Title : Observations sur l'organisation des postes et messageries, présentées au Corps législatif
Author : Joachim de Pérez
Release date : August 16, 2022 [eBook #68764]
Language : French
Original publication : France:
Credits : Adrian Mastronardi, Claudine Corbasson and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive)
CORPS LÉGISLATIF.
PRÉSENTÉES
AU CORPS LÉGISLATIF,
Par Joachim PEREZ (du Gers), Membre du Conseil des Cinq-Cents.
Vous avez à prononcer sur une question d’un intérêt majeur, vu qu’il s’agit d’adopter un mode qui rende profitable pour le trésor national une partie importante de l’administration publique, dont la gestion exige depuis quelque temps des sacrifices très onéreux pour nos finances.
Pour atteindre ce but, également utile & nécessaire, deux moyens vous sont offerts. Le premier, vous le trouvez dans la motion d’ordre de notre collègue Delaunay (d’Angers), qui vous invite à supprimer l’organisation actuelle des postes & messageries, & à consentir un bail à ferme pour ces deux genres d’administration.
Le second vous est présenté dans le rapport de votre commission, qui vous propose de confier cette gestion à une régie intéressée, à laquelle vous accorderez une prime déterminée 2 sur le produit des rentrées qui excéderont une somme qui sera stipulée par le gouvernement.
Mais, avant d’asseoir votre décision en faveur de l’un des projets que vous allez discuter, il est essentiel que l’on vous mette à portée de connoître les avantages ou les inconvéniens que chacun d’eux peut présenter dans son exécution: c’est-là l’objet que je tâcherai de remplir dans les développemens précis que je vais vous soumettre.
J’entre en matière.
On vous dit d’abord, à l’appui du systême de ceux qui demandent que la direction des postes & messageries soit confiée à des entrepreneurs, ou fermiers généraux, que la première & la principale cause de dépérissement de cette partie d’administration publique se trouve dans son organisation actuelle; que l’expérience a démontré que le systême financier le plus onéreux à un État est celui qui confie les parties des finances à des régies ou administrations nationales; que cela est inévitable, par la raison que, dans une régie, les frais inséparables de la comptabilité absorbent les produits, & que d’ailleurs la multiplicité des agens qu’on crée sans nécessité, ne sert qu’à entraver les rouages de la machine, qui est toujours très-simplifiée en ferme, & surcharge, en pure perte, le trésor national du paiement de traitemens inouis qu’il faut distribuer à une nuée d’oisifs.
Les défenseurs du systême de l’entreprise générale doivent être d’assez bonne foi pour avouer que la dépréciation du signe monétaire, & l’amovibilité des administrans, qui ont été changés cinq fois depuis le premier mai 1792, sont la cause radicale du dépérissement de la partie des postes & messageries; que ce double inconvénient disparoîtra au moyen de l’exécution du tarif nouvellement décrété, qui fournira au gouvernement le moyen de faire correspondre les recettes avec les dépenses.
Et en maintenant dans leurs fonctions ceux des administrateurs que l’on jugera aptes & nécessaires pour gérer, en qualité de régisseurs intéressés, cette partie d’administration publique, il sera très facile d’obtenir que les frais de comptabilité soient réglés avec la même exactitude qu’ils pourroient l’être si elle étoit livrée à l’entreprise, parce que, 3 dans l’espèce proposée, les régisseurs, qui seront de vrais actionnaires, seront respectivement intéressés à ce que la machine soit dirigée de la manière la plus sage, la plus économique, & conséquemment la plus profitable à leurs intérêts, qui seront liés à ceux de la République.
On dit ensuite que le systême de régie qui étoit admis sous la Convention nationale, a désorganisé les finances de la République dans un grand nombre de ces parties; que le Directoire, instruit par les leçons d’une fatale expérience, vient de donner à l’entreprise les fournitures des armées, qui auparavant étoient en administration; que le Corps législatif ne sauroit trop se presser d’adopter cette mesure pour les postes & messageries; que d’ailleurs, lorsque cette partie étoit, avant la révolution, livrée à l’entreprise, un seul individu la surveilloit, & chacune des parties de cette administration étoit bien remplie, tandis qu’aujourd’hui, avec douze administrateurs, qui sont environnés d’une armée d’employés & de principaux commis, aussi multipliés qu’ils sont oisifs, on n’a pu obtenir depuis deux ans le compte de la gestion des deniers publics qui ont été engloutis dans ce gouffre sans fond.
