Title : L'Arche de Noé
Author : André Hellé
Release date : July 3, 2021 [eBook #65751]
Language : French
Credits : Laurent Vogel, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
L’ARCHE DE NOÉ
DU MÊME AUTEUR
ANDRÉ HELLÉ
PARIS
LIBRAIRIE GARNIER FRÈRES
6, RUE DES SAINTS-PÈRES, 6
PAGES | PAGES | ||
Le Tigre | 7 | Le Perroquet | 37 |
La Girafe | 9 | Le Lapin | 39 |
Le Singe | 11 | La Grenouille | 41 |
L’Ours | 13 | L’Oiseau des Îles | 43 |
Le Dindon | 15 | L’Oie | 45 |
Le Marabout | 17 | Le Loup | 47 |
Le Chien | 19 | L’Âne | 49 |
Le Serpent | 21 | Le Chat | 51 |
L’Éléphant | 23 | Le Cheval | 53 |
La Tortue | 25 | Le Mouton | 55 |
[p. 5] Le Porc-Épic | 27 | La Baleine | 57 |
Le Chameau | 29 | Le Zèbre | 59 |
L’Autruche | 31 | Le Pingouin | 61 |
Le Lion | 33 | Le Crocodile | 63 |
La Vache | 35 |
Rayé de jaune et de noir, portant de longues moustaches, que personne n’ose tirer, le Tigre, dont l’aspect est celui d’un gros chat, est le plus féroce de tous les animaux.
Il vit principalement dans le sud de l’Asie, dans les Indes anglaises et en Indo-Chine, où sa cruauté le rend redoutable.
Lorsque arrive le soir, [p. 8] le Tigre quitte son repaire et va chercher sa proie. Tapi dans les hautes herbes, au bord de l’étang, il bondit sur le buffle qui vient boire et le dévore. Les Indigènes l’appellent le "mangeur d’hommes".
Les Rajahs de l’Inde chassent le Tigre à dos d’éléphant; la chasse au Tigre est un sport dangereux, aussi n’est-il pas un voyageur revenant de ces lointains pays qui ne se vante d’en avoir tué au moins un.
Le Tigre cesse d’être redoutable lorsqu’il sert de descente de lit; jamais, pourtant, il n’ouvre une gueule plus menaçante; c’est peut-être qu’alors il bâille d’ennui.
La Girafe est le plus grand de tous les animaux: c’est une bête douce et inoffensive.
La Girafe vit dans les plaines de l’Afrique et se nourrit des feuilles des grands arbres; car elle broute difficilement l’herbe des prairies.
On se demande même si la nature a fait vivre les Girafes [p. 10] dans la région des palmiers; ou si elle a fait pousser les palmiers dans le pays des Girafes?
Au-dessus de ses longues jambes, de son corps efflanqué, de son cou qui n’en finit plus, la Girafe porte une petite tête aux yeux inquiets. Peut-être a-t-elle le vertige?
Elle a aussi deux cornes peu dangereuses avec lesquelles elle ne pourrait faire de mal à personne: aussi se sauve-t-elle bien vite à l’approche du moindre danger.
Et pas un chasseur n’oserait raconter qu’il a pris une Girafe à la course.
Dans les forêts équatoriales, les Singes s’ébattent gaiement.
Ils vivent dans les arbres et s’agitent perpétuellement. Ils caquettent, ils piaillent, poussent des cris aigus. Ils animent de leur gymnastique la forêt toute entière, courant sur les branches pour se poursuivre, s’y accrochant de leurs pieds ou [p. 12] de leurs mains, s’y balançant au bout de leur queue; ou bien ils grimpent à une liane pour aller cueillir un fruit qu’ils mangent après l’avoir épluché avec de petites mines dégoûtées.
Les Singes ont des aspects divers; certains ont la tête tatouée de bleu et de rouge; les uns ont des poils ras; les autres sont recouverts d’épaisses fourrures.
Ce sont les animaux qui ressemblent le plus à l’homme dont ils imitent les gestes dans la perfection.
Leur agilité et leur adresse les mettent à l’abri des attaques des carnassiers. Un bond, une pirouette: le clown de la forêt est bien loin de ses ennemis.
Et il leur fait alors une grimace.
L’Ours est un gros animal à l’allure lourde et bonasse à laquelle il ne faut pas trop se fier. Il vit dans tous les pays du globe, excepté en Afrique.
L’Ours est vêtu d’une épaisse fourrure brune, fauve ou [p. 14] blanche: les Ours blancs habitent les régions glacées du Pôle.
Malgré son aspect maladroit, l’Ours est d’une agilité remarquable; il est intelligent, rusé et prudent.
Il est recherché à cause de sa fourrure, mais sa chasse est difficile: l’Ours s’avance sur le chasseur, le prend à bras-le-corps et l’étouffe en le serrant contre lui.
Pourtant les tout petits aiment bien Martin parce qu’il grimpe à l’arbre pour les amuser.
Le Seigneur Dindon se promène dans la basse-cour. Il enfle orgueilleusement son jabot noir et secoue d’un air glorieux sa crête rouge. Tout à coup, il s’arrête, il tend le cou, fait entendre un gloussement ridicule. Puis il repart superbement.
Aussitôt le soleil couché, il se perche sur un arbre et s’endort, semblable à un gros ballon noir accroché dans les branches.
Pourquoi le Dindon est-il si fier?
Est-ce parce que, jadis, au temps des contes de fées, les fils de rois épousaient souvent des gardeuses de Dindons?
Ou bien est-ce parce qu’il doit devenir plus tard un excellent rôti que nous serons joyeux de voir apparaître sur nos tables?
Le Marabout est un oiseau de la famille des cigognes qui vit en Afrique et dans le sud de l’Asie.
Il a quatre cheveux sur la tête et un énorme bec pointu; ses grandes ailes descendent de chaque côté de son corps et le font ressembler à un vieux monsieur en habit râpé.
Perché sur ses longues pattes, au bord des étangs, la tête dans les épaules, il guette les poissons qui passent.
Son attitude renfrognée, son air triste et résigné lui ont fait donner le surnom de "philosophe".
Mais que sa philosophie doit être amère!!!
Autour de lui, les oiseaux volent; d’autres animaux marchent, courent ou se battent; lui seul reste éternellement immobile en attendant le soir.
La nuit venue, le Marabout ferme l’œil et s’endort: il se réveille le lendemain et ouvre l’œil.
. . . . . . . . . . . . . . . . .
La vie reprend son cours.
Le Chien est l’ami de l’homme; c’est le plus intelligent des animaux domestiques. Son flair remarquable le guide et lui permet de retrouver sa maison ou son [p. 20] maître lorsqu’il s’en est éloigné. Ses aboiements joyeux accueillent ce dernier lorsqu’il rentre au logis; mais ses aboiements furieux écartent l’intrus qui cherche à pénétrer dans la maison.
Le Chien du Mont Saint-Bernard recueille les voyageurs égarés dans la montagne; le Basset, tout en longueur, est un excellent chien de chasse; le Bouledogue, en dépit de sa tête hargneuse, est souvent un animal très doux; le Caniche, avec son air de faux lion, est le pitre des chiens; le Lévrier peut attraper les lièvres à la course.
Autrefois, le Chien du régiment défilait dans les revues et s’en allait à la guerre: il gardait le camp et n’était jamais puni de salle de police: aujourd’hui, le Chien policier poursuit les malfaiteurs, leur plante ses crocs dans les jambes et les maintient jusqu’à l’arrivée des agents ou des gendarmes dont il est le courageux auxiliaire.
Le Serpent est un reptile qui vit dans les pays chauds et tempérés. Dans nos régions, les tas de fagots et les trous des vieux murs lui servent de maisons d’hiver. Les terrains sablonneux et les frais gazons du bord de l’eau sont ses maisons d’été.
La plupart des Serpents possèdent des dents à venin qui les rendent très dangereux. Ils rampent sur le sol et grimpent dans les arbres. Les grands Serpents arrivent à avaler de très gros animaux après les avoir broyés en s’enroulant autour d’eux.
Il y a des Serpents de toutes les tailles et de toutes les couleurs.
Les écailles qui les recouvrent forment des dessins variés. Celui-ci a l’air de porter des lunettes; celui-là tinte comme une sonnette; mais il ne serait pas prudent de l’employer à cet usage.
Les charmeurs de Serpents sifflent doucement pour les attirer.
Au contraire, lorsque le Serpent siffle, l’homme prudent se sauve.
L’Éléphant est le plus gros de tous les animaux. Il possède, en guise de nez, une trompe, qui lui sert aussi de main, et [p. 24] il est armé de deux défenses d’ivoire placées de chaque côté de sa bouche.
Il y a des Éléphants en Afrique et en Asie: à l’état sauvage, ils vivent en troupeaux, mangeant des herbes, se baignant souvent et se douchant à l’aide de leur trompe.
Les Éléphants domestiques portent des fardeaux, de l’artillerie et traînent des chariots. Ils se dressent facilement, grâce à leur intelligence et à leur docilité.
L’Éléphant est souvent l’animal préféré des petits enfants, et c’est dans ses défenses qu’on taille le hochet qui est leur premier jouet.
La Tortue appartient à la famille des reptiles. On fait avec sa chair d’excellent bouillon; sa carapace produit l’écaille.
La lenteur de sa marche est proverbiale: mais la Tortue, cheminant avec patience, arrive souvent la première au but.
[p. 26] Lorsqu’un danger la menace, la Tortue disparaît sous sa carapace: elle ne craint rien tant que d’être retournée sur le dos.
Elle se nourrit d’herbes et d’insectes.
Il y a des Tortues très petites et il y en a de très grosses: les unes vivent sur terre et les autres dans l’eau.
Comme l’Escargot, la Tortue porte sa maison sur son dos et s’en va devant elle, le nez à sa fenêtre.
Mais alors que la maison de l’Escargot n’est qu’une humble demeure de village, la maison de certaines Tortues représente quelque palais à quarante étages des villes d’Amérique. Ne leur demandez pourtant pas de vous y loger: les Tortues ne prennent pas de locataires.
Le Porc-épic est un animal d’assez forte taille dont le corps porte de longs piquants acérés qui peuvent se coucher ou se redresser à volonté.
Jadis, dans les réunions d’animaux, le Porc-épic se faisait remarquer par sa joyeuse humeur: il était le boute-en-train de ces petites fêtes; galamment, il priait la Lionne de s’asseoir [p. 28] sur son dos; ou bien il proposait ironiquement au Singe de lui faire la courte échelle; puis il offrait à la Grenouille de faire avec lui une partie de saute-mouton.
Mais le Porc-épic est devenu triste: ses affaires, qui allaient bien du temps qu’il vendait aux écoliers ses piquants pour en faire des manches de porte-plume, périclitent depuis qu’on n’écrit plus guère qu’avec des machines.
Aussi pense-t-il bientôt demander au Créateur de remplacer ses piquants inutilisables par des touches de machine à écrire.
Avec ses deux bosses et son nez busqué, le Chameau pourrait être appelé le Polichinelle des bêtes.
Mais alors que Polichinelle a toutes sortes de vilains défauts, le Chameau n’a, au contraire, que des qualités.
[p. 30] Sa sobriété, sa force et son endurance le font regarder par les Arabes comme un cadeau du ciel.
Les Chameaux s’en vont en caravane: leurs grandes silhouettes, chargées de ballots, se découpent sur le ciel bleu, la caravane s’enfonce dans le désert: elle disparaît à l’horizon.
Après de longues journées de route à travers les sables ardents, elle arrivera enfin au caravansérail où les Chameaux pourront boire, manger et se reposer.
L’Autruche est le plus grand des oiseaux.
Mais c’est un oiseau qui court et qui ne vole pas.
Ses ailes, de petite envergure, peuvent tout au plus lui servir à se maintenir en équilibre lorsque son allure atteint quelque vitesse.
Les Autruches vivent par bandes dans les pays du sud de l’Afrique: elles sont recherchées par les chasseurs qui font le commerce de leurs plumes.
Deux longues pattes portent son corps empanaché, tandis qu’une petite tête chauve aux yeux clignotants termine son long cou.
L’Autruche n’est pas brave: lorsqu’elle craint un danger, elle croit se dissimuler en cachant sa tête dans le sable.
Ou bien elle se sauve à toutes jambes et arrive ainsi à dépasser la vitesse d’un cheval au galop.
Les œufs d’Autruche, qui sont très gros, sont aussi très estimés; c’est probablement pour ces raisons qu’on les imite en chocolat, surtout au moment de Pâques.
Le Lion est le plus puissant des carnassiers: sa tête énorme est couverte d’une épaisse crinière mal peignée qui retombe sur ses épaules. Son regard est imposant et son rugissement effroyable fait trembler ceux qui l’entendent.
Le Lion est appelé le roi des animaux.
Habituellement, lorsqu’un souverain parcourt ses États, la population entière accourt sur son passage. Au contraire, lorsque le Lion se promène dans son royaume, tous ses sujets les animaux se sauvent bien vite, de peur d’être dévorés.
L’homme en fait généralement autant et n’ose braver le Lion que lorsque de solides barreaux de fer le séparent de lui.
La Vache est, avec la poule, un des animaux les plus connus des petits enfants qui se nourrissent des œufs de l’une et boivent le lait de l’autre.
[p. 36] Les Vaches ont la tête surmontée de deux grandes cornes dont elles se servent rarement. Elles broutent avec placidité l’herbe des pâturages, ouvrant deux grands yeux qui semblent ne rien voir et meuglant de temps en temps pour appeler leurs Veaux. Ou bien elles se laissent traire docilement leur lait dont on fera aussi du beurre et du fromage.
Un beau jour, les Vaches partent en chemin de fer pour la ville voisine: leur viande est vendue à la boucherie, leur cuir sert à faire des souliers et leurs cornes se transforment en manches de couteaux, peignes et autres objets.
Les Perroquets sont les plus drôles des oiseaux: ils sont vêtus de couleurs riches, éclatantes et variées, dont l’ensemble forme un amusant bariolage.
S’aidant du bec et des pattes, ils grimpent dans les arbres, passent d’une branche à l’autre, jacassant, pérorant, se querellant, troublant d’un caquetage assourdissant le calme de la grande forêt tropicale.
Les Perroquets peuvent apprendre à parler, mais Jacquot ne comprend pas ce qu’il dit: [p. 38] aussi nous paraît-il le plus heureux des oiseaux: il a toujours bien déjeuné; il a toujours du bon tabac.
Parfois, pourtant, le pauvre Jacquot est bien triste.
Il est jaloux du phonographe qui, mieux encore qu’un Perroquet, peut raconter sans arrêt de longues histoires et nasiller d’interminables chansons.
Il y a les Lapins sauvages et les Lapins domestiques.
Les Lapins domestiques, appelés aussi Lapins de choux, vivent le plus souvent dans d’inconfortables et étroites cages grillagées, passant leur temps à grignoter des feuilles de choux, des carottes et des herbes diverses.
Les Lapins sauvages ou Lapins de garenne restent tout le jour dans leurs terriers et s’en vont, la nuit venue, dans les champs voisins pour y manger les jeunes récoltes.
Ils broutent aussi des plantes odoriférantes: ils sautent, courent, font de joyeuses cabrioles, prenant soin d’éviter le collet du braconnier ou les crocs du chien maraudeur.
Mais lorsque arrive la saison de la chasse, les Lapins ont fini de rire et de gambader: des hommes armés envahissent les bois et massacrent les pauvres bêtes, qui s’en vont dans une casserole achever en civet leur courte existence.
Les Lapins doivent rêver d’un monde idéal dans lequel, chasseurs à leur tour, ils tueraient à coups de fusil les hommes pour les cuire ensuite et les assaisonner en marinade ou en gibelotte.
La Grenouille vit dans tous les pays du globe. Elle passe la mauvaise saison au fond de la vase ou derrière des pierres. Elle revient au printemps coasser dans les mares et dans les étangs.
Accroupie sur une feuille de nénuphar ou cachée dans les roseaux, la Grenouille guette les insectes dont elle se [p. 42] nourrit. Elle a l’air d’un monsieur très gras qui aurait un gilet blanc sur son ventre débordant et d’énormes besicles sur ses gros yeux ronds. Mais qu’un pas se fasse entendre; l’eau clapote brusquement: la Grenouille a disparu.
La Grenouille avance en bondissant sur ses pattes de derrière qui se détendent comme des ressorts. Ces mêmes pattes, cuites de diverses manières, sont un mets délicat très recherché des amateurs. Mise dans un bocal, la Grenouille est aussi utilisée comme baromètre.
Pour pêcher la Grenouille, on lui jette un morceau de chiffon rouge dans lequel elle mord voracement; mais, par contre, au jeu de tonneau, elle n’ouvre jamais une bouche assez grande pour attraper les palets qui lui sont jetés: c’est une maladroite.
Les premiers navigateurs rapportèrent à bord de leurs caravelles de petits oiseaux aux couleurs étincelantes qu’ils avaient capturés en Afrique, en Amérique ou en Océanie. Mais comme, en ce temps-là, ces pays n’avaient pas encore de nom, on [p. 44] disait que ces marins revenaient des îles. Et ces mots évoquaient quelque pays lointain, mystérieux, plein d’ombre et de soleil, où vivaient des hommes étranges et des animaux fantastiques.
Les Oiseaux des îles habitent dans les pays chauds, au milieu des fleurs éclatantes dont ils ont les vives couleurs.
Ils sont habillés de rubis et de topaze, de saphir et d’émeraude, et portent de longues queues et de superbes aigrettes.
Pauvres petits Oiseaux des îles!!! C’est pour leur malheur qu’ils sont si jolis: car de belles dames les attendent pour en orner leurs chapeaux dès que la mode l’exigera.
Une voix avait dit: «Cet enfant est bête comme une oie.» Aussitôt, de longs cous blancs frémirent, des becs jaunes s'agitèrent et du troupeau des Oies, qui picoraient dans la cour de la ferme, s’élevèrent alors de vives protestations.
Les Oies ne sont pas aussi bêtes qu’on le raconte. Quand elles s’en vont en se dandinant, leur gros ventre en avant, l’air grave et prétentieux, elles savent bien choisir [p. 46] les prairies les plus grasses et les jardins les plus ombreux. Elles savent distinguer les pousses tendres et les raisins mûrs.
Et puis n’ont-elles pas jadis sauvé le Capitole!
Les Oies sont estimées pour les succulents rôtis et les délicieux pâtés de foies gras qu’elles nous donnent.
C’est avec leurs plumes qu’on fait les édredons.
Il existe aussi des histoires appelées "Contes de ma Mère l’Oye". Ces récits naïfs et malicieux charment depuis deux siècles tous les petits enfants de France.
Et les petits enfants se sauvent à toutes jambes. Ne [p. 48] connaissent-ils pas l’histoire du pauvre Chaperon rouge, la petite fille qui fut dévorée par un vieux et rusé Loup déguisé en bonne grand’mère?
Le Loup est de la taille d’un gros chien. Son pelage, ocré, se rapproche du roux en été et devient blanchâtre en hiver: il vit dans les forêts, mange le gibier, s’attaque aux troupeaux et même, quand il est affamé, à l’homme.
Petits enfants, prenez garde au Loup!
L’Âne est un animal patient et laborieux utilisé aux mêmes usages que le cheval.
Il a une grosse tête qu’ébouriffe une couronne de poils frisés et qui est surmontée de deux grandes oreilles; ses pattes fines sont terminées par un petit [p. 50] sabot. Il brait bruyamment pour demander à boire ou à manger.
L’Âne est l’animal dont la marche est la plus sûre; il peut côtoyer les précipices les plus dangereux sans risquer de tomber: il est sobre, robuste et fort, mais entêté.
L’Âne a néanmoins une détestable réputation: les petits paresseux, qui ont mal travaillé, sont coiffés d’un "bonnet d’âne". Certaines questions, que les ignorants ne savent résoudre, s’appellent "Pont aux ânes". Il ne faut pas confondre le "pont aux ânes" avec le pont en dos d’âne, appelé ainsi à cause de sa construction.
Si les Chats savaient écrire, ils pourraient, parodiant le texte de M. de Buffon, s’exprimer ainsi en parlant de l’homme:
«La plus noble conquête que le chat ait jamais pu faire est celle du citadin, de l’homme des villes qui garde pour lui seul les fatigues du travail pour réserver à son maître le chat les douceurs du repos. Le citadin [p. 52] protège le chat, pourvoit à son logement, à sa nourriture; docile autant que doux, il abandonne à son tyran les meilleurs fauteuils, les plus moelleux coussins, les morceaux les plus succulents; et, non seulement il fléchit sous la griffe de celui qui le gouverne, mais il semble consulter ses désirs, et, obéissant aux impressions qu’il en reçoit, il se précipite, se modère ou s’arrête.»
Car, pour complaire au despote qu’il s’est choisi, l’homme court, se met à quatre pattes, dévide du fil, joue à cache-cache, rampe sous les meubles, tient de ridicules discours; ou bien, assis, immobile, il se tait et évite avec soin de faire le moindre mouvement qui pourrait troubler le sommeil du Chat qui dort sur ses genoux.
Bête de somme, bête de trait, bête de selle ou bête de luxe, le Cheval a la vie la plus dure qui soit: il tire, il [p. 54] porte, il court, il est entravé, il est battu, ses flancs saignent sous les coups d’éperon; et puis, un jour, il tombe sur un champ de bataille ou meurt lamentablement au coin d’une rue ou au bord d’un fossé.
Dieu des Chevaux, il faut que pour ceux-là il soit un paradis, un paradis de gazon vert et tendre dans lequel, loin des mors, des harnais, des fouets et des cravaches, les Chevaux pourront s’ébattre et se reposer.
Mais les âmes des Chevaux méchants ne connaîtront jamais le repos ni le calme. Attachées pour l’éternité au volant d’un moteur, ces âmes damnées, devenues chevaux-vapeur, tireront des voitures, porteront des fardeaux, parcourront à toute vitesse les routes de la terre et du ciel avec les automobilistes et les aviateurs.
Dieu des Chevaux! Votre justice est terrible.
Le Mouton est un animal doux et borné. Il est vêtu d’une épaisse toison de laine. Cette laine est tondue tous les ans et sert à faire les vêtements dont nous sommes couverts.
[p. 56] Les Moutons vivent en troupeau; leur maison s’appelle la bergerie. Comme ils sont incapables de se guider et de se défendre contre leur ennemi légendaire le Loup, le troupeau de Moutons, qui s’en va bêlant et broutant sur les chemins, est conduit par un berger et gardé par des Chiens.
Les petits Moutons, qui jouent et folâtrent autour de leurs mères les Brebis, s’appellent des Agneaux.
Après une vie heureuse, mais monotone, les blancs Moutons deviennent gigots, côtelettes et ragoûts; et personne ne pense plus à eux.
On désigne généralement sous le nom de "Baleines" tous les genres de Cétacés: Baleinoptères, Rorquals et autres.
Les Cétacés sont des mammifères marins de grande taille qui vivent dans les mers froides et descendent parfois vers les côtes des régions tempérées.
Les Baleines ne sont pas des poissons d’appartement, sinon pour celui de Gargantua, fils géant de Pantagruel. Elles atteignent de trente à trente-cinq mètres de long et pèsent jusqu’à cent cinquante mille kilogrammes. Malgré leur large bouche elles ne peuvent se nourrir que de petits poissons tellement leur gosier est étroit.
On les chasse au harpon: on les tue, on leur coupe la tête pour en retirer les fanons, grandes lames cornées qui garnissent leur bouche; on fait fondre leur corps pour se procurer leur graisse qui est employée dans l’industrie.
Le Dieu des animaux créa le Tigre, puis le Zèbre.
Le Tigre était très fier de son pelage rayé.
Lorsqu’il vit le Zèbre qui portait, lui aussi, une robe rayée, il entra dans une grande rage.
Il se précipita sur le Zèbre et le mordit cruellement.
Le pauvre animal se cabra et hennit de douleur.
Et le Dieu des animaux entendit sa plainte.
Il prit la bête blessée, la mit de l’autre côté de la terre et, d’un coup de pouce, creusa l’océan Indien.
C’est pourquoi, en Afrique, le Zèbre vit en paix loin de son ennemi le Tigre qui ne peut quitter l’Asie.
L’image du Zèbre orne le plus souvent la dernière page des alphabets illustrés dans lesquels les petits enfants apprennent leurs premières lettres.
Il n’y a pas bien longtemps, des explorateurs partis à la découverte du Pôle Sud furent pris par les glaces dans les mers australes.
Le médecin du bord ne manquait pas d’écrire chaque jours ses tristes impressions.
En voici quelques-unes.
Mardi. | — De la neige, de la glace, des ours blancs, des phoques. |
Vendredi. | — De la glace, des phoques, de la neige, des ours blancs. |
Lundi. | — Des phoques, des ours blancs, de la glace, de la neige... C’est lamentable... |
Mercredi. | — Des ours blancs, de la neige, des phoques, de la glace... Quelle horreur!!! |
Samedi. | — Des Pingouins!!! Quels drôles d’oiseaux... Jamais je n’ai tant ri... Ce qu’on s’amuse, au Pôle Sud... |
Le Crocodile est un hideux animal qui ressemble à un gros lézard.
Au bord des larges fleuves d’Afrique, les Crocodiles sommeillent, allongés sur les rives ou enfouis dans la vase. Ils se confondent avec les troncs d’arbres échoués dont ils ont la couleur et l’immobilité.
Mais une bête passe près d’eux: [p. 64] brusquement, une mâchoire formidable s’ouvre, la saisit, et tout disparaît au fond de l’eau.
Le Crocodile vit en Afrique, en Asie et en Amérique: son corps, entièrement recouvert d’une cuirasse résistante, est à l’abri de la balle. Sa gueule énorme est armée de dents acérées. Il engloutit facilement des animaux de forte taille avec lesquels il ne craint pas d’entrer en lutte. Le Crocodile est vif et agile lorsqu’il cherche sa nourriture. Il devient incapable de bouger quand il est repu.
Dans l’antiquité, les Égyptiens le considéraient comme un animal sacré et lui prodiguaient, de loin, les marques d’un grand respect.
Et il faut souhaiter aux touristes qui voyagent en Égypte de ne jamais avoir l’occasion de visiter l’intérieur d’un de ces monstres comme le leur proposent parfois des guides facétieux.
Paris.—Imp. Paul Dupont (Cl.).—4.7.1925
Au lecteur
Ce livre électronique reproduit intégralement le texte original, et l’orthographe d’origine a été conservée. Quelques corrections mineures ont été apportées à la ponctuation.