ne trouveriez point de discorde entre citer. & quiter. entre querimonie et cerimonie. k/ ne se ose trouver aux françoys sinon en noms forains et barbares.

¶ Des vocables terminez en ique.

¶ Nous noterons icy que qu/ du latin se convertit aulcuneffoys en c/ comme de quinque cinq/ aulcuneffoys que c/ en qu/ comment de convocare convoquer. dont nous subsinuerons que les noms latins en icus transmuez au françoys en ique (comme de angelicus angelique) se doybvent escripre sans interposer .c. entre .i. et .q. car attendu que c est mué en qu.

¶ Il s'ensuyt que c devant qu est superflu pourquoy on escript mal magnifique mistique. &c. per c.

¶ De ence/ ense/ tion/ sion/ ction. xion et semblables.

¶ Oultre plus puys c a quelque intelligence avec t et s il est necessité pour bonne orthographie de retourner au latin touchant les dictions terminees en ence ou ense car pour bien escripre prudence clemence & semblables nous retournons a prudentia clementia ou t se mue en c Item nous congnoissons qu'il fault escripre offense immense. &c. par s a cause qu'ilz descendent de offensa mensus semblablement response a cause de responsum : a l'opposite annunce/ denunce/ renunce a raison de annuncio . &c. Nous congnoissons aussy que debvons escripre par double ss passion profession possession par passio professio . &c. au contraire perdition/ inhibition/ invention par t. Extraction dilection par ct. Influxion annexion par x. Et generallement pour observer bonne escripture il convient recourir au latin si les dictions descendent directement dudict latin

De d et t.

¶ Attendu aussy si d et t en la fin du vocable ont quelque prochaine resonnance nous regarderons pour bien discerner de l'escripture s'il descend dudit vocable quelque denominatif lequel brisera tout le different comme il fault escripre concord normand/ picard/ verd & semblables par d ainsy que les denominatifz concorde normandie/ picardie/ verdure enseignent au contraire fort couvert. &c. par t a raison de ouverture/ fortitude couverture. Si le vocable est verbe nous passerons au preterit comme mordoye pendoye descendoient & semblables demonstrent qu'il fault escripre mord pend descend. &c. par d. S'il est nom ou participe ou feminin comme sourd sourde truand truande/ superabundant superabundante.

De f et g

¶ Comme les aultres consones retient sa peculiere sonorité signamment dessus a o et u : car sus e & i resone comme i consonante. Si doncques nous interposons e entre lesdictes trois voielles change et mue sa sonorité comme george resone aultrement que gorge a raison de e interposé. Ainsi plusieurs non congnoissantz ceste immitation delaissent e ou il affiert en escripvant changay/ bourgeoys jugeant et cetera.

¶ Oultre ce g devant n consonante en une mesme syllabe fait beguer & ploier la langue comme borgne besongne/ espargne et semblables moyennant qu'ilz ne descendent pas du latin ayant gn lequel on profere communement sans ploier la langue comme magnifique regnant digne. &c.

¶ De f.

¶ Les vocables terminez en ive descendantz du latin combien qu'ilz ayent le masculin au franchoys en if : sy esse qu'il rejectent f au feminin comme apellatif applative : mais quant il ne profluent point du latin il reservent f au feminin comme hatif hatifve & semblables.

¶ De h.

H tant au latin que au françoys aspire toutes voielles & une seulle consonante qui est c : car les vocables retenantz ph/ rh/ et ih/ ne sont point purs latins. ne françoys mais descendent du grec. Entre lesquelles h ne aspire point seullement p : mais ainsi luy faict changer amolir/ & muer sa propre resonance aultrement il n'y auroit point de difference entre la prolation de pharisien et parisien. D'avantaige en nostre langue domesticque h retient ceste mesme vertu sur c et fait amolir & adoulcer la raisonance laquelle chose il ne fait point au latin comme demonstre charitas et charité : car comme nous avons dit dessus : c devant a/ o/ et u s'y profere comme si on escripvoit qu au lieu de c mais sy nous aspirons c devant lesdictes trois voielles/ l'aspiration change et molifie la prolation comme coler est plus dur que choler. Et ainsi nous congnoissons a la prolation quand on doibt aspirer c ou non comme a proferer catherine/ captivité/ compaignon flacon gascon curieux et semblables. on congnoit que c ne se aspire point a l'opposite il est aspiré en chanoyne charton chose charbonnier et semblables pourquoy il est evident que on escriproit mal sans h franchois/ fachon/ lechon/ et semblables car sans h on profereroit franquois. &c. Vous excepterez les vocables descendans du grec comme chaldee/ chananee cholere &c. Avec sçavoir & ses dependans sy on veult escripre & suyvir. La coustume tresusitee neantmoins j'estime qu'il est besoing selon vraye orthographie de interposer e. car nous escripvons au present tu scez : il scet lequel e debvons garder par tout en escripvant nous sceavons vous sceavez il sceavent par lequelles picardz escripvent il scevent.