Je réponds que c’est à tort que l’on voudroit, à l’appui du systême proposé, inférer que, vu que le Directoire exécutif a donné à l’entreprise les fournitures des armées, qui auparavant étoient en administration, vous devez en faire de même pour les postes & messageries.
On doit mettre une très-grande différence entre une gestion qui embrasse une perception de deniers pour le compte de la République, & celle qui a trait à des objets d’approvisionnement, tels que vivres, fourrages, habillemens. Ces fournitures ne peuvent, d’après nos lois constitutionnelles, être en régie; elles sont du ressort du commerce. Il faut que les corps administratifs, chargés de pourvoir aux quantités nécessaires pour les besoins du service public, se procurent des fournisseurs avec lesquels ils traitent à des prix débattus au rabais. Mais, pour les parties de perception susceptibles de variations, suivant les circonstances, & celles d’exploitation intimement liées avec les relations politiques du gouvernement, il seroit très-inconvenant de ne pas les faire régir pour son compte; car, d’une part, si on afferme les perceptions, 4 le gouvernement ne pourra faire les réductions que l’intérêt public pourra exiger, sans se mettre dans l’obligation d’indemniser les fermiers. S’il veut tenter des moyens d’amélioration, les fermiers ne prendront pas des présomptions pour des réalités, & n’augmenteront pas les prix de leur bail. D’ailleurs, il est des circonstances, comme dans l’espèce qui nous occupe, où l’autorité seule du gouvernement peut effectuer ce que des fermiers ne pourroient ni ne voudroient tenter. La partie des postes & messageries exigeant de grandes avances pour des objets qui servent de levier à la recette, il est nécessaire que le gouvernement les régisse pour son compte, parce qu’au moyen de ces avances il donnera de l’extension aux produits qui bénéficieront pour la République; tandis que des fermiers, se bornant à celles strictement nécessaires pour soutenir seulement le service, feroient leur profit des avances d’un capital de deux millions numéraire que le gouvernement leur feroit, en leur cédant le mobilier relatif à cette administration.
J’observe ensuite que les défenseurs du systême de l’entreprise se sont trompés, ou étoient mal instruits, lorsqu’ils ont avancé qu’à l’époque où les postes & messageries ont été données à l’entreprise, un seul individu étoit chargé de leur surveillance. Il est de fait qu’à l’époque qu’ils citent, il existoit un surintendant général des postes, qui travailloit directement avec le ci-devant roi, & dont la surveillance supposée planoit sur douze administrateurs ou fermiers secondaires qui faisoient aller la machine, avec cette différence qu’il existoit alors, dans les messageries seulement, dix bureaux d’expédition, tandis qu’aujourd’hui il n’y en a que sept qui vont encore être réduits, & que la correspondance, qui formoit quatre divisions, ne forme aujourd’hui qu’un bureau.
Je dois relever ici une assertion calomnieuse qui a été avancée à cette tribune, lorsqu’on vous a dit que, depuis deux ans, des commissaires liquidateurs, chargés de vérifier les comptes à rendre par la régie des postes & messageries, n’avoient pu encore les obtenir, tandis qu’il est constant que l’administration actuelle, qui est la cinquième depuis le premier mai 1793, & qui n’est entrée en fonctions que le 22 thermidor an 3, a rendu, le 27 messidor dernier, son compte 5 général, qui remontoit au premier messidor an 3, parce qu’elle s’étoit chargée de la comptabilité de celle qui l’avoit précédée, & qui avoit été installée cinq décades avant elle. Le fait que j’avance, & qui peut être vérifié chez le ministre des finances, chez qui le compte précité a été déposé, prouvera au citoyen Delaunay qu’il a été étrangement trompé par les renseignements qui lui ont été fournis, à moins qu’il n’ait entendu parler de la morosité des trois administrations successives révolutionnairement constituées, & dont l’installation a été antérieure au premier messidor an 3. Dans ce dernier cas, je déclare que je n’entends pas être ici leur défenseur officieux.
Il a ajouté ensuite qu’avant la révolution les postes & messageries versoient douze millions numéraire dans les caisses publiques; que la partie des messageries produisoit seule, en 1793 (v. st.), 600,000 liv. écus; que ces produits auroient été bien plus considérables, si, ainsi que cela peut se pratiquer actuellement, les messageries avoient été établies dans la Belgique, dans le pays de Liége & le ci-devant duché de Luxembourg; mais que, par le vice de l’organisation actuelle, le gouvernement a sacrifié en pure perte, pour la partie seule des messageries, 185 millions assignats, jusqu’au mois de floréal an 4, & deux millions mandats jusqu’à ce jour; qu’en 1793 les messageries, qui étoient affermées, avoient un service qui étoit dans la plus grande activité, & sur toutes les routes de la République, tandis qu’aujourd’hui il n’existe qu’un service réduit au moins des trois quarts, & de beaucoup insuffisant pour les besoins du gouvernement, des particuliers, & des armées qui sont aux frontières.
Qu’en 1775 les messageries, qui produisoient, en prix de ferme, 900,000 liv., coûtèrent plusieurs millions de perte à la France, parce que le ministre Turgot cassa le bail & les mit en régie; que, le premier septembre 1776, les messageries, remises en ferme moyennant un million, reprirent leur activité; mais qu’en 1778 le ministre Necker les mit successivement en régie simple & en régie intéressée, & que ces administrations ne purent soutenir le service. D’après ces considérations, il a proposé de supprimer l’administration 6 actuelle, & de substituer à la régie le systême de l’entreprise.
Je veux, avec Delaunay, que les postes & messageries produisissent, avant la révolution, douze millions numéraire au trésor national; mais il auroit dû vous dire aussi qu’à cette époque la nation ne payoit à chaque maître de poste que trois sous par cheval pour la conduite des malles, tandis qu’aujourd’hui, d’après une loi rendue par le Corps législatif le 6 nivôse dernier, on leur paie trente sous en numéraire, & que même avant cette dernière époque on leur payoit, vu la dépréciation du signe monétaire, des sommes qui excédoient la recette du gouvernement en raison de trois cents capitaux pour un. Il auroit dû vous dire qu’on avoit circonscrit l’administration dans les bornes d’un tarif qui l’obligeoit de prendre en recette, valeur nominale, & ensuite au cours de 75 pour un, un papier monnoie qu’elle n’a pu employer dans les dépenses qu’en éprouvant une perte successive de 150, 200 à 300 & plus pour un. D’après ces données qu’il ne sauroit contester, a-t-il pu raisonnablement attribuer aux individus chargés de l’exécution de vos lois les pertes énormes qui ont grevé le trésor national? Je lui demanderai si des fermiers ou entrepreneurs, avec toute l’industrie et l’économie qu’il voudra leur supposer, auraient pu empêcher l’effet désastreux qui devoit nécessairement résulter de toutes les mauvaises mesures qu’on vous a fait adopter sur cette partie essentielle de vos finances.
Je lui demanderai enfin si c’est par la faute des régisseurs, qui n’ont cessé de faire solliciter le Corps législatif de décréter des tarifs qui pussent balancer les recettes avec les dépenses, qu’on vous a constamment empêchés d’adopter cette sage mesure.
Ces explications, j’espère, répondent péremptoirement à l’observation qu’il nous a faite dans sa motion d’ordre, lorsqu’il nous a dit que vous verrez dans les registres des ordonnances du ministre des finances que le gouvernement a sacrifié pour la partie seule des messageries 185 millions assignats jusqu’au mois de floréal an 4, & deux millions mandats jusqu’à ce jour. Tous les gens de bonne foi reconnoîtront que ces pertes proviennent, non pas de ce que les messageries étoient en régie, mais bien de ce qu’il étoit défendu 7 aux administrateurs de recevoir des valeurs réelles: ils jugeront également du mérite des diatribes, gratuitement calomnieuses , qui ont été dirigées contre ces derniers par nos collègues Defrance & Dubouloz dans l’opinion qu’ils ont émise à la tribune du Conseil des Cinq-Cents.
Cette vérité sera bien mieux sentie si l’on consulte le compte rendu par l’administration le 19 messidor dernier, où l’on verra que si la recette eût été faite au même cours que la dépense, il y auroit eu un bénéfice de plus de huit millions, qui, réduit en valeurs réelles, n’eut pas été bien considérable, parce que tous les services étoient désorganisés.
J’accorde à Delaunay qu’en 1793 les messageries, qui étoient affermées, avoient un service très actif sur toutes les routes de la République; mais il ne me contestera pas, j’espère, que ce même service, qui fut mis en régie le premier mai de la même année, soutint son activité tant que le papier-monnoie conserva son crédit, & jusqu’au moment auquel la faction anarchique du 31 mai secoua ses brandons destructeurs sur toutes les parties de l’administration publique. Celle des messageries ne tarda pas à se ressentir des effets de sa fatale influence; bientôt tous les ressorts furent rompus, l’insubordination fut portée à son comble; on bouleversa la machine, parce qu’on voulut multiplier les places, dans un temps où le patriotisme étoit aux enchères, & où les membres du gouvernement, périodiquement renouvelés, distribuoient à leur avènement, dans toutes les places administratives, des hommes, leurs créatures, qui n’ont eu d’autre mérite pour la plupart que celui de révolutionner les finances de la République.
Je demanderai à Delaunay s’il croit que des entrepreneurs ou fermiers eussent voulu soutenir le choc de toutes les convulsions ruineuses auxquelles la partie des messageries a été livrée en proie: à coup sûr ils l’eussent abandonnée; ou s’ils n’eussent osé le faire de crainte d’être envoyés aux boucheries de Fouquier-Tinville & compagnie, le service eût été bientôt détruit, parce que leurs facultés, quelque considérables qu’elles eussent été, n’auroient pu y suffire. La régie, contre laquelle on crie tant aujourd’hui, a néanmoins résisté à tous ces contre-temps & à tous ces revers révolutionnaires, à force de soins, d’efforts 8 & de sacrifices; elle a su conserver les communications les plus importantes, même en les réduisant à journées réglées; & si, comme on l’a dit, le service se traîne dans cet état de langueur qui afflige tous les vrais amis de la patrie, on doit attribuer ce mal inévitable à l’absence des fonds en valeurs réelles, qui pouvoient seuls maintenir son activité. Depuis les nouveaux tarifs que vous avez adoptés, plusieurs routes sont remises en activité, les autres suivront successivement. Ce n’est pas d’ailleurs dans un espace de temps aussi court que vous pouvez juger de l’avantage d’une amélioration dans une entreprise; les vrais financiers savent qu’elle doit durer plusieurs années pour être utile: les premières sont coûteuses, parce qu’il faut la monter; les suivantes, les recettes & les dépenses se balancent; les dernières seules amènent le bénéfice.
Ces développemens expliquent les motifs ou les causes de cette perte de plusieurs millions qu’éprouva le gouvernement sous le ministère de Turgot, qui avoit mis les postes & messageries en régie, parce que l’on vous présente comme une perte supportée par le trésor public, ce qui n’étoit que la représentation d’un grand nombre d’effets constitutifs du nouveau genre d’organisation que ce ministre voulut établir sur cette partie, & dont les heureux effets devoient ressortir dans l’espace de plusieurs années, ainsi qu’il l’avoit déterminé, au lieu que son plan fut détruit avant que de recevoir son exécution. Ce raisonnement s’applique à toutes les régies qui ont suivi; & il n’est pas surprenant que, sous le ministère de Necker, le service en régie ne pût le soutenir, attendu que ce dernier eut la gaucherie de prendre ses régisseurs parmi les ci-devant fermiers, qui étoient intéressés à ne pas faire prospérer la régie, pour prouver au gouvernement la nécessité de les indemniser, comme fermiers qui n’avoient pu acquitter leur bail. Ici vient naturellement se placer la réponse à l’assertion de Delaunay, qui vous dit qu’en 1776 les messageries furent affermées à un million.
Si la cupidité porta certains jongleurs à offrir cette somme au gouvernement, il est aussi constant qu’elle ne lui a jamais été payée, & que dans toutes les fermes qui ont eu lieu, depuis cette époque jusqu’au premier avril 1791, le gouvernement 9 a été obligé de faire aux uns remise du prix de leur bail, & qu’il a fallu accorder aux autres des indemnités très considérables; en sorte que le trésor public n’a jamais rien bénéficié, au contraire; que si le bail Dequeux a eu quelque bénéfice disséminé entre quatre cents associés, c’est que les frais de transport des fonds publics, voiturés pour le compte du gouvernement, commençoient à être très considérables. Aussi est-ce le motif qui a déterminé la mise en régie, au premier mai 1793.
Combien le gouvernement n’a-t-il pas économisé depuis, tant pour ce transport, que pour celui du salpêtre, des cloches, de l’argenterie des églises, puisqu’il n’a rien payé, & que, malgré la loi du 6 nivôse, qui obligeoit toutes les administrations à payer le prix de port, la trésorerie n’a encore rien payé? Combien l’économie sur les fonds publics eût été plus considérable, si vous aviez décrété plutôt un tarif proportionné comme vous l’avez fait le 26 thermidor?
C’est au moment où le gouvernement peut amplement se dédommager des pertes énormes qu’il a essuyées par l’éruption du volcan du 31 mai, que l’on vient vous proposer de lui en ôter le moyen. Voudrez-vous sans cesse vous livrer en butte aux convulsions de cette amovibilité destructive de tout systême administratif & financier? Pourriez-vous vous roidir ainsi de sang froid contre les préjudiciables effets qui devront nécessairement ressortir de l’adoption d’une telle mesure? Ne sait-on pas que c’est à cette instabilité désastreuse qu’est due, en grande partie, cette affligeante détresse que vous éprouvez sur vos finances? Abjurons, citoyens collègues, abjurons pour toujours ces erreurs que, jusqu’à ce moment, on nous a fait consacrer comme des principes; songeons aux grands intérêts dont la surveillance nous est confiée; rappelons-nous que nous devons les gérer en bons pères de famille; conséquemment ne livrons point avec légéreté à la merci de spéculateurs avides une partie essentielle des receveurs publics; & puisque nous sommes parvenus, en asseyant un gouvernement constitutionnel, à rétablir ce juste équilibre qui auroit toujours dû balancer nos opérations politiques, occupons-nous d’y mettre la dernière main, en donnant la meilleure constitution possible à toutes ses parties.
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Il est temps que le gouvernement songe à se faire des revenus, à multiplier les canaux qui les améneront au trésor national; mais il seroit impolitique & très-dangereux de confier cette régénération à l’impuissance, à l’incapacité ou à l’arbitraire de certains particuliers, dans un moment surtout où deux factions coalisées combinent tous leurs moyens & tous leurs efforts pour opérer le renversement de la Constitution républicaine de l’an 3.
C’est donc le gouvernement lui-même qui, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, doit établir & faire régir, en bon père de famille, pour le compte de la nation, les parties qui doivent devenir productives.
A cet effet, il doit s’occuper à extirper tous les abus qui se sont glissés jusqu’à ce jour dans les administrations; il faut lui imposer l’obligation de faire, dans celle dont nous discutons la réorganisation, toutes les réductions qu’il croira nécessaires sans nuire au bien du service; il faut qu’il choisisse des hommes pour les places, au lieu de créer des places pour les hommes; il est instant, enfin, de séparer l’ivraie du bon grain. En adoptant cette sage mesure, & secondés dans l’exécution par l’active surveillance du ministre des finances, qui sera le premier régisseur responsable, vous devez vous promettre de faire verser dans le trésor national, des produits réels, tandis que, dans le systême proposé de l’entreprise, qui ne seroit que la répétition de celui qui a existé depuis 1776 jusqu’au premier avril 1791, vous vous exposeriez à grever vos finances de pertes très-considérables, après avoir dépouillé la nation d’un mobilier que vous ne pourriez peut-être point recouvrer, & qui est évalué à deux millions numéraire.
D’après ces considérations, je vote pour la priorité à accorder au projet présenté par la commission, en faisant dans la réorganisation qu’on propose, toutes les réductions qui pourront être opérées sans nuire au bien du service.
A Paris , de l’Imprimerie de Baudouin , Imprimeur du Corps législatif, place du Carrousel, n o . 662.
Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version originale.