On addoulte donques c devant lesdictes trois voielles a o u en interposant e comme cea pour lequel on escript mal ca/ excerceant excerceoit. Plusieurs s'enforcent prouver h avoir au latin vertu de consonante mais toute leur digladiation est soustenue et brisee par le bouclier de cesure.

Il est donques saulves toutes leurs bonnes raisons au latin seulement aspiration neantmoins il a au franchoys vertu de consonante/ et est pure consonnante Car e feminin devant h pure aspiration est tousjours synaloephe absumé & anglouty et ce est moult commun : mere sotte en ses fantasies.

Prennent plaisir de quelque homme jouir
devant ses yeulx le sage homme fault mettre

et aultres infinies exemples Mais quant h resone comme en hardy : hay hobin & semblables n'endure jamais que e feminin soit absumé Jehan le maire en l'epistre de l'amant verd

dont le hault cueur de vray amour pur ivre.
Que haÿ soye & que frustré me voye
son maistre hault prince de portugal
Et ce hobin malheureux & mauldit

Item mere sotte en ses fantasies

Le cris d'aultruy faisant mainte harengue.
En demonstrant bras droit face hardie

en quoy h a pleine resonance et sonne avec la voielle ayant force et vertu de consone et est vraye consonante mais aux aultres est seulement aspiration car homme horrible helas ne resonent non plus que sy h estoit delaissé

De i devant l.

I devant l final remploie aulcunement la prolation moiennant que ledit i soit accouplé par diptongue avec quelque aultre voielle ou deux comme metail conseil/ ceil laquelle chose il ne faict point seul et sans aultre voielle comme fertil/ util/ viril subtil. &c. Mais .i. devant double ll soit seul ou joinct par diphthongue faict (au proferer) ploier et becquer la langue come traveille/ bataille/ grille/ estrille moiennant que la diction ne descende point du latin ayant double ll : car lors la prolation est droicte comme en distille ville et semblables. Nous escripvons doncques fille par double ll a cause que sa prolation fait becquer la langue combien qu'il descende de filia lequel a simple l.

Des vocables terminez en elle & el.

Tous vocables descendantz des noms terminez en elus ou elis et des verbes en elo ont simple l comme fidele/ zele/ revele Tous aultres ont double ll comme surpernelle sempiternelle/ naturelle combien qu'il descende de naturalis .

Des terminez en ales et allis.

Tous vocables profluantz directement du latin aiant a sus l/ ont simple l comme scandale regale : imperiale : brutale tous les aultres ont double ll.

De io.

Jamais on ne doibt escripre p entre m & n pourquoy on escript mal dampne car il fault escripre damne condemne par e non par a sans p.

De r

R simple soit au commencement au mylieu ou en la fin a tousjours forte resonance sy elle n'est point enclose entre deux voielles entre lesquelles a son foible et petit comme difference dirime.

De s.

¶ S simple entre deux voielles a la sonorité de z Pourtant il se fault donner garde d'escripre simple s pour double ss et au contraire : comme poisson pour poison coussin pour cousin en retournant pour observer bonne orthographie a la prolation par laquelle nous congnoissons la difference comme bourgeoise s'escript par simple s angoisse par double et ainsy des aultres Jasoyt doncques sont deux dictions : voire quand il ne derive point de Jasez ou Jazer terme nouveau.

¶ Item s s'escript en la premiere & secunde personne du preterit parfaict de l'indicatif comme aimasmes aymastes feismes feistes et ainsy des aultres verbes. Semblablement aux dictions de nombre comme deuxziesme troiziesme. &c.

¶ Il seroit aussi bon de l'escripre en la tierce persone singuliere dudict preterit pour mettre difference a la tierce personne du present comme dist de dixit list de legit & semblables.

De t.

¶ Ti devant une voielle resone ci comme perdition declaration. si s/ ou x n'est sus t comme question commixtion ou selon aulcun commistion : ou si la diction ne proflue du grec mathias mathieu car lors t a sa propre resonance

De st.

¶ Communement les vocables derivantz directement du latin ayant st : au franchois s retient son sibil comme coeleste/ triste terrestre manifeste et ceter. excepté tempeste destruire monstrer avec peu d'aultre que je passe.

¶ Notez directement car s'ilz descendent indirectement s n'est point ouye comme en maistre cloistre apostre beste car on diroit directement maistre/ claustre/ apostole/ beste On pourroit icy dire que aimastes et semblables viennent directement du latin de amastis Je dis que non car nous disons regulierement amavistis et par figure amastis .

Toutes aultres dictions escriptes par st et s devant e a le son mort & sans sibil comme teste/ admoneste enqueste hastif/ baston paistre/ naistre. &c. Excepté poste bastillon et teston selon la coustume du Jourd'huy avec peu d'aultres.

De v.

¶ Combien que Quintilian die o & u estre l'ung pour l'aultre immué sy esse que je n'ay jusques icy trouvé grammerien discernant la prolation des vocables latins ayantz u : ausquelz en la mesme sillabe m ou n suyvent continuellement En quoy nous oyons (selon la commune prolation) u avoir la sonorité de o comme mundus/ seculorum/ legunt/ ungo/ et tous aultres sy non cunctus/ punctus defunctus Neantmoins les dictions pures gallicanes aiantz u devant n ou m reservent et proferent u non point o comme brun verdun aulcun. &c. Jasoit donques que en furibunde facunde/ secunde/ munde/ quelcunque profunde & en semblables derivantz u ait sonorité de o sy fault il escripre pour observer bonne orthographie u nonobstant quelconque coustume. Nous avons monstré devant que v est maintenant voielle/ maintenant consonante et que aulcuneffois perd nom de voielle & de consonante a quoy chascun se consent/ mais aulcuns dyent que lors perd nom de lettre Or pour bien entendre et juger de cest affaire nous prenderons ceste mettre gallicane.

Longe selon son ordre le huitiesme.

En laquelle si u n'estoit point lettre e necessairement le absumeroit en tant que h en huitiesme est pure aspiration comme aspiration ne empesche point la synalephe par plus forte raison si i n'est point lettre ne l'empeschera point. Oultre s'il estoit voielle e semblablement se absumeroit. et s'il estoit consonante on profereroit huitiesme comme si on escrivoit vitiesme il ne perd point donques nom de lettre : et est (comme il est dit dessus) liquide. Si nous desirons congnoistre quant u aprés h perd nom de consonante et de voielle/ ou quand elle est voielle nous nous retirerons a la rithme en laquelle si e feminin s'absume il est voyelle. Si non il n'est voielle ne consonante mais le pourrons nommer liquide.

¶ De .x.

Nous escrivons la fin de dictions en eux/ eulx oux/ oulx/ aux et aulx/ par x non point par .z.

¶ De y grec.

¶ Nous escrivons coustumierement y grec en la fin de la diction comme roy esmoy/ feray/ amy/ icy. &c. Et aussi en la diction descendant du grec ayant y grec comme hypocrite en la premiere syllabe/ abysme/ babylonne/ tyrant de tyrannus et semblables.

¶ De .s. et .z.

¶ Vocables ayans b/ c/ d/ f/ l/ & t. au singulier ont/ z/ aprez lesdictes consonantes au plurier. Les terminez en/ g/ m/ n/ p/ r/ ont au plurier s. On escript par coustume les participes et noms terminez en ant ou ent/ au plurier par s : muant t en s comme negligent/ negligens. J'aymeroye mieulx adjouter s aprés t : & escripre negligentz vaillantz & ainsy des aultres. Oultre ce tout vocable terminé en e feminin ayant sibil retient s finale comme divines/ vaillables/ bourgeoises/ discordes promesses/ bonnes/ dures et semblables/ au contraire le masculin a z/ comme deitez/ irritez/ precepitez. &c. Nous avons declairé dessus quand ung terme est masculin ou feminin. Je porroye icy assembler plusieurs dictions a l'escripture desquelles on voit leur difference comme dix de decem / dis de dico / dictz de dicta / Lesquelles je laisse aux diligentz lecteurs.

¶ Et pour la fin nous debvons songneusement retourner au latin et regarder parfaictement l'orthographie latine pour nous reigler en nostre escripture franchoise nous sommes souvent abusez par faulte de ce comme par faulte de tirer au latin nous escrivons/ escripre/ escripvoit. &c. par p combien que latin scribere scribebat n'a point de p. ainsi on est deceupt/ pour cause que escript lequel vient de scriptus s'escrit par p : et ainsi des aultres lesquelz je passe pour briefveté.

¶ Aux lecteurs.

¶ Nous avons beningz lecteurs entamé ceste matiere non point que pensons avoir satisfait ou pour satisfaire mais nostre intention est principallement de animer et aygrir les engins des gentilz facteurs & vrays zelateurs de nostre langue franchoise pour rencontrer l'ung l'autre au passetemps de doulce et amiable concertation et que par telle collision ilz viennent esclarcir et nettoyer la rouillure/ les faultes/ et obscurtez grandement noircies/ corrompues/ et perverties par les faulses escriptures/ et aussi pour la restituer en son honneur a la gloire et exaltation de tous franchois.

Finis

¶ Imprimé a paris pour Jehan saint denis libraire demourant a paris en la rue neufve nostre dame a l'enseigne sainct Nicolas.

Note du transcripteur

On a conservé l'orthographe (y compris ses variantes, par exemple « diphthongue, diphtongue, diptongue »), la ponctuation et l'usage des majuscules de l'original. Pour faciliter la lecture, on a toutefois résolu les abréviations par signes conventionnels (par exemple « cõe, cõme » sont transcrits « comme »), introduit apostrophes, cédilles et accents, et distingué u/v et i/j à l'intérieur des mots (on a laissé les formes u, v, i identiques à l'original lorsqu'il s'agit de lettres isolées).

On a matérialisé plus distinctement le découpage en titres et alinéas, parfois peu apparent dans l'original, et isolé les citations en vers (qui figurent sans séparation dans le corps du texte dans l'original).

On a effectué les corrections suivantes :

et rectifié quelques erreurs manifestement imputables au typographe (par exemple : antre > autre, voille > voielle, etc.) non signalées dans le détail